L’enseignement de la philosophie morale aux Facultés universitaires Saint-Louis (1858-1968)
p. 39-55
Texte intégral
1Lorsqu’en 1856, Pie IX songe, puis décide d’ouvrir à Bruxelles une « école de philosophie », il y a dans son propos autant de préoccupations apologétiques que dogmatiques. Il entend certes offrir à la bourgeoisie catholique bruxelloise un enseignement conforme aux vues de l’Eglise, mais aussi et surtout, car ce fut là le point de départ de sa démarche, prémunir cette même bourgeoisie de l’enseignement « délétère » des universités d’Etat. La démarche ne concernait pas précisément, ni seulement, Bruxelles, mais visait l’ensemble du pays, conséquence directe de l’affaire Brasseur, du nom de ce professeur de l’Université de Gand qui avait, dans ses cours, nié la divinité du Christ1.
2Organisés dans une institution créée de la sorte, les cours de philosophie auraient normalement dû constituer l’ossature et les points forts du nouvel enseignement, témoigner aussi d’un engagement déterminé, sinon dans un sens apologétique, du moins dans celui d’une affirmation positive des options romaines en matière philosophique. Les résultats ne répondirent pas à l’attente et Pie IX, comme son entourage, ne se firent pas faute de le faire savoir à l’archevêque chargé de mettre sur pied la nouvelle institution dans la capitale.
3Mgr Sterckx, en effet, avait adopté une attitude réservée, sinon réticente, à l’égard des directives romaines ; il ne partageait que très modérément, sinon pas du tout, le goût pour la croisade du Souverain Pontife, de ses conseillers et instigateurs, les Jésuites de Namur et Bruxelles. Ses « arrêtés d’application » tempérèrent sérieusement ce qu’avaient d’engagé les propos de l’encyclique fondatrice de ces écoles de philosophie.
4La solution pour laquelle Sterckx opta, à savoir la création d’une « section de philosophie » en annexe d’une école technique, transférée de Malines à Bruxelles pour la cause et transformée en enseignement général, jointe à la lenteur mise par le prélat à s’exécuter, frisait la provocation à l’égard de la Curie.
5Le choix des professeurs alla dans le même sens : si l’on retrouvait, conformément au programme légal, un cours de philosophie générale et un autre de philosophie morale, leur titulaire, identique pour les deux cours, ne présentait ni la carrure ni le profil d’un meneur d’idées, d’un champion de la polémique ou d’un inspirateur possible pour l’intelligentsia bruxelloise. L’abbé Nuyts, qui occupa cette charge de 1858 à 1870, n’était à son arrivée à Saint-Louis, en 1858, qu’un jeune diplômé, dont la principale qualité était d’avoir, après sa licence en théologie obtenue à Louvain, fréquenté pendant deux ans les allées de la Curie romaine à l’Académie de morale et de liturgie, puis à la Congrégation des évêques et des réguliers2. Ces garanties de stricte orthodoxie ne s’accompagnaient cependant d’aucune formation ni renommée en philosophie, une renommée que Nuyts n’acquit pas davantage au cours des douze années passées à Saint-Louis.
6Il existait une autre limite, bien plus astreignante encore, imposée à la volonté apologétique du pape et des Jésuites, à savoir les contraintes du système universitaire belge. L’examen de candidat auquel était soumis les étudiants issus de Saint-Louis, se déroulait à l’époque devant un jury composé de professeurs des universités de l’Etat, de Liège et de Gand et l’enseignant chargé de préparer ses étudiants à cet examen ne pouvait dès lors, quelles qu’aient été ses aspirations, se perdre dans des sentiers romains que n’emprunteraient certes pas les examinateurs ! Les dures nécessités de la pratique l’emportaient ici largement sur les envolées évangélisatrices du Vatican.
7Nuyts n’a laissé ni manuscrit, ni imprimé en relation avec son enseignement de philosophie morale et il ne subsiste pas davantage de notes de cours prises par des étudiants pendant la durée de son professorat, soit de 1858 à 1870. Il reste cependant quelques témoignages le concernant : le premier concerne davantage son enseignement de la psychologie que celui de la philosophie morale et souligne éventuellement ses dons pédagogiques3 ; d’autres sont plus intéressants pour le sujet abordé ici, bien qu’ils soient extérieurs à son enseignement proprement dit. Ils trahissent, d’une part, ses options résolument ultramontaines et, d’autre part, la relation étroite dans laquelle il maintenait philosophie et théologie.
8Le message qu’ils ne pouvaient faire passer dans leur enseignement, en raison des exigences de programme et des conditions de l’examen, les enseignants ecclésiastiques de la section de philosophie cherchèrent à le transmettre dans une sphère où ils avaient davantage les coudées franches, à savoir les activités para-universitaires, en l’occurrence le Cercle académique organisé à partir de l’année 1862-63. Or Nuyts joua dans ce domaine un rôle de pionnier, non seulement en contribuant activement à la fondation, mais encore en présentant au moins quatre exposés connus à ces réunions d’étudiants et d’anciens étudiants de la section de philosophie.
9Ces quatre exposés furent consacrés à L’Index (1863), au principe de non-intervention (1865), au Spiritisme contemporain (1867) et à La science devant le Concile (1870)4. Ils relèvent tous plutôt de la théologie et de l’apologétique que de la réflexion philosophique, mais certaines formulations permettent de constater que pour Jean-Philippe Nuyts les frontières entre philosophie et théologie morales étaient ténues : « Les bases mêmes de la Révélation sont l’objet de la raison philosophique ; recevoir avec certitude la parole de Dieu, c’est encore obéir à la raison et devenir libre par la grâce de Dieu »5.
10La perspective devait être fort semblable chez le successeur de Nuyts, l’abbé et futur Mgr Joseph Jacops6, titulaire des chaires de philosophie pendant deux ans seulement, en 1870-71 et 1871-72. Pas davantage que pour Nuyts, il n’existe de cours manuscrit, polygraphié ou imprimé de l’enseignement de Jacops, mais il en demeure néanmoins une trace furtive, au travers d’une citation de son successeur Lefebvre et ce texte va dans le même sens que ce qui vient d’être dit de Nuyts : dans un chapitre de son cours, le troisième, consacré à la Loi morale, Lefebvre s’appuie, en effet, sur le « Cours de morale », manuscrit, de son prédécesseur pour formuler l’affirmation suivante : « Guidé par elle (la loi naturelle), l’homme trouve donc dans les biens de ce monde le bonheur relatif et imparfait qu’admet sa condition présente et se fait de ces biens particuliers autant de moyens pour s’élever vers le bonheur parfait qu’il rencontrera dans la possession de Dieu »7.
11A partir de 1872 et l’enseignement de Ferdinand Lefebvre, des notes de cours sont conservées, sous la forme d’un syllabus ronéotypé, écrit d’une fine et petite écriture, bien régulière, ornée de quelques volutes décoratives de l’abbé Lefebvre, titulaire du cours de philosophie morale de 1872 à 18798.
12Ces notes - qui couvrent 168 pages in-8° - s’organisent en huit chapitres et distinguent d’emblée (p. 10) Morale générale et Morale spéciale : la première synonyme d’Ethique, la seconde plus souvent qualifiée de Droit naturel. Le cours conservé de Lefebvre ne concerne que la première subdivision.
13Pour Lefebvre, l’Ethique « traite des lois générales qui régissent la libre volonté de l’homme » (p. 10), objet qui devient, dès le début du traité, sous une formulation différente non dépourvue de présupposés, l’étude de « l’action humaine au point de vue de sa finalité, c’est-à-dire en tant qu’elle tend à sa finalité naturelle » (p. 12).
14Le chapitre premier s’intéressera dès lors non plus à la volonté de l’homme ou à ses actes, mais à sa finalité (p. 13-42) et dès lors la mesure des ambitions éthiques doit être prise, alors qu’il est posé que « la fin absolument dernière de l’homme est une fin surnaturelle »9 :
« La philosophie morale, science purement humaine, s’arrête au seuil de ces considérations inaccessibles à la seule raison : elle déduit ses enseignements des seules lumières de l’intelligence naturelle et s’appuie par conséquent sur l’hypothèse de la destinée naturelle de l’homme. Elle sera donc forcément une science incomplète, mais elle ne sera pas une science fausse : car l’ordre surnaturel n’a pas détruit l’ordre naturel, il l’a perfectionné en l’élevant au-dessus de lui-même, et comme l’ordre de la grâce présuppose et implique l’ordre de la nature, ainsi la loi morale surnaturelle, loin de détruire la loi morale naturelle la présuppose et l’implique »10.
15Après avoir défini les conditions de la responsabilité des actes humains (ch.2) et avoir, ensuite, précisé les notions de loi en général et de loi naturelle en particulier (ch.3), Lefebvre peut s’attaquer à la moralité des actes humains (ch.4), au caractère obligatoire de la loi et aux rapports entre droit et devoir (ch.5) pour préciser enfin la sanction possible de la loi morale qui « ne sera complète et parfaite (que) dans la vie future » (ch.6) et envisager la valeur des lois positives (ch.7).
16Son huitième et dernier chapitre n’est pas le moins intéressant, lorsqu’il s’attache à démonter les « faux systèmes sur la loi morale ». On y retrouve successivement exposés et critiqués la morale du plaisir où Locke rejoint Epicure, l’utilitarisme de Bentham, la morale « conventionnelle » de Hobbes et Rousseau, celle du sentiment où le « sens moral » de Hutcheson le dispute à la « sympathie » d’Adam Smith, la morale rationaliste dérivée du kantisme et représentée par Cousin, Jouffroy et Guizot, le panthéisme de Spinoza, le matérialisme et le positivisme, ces deux derniers abordés très succinctement.
17Dans l’ensemble de son exposé, Lefebvre cite certes principalement Saint Thomas, mais surtout comme une autorité, semble-t-il, car son guide immédiat sur le terrain philosophique est Mgr Laforêt, recteur de l’U.C.L. et auteur d’un traité de Philosophie morale, publié quelques années plus tôt11. Or Nicolas Laforêt, loin d’être un fervent et rigoureux thomiste, avait été, tout comme son maître Arnold Tits12, mêlé à la controverse sur le traditionalisme qui, de 1843 à 1867, opposa Rome, l’évêque de Liège de Montpellier et les Jésuites aux philosophes de l’UCL, jusqu’à la condamnation du traditionalisme en 186713.
40 années de professorat : Louis Du Roussaux (1879-1919)
18Le ton et le style changent du tout au tout avec l’arrivée à la Section de philosophie, en 1879, de Louis Du Roussaux14, philosophe de formation et logicien de propension, alors que ses trois prédécesseurs étaient tous trois théologiens.
19Le style change, car dorénavant le cours d’Ethique ou de Philosophie morale perd le caractère confidentiel que lui conservaient les murs du vieil hôtel de maître du 43 Bd du Jardin botanique, où seuls les étudiants inscrits à la Faculté en goûtaient la saveur éventuelle. Avec Du Roussaux, l’enseignement donné à la Section de philosophie de l’Institut Saint-Louis va étendre son audience et connaître la publicité. D’abord autographiés, comme l’était le syllabus de Lefebvre, les cours de Du Roussaux seront ensuite imprimés et diffusés par des maisons d’édition bruxelloises d’un certain renom : les Eléments de logique sont édités en 1894 par la Société belge de librairie15 et connaîtront une édition espagnole, à Saragosse en 190516, puis une réédition belge produite en 1908 chez Albert Dewit. Le cours de Philosophie morale ou Ethique, autographié en 1898, est édité en 1907 chez Dewit et traduit lui aussi en espagnol en 191417. Suivront encore des Fragments d’anatomie et de physiologie humaine en 190918 et la Psychologie en 191319.
20Le succès de Du Roussaux, qui avait étudié à la Grégorienne à Rome, lui vient de la qualité de son enseignement unanimement apprécié par les étudiants de l’époque, mais aussi de la position qu’il s’est faite au sein de la congrégation des Dames (enseignantes) de la Sainte-Famille, dont il est devenu le maître spirituel, en même temps que le conseiller et le directeur spirituel de la supérieure générale, sœur Justine De Monie20.
21Le personnage frappe par son côté romantique, il captive par son « éloquence suave » et sa « philosophie souriante »21 ; il surprend par son esprit créatif.
22Logicien de talent, il va tenter une approche originale de la Morale, à partir et au moyen de considérations empruntées à la Logique, utilisant le langage de celle-ci et faisant continuellement référence aux exigences de cette discipline, traçant entre les deux un lien de similitude :
23« De même que la Logique n’est que la traduction et l’explication du sens inné du vrai, ainsi l’Ethique n’est en somme que l’analyse et l’interprétation du sens moral naturel » (p. 10).
24Le mot « analyse » trahit ici ses options.
25Pour ce faire, il va marcher sur des œufs, car il se rend bien compte, dès l’entame, qu’il emprunte un chemin à contre-courant de l’enseignement scolastique traditionnel. La première phrase de son traité n’est dès lors qu’une captatio benevolentiae, trahissant d’emblée une prudente défensive : « En fait de doctrine, on ne trouvera dans cet ouvrage rien qui ne soit connu et professé par des scolastiques (...) Si ce traité se distingue de ses congénères, c’est moins par le fond que par la forme ».
26Cette forme originale, c’est la méthode inductive, par laquelle il prend le contre-pied de la scolastique :
27« La méthode inductive, selon nous, doit être préférée. D’une part, elle assure mieux l’indépendance de l’Ethique comme science, tandis que le procédé déductif la subordonne par trop à la Psychologie et à la Théodicée ; elle en fait un simple corrolaire. Or la Logique exige que chaque science soit traitée, dans la mesure du possible, par ses propres principes, sans emprunter ceux de ses consœurs : un problème de géométrie, par exemple, ne doit pas se résoudre par l’arithmétique » (p. 8).
28S’ensuit un exposé clair et structuré, écrit dans une langue chatoyante, avec la volonté de « faire moderne » (p. VIII).
29Alors que Lefebvre commençait son cours par la destinée de l’homme et le terminait par la conscience, Du Roussaux prend le sens inverse : il partira de la conscience ou de ce qu’il appelle l’Ethique formelle, pour aboutir aux principes ontologiques qui la sous-tendent, en remontant du fait aux causes, ces dernières formant ce qu’il appelle l’Ethique réelle.
30Dans la première, l’Ethique formelle, il examinera successivement la conscience, comme règle de moralité ; la volonté comme forme de la moralité ; l’acte volontaire (ou le fait moral) comme matière de la moralité ; les habitudes morales comme perfection de la moralité et le droit comme conséquence de la moralité.
31Dans la seconde, l’Ethique réelle, il abordera, dans l’ordre, le critère moral, le mobile moral, l’obligation morale et la loi morale, pour terminer par un chapitre « Du dénouement moral », qui lui permet de subdiviser sa conclusion en trois parties : il n’y a pas de morale indépendante, car il n’y a « pas de morale sans dogme », « pas de morale sans Dieu », « pas de morale sans religion22.
32La titulature du cours de Philosophie morale de Du Roussaux fut interrompue, deux ans, en 1892-93 et 1893-94, suite aux modifications apportées par la loi du 10 avril 1890 aux programmes de la candidature en droit. Cette loi introduisait notamment, un cours de Droit naturel à l’intention des juristes et pour l’ensemble des étudiants des candidatures, des Notions d’anatomie et de physiologie humaines, à intégrer au cours de psychologie. Pour couvrir cette surcharge d’enseignement, un nouvel enseignant fit son entrée à la Faculté au moment de la mise en œuvre du nouveau programme, au début de l’année 1892-93, l’abbé Vosters23. Celui-ci enseignait jusque là à la Section scientifique préparatoire à l’Ecole militaire et aux écoles spéciales des universités, créée à Saint-Louis en 1878 et était bachelier en... théologie ! Il prit à son compte une partie du nouvel enseignement à attribuer, à savoir le Droit naturel, pour laisser les Notions de physiologie à Du Roussaux, qui les intégra dans son cours de Psychologie. En échange, Du Roussaux cédait à Vosters la Philosophie morale. Deux ans plus tard cependant, en octobre 1894, dans le cadre d’une nouvelle répartition des cours entre professeurs, Vosters rendait la Philosophie morale à Du Roussaux en échange de la Logique.
33Nous ne possédons de Vosters que des notes d’étudiants de son cours de droit naturel, pas de son cours de Philosophie morale, dont il n’assuma d’ailleurs l’enseignement que deux ans. De sa manière de donner cours, néanmoins, il reste des témoignages qui soulignent son manque d’éloquence24.
Leclercq et son substitut Ryckmans
34Au décès de Du Roussaux en août 1919, c’est-à-dire à la veille de l’ouverture de la première année académique complète après la guerre, Gaston Wallerand, docteur en philosophie thomiste de l’UCL25 qui enseignait, comme Vosters jadis, au Cours spécial de l’Institut Saint-Louis, lui succéda à la Faculté pour l’Introduction à la philosophie et la Psychologie, deux cours de première, et la Philosophie morale, en seconde. « C’était un professeur de l’enseignement moyen », dira un de ses étudiants, « très bon au début des candidatures parce qu’il avait encore des méthodes de l’enseignement moyen. Il adorait les plans. C’est très bien au début et cela vous permet de vous débrouiller, mais cela vous donne l’impression (d’être toujours dans l’) enseignement moyen »26.
35Il ne conserva cependant cet enseignement que deux ans (1919-20 et 1920-21), car au début de l’année académique 1921-22, au mois de novembre, le chanoine Vosters décéda. Il fallut au pied levé, en cours d’année, trouver un nouveau titulaire pour les cours qu’il donnait, la Logique et le Droit naturel. Il fut dès lors fait appel à un jeune ecclésiastique de la maison, entré à Saint-Louis au moment de son ordination en 1917 et titulaire de troisième latine, mais aussi porteur d’un diplôme de bachelier en philosophie thomiste : Leclercq.
36Wallerand s’empressa de lui céder la Philosophie morale pour récupérer la Logique, ce qui avait aussi l’avantage de regrouper au sein d’une même fonction d’enseignant deux cours très proches l’un de l’autre : le droit naturel et la Philo morale, et correspondait aux exigences de la formation des jurys mixtes qui n’admettaient, par année d’études, qu’un seul interrogateur par discipline, en l’occurrence la philosophie.
37La personnalité de Jacques Leclercq, qui reprend donc le cours de philosophie morale à la Faculté en 1921, est bien connue, servie par de nombreux « hommages » de fidèles et de disciples ; son séjour à Saint-Louis a fait l’objet d’une communication académique, récente, à laquelle nous renverrons dès lors le lecteur pour l’activité de Leclercq à cette époque27.
38Leclercq lui-même a, cependant, inscrit un hiatus important dans sa carrière d’enseignant de philosophie morale à Saint-Louis, puisque de 1925 à 1933, et bien qu’il n’ait eu à son programme que les deux seuls cours de philosophie morale et de droit naturel en seconde candidature, il se dessaisit du premier en faveur d’Albert Ryckmans. Celui-ci, qu’il fait nommer dans le même temps secrétaire de l’Ecole des sciences philosophiques et religieuses mise en place en octobre 1925, était entré au séminaire le même jour que Leclercq, avait été ordonné avec lui, puis était devenu son compagnon d’étude à l’Institut supérieur de philosophie de Louvain28. A Saint-Louis, Ryckmans portait le titre de « chargé de cours ».
39Ryckmans donna donc le cours de philosophie morale de 1925 à 1933, s’accompagnant vraisemblablement d’un syllabus d’une vingtaine de pages, dactylographié29. A vrai dire, syllabus ou non, Ryckmans « avait un cours très peu structuré, mais qui était fort agréable à écouter. Il parlait d’abondance »30, mais avec un accent flamand assez marqué. Pittoresque31, il apparaissait à certains comme un homme « torturé », travaillé par le scrupule32 et souffrait d’un besoin presque maladif d’autorité.
40A la lecture du schéma de cours qui nous est conservé, on n’est pas peu surpris de découvrir un enseignement nettement plus engagé que ne l’étaient les cours de l’abbé Lefebvre ou de Louis Du Roussaux au XIXe siècle et nettement plus scolastique où l’on retrouve, par exemple, quant au caractère obligatoire de la loi, les subtilités des disputes entre équiprobabilistes, probabilioristes (transcrit en probabilionisme dans le syllabus) ou probabilistes simples... !
41Cet exposé dans lequel sont développées des réfutations similaires à celles de ses prédécesseurs, avec l’adjonction de critiques de systèmes plus récents comme ceux de Gide ou de Renouvier, ne peut s’empêcher de déboucher rapidement sur la fin divine de l’homme, l’existence de Dieu étant rapidement affirmée par cette incise placée entre parenthèses : « existence de Dieu (prouvé par la Théodicée) » (p. 4).
42Dès lors, ce qui était jusque là un traité de morale naturelle devient un exposé de morale catholique, où sont examinés des thèmes comme la béatitude de l’homme, la damnation, le péché, la vertu de religion etc..., avec parfois des dissentiments, voire des contestations venant de l’auditoire33.
43Albert Ryckmans, qui donnait le cours de Philosophie morale à la Faculté et à l’Ecole des sciences philosophiques et religieuses, abandonna ce dernier en 1931 à Gérard Van Bunnen, jeune laïc, docteur en droit et licencié en philosophie thomiste, entré à la Faculté en 1931, suite aux modifications intervenues dans les programmes de droit par la loi de 1929. Ce cours de l’Ecole attribué à Van Bunnen changea immédiatement d’intitulé pour devenir un cours de Morale rationnelle. Nous n’en possédons aucun aperçu du contenu, bien qu’il se maintint jusqu’en 1939.
Le chanoine Reusens
44Lorsque les étudiants de seconde candidature de l’année 1938-39 se présentèrent dans l’auditoire du premier étage de la Faculté pour y recevoir leur premier cours de philosophie morale, ils trouvèrent devant eux un jeune et robuste ecclésiastique de trente ans, formé à la Grégorienne34 et jusque là professeur au Collège Saint-Pierre à Uccle.
45Certes prendre la succession d’un Leclercq, incontestablement doté de dons pédagogiques remarquables, n’était pas une sinécure, mais de là à leur envoyer cet Anversois, au français plus qu’approximatif, il y avait une marge que le cardinal (Van Roey) avait allègrement franchie.
46Toujours est-il que cet homme simple et d’une incontestable bonté se trouva parachuté au sommet d’une chaire universitaire, d’où viendrait l’extraire, un jour d’avril 1943, un groupe de Gestapistes alertés par un étudiant révolté de devoir transcrire, dans ses notes de cours de Droit naturel, à l’instar de ses condisciples, la condamnation du communisme (cela un partisan de l’Ordre nouveau pouvait l’admettre en ’43), mais aussi du... national-socialisme !
47Reusens prit donc le chemin de Saint-Gilles, passa par le trop fameux immeuble de l’Avenue Louise, échappa à Dachau, mais fut interdit d’enseignement pour le restant de l’Occupation. Il devenait un héros et un grand résistant.
48Le cours de Philosophie morale de Reusens, tel que le laissent apparaître les notes d’une étudiante des années ’42-’43 c’est-à-dire celle de son arrestation, est un cours structuré plus proche de la Morale spéciale que de l’Ethique, car s’il situe la Morale dans le cadre de la démarche philosophique, il y voit davantage l’étude des « normes de l’activité humaine » que celle des fondements de ces normes elles-mêmes (p. 1). Il confirme cette perspective en précisant que la démarche éthique se situe au terme de la démarche philosophique : « en dernier lieu, (car) quand on aborde la philosophie morale, on peut supposer que des problèmes sont déjà résolus » (p. 2), à savoir ceux posés par l’épistémologie (possibilité d’atteindre la Vérité), la théodicée (l’existence de Dieu) et la psychologie (existence et immortalité de l’âme). Sur ces bases, la Morale a « un ordre à construire » et ne peut se borner à l’étude d’un donné moral (p. 3).
49L’exposé, classique, suit alors le plan assez traditionnel déjà évoqué plus haut dans la présentation des cours d’Albert Ryckmans : après une approche des relations entre morale et religion, il développe un aperçu de Philosophie morale générale articulé sur la distinction entre rectitude objective (la notion de bien, la recherche de la fin humaine ou la béatitude, l’origine naturelle de la norme morale, les sources de la moralité d’un acte, celles de la loi et de l’obligation, la sanction morale) et la rectitude subjective trouvant sa source dans la conscience. Cet exposé est accompagné, comme chez Ryckmans, d’une longue critique des différents systèmes moraux ; il est complété par un catalogue des vertus. La dernière partie du cours présente un survol de l’Histoire de la Morale dans lequel sont abordés et critiqués de manière plus explicite le positivisme de Comte, le sociologisme de Durkheim, les morales dites « sentimentales » de Hutcheson, Butler, Hume, Smith, Reid, Rousseau et Schopenhauer, les eudémonistes subdivisés en égoïstes et altruistes, où Epicure, Hobbes, Bentham et Mill d’une part, Hegel, Comte, Spencer, Bourgeois, Durckheim, Lévy-Brühl et Dupréel, d’autre part, reçoivent un traitement particulier35.
50Dans l’ensemble, les avis des étudiants à l’égard de ce cours étaient assez partagés, la majorité le considérant cependant comme « un cours ex cathedra, (donné) dans un esprit extrêment étroit », mais d’aucuns, d’un avis différent, disaient profiter du caractère systématique et clair de l’exposé, dont l’ambition restait cependant, dans le fond, assez scolaire.
L’intermède Van Camp (1943-1944)
51Arrêté le 16 avril 1943, Reusens est relâché le 17 septembre, mais il est interdit d’enseignement. Van Camp le remplaça pour les examens de juillet et, en octobre, pour le cours lui-même.
52Le ton changea du tout au tout. Il ne reste rien ou à peu près de la structure du cours de Reusens ou de celui de Ryckmans, pas davantage de celui de Leclercq. La « méthode » Van Camp s’applique ici comme au rez-de-chaussée pour les « premières » : plutôt qu’un exposé structuré, systématique, ce seront des thèmes qui seront abordés et selon une méthode très personnelle, toute de réflexion.
53Tout le début du cours - les huit premières leçons - sous le prétexte (assez gros) de resituer la Morale dans le contexte philosophique général, n’est en réalité qu’une sorte de répétition des perspectives amorcées en première sur le thème « Qu’est-ce que la philosophie ? ».
54Ensuite, lorsqu’il abordera des thèmes davantage moraux ou éthiques, Van Camp s’empressera de quitter délibérément les schémas et les représentations traditionnelles de l’histoire de la philosophie morale pour se lancer dans des approches d’auteurs contemporains ou éveilleurs de la curiosité de son public. Ce caractère d’actualité, presque de mode à la française, est un second trait de sa méthode d’enseignement.
55Il entend sortir de l’exposé systématique aussitôt que possible. Après avoir averti que son « introduction » à la philosophie morale sera courte « par manque de temps », mais aussi « parce qu’il y a peu à dire, puisque la définition de la morale dépend de la conception qu’on s’en fait », il précise néanmoins que la Morale est une « science pratique », une « science de l’action, visant à l’action » ; c’est aussi une « science normative » comme la logique et, pour compenser cette absence d’exposé général, impose à ses étudiants la lecture d’un manuel : au choix, le tome IV, consacré à la Morale, du Traité de philosophie de Jolivet, publié l’année précédente36 ou, plus simple, sorte de résumé du précédent, le Précis de Baudin37.
56Van Camp peut dès lors se lancer dans des exposés de « questions » de morale dans lesquels il donnera toute sa mesure. Il prévient d’ailleurs son auditoire de ce qu’il ne leur fournira pas un traité de philosophie morale, mais « des notes à côté d’un manuel ». Son but, c’est d’éveiller et c’est dans cette fonction d’ »éveilleur » auprès de générations d’étudiants qu’il obtint d’ailleurs ses plus grandes satisfactions. Ici, il entendra éveiller à « l’expérience morale ».
57Il le fait en situant d’emblée les deux pôles de sa réflexion : le sujet d’une part, la philosophie contemporaine, de l’autre, cherchant à préciser le rôle que la philosophie contemporaine attribue au sujet. Par « philosophie contemporaine », il entend Maine de Biran, Ravaisson, Lachelier, Boutroux, puis des auteurs qui lui sont manifestement plus familiers encore : Bergson, auquel il consacre deux cours, Blondel (de même) et Le Senne (un cours).
58Un enchaînement heureux l’amène à trouver parallèlement des penseurs qui« du prestige du sujet » conduisent « à la négation de la morale », comme Nietzsche, Freud et surtout Gide et Montherlant, sur la pensée desquels il s’attarde assez longuement. On est loin, on le voit des distinctions scolastiques de Ryckmans et de Reusens et il y a dans l’objet même de son propos une innovation assez extraordinaire pour l’époque, presque de l’audace.
59Comme à l’habitude, il nourrit son exposé de lectures non directement philosophiques, fait intervenir J.K. Huysmans, par exemple, aux côtés d’Alain, n’hésite pas à affronter des thèmes osés qu’il sait devoir captiver son auditoire, comme le flirt, ou se lance dans des réflexions sur des thèmes tels que « Plaisir et Bonheur », « L’utile et le Bien », « Souffrance et Bonheur » etc. In fine, à l’un de ses derniers cours de l’année, à l’occasion d’une analyse critique du positivisme moral, il précise cependant de manière claire les bases de son éthique : « C’est la nature qui est le fondement de la société et des lois » et il rejoint par le biais de la métaphysique la source de la morale : « Notre loi est une personne, ce n’est pas nous, mais Dieu ! “Soyez parfaits, comme mon Père céleste est parfait”. Ontologiquement, métaphysiquement, on arrive à ce mystère ; donc par les simples forces de la raison on rejoint l’Ecriture sainte ». Ce furent les derniers mots du cours de morale en mai’44. Les étudiants avaient été subjugués38.
L’après Reusens
60Reusens reprit ses cours dès la rentrée de septembre et ne les abandonna plus jusqu’à ce jour de 1968 où Van Camp, devenu recteur de la Faculté en 1964, lui recommanda chaudement de prendre sa pension... anticipée. Des événements s’étaient produits à Paris au mois de mai et il avait décidé de changer le cap de l’institution. Son bras droit serait un juriste venu de Kinshasa, Jacques Dabin, auquel il destinait le double cours de Philosophie morale et de Droit naturel, à l’intention des juristes. En 1968, en effet, le cours de Philosophie morale fut dédoublé en un cours destiné aux juristes et un autre, destiné aux Philo et Lettres, attribué au Père Collette puis, dès 1969, à l’abbé Philippe Weber.
61Jacques Dabin ne conserva pas longtemps cet enseignement, car ayant succédé à Mgr Van Camp au poste de recteur dès 1973, il conserva la titulature du cours mais l’abandonna à un suppléant.
62Quant au contenu du cours et à la méthode suivie, l’enseignement de Jacques Dabin rompait autant avec celui de son prédécesseur que le cours de Du Roussaux avait tenté de le faire à l’égard des exposés de Lefevre ou Jacops. La nouveauté vint ici à la fois de l’approche très personnelle du cours, de la fusion en un seul enseignement des cours de Philosophie morale et de Droit naturel et de l’accent mis sur la « Morale sociétaire », avec référence, moins dans le cours39 que dans des textes fournis en annexe ou dans des séminaires tenus parallèlement à des philosophes anglo-saxons comme William Donald Hudson, A.J. Ayer, A.I. Melden ou H.L.A. Hart. Dans ces annexes, les étudiants pouvaient lire en guise de conclusion : « La mort de la morale serait la mort de l’homme »40. Le passé du cours de Morale interrogeait dès lors l’avenir...
Notes de bas de page
1 Sur ces événements à l’origine de la création des Facultés universitaires Saint-Louis, voir BRAIVE (Gaston), Histoire des Facultés universitaires Saint-Louis. Des origines à 1918, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1985, XXIII-384 p. (Travaux et recherches, 3).
2 Jean-Philippe NUYTS (°Bornem 3.06.1828 - + Bruxelles 1.11.1885), fut nommé, après son passage à Saint-Louis, curé-doyen de Sainte-Gudule à Bruxelles (11.06.1870).
3 Gustave Stinglhamber, étudiant à la Faculté en 1858-1859, se rappelle les « causeries » qu’il avait avec ses maîtres à l’époque et les « promenades à la campagne avec l’abbé Nuyts, à qui le spectacle de la nature fournissait la matière de charmantes et instructives leçons de psychologie » (Institut Saint-Louis. Bruxelles. Mémorial (1858-1908), Bruxelles, Charles Bulens, 1908, p. 126).
4 Ces exposés sont connus par les comptes rendus des activités du cercle académique. Cf. BRAIVE (Gaston), Histoire des Facultés..., p. 187 sv.
5 Nuyts cité dans CORDES (Henri), Cercle académique de l’Institut Saint-Louis. Rapport (...) 1869-1870, Bruxelles, Victor Devaux, 1870, p. 36-37.
6 Joseph JACOPS (°Malines 1.02.1830 - + Malines 11.03.1906), docteur en philosophie et Lettres, fut nommé président du Collège du Pape à Louvain en 1872. Il termina sa carrière dans l’administration diocésaine, comme chanoine d’abord, puis comme monseigneur. Il passait pour un « pur et excellent romain » (LAMBERTS (Emile), De Leuvense universiteit op een belangrijke keerpunt tijdens het rektoraat van A.J. Namèche en C. Pieraerts, dans L’Eglise et l’Etat à l’époque contemporaine, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1975, p. 344.
7 Il cite : « Jacops. Cours de morale (ms) n.12 » (LEFEBVRE (Ferdinand), Eléments de philosophie morale. Résumé du cours donné à la Section de philosophie de l’Institut St Louis, (Bruxelles, Institut Saint-Louis), 1878-1879, p. 76).
8 Ferdinand Lefebvre (°Namur 8.04.1848 - + Louvain 15.02.1924) fut nommé, en 1879, professeur à l’Université de Louvain, où il assuma le nouvel enseignement philosophique créé à la Faculté de médecine. Il y donna les cours de psychologie, de logique et de philosophie morale et devint, de 1894 à 1900, précepteur de philosophie du futur roi Albert. Voir sa bibliographie dans BRAIVE (Gaston), Histoire des Facultés..., p. 354.
9 LEFEBVRE (Ferdinand), Eléments de philosophie morale..., p. 41.
10 Idem, p. 42.
11 LAFORET (Nicolas), Philosophie morale, nouv. éd., Louvain, Van Linthout, 1860, XII-260 p. (1e éd. en 1852). Mgr Laforêt (°Graide 23.02.1823 - + Louvain 26.01.1872), recteur de l’Université de Louvain depuis 1865, avait enseigné la philosophie morale à Louvain de 1848 à 1865.
12 Arnold Tits (°Saint-Trond 1807 - + Louvain 9.07.1851), ecclésiastique, collègue d’Ubaghs à Rolduc, professeur à l’Université de Louvain de 1840 à 1851. Cf. DEWULF (Maurice), art. Tits (Arnold), dans Biographie nationale, t. XXV, Bruxeles, Bruylant, 1930, col. 360-362 et LAFORET (Nicolas), La vie et les travaux d’Arnold Tits, Bruxelles, Goemaere, 1853, IV-232 p.
13 Sur la question du traditionalisme, voir SIMON (Aloïs), Le cardinal Sterckx et son temps (1792-1867), t. II, Wetteren, Scaldis, 1950, p. 162-197 ; HENRY (J.), Le traditionalisme et l’ontologisme à l’Université de Louvain, dans Annales de l’Institut supérieur de philosophie, t. V, 1922, p. 42-149.
14 Louis Du Roussaux était originaire de Mellery, dans le Brabant wallon, où il était né le jour de Noël 1856. A l’occasion de ses vingt-cinq ans de professorat à Saint-Louis, il fut fait chanoine en 1904 et décéda, le 13 août 1919, à Schaerbeek, au Pensionnat de la Sainte-Famille à Helmet, où il avait sa résidence. On trouvera la bibliographie détaillée de ses publications dans BRAIVE (Gaston), Histoire des Facultés..., p. 343-346.
15 Bruxelles, Société belge de librairie, 1894, 256 p.
16 Elementos de logica. Version espanola del Dr Enrique Laborda Saurou, Saragosse, Hospicio provincial, 1905, 311 p.
17 Ethique. Traité de philosophie morale, Bruxelles, Albert Dewit, 1907, XII-309 p. ; Ethica. Tratado de filosofia moral. Version espanola de Agustin Catalan Latorre, Saragosse, Gregorio Casanal, 1914, 282 p.
18 Bruxelles, Albert Dewit, 1909, 77 p.
19 Basse-Wavre, Devroye-Vanpée, 1913, 2 vol., III-261 +II-215 p.
20 Voir MAHIEU (Léon), Madame Justine De Monie, Mère Marie-Justine de l’Ange gardien, supérieure générale des Dames de la Sainte-Famille, Bruxelles, Albert Dewit, 1930, XII-365 p.
21 « Si l’on admet qu’il est une philosophie austère et une philosophie souriante, nous dirons que M. le chanoine Van Hoonacker (professeur à Louvain) représente la première, comme M. le chanoine Du Rousseaux (sic) est le représentant de la seconde » (L’Universitaire catholique, 13e a., 1911-1912, no°4, 28 novembre 1911, p. 1B).
« L’éloquence suave du chanoine Du Rousseaux (sic) » (Idem, 14e a., 1912-1913, no°7, 10 décembre 1912, p. 1E).
« Figure romantique, les boucles noires, la philosophie imagée » (Thomas Braun au banquet du 50e anniversaire des anciens de l’Institut Saint-Louis, cité dans Revue de Saint-Louis, 25e a., 1925, no 3, p. 117).
22 DU ROUSSAUX (Louis), Ethique. Traité de philosophie morale, Bruxelles, Albert Dewit, 1907, p. 305-306.
23 Jean-Baptiste Vosters (°Vilvorde 28.02.1860-Bruxelles 15.11.1921), bâchelier en théologie de l’U.C.L., fut nommé à Saint-Louis, au Cours spécial, en septembre 1883, puis à la Faculté où il enseigna jusqu’à son décès en 1921. La liste de ses publications se trouve dans BRAIVE (Gaston), Histoire des Facultés..., p. 369-370.
24 « La première fois qu’on entend le chanoine Vosters, on se dit : « Le malheureux ! Jamais il n’arrivera au bout de sa phrase ; pourquoi s’obstine-t-il ! » et puis tout à coup on s’aperçoit qu’elle est achevée et, chose plus extraordinaire encore, que vous en avez compris le sens. (...) Vosters parle comme un moteur qui aurait des ratés » (L’Universitaire catholique, 14e a., 1912-13, no 7, 10 décembre 1912, p. 1E). Les étudiants lui avaient donné pour devise : « Prends l’éloquence et tords lui le cou » (Idem, 14e a., 1912-13, no 6, 3 décembre 1912, p. 2C)
25 Gaston Wallerand (Seloignes 24.11.1884 - Ixelles 23.09. 1941), docteur en philosophie thomiste de l’Institut supérieur de philosophie de l’UCL, fut nommé, au terme de sa carrière à Saint-Louis, le 13 janvier 1938, curé de la paroisse de Notre-Dame de l’Annonciation. Il était l’auteur de deux éditions de textes dans la collection Les philosophes belges : les Œuvres de Siger de Courtrai (Louvain, Institut supérieur de philosophie, 1913, VII-175 p.) et un traité d’Henri Bate de Malines (Louvain, Institut supérieur de philosophie, 1931, 34-238 p.).
26 Témoignage de Léonie Scheyvaert, l’une des neuf premières étudiantes à suivre les cours de la Faculté en 1925-27, à propos de l’enseignement de Wallerand.
27 TIHON (André), Jacques Leclercq à Saint-Louis, dans Jacques Leclercq 1891-1991. Célébration du centenaire (de sa naissance), Louvain, Société d’études politiques et sociales, 1991, p. 17-24. Pour un aperçu plus général, voir SAUVAGE (Pierre), Jacques Leclercq, 1891-1971, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1992, 463 p. (Spiritualités).
28 Albert RYCKMANS (°Anvers 20.09.1893 - + Bruxelles 2.09.1967), docteur en philosophie thomiste de Louvain, fils du sénateur Alphonse Ryckmans et frère d’André Ryckmans, gouverneur du Congo, était aussi l’oncle d’Alphonse De Waelhens, qui suivit ses cours à Saint-Louis en 1928-1930. Il était entré au séminaire le même jour que Leclercq, le 17 novembre 1914 et tous deux furent ordonnés le 23 septembre 1917. Dès le mois de juin 1917 cependant, Ryckmans avait été nommé professeur à l’Institut Sainte-Marie à Schaerbeek. Le 17 janvier 1933, il fut nommé curé de la paroisse Sainte-Suzanne, qu’il dirigea jusqu’à son décès en 1967. Sa principale publication a trait au Problème du Mal (Bruxelles, Cité chrétienne, 1933, 203 p.). Cette problématique du mal, Albert Ryckmans l’avait abordée, d’abord dans la leçon inaugurale de l’année académique 1929-30, qu’il fit à la Faculté le mardi 15 octobre 1929, et dont le texte parut dans la Revue de Saint-Louis (30e a., 1930, no 1, p. 7-33), puis il prolongea et étendit sa réflexion au cours d’un cycle de quatre leçons publiques données à l’Ecole, à raison d’une leçon par semaine, devant des salles combles de plus de 500 personnes, du 25 novembre au 16 décembre 1932. Parallèlement à son enseignement de la philosophie morale à la Faculté et à ses fonctions de secrétaire de l’Ecole des sciences philosophiques et religieuses, Ryckmans assumait aussi à l’Ecole, les cours ordinaires de Métaphysique, de Théodicée, de Théologie dogmatique et de Philosophie morale.
29 L’exemplaire conservé de ce syllabus porte comme éditeur : Anvers, Office des œuvres catholiques, s.d. (Ryckmans était Anversois d’origine). Il provient selon Claude Soetens (Inventaire sommaire des archives (des) Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, FUSL. Centre d’histoire contemporaine, s.d. (1981), p. 38) de Melle Debilde, qui l’attribue au cours donné par Ryckmans à la Faculté. Melle Debilde ne fut cependant pas inscrite à la Faculté, mais à l’Ecole des sciences philosophiques et religieuses en 1930-31 et 1932-33. Ryckmans, en effet, donnait aussi un cours de philosophie morale à l’Ecole des sciences philosophiques et religieuses, dont on peut supposer que le contenu était proche de celui enseigné aux futurs candidats en philosophie et Lettres.
30 Témoignage d’Antoine Cavens, étudiant à la Faculté en 1926-28.
31 Témoignage de Francis Louveaux, étudiant à la Faculté en 1930-32.
32 Témoignage de Gérald Bertot, étudiant à la Faculté en 1927-29.
33 « Ryckmans donnait le cours de morale. Il a soulevé la fameuse histoire du drame qui se produit et devant lequel il faut choisir entre sauver la mère ou sauver l’enfant. Qui faut-il sauver ? Pour lui, c’était la théorie officielle, je crois, orthodoxe, il faut sauver l’enfant. Nous étions, tous, contre cette théorie, surtout qu’il disait (que) c’était une mère de famille, qui avait six ou sept enfants... Pourquoi sauver cet enfant ? Et ensuite ? Cela en ferait un de plus, (alors qu’) il n’y avait plus de mère. C’est idiot. Cela c’était notre réponse... » (Témoignage de Charles Despret, étudiant à la Faculté en 1929-31).
34 Paul Reusens (Anvers 7.09.1908 - + Bruxelles 23.11.1979), séjourna à Rome avant son ordination, d’octobre 1931 à 1934.
35 Le cours de philosophie tel qu’enseigné par Reusens évolua quelque peu entre 1938 et 1968, date de son abandon de chaire. A la fin de sa carrière, il avait inversé l’ordre des chapitres pour commencer par la présentation de la problématique de la philosophie morale et ses relations avec la théologie morale, continuer par l’examen des systèmes moraux et terminer par des « Questions de morale » dans lesquelles il traitait successivement des 1) Fondements de la moralité, 2) des éléments de la moralité, 3) des normes de la moralité et 4) de la conscience comme norme subjective (Cours de l’année académique 1961-62). Une autre nouveauté était l’évocation en début de cours de témoignages littéraires en rapport avec la Morale.
36 JOLIVET (Régis), Traité de philosophie, t. IV, Morale, Lyon-Paris, Emmanuel Vitte, 1942, 533 p.
Mgr Régis Jolivet (1891-1966), professeur à la Faculté catholique de Lyon, était docteur honoris causa de l’UCL. Voir à son sujet : ROURE (M.-L.), art. Jolivet, dans Encyclopédie philosophique universelle, t. III-2, Paris, PUF, 1992, p. 3391-3392.
37 BAUDIN (Emile), Précis de morale, Paris, De Gigord, 1937, 210 p.
L’abbé Emile Baudin (1875-1949) était professeur de philosophie à l’Université de Strasbourg. La première édition de son Cours de morale date de 1936 (Paris, De Gigord, 1936, 551 p.).
Il est symptomatique de constater que seules les pages 1 à 112, qui correspondent aux chapitres consacrés à la Morale générale ont été découpées dans l’exemplaire de la bibliothèque des Facultés, qui est l’exemplaire ayant appartenu à Henri Van Camp. Il en est de même dans l’exemplaire du traité de Jolivet conservé à la bibliothèque des Facultés, où seules les 200 premières pages ont été découpées. Ceci semble indiquer assez clairement que seule la lecture des chapitres consacrés à la Morale générale était imposée aux étudiants, ce qui paraît d’ailleurs plus plausible que l’imposition des 533 pages de petits textes que comprenait le traité de Jolivet...
38 « Van Camp a repris ce cours comme cela, ex abrupto et il a donné un cours de morale absolument remarquable, à partir notamment de la littérature, à partir de Nietzsche, de Gide etc... C’était un cours de morale absolument splendide. Il ne l’a donné, je crois, qu’un an, le temps où l’abbé Reusens a été incarcéré (en réalité : a été interdit d’enseignement). Moi j’ai connu cette année-là, j’ai donc eu l’abbé Van Camp deux ans, alors que je n’aurais dû l’avoir qu’en première année et, en réalité, je l’ai eu (aussi) en seconde année pour le cours de morale, où il disait : « Voilà, il y a un bouquin qui est là et cela vous l’étudierez par vous-mêmes, mais moi je vous donne un cours... ». C’était absolument... Ca nous a très fort marqué ». (Témoignage de Raymond Beyens, étudiant à la Faculté en 1942-44).
39 (F.U.S.L.). Faculté de droit. Cours de philosophie morale. Notes d’étudiants d’après le cours du professeur J(acques) Dabin. Seconde candidature Année 1970-1971, 149 p. (polycopié).
40 HUDSON (William Donald), Modern Moral Philosophy, Londres, Macmillan, 1970, p. 365.
Auteur
Professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis, L’histoire de l’enseignement de la philosophie morale aux Facultés.
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