Réflexions sur la légitimité du référendum constituant
p. 331-356
Texte intégral
1A partir d’une étude, comme toujours remarquable, due à Jean Ladrière, on peut proposer de la démocratie la définition suivante.
2La démocratie donne à l’action politique la mission de faire progresser la société vers l’utopie d’une vie sociale où chaque personne est en mesure d’exercer sa liberté — c’est-à-dire de s’accomplir elle-même — tout en étant appelée à contribuer à l’instauration collective de la liberté « sous la forme d’une communauté porteuse de valeurs » et « toujours en question devant elle-même »1.
3Cette définition devrait rencontrer l’assentiment de celui à qui les présentes réflexions sont dédiées. Dans son cours de droit naturel, M. Jacques Dabin, en effet, était particulièrement soucieux de distinguer et d’articuler tout à la fois ce qu’il appelait « l’ordre moral personnel » et « l’ordre moral sociétaire ». Dans un langage différent, c’est précisément ce que réalise la définition que l’on vient de mettre en exergue. Elle montre bien que la démocratie cherche à conjuguer les deux dimensions — différentes mais inséparables — de l’idée de liberté, l’autonomie des personnes individuelles, porteuses de droits inaliénables, et l’autonomie de la collectivité, plus précisément des collectivités auxquelles ces personnes se rattachent.
4Parmi les multiples moyens de concilier, dans une mesure toujours relative ces deux finalités, les droits politiques de participation occupent évidemment une position éminente. Comme l’écrit Paul Ricœur, « la démocratie est le régime dans lequel la participation à la décision est assurée à un nombre toujours plus grand de citoyens »2. Il est même permis de penser que de toutes les exigences liées au τελος démocratique, c’est celle-là qui est la plus spécifique. Les autres sont tout aussi bien prises en charge par les notions d’Etat de droit et de droits de l’homme. L’idéal démocratique comprend celles-ci, mais en y ajoutant l’exigence d’une participation effective à la vie des collectivités politiques ouverte à un nombre toujours croissant de citoyens.
5Que les référendums et les autres techniques de la participation directe et indirecte trouvent là, moyennant certaines conditions, leur légitimité de principe est assez clair. Il reste que les premiers, comme les secondes, peuvent être organisés selon des modalités très diverses qui posent chacune, dans des contextes déterminés, des questions de légitimité aussi nombreuses que délicates. On n’abordera ici que la problématique du référendum constituant, et seulement à travers quelques-unes de ses dimensions.
6En signe de profonde reconnaissance et — s’il le permet — d’amitié à l’égard de M. Jacques Dabin, on voudrait souligner la valeur particulière qui mérite d’être reconnue à cette forme précise de participation directe, en situant la discussion autour de la frontière qui sépare et unit tout à la fois le droit constitutionnel et la théorie politique, c’est-à-dire sur la ligne de crête dont il a toujours encouragé l’exploration par la jeune génération, non sans la précéder par d’innombrables lectures.
7La doctrine distingue deux types de référendum constituant. Le premier, c’est celui par lequel le peuple agit en tant que pouvoir constituant originaire pour adopter une nouvelle Constitution non reliée aux dispositions de celle qui était, le cas échéant, en vigueur auparavant. Le second, c’est celui par lequel le peuple agit en tant que pouvoir constituant dérivé pour modifier une Constitution en vigueur, conformément aux règles établies par celle-ci pour sa propre révision3. Apparemment, la première catégorie ne revêt plus aucun intérêt pour la pratique constitutionnelle des Etats qui, comme la Belgique, évitent soigneusement les ruptures révolutionnaires. La crise actuelle des Etats-nations justifie cependant une remise en cause de cette idée reçue. Tel sera l’objet d’une première série de réflexions (I).
8Quant à la seconde catégorie de référendum constituant, la crise non moins actuelle des Etats dits providences et les métamorphoses de la représentation politique qui l’accompagnent fournissent de nouveaux arguments en faveur de sa généralisation. C’est du moins ce que l’on tentera de montrer dans la deuxième partie de cette contribution (II).
I. Le référendum constituant et la crise des Etats-nations
9Nul n’ignore aujourd’hui, surtout en Belgique, que les Etats-nations sont comme pris en tenaille entre deux tendances partiellement contradictoires. D’une part, découvrant sinon leur plurinationalité (au sens sociologique), au moins la pluralité des communautés culturelles qu’ils abritent, ils prennent le chemin d’une décentralisation plus ou moins poussée. Dans certains cas, cette tendance centrifuge peut être menée jusqu’à son terme, c’est-à-dire la séparation en deux ou plusieurs micro-Etats-nations indépendants et souverains.
10D’autre part, s’avisant de la mondialisation de l’échelle où se posent une série de problèmes essentiels, ils prennent la voie d’une intégration plus ou moins poussée dans des communautés politiques plus larges. Le cas échéant, cette tendance, centripète elle, peut aussi les priver à termes de leur qualité d’Etat, pour leur donner en échange celle d’entité composante d’une union fédérale.
11Faut-il le dire, cette double tendance n’a rien d’illégitime en soi. La seule question qu’elle pose dans les limites du présent propos, c’est celle de savoir si elle peut se dérouler « clandestinement »4, ou si elle appelle « un changement solennel de Constitution, votée par le peuple dans son activité constituante de souverain »5. On défend la seconde thèse, en prenant d’abord l’exemple des mutations internes à l’Etat belge, et ensuite celui de l’intégration européenne.
a) De la légitimité d’un référendum constituant avant de se séparer
12D’un point de vue philosophique, on admet que la formation et la perdurance d’un Etat ne peuvent, en démocratie, tenir leur légitimité que de l’assentiment volontaire des citoyens. Certes, d’un point de vue historique, on sait que les nations sont des agrégations sociales résultant de processus complexes faits de données politiques, géographiques, économiques, religieuses et culturelles. Mais idéalement, ce qui fonde leur légitimité, ce ne sont pas « les données prépolitiques, telles que la communauté linguistique, la culture ou l’histoire ». C’est, en dernière instance, la volonté de vivre ensemble dans une communauté politique animée par « l’esprit universaliste des droits du citoyen »6.
13D’un point de vue juridique maintenant, cette philosophie démocratique a reçu sa traduction dans le concept de la souveraineté de la nation ou du peuple. L’article 33 de la Constitution belge l’exprime comme suit :
« Tous les pouvoirs émanent de la Nation.
Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution ».
14Cette formulation suggère très bien que ce qui fonde la Constitution, c’est l’ensemble des citoyens qui ont en commun la volonté de participer démocratiquement à leur propre organisation politique.
15Le problème qui s’est posé en 1993, à l’occasion de la dernière révision constitutionnelle en Belgique, et qui pourrait se poser à nouveau au cours des années à venir, est très simple. Est-il juridiquement permis d’organiser un référendum qui porterait sur la question suivante : « La Belgique doit-elle continuer d’exister oui ou non ? », dès lors que l’article 195 de la Constitution, qui concerne la procédure de révision, n’autorise pas le référendum constituant ? La majorité des juristes répond par la négative. On se permet pourtant de penser qu’elle commet une erreur de raisonnement, parce qu’elle invoque une disposition — l’article 195 — qui concerne le pouvoir constituant dérivé, alors que le référendum envisagé relève des prérogatives du pouvoir constituant originaire.
16On s’explique. Une Constitution peut régir la manière dont les pouvoirs sont à exercer à l’intérieur de l’Etat qu’elle crée juridiquement. Elle peut notamment régir les conditions de sa propre révision, en mettant en place un pouvoir particulièrement chargé de ce travail. En Belgique, ce sont les Chambres préalablement renouvelées statuant à la majorité des deux tiers, d’un commun accord avec le pouvoir exécutif. Le nom qui est habituellement donné à cet organe, celui de « pouvoir constituant dérivé », n’est donc pas très satisfaisant, puisqu’il s’agit, en réalité et en droit, d’un pouvoir constitué. Celui-ci n’a qu’un pouvoir de révision constitutionnelle.
17Par contre, une Constitution ne peut pas régir les conditions de sa propre existence. Elle présuppose inévitablement une nation décidée à se constituer en Etat et à s’y maintenir. Si cette volonté n’existe plus, la Constitution perd à la fois son fondement et son objet. Ses prescriptions ne sauraient donc pas, logiquement, s’opposer à l’organisation d’un référendum permettant au peuple de raviver ou d’anéantir la nation qui les fonde. On est ici devant une simple application du théorème de Gödel. La Constitution est en effet, sur ce point, comparable aux systèmes mathématiques dont il a été démontré qu’ils ne peuvent jamais trouver dans leurs propres ressources les matériaux nécessaires à leur auto-fondation. La validité d’un système formel est toujours suspendue à un point d’ancrage situé dans des systèmes plus englobants7. De même, la validité d’une Constitution est toujours suspendue à un point d’ancrage qui échappe à son emprise parce qu’il consiste, en dernière instance, dans l’assentissement des citoyens à la communauté politique en cause8.
18La seule autorité habilitée à supprimer, le cas échéant, l’Etat c’est le Souverain, c’est-à-dire le peuple, titulaire du pouvoir constituant originaire. L’autorité investie du pouvoir de révision constitutionnelle ne peut évidemment pas se prononcer à cet égard, à peine d’usurper la souveraineté constituante. Le peuple n’a aucun autre moyen d’assumer celle-ci lui-même que le référendum.
19Par une succession de révisions constitutionnelles, il est bien sûr possible de vider l’Etat de sa substance et de transférer celle-ci à ses anciennes composantes. Il faut alors, à un moment ou un autre, mais avant la fin de ce processus de démembrement, interroger le peuple sur la direction finale qu’il entend prendre. S’en dispenser, c’est méconnaître l’inaliénabilité du pouvoir constituant originaire, en déléguant celui-ci à un pouvoir constitué9. C’est exactement ce qui s’est passé en Tchécoslovaquie10.
b) De la légitimité d’un référendum constituant avant de s’unir
20Le processus inverse de l’intégration européenne justifie exactement les mêmes réflexions. On peut juger très souhaitable la transformation des Etats européens en Etats fédérés membres d’une Union fédérale. Mais on ne peut ignorer que cette transformation impliquera à terme la perte de la souveraineté. Un Etat fédéré n’a pas ce qu’on appelle la « compétence de la compétence ». Autrement dit, il n’a pas le droit de décider lui-même de ce qui relève ou ne relève pas de sa compétence. Ce droit appartient exclusivement à l’Union fédérale qui peut modifier les pouvoirs des Etats fédérés par la voie d’une révision constitutionnelle. Celle-ci doit pouvoir être décidée par des majorités déterminées et, par conséquent, contre la volonté d’une minorité d’Etats fédérés, le cas échéant.
21Pour avaliser une telle mutation, ici aussi, l’exigence démocratique autant que la théorie juridique de la souveraineté requiert, comme l’a très bien montré, en France, M. Beaud, « un acte solennel, un acte fondamental au sens plein du terme, et non pas n’importe quelle révision constitutionnelle dont le peuple pourrait être exclu au bon gré des gouvernants »11.
22Certes, dans ce cas également, on peut, par une « cascade » de révisions et de traités, mettre graduellement en place une Fédération européenne. Et telle semble être la portée du processus en cours. Mais il convient alors, comme dans la séquence inverse, d’en appeler au pouvoir constituant originaire « à un moment donné ou à un autre, entre le début et la fin du processus dévolutif de compétences »12. Le Traité de Maastricht a précisément constitué une étape particulièrement significative à cet égard. Aussi, sa ratification aurait gagné à emprunter, dans chaque Etat membre, la forme d’un référendum constituant13.
23On sait que cela n’a pas été le cas. Même en France, le référendum du 21 septembre 1992, organisé à l’initiative du président de la République, sur base de l’article 11 de la Constitution, « pour des raisons de tactique politique », et probablement pas « pour des raisons de doctrine juridique ou démocratique »14, avait, formellement du moins, la nature d’un référendum législatif autorisant la ratification d’un traité. Il est permis de le regretter.
24Que dire alors de la Belgique ? Celle-ci a inscrit dans sa Constitution, en 1970, un article qui porte aujourd’hui le numéro 34. Il dispose :
« L’exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public ».
25La doctrine interprète cette disposition de manière très large. Certes, elle précise que l’article 33 reste le fondement de la Constitution. Par conséquent, aucune cession de souveraineté ne saurait être justifiée par l’article 34. Seul l’exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué, en l’occurrence aux institutions européennes. Mais elle cite, sans les contester, les travaux préparatoires de 1970 qui voient dans cet article :
« la volonté politique de ne pas contredire, ni entraver, ni même mettre en doute par une réaction imprudente le développement de l’Europe communautaire, telle qu’elle existe sous la forme supranationale... L’expression ‘droit international public’ couvre les institutions supranationales européennes existantes et les éventuelles institutions politiques européennes à venir »15.
26On n’est donc pas très loin du chèque en blanc. C’est certainement sympathique et progressiste dans la perspective de l’intégration européenne. Mais ne faut-il pas reconnaître que le principe de la souveraineté nationale inscrit dans l’article 33 s’oppose à une lecture aussi souple ? Pour sanctionner la progression de l’Europe vers le fédéralisme réalisée par le Traité de Maastricht que l’on peut analyser comme « un pacte constitutionnel fédératif »16, tout en respectant la souveraineté du peuple belge, il aurait fallu faire appel au pouvoir constituant originaire à travers un référendum.
27Prisonnière qu’elle est des fausses objections dénoncées plus haut contre cette technique, la Belgique n’a pas envisagé une seule seconde d’y recourir. En se désintéressant du thème de la souveraineté nationale, un peu trop vite rangé dans la catégorie des objections d’arrière-garde, elle a perdu une belle occasion d’honorer les exigences communes de la démocratie et de sa Constitution.
28Par ailleurs, celle-ci comportait, selon le Conseil d’Etat, un autre obstacle qui pouvait, lui, être levé par une simple intervention du pouvoir constituant dérivé. Mais la Belgique a ratifié le Traité sans s’en émouvoir non plus17. Face à l’Europe, elle tend ainsi à se comporter comme si elle n’existait déjà plus en tant qu’Etat. Et elle le fait d’autant plus volontiers qu’elle n’a jamais eu une idée très claire de ce que ce mot veut dire18.
29Au terme de cette brève argumentation, une question se pose. On vient de démontrer qu’aucune objection de constitutionnalité ne peut être opposée à un recours au pouvoir constituant originaire pour statuer sur un transfert de la souveraineté nationale, que ce soit vers le bas au profit d’entités plus réduites, ou vers le haut au profit d’une collectivité plus englobante. Plus, le principe supra-constitutionnel de la souveraineté et l’exigence démocratique paraissent imposer ce recours. Faut-il cependant faire de celui-ci un impératif catégorique ?
30La réponse est négative. On sait bien qu’il peut exister des circonstances qui rendent l’organisation d’un tel référendum illégitime. Quand celui-ci a toutes les chances de mettre le feu à une poudrière, quand la guerre point à l’horizon, la théorie de l’état de nécessité justifie qu’on y renonce.
31Dans ces circonstances, il se peut que l’on sorte de l’orbite du droit interne pour entrer dans celle du droit international. La question s’y pose dans des termes différents. Certes, on y connaît la technique du plébiscite. Mais, précisément, le droit international n’a jamais fait du recours à celui-ci une obligation générale. Comme l’écrit Paul de Visscher, « au plan de sa mise en œuvre concrète, le plébiscite international soulève des problèmes nombreux et complexes qui, en raison de la diversité des situations de temps et de lieu, répugnent à une réglementation générale uniforme »19.
II. Le référendum constituant et la crise des Etats-providences
32On se tourne maintenant vers le deuxième type de référendum constituant, celui dont une Constitution peut elle-même imposer l’organisation pour que sa propre révision partielle soit valablement adoptée. Le peuple agit alors comme pouvoir constituant dérivé. L’institution d’un tel référendum constituant obligatoire peut être défendue à l’aide de plusieurs arguments. On en retiendra deux séries. La première prend appui sur l’évolution contemporaine qui affecte la notion de Constitution, et la seconde sur les métamorphoses du régime représentatif.
a) Le référendum constituant et la notion de Constitution
33Plusieurs Constitutions imposent soit le référendum obligatoire sur l’approbation ou le rejet de toute modification apportée à leurs dispositions, soit le droit d’initiative populaire, soit encore le référendum constituant facultatif à la demande d’un certain nombre d’élus ou d’électeurs, ou encore par décision d’une autorité déterminée20. La justification classique de cette technique réside dans la spécificité de la notion de Constitution. On peut être un partisan convaincu du régime représentatif, tout en reconnaissant que l’adoption et la révision d’une Constitution justifient un emprunt complémentaire aux techniques de la démocratie directe en raison du statut éminent de ce type de norme21. Comme l’écrit le publiciste allemand Jochen Frowein, « si la Constitution est, d’une certaine manière, l’expression du contrat social et des éléments fondamentaux qui se trouvent vraiment à la base d’un Etat, il est presque naturel que cette norme de base, cette loi fondamentale, ait besoin d’être approuvée par le peuple »22 et révisée avec son consentement exprès.
34Il convient cependant de se demander quelle est la portée actuelle de la prééminence constitutionnelle, et en quoi celle-ci mérite de se traduire dans une procédure de révision comportant une ratification par le peuple. On ne saurait, en effet, plaider pour la légitimité du référendum constituant en présupposant que la notion de Constitution est restée intacte depuis qu’elle a été inventée par les révolutionnaires américains et français23.
35Selon la théorie générale du droit classique fondée sur cette invention, la Constitution est doublement fondamentale. D’une part, elle l’est juridiquement : tout le droit procède de ses prescriptions. D’autre part, elle l’est socialement : elle est, comme l’écrit G. Burdeau, « l’officialisation d’une idée de droit tenue pour l’inspiratrice de l’ordre social à réaliser »24, une idée de droit apte à saisir « le problème social dans une perspective unique pour le résoudre selon un plan unique »25.
36Il devrait être clair pour tout le monde que la notion contemporaine de Constitution ne répond plus à cette double fonction. D’une part, nul n’ignore les développements considérables du droit international. Plus radicalement, on reconnaît maintenant que le droit étatique n’est qu’un ordre juridique parmi beaucoup d’autres26. En outre, on sait que la Constitution ne régit pas cet ordre juridique lui-même à la manière simple d’une norme suprême trônant au sommet d’un système parfaitement hiérarchisé. Le pouvoir, la diversité et la créativité des autorités chargées d’appliquer le droit infirment cette présentation pyramidale de type kelsénien27. D’autre part, la complexité du système social et le pluralisme idéologique et philosophique interdisent de réduire la Constitution à l’expression d’une idée de droit à la fois unique et déterminante pour l’ensemble de l’ordre social.
37Dès les années 1950, G. Burdeau avait reconnu ces facteurs dans une étude qui n’hésitait pas à qualifier la notion de Constitution de « survivance »28.
38Toute la question est cependant de savoir jusqu’où on peut aller dans la déconstruction du modèle classique, d’un point de vue tant descriptif que prescriptif. La position extrême est sans doute celle de Niklas Luhmann et de ses disciples. Pour eux, le système juridique fonctionne essentiellement de manière circulaire : chacun de ses éléments « doit son caractère de norme à celui des autres éléments, auxquels s’applique la même règle. Il ne peut donc y avoir de hiérarchies de normes ». Ainsi, « les lois ont valeur de règles normatives uniquement parce qu’il est prévu qu’elles soient appliquées dans les jugements, de la même façon que les jugements peuvent régler normativement des situations uniquement parce que cela est prévu par des lois »29. Le juge n’est pas plus « le destinataire des attentes normatives du législateur » que celui des « attentes normatives du public, des plaideurs, de ses collègues, etc »30.
39S’il faut suivre cette conception, la Constitution ne saurait expliciter des principes proprement fondateurs, d’où des conséquences normatives pourraient être dérivées par déduction. Elle ne saurait pas non plus être l’expression d’un projet de société transcendant les divers sous-système sociaux. Elle ne concerne que le système juridique qui n’est lui-même qu’un sous-système parmi d’autres. Pour Luhmann et ses disciples, il faut, en effet, faire son deuil d’une société unie par un projet politique déterminé. Nous devrions accepter de vivre dans une société fragmentée en une multitude de sous-systèmes sociaux auto-organisés et auto-produits — « auto-poiétiques », disent-ils — fonctionnant chacun comme une bîote noire par rapport aux autres. Ces sous-systèmes, par exemple l’économie, l’administration, l’éducation, la religion, la famille, mais aussi le droit et la morale eux-mêmes, sont les fruits de la complexité sociale contemporaine, caractérisée par le phénomène de la différenciation fonctionnelle. Chacun s’auto-régule et se légitime par son propre fonctionnement.
40Dans cette société, selon les mêmes auteurs, un consensus réel parmi les citoyens, « conçu comme mécanisme d’orientation sociale, comme fondement de la société », est impossible31. Un consensus social global serait incompatible avec la différenciation fonctionnelle en question. Celle-ci implique que les individus consentent à l’avance aux résultats du fonctionnement régulier des institutions propres à chacun des sous-systèmes. Il y a lieu de créditer celles-ci d’un consensus anticipé « pour je ne sais quoi », écrit Luhmann de manière on ne peut plus suggestive32.
41Le rôle de l’Etat et du droit devrait se contracter dans ce contexte. Le premier doit abandonner l’illusion de croire qu’il peut commander les diverses formes de régulation sociale à partir d’une position centrale et d’une connaissance des exigences du système global. Les crises de l’Etat-providence sont censées lui avoir appris qu’en voulant maîtriser le social à l’aide d’un droit interventionniste, il n’a fait qu’augmenter la complexité au lieu de la réduire. Il devrait donc se contenter de gérer celle-ci.
42Le second, le droit devrait être repensé sur le modèle d’un « droit réflexif », c’est-à-dire un ordre juridique fait essentiellement de procédures destinées, d’une part, à faciliter l’autorégulation de chaque sous-système et, d’autre part, à assurer un minimum d’harmonie entre les sous-systèmes33.
43Si l’on confronte cette théorie à la notion de Constitution et au référendum constituant, on a l’impression que la première prend les traits d’un dinosaure, et que le second ne serait plus que l’instrument d’une souveraineté illusoire, et donc mystificatrice. La souveraineté se serait en tout cas diluée hors de la volonté formellement exprimée par le peuple ou par ses représentants élus, dans les multiples canaux du réseau formé par les institutions des divers sous-systèmes sociaux en interaction.
44Il convient de reconnaître la part de vérité de cette présentation. Le temps des sociétés simples, non différenciées fonctionnellement, est, en effet, révolu. Celui des systèmes juridiques simples, monistes et linéaires, l’est également. Mais il est permis de penser que Luhmann et ses disciples vont beaucoup trop loin en rangeant l’éthique elle-même dans un sous-système social parmi les autres, en désarticulant le rapport de l’Etat et du droit avec la question de la légitimité34, et en imaginant que ceux-ci pourraient encore jouer fût-ce le rôle limité qu’ils leur impartissent, sans un minimum de consensus social global.
45De même, un système juridique qui aurait totalement rompu avec l’idéal du modèle hiérarchique ne serait pas viable. En réalité, les systèmes juridiques fonctionnent déjà aujourd’hui selon une logique paradoxale faite à la fois de relations hiérarchiques et de démentis partiels à cette hiérarchie qui ne vont jamais jusqu’à l’abolir35.
46Dans cette perspective, la Constitution conserve sa vocation à exprimer un certain nombre des valeurs fondamentales propres à une communauté politique et appelées à bénéficier du plus large consensus. Certes, ces valeurs sont celles d’une communauté politique dont la souveraineté est relative, plus aucun Etat ne pouvant aujourd’hui disposer d’un pouvoir d’autodétermination illimité. Certes, elles ne forment pas une représentation unique, complète et cohérente de l’ordre social désirable, tout Etat démocratique devant permettre à une pluralité d’idées de droit concurrentes de coexister et de dialoguer. Mais des valeurs déterminées n’en sont pas moins vouées à transcender, jusqu’à un certain point, la diversité des sous-systèmes sociaux.
47Il est vrai que ceux-ci ont spontanément tendance à se fermer de plus en plus sur eux-mêmes. Mais il convient précisément de freiner cette tendance qui ne saurait se déployer jusqu’au bout sans signer l’arrêt de mort du politique, et donc de la démocratie telle qu’on l’a définie au début de cette contribution. Une société transformée en une structure purement réticulaire, exclusivement composée de circuits délocalisés, parfaitement conforme aux exigences d’une rationalité techno-économique froide, et ayant jeté aux oubliettes de l’histoire les pôles fixes, les rapports linéaires et les hiérarchies, aussi bien que les valeurs d’identité et d’appartenance, une telle société réduirait la plupart de ses membres au statut de consommateur-usager. Elle les renverrait, en tant qu’acteurs, aux seuls délices de la vie privée.
48S’il faut lutter activement contre cette tendance déjà observable aujourd’hui, c’est en préservant un espace public « chaud », des lieux stratégiques, des structures stables de relations et de reconnaissances, et des enjeux communs. Il est permis de voir dans la notion de Constitution et dans ce qu’on a appelé le « patriotisme constitutionnel »36 un instrument irremplaçable à cet égard, une de ces précieuses butées opposables aux forces de dissolution des communautés historiques et des espaces publics. Mais les Constitutions ne peuvent exercer cette fonction de rassemblement des collectivités politiques, si leur révision n’est pas l’occasion d’un débat auquel tous les citoyens peuvent participer. N’est-ce pas la perspective d’une réponse personnelle à apporter lors d’un référendum de ratification qui fournira la motivation la plus forte à une participation effective à ce débat ?
49D’un point de vue plus juridique, d’autre part, la Constitution reste bénéficiaire d’une supériorité relative sur les autres normes du droit étatique. Certes, il faudrait plutôt parler du « système constitutionnel », c’est-à-dire du système de pouvoirs et d’organes créés par la Constitution en manière telle que le faisceau de leurs relations complexes « limite la liberté de chacun de déterminer seul ses propres compétences »37. L’interprétation de la Constitution est le produit de cet ensemble de relations. Elle résulte des diverses interprétations que chacun des acteurs du système lui procure selon sa logique propre. Mais parmi ces acteurs, il en est un qui occupe, depuis quelques décennies, dans la plupart des Etats occidentaux, une place éminente. C’est bien sûr le juge constitutionnel. La généralisation des contrôles juridictionnels de la constitutionnalité des lois a donné aux normes constitutionnelles un impressionnant regain de vie : à la fois des interprétations novatrices et un surcroît d’effectivité. La « juridicisation du droit constitutionnel » explique que « l’ensemble des branches du droit est en train d’(en) subir l’influence »38.
50Dominique Rousseau en a conclu récemment que l’on a ainsi renoué avec la conception classique que Burdeau croyait définitivement dépassée. Au fil de ses décisions, le juge constitutionnel produit bel et bien une « idée de droit » qui fait de la Constitution « l’assise juridique d’un projet politique particulier et précis »39. Sans tomber dans un néo-constitutionnalisme mystificateur qui méconnaîtrait les limites que l’on a relevées, à travers cette fois-ci une sorte de sacralisation de la justice constitutionnelle, il est indéniable que les Constitutions reçoivent de celle-ci une mise à jour permanente de première importance.
51C’est aussi dans ce contexte que l’on se permet de plaider encore pour le référendum constituant. Les juges constitutionnels exercent une fonction politique au sens large40. Plus personne n’en doute aujourd’hui. Ils tirent leur légitimité de leur indépendance, de leur impartialité, des garanties procédurales assurant le caractère équitable du procès, et de leur obligation de motiver leurs arrêts. Ils ne la tirent pas du suffrage universel. C’est une limite que l’on ne peut pas perdre de vue. Aussi les élus doivent toujours pouvoir remettre en cause une jurisprudence constitutionnelle. Certes, les décisions de l’organe suprême s’imposent aux parties dans les affaires qui leur ont donné lieu. Mais rien ne peut empêcher le pouvoir constituant d’amender la Constitution pour annihiler certaines de ses interprétations. Sur les vingt-six amendements apportés à la Constitution des Etats-Unis depuis 1787, sept ont été adoptés dans ce but41.
52S’il faut reconnaître les vertus de la justice constitutionnelle42, il faut aussi en percevoir les dangers. L’un de ceux-ci est de survaloriser l’autorité des juridictions constitutionnelles. De déclarer trop vite certaines controverses éteintes sous prétexte que le juge a parlé. Comme l’écrit Dominique Rousseau, si celui-ci « pacifie la vie politique, il ne doit pas l’endormir »43. Le meilleur moyen de garder l’opinion publique en éveil n’est-il pas d’organiser la procédure de révision constitutionnelle de manière à mettre les élus du peuple, d’abord, et le peuple lui-même, ensuite, en mesure de réagir, dans un délai raisonnable, à une jurisprudence constitutionnelle qu’ils jugent illégitime ? Cette faculté du pouvoir constituant dérivé est sans doute « une solution de dernier recours pour des cas exceptionnels »44, mais son existence paraît former « une condition essentielle de la conciliation entre justice constitutionnelle et théorie démocratique »45.
53Associer directement le peuple à cette réaction se justifie à la fois par les considérations générales évoquées ci-dessus et par l’intérêt particulier de sa médiation dans un éventuel conflit entre sa juridiction constitutionnelle et ses élus.
b) Le référendum constituant et les métamorphoses du régime représentatif
54Le régime représentatif est fondé sur quatre traits essentiels : l’élection des gouvernants par les gouvernés, pour fonder la légitimité des premiers dans la volonté des seconds ; l’interdiction du mandat impératif pour garantir une certaine marge d’indépendance des premiers ; le respect des libertés publiques, qui permet aux seconds de s’exprimer en dehors du contrôle des premiers ; et le principe de la délibération qui fait procéder la décision collective de la discussion46.
55La caractéristique majeure qui différencie ce régime de la démocratie directe, c’est cette indépendance relative des représentants par rapport aux représentés, un certain « écart entre la décision publique et la volonté populaire »47. Cet écart est légitime, d’abord, parce que sans lui la discussion argumentée et la recherche des indispensables compromis sont impossibles, et, ensuite, parce que comme le relevait déjà Sieyès, les citoyens, dans une société moderne, n’ont pas le temps nécessaire pour s’occuper sans cesse des affaires publiques48.
56Faut-il en déduire que l’on ne saurait combiner des techniques référendaires avec un système représentatif ? Faut-il parler, avec Bernard Manin, d’une opposition « principielle » entre la démocratie directe et la démocratie représentative49 ? On se permet de ne pas partager ce point de vue, ou plutôt d’en limiter la pertinence à la période antérieure à l’instauration du suffrage universel. Il est vrai que, pour Sieyès, il n’y avait pas lieu de s’interroger sur ce que voulait le peuple lui-même. Seuls ses représentants pouvaient lui imputer une volonté en son nom et pour son compte50. Le régime représentatif n’est donc pas clairement pensé et organisé, à cette époque, comme une modalité de l’idéal de l’autogouvernement du peuple. C’est la raison pour laquelle il n’est encore que pré-démocratique. Mais à partir du moment où l’idée-force de la démocratie, l’égalité, produit son implication politique, le suffrage universel51, le régime représentatif devient inséparable d’un souci de représentativité réelle qui ne s’explique pas autrement que par la volonté de poursuivre cet idéal proprement démocratique de l’autogouvernement du peuple. Comme l’a reconnu Carré de Malberg, dorénavant, « par les élus, c’est le sentiment du corps populaire qui se manifeste »52. Si l’on remet d’ailleurs périodiquement en cause la désignation des premiers pour veiller à leur représentativité, cela signifie que le second est investi d’un « pouvoir de décision qui va au-delà du choix des personnes »53.
57Il convient donc d’analyser la démocratie directe et la démocratie représentative comme deux modalités différentes pour approcher l’idéal de l’autogouvernement du peuple. Dans sa version radicale et utopique, la première exclut toute représentation et exige que le peuple exerce seul et directement l’intégralité des pouvoirs. Nul n’y a cru, même pas Rousseau54.
58La seconde cherche à réaliser le même idéal, mais en recourant à la médiation des élus et en excluant tout mandat impératif. Autrement dit, l’écart maintenu entre les représentants et les représentés ne signifie pas que les premiers peuvent ignorer la volonté des seconds, mais seulement que la meilleure manière de donner forme à cette volonté réside dans l’instauration d’une sorte de relation dialectique entre les uns et les autres.
59Il n’y a donc pas d’opposition principielle entre le régime représentatif et les techniques référendaires. Certes, recourir à ces techniques en certaines circonstances, c’est suspendre au même moment le régime en question, puisqu’elles ont pour effet d’éliminer, sur quelques points déterminés, toute possibilité d’écart entre la volonté des représentants et celle des représentés. Les premiers peuvent, sur ces points, être empêchés de vouloir ce qu’une majorité des seconds refuse formellement. Mais après ce moment référendaire, le retour au régime représentatif ne présente pas de difficulté de principe.
60Une telle suspension, par hypothèse exceptionnelle, se justifie particulièrement bien, s’agissant de la révision d’une Constitution. Prévoir un référendum pour permettre au peuple de ratifier ou non cette révision — préalablement délibérée par ses représentants —, c’est, en effet, exclure l’hypothèse que derrière l’écart classique entre représentants et représentés dont se nourrit le régime représentatif ordinaire, se cache une franche opposition pour ce qui concerne la règle du jeu qui organise ce régime lui-même. C’est aussi rappeler solennellement aux élus la consistance de l’idéal démocratique.
61Outre ces deux raisons fondamentales, il en est une troisième qui est plus conjoncturelle, mais non moins importante. Il est permis de penser, en effet, que l’insertion d’une certaine dose de démocratie directe dans le régime représentatif est spécialement souhaitable, eu égard aux métamorphoses que ce régime a connues et aux caractéristiques qu’il présente aujourd’hui.
62On suivra ici la typologie de Bernard Manin. Dans son étude déjà citée, celui-ci a dégagé trois phases successives55, en décrivant chacune comme une modulation « idéal-typique » déterminée des quatre traits dominants relevés plus haut.
63La phase initiale est celle du parlementarisme classique dont le système politique britannique entre 1832 et 1867 constitue l’archétype.
64Schématiquement, les élus sont des notables en qui les électeurs ont confiance ; le député est libre de ses votes ; entre le parlement et l’opinion publique, il n’y a pas de recouvrement, notamment parce que les élections ont lieu au suffrage censitaire ; et le parlement est le lieu central de la délibération.
65La phase suivante correspond à ce qu’on a appelé la « démocratie de partis ». Schématiquement toujours, les élus sont des hommes de parti unis aux électeurs par une commune appartenance à un monde sociologique déterminé ; les députés sont soumis de facto à la discipline partisane du vote, mais les leaders du parti disposent d’une marge de manœuvre suffisante par rapport à leur programme politique pour pouvoir conclure les compromis nécessaires à la formation des coalitions gouvernementales ; entre l’opinion publique et son expression électorale, il y a coïncidence ; et le lieu de la délibération se déplace hors du parlement, dans diverses instances formelles et informelles de concertation entre les partis et entre les groupes d’intérêt organisés.
66La troisième phase qui se met progressivement en place depuis 1960-1970, Bernard Manin propose de l’identifier comme celle de la « démocratie du public ». Ce qui est frappant, c’est que ce nouveau modèle renoue, à certains égards, avec des traits dominants du premier. Les élus sont moins des hommes de parti que, à nouveau, des personnalités en qui les électeurs ont confiance. Ils sont choisis, moins pour réaliser un programme de plus en plus vague, qu’en raison de leur aptitude présumée à prendre des décisions aussi appropriées qu’indéterminables à l’avance, vu la complexité des problèmes.
67Séduisant le public surtout par des images, leurs partis disposent d’une marge de manœuvre accrue dans la mise à exécution des engagements flous qu’elles évoquent.
68Entre l’opinion publique et son expression électorale, il y a à nouveau non-coïncidence. Les partis politiques sont toujours indispensables, mais ils sont de moins en moins les organes de familles idéologiques auxquelles les individus pouvaient se rattacher par tous leurs intérêts et toutes leurs croyances, depuis leur naissance jusqu’à leur mort. Les lignes de clivage deviennent multiples et changeantes. Plus aucune ne s’impose « a priori avec évidence comme la division primordiale »56. Bien des manifestations de l’opinion publique échappent donc aujourd’hui aux clivages partisans.
69Enfin, le lieu de la délibération reste latéral par rapport au parlement, mais il a tendance à se déplacer encore, cette fois vers la masse croissante des électeurs flottants. A la différence de ce que l’on pouvait observer dans le modèle précédent, ceux-ci ne correspondent plus aux individus les moins instruits. Il s’agit au contraire d’un « électorat informé, intéressé par la politique et relativement instruit »57. Avant chaque élection, il délibère à frais nouveaux, en fonction des images et des arguments qui lui sont adressés.
70La caractéristique dominante de la « démocratie du public » paraît consister ainsi dans une désidentification croissante des individus et des familles politiques censées les représenter et, par voix de conséquence, dans un écart grandissant entre la société civile et le système institutionnel et politique. Si l’on admet la définition téléologique de la démocratie rapportée au début de la présente contribution, ce tableau des métamorphoses du régime représentatif autorise les conclusions normatives suivantes. L’exigence démocratique comporte celle d’une participation effective d’un nombre croissant de citoyens à la vie politique. C’est ce qui permet de voir dans la démocratie de partis un progrès par rapport à la démocratie parlementaire classique du temps du suffrage censitaire. Elle a donné aux gouvernés un rôle plus important dans la conduite du gouvernement (au sens large). Certes, il serait pernicieux — et, pour tout dire, totalitaire — de prétendre pouvoir abolir tout écart entre les représentants et les représentés. Mais on ne saurait s’accommoder d’une évolution régressive à cet égard. Or, tel est le sens de la dernière mutation en cours.
71Il s’impose donc de chercher la mise en place de contre-feux. Il serait vain de rêver à un utopique retour aux anciens rapports d’appartenance. Les partis politiques resteront indispensables, mais ils ne pourront plus assumer leur fonction représentative de la même manière qu’avant. Comme l’écrit encore Manin, « les préférences des citoyens sur des objets politiques précis semblent de plus en plus s’exprimer de façon directe, soit au travers de sondages d’opinion, soit par des mouvements sociaux ou des organisations qui visent à atteindre un objectif particulier, mais ne cherchent pas à gouverner »58. Dans ce contexte, la technique référendaire paraît particulièrement appropriée. Aussi bien pour répondre à la demande de participation qui émane des citoyens à la fois actifs et réticents à l’égard des appartenances classiques de parti, que pour contrecarrer le développement des sentiments d’indifférence ou d’impuissance qui fleurissent dangereusement chez tant d’autres.
72Bien sûr, il n’y a pas lieu de survaloriser les mérites de la procédure référendaire. La stratégie à mettre en place pour lutter contre « la mélancolie démocratique de nos sociétés » devrait être multiforme59. Mais l’instauration du référendum constituant de ratification peut créer, en suscitant un vaste débat public chaque fois que la règle fondamentale de l’Etat est modifiée, l’occasion d’une revitalisation des liens entre la population et le monde politique.
73Pour le reste, on rappellera les avantages bien connus de cette technique : elle résout le délicat problème de la délimitation du domaine référendable qui se pose pour le référendum législatif ; elle évite l’inconvénient d’une exténuation du citoyen par un nombre excessif de consultations ; elle porte sur une question dont la formulation ne se prête à aucune manipulation ; sa mise en œuvre est automatique, et non subordonnée à la décision discrétionnaire d’un homme providentiel ; et elle laisse intacte les vertus du régime représentatif pour la législation ordinaire60.
Conclusion
74La visée démocratique, tout comme le concept d’Etat et le noyau dur des droits de l’homme, appartient à une catégorie d’idée de droit que l’on peut appeler transpositive61. Ces idées de droit assurent une médiation entre, d’une part, les exigences inconditionnelles qui émanent de la conscience éthique et qui se rapportent aux conditions de possibilité d’une vie sensée pour tous62 et, d’autre part, l’effectivité de la vie politique d’un Etat concret ainsi que celles des règles de droit positif que celui-ci se donne63. Si ces idées de droit permettent à l’éthique de trouver aujourd’hui dans le politique — donc dans l’Etat et son droit positif — un lieu d’effectuation, celui-ci ne saurait être que partiel et défaillant. C’est aussi bien en raison de l’autonomie relative du politique et du juridique que, comme l’écrit Jean Ladrière, parce que « la seule visée éthique de l’universel ne nous donne pas à l’avance, de façon détaillée et certaine, pour toutes les circonstances concevables, le contenu de ce qui est demandé par la requête de l’universel »64. Au-delà de l’inspiration qu’il y a lieu d’y trouver, l’élaboration des règles du droit positif, y compris de celles qui se soucient de traduire directement l’exigence démocratique, relève d’une tâche politique, d’une œuvre de prudence, d’un travail d’imagination institutionnelle, à entreprendre dans un espace de discussion, sur fond d’une certaine connaissance des données historiques, sociologiques et juridiques pertinentes, sans laquelle ce travail verserait dans l’incohérence65. On a essayé de montrer, dans les limites de ce registre, mais aussi sous le bénéfice de cette inspiration, quelques arguments qui font du référendum constituant, dans les deux sens que l’on a distingués, une institution a priori légitime et raisonnable dans les démocraties occidentales contemporaines. D’autres arguments auraient pu être avancés. D’autres objections, surtout, auraient pu être rencontrées66. On s’est borné à poser quelques jalons, en restant à un niveau relativement général.
75Aucun exercice d’imagination institutionnelle ne peut cependant faire abstraction des données nationales où pourrait s’inscrire l’institution préconisée. On évoquera donc, en guise de conclusion, le cas belge. On se souvient du débat sur le référendum qui a eu lieu entre la fin de l’année 1992 et le début de 1993 à l’occasion de la réforme de l’Etat67. On ne va pas en reprendre ici les termes, mais seulement la leçon que l’on croit pouvoir en dégager.
76Les meilleurs arguments en faveur de la légitimité d’une insertion du référendum constituant dans la procédure de révision de la Constitution en Belgique se heurtent tous à une seule objection de poids : dans le contexte très particulier du système politique et constitutionnel belge, cette réforme risquerait fort de provoquer l’éclatement de l’Etat à court terme. A bien des égards, ce système présente les traits d’une démocratie avancée. Mais sous d’autres points de vue, il présente des déficits démocratiques dont la résorption comporterait des risques de déstabilisation grave. Tout se passe donc comme si les Belges se trouvaient devant un choix tragique : ou bien perfectionner leur démocratie, que ce soit par le référendum constituant ou par d’autres techniques aussi souhaitables en elles-mêmes que dangereuses68, et courir le risque de devoir se séparer à bref délai ; ou bien se contenter des avantages du statu quo, et conserver une petite chance de poursuivre leur coexistence difficile pour une période à durée indéterminée.
77Il y aurait une réflexion éthique à entreprendre pour trouver la meilleure manière de raisonner face à un dilemme de ce genre. En attendant, on reste persuadé des mérites d’un référendum préalable qui permettrait au moins d’en clarifier les termes. Par ce référendum qui relèverait, lui, de la première des deux catégories distinguées ci-dessus, les Belges décideraient formellement s’ils veulent oui ou non vivre encore dans le même Etat.
78A cette technique solennelle, les gouvernants préfèrent une gestion incrémentale du conflit communautaire. Si cette gestion devait conduire à la dissolution de l’Etat, celle-ci se produirait donc clandestinement.
Notes de bas de page
1 J. LADRIÈRE, « Le citoyen, le pouvoir politique et l’administration. Réflexions sur la démocratie », in La participation directe du citoyen à la vie politique et administrative, sous la dir. de F. Delpérée, Bruxelles, Bruylant, 1986 p. 47.
2 P. RICŒUR, « Ethique et politique », in Esprit, mai 1985, p. 10.
3 Cf. par ex. J. FROWEIN, « Les référendums. Aspects du droit comparé », in La participation directe du citoyen..., op. cit., p. 98 et sv.
4 Selon l’expression d’Olivier Beaud à propos de l’intégration européenne : cf. O. BEAUD, « La souveraineté de l’Etat, le pouvoir constituant et le Traité de Maastricht », in Rev. fr. Droit adm., 9 (6). nov.-déc. 1993, p. 1064.
5 Ibid, eod. loc.
6 J. HABERMAS, Ecrits politiques, Paris, Cerf, 1990, p. 258 et 255. On notera qu’à propos de la réunification des deux Allemagnes, J. Habermas avait plaidé résolument en faveur d’un référendum constituant : un « acte fondateur ne peut être accompli qu’en volonté et en conscience » (op. cit., p. 256).
7 Pour une théorie de la validité juridique avertie des leçons de ce théorème, cf. F. OST, « Essai de définition et de caractérisation de la validité juridique », in Droit et pouvoir, sous la dir. de F. Rigaux et G. Harscher, Bruxelles, Story-Scientia, 1987, p. 97-132, partic. p. 119 et suiv.
8 En théorie du droit, on dira que le fondement de la Constitution est tiré d’une « règle de reconnaissance » au sens où H.L.A. Hart l’entend : « La règle de reconnaissance n’existe que sous la forme d’une pratique complexe, mais habituellement concordante, qui consiste dans le fait que les tribunaux, les fonctionnaires et les simples particuliers identifient le droit en se référant à certains critères. Son existence est une question de fait » : H.L.A. HART, Le concept de droit, trad. M. van de Kerchove, Bruxelles, F.U.S.L., 1976, p. 138 (souligné par H.D.). Contra H. KELSEN, Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962, p. 256 et sv., pour qui il convient d’étudier le droit comme « un tout refermé sur lui-même » (p. 315). Sur l’échec de l’entreprise kelsénienne d’auto-fondation du droit, cf. J. LENOBLE et F. OST, Droit, mythe et raison, Bruxelles, F.U.S.L., 1980, p. 506-546.
9 Pour un exposé plus complet sur ce débat en Belgique, cf. H. DUMONT, « La réforme de 1993 et la question du référendum constituant », in Administration publique, 1994, T2-3, p. 101-107..
10 Pour une argumentation analogue à la nôtre à propos, notamment, du cas tchécoslovaque, cf. B.A. ACKERMAN, « 1787 and 1993. George Washington. Yeltsin », in The New York Times, 3 avril 1993.
11 O. BEAUD, op. cit., p. 1063.
12 Ibid, eod. loc.
13 Pour une démonstration juridique complète, cf. ibid., p. 1045-1068.
14 Ibid., p. 1064.
15 Cité notamment par J. VELU, Droit public, t. 1er, Bruxelles, Bruylant, 1986, p. 89-90.
16 O. BEAUD, op. cit., p. 1067.
17 Cf. sur ce point, F. DELPÉRÉE, « La Belgique et l’Europe », in R.F.D.C., no°12, 1992, p. 643-650.
18 Cf. H. DUMONT, Ch. FRANCK, e.a. (sous la dir. de), Belgitude et crise de l’Etat belge, Bruxelles, Publications des F.U.S.L., 1989.
19 P. DE VISSCHER, « Le plébiciste international », in La participation directe du citoyen..., op. cit., p. 155-156.
20 Cf. J. FROWEIN, op. cit., p. 98-102.
21 Sur la compatibilité du régime représentatif et des techniques référendaires, cf. infra.
22 Op. cit., p. 98.
23 Sur cette conception originaire, voy. not. J. BAUDUIN, « La Constitution révisée droit être ratifitée par le peuple », in Charte 91, no°2, novembre 1992, p. 3-9.
24 G. BURDEAU, « Une survivance : la notion de Constitution », in Etudes en l’honneur d’Achille Mestre, Paris, Sirey, 1956, p. 57.
25 G. BURDEAU, Traité de science politique, T.I, vol 1, Paris, L.G.D.J., 19803, p. 295.
26 Cf. not. F. RIGAUX, « Le droit au singulier et au pluriel », in R.I.E.J., 1982/9, p. 1-61.
27 Cf. P. AMSELEK, « Réflexions critiques autour de la conception kelsénienne de l’ordre juridique », in Rev. dr. publ., 1978, p. 5 et sv.
28 Cf. G. BURDEAU, « Une survivance... », op. cit., p. 53-62.
29 N. LUHMANN,« L’unité du système juridique »,in A.P.D., 1986, p. 174.
30 Ibid. p. 175-176.
31 J. A. GARCIA AMADO, « Introduction à l’œuvre de Niklas Luhmann », in Droit et société, no°11-12, 1989, p. 33.
32 Cité par ibid, p. 35.
33 Cf. H. WILLKE, « Diriger la société par le droit ? », in A.P.D., 1986, p. 189-214.
34 Cf. en ce sens J. LENOBLE, « Repenser le libéralisme », in Nouveaux itinéraires en droit. Hommage à François Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 339.
35 Cf. M. van de KERCHOVE et F. OST, Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, P.U.F., 1988, p. 105-111.
36 Cf. not. J. HABERMAS, op. cit., p. 245 et sv.
37 M. TROPER, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supralégalité constitutionnelle », in Mélanges Ch. Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p. 150.
38 L. FAVOREU, « Le droit constitutionnel, droit de la Constitution et constitution du droit », in R.F.D.C., 1990, 1, p. 71-72.
39 D. ROUSSEAU, « Une résurrection : la notion de Constitution », in Rev. dr. publ., 1990, p. 10.
40 Cf. H. DUMONT, « Le contrôle de la constitutionnalité des lois et des décrets en Belgique : fonction juridictionnelle ou politique ? », in Fonction de juger et pouvoir judiciaire, sous la dir. de Ph. Gérard, F. Ost et M. van de Kerchove, Bruxelles, F.U.S.L., 1983, p. 71-174.
41 Cf. G. SCOFFONI, « Le Congrès des Etats-Unis et la remise en cause des interprétations constitutionnelles de la Cour suprême. Sur la conciliation entre justice constitutionnelle et théorie démocratique », in R.F.D.C., 16, 1993, p. 682.
42 Cf.not. L. FAVOREU, « Actualité et légitimité du contrôle juridictionnel des lois en Europe occidentale », in Rev. dr. publ. 1984, p. 1147-1201.
43 Op. cit., p. 21.
44 G. SCOFFONI, op.cit., p. 692.
45 Ibid., p. 691.
46 En ce sens B. MANIN, « Métamorphoses du gouvernement représentatif », in Métamorphoses de la représentation politique au Brésil et en Europe, sous la dir. de D. PÉCAULT et B. Sorj, Paris, C.N.R.S. 1991, p. 34-44.
47 Ibid., p. 38.
48 Cf. J.D. BREDIN, Sieyès, Paris, Ed. de Fallois, 1988, p. 148-149.
49 B. MANIN, op. cit., p. 70.
50 Cf. J.D. BREDIN, op. cit., p. 163, 364, 468 et sv.
51 Cf. A. de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, Paris, Flammarion, 1981, T.I, p. 119.
52 R. CARRÉ de MALBERG, « Considérations théoriques sur la question de la combinaison du referendum avec le parlementarisme », in Rev. dr. publ., 1931, p. 233.
53 Ph. LAUVAUX, Les grandes démocraties contemporaines, Paris, P.U.F., 1990, p. 87.
54 Sa fameuse phrase sur la démocratie qui présuppose « un peuple de dieux » vise précisément cette version radicale, cf. J.J. ROUSSEAU, « Du contrat social ; ou, Principes du droit politique », in Œuvres complètes, III, Paris, Gallimard, 1964, p. 403-406. On sait que Rousseau a fini par admettre la représentation même pour « la puissance législative », mais seulement à la condition de soumettre les représentants à des mandats impératifs : cf. « Considérations sur le gouvernement de Pologne et sur sa réformation projetée », in ibid., p. 979-980.
55 Cf. B. MANIN, op.cit., p. 45-71.
56 Ibid., p. 61.
57 Ibid., p. 69.
58 Ibid., p. 31.
59 Cf. J BAUDUIN ET H. DUMONT, « Les bonnes raisons d’un référendum qui n’aura pas lieu », in Charte 91, no°3, février 1993.
60 On pourrait présenter bien d’autres arguments encore à partir de A. AUER, « Le référendum populaire en Suisse et aux Etats-Unis : droit positif, histoire et fonctionnement », in R.F.D.C., 7, 1991, p. 387-402 ; et L. MOREL, « Le référendum : état des recherches », in R.F.S.P., 1992, p. 835-864.
61 On s’inspire ici d’une terminologie due à G. BURDEAU, Traité, op.cit., p. 205-409, mais on l’utilise dans un sens assez différent.
62 Cf. J. LADRIÈRE, « L’éthique et les intérêts collectifs », in Licéité en droit positif et références légales aux valeurs, Bruxelles, Bruylant, 1982, p. 122 : « L’individu agissant n’est vraiment humain que s’il agit en vue de l’existence sensée ; mais il ne peut véritablement vouloir l’existence sensée que s’il la veut pour tout individu en lequel s’incarne l’ordre de l’humain ».
63 Cf. ibid., p. 124 et sv.
64 J. LADRIÈRE, « Droit naturel, droit éthique », in R.I.E.J., 1984/13, p. 95.
65 Sur cette notion d’imagination institutionnelle, cf. J. LADRIÈRE, « L’invention politique », in Phénoménologie et politique. Mélanges offerts à Jacques Taminiaux, Bruxelles, Ousia, 1991, p. 386 et sv. Comp. J. DABIN, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 1969, p. 159 et sv.
66 Les quatre objections les plus fréquemment citées sont : 1. le référendum risque toujours de coaliser les mécontents animés par les préoccupations les plus contradictoires, et donc incapables de proposer un projet alternatif ; 2. une réponse par oui ou par non à une réforme globale interdit l’expression d’une pensée nuancée ; 3. toute révision complexe sur le plan technique et ambivalente sur le plan politque (en raison des concessions réciproques qui l’ont rendue possible), échappe à l’entendement du citoyen moyen ; 4. tout référendum est dramatisant et menacé par des enjeux irrationnels. Cf. en ce sens M. Uyttendaele, « Le référendum constitutionnel en Belgique ou une réponse inadaptée à une question pertinente », in A.P., 1994, T.2-3, p. 109-114. Ces quatre objections ont évidemment du vrai. Il y a lieu toutefois de les tempérer par les remarques suivantes. 1. C’est le propre du principe de majorité de permettre à une coalition hétéroclite d’adopter ou de faire échouer un projet. Cela s’observe également dans les assemblées. 2. Quand celles-ci donnent ou refusent leur assentiment à un traité, elles répondent aussi par oui ou par non à un tout. L’assentiment est un acte de haute tutelle qui n’est pas dérisoire pour autant. 3. Le niveau intellectuel moyen des citoyens est tendanciellement à la hausse. En outre, il est bon de contraindre les gouvernants à faire œuvre pédagogique, et pas seulement technocratique. 4. Les dimensions affectives et symboliques forment, en toute hypothèse, une partie intégrante de l’univers politique ; et le risque d’une certaine dramatisation n’est-il pas préférable à celui de l’apathie ?
67 Cf. supra, note 9.
68 Par exemple le scrutin majoritaire.
Auteur
Chef de travaux chargé d’enseignement aux Facultés universitaires Saint-Louis, Réflexions sur la légitimité du référendum constituant.
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