L’enseignement de la morale indépendante en Belgique (19e-20e siècles)
p. 217-262
Texte intégral
1Beaucoup moins spectaculaire aujourd’hui que la concurrence entre l’école officielle et l’école catholique, l’introduction d’une morale « non-religieuse » dans le programme d’enseignement public constitue cependant une pierre de touche de deux orientations fondamentales. Dans une culture et une société imprégnée par le catholicisme, une vision laïque de l’existence et de la société s’affirme progressivement. Un des enjeux de la guerre scolaire des années 1879-1884 a d’ailleurs été la laïcisation des écoles primaires communales en remplaçant le cours de religion par une formation morale indépendante de toute confession religieuse.
2Ces deux conceptions sont relayées par différents milieux. Elles trouvent leur expression et leurs réalisations dans la sphère politique et dans l’organisation de l’enseignement. Il est difficile dans une étude relativement rapide et brève d’en indiquer toutes les péripéties et tous les développements. Nous voudrions simplement poser les jalons d’une telle recherche et reprendre les étapes principales et les débats qui mènent à la création d’un cours de morale indépendante dans l’enseignement organisé par les pouvoirs publics1.
I. Les débuts de la Belgique indépendante (1830-1832)
a. Le contexte général
3La Belgique est dirigée par une minorité. Le droit de vote n’est accordé qu’à 55.000 électeurs environ pour 4.000.000 habitants. Grâce à sa personnalité, le Roi use de son influence pour soutenir la religion catholique. Les parlementaires, « libéraux »et« catholiques » pratiquent « l’unionisme » au plan national, en raison de la situation internationale du pays.
4La religion reste prégnante dans la vie sociale. A part ceux qui sont refusés par le clergé, les premiers enterrements civils datent des années 1850. Le premier qui eut un certain retentissement a lieu en 18522.
b. L’héritage dans l’enseignement
5Jusqu’à l’annexion à la République française, l’enseignement est dirigé par le clergé. Même les collèges thérésiens, créés par le gouvernement après la suppression des jésuites en 1773, sont dirigés par des prêtres.
6L’enseignement du catéchisme est au centre de l’instruction dans les écoles. Les obligations morales basées sur le décalogue, les commandements de l’Eglise et les vertus théologales y ont une place prépondérante3.
7Au début de l’annexion à la France, le programme des écoles centrales ne comprend que des cours de « philosophie », mais, après le concordat de 1801, le clergé et la religion sont réintroduits dans les écoles. Avec la création de l’Université en 1806, l’Etat exerce le monopole de l’enseignement.
8Sous le Régime hollandais, l’exécutif est seul responsable de l’instruction4. Pour en maintenir la neutralité confessionnelle, l’instruction religieuse ne fait pas officiellement partie du programme scolaire, tant dans les écoles primaires5 que dans les athénées et les collèges6.
9Dans la pratique, le catéchisme est souvent enseigné dans les écoles, sauf dans les villes où il l’est à l’église. Jusqu’au conflit de 1825, le clergé est présent dans la plupart des établissements d’enseignement secondaire.
10La création par le gouvernement du Collège philosophique pour la formation du clergé suscite une forte opposition des milieux « catholiques ». Déposé peu avant la Révolution, l’arrêté royal du 27 mai 1830 permet de réintroduire l’enseignement religieux dans les écoles7.
c. La Constitution de 1831
11Résultat d’un compromis, la Constitution garantit la liberté des cultes et de leur organisation (articles 14 et 16) et interdit toute contrainte dans le domaine religieux (article 15). La liberté de l’enseignement est reconnue et l’intervention du législateur est requise pour l’organisation de l’enseignement donné aux frais de l’Etat (article 17).
12La Constitution permet ainsi la concurrence entre l’enseignement « officiel » et l’enseignement « libre » selon la terminologie catholique, public et privé, selon la terminologie adverse.
d. Les premiers projets
13Le 10 septembre 1831, une circulaire adressée aux gouverneurs de province par le ministre de l’Intérieur par intérim Th. Teichman demande la création de cours de « devoirs moraux et civiques ». Elle est probablement inspirée par Lesbroussart, administrateur général de l’Instruction publique, qui remet au ministre un projet de réorganisation de l’enseignement le 20 septembre8. Le projet de loi ne contient rien sur la religion ou la morale mais, dans ses observations sur les différents articles, il signale qu’« on pourrait y joindre, conformément aux sages vues du ministre de l’Intérieur, M. Teichman, un cours abrégé des devoirs moraux et sociaux ».
14Bientôt, les gouverneurs répondent à la circulaire de Teichman. Si la plupart des réactions sont positives, le baron de Stassart, gouverneur de la province de Namur et libéral notoire, émet des réserves sur l’opportunité d’introduire un tel enseignement. Le gouverneur de la Flandre orientale, le baron Lamberts, chrétien austère, s’insurge contre une telle demande : pour lui, la morale est inséparable de la religion. Le nouveau ministre de l’Intérieur depuis le 21 novembre, de Theux, retire la demande, alléguant que « des cours de morale ne doivent pas être établis par le gouvernement ».
15Le 21 décembre 1831, deux députés, Seron et Robaulx, déposent une proposition de loi établissant l’instruction gratuite pour tous. Ils développent leur projet le 20 janvier suivant, mais, le 25, après une longue discussion, la Chambre en rejette la prise en considération.
16Une commission, nommée par le gouvernement le 30 août 1831, dépose son projet d’organisation de l’instruction le 20 mars 18329. Le projet de Lesbroussart lui a servi de base. Il ne contient aucune indication sur la morale. Il exclut également la religion : « Le gouvernement reste étranger à l’enseignement religieux. Les cours seront combinés de manière que les élèves puissent recevoir cet enseignement des ministres de leur culte » (article 3). Dans son commentaire, il justifie sa position :
« Les premiers soins d’une éducation bien dirigée doivent tendre à élever la pensée de l’homme vers son créateur et à poser solidement les bases des principes religieux ; mais lorsque la constitution du pays consacre la liberté des consciences, ces principes ne peuvent être inculqués à chaque individu que par les ministres de son culte ou sous leur direction immédiate ; le gouvernement doit resserrer son action dans les limites que lui trace la loi ; mais s’il s’abstient de prendre une part active à l’enseignement religieux, il doit se faire un devoir d’en faciliter la propagation ».
II. L’instruction primaire : la loi de 1842
17L’arrêté royal du 18 novembre 1833 crée une nouvelle commission pour préparer un projet de loi comprenant les trois branches de l’enseignement10. Le nouveau projet, déposé à la Chambre le 31 juillet 1834, introduit la religion dans l’enseignement « officiel ». Il porte :
« Article 2. L’instruction primaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, (...) L’enseignement de la religion est donné sous la direction de ses ministres : le vœu des pères de famille sera toujours consulté et suivi en ce qui concerne la participation de leurs enfants à l’instruction religieuse. (...) Article 25. L’enseignement dans ces athénées comprend : 1° l’instruction morale et religieuse ; 2° les langues anciennes (...). Article 26. L’enseignement religieux est donné par les ministres des cultes. »
18La morale vient en tête mais elle n’est pas séparée de la religion. La religion est donnée sous la direction de ses ministres. Plusieurs religions pourraient ainsi être enseignées dans la même école.
19La situation de l’enseignement évolue rapidement. En 1834, les évêques fondent l’Université catholique à laquelle répond la création par la Franc-Maçonnerie de l’Université libre de Bruxelles. La loi du 27 septembre 1835 sur les universités ne prévoit pas d’enseignement de la religion mais un cours de philosophie morale en Philosophie et Lettres. Dans l’enseignement supérieur de l’Etat, des aumôniers seront nommés à l’Ecole de médecine vétérinaire et d’agriculture en 1836, et à l’Ecole militaire en 1838.
20En mai 1835, les évêques publient une lettre collective sur l’importance de l’éducation religieuse et sur la religion comme base de l’instruction. Deux ans plus tard, ils renouvellent les condamnations contre la Franc-Maçonnerie11. En 1840, l’évêque de Liège, Mgr Corneille Van Bommel, publie son Exposé des vrais principes sur l’instruction publique, où il combat la séparation entre la morale et la religion12.
21A la chambre et au Sénat, l’essentiel de la discussion du projet de loi de 1842 porte sur l’article 6 :
« L’instruction primaire comprend nécessairement l’enseignement de la religion et de la morale, la lecture, l’écriture, (...). L’enseignement de la religion et de la morale est donné sous la direction des ministres du culte professé par la majorité des habitants de la commune. Les enfants dont les parents n’appartiennent pas à la communion religieuse en majorité dans la commune seront dispensés d’assister à cet enseignement. »
22Aucun intervenant ne s’oppose à l’introduction de la religion et de la morale dans le programme. Tous reconnaissent que la religion inclut la morale et que « la morale comprend les rapports de l’homme avec Dieu, avec lui-même et avec ses semblables » (Delfosse à la Chambre, 13 août 1842, repris par Orts à la Chambre, le même jour). Les positions divergent sur les rapports entre la morale et la religion.
23La préoccupation principale des libéraux est de ne pas mettre tout l’enseignement sous la tutelle du clergé par le biais de la surveillance de la religion et de la morale. Ils voudraient qu’on en revienne au projet de 1834 où seul « l’enseignement de la religion est donné sous la direction du clergé » (Devaux à la Chambre, 9 août).
24Le projet gouvernemental reste trop dans le « vague » pour la définition de la morale (Verhaegen à la Chambre, 8 août). Les libéraux ne veulent pas voir confier au clergé la direction exclusive de la morale (Delfosse à la Chambre, 13 août) ce qui conduirait à lui donner beaucoup trop de pouvoir (Verhaegen à la Chambre, 8 et 10 août). Ils expriment la crainte que, sous le couvert de morale et de religion, le clergé n’enseigne des doctrines « contraires aux lois ou l’intérêt du pays » (Delfosse à la Chambre, 13 août), voire « la morale des jésuites » avec la maxime épouvantable « justum est necare reges impios » (Verhaegen, qui en appelle à Pascal, à la Chambre, 10 août).
25Ce projet reconnaît implicitement l’incompétence de l’instituteur laïque en matière d’enseignement moral (Devaux à la Chambre, 8 août). Il manifeste une certaine suspicion à l’égard de l’autorité civile « chaque fois que l’on prononce dans la loi le mot de morale » (Rogier à la Chambre, 16 août), alors qu’on ne peut l’exclure du droit de surveiller l’enseignement moral (Orts à la Chambre, 13 août). Le pouvoir civil a un rôle à jouer dans cet enseignement (Rogier à la Chambre, 16 août) : il est compétent pour enseigner la partie de la morale qui concerne les devoirs de l’homme comme citoyen (Verhaegen à la Chambre, 13 août). Cela suppose que soit faite une distinction entre la morale du point de vue catholique et la morale du point de vue social (Verhaegen à la Chambre, 24 août). A côté des grands principes moraux, il existe « une morale politique qui peut être différente dans un pays de ce qu’elle est dans l’autre » et qui doit être soustraite à l’autorité du clergé (Orts à la Chambre, 13 août).
26Pour les catholiques, on ne peut enseigner à l’école primaire « une morale générale détachée de toute idée d’une religion positive » (Nothomb à la Chambre, 13 août). Ce serait retomber dans « les rêveries d’un voltairianisme usé » et enseigner « ce déisme subversif de la religion révélée » (marquis de Rodes au Sénat, 20 septembre). La principale force des catholiques reste le consensus social et l’exemple des pays étrangers qui n’hésitent pas à confier une tâche importante de surveillance aux ministres des cultes13.
27Dans l’article 6 de la loi 23 septembre, « la majorité des habitants de la commune » est remplacée par « la majorité des élèves de l’école », et « la communion religieuse en majorité dans la commune » par « en majorité dans l’école ». Ceci permettrait à une commune d’établir des écoles pour des élèves non catholiques.
28A la fin de la discussion au Parlement, il ne restera que trois opposants irréductibles : Verhaegen, Delfosse et Savart-Martel.
29L’application de cette loi organique de l’enseignement primaire renforcera l’influence du clergé. Dans les écoles primaires supérieures, un ministre du culte est chargé de l’enseignement de la morale et de la religion ; il sera nommé par le chef du culte et agréé par arrêté royal. Des prêtres dirigent les deux écoles normales primaires de l’Etat de Lierre et Nivelles, créées en 184314.
III. L’enseignement moyen : la loi de 1850 et la Convention d’Anvers de 1854
30Depuis 1830, la direction des athénées a été transférée aux administrations communales. Jusqu’à la Convention de Tournai en 1845, beaucoup de collège communaux sont progressivement dirigés par le clergé et financés par la commune, tandis que les congrégations religieuses créent leurs propres collèges. Le clergé séculier ouvre également quelques établissements.
31En février 1846, le projet Van de Weyer sur l’instruction moyenne prévoit un cours de morale et de religion donné par les professeurs laïcs, surveillés par le curé de la paroisse, ou par les ministres des cultes. En mai, le projet de Theux réserve « l’instruction religieuse » au ministre du culte de la majorité des élèves, les élèves d’autres cultes en étant dispensés.
32Le 16 juin, le premier congrès libéral met à son programme :
« l’indépendance réelle du pouvoir civil et l’organisation d’un enseignement public à tous les degrés, sous la direction exclusive de l’autorité civile, en donnant à celle-ci des moyens constitutionnels de soutenir la concurrence contre les établissements privés et en repoussant l’intervention des ministres des cultes, à titre d’autorité, dans l’enseignement organisé par le pouvoir civil ».
33Après leur victoire électorale du 8 juin 1847, les libéraux forment un gouvernement homogène. Un projet de loi sur l’enseignement moyen sera déposé le 14 février 1850 et discuté en avril - mai. Pour tous, l’enseignement de la religion reste au centre de l’instruction15, comme l’affirme le ministre des Travaux publics Rolin : « Nous disons avec Portalis : point d’instruction sans éducation, point d’éducation sans religion. La religion c’est le fond de toutes choses »16.
34L’article 8 de la loi du 1er juin sur l’enseignement moyen stipule que « l’instruction moyenne comprend l’enseignement religieux. Les ministres des cultes seront invités à donner ou à surveiller cet enseignement ». Il faut remarquer que le texte ne mentionne plus l’enseignement de la religion et de la morale, comme pour l’instruction primaire. Les communes gardent la possibilité de subventionner des établissements du clergé, les « collèges patronnés ».
35Parce qu’il estime ne pas avoir obtenu suffisamment de garanties, le clergé refuse cependant d’entrer dans les établissements régis par la nouvelle loi. Ce refus débouche sur de longues tractations entre l’épiscopat et le gouvernement de Brouckère, à partir de 1852. En février 1854, sept députés, dont Verhaegen et Frère-Orban, refusent d’approuver la conduite trop conciliante du gouvernement. Mais le 5 avril, un arrêté royal ratifie l’accord, connu sous le nom de « Convention d’Anvers », qui organise l’enseignement religieux pour l’athénée de la ville.
36L’enseignement religieux fait partie du programme et les résultats de l’examen sur cette matière entrent en ligne de compte pour le prix annuel. Seule la religion catholique, qui est celle de la majorité des élèves, est enseignée par un ecclésiastique nommé par l’archevêque et admis par le gouvernement. Les élèves non-catholiques sont dispensés du cours et rien n’est stipulé pour eux. Les parents pourront faire dispenser leurs enfants de l’enseignement religieux en conformité avec l’article 15 de la Constitution. Leur instruction religieuse sera assurée par les différents ministres des cultes en dehors de l’établissement.
37En 1857, à la fin du dernier gouvernement « unioniste », la convention est appliquée dans 4 athénées sur 10, dans 31 écoles moyennes sur 49 et dans 6 établissements communaux sur 15.
38Les évêques se sont efforcés de limiter les demandes de dispenses du cours de religion mais sans menacer de retirer le professeur de religion si elles sont accordées, malgré un ballon d’essai des opposants à la Convention.
IV. Vers la création d’un cours de morale indépendante
39Dans la seconde moitié du 19e siècle, les positions se radicalisent. En 1854, la Franc-Maçonnerie supprime l’interdiction de parler de politique et de religion dans les réunions des loges. Agathon De Potter publie son célèbre Catéchisme du Libre Penseur. Le 21 août, des ouvriers créent la première association rationaliste « l’Affranchissement » pour promouvoir les funérailles civiles17
40Deux ans plus tard, l’attitude des professeurs gantois Laurent et Brasseur, qui ont mis en doute certaines affirmations catholiques, suscite des polémiques. A Bruxelles, l’association des Solidaires est fondée pour encourager les enterrements civils.
41Le 30 octobre 1857, l’agitation produite par son projet de « Loi des couvents » de 1856 entraîne la chute du dernier gouvernement « unioniste ». Les années qui suivent voient paraître une vague de brochures anticléricales18, comme celle de Charles Potvin sur L’Eglise et la morale, contre l’immoralité de la morale catholique et pour la morale indépendante19.
42En 1859, Jules Bara publie son Essai sur les rapports de l’Etat et des religions où l’idée de séparation remplace celle d’indépendance du pouvoir civil, mais la séparation de l’Eglise et de l’Etat ne sera officiellement au programme du parti qu’en 1887 pour les progressistes et qu’en 1894 pour les doctrinaires. Elle est même omise dans le manifeste des gauches du 21 décembre 1900.
43En 1862, la question des cimetières —suppression de la discrimination entre terre bénite pour les catholiques et « coin des réprouvés » pour les autres — prend de l’ampleur. Le fondateur de l’ULB Théodore Verhaegen est enterré civilement. Le 20 octobre, la création des Libres Penseurs précède de peu celle de la Libre Pensée, le 13 janvier suivant (H. Bergé, etc.). A la même époque, les catholiques tentent d’unir leurs forces grâce aux congrès de Malines de 1863, 1864 et 1867.
44En 1863, les loges publient des « Mémoires sur l’instruction obligatoire »20 Toutes appellent de leurs vœux la suppression de l’enseignement religieux et de l’intervention du clergé, mais elles ne demandent pas un cours spécial de morale et font peu de développements théoriques. Elles proposent que l’instituteur inculque à ses élèves la « morale sociale », des « préceptes moraux », des « principes universels de la morale », la « morale immuable, universelle », « cette morale universelle qui est de tous les âges et de toutes les religions, et non une morale déterminée et renfermée dans les limites d’un dogme », la« morale pure », « une morale qui repose sur des vérités naturelles ».
45L’article 9 du projet de loi des Amis philanthropes de Bruxelles reflète l’opinion commune :
« l’enseignement des écoles communales primaires et de répétition est purement laïc. L’instituteur communal s’efforce dans le cours de ses leçons de développer chez ses élèves le sentiment moral et le respect des lois. Il s’abstient d’enseigner, dans ses leçons, quoi que ce soit qui puisse blesser les croyances religieuses individuelles. L’enseignement religieux dogmatique ne peut être donné dans les écoles communales primaires et de répétition ».
46L’année 186421 est marquée par la fondation de la Ligue de l’enseignement qui militera pour la laïcisation de l’enseignement public. Partisans d’un enseignement inductif, ses membres se méfieront de cours de morale propices au dogmatisme.
47Ouvert en mai, le « Cours supérieur d’éducation » pour jeunes filles de la ville de Bruxelles, le futur lycée Gatti de Gamond, n’aura ni cours de religion ni cours particulier de morale mais il est entendu que « les cours d’éducation offrent aux jeunes filles de la classe aisée un enseignement moral, scientifique et professionnel en rapport avec les besoins de l’époque »22.
48En 1868, le Grand Orient de Belgique supprime l’article 12 des statuts généraux de l’Ordre, qui imposait l’invocation du Grand Architecte de l’Univers, et révise le rituel dans un sens plus laïque23.
49La proposition de loi déposée par Funck en 1870 sur « l’enseignement primaire obligatoire » ne contient que des articles sur l’obligation scolaire, son contrôle et les sanctions24.
50En 1871, le projet d’organisation de l’enseignement populaire mis au point par la Ligue de l’enseignement indique que le but de l’enseignement populaire est de développer « les facultés intellectuelles et morales de l’enfant » mais sans donner d’autres précisions sur la morale. Le programme de son Ecole modèle, décidée en 1872 et ouverte en 1875, ne comprend ni cours de religion ni cours spécial de morale25. Le 1er octobre 1877, « les instructions générales aux instituteurs » précisent que
« la culture morale est la partie principale de la culture générale. Cependant la morale ne figure pas au programme de l’Ecole parmi les matières à enseigner. Pour de jeunes enfants, la morale n’est pas une matière scientifique, mais le fait de sentiments et d’habitudes. Des leçons sur la morale à heure fixe et dans un ordre méthodique ne sont ni indispensables ni suffisantes. Ce qui importe, c’est que l’école soumette l’enfant à un régime ayant pour conséquence de produire une moralité effective, de former le caractère, de faire posséder réellement les vertus qui sont l’objet de la morale. (...)26.
V. Une éducation exclusivement morale dans l’instruction primaire : la loi de 1879
51Le 18 juin 1878, le gouvernement libéral Frère-Orban — Van Humbeéck succède à huit ans de ministère catholique. Avant même le dépôt d’un projet de loi sur l’instruction primaire, le cardinal Dechamps, archevêque de Malines, descend dans l’arène27. Le projet du gouvernement est déposé en février 1879. Il est défendu en dehors du Parlement dans une série d’articles de la plume d’Emile Banning, parus dans l’Echo du Parlement du 13 au 28 avril 187928. Dans un but de conciliation, le rapport de la section centrale de la Chambre publié en avril a réintroduit les devoirs envers Dieu dans la morale29.
52Dans les discussions parlementaires, les libéraux déplorent l’absence d’un enseignement de la morale pour les dissidents sous la loi de 1842. Ils affirment l’incompétence du clergé catholique et l’immoralité de certaines religions. Ils revendiquent pour l’Etat le devoir et le droit d’enseigner la morale.
53Pour eux, il existe, en effet, une morale indépendante et universelle :
« La loi nouvelle affirme qu’il existe une morale indépendante de tous les cultes, de tous les dogmes, des dogmes du christianisme, du catholicisme, du protestantisme ; une morale qui sans porter atteinte à la liberté de conscience de n’importe qui, peut et doit être enseignée à tous les enfants du peuple. Vous remarquerez, en effet —et ceci est digne de toute votre attention — que le projet de loi ne dispense aucun élève de suivre le cours de morale. Certes messieurs, il ne sera point question dans l’école primaire de discuter les origines et les sanctions de la morale. Ce sont là des questions métaphysiques et philosophiques. Mais nous ne pouvons, dans ce débat, faire abstraction de la philosophie ; nous le pouvons d’autant moins que ceux qui sont imbus des idées dogmatiques nous disent, en termes très courtois et très parlementaires, je le reconnais : Vous n’avez ni morale, ni philosophie ! (...) Cette partie du projet de loi, il faut en convenir, a suscité dans le camp des théologiens d’ardentes et vives colères. Que l’on sécularise la bienfaisance, que l’on sécularise l’instruction publique, passe encore ; mais séculariser la morale ! Affirmer qu’il existe une morale en dehors de la morale de l’Eglise, supérieure à la morale de l’Eglise ! Qui se serait jamais douté qu’une pareille législation pût être promulguée ? Qui donc a jamais rêvé pareille audace ! »
(Janson à la Chambre, 17 et 19 mai 1879)30.
54Cette morale est, selon les libéraux, antérieure et supérieure aux religions positives :
« Existe-t-il en dehors des religions positives, existe-t-il ce qu’on appelle une morale universelle ? Il est en quelque sorte inutile de développer ce thème et de démontrer l’affirmative. Il y a longtemps que le fait est acquis ; il y a longtemps qu’il a été affirmé par les hommes les mieux pensants. Kant a dit : « L’homme porte la loi morale en lui-même ; cette loi est indépendante de la religion, elle se suffit à elle-même comme connaissance et comme puissance d’action. Elle n’a besoin de l’idée de Dieu ni pour déterminer quels sont nos devoirs ni pour nous les faire observer. » H. Bergé cite également Guizot31 et conclut : « Voilà l’écrivain qui a dit que, dans l’école, devait régner une atmosphère religieuse, vous voyez que, d’après lui aussi, la morale universelle existe indépendamment de toute religion. Les principes de la morale universelle sont anciens, et l’on peut dire qu’ils sont supérieurs et antérieurs au christianisme. L’Etat est-il compétent en matière d’enseignement de la morale ? Incontestablement, et j’ajoute qu’il a même le devoir de l’enseigner. »
(Bergé à la Chambre, 17 mai).
55Cette morale tire son origine de la nature humaine :
« La morale indépendante est celle qui est placée en dehors et audessus de toute opinion individuelle quelconque, parce qu’elle repose sur la nature même des choses, sur la nature de l’homme, parce qu’elle ne dépend de rien qui soit extérieur à l’homme »
(Crocq au Sénat, 16 juin).
56Quant à la méthode d’enseignement, les libéraux hésitent entre l’introduction de leçons comme pour les autres branches32 ou la recommandation faite à l’instituteur de développer les facultés morales de l’enfant33.
57Dans les discussions à la Chambre et au Sénat, le ministre P. Van Humbeéck et le rapporteur de la section centrale X. Olin cherchent à se concilier les catholiques en affirmant que la morale naturelle ou universelle se confond avec la morale chrétienne largement entendue.
58La morale enseignée dans les écoles sera la morale sociale, c’est-à-dire la morale chrétienne :
« Le christianisme a produit la révolution la plus considérable sous ce rapport [de la morale], et il a bouleversé complètement la société antique ; la morale de l’Evangile, je n’hésite pas à le dire, est la plus pure et la plus parfaite qui ait été enseignée aux hommes ; elle est à la base de toute la civilisation moderne. Notre morale sociale n’est donc pas autre chose que la morale chrétienne, et lorsque vous nous demandez quelle est la morale que nous enseignerons dans nos écoles, nous vous répondons : ‘la morale sociale, c’est-à-dire la morale chrétienne’ »
(Olin à la Chambre, 24 mai).
59Le plupart des préceptes du décalogue pourraient être enseignés à l’école comme partie intégrante de la morale (Van Humbeéck au Sénat, 14 juin).
60Le rapport de la section centrale présenté par Olin reprenait déjà la vision traditionnelle de la morale :
« La morale comprend l’ensemble des devoirs de l’homme envers Dieu, envers ses semblables, envers eux-mêmes. Sous le premier rapport, elle a un terrain commun avec la religion, de même que, sous le deuxième, elle se confond souvent avec nos lois pénales. (...) Les devoirs envers Dieu seront donc enseignés aux élèves, puisque personne n’a jamais songé à leur défendre d’assister aux leçons de religion, et de combler ainsi les lacunes que l’enseignement de l’instituteur pourra présenter aux yeux des croyants, dans leur éducation. (...) Il arrivera certainement aussi à l’instituteur, en dehors de tout enseignement dogmatique, de parler de Dieu, de l’âme, de la vie future. Mais s’il se trouve en face d’un auditoire où règnent les mêmes croyances, en vertu de quel principe lui interdirait-on ce langage ? »34.
61En 1895, l’appréciation d’Emile Vandervelde sera nette. Pour lui, la morale prônée en 1879 était une « morale spiritualiste et déiste, également inacceptable pour les catholiques et pour un grand nombre de libres penseurs »35.
62La loi du 1er juillet 1879 sur l’instruction primaire supprime le cours de religion :
« L’enseignement religieux est laissé au soin des familles et des ministres des divers cultes. Un local dans l’école est mis à la disposition des ministres des cultes pour y donner, soit avant, soit après l’heure des classes, l’enseignement religieux aux enfants de leur communion fréquentant l’école » (article 4). La formation morale vient en tête de l’instruction, mais n’exige pas nécessairement un cours spécial : « L’enseignement primaire comprend nécessairement la morale, la lecture, l’écriture (...) » (article 5)36.
63Dès l’approbation de la loi, Tiberghien publie un petit manuel de morale destiné aux professeurs37.
64En 1881, la loi sur l’enseignement moyen ne change pas le statut de l’enseignement religieux. Le 1er avril, Janson a proposé de remplacer l’article 8 de la loi de 1850 par « l’enseignement religieux est laissé aux soins des familles et des ministres des cultes », mais sa proposition est rejetée par 91 voix contre 19 et 4 abstentions38.
65Une note du programme indique cependant que « les professeurs doivent saisir toutes les occasions que leur fourniront la lecture et l’explication des œuvres classiques pour inculquer aux élèves les principes de la saine morale. Ce point est signalé à leur attention »39 L’arrêté royal du 15 juillet 1881 qui réorganise les écoles normales stipule que « le directeur prend les mesures nécessaires pour assurer à tout élève une liberté complète de remplir les devoirs religieux prescrits par le culte auquel il appartient » (article 4). Le cours de religion est évidemment supprimé. « L’enseignement dans les écoles normales comprend :1° la morale ; 2° Des notions de psychologie, (...) » (article 5). Le programme du 18 juillet 1881 comprend un cours de « Morale-Savoir-vivre »40.
VI. Le reflux de la morale indépendante : la loi de 1884
66Revenus au pouvoir en juin 1884 — ils y resteront pendant trente ans —, les catholiques ne désarment pas. Ils y sont encouragés par Léon XIII qui, dans son encyclique du 20 avril contre les francs-maçons, Humanum genus, est particulièrement violent :
« Quant à la morale, la seule chose qui ait trouvé grâce devant les membres de la secte maçonnique et dans laquelle ils veulent que la jeunesse soit instruite avec soin, c’est celle qu’ils appellent « morale civique — morale indépendante — morale libre » —en d’autres termes, morale qui ne fait aucune place aux idées religieuses. Or combien une telle morale est insuffisante, jusqu’à quel point elle manque de solidité et fléchit sous le souffle des passions, on le peut voir assez par les tristes résultats qu’elle a déjà donnés. Là, en effet, où, après avoir pris la place de la morale chrétienne, elle a commencé à régner avec plus de liberté, on a vu promptement dépérir la probité et l’intégrité des mœurs, grandir et se fortifier les opinions les plus monstrueuses, et l’audace des crimes partout déborder. Ces maux provoquent aujourd’hui des plaintes et des lamentations universelles, auxquelles font parfois écho bon nombre de ceux-là mêmes qui, bien malgré eux, sont contraints de rendre hommage à l’évidence de la vérité »41.
67Tout aussi virulente est la déclaration, en sens inverse, du Grand Maître Goblet d’Alviella en tenue du Grand Orient du 29 juin, après la victoire des catholiques aux élections du 10 juin :
« Nos écoles primaires, ces citadelles du progrès en plein pays clérical, impunément calomniées dans la chaire (...), nos instituteurs, ces malheureux pionniers du libéralisme (...) jetés sur le pavé comme des malfaiteurs libérés, sous prétexte que les petits-frères et les nonettes suffisent, puisqu’il ne s’agit que de crétiniser les générations futures... »42.
68Le 23 juillet, le nouveau ministre Victor Jacobs dépose son projet de loi sur l’instruction primaire qui supprime le cours de morale indépendante du programme.
69Pendant la discussion au Parlement, la position fondamentale des libéraux est claire : ils veulent le maintien de la morale, « branche essentielle » (Crocq au Sénat, 10 septembre 1884), « à la base de l’enseignement » (Bara à la Chambre, 27 août).
« Il nous faut un cours de morale laïque, accessible à tous les élèves, surveillé par l’autorité civile. Nous n’avons aucune confiance dans la morale enseignée par le prêtre. (...) Cet acte attentatoire à la civilisation : la suppression, dans votre programme, de la morale comme enseignement obligatoire. »
(Bara à la Chambre, 28 août).
70La confusion entre morale et religion « n’est justifiable à aucun point de vue, ni au point de vue de la morale scientifique, ni au point de vue de l’intérêt public » (Rolin-Jacquemyns à la Chambre, 27 août). Bara s’insurge (à la Chambre, 28 août) :
« L’Eglise catholique prétend avoir le monopole de l’enseignement de la morale ; elle ne veut, à aucun prix, que le laïque puisse s’emparer de cet enseignement, à moins qu’il ne se donne sous sa direction. (...) La vérité, la voici : Vous voulez que ce soit le prêtre seul ou les personnes désignées par lui qui enseignent la morale. D’après vous, il n’y a pas d’autre source de la morale que la religion (...), d’autre sanction de la morale que les peines religieuses. (...) il n’y a pas un seul homme (...) de notre temps qui ne puisse pas protester avec énergie contre semblable doctrine. Elle est une insulte à notre civilisation, un outrage à notre Constitution ; elle ravale les pouvoirs civils, en faisant croire que notre législation, nos actes, notre enseignement, ne peuvent être conformes aux principes de la morale dont le clergé serait l’unique dépositaire, que rien de ce que la loi fait n’a de valeur morale sans l’appui et l’approbation de l’Eglise. »
71Il avait été précédé par Magis (à la Chambre, 27 août) :
« Si l’Etat n’a pas le droit d’enseigner la morale, il n’a pas celui de décréter les lois qui la supposent, ni celui de sanctionner en rendant la justice. Si l’Etat ne peut professer la morale, il ne peut davantage édicter un code pénal. »
72Pour les libéraux, il n’y a qu’une morale, indépendante et universelle :
« Il n’existe pas une morale religieuse et une morale laïque, il n’y a qu’une morale universelle, appartenant à toutes les religions, dérivant de toutes les religions, découlant de toutes les consciences. »
(Bara à la Chambre, 28 août).
« La morale a sa base dans la nature même de l’homme considéré comme un être doué de pensée, de sentiment et de volonté. La religion peut lui venir en aide, mais elle n’est ni son point de départ ni sa raison d’être. La morale est antérieure et supérieure à la religion positive » (Crocq au Sénat, 10 septembre).
« La morale (...) est le patrimoine commun de toute l’humanité et (...) et tous les hommes qui ont réfléchi (...) proclament que la morale est une chose absolument indépendante des religions positives » (Wagener à la Chambre, 27 août).
« Nous estimons qu’il existe une morale indépendante de tout enseignement dogmatique (...) Nous pensons qu’il existe des vérités déposées au fond de la conscience de tout homme, qui apparaissent clairement à chacun de nous, qui sont, comme le disait M. Buisson43, aussi nécessaires à l’âme que le pain au corps. »
(Magis à la Chambre, 27 août).
73Ils ajoutent un argument polémique renvoyant à l’attitude des catholiques en 1879 : les écoles neutres seront considérées comme « des écoles sans Dieu et sans morale » (Magis et Bara à la Chambre, 27 août)
74Pour justifier la disparition d’un cours systématique de morale, les catholiques soutiennent qu’on ne peut enseigner une morale pour tous puisque les principes moraux sont eux-mêmes controversés :
« La morale comme la religion, quand on l’envisage au point de vue des principes d’un cours didactique, est un terrain de controverses et de contradictions. (...) C’est parce que la morale est un terrain de controverses que nous ne voulons pas que le cours didactique de morale soit obligatoire, pas plus que le cours de religion. (...) C’est pour respecter la conscience de tous, pour ne froisser personne que nous ne voulons pas que ce cours de morale didactique soit obligatoire ! »
(Jacobs à la Chambre, 28 août).
75Malgré cette diversité d’opinions, le maître d’école doit être attentif à l’éducation morale de ses élèves. Pour répondre aux objections libérales et dans un but de conciliation, Jacobs ajoutera à l’article 5 de la loi :
« Il [l’instituteur] ne néglige aucune occasion d’inculquer à ses élèves les préceptes de la morale, de leur inspirer le sentiment du devoir, l’amour de la patrie, le respect des institutions nationales, l’attachement aux libertés constitutionnelles. »
76Le 20 août, à la Chambre, Jacobs avait reconnu aux communes le droit de créer un cours de morale. Il est relayé par Woeste le 27 :
« Si vous croyez devoir établir une école neutre, vous le ferez également. Vous serez libres, si vous le jugez à propos, d’inscrire dans le programme la morale. C’est votre droit. Vous la mettrez même parmi les branches obligatoires, nous n’y ferons pas obstacle. »
77La loi du 20 septembre 1884 sur l’instruction primaire laisse la liberté aux communes de supprimer école communale, d’adopter une école libre et de créer ou non un enseignement religieux à l’école communale, enseignement dont les parents pourront dispenser leurs enfants. Le cours de religion est rétabli dans les écoles normales de l’Etat mais un cours de morale peut être maintenu44.
78En 1885, la Fédération nationale des Sociétés de Libre Pensée est fondée45, la même année que la création du Parti Ouvrier Belge. L’année suivante, les grandes grèves suscitent la peur de la bourgeoisie. Beaucoup de ses membres verront dans la religion un rempart contre l’agitation sociale.
79A partir de 1888, le cours de religion est progressivement réintroduit dans les athénées et les écoles moyennes de l’Etat46. L’attitude du ministre à ce sujet est critiquée à la Chambre en avril 1889. En juillet, aura lieu la nomination du premier professeur de religion non catholique dans un établissement de l’Etat : un rabbin est désigné pour l’école moyenne des filles d’Arlon.
VII. En 1895, une nouvelle donne : la morale socialiste
80En 1891, paraît Rerum novarum, la première encyclique consacrée à la question sociale. Tout en étant sévère pour les riches « qui imposent (...) un joug presque servile à l’infinie multitude des prolétaires », elle est fortement antisocialiste car « les socialistes, pour guérir ce mal, poussent à la haine jalouse des pauvres contre ceux qui possèdent »47.
81En 1893, la nouvelle loi électorale introduit le système plural qui permet l’entrée de 28 socialistes à la Chambre en octobre 1894. A l’instigation de Woeste, le ministre Schollaert prépare une nouvelle loi sur l’instruction primaire.
82Du 25 novembre 1893 au 8 janvier 1894, les loges de Bruxelles élaborent un nouveau programme pour l’enseignement primaire. Elles revendiquent la neutralité absolue de l’enseignement : la religion est complètement exclue et le prêtre ne peut plus entrer dans l’école48.
83La discussion du projet de loi en juillet-août 1895 est fort différente du débat parlementaire de 1879. Des députés et des sénateurs socialistes interviennent massivement et donnent au Parlement « un cours de morale positiviste » (Mgr Keesen au Sénat, 28 août). Alors qu’auparavant, les grands combats idéologiques opposaient le spiritualisme chrétien et le spiritualisme rationaliste, en 1895 la lutte s’est déplacée entre le christianisme et le positivisme, qui entend édifier un système moral vraiment indépendant de toute idée religieuse. Au Sénat, les 23 et 27 août, quelques libéraux comme Magis, Bara ou Janson développent encore des thèmes analogues à ceux de 1879 mais, en général, leurs interventions n’ont que peu d’écho dans l’opinion publique.
84Les thèses socialistes se réfèrent très souvent à Auguste Comte, mais aussi à Taine, Spencer, Darwin, Littré, Pierre Laffitte (1823-1903), successeur de Comte comme chef de l’école positiviste, Taylor, historien de la civilisation primitive49, ou Charles Letourneau (1831-1902), président de la Société d’anthropologie de Paris et auteur de nombreux ouvrages sur l’évolution de la morale, de la religion, de la famille, etc.50.
85Pour les députés du POB, l’origine de la morale est purement humaine :
« Tous les positivistes, bien qu’en désaccord parfois sur des points secondaires, accessoires, sont pleinement d’accord sur ces deux points essentiels : la morale est purement humaine dans son origine et nos connaissances sont strictement limitées aux faits accessibles et démontrables. »
(Demblon à la Chambre, 3 août).
86Elle est fondée sur « l’intérêt social », les « conditions sociales » ou les « instincts sociaux » :
« La morale humaine est indéfiniment progressive et, sous l’impulsion du sentiment humain grandissant, tout notre siècle précipite ce progrès. Il n’est pas livré au hasard ou au caprice, mais il se révèle par l’extension graduelle du respect de l’homme en lui-même et du sentiment de l’humanité et de la solidarité humaine. Voila la direction qui maintient l’unité dans la mobilité de l’idéal moral. »
(Denis à la Chambre, 19 juillet)51.
87Le 26 juillet à la Chambre, Anseele donne sa conception de l’origine de la morale inspirée de Marx :
« Les modes même du sentiment et de la pensée sont déterminés dans l’homme par la forme essentielle des rapports économiques de la société où il vit. Dans la conduite des individus interviennent des forces sociales, des forces collectives, des forces historiques, dont la puissance dépasse celle des mobiles individuels et égoïstes. (...) C’est selon que les hommes sont rattachés les uns aux autres par telle ou telle forme de la société économique qu’une société a tel ou tel caractère, qu’elle a telle ou telle conception de la vie, telle ou telle morale et qu’elle donne telle out elle direction à ses entreprises. De plus, ce n’est pas selon une idée abstraite de justice, ce n’est pas selon une idée abstraite du droit que les homme se meuvent. (...) Le ressort le plus intime et le plus profond de l’histoire, c’est le mode d’organisation des intérêts économiques. Voilà notre théorie en fait de morale. »
88Pour Demblon, elle est aussi le fruit des découvertes scientifiques (à la Chambre, 25 juillet). C’est une morale de la solidarité « qui doit réunir tout ce que nous avons en commun et écarter tout ce qui nous divise » (Denis à la Chambre, 3 août).
89La morale trouve sa meilleure expression dans le socialisme qui est présenté comme « l’aboutissement et l’épanouissement de la morale sociale » (Denis à la Chambre, 19 juillet).
« Actuellement, le socialisme dégage toute la pensée morale du XIXe siècle ; elle est là, et sa justification se trouve dans l’histoire ; si les représentants du socialisme manquaient précisément à cette direction historique, ils seraient condamnés par l’histoire elle-même. »
(Denis à la Chambre, 27 juillet).
« L’universalité est maintenant chez nous. Le socialisme est le rayonnement d’une morale nouvelle. Le socialisme est la morale en action. Nous sommes universels parce que nous sommes humains. »
(Demblon à la Chambre, 23 juillet).
90Cette morale est l’aboutissement de l’évolution et, par là, révolution :
« Nous sommes des gens nouveaux en tout, des révolutionnaires en morale aussi bien qu’en économie politique. »
(Anseele à la Chambre, 26 juillet).
91La morale socialiste est nettement supérieure à la morale catholique :
« Deux choses rendent votre morale inférieure à la nôtre. La première, c’est que votre morale est étroitement liée à vos dogmes, est immuable. (...) La seconde chose qui rend votre morale inférieure à la nôtre, c’est qu’elle n’est pas, c’est quelle n’a jamais eu ce sublime caractère d’universalité que revêt la morale positive des Comte, des Littré, des Laffitte, des Hector Denis. Votre religion n’est pratiquée que dans une faible partie du monde (...). Votre universalité n’a jamais beaucoup dépassé les bornes de l’empire romain, quand vos superstitions s’y substituèrent aux superstitions païennes. Dans les premiers siècles du moyen âge, la moitié orientale de cet empire vous fut ravie par Photius ; voilà trois siècles et demi que Luther vous a ravi la moitié de ce qui vous restait. Vos croyances ne sont pas partagées par les quatre cinquièmes du monde. Où est votre universalité ? Pourquoi le vrai Dieu n’est-il guère connu que dans le sud-ouest de l’Europe ? »
(Demblon à la Chambre, 25 juillet).
92Cette morale n’est pas divine mais composée d’emprunts :
« Votre morale (...) qui fut un progrès à son heure, est bien loin maintenant de la nôtre ! Vous osez lui attribuer une origine divine ? Ouvrez donc l’histoire, et lisez les philosophes de l’antiquité : vous serez convaincus qu’elle est composée d’emprunts faits à des doctrines antérieures, qu’elle dépassait toutefois, je l’ai déjà reconnu : l’Egypte, la Chaldée, la Grèce ont fourni des matériaux utilisés par les fondateurs de votre religion. »
(Demblon à la Chambre, 13 août).
93Cette morale est parfois immorale comme celle de la Bible ou des jésuites. Le 25 juillet, après avoir cité le Cantique des cantiques, l’histoire d’Abraham ou de Loth, Demblon ajoute :
« Toute l’histoire profane est pleine de crimes et d’immoralités aussi, sans doute ; mais les historiens qui les racontent, mais les professeurs qui l’enseignent jugent, désapprouvent, flétrissent ces immoralités et ces crimes. L’histoire ainsi comprise est une école de morale. Dans la Bible, au contraire, des choses honteuses sont trop souvent présentées comme naturelles, légitimes, et recommandables : voilà en quoi l’enseignement de ces choses par vous est dangereux et véritablement corrupteur. (...) La vraie morale de l’Eglise a été audacieusement formulée par les jésuites dont les préceptes épouvantent les âmes droites et seront à jamais pour vous une ignoble robe de Nessus. »
94Et le député socialiste de Liège cite longuement les Provinciales.
95Cette morale, enfin, est insensible à la misère des ouvriers (Anseele à la Chambre, 26 juillet).
96Les représentants catholiques, pour leur part, critiquent la morale prônée par leurs adversaires, et plus particulièrement son caractère incertain et inefficace :
« Ce n’est pas moi, assurément, qui abaisserai la morale humaine, ce n’est pas moi qui dirai qu’elle est fausse et immorale ; non, la morale humaine est le plus précieux apanage de la raison, et la raison est un don de Dieu aussi bien que la foi ; mais je soutiens que cette morale purement humaine est vague, incertaine et surtout inefficace. Je n’en veux pour preuve que l’histoire de l’humanité. Ne voyons-nous pas tous les peuples abandonnés à cette morale purement humaine tomber dans des erreurs monstrueuses et dans une dégradation morale dont nous n’avons plus l’idée ? Et quand on lit les philosophes, les moralistes purement humains, les plus beaux génies de l’antiquité, un Platon, un Socrate et d’autres, hélàs ! à côté de quelques lueurs de vérité, combien de monstruosités vous y trouvez. »
(Daens à la Chambre, 30 juillet).
97Cette morale est à la merci des fluctuations de la politique :
« C’est donc la société, si je comprends bien, qui imposera les principes moraux. Or, je crois que nous serons d’accord pour dire que c’est le pouvoir social, l’Etat, qui représente la société. L’Etat fixera donc les règles de la morale. Aujourd’hui il sera aux mains d’un parti, demain aux mains du parti adverse, et la morale subira toutes les fluctuations de la politique. »
(Schollaert à la Chambre, 31 juillet)52.
« Ce que certains se plaisent à décorer du nom de morale universelle n’est qu’un produit plus ou moins nuageux et changeant, semblable à ces nuages fugitifs qui varient d’aspect suivant l’état de l’atmosphère à l’heure du jour, formé de restes de la morale chrétienne additionnés de je ne sais quelles rêveries, de je ne sais quelles imaginations, auquel, précisément à cause de son défaut de caractère bien net, on a donné successivement le nom de morale philosophique au siècle dernier, puis humanitaire il y a cinquante ans, universelle, morale qui est dans l’air en 1879 et maintenant immanente. Universelle, sans doute, parce que ses inventeurs en ont été ramasser quelque lambeau un peu partout. »
(Léger au Sénat, 22 août).
98L’école neutre, qui n’apprend pas « à connaître Dieu, à l’aimer et à le servir » deviendra « fatalement l’école athée, l’école absolument antireligieuse » (Lammens au Sénat, 22 août).
99Pour les catholiques, il n’y a pas de morale sans religion, elle-même à la base de l’éducation et souhaitée par la majorité, affirme Schollaert dans l’exposé des motifs de la loi :
« Parmi les moyens d’éducation, la religion occupe la toute première place. Par le but suprême qu’elle assigne à l’homme, par l’autorité de sa doctrine, par la pureté de sa morale, par sa puissante action sur la conscience, sur les inclinations, sur la volonté, sur le caractère, elle inspire aux enfants le respect de la dignité de leur nature, et les forme, patiemment mais sûrement, à la pratique du bien. Discipline par excellence pour former l’enfant aux bonnes habitudes morales et préparer en lui l’homme du devoir, la religion réclame une place d’honneur dans toute bonne organisation de l’éducation et surtout dans celle qui s’adresse au jeune âge. Ce n’est pas seulement comme discipline morale que la religion doit intervenir dans l’éducation, c’est plus encore parce que l’école ne peut répondre au vœu de la très grande majorité des pères de familles, si elle n’enseigne les devoirs religieux comme les devoirs moraux, si elle n’apprend à l’enfant ce qu’il doit faire et pratiquer pour atteindre à sa fin sublime et éternelle »53.
100A la Chambre, Schollaert précise le 31 juillet :
« L’enseignement de la morale, comme celui des dogmes, doit être donné d’autorité. Il ne faut pas qu’il puisse naître dans l’esprit de l’élève un doute sur la vérité de ce qu’on lui enseigne, sur l’obligation stricte de suivre les règles qu’on lui indique ; ces deux cours doivent être donnés par les ministres des cultes ou bien sous la surveillance de ces derniers par le professeur qui accepte de le donner. »
101La loi du 15 septembre 1895 rétablit l’obligation du cours de religion : « L’instruction comprend nécessairement l’enseignement de la religion et de la morale, la lecture,... » (article 4), mais uniquement de la religion de la majorité des élèves. L’inspection du cours est faite par les délégués des chefs des cultes (article 5)54. L’instituteur peut donner un enseignement occasionnel de la morale, mais il lui est interdit de donner un enseignement didactique55.
102Si le cours de religion est rétabli dans certaines écoles où il ne l’était pas encore, il ne l’est pas dans beaucoup de grandes villes56.
103L’arrêté royal du 14 décembre 1895 introduit des cours des « préceptes de la morale » au programme des écoles normales de l’Etat pour les élèves dispensés de la religion, mais le cours de morale n’a que la moitié des heures et des points du cours de religion57.
VIII. A la veille de la première guerre mondiale
104En 1908 se tient le premier congrès international d’éducation morale. La Ligue de l’enseignement y est représentée58. Celle-ci relance la question du cours de morale : elle relève l’existence d’un cours de morale à l’école normale de la ville de Bruxelles59, son trésorier publie un livre sur La morale à l’école primaire60 et un exposé sur le droit des communes en la matière61.
105La même année, un cours de morale est créé dans les écoles moyennes de Bruxelles. Il est donné à l’Ecole A par le directeur A. Lamotte et à l’Ecole B par le régent B. Bouché62.
106En 1911, l’opposition au projet Schollaert pour subsidier les écoles primaires libres par l’instauration d’un « bon scolaire » entraîne la chute du gouvernement.
107En 1913, le cours de morale dans les écoles normales d’enseignement moyen est remplacé par le cours de religion63.
108D’octobre 1913 à mai 1914, lors de la discussion sur le nouveau projet de loi sur l’enseignement primaire, le problème de la création d’un cours de morale indépendante revient à l’ordre du jour. Les parlementaires socialistes et libéraux, qui ont déposé des amendements en ce sens, reprennent l’argument des catholiques sur les droits des pères de famille à faire dispenser à leurs enfants une instruction en rapport avec leurs convictions. Les catholiques, Woeste en tête, refusent tout changement64.
109En 1914, quatre écoles normales d’instituteurs de l’Etat sur six offrent un cours de morale indépendant du cours de religion65 ; il en va de même pour les six écoles normales pour institutrices66. Dans les écoles agréées d’instituteurs, il y a un cours de « religion et morale » partout sauf à Bruxelles où il y a un cours de morale. A l’école normale provinciale de Charleroi, il n’y a aucun titulaire indiqué pour le cours de religion et morale, mais bien pour la morale. Pour les institutrices, les écoles n’ont qu’un cours de religion et morale, sauf celle de la ville de Bruxelles qui n’organise qu’un cours de « morale théorique ». Les écoles de Nivelles et de Gand pour les régents et celle de Liège pour les régentes ont un cours de morale à côté de celui de religion, tandis qu’à celle de Bruxelles, seule la religion est mentionnée67.
110Dans les écoles primaires communales, les grandes communes, dont Anvers et Bruxelles, n’ont pas créé d’enseignement religieux. En 1911, pour l’ensemble de la Belgique68, 13 % des élèves fréquentent des écoles où il n’y a pas de cours de religion, mais ils sont beaucoup plus nombreux dans les provinces d’Anvers (33 %) et de Brabant (30 %). Dans les écoles où l’enseignement religieux est organisé la proportion des dispenses est de 5,5 % pour le pays, malgré les efforts du ministre pour les limiter69. Vu l’importance des écoles sans enseignement religieux, elle est a peu près nulle dans la province d’Anvers (0,55 %) et inférieure à la moyenne nationale dans le Brabant (4,6 %). Ce n’est cependant pas le cas dans le ressort de l’inspection de Gand où 10,33 % des élèves ne suivent pas le cours de religion alors que 20,92 % de ceux-ci fréquentent des écoles où le cours n’est pas organisé. En Wallonie les dispenses sont nombreuses dans les ressorts de Charleroi (12,15 %), Mons (13,55 %), Huy (10,21 %) et Liège (10,19 %), mais les cours sont organisés presque partout, sauf à Charleroi où 4,39 % des élèves n’ont pas la possibilité de suivre le cours de religion.
111Dans l’enseignement secondaire des provinces d’Anvers et de Brabant, la fréquentation des cours de religion est faible dans les athénées à Anvers, Bruxelles et Ixelles (un quart à Ixelles de 1910 à 1914), mais elle est forte à Louvain et Malines (80 %). Dans les écoles moyennes, elle va de 60 à70 %, avec un record vers le bas à l’école moyenne de Schaerbeek où 7 % des élèves seulement suivent le cours de religion 70.
IX. La création d’un cours de morale dans l’enseignement de l’Etat
112C’est dans l’atmosphère « d’union sacrée », grâce à des gouvernements de coalition entre catholiques et anticléricaux et à la stratégie des libéraux et des socialistes, que des cours de morale seront créés progressivement, avec beaucoup de prudence et sans provoquer trop de réactions71.
113Pendant la guerre, en avril 1916, un Comité est réuni à l’initiative du sénateur socialiste Emile Vinck pour promouvoir l’enseignement de la morale laïque. Il est toujours actif en 191872. Au même moment, des catholiques, surtout démocrates chrétiens, sont prêts à un compromis pour la création d’un cours de morale73.
114Après l’Armistice, le Roi et le premier ministre Léon Delacroix appellent les Belges à l’apaisement des tensions sociales et religieuses. Signe de bonne volonté des catholiques, la Ligue antimaçonnique belge, créée après le Congrès de Malines de 1909, ne reprend pas ses activités74. Les évêques refusent cependant tout changement dans le statut de l’enseignement de la religion et de la morale dans les écoles publiques. Mgr Rutten serait même prêt à interdire aux catholiques d’enseigner ou de suivre un cours de morale indépendante.
115La Ligue de l’enseignement est relayée par Maurice Féron au congrès libéral du 27 juillet qui demande la création d’un cours de morale neutre. Persuadé de la légitimité d’une telle demande et pour se concilier la gauche en vue du vote de la loi sur le traitement des instituteurs, Henri Carton de Wiart admet, en octobre 1919, qu’on puisse créer un enseignement de la morale pour élèves dispensés du cours de religion : « Les libres-penseurs demandent, — et j’estime qu’un tel vœu pourrait être pris en considération, — l’organisation dans les écoles officielles d’un cours de morale libéré de toute tendance dogmatique religieuse »75. Sa position est soutenue par J. Renkin dans son article sur Le parti catholique, dans Le Flambeau, dont la rédaction a demandé aux différents partis de s’exprimer76.
116La loi du 13 novembre 1919 assure le même traitement aux instituteurs des écoles publiques et des écoles libres, mais sans créer un cours de morale indépendante77. Une ébauche de projet de Broqueville, ministre des Sciences et des Arts par intérim, séparant la morale de la religion s’était heurtée au veto des catholiques et des évêques. L’enseignement de la religion devient cependant facultatif dans écoles adoptables78.
117Le 16 novembre 1919, les premières élections au suffrage universel font perdre la majorité aux catholique qui n’ont plus que 73 sièges pour 34 aux libéraux, 70 aux socialistes et 9 à divers partis. Dans le second ministère Delacroix, le socialiste Jules Destrée79 devient le premier ministre des Sciences et des Arts non catholique depuis 1884. Dans son intervention à la Chambre après la déclaration gouvernementale, le député libéral Albert Devèze demande le rétablissement du ministère de l’Instruction publique et la création d’un cours de morale.
118Le 25 janvier 1920, dans son rapport à la Ligue de l’enseignement, son secrétaire général N. Smelten réclame la création d’un cours de morale. Cette exigence est reprise dans une motion de l’assemblée générale de la Ligue80.
119Le 30 mars, dans son discours d’installation du Conseil supérieur de l’instruction publique et des conseils de perfectionnement, composés de professeurs de l’enseignement public et catholique, Destrée souligne que tout dans l’enseignement doit chercher à moraliser81. Au conseil de l’enseignement primaire, les représentants des écoles catholiques marquent leur accord pour l’introduction d’un enseignement de la morale, indépendant de l’enseignement de la religion82.
120Le 13 juillet, le ministre dépose un projet de loi complétant celle de 1919 sur le traitement des instituteurs. Dans la discussion, le sénateur socialiste Jules Lekeu rappelle son opposition à la liberté subsidiée et le représentant libéral Fulgence Masson demande un cours de morale. La loi du 14 août ne répond en aucune manière à leurs exigences »83.
121Les 16-18 octobre, le congrès libéral émet un vœu pour
« l’organisation, dans les écoles publiques, d’un enseignement civique et moral, indépendant du cours de religion, donné par l’instituteur ou le professeur à tous les élèves indistinctement, tant sous forme de leçons occasionnelles que d’entretiens méthodiques, en dehors de tout esprit de prosélytisme dogmatique ou antidogmatique »84.
122Le 8 novembre, H. Carton de Wiart est appelé par le Roi pour former un nouveau gouvernement. Après avoir obtenu l’assentiment du cardinal Mercier, il rencontre Adolphe Max et lui soumet le texte de la déclaration ministérielle consacrée à l’enseignement de la morale qui sera lue le 23 novembre85 :
« Quant à la paix scolaire, elle est une conquête heureuse des années d’épreuve. Nous entendons la maintenir. Si la Belgique est un pays de fortes convictions religieuses, philosophiques et politiques, elle est aussi une terre classique de la liberté de conscience. Conçu dans cet esprit, l’enseignement des préceptes de la morale et de l’éducation civique, prévu par les lois en vigueur et poursuivi par le Cabinet précédent, contribuera à l’apaisement sans porter aucune atteinte aux sentiments religieux qui ont de si profondes racines dans le pays. Sous un régime d’union, la législation scolaire existante sera appliquée loyalement, avec le souci de respecter toutes les convictions. Là où l’examen des mesures prises pour l’exécution des lois en vigueur révélerait quelques dispositions pouvant porter atteinte aux consciences, personne ne voudrait, à l’heure où nous sommes, maintenir inutilement des vestiges des luttes passées. (Très bien ! à gauche et à l’extrême gauche) »86.
123Le 1er décembre, Woeste réagit à la Chambre : il ne peut être question de créer un cours de morale. Il est relayé par Segers, son successeur à la présidence de la Fédération des cercles catholiques87. Pour Carton de Wiart également, la déclaration gouvernementale n’implique d’ailleurs pas la création d’un cours de morale laïque mais la simple application des lois existantes :
« Autre chose serait de constituer, pour les opposer l’une à l’autre, un cours de morale religieuse et un cours de morale laïque, qui serait réservé aux enfants dispensés du cours de religion. Ceci créerait, au sein de l’école, une scission dangereuse et à laquelle le gouvernement ne songe pas. Ce qu’il souhaite, c’est que cette éducation générale à l’école soit de mieux en mieux cultivée et coordonnée » (à la Chambre, 2 décembre).
124Le 8 décembre, le député Masson demande pour les enfants dispensés du cours de religion un enseignement des « préceptes admis par l’universalité des hommes »88.
125Lors de l’assemblée générale de la Ligue de l’enseignement du 30 janvier 1921, le président A. Sluys insiste sur la nécessité d’une formation morale89.
126Dans sa Chronique politique de mars de la Revue générale, A. Mélot prépare les esprits :
« Une question (...) va se poser prochainement. Plaise à Dieu que l’on évite de commettre à ce sujet de redoutables maladresses ! Il s’agit de l’enseignement de la morale civique. Suivant le rapport triennal de 1913 sur la situation de l’enseignement primaire (...). Il y aurait donc en Belgique une centaine de mille enfants qui ne suivraient aucun cours de morale, puisque, en dehors du cours de religion, il n’y a pas d’enseignement sur ce sujet. Les libéraux et les socialistes exigent qu’on inculque des préceptes de morale civique à ces cent mille enfants. Nous ne voyons pas comment on pourrait les en empêcher. Il vaut mieux faire connaître aux enfants une partie de leurs devoirs que de pas en parler du tout. La loi scolaire est d’ailleurs formelle à cet égard et dans un article voté par une majorité catholique — qu’on ne l’oublie pas — elle dispose : « l’instituteur ne néglige aucune occasion d’inculquer à ses élèves les préceptes de la morale (...) ». Lors donc que M. Destrée parle d’intensifier cet enseignement, il ne fait qu’appliquer les principes que nous avons nous-mêmes déposés dans la loi. » Certains catholiques regrettent un cours où seraient passés sous silence les devoirs envers Dieu. « De nombreux catholiques craignent aussi les tendances philosophiques de certains instituteurs (...) ». Malgré ces difficultés, « ne pourrait-on cependant se mettre d’accord sur un programme, sur des directives de morale (...). »
127Pour appuyer sa démarche, il cite la dernière lettre de Carême du cardinal Mercier qui
« fait appel à ceux de ses compatriotes qui n’ont pas été élevés dans les croyances catholiques et leur demande d’oublier ce qui divise pour chercher « ce qui peut rapprocher et unir les fils de notre commune patrie belge. » « Comme nous, leur dit-il, vous identifiez morale et désintéressement ; comme nous, vous opposez la vertu à l’égoïsme (...) ». (...) Souhaitons que le parti catholique fasse confiance, pour mener ces négociations délicates, à son chef actuel, M. Carton de Wiart, qui sera un incomparable agent de liaison entre l’autorité ecclésiastique et les ministres socialistes et libéraux »90.
128Une circulaire ministérielle du 21 mars permet d’autres mesures que celles prévues par la circulaire de 1909 — un heure d’étude — pour occuper les élèves dispensés du cours de religion91 Quant à elle, la Ligue de l’enseignement fait l’éloge de la « morale laïque » et de son efficacité, comme l’a montré la résistance du peuple français pendant la guerre92
a. Des causeries morales pour tous à l’école primaire
129Après de longues consultations avec les autorités ecclésiastiques, le ministre publie une brochure intitulée Du rôle éducatif de l’école primaire93. Introduite par une lettre du ministre aux inspecteurs faisant allusion au fléchissement de la moralité, elle comprend des schémas pour 43 leçons, — une demi-heure par semaine —, de morale commune (propreté, tempérance, prudence, sincérité, respect d’autrui, etc...) et de morale civique. Le ministre tire argument d’un discours, en 1909, du ministre catholique le baron Descamps disant que l’enseignement occasionnel ne peut être abandonné au hasard94.
130D’après Smelten, « une certaine presse cléricale accusa le Ministre d’avoir introduit « subrepticement » la morale laïque dans l’enseignement primaire »95, mais, conscient de la position minoritaire des catholiques et craignant des mesures pires, Woeste ne réagit pas96.
131Dans son fameux discours à Roux du 26 juin, Destrée justifie l’attribution de subsides à l’enseignement catholique97. Un mois plus tard, le 21 juillet, l’alliance à Anvers entre sociaux-chrétiens représentés par Fr. Van Cauwelaert, socialistes représentés par C. Huysmans, et Front-Partij, prévoit des subsides communaux aux écoles catholiques98. Ces avances n’empêchent pas le sénateur Mgr Keesen de continuer à condamner l’école publique99.
132Le 23 septembre 1921, l’Union catholique belge qui vient de se former maintient dans son programme
« la revendication qui figure au programme traditionnel du parti catholique. Elle réclame l’égalité devant les pouvoirs publics des établissements d’instruction créés par l’initiative des citoyens et des établisssement créés par les pouvoirs eux-mêmes, du moment que leurs organisations satisfont aux même exigences scientifiques. En ce qui concerne le cours de religion et de morale, elle demande le maintien de la législation existante »100.
133Il n’est pas question pour ce parti de créer un cours de morale équivalent au cours de religion.
134La même année une Maison du Mouvement estudiantin pour la Culture morale est ouverte à Bruxelles101 L’année suivante, madame A. Vermeyen-Le-francq publie un Essai sur les cours de morale102. En mai, la Ligue de l’enseignement adhère à l’Union belge d’éducation morale103.
135En réaction contre ces changements, l’ordre du jour du congrès de la Fédération des instituteurs chrétiens (F.I.C.-C.O.V.) s’oppose toujours à l’introduction de la morale laïque :
« 1° La morale neutre, laïque, indépendante est impossible, inacceptable pour des enfants chrétiens ;
2° Cette morale pure et simple a fait faillite et est condamnée par ses partisans, par l’expérience, la raison et l’Eglise ;
3° La morale doit avoir une base, s’appuyer sur une autorité infaillible et avoir une sanction pour être efficace ;
4° Seule la morale chrétienne — le dogme est le pourquoi de la morale — est parfaite dans ses principes, ses applications et sa sanction ;
5° L’éducateur chrétien basera ses entretiens éducatifs sur la morale traditionnelle, la seule morale parce que précise et efficace. Sans religion, il n’y a pas de morale possible »104.
136En 1923, l’Union belge d’éducation morale demande un enseignement de la morale à tous les degrés dans toutes les catégories d’enseignement et elle crée une commission pour faire aboutir son exigence105.
b. Un cours de morale dans l’enseignement secondaire
137Au début de 1924, le Père dominicain A. Libert publie une étude où il veut prouver l’impossibilité de La morale laïque, en tentant de réfuter les courants récents de celle-ci106.
138Le nouveau programme des écoles primaires comprend désormais « l’éducation morale et civique »107.
139Les arrêtés royaux du 20 septembre 1924 créent un cours de morale dans l’enseignement secondaire108. Ils se basent sur l’article 24 de la loi de 1850 qui autorise le gouvernement à organiser de nouveaux cours109. Le règlement organique pour les athénées porte à l’article 2 : « Le programme (...) comprend, la religion, la morale, le latin, (...) ». Le chapitre IV, « Education — Cours de morale », ne comprend qu’un seul article, libellé comme suit :
« L’éducation des élèves est l’objet de la sollicitude constante du personnel administratif et enseignant tout entier, tant au dehors de l’établissement que dans l’établissement même. Le préfet, les professeurs et les surveillants ne négligent aucune occasion d’inculquer aux élèves les préceptes de la morale, de leur inspirer le sentiment du devoir, l’amour de la patrie, le respect des institutions nationales, l’attachement aux libertés constitutionnelles. Un cours de morale, dont le programme est arrêté par Notre Ministre des Sciences et des Arts, est organisé dans toutes les classes, à l’intention des élèves qui sont dispensés du cours de religion. Les membres du personnel enseignant et administratif s’abstiennent dans l’exercice de leurs fonctions, de toute attaque contre les convictions religieuses ou philosophiques des familles dont les enfants leur sont confiés. »
140Les arrêtés ministériels du 20 septembre détaillent le programme du cours de morale pour les athénées et les écoles moyennes de l’Etat et l’accompagnent d’observations sur la méthode à suivre :
« Dans les Sections moyennes et dans les classes inférieures des Athénées, il [le professeur] montrera aux élèves des exemples frappants empruntés à la vie des hommes de l’antiquité et des temps modernes, qui se sont distingués par leurs vertus et par la noblesse de leur idéal. Dans les classes supérieures des Athénées, on lira et on commentera les plus belles pages choisies dans les œuvres indiquées ci-dessus. (...) Il fournira au professeur l’occasion d’entretenir ses jeunes auditeurs des grandes questions morales qui se sont présentées à toute les époques : pratique du devoir sous toutes ses formes, de la justice, de la bonté, du courage, de l’amour du prochain, respect de la dignité humaine, respect des lois, solidarité, destinée de l’homme, etc. »110
141En 1927, le cours de morale réapparaît dans les écoles normales moyennes et l’arrêté ministériel du 1er mars 1928 met au programme de la section préparatoire de ces écoles un cours de religion ou de morale. Ce dernier sera une « analyse de pages caractéristiques des moralistes les plus célèbres »111
142L’arrêté royal du 1er mai 1928 publie le nouveau règlement organique des athénées royaux : article 2, « Matières : la religion, la morale, (...) » ; article 3, « (...) Les élèves dispensés du cours de religion suivent le cours de morale. » Les mêmes articles sont repris pour les écoles moyennes112
143En 1936, le Plan d’études pour les écoles primaires, qui s’inspire de l’Ecole nouvelle, veut transformer l’éducation morale comme l’ensemble de l’enseignement. La formation morale renonce au principe d’autorité pour développer la faculté de jugement de l’enfant par l’expérience et l’usage de la liberté dans la pratique113.
X. La morale et la religion sur le même pied dans l’enseignement secondaire
144Comme en 1918, la fin de la guerre incite le ministre de l’Instruction publique Victor de Laveleye à mettre l’accent sur l’enseignement civique et moral comme remède à la dégradation générale des mœurs114.
145Le 13 septembre 1947, une circulaire du ministre Kamiel Huysmans contenant un formulaire prévoyant le choix entre le cours de morale ou de religion indispose le PSC115. La question sera résolue en même temps que le problème plus brûlant de l’enseignement technique. Le conflit entre chrétiens et socialistes, partenaires dans le gouvernement Spaak II, aboutit à la proposition de loi signée par A. De Schrijver et M. Buset et déposée à la Chambre le 18 juin116. Comme elle est le résultat d’un accord entre le PSC et le PSB, elle ne suscite que des remarques de détail et Huysmans insiste pour que rien ne soit changé au texte117. La loi du 5 août est votée à la quasi unanimité118. Comme le souligne le ministre, son adoption « marque incontestablement un progrès de l’idée de tolérance en Belgique, ce qui me paraît essentiel à la santé morale du pays et à l’intérêt de l’enseignement ».
146Elle remplace l’article 8 de la loi de 1850 en instaurant la liberté et l’égalité de choix entre le cours de religion et le cours de morale dans l’enseignement secondaire :
« L’article 8 de la loi du 1er juin 1850 sur l’enseignement moyen est abrogé et remplacé par l’article 8 suivant : « L’instruction moyenne comprend l’enseignement de la religion et l’enseignement de la morale. Par enseignement de la religion, il faut entendre l’enseignement de la religion (catholique, protestante ou israélite) et de la morale inspirée de cette religion. Par enseignement de la morale, il faut entendre l’enseignement de la morale non confessionnelle. Lors de la première inscription de l’élève, le chef de famille ou le tuteur choisit par déclaration signée l’un de ces deux cours. Il lui est loisible de modifier ce choix au début de chaque année scolaire. S’il désire le faire au cours de l’année scolaire, il doit en formuler la demande au Ministre de l’instruction publique qui statue sur le bien-fondé des raisons invoquées. Les Ministres des cultes sont invités à donner ou à surveiller l’enseignement de la religion ou de la morale inspirée de cette religion dans les établissement soumis au régime de la présente loi. L’enseignement de la morale non confessionnelle est organisé par le Ministre de l’instruction publique. »119.
147Un arrêté royal du 9 août réorganise l’inspection du cours de morale120. Les cours de religion ou de morale sont intégrés au programme de l’enseignement technique ; jusqu’alors, la situation variait d’après les établissements121.
148Après la victoire électorale des libéraux et des socialistes en avril 1954, le premier projet de loi du ministre L. Collard, déposé en janvier 1955, autorise le choix entre la religion ou la morale non confessionnelle à l’école primaire122.
149La loi du 27 juillet 1955, consacrée à l’enseignement moyen, impose l’obligation de choisir entre la religion et la morale mais il n’y a plus obligation de créer le cours. Une autre loi, du lendemain, oblige le gouvernement à créer ces cours dans ses propres établissements d’enseignement secondaire général, mais non dans les écoles industrielles. Les provinces et les communes ne sont pas soumises à cette obligation.
150Un nouveau projet de loi prévoit un cours de morale laïque dans les écoles primaires, mais il ne sera pas voté123.
151Dans les milieux non-politiques, l’offensive laïque est relayée par diverses initiatives : création, en 1951, de l’Humanistisch Verbond, commencement, en 1955 à l’I.N.R., de l’émission de philosophie et de morale laïques, « La Pensée et les Hommes », publication de brochures ou d’articles relatifs à l’enseignement de la morale124.
152Deux revues sont désormais consacrées à cet enseignement : « Morale et enseignement »125 et « De Moralist »126.
XI. La création d’un cours de morale non confessionnelle dans l’enseignement primaire
153Après la victoire des catholiques aux législatives de juin 1958, une Commission scolaire nationale est créée par le ministre Van Hemelrijck. Elle aboutit à la signature d’un « Pacte scolaire » par les trois grands partis le 20 novembre 1958. Son article 3 garantit le libre choix entre l’enseignement de la religion ou de la morale127.
154Point d’aboutissement, la loi du 29 mai 1959 modifie la législation relative à l’enseignement gardien, primaire, moyen, normal, technique et artistique. Son article 2 définit l’enseignement « officiel » et l’enseignement « libre ». L’article 8 précise :« Dans les établissements officiels d’enseignement primaire et secondaire de plein exercice, l’horaire hebdomadaire comprend au moins deux heures de religion et deux heures de morale. » Il ajoute qu’un arrêté royal déterminera le type de formulaire à utiliser pour le choix du cours, en précisant la liberté entière du père de famille, l’interdiction formelle d’exercer une pression et la faculté de disposer d’un délai de trois jours pour restituer la déclaration. Après l’article 9 traitant du cours de religion, l’article 10 règle l’organisation du cours de morale. Pour la nomination des professeurs, la priorité doit être accordée aux titulaires d’un diplôme délivré par un établissement non confessionnel. La cote des cours de religion ou de morale fait partie de la cotation générale dans l’enseignement primaire, mais non dans l’enseignement secondaire. Pour l’enseignement secondaire, une mention spéciale sera portée sur le diplôme. Pour passer à une classe supérieure, il y aura un examen de passage pour les élèves qui n’ont pas obtenu la moitié des points (article 11)128.
155Le compromis « à la belge » intervenu en 1958 et confirmé en 1959 ne supprime pas tous les conflits ni de nouvelles avancées. Le 8 mai 1963, le concept de neutralité est défini par la Commission permanente du pacte scolaire129.
156Lors de la révision du pacte scolaire prévue pour 1970, les partis représentés à la Commission nationale du pacte scolaire ont peine à tomber d’accord. En 1973, cependant, un protocole au Pacte scolaire est signé par les trois partis traditionnels, par la Volksunie et le Parti libéral démocratique et pluraliste. Il débouche sur la nouvelle loi du 11 juillet 1973130. En 1975, un nouvel accord du Pacte qui définit l’école pluraliste est approuvé par la Chambre et par le Sénat les 25 et 26 juin. Un arrêté royal du 18 janvier 1981 règle la composition, les attributions et le mode de fonctionnement du « Conseil de l’enseignement pluraliste »131.
XII. Les orientations du cours de morale
157Pour permettre le développement du cours de morale et la réflexion sur son orientation, le monde laïque s’organise davantage. En 1961, l’Humanistisch Verbond crée l’Oudervereniging voor de moraal. La Fédération des amis de la morale laïque est constituée en 1969, la même année que la fondation du Centre d’action laïque (CAL)132.
158Les objectifs et les méthodes du cours de morale font l’objet de nombreuses publications133. En 1962, l’Université de Gand inaugure un cours de sciences morales pour la formation des enseignants134. Les problèmes de l’organisation des cours de morale et de la désignation des professeurs sont soulevés135.
XIII. Peut-on refuser tout cours de morale ou de religion ?
159La réforme constitutionnelle du 15 juillet 1988 communautarise l’enseignement (article 59bis de la Constitution). Elle transforme également l’article 17 en introduisant la liberté de choix des parents entre l’enseignement d’une religion reconnue ou de la morale, la neutralité et le respect des conceptions des parents et des élèves.136
160Au cours des débats parlementaires, la possibilité pour les Communautés de rendre le cours facultatif a été rejetée, sauf pour des cas exceptionnels137. Des différences d’appréciation pourront apparaître entre les Communautés. Le 24 mai 1989, un arrêt de la VIe Chambre (francophone) du Conseil d’Etat a rejeté un recours de demande de dispense de tout cours de religion ou de morale138. Le 10 juillet 1990, la IVe Chambre (flamande) du Conseil d’Etat a pris un arrêt en sens contraire139
***
161Il aura fallu un siècle pour que le cours de morale indépendante soit mis sur le même pied que le cours de religion. Pendant longtemps, les catholiques ont essayé de maintenir la présence de leur seule religion dans l’enseignement officiel. Les laïques ont pratiquement renoncé à une pure laïcisation de l’enseignement public, qui offrirait à tous les élèves une formation morale indépendante de toute religion. Le compromis réalisé s’inscrit dans une double tendance : une prise de distance d'une partie de plus en plus importante de la population par rapport à la religion traditionnelle et un progrès de la tolérance dans le domaine religieux. Cette ouverture est liée à un sentiment de communauté de destin — les avancées les plus significatives se feront après les deux guerres — et à la sécularisation de la société — le facteur religieux perd de son importance dans les tensions entre les partis. La diversité toujours plus grande des options religieuses dans la société actuelle mais, peut-être aussi, une convergence de certaines orientations morales entraîneront probablement encore d’autres transformations. Les débats du siècle passé montrent les difficultés d’un consensus toujours à recréer.
Notes de bas de page
1 Bibliographie générale. Pour l’enseignement primaire, J. LORY, Libéralisme et instruction primaire 1842-1879. Introduction à l’étude de la lutte scolaire en Belgique, Louvain, 1979, 2 vol., 8°. (Université de Louvain. Recueil de travaux d’histoire et de philologie, 6e série, fasc. 17). Pour le secondaire, A. TIHON, Le clergé et l’enseignement moyen pour garçons dans le diocèse de Malines (1802-1914), Université catholique de Louvain, Thèse présentée pour l’obtention du grade de docteur en philosophies et lettres (Histoire des temps modernes), 1970, 4 t. en 5. vol. (t. 5, Table onomastique et index des matières, en collaboration avec Jacqueline Deleval, Louvain, 1979) qui présente l’évolution de tous les degrés de l’enseignement général, de la suppression des jésuites en 1773 à la première guerre mondiale. Elle est synthétisée dans A. TIHON, Le rôle du clergé séculier dans l’enseignement secondaire pour garçons dans le diocèse de Matines et la Belgique au XIXe siècle, dans Revue d’histoire ecclésiastique, t. 72, 1977, p. 557-582. Pour l’histoire de l’introduction du cours de morale laïque, il n’existe que des esquisses faites par des praticiens : M. COULON, Le cours de religion et de morale dans l’enseignement public, Bruxelles, Ligue de l’enseignement, 1955, 8°, 20 p. (Document no 147), et H. MASSON, La laïcisation de la morale, Bruxelles, Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente, 1980, p. 115-147. Pour les milieux laïques, voir l’Histoire de la laïcité, s. dir. H. Hasquin, Bruxelles, 1979 ; DESMED R., La Franc-Maçonnerie et la laïcisation de l’enseignement (1830-1914). Un exemple : la loge des « Amis Philanthropes » de Bruxelles, dans Eglise et enseignement. Actes du Colloque du Xe anniversaire de l’Institut d’histoire du christianisme et de l’Université Libre de Bruxelles, éd. par J. Préaux, Bruxelles, 1977, p. 197-222 ; et pour les Eglises, R. AUBERT, 150 ans de vie des Eglises, Bruxelles, 1950 et les chapitres consacrés à la Belgique dans l’Histoire du christianisme, s. dir. J.-M. Mayeur, Ch. Piétri (†), A. Vauchez et M. Venard, Paris, Desclée-Fayard, 1990 et sv. Les citations des parlementaires sont reprises aux Annales parlementaires.
2 B. MARCÉLIS, La question des cimetières en Belgique, 1849-1979, UCL, Mémoire de licence en histoire, 1976, p. 35.
3 Voir, par exemple, Catéchisme de Malines avec explications (Malines, 1843) qui reprend l’enseignement traditionnel.
4 Loi fondamentale de 1815, critiquée dans le Jugement doctrinal des évêques.
5 Loi du 3 avril 1806. Voir M. DE VROEDE, Het openbaar lager onderwijs in België onder Willem I : de katholieke school, dans Bijdragen en Mededelingen van het Historisch Genootschap, 78e a., 1964, p. 12-28.
6 Règlement organique du 19 février 1817. Voir A. TIHON, L’enseignement secondaire dans les provinces méridionales des Pays-Bas, 1815-1830, dans Colloque historique sur les relations belgo-néerlandaises entre 1815 et 1945. Bruxelles, 10-12/12/1980. Acta, Gand, 1982, p. 87-101.
7 Etat de l’instruction primaire en Belgique, 1830-1840, Bruxelles, 1842, p. 229-232.
8 Ph. LESBROUSSART, Projet de loi pour la réorganisation de l’enseignement dans la Belgique, Bruxelles, 20 sept. 1831, 20 p.
9 Projet de loi pour l’enseignement public en Belgique présenté par la commission spéciale du 3 août 1831, Bruxelles, 1832, 206 p.
10 Les antécédents de la loi et la discussion au Parlement ont été publiés dans Discussion de la loi sur l’instruction primaire du 23 septembre 1842, Bruxelles, 1843.
11 J. BARTIER, La condamnation de la Franc-Maçonnerie par les évêques belges en 1837, dans La revue nouvelle, t. 48, 1968, p. 272-278.
12 Exposé des vrais principes sur l’instruction publique, primaire et secondaire, considérée dans ses rapports avec la religion (publié en trois parties), Liège, 1840-1841, 578 p.
13 Dechamps dans la conclusion du rapport de la section centrale (Discussion de la loi..., p. 48-49).
14 Pour la morale enseignée sous le régime de la loi de 1842, voir Fr. COLLETTE, Morale, religion et instruction primaire en Belgique (1842-1879) : la première loi organique et les manuels, Université de Liège, mémoire de licence en histoire, 1991.
15 Voir L. CASTERMAN, professeur à l’athénée de Tournai, De la loi de l’enseignement moyen, Bruxelles, 1850.
16 Cité par M. COULON, o. c., p. 9. D’après ce dernier, Rogier aurait reconnu qu’en n’introduisant pas la philosophie, alias la morale, la loi était incomplète (ibidem).
17 Sur les sociétés de Libre Pensée, voir E. WITTE, De Belgische Vrijdenkersorganisaties (1854-1914). Onststaan, ontwikkeling en rol, dans Tijdschrift voor de studie van de Verlichting, t. 5, 1977, no 2, p. 127-286.
18 Etudiées par A. ERBA, L’esprit laïque en Belgique sous le gouvernement libéral doctrinaire (1857-1870) d’après les brochures politiques, Louvain, 1967 (Bibliothèque de la Revue d’histoire ecclésiastique, fasc. 43).
19 o. c., p. 308-397. Voir également l’analyse des brochures de F. Eenens (p. 436-447), de Fr. Tindemans (p. 493-494), de J.-M. Funck (p. 571) et de Fr. Laurent (p. 651-652), et la conclusion (p. 677).
20 Mémoires des loges belges sur l’instruction obligatoire et projet de loi, 1860, Bruxelles - Leipzig, 1863. Voir R. DESMED, A propos du mémoire de la Loge des Amis philanthropes sur l’enseignement primaire obligatoire et laïque (1859-1860), dans Revue belge de philologie et d’histoire, t. 53, 1975, p. 357-401.
21 Année de la publication par Pie IX du Syllabus condamnant la pensée moderne.
22 J. BARTIER, Un siècle d’enseignement féminin. Le lycée royal Gatti de Gamond et sa fondatrice, s.l. n.d. [1964] ; B.J. BAUDART, Isabelle Gatti de Gamond et l’origine de l’enseignement secondaire des jeunes filles en Belgique, Bruxelles, 1949.
23 Ce n’est pas une déclaration d’athéisme mais de plus grand tolérance d’après R. DESMED, L’évolution du sentiment religieux chez les Francs-Maçons belges entre 1830 et 1914. L’exemple des loges bruxelloises, dans Problèmes d’histoire du christianisme, t. 7,1976-1977, Bruxelles, 1978, p. 74.
24 Il ne contient rien sur les matières d’enseignement. Voir Documents Parlementaires. Chambre, session de 1870-1871, no 11.
25 Sur cette école voir J. LORY, o. c., t. II, p. 548-571.
26 Dans Ligue de l’enseignement. L’Ecole modèle, Bruxelles, 1880, p. 21. A cette époque G. Tiberghien, auteur d’une Esquisse de philosophie morale (Bruxelles, 1854, VIII-376 p.) prend la défense du spiritualisme contre l’athéisme, le matérialisme et le positivisme dans son discours rectoral à l’ULB. Il publie deux nouveaux ouvrages consacrés à la morale : Les commandements de l’humanité ou la vie morale sous forme de catéchisme populaire, d’après Krause, Bruxelles, 1872,306 p. ; et Enseignement et philosophie, Bruxelles, 1873, X-433 p. Il refusera, en 1890, la thèse de doctorat d’inspiration positiviste de G. Dwelshauwers. Sur Tiberghien, spiritualiste et déiste, voir S. MONREAL, Les krausistes « belges ». Contribution à l’étude de leur influence en Amérique latine, dans Revue belge d’histoire contemporaine, t. 23, 1992, p. 447-491.
27 V.A. DECHAMPS, La morale universelle et indépendante. Lettres aux chefs des loges maçonniques, Malines, 1878, 3e éd., s.d., 65 p. ; Le nouveau projet de loi sur l’enseignement primaire. Trois questions résolues par un homme d’Etat et trois nouvelles lettres aux chefs des loges maçonniques et au conseil des ministres belges en 1879, Paris - Malines, 1879, 72 p. [fin février] ; et Réponse à la circulaire ministérielle du 8 mars 1879 relative au nouveau projet de loi sur l’enseignement primaire, Paris - Malines, 1879, 95 p.
28 Ils sont repris dans une brochure intitulée La morale dans l’instruction primaire et le parti catholique, Bruxelles, 1879. Voir aussi E. LECLERCQ, Essai sur la morale au point de vue de l’enseignement primaire, Bruxelles, 1879 (paru avant la loi) ; J. GUILLIAUME, La morale dans l’école, Bruxelles, 1879 ; et les articles de Ch. Potvin et P. Tempels dans la Revue de Belgique, janvier et févier 1879.
29 J. LORY, o. c., t. II, p. 679 ss.
30 Repris dans Discours parlementaires, Bruxelles, 1905-1906, chap. IX. L’enseignement primaire et l’enseignement confessionnel, p. 93.
31 D’autres se réfèrent à Condorcet.
32 Jottrand en précise le contenu.
33 Voir T. GUILLIAUME, o.c., et les articles de la revue pédagogique L’Avenir, 1879-1880.
34 Révision de la loi du 23 septembre 1842 sur l’instruction primaire. Rapport fait, au nom de la Section centrale par M. Olin, Chambre des représentants, p. 42-43.
35 Discours à la Chambre du 24 juillet 1895.
36 Pasinomie, 2e sér., 1879, p. 191-192.
37 G. TIBERGHIEN, Eléments de morale universelle à l’usage des écoles laïques, Bruxelles, [août] 1879. Livre destiné aux enseignants des divisions supérieures des écoles primaires (introduction datée du 1er juin).
38 M. COULON, o. c., p. 11.
39 Ibidem, p. 11.
40 Rapport triennal sur la situation de l’instruction primaire, 1879-1881, p. 190-193.
41 Lettres apostoliques de S. S. Léon XIII, t. I, Paris, s. d., p. 257-259.
42 Cité par R. DESMED, art. cit., p. 215-216.
43 F. Buisson (1841-1932) éducateur et homme politique français, auteur d’un célèbre Dictionnaire de pédagogie, Paris, 1882-1887.
44 Voir la circulaire du 31 janvier 1887 (Rapport triennal sur la situation de l’instruction primaire, 1885-1887, p. LXXXII-LXXXIII).
45 La Raison, Bruxelles, 1889-1900, deviendra, en 1894, le Bulletin officiel de la Fédération nationale des Libres Penseurs belges.
46 A. TIHON, Anathème ou collaboration. L’instruction religieuse dans l’enseignement secondaire de l’Etat après la guerre scolaire de 1879, dans L’Eglise et l’Etat à l’époque contemporaine. Mélanges dédiés à la mémoire de Mgr Aloïs Simon, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1975, p. 483-531 (Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 3). Cette restauration provoquera de nombreuses interventions au sujet des dispenses du cours de religion en 1892. En 1896, 1897, 1898 et 1910, des circulaires ministérielles interdisent toute publicité en faveur des dispenses.
47 Léon XIII, De la condition des ouvriers, Paris, 1891, p. 5.
48 R. DESMED, art. cit., p. 217.
49 Probablement Isaac Taylor (1787-1861), dont L'histoire naturelle de l’enthousiasme, parue de manière anonyme en 1825, a suscité pas mal de réactions (P. LAROUSSE, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, t. XIV, p. 1522).
50 Larousse du XXe siècle, s. dir. P. Augé, Paris, t. IV, 1931, p. 420.
51 Cet important discours de l’ancien recteur de l’ULB devenu le maître à penser de toute une génération de socialistes a été diffusé dans une brochure sous le titre : La morale rationaliste. Discours prononcé à la Chambre des représentants, Ixelles - Bruxelles, Administration de La Raison, 1895, 50 p.
52 Il faudrait comparer ces arguments avec ceux de Bossuet dans son Histoire des variations des Eglises protestantes (1688).
53 Documents parlementaires. Chambre, session 1894-1895, t. VI, no 206, séance du 11 juin 1895, p. 2-3.
54 Pasinomie, 2e sér., 1895, p. 360-361.
55 Circulaire du 1er octobre 1895 sur l’interdiction de l’enseignement de la morale par l’instituteur si celui-ci n’en est pas chargé par un ministre du culte (cfr Bulletin de la Ligue de l’enseignement [= BLE], 1914-20, p. 24 et 21, 32-33, signalée aussi par H. MASSON, o. c., p. 137-139, et encore citée dans BLE, 1957, p. 1).
56 Cfr infra, la situation à la veille de la guerre de 1914.
57 M. COULON, o. c., p. 17.
58 L. QUERTON (Dr, chargé de cours à l’ULB), Les bases scientifiques de l’éducation morale. Rapport présenté, au nom de la Ligue de l’enseignement, au Congrès d’éducation morale et sociale de Londres (23-26 septembre 1908), dans BLE, 1908, no 4, p. 81-87), et IDEM, A propos du premier Congrès d’éducation morale et sociale de Londres, dans BLE, 1909, p. 34-44.
59 1908, 130-134. Repris également dans Le projet de loi de M. Ch. Woeste contre les écoles normales publiques provinciales et communales, Bruxelles, 1909, p. 40-46 (Ligue de l’enseignement. Document no 13).
60 Par Th. DAUMERS (directeur d’école à Bruxelles), Bruxelles, 1908, 12°, 120 p. (Compte rendu dans BLE, 1908, p. 112-113).
61 Les droits des communes en matière d’enseignement primaire, Bruxelles, 1908, 8°, 48 p. (Ligue de l’enseignement. Document no 12) (enseignement de la morale, p. 19-23)
62 Bulletin communal de le ville de Bruxelles, 1909, t. II, p. 696 ; et V. COOLS, L’athénée Léon Lepage, Bruxelles, 1952. En 1910, le rapport ajoute le directeur E. Lamotte pour l’Ecole moyenne (Bulletin..., 1910, p. 1005). Bouché publiera un livre sur L’éducation morale, Bruxelles, 1929, 439 p.
63 M. COULON, o. c., p. 18.
64 Loi du 19 mai 1914. Voir les amendements déposés à la Chambre le 17 décembre, discours de Féron et rejet des amendements le 18. Le projet est repris au Sénat par Goblet d’Alviella le 19 mai. Les principales interventions des sénateurs sont publiées, à la suite de la loi du 19 mai 1914, dans la Pasinomie, 5e sér., 1914, p. 159-256. Voir aussi les remarques de Ch. WOESTE, Mémoires pour servir à l’histoire contemporaine de la Belgique, t. II, 1894-1914, Bruxelles, 1933, p. 430-434.
65 « Préceptes de morale et de savoir-vivre » (Nivelles), « savoir-vivre » (Gand), « morale et savoir-vivre » (Mons et Huy). A Lierre et Verviers, seul est mentionné le professeur de « religion et morale » (Almanach royal officiel, Bruxelles, 1914)
66 « Morale et savoir-vivre » (Bruxelles, Bruges, Liège, Arlon), « précepte de la morale » (Tournai). A Andenne, on n’indique que le cours de « morale et savoir-vivre » (Ibidem).
67 Ibidem.
68 Rapport triennal sur la situation de l'instruction primaire, 1909-1911, p. 261.
69 Circulaire ministérielle de 1895 qui interdit aux communes d’intervenir pour les dispenses (L. BAUWENS, Code de l’enseignement primaire, 6e éd., Bruxelles, 1923, p. 181-182, 198), et circulaires de 1897 et 1907.
70 A. TIHON, o.c., t. I, p. 304-305.
71 Pour la période de l’entre-deux-guerres, voir J. TYSSENS, Strijdpunt of pasmunt ? Levensbeschouwelijk links en de schoolkwestie, 1918-1940, Bruxelles, 1993, et De liberale partij en de schoolkwestie. De rol van het congres van 1932, dans Revue belge d’histoire contemporaine, t. 20, 1989, p. 181-221.
72 Voir Paul GILLE, Notes sur la culture morale à l’Ecole, Bruxelles, La pensée, 1919, 16 p. (Bibliothèque de La Pensée), qui publie les notes qu’il a déposées aux réunions des 1er et 22 juin 1918.
73 Pour la période de l’immédiat après-guerre, voir R. DE GROOF et R. TYSSENS, De partiële pacificatie van de schoolkwestie in het politiek compromisproces na de eerste wereldoorlog (1918-1919), dans Revue belge de philologie et d’histoire, t. 66, 1988, p. 268-295. J. Renkin signale le compromis dans Le Flambeau, 1919, p. 622.
74 Maçonnerie, Maçonneries. Conférences de la Chaire Théodore Verhaegen, 1983-1989, éd. par J. Marx, Bruxelles, 1990, p. 163-165.
75 H. CARTON DE WIART, A la veille des élections générales belges, dans Revue générale, t. 102, 1919, no du 25 octobre, p. 679.
76 2e a., no 11, novembre 1919, p. 662. Il est aussi fait référence à « ce compromis » dans BLE, 1921, p. 26.
77 Sur cette loi, voir R. DE GROOF et R. TYSSENS, art. cit. Voir aussi BLE, 1922, p. 21-24.
78 L. BAUWENS, Code de l’enseignement primaire, 12e éd., Bruxelles, 1949, p. 81.
79 R. DE GROOF, H et onderwijsbeleid van Jules Destrée als deelproject van de schoolpolitieke compromisvorming (1919-1921), dans Revue belge d’histoire contemporaine, t. 20, 1989, p. 141-180.
80 N. SMELTEN, L’enseignement de la morale. Rapport présenté au conseil général au nom de la Commission de l’enseignement primaire, Bruxelles, 1921 (Ligue de l’Enseignement. Document no 35) ; et BLE, 1914-1920, p. 24-24 et 32. C’est dans ce contexte que paraît le livre de N. CUVELLIEZ (professeur à l’Ecole moyenne de l’Etat. Directeur de l’Ecole industrielle de Quiévrain), La méthode dans l’éducation morale, 2e éd., Bruxelles, 1920, 8°, 36 p. Il cite Paul SIMON, Morale scientifique, dans Revue des idées, 3e a., no 35, 1906, p. 843-868 ; Jules PAYOT, Cours de morale, Paris, A. Colin, 1904, 236 p. ; et P. ROMEDENNE [inspecteur de l’enseignement industriel et professionnel de la province de Hainaut], L’éducation morale dans l’enseignement technique (Document du Conseil de perfectionnement, no 448). Depuis sa reparution en novembre 1919, L’Education nationale, (Bruxelles, 1919-1924) comprend une section consacrée à l’éducation morale.
81 Bulletin du ministère des Sciences et des Arts [= BMSA], 1920, III, p. 1-8. Signalé dans BLE, 1922, p. 27-28.
82 BLE, 1914-1920, p. 72.
83 BLE, 1921, p. 30-31, et 1922, p. 29-30.
84 Texte cité d’après H. CARTON DE WIART, Souvenirs politiques, t. II, Bruxelles, p. 55. Voir aussi BLE, 1914-20, p. 69-70.
85 H. CARTON DE WIART, Souvenirs politiques, t. II, p. 49-56.
86 Déclaration gouvernementale dans Annales parlementaires. Session 1920-1921, Sénat, p. 10, et Chambre, p. 12.
87 Signalé aussi dans BLE, 1921, p. 27-28
88 Voir aussi BLE, 1921, p. 30-31.
89 BLE, 1921, p. 18-19 et 27-33.
90 Revue générale, t. 105, 1921, p. 389-397.
91 BMSA, 1921, II, p. 33. Une circulaire du 12 février a rappelé qu’on ne pouvait pas faire de publicité pour les dispenses du cours de religion (BMSA, 1921, II, p. 13-14), mais, le 11 janvier à la Chambre, le ministre avait admis que les parents pouvaient être informés de cette faculté (L. BAUWENS, Code de l’enseignement primaire, 1923, p. 198). Dans une dépêche du 12 septembre, le ministre s’oppose à la distribution dans les écoles de circulaires concernant les dispenses du cours de religion (BMSA, 1921, II, p. 118).
92 BLE, 1921, p. 27 et 33.
93 Bruxelles, Royaume de Belgique. Ministère des Sciences et des Arts, 1921, 8°, 43 p. (datée du 15 juin 1921). Pour répondre à une nouvelle demande de Masson, le ministre l’avait annoncée, le 9 juin 1919. Cfr L. BAUWENS, Code de l’enseignement primaire, 1923, p. 201-204. Elle n’est pas reprise dans le BMSA. Elle est mentionnée dans BLE, mai-juin 1921, p. 104-105 et 123-125 ; 1922, p. 5. La Ligue critique sa définition de la nation.
94 Le contexte du discours du 22 janvier n’est pas indiqué. Une circulaire du 11 janvier aux inspecteurs reprend les mêmes termes, mais rien dans le contexte ne permet d’y voir une allusion à la morale (BMSA, 1909, II, p. 1-4).
95 BLE, 1957, p. 3.
96 Ch. WOESTE, Mémoires pour servir à l’histoire contemporaine de la Belgique, t. III, 1914-1921, Bruxelles, 1937, p. 118.
97 Publié dans BMSA, 1921, III, p. 17-28. Sur ce discours et son impact, voir HASQUIN H., Jules Destrée et la « paix scolaire ». Aux origines des démêlés du socialisme avec les associations laïques, dans Problèmes d’histoire du christianisme, t. 9, Hommages à Jean Jadot, 1980, p. 189-208. Voir, par exemple, BLE, 1922, p. 31-37.
98 H. HASQUIN, Jules Destrée..., p. 202.
99 BLE, 1921, p. 156-157.
100 Programme publié dans les journaux et repris dans E. GERARD, Documents relatifs à l’organisation du parti catholique belge (1920-1922, 1931-1933), Paris - Louvain, 1981, p. 99 (Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine. Cahiers 91).
101 BLE, nov. — déc. 1921, p. 192.
102 Essai sur les cours de morale dans les Ecoles moyennes, normales, professionnelles ; Ecoles d’apprentissage ; Lycées, Athénées, préface de M. Tobie Jonckheere, Bruxelles, 1922, VI-287 p. (Compte rendu dans BLE, 1923, p. 82-83).
103 BLE, 1922, p. 66.
104 Congrès de Liège du 1er au 3 septembre 1922. Le texte est cité dans l’organe de la Fédération, L’Educateur chrétien, 1er octobre 1922, p. 6, et repris presque littéralement dans BLE, 1922, p. 67, et 1923, p. 21-22.
105 Les noms des membres sont publiés dans BLE, mars-avril 1923, p. 51.
106 (Imprimatur du 21 mai 1924), Liège, 1924 (Etudes religieuses). 3e éd., Liège, La pensée catholique, s.d., 12°, 62 p. (L’exemplaire de la Bibliothèque de l’UCL est dédicacé au chanoine F. Wallerand, professeur à la Faculté universitaire Saint-Louis, le 11 janvier 1932).
107 M. COULON, o. c., p. 7.
108 Voir les arrêtés dans le BMSA, 1924, I, p. 292-301. Curieusement, ils ne sont pas repris dans la Pasinomie. C’est à cette époque que des professeurs protestants de religion sont également introduits dans les écoles (cfr Almanach royal, 1926 et ss.).
109 M. COULON, o. c., p. 11 ; et H. MASSON, o.c., p. 141.
110 BMSA, 1924, I, p. 305-307 et 364-365. Voir aussi P. DE KEYSER, Ken U zelf. Leidraad bij het onderwijs in Zedenleer voor Middelbare Scholen en drie lagere klassen der Athenea, Gand, 1926. La préface datée de fin 1925 renvoie à l’introduction en 1924 de la morale dans l’enseignement moyen officiel.
111 BMSA, 1928, I, p. 47-49.
112 BMSA, 1928, I, p. 151, 156-157. Cette fois, l’arrêté est repris dans la Pasinomie, 5e sér., 1928, p. 159-162. D’après M. COULON (o. c. p. 12), l’arrêté stipule qu’ »au début de chaque année scolaire, il est loisible aux parents de choisir entre les deux cours ». L’arrêté prévoit simplement que les parents peuvent faire dispenser du cours de religion et ceux qui sont dispensés suivent le cours de morale. Les arrêtés ministériels des 15 avril et 29 octobre 1929 publient le règlement d’ordre intérieur des athénées, des écoles moyennes de l’Etat et des écoles normales moyennes avec le programme de la morale (L. BAUWENS, Code de l'enseignement moyen et de l’enseignement normal moyen, Bruxelles, 1929, p. 191-194, 271 et 344).
113 François Bovesse et l’éducation. Textes réunis par R. Poupart, Mons, 1992, p. 42. L’ouvrage est consacré au Plan d’études de 1936.
114 Br. LIESEN, La reprise des cours dans l’enseignement primaire et secondaire et la réouverture de l’U. L. B., Séminaire d’histoire contemporaine, UCL, 1984-1985, p. 13, 26-35.
115 L. HONNORÉ, La discussion du budget du ministère de l’Instruction publique et la crise gouvernementale (avril-mai 1948), Seminaire d’histoire contemporaine, UCL, 1987-1988, p. 77.
116 Documents parlementaires. Chambre, session 1947-1948, no 576. Rapport de la commission du 24 juin (no 608). Dépôt au Sénat le 24 juin et rapport du 22 juillet (Documents parlementaires. Sénat, no 429 et 472).
117 Annales parlementaires, Chambre, session 1947-1948, p. 46-51 (séance du 25 juin) et Annales parlementaires, Sénat, p. 1948-1950 (séance du 29 juillet et du 3 août).
118 A la Chambre, 113 oui, 2 non (A. De Gryse et Fernand Lefère, CVP) et 3 abstentions (H. Carton de Wiart et M. Philippart de Foy, PSC, et W. Bruyninckx CVP, qui auraient souhaité que les parents puissent demander un changement en cours d’année sans exposer leurs motifs). Au Sénat, 2 non (René Desmedt et Marcel Sobry, CVP) et une abstention (le baron de Dorlodot).
119 Curieusement, le texte de la loi ne paraîtra au Moniteur que le 30 octobre 1948, après la rentrée scolaire, et dans une livraison tardive du Bulletin usuel des lois et arrêtés [Pasinomie], 1948, p. 648.
120 Bulletin du ministère de l’instruction publique, 1948, I, p. 288-289 ; II, p. 251.
121 M. COULON, o.c., p. 16.
122 R. HOUBEN et F. INGHAM, Le pacte scolaire et son application, 2e éd., Bruxelles, 1962, p. 21.
123 M. COULON, o.c., p. 7-8.
124 Voir, par exemple, J. CROISSANT, Principes et méthodes d’un enseignement non-confessionnel de la morale, dans Revue de l’Université de Bruxelles, t. 8, 1955-1956, no 3-4, p. 375-390 ; Code de morale humaine. Introduction par Fernand Janson, Bruxelles, 1959, 23 p. (Ligue de l’enseignement. Document no 154), préparé par la Commission de philosophie et de morale laïque de la Ligue de l’enseignement.
125 Morale et enseignement. Bulletin trimestriel publié par l’Institut de Philosophie de l’Université de Bruxelles, 1951-1967.
126 Revue fondée en 1955 pour les professeurs de morale non-confessionnelle en pays flamand (Standaard encylopedie voor opvoeding en onderwijs, t. III, Anvers, 1979, p. 427).
127 Voir notamment R. HOUBEN et F. INGHAM, o.c. ; H. POURBAIX, Le pacte scolaire, Bruxelles, s.d.
128 Pasinomie, 7e sér., 1959, p. 230-232. En 1982-1983, dans l’enseignement néerlandophone 45,55 % des élèves suivront l’enseignement de la morale, 52,71 % celui de la religion catholique et 1,74 % celui d’autres religions. Pour l’enseignement francophone, les proportions sont de 49,84, 45,19 et 4,97 %. Voir les statistiques de 1978-79 à 1982-83 dans La Belgique et ses dieux. Eglises, mouvements religieux et laïques, s. dir. L.Voyé, K. Dobbelaere, J. Remy et J. Billiet, Louvain-la-Neuve, 1985, p. 54.
129 K. DE CLERCK, Chronologisch overzicht van de Belgische onderwijsgeschiedenis, 1830-1990, Gent, Centrum voor de studie van de historische pedagogiek, 1991, p. 134-135.
130 K. DE CLERCK, o.c., p. 149-151.
131 K. DE CLERCK, o.c., p. 155-151, 160. Sur ce projet d’écoles pluralistes, voir D. DE CEULAER et M. DE VROEDE, De pluralistische school : een requiem ?, Wilsele, 1980, 306 p.
132 En 1972, il crée Son Bulletin, devenu Espace de Libertés.
133 Voir A. CLAUSSE, Laïcité permanente, Bruxelles, Ligue de l’enseignement, 1963 (Document no 157) ; G. HOTTOIS, Enseignement de la morale et philosophie, Bruxelles, Ed. de l’Université de Bruxelles, 1979 ; H. JANNE, Spécificité de la morale laïque, dans Histoire de la laïcité, Bruxelles, 1979, p. 305-327 ; C. DELISÉE et M. VOISIN, A la découverte de la laïcité. Guide pratique, Ed. CAL, 1980 ; A. MASSON, La laïcisation de la morale, Bruxelles, Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente, 1980 ; G. HOTTOIS, Six principes pour un cours de philosophie et morale laïques, dans Philosophie, morale et société, Bruxelles, 1982 p. 79-83 ; Valeurs laïques, valeurs religieuses. Spécificités anciennes, spécificités nouvelles, éd. par M. Mat et A. Van Haecht, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1985 ; Y a-t-il morale et morale ?, dans Tribune laïque. Périodique de la Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente, avril 1987 (Document no°(177) ; Le cours de morale, aspects théoriques, et Leçons de morale, aspects pédagogiques, éd. J. Lemaire, Bruxelles, Editions de l’ULB, 1990-1991. (Laïcité. La pensée et les hommes, 15 et 16).
134 Standaard..., p. 427.
135 G. DE BIÈVRE, Quel pouvoir organisateur pour le cours de morale ?, dans Espace de libertés, no 195, novembre 1991, p. 19.
136 Pasinomie, 7e sér., 1988, p. 557-558. Ils sont devenus les articles 127 et 23 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994.
137 Ch.-E. LAGASSE, Les nouvelles institutions de la Belgique et de l’Europe, Louvain-la-Neuve, 1993, p. 137, n. 18 ; et Pasinomie, 7e sér., 1988, p. 604 et 608.
138 Recueil des arrêts du Conseil d’Etat, 1989, no 32.637.
139 Recueil des arrêts du Conseil d’Etat, 1990, no 35.442. Voir également le Journal des procès, no 186, 11 janvier 1991, p. 25-30.
Auteurs
Professeur ordinaire aux Facultés universitaires Saint-Louis et Professeur à l’Université catholique de Louvain, L’enseignement de la morale indépendante en Belgique aux XIXe et XXe siècles.
Professeur ordinaire aux Facultés universitaires Saint-Louis, L’enseignement de la morale indépendante en Belgique aux XIXe et XXe siècles.
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