La protection des minorités et ses paradoxes
p. 357-371
Texte intégral
Introduction
1On pense d’ordinaire la protection des minorités dans le prolongement de celle des droits de l’homme. Un groupe minoritaire se trouve souvent composé d’individus susceptibles d’être persécutés par la majorité, plus puissante, en raison de leurs caractères propres. Cette remarque conduit immédiatement à déterminer plus précisément la notion de « minorité » en cause : il ne s’agit pas du résultat normal et inévitable du jeu démocratique, lequel se solde par l’existence d’une majorité qui gouverne et d’une minorité qui ne « fait » pas la loi ; en effet, dans ce cas de figure, il n’est pas nécessaire que la minorité possède des traits culturels distinctifs qui lui donnent, par rapport à la majorité (ou à d’autres groupes), une « identité » particulière : au contraire, la vie démocratique suppose toujours une certaine homogénéité, représentée par l’idée de nation, sans laquelle la société se tribaliserait quasi inéluctablement. Mais justement, la question se pose de savoir ce qu’il faut faire, dans des sociétés qui, de fait, sont multiculturelles, pour éviter qu’un groupe plus faible (souvent, il est en même temps quantitativement minoritaire) se trouve dans l’incapacité de se développer en conformité avec ses traditions, sa langue, sa ou ses religion(s), bref sa culture.
Les minorités et la démocratie
2La question a toujours été complexe, parce qu’il s’agit ici d’une difficulté intrinsèque tant à la philosophie démocratique qu’à la philosophie des droits de l’homme. La première suppose, pour que se fasse jour la « volonté générale » (ou sa meilleure approximation), une discussion, une délibération qui ne peut avoir lieu si les sous-groupes de la société ne communiquent pas les uns avec les autres, c’est-à-dire s’ils se définissent de façon exclusive par des traits qui les séparent les uns des autres. La vie démocratique implique à la fois les divergences d’opinions sur le bien commun et un certain accord sur ce qui rassemble tous les citoyens par-delà les clivages ; elle présuppose une liberté de « dissidence », d’hétérodoxie, en même temps qu’un engagement commun pour la chose publique, la respublica, l’« affaire » de tous ; elle requiert donc que je reconnaisse l’autre comme à la fois différent de moi et identique à moi, que je le considère comme un interlocuteur, comme un égal, et qu’entre nous puisse régner la « force du meilleur argument » (Habermas). Or selon Alasdair MacIntyre, les groupes culturels se distinguent non seulement par les valeurs différentes qu’ils promeuvent, mais aussi par l’idée qu’il se font de ce qui constitue un argument valide1 : dans une telle perspective, il semble impossible de mener une discussion « transculturelle », puisque l’argumentation est elle-même totalement relative aux valeurs des groupes et ne peut donc constituer un terrain neutre de rencontre et de coopération (le « tribunal de la raison »).
3Ainsi n’est-il pas du tout évident, aux yeux des défenseurs cohérents de la démocratie, de plaider à tout crin en faveur des « identités » des groupes, et en particulier de « figer » les minorités dans leur être propre. Ne vaudrait-il pas mieux, au contraire, agir en faveur de l’assimilation du groupe minoritaire à la culture du groupe majoritaire ? N’est-ce pas inéluctable si l’on veut créer et maintenir une nation, base nécessaire de la vie démocratique ? Telle est par exemple la position des pays d’Amérique latine, pays d’immigration qui ont toujours refusé la formation de minorités « nouvelles » dans leurs pays, au nom d’une assimilation théoriquement destinée à garantir au mieux l’ascension individuelle et le rejet des discriminations. Ce sont les gouvernements de ces pays qui ont fait pression pour que l’article du Pacte de l’ONU relatif aux droits civils et politiques qui concerne les minorités contienne le membre de phrase : « Dans les Etats où il existe des minorités... »2. Et l’idée française d’assimilation républicaine va dans le même sens3. Mais on peut soutenir à l’inverse qu’une société monoculturelle s’affaiblit, s’appauvrit : plus l’homogénéité est forte, moins il y a de chances que les individus rencontrent l’altérité, sous la forme d’un autre homme ayant vécu les mêmes problèmes (naissance, amour, pouvoir, maladie, mort...) dans un contexte tout différent. Cette différence a en effet ceci de positif qu’elle leur permet de relativiser leurs opinions sur la vie bonne : si cet « Autre », homme comme moi, peut atteindre une certaine « sagesse » sans jouir d’avantages que je considérais auparavant comme une conditio sine qua non du bonheur et de l’accomplissement, je prendrai une certaine distance par rapport à mes préjugés et accéderai à une compréhension plus profonde de ce que c’est que d’être un homme. Si bien que nous voilà confrontés à une sorte de dilemme philosophique : l’existence de cultures différentes constitue à la fois un danger et une chance pour la vie démocratique. Danger : comme nous l’avons vu, la multiplicité des appartenances de groupes, des identités, fait obstacle à l’avènement d’une communauté démocratique ; chance : cette multiplicité est la garante d’une prise de distance par rapport à soi, sans laquelle il n’est pas de formation individuelle et citoyenne. C’est bien sûr la notion de multiplicité ou de pluralité qui porte le poids de la difficulté. En effet, une chose consiste à parler d’intégration des individus provenant de traditions différentes, une autre à défendre une simple coexistence de groupes « a priori » constitués ; dans le premier cas, c’est l’« enrichissement » qui domine, puisqu’une communauté démocratique se forme à partir de la pluralité : c’est par la mise en commun des différences que l’on apprend à se connaître (en se voyant en quelque sorte soi-même du dehors). Dans le second cas en revanche, la pluralité constitue un obstacle à la communication et à l’apprentissage : je n’apprends rien de cet autrui qui, pour moi, constitue un « barbare », dont l’identité est formée à partir d’un « code » radicalement autre. On voit donc que la démocratie se nourrit d’une certaine pluralisation culturelle des sociétés : le monoculturalisme appauvrit, mais le multiculturalisme d’exclusion nie nécessairement l’espace public.
Les minorités et les droits de l’homme
4On ne peut donc parler de « protection des minorités » sans prendre en considération les questions philosophiques de la démocratie. Il en est de même pour la philosophie des droits de l’homme. Dans ce cas-ci, la difficulté résulte d’une opposition quasi inévitable entre le caractère « individualiste » des droits de l’homme et la tendance « collectiviste » de l’approche en termes de minorités. Nathan Lerner4, l’un des meilleurs spécialistes actuels des group rights en droit international, a repris la distinction, élaborée par Tönnies (et réutilisée récemment par Eugene Kamenka et Alice Tay5), entre la Gesellschaft (société) et la Gemeinschaft (communauté). La première concerne les associations de type contractuel et volontaire, la seconde les groupes ancrés dans une tradition rattachée, d’une manière ou d’une autre, à la transcendance (ou en tout cas à une identité « forte », imprégnant profondément la vie collective). La Gesellschaft est individualiste au sens où le « tout » formé par le contrat n’est pas ontologiquement plus riche que les parties (les individus) : l’idée en est bien représentée par la phrase de la Déclaration américaine d’indépendance stipulant que les sociétés ne sont instituées que pour garantir les droits naturels de l’homme6 ; c’est d’ailleurs dans ce contexte qu’est ouvert, depuis (pour aller vite) Locke7, un droit de résistance à l’oppression : quand s’instaure la tyrannie, la société politique n’existe plus par le simple fait que le pouvoir viole les droits de l’individu. Mais pour tous les auteurs qui ont considéré que, dans l’association politique, se jouait plus et autre chose que la défense des droits individuels, ce droit de rébellion s’est vu affaibli : l’ordre politique était, à divers degrés, considéré comme un Tout dont la nature ne se réduisait pas aux droits des « parties », bref comme une Gemeinschaft (principe holistique). Or Lerner indique bien que, dans le cas des Gesellschaften, les droits individuels suffisent8 : il n’est nul besoin d’y adjoindre des protections spécifiques du groupe minoritaire. En effet, le droit de former des « sociétés » est l’un des droits individuels fondamentaux, et, pour éviter qu’il ne soit mis en danger, il suffit de garantir ces derniers. Il en va différemment en ce qui concerne les Gemeinschaften : une langue, une religion, une culture, ne sont que très peu à la « disposition » de la volonté individuelle ; elles s’enracinent dans une histoire, une tradition, bref tout un processus lentement formé et transmis, constitutif de l’identité des hommes. Certes, on n’est pas obligé de penser ce processus de constitution de façon radicale (dans un tel cas, rien n’y échapperait, l’individu serait fils de son histoire), ce qui nous ramènerait aux paradoxes de la coexistence et du multiculturalisme « à l’américaine »9 mentionnés ci-dessus. Il reste que, même si l’individu est susceptible de (et doit peut-être nécessairement, pour accéder à lui-même) prendre ses distances par rapport à son environnement culturel, il le fait nécessairement, disent les « communautariens »10, à partir de ce même contexte : sans ce dernier, il ne disposerait d’aucune base de choix, il ne pourrait se « poser » (se projeter, choisir une orientation) dans la mesure où il se trouverait dans l’incapacité de s’« op-poser » à quelque chose. Hannah Arendt a bien décrit, dans Les origines du totalitarisme, le désarroi de celui qui se trouve privé de « sens commun », atomisé, incapable de s’appuyer sur une tradition, fût-ce pour tenter de la dépasser (aufheben). L’individu ne pourrait donc se déterminer sans un contexte culturel qui, comme l’avait déjà souligné Burke, ne se crée pas dans la solitude, par le fiat de la volonté individuelle souveraine11. C’est la raison pour laquelle il y a, selon les communautariens, un élément irréductible de Gemeinschaft dans toute détermination de l’identité individuelle, fût-elle la plus « libérale », c’est-à-dire la plus centrée sur l’autonomie individuelle. On se trouverait donc ici en présence d’une coappartenance éminemment paradoxale entre l’individualisme de l’autonomie (toute loi n’est jamais qu’une loi que je me donne, ma propre loi — je suis, comme le dit Kant, à la fois législateur et sujet) et le « collectivisme » du contexte de choix, puisque ce dernier suppose une culture, un horizon à partir duquel la conscience individuelle puisse émerger. Il est donc inévitable que se recroisent ici les questions du droit des minorités d’une part, et toute la problématique philosophique « post-moderne » de la constitution du sujet par la culture (collective) d’autre part.
Libéralisme et protection des minorités
5En ce sens, la protection des minorités devrait aussi être défendue par les libéraux, puisqu’elle viserait seulement à garantir la survie et le développement du contexte de choix : sans contexte pas de choix, sans communautarisme pas de libéralisme. C’est un tel problème qui se trouve à la base du très intéressant livre de Will Kymlicka, Liberalism, community and culture12. Considérons son argument en rapport avec la théorie libérale la plus célèbre aujourd’hui : celle de John Rawls. Kymlicka tente de montrer que, si Rawls (et Dworkin) ne prennent pas en considération les droits des minorités, c’est parce qu’ils raisonnent implicitement à partir des prémisses d’une société monoculturelle13. Il faudrait donc reformuler leurs théories respectives de façon à les adapter (à préserver leur libéralisme) pour les rendre adéquates aux sociétés multiculturelles. Nous avons vu plus haut que le droit collectif des minorités pouvait se plaider d’abord (par rapport à la philosophie de la démocratie) en fonction des exigences de l’espace public (il lui fallait de l'intégration, et non de l'assimilation ou de la coexistence), ensuite (par rapport à la philosophie des droits de l’homme) en fonction des exigences du contexte, nécessairement « communautaire », de choix. Kymlicka choisit uniquement cette seconde perspective, ce qui, nous le verrons, ne sera pas sans fragiliser quelque peu sa position.
6Pour fonder une théorie de la justice libérale, Rawls14 envisage, comme on le sait, une position dite « originelle », au sein de laquelle les individus se trouvent dans l’ignorance de certaines caractéristiques qui leur sont propres. Ce « voile d’ignorance » est rendu nécessaire pour éviter que la situation de départ, à partir de laquelle s’engage la discussion sur les principes de justice, ne soit unfair (inéquitable) : sans lui, les participants auraient tendance à modeler leur conception de la justice sur leurs préférences, leur idée du bien, leurs talents et leur position sociale ; une telle négociation, biaisée dans sa constitution même, transférerait dès lors nécessairement son « injustice » aux principes finaux sur lesquels, par hypothèse, un accord serait obtenu. Mais sur quoi raisonner, objectera-t-on immédiatement, si les individus acceptent a priori de ne pas tenir compte des « biens » qui leur sont essentiels, qui les particularisent, bref qui définissent leurs identités respectives ? Que reste-t-il pour que la discussion puisse aboutir à la position de principes de justice ?Des « biens primaires » (primary goods), c’est-à-dire des biens que tout individu raisonnable est censé désirer, abstraction faite des particularités qu’il a mises sous voile d’ignorance. Ces biens primaires, Rawls les divise tout d’abord (la situation deviendra plus complexe dans une reformulation ultérieure des principes) en deux catégories : les libertés fondamentales et les biens matériels, tous deux censés être indispensables à la position et à l’actualisation de n’importe quelle conception du bien. Dans ce cadre, on ne voit pas où et comment introduire la notion d’« identité culturelle ». En effet, raisonnant à partir de prémisses monoculturelles, Rawls pense à des individus pour lesquels la préservation d’une tradition, d’une Gemeinschaft particulière, ne possède littéralement aucun sens : tout leur problème consiste à se trouver dans les meilleures conditions pour développer leur conception du bien, ces conditions se trouvant garanties par un espace égal de libertés d’une part, par le principe de différence et le principe d’égalité équitable (fair) des chances d’autre part. Le principe de raisonnement adopté, selon Rawls, par des interlocuteurs rationnels, consiste, dans l’ignorance de la position qu’ils occuperont, à tenir compte — c’est cela, être « raisonnable » — de l’hypothèse suivant laquelle ils occuperaient la position la plus « basse » : conception du bien rejetée par le plus grand nombre ou les plus forts, absence de talents ou talents sans intérêt pour les autres (non « demandés »), position sociale défavorisée. Ils viseront dès lors à maximiser les avantages de cette position minimale (principe du maximin), c’est-à-dire à accorder d’une part une égale liberté à tous, et d’autre part à distribuer les avantages matériels suivant le principe dit « démocratique » — ou « principe de différence », — d’après lequel les inégalités ne sont justifiées que si elles améliorent la position des worst-off (comme chacun cherche à maximiser les avantages du worst-off qu’il risque 15 d’être, il préférera une situation inégalitaire qui place celui-ci plus haut à une égalité radicale qui place tout le monde plus bas). Mais pour que de telles inégalités soient justifiées, il faut aussi que les positions génératrices d’inégalités potentielles soient ouvertes à tous (c’est le principe de la fair equality of opportunities). Bref, Rawls pense la justice en termes de libertés et d’avantages matériels. Nulle part, à ce stade-ci de son argumentation, l’identité culturelle potentiellement menacée d’une minorité ne joue le moindre rôle. Et c’est bien normal : selon Kymlicka, sa société ne se distingue pas par des traits collectifs caractérisant des groupes distincts, mais par des individus libres et égaux, désireux de jouir, dans la justice, des conditions de la libre poursuite du bien, c’est-à-dire de l’autonomie. Or la deuxième formulation des principes de justice dans la Théorie de la justice permet cette fois à Kymlicka de s’« accrocher », pour ainsi dire, à la théorie des biens primaires, pierre d’angle de la conception rawlsienne. En effet, il y est question, outre les biens mentionnés plus haut, du « respect de soi » (self-respect). Ce dernier bien, Rawls indique qu’il le considère comme le plus fondamental de tous16. Pourquoi ? Parce que c’est le respect de soi qui rend une vie digne d’être vécue ; sans lui, les individus s’autodéprécient, ne se reconnaissent pas comme « chez eux » dans leurs actes, dans leur vie. Pour qu’ils se respectent eux-mêmes, il faut nécessairement que leur vie soit choisie : si elle leur est imposée de l’extérieur (situation d’hétéronomie), ce ne sera pas la leur (on connaît les paradoxes du compelle intrare). On ne les aura pas traités en sujets, mais en objets manipulables. Tout cela est bien connu. Bref, c’est le respect de soi qui semble constituer, selon le libéralisme rawlsien, la valeur fondamentale : il implique nécessairement l’autonomie (la libre position des valeurs, y compris éventuellement la libre adhésion à un Ordre transcendant), c’est-à-dire l’exclusion de la contrainte en ce qui concerne les questions de la vie bonne, de la « sagesse ». Et il requiert également les conditions matérielles nécessaires à l’exercice de cette autonomie, qui constitue elle-même la condition de son effectivité.
7Mais cette reformulation (ou cet approfondissement philosophique) de la théorie des biens primaires permet de concevoir différemment la question de l’appartenance culturelle. Pour pouvoir se respecter, les individus ne doivent pas se trouver soumis à un pouvoir qui nie, méprise tout ce qu’ils sont, bref leur histoire, leur tradition. Nécessairement, indique Kymlicka, un individu a besoin d’être reconnu comme tel, éventuellement comme membre d’un groupe adhérant à une certaine conception du bien, dont l’individu a hérité et dont il ne peut se déprendre (à supposer qu’il le veuille) du jour au lendemain par un acte de la volonté consciente17. Certes, on connaît les paradoxes liés à une telle exigence de reconnaissance : le droit des minorités obligera-t-il les démocraties libérales à tolérer les excisions et infibulations, les menaces de morts proférées contre les écrivains Salman Rushdie et, plus récemment, Taslima Nashreen (au Bangla-Desh) ? Faudra-t-il, comme on le revendique aux Etats-Unis, enseigner aux « minorités » (et essentiellement aux Noirs) une histoire idéologique susceptible de leur insuffler la fierté, le respect de soi, par exemple en spéculant sur la couleur de la peau de Cléopâtre (« théorie » de la black Cleopatra) ? La reconnaissance de l’identité, on le voit, peut mener à des conséquences très « illibérales »18. Kymlicka tente de répondre à de telles objections de la façon suivante. Il ne s’agit pas, dit-il, de respecter n’importe quel code culturel (sans quoi rien ne nous permettrait de refuser la théocratie, les religions séculières, l’imposition d’une conception du Bien par la contrainte)19, mais seulement un contexte de choix20. On ne choisit, nous l’avons vu, qu’à partir d’un contexte, d’un « sens commun » (Arendt). Celui-ci doit être préservé pour permettre l’avènement de l’autonomie, du sujet libre et responsable. Mais toute la question consiste à savoir si une telle notion ne constitue pas une solution ad hoc. Autrement dit, qu’est-ce qui distingue une culture d’un contexte de choix, ou, plus précisément, quel est le critère permettant de séparer les cultures qui favorisent ce contexte de celles qui l’étouffent ? En un sens, une telle distinction ne peut être faite : Rushdie a vécu dans un contexte islamique, et c’est à partir de ce dernier, en lui résistant, en s’y op-posant (mais aussi en s’en nourrissant) qu’il s’est choisi, orienté, en devenant écrivain. Or c’est au nom de ce même contexte que les fanatiques, aujourd’hui, tentent de lui couper la parole, et, pis, de l’éliminer physiquement. La solution rawlsienne consisterait à soutenir que l’Etat est neutre par rapport aux conceptions du bien, mais qu’il interdit que l’une d’entre elles tente de s’imposer aux autres par la violence : le politique n’est en droit d’intervenir qu’au nom du principe d’égale liberté. On pourrait donc très simplement adopter la ligne de conduite suivante : tout contexte constitue l’humus de l’identité individuelle ; l’Etat n’a pas à sélectionner les contexes, dans la mesure où l’individu lui-même n’est pas responsable du milieu dans lequel il est né, et qui lui est indispensable, jusqu’à un certain point, pour se déterminer (fût-ce en rompant, mais après un long travail sur lui-même dont l’écriture constitue le paradigme) librement. Mais l’autorité politique a le devoir, selon les principes rawlsiens, de sanctionner toute atteinte au contexte de choix, qu’elle émane d’un autre groupe ou du « milieu » lui-même, hostile à ce que ses membres s’éloignent de lui. Bref, on retrouve la différence, mentionnée plus haut, entre intégration et coexistence. La première notion se relie à l’idée, positive, d’une diversité d’histoires et d’expériences : non seulement il est possible de justifier, d’un point de vue libéral (à partir de la théorie rawlsienne du self-respect comme primary good), la défense du contexte de choix, mais il est en plus (et cet argument est nécessairement additionnel, secondaire) envisageable de plaider que la multiplicité des contextes profite à tous, à l’humanité dans son ensemble. Dans un tel cas, l’aventure de la quête du bien ou du sens est évidemment totalement imprévisible : nul ne sait par avance quelle nouvelle « mixture » émergera de l’apparition, dans l’espace public démocratique de la discussion ouverte, de différentes histoires. Les droits de l’homme, par exemple, n’ont pu se constituer en corps de valeurs qu’à partir d’une symbiose de contextes différents et au départ hostiles l’un à l’autre (rationalité grecque, judaïsme, christianisme, modernité scientifique et sécularisatrice, etc.).
Identité de l’identité et de la non-identité
8En d’autres termes, on pourrait reprendre, pour qualifier l’idée ici défendue d’« intégration », la vieille expression hegelienne d’« identité de l’identité et de la non-identité »21. L’identité abstraite se ramènerait à l'assimilation à une sous-culture « moyenne », bref à l’appauvrissement général (en ce sens, il y a quelque vérité dans l’argumentation romantique contre l’abstraction au moins d’une partie des Lumières). En revanche, la différence « pure » (pour reprendre une expression de Derrida22) signifierait une coexistence d’indifférence, d’ignorance mutuelle, et donc rapidement d’exclusion et de domination des rapports de force. Le métissage, quant à lui, permettrait aux différences d’apparaître (de se « phénoménaliser ») dans l’espace de la discussion, mais ce dernier ne pourrait les laisser inentamées : alors que la coexistence signifie le refus du principe de discussion (« prenez-moi comme je suis, un point c’est tout »), l’intégration ouvre au contraire à une aventure imprévisible, puisque, si les valeurs de mon « groupe » peuvent contribuer à modifier d’autres normes, l’inverse est vrai. Et, plus fondamentalement, Habermas a bien montré que les contraintes pragmatiques de la discussion impliquent une éthique minimale23, dans la mesure où, au moins, l’égalité toujours présupposée des interlocuteurs ne peut pas ne pas affaiblir les contextes de domination « hiérarchique ». C’est d’ailleurs ce potentiel d’universalisation, intrinsèque aux conditions de la discussion, qui permet de ne pas se montrer trop pessimiste quant à la dérive, toujours possible, de l’intégration en coexistence.
9Parce que le problème juridico-politique est là : comment garantir l’« identité de l’identité et la non-identité (différence) », la préservation des identités et la communication, les valeurs données et la liberté ? Faut-il, pour actualiser l’idéal d’intégration, recourir à des mesures positives visant à consolider l’identité des groupes ? Mais de telles protections ne risquent-elles pas de consolider le pouvoir de ceux qui, au sein des « communautés », considèrent leurs membres comme leur « propriété » et optent donc nécessairement pour la coexistence ? L’intégration, aventure imprévisible, ne garantit rien en matière de pouvoir des « représentants » des identités : qui sait ce qui en résultera ? Ces derniers auront par conséquent inéluctablement tendance à privilégier le « clichage » des identités. Mais à l’inverse, sans protections spécifiques, par la seule mise en œuvre des droits de l’homme et du principe de non-discrimination, la tendance sociologique à la domination des valeurs du groupe majoritaire ne mènera-t-elle pas à la disparition des cultures minoritaires ? Sommes-nous dès lors au rouet ? L’intégration assortie de protections positives mènerait-elle inéluctablement à la coexistence, et à l’inverse, dépourvue de ces group rights, conduirait-elle à l’assimilation niveleuse ? Telle est la difficulté.
10Or il ne me semble pas que Kymlicka l’affronte de façon satisfaisante. En effet, il est conscient du fait que des conflits peuvent émerger entre, notamment, la défense des libertés de base et celle du « contexte de choix ». Que faire dans un tel cas ? Kymlicka répond, de façon assez pragmatique, que cela dépendra des circonstances : il se peut que la liberté ait la priorité dans certains cas, et le « contexte » dans d’autres24. Or, on le sait, toute la force du libéralisme rawlsien réside dans l’instauration de règles de priorité, permettant justement de tenter d’éviter l’opportunisme prudentiel en matière de morale : priorité du premier principe sur le second, et, au sein de ce dernier, de la fair equality of opportunities sur le difference principle. Il faut ici prendre en considération le fait que Kymlicka raisonne essentiellement à partir du cas des populations autochtones (Indiens d’Amérique, aborigènes d’Australies, Inuits, Lapons, etc.). Or la situation de ces groupes, fondamentalement agressés par la modernisation, est très différente de celles des « ethnies » de l’ex-Yougoslavie par exemple : pour les populations indigènes, la question est celle de la survie au sein d’un monde étranger, puissant, aux influences dissolvantes. C’est ainsi que les Indiens ont réclamé une limitation de certains droits des non-indiens sur leur territoire : limitation des droits de propriété, de circulation, des droits politiques, voire de la liberté de religion. Ils considéraient en effet que la préservation de leur culture, liée à une sacralisation du sol, excluait la propriété privée (même celle des membres du groupe, qui devaient en quelque sorte être protégés contre eux-mêmes, contre la tentation de vendre dans un but égoïste et sans prise en considération des effets pervers) ; elle interdisait également que des groupes religieux, essentiellement protestants, fassent du prosélytisme en territoire indien, ou que des résidents non-indiens jouissent des droits politiques leur permettant ipso facto d’influer sur le destin de la commnauté ; et elle requérait souvent une limitation de la liberté de circulation et d’établissement, toujours dans le même but.
11Les droits en cause sont des droits fondamentaux de « première génération ». Certes, ce ne sont pas des droits de type « indérogeable », tels ceux mentionnés dans le second paragraphe de l’article 15 (relatif aux circonstances exceptionnelles) de la Convention européenne des droits de l’homme. Il n’empêche que la liberté de religion et la liberté d’aller et venir (y compris celle de s’établir où on le veut) constituent des droits essentiels, ainsi que les droits politiques, au sein d’une nation souveraine. Est-il acceptable qu’au nom de la préservation du « contexte de choix » des autochtones (native Americans), on introduise ainsi une discrimination entre membres et non-membres du groupe, ainsi qu’une atteinte à certains droits fondamentaux pour tous ? Du point de vue kymlickien, il n’existe pas de priorité principielle de l’égale liberté sur le contexte culturel de choix : tous deux constituent des conditions essentielles du « respect de soi ». Mais s’il en est ainsi, comment éviter un affaiblissement des protections, une mise en péril des droits de l’homme ? Et, qui plus est, de telles protections, poussant souvent à l’isolement du groupe, ne mèneront-elles pas à la coexistence plutôt qu’à l’ouverture-intégration ? Kymlicka refuse toute atteinte à la liberté de religion25 : c’est un droit constitutionnellement « retranché », garanti par le Premier Amendement à la Constitution américaine. Dworkin avait, dans les années soixante-dix, argumenté a contrario en faveur des politiques d’affirmative action : le droit de s’inscrire dans l’université de son choix n’est pas garanti constitutionnellement26. Mais en ce qui concerne la propriété (droit qui a souvent, dans l’histoire des Etats de droit, été considéré comme plus problématique que les autres, et donc comme moins essentiel27), la liberté de circulation et les droits politiques, Kymlicka s’en tient à sa solution « prudentielle » : la priorité de l’égale liberté ou celle du contexte de choix dépendent des circonstances. C’est donc une affaire politique. Il s’agit bien, n’en doutons pas, d’un affaiblissement de la doctrine rawlsienne, précisément basée sur les priority rules.
12Il n’empêche que la tentative de Kymlicka est intéressante en ceci qu’il tente de fonder l’idée d’une protection collective des minorités (ou des groupes dominés en général) sur des principes libéraux. Les communautariens ont bien entendu été toujours plus à l’aise avec l’idée de droits collectifs accordés au groupe en tant que tel, puisque leur théorie même donne un poids important au « Tout » par rapport aux individus-parties. Le communautarisme, en tenant compte de la diversité de ses tendances et des nuances de ses positions, se définit toujours par un refus de la réduction de l’être-ensemble à la Gesellschaft (refus qui était d’ailleurs celui du « socialiste » Tönnies lui-même). La dose de Gemeinschaft qu’il est disposé à instiller est évidemment variable, et les communautariens américains actuels, même les plus conservateurs d’entre eux, ne vont pas jusqu’aux outrances du romantisme politique allemand du début du XIXe siècle. Mais, attentifs à l’importance de la communauté pour la survie du groupe, et également pour une pratique démocratique conçue comme responsabilité commune, ils sont moins individualistes que les libéraux, et par conséquents semblent plus enclins à accepter des group rights, même au détriment de certains droits individuels. Or Kymlicka montre que le point de vue communautarien est moins solide qu’on ne le croit dans la justification des droits collectifs28. En effet, tout dépend de la communauté que l’on choisit : une fois la dimension du groupe décidée, celui-ci se définit par ses shared understandings, c’est-à-dire par un certain nombre d’éléments de compréhension communs (de « valeurs ») concernant la bonne vie humaine. C’est pourquoi, dit Kymlicka, le communautarisme est mal à l’aise avec les relations inter-communautaires, lesquelles constituent l’espace même de la question des minorités (la protection revendiquée se définit dans un rapport avec le ou les groupes dominant[s]). Si des shared understandings définissent l’appartenance à un groupe, au nom de quelle compréhension de l’homme et du monde définira-t-on les prérogatives des cultures les unes par rapport aux autres ? Par les rapports de force ? C’est en effet ce que Kymlicka croit lire dans l’ouvrage fondamental de Michaël Walzer, Spheres ofjustice. Dès lors, les minorités ne seraient nullement protégées dans l’horizon communautarien ; leur protection exigerait une attitude basée sur des principes. Or, nous le savons, Kymlicka pense que c’est pour ces raisons mêmes que le contexte (collectif, culturel) de choix doit être respecté. Même s’il échoue à penser la hiérarchie entre ces deux conditions du self-respect que constituent l’égale liberté et le contexte de choix, nous devons lui savoir gré d’avoir tenté non seulement de réconcilier la protection collective des minorités avec les principes individualistes des droits de l’homme, mais également d’avoir mis en avant les périls du communautarisme pour cette protection même. Je m’efforcerai ailleurs, sur de telles bases, de repenser, à partir de la triade que j’ai mise en avant ici même (assimilation/coexistence/intégration), la question si controversée, et si urgente aujourd’hui, des « droits des minorités ».
Notes de bas de page
1 Cf. A. MacIntyre, Whose justice, which rationality ?, University of Notre Dame (Indiana) Press, 1988, pp. 1-12 et passim.
2 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), art. 27. Cf., sur cet article, I.O. Bokatola, L’Organisation des Nations Unies et la protection des minorités, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 195-228 ; P. Thornberry, International law and the rights of minorities, Oxford University Press, 1991.
3 Cf., pour une excellente comparaison entre les politiques d’intégration en France et aux Etats-Unis, Donald L. Horowitz, « Immigration and group relations in France and America », in Donald L. Horowitz & Gérard Noiriel, eds., Immigrants in two democracies : French and American Experience, New York University Press, 1991.
4 N. Lerner, Group rights and discrimination in international law, Dordrecht, Kluwer, 1991, p. 29.
5 E. Kamenka & A. Τay, « Social traditions, legal traditions », in E. Kamenka (ed.), Law and social control, Londres, Arnold, 1980, p. 8-26.
6 « ... That, to secure these rights, governments are instituted..., deriving their just powers from the consent of the governed ; that, whenever any form of government becomes destructive of these ends, it is the right of the people to alter or to abolish it, and to institute a new government... » (Déclaration of Independence, 1776).
7 J. Locke, Second traité du gouvernement civil, chap. XIX (« De la dissolution des Gouvernements »), Paris, Garnier-Flammarion, 1984, p. 341-371.
8 « Obviously, not every aggregate of individuals will constitute a group... In international law, the notion of group requires the presence of... unifying, spontaneous (as opposed to artificial or planned) and permanent factors that are, as a rule, beyond the control of the members of the group. » (Lerner, op. cit., pp. 30-31).
9 Pour une critique du multiculturalisme, cf. Dinesh D’Souza, Illiberal education. The politics of race and sex on campus, New York, The Free Press, 1991, ainsi que la critique récente (et radicale) de cet ouvrage dans S. Fish, There’s no such thing as free speech and it’s a good thing too, Oxford University Press, 1994 (voir aussi le compte rendu de ce dernier livre par Richard Posner, Times Literary Supplement, no 4763, 15/7/1994).
10 Pour un bon résumé des positions communautariennes, cf. S. Mulhall & A. Swift, Liberals and communitarians, Oxford, Blackwell, 1992.
11 « We are afraid to put men to live and trade each on his own private stock of reason ; because we suspect that this stock in each man is small, and that the individuals would do better to avail themselves of the general bank and capital of nations and ages. » (E. Burke, Reflections on the Revolution in France (1790), Works, Vol. I, Londres, Bohn, 1861, p. 359).
12 Oxford, Clarendon, 1991.
13 Ibid., pp. 162 sq.
14 Cf. J. Rawls, A theory of justice, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1971 ; Political liberalism, New York, Columbia Unibersity Press, 1993.
15 J’ai critiqué, à partir de la notion de risque, la théorie du « maximin » dans « Les droits de l’homme sont-ils compatibles avec une philosophie du risque ? », in Cahiers de l’Ecole des sciences philosophiques et religieuses, Bruxelles, Publications des Facultés Universitaires Saint Louis, 1992, pp. 31-48.
16 Rawls considère celui-ci comme le bien primaire essentiel, et, pp. 302 sq. (§46) de la Theory of justice (op. cit.), quand il donne la formulation finale des principes, il note qu’en particulier les « bases du respect de soi » (p. 303) doivent être « distribuées également à moins qu’une distribution inégale... soit à l’avantage des moins favorisés »
17 « But cultural membership is not a means used in the pursuit of one’s ends. It is rather the context within which we choose our ends, and corne to see their value, and this is a precondition of self-respect, of the sense that one’s ends are worth pursuing... When we take cultural identity seriously, we’ll understand that asking someone to trade off her cultural identity for some amount of money is like expecting someone to trade off her self-respect for some amount of money. » (Kymlicka, op. cit., pp. 192-193).
18 Cf. D’Souza, op. cit.
19 Cf. ce que Kymlicka appelle les « abuses of the argument », op. cit., p. 168.
20 Ibid., p. 166.
21 G.W.F. Hegel, Erste Druckschriften, éd. Lasson, 1928, p. 77.
22 J. Derrida, « La différence », Marges de la philosophie, Paris, Editions de Minuit, 1972, p. 1-30.
23 J. Habermas, « Moralität und Sittlichkeit. Treffen Hegels Einwände gegen Kant auch auf die Diskursethik zu ? », in W. Kuhlmann (éd.), Moralität und Sittlichkeit, Francfort, Suhrkamp, 1986, p. 16-37.
24 « ... we might say that cultural membership bas priority over the rights of individual members, since cultural membership provides the context of individual choice ; or conversely that individual rights always have priority over cultural membership, since the value of cultural membership is in enabling individual choice. Or we could say that cultural membership sometimes takes priority over individual rights and sometimes not... » (Kymlicka, op. cit., p. 198 — je souligne).
25 Kymlicka, op. cit., p. 196.
26 « DeFunis plainly has no Constitutional right that the state provide him a legal education of a certain quality « (R. Dworkin, « The DeFunis Case : The Right to go to Law School », in Taking rigbts seriously, Londres, Duckworth, 1978, p. 225).
27 Cf., sur ce point, G. Haarscher, « Le droit de propriété est-il un droit de l’homme ? », à paraître in S. Marcus-Helmons, éd., Actes du Colloque de Louvain-la-Neuve sur le droit de propriété (octobre 1993).
28 Cf. en particulier ses critiques adressées à Michael Walzer (op. cit, chap. 11, « Walzer and minority rights », pp. 220-236). Signalons que Walzer a implicitement répondu à l’attaque en défendant ultérieurement le primat des droits individuels fondamentaux (in Charles Taylor, Multiculturalisme. Différence et démocratie, Paris, Aubier, 1994, pp. 131-136). Mais ses positions étaient moins claires dans Spheres of justice, New York, Basic Books, 1983.
Auteur
Professeur à l’Université libre de Bruxelles, La protection des minorités et ses paradoxes.
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