Les malades et déficients mentaux et leurs soignants
Questions spéciales de droit et de déontologie
p. 69-148
Texte intégral
INTRODUCTION
11. Les relations des malades et déficients mentaux et leurs soignants sont régies tantôt par des dispositions légales1 spécifiques, ou de droit commun2, tantôt par des règles déontologiques, écrites3 ou non écrites, souvent contestées parce que dérivant d'un modèle médical classique, tantôt par des usages et pratiques variant souvent en fonction de l'éthique, de l'idéologie et du style des personnes qui y dispensent des soins.
2Ces données disparates constituent néanmoins un système de référence que les patients et même leurs soignants semblent ne pas encore bien connaître. Les descriptions qui vont suivre permettront peut-être de mieux dégager les règles de l'agir quotidien des professionnels de la santé.
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CHAPITRE I. LE CERTIFICAT MÉDICAL
Section 1. Les règles générales
32. La délivrance d'un certificat concernant l'état de santé mentale d'une personne est un acte médical.
4Un tel certificat peut avoir des conséquences particulièrement graves pour le patient, limitant même, dans certains cas, sa liberté personnelle.
5Sauf les cas prévus par la loi ou les règlements, ce certificat n'est assujetti à aucune règle particulière de fond ou de forme, pourvu qu'il ne contienne que des constatations exactes.
6Le médecin doit le rédiger avec la plus grande prudence. Il s'abstiendra de le rédiger hâtivement, pressé par l'urgence.
7Jadis, certains certificats manquaient d'objectivité, d'autres étaient antidatés et parfois les déclarations du patient étaient purement et simplement reproduites, sans que le rédacteur du certificat n'ait procédé au moindre examen. Actuellement, ces cas sont rares car les Conseils de l'Ordre des médecins attirent de plus en plus l'attention des praticiens sur leurs obligations en la matière.
83. Quant à la compétence du médecin, il n'est pas requis que le certificat soit rédigé par un médecin spécialiste en neuropsychiatrie.
9C'est ainsi qu'un médecin, qui n'est pas psychiatre, peut délivrer à un de ses patients, qui le demande, un certificat attestant qu'il est sain d'esprit. Lorsqu'un tel document est demandé par le malade lui-même, le médecin traitant doit juger en conscience de la validité de l'état mental attesté et peut prendre la responsabilité de la rédaction d'un tel certificat. Il n'y a aucune obligation de recourir à l'avis d'un psychiatre4.
10L'on pourrait s'étonner que, dans des matières aussi complexes, une spécialisation médicale ne soit pas requise.
11L'on relèvera que, dans d'autres cas, la constatation de l'état mental d'une personne est même laissée parfois à l'appréciation d'un profane (exemple : le notaire apprécie lui-même la capacité de tester d'un testateur).
Section 2. Les investigations préalables
124. Le médecin ne peut attester que ses constatations personnelles.
13Il ne peut affirmer ce qu'il ne sait que par ouï-dire, ni se fier aux déclarations de son patient, même s'il est persuadé de la véracité de ses dires.
14Il ne peut davantage s'appuyer sur ce qui lui a été raconté par des tiers, même proches du patient.
15Aussi, est-il conseillé au médecin, lorsqu'il rédige des certificats détaillés, de faire une distinction entre ses constatations personnelles et les dires du malade5. Par exemple, s'il lui arrive de prodiguer des soins à un(e) patient(e) présentant des séquelles de coups ou de blessures dont l'origine est antérieure à l'époque à laquelle il intervient et s'il pense qu'il existe une relation entre les traces qu'il a constatées et la cause qui lui a été rapportée, il veillera à faire le départ entre ce qu'il a relevé et ce qui qui lui a été dit en indiquant, par exemple, ce qui suit : Aujourd'hui, le... (date de l'examen), j'ai examine, Mr, Mme ou Mlle X. et j'ai constaté qu'il (elle) était atteint(e) de... D'après les déclarations du (de la) patient(e), cet état serait dû à (indiquer l'origine à laquelle le (la) patient(e) attribue son état : coups, chute, etc... et cette explication me paraît plausible6.
Section 3. Le contenu
165. Le médecin est seul habilité à décider de son contenu7. C'est, en effet, le praticien qui atteste, sous sa responsabilité, les affirmations contenues dans le certificat.
17Il peut refuser la délivrance d'un certificat de bonne santé mentale, ce qui, indirectement, pourrait révéler au patient ce qu'il pense de son état.
18Plus particulièrement, lorsqu'il s'agit d'attester la maladie mentale, le médecin doit se rappeler les conséquences possibles d'un tel certificat.
19Le certificat ne peut être antidaté ou postdaté.
20Le médecin doit s'abstenir de mentionner des tiers dans un certificat médical.
§ 1. Certificat médical de collocation
216. Ce certificat constitue un élément essentiel à la régularité de la collocation.
22Il peut être délivré par le médecin traitant, lequel est le plus qualifié pour renseigner l'autorité au sujet de l'état du malade. Il ne peut l'être par un médecin attaché à l'établissement où le malade doit être colloqué.
23Suivant la réglementation légale relative aux aliénés, le médecin doit, dans le certificat qu'il délivre en vue de l'admission d'un malade dans un établissement pour aliénés, déclarer qu'il a personnellement vu, exploré et interrogé le malade et constaté que celui-ci est atteint de la maladie mentale qu'il précise et qui se caractérise par tel et tel symptôme. Ce certificat, pour être valable aux fins d'une collocation, doit avoir moins de quinze jours de date.
24Un bulletin confidentiel, sous enveloppe cachetée, est joint au certificat médical. Il mentionne la cause connue ou présumée de la maladie et fait savoir si des membres de la famille de l'aliéné ont été ou sont atteints d'une maladie mentale8.
25Ces mentions font exception à la règle selon laquelle le médecin ne mentionne pas des tiers dans les certificats.
§ 2. Le certificat médical de décollocation
267. Indépendamment du retrait de la personne colloquée par celui qui l'a placée et de la levée de la mesure par décision judiciaire, la seule autre possibilité de mettre fin à la mesure de collocation réside dans la déclaration du médecin de l'établissement, selon laquelle la guérison est opérée ou que la personne colloquée n’est pas atteinte d'aliénation mentale.
27Cette déclaration doit être faite avec les mêmes règles de prudence nécessaires à la rédaction d'un certificat de collocation.
Section 4. La remise du certificat médical au patient ou à des tiers et le secret professionnel
288. Le médecin a le droit, mais non l'obligation, de remettre directement au patient qui le lui demande un certificat concernant son état de santé.
29Il est fondé à refuser la délivrance d'un certificat9.
30En effet, le patient ou ses proches pourraient être tentés d'obtenir du médecin un certificat avec le contenu qui leur convient. De plus, le médecin est en droit de ne pas communiquer au patient tous les éléments de son dossier10.
31Ainsi est fondé le refus de délivrer un certificat au patient dans les circonstances suivantes :
le refus d'attester un fait inexact ou de libeller le certificat qui lui est demandé d'une manière partiale ;
le refus de certificats qui risqueraient de porter atteinte aux intérêts du patient, par exemple, en lui révélant le diagnostic d'une maladie grave dont la nature est inconnue de l'intéressé. Dans ce cas, le motif du refus est d'ordre thérapeutique ;
si la demande est abusive (certificat de complaisance).
32Il est incontestable que, dans ces cas, peuvent s'inscrire les certificats que les malades mentaux demandent à leur psychiatre traitant et que celui-ci, en conscience, ne peut pas leur remettre : certificats attestant qu'ils ne sont pas des malades mentaux, qu'ils ont été hospitalisés dans une institution psychiatrique simplement pour se reposer, que leur état mental leur permet d'occuper tel ou tel emploi, etc...
33Si le médecin délivrait ces certificats en prenant simplement parti pour ses patients, il engagerait sa responsabilité11.
349. Ainsi, lorsque le médecin rédige des certificats utilisés à l'occasion de procédures en divorce ou de conflits entre époux au sujet de l'exercice d'un droit de garde ou d'un droit de visite à l égard de l'enfant ou des enfants des parties en procès, il se gardera de prendre fait et cause pour son patient.
35Il s'abstiendra de faire état de faits dont il n'a pas été le témoin ou de troubles de santé dont il n'a pas eu à s'occuper12.
3610. Le certificat doit être remis au patient et non à des tiers, par application de la règle du secret médical.
1/ Au patient
3711. L'obligation de respecter le secret professionnel n'interdit pas au praticien, lorsqu'il en est requis par son client, de lui délivrer un certificat médical qui le concerne. Le patient est en droit de connaître les constatations médicales relatives à son état de santé.
38Il peut faire librement usage de ses certificats et notamment les produire en justice, afin de défendre ses droits.
2/ A des tiers
3912. Le médecin étant lié par le secret professionnel, il ne doit, en principe, remettre le certificat qu'à la personne qu'il concerne. C'est à celle-ci qu'il appartient éventuellement de remettre ce certificat aux tiers intéressés.
40Le médecin qui remettrait des certificats à des tiers ou à des proches, sans l'autorisation du patient, commettrait une faute.
4113. Le Conseil de l'Ordre des médecins du Brabant a émis l'avis que le médecin traitant choisi par un malade, et qui a également la confiance de la famille, ne peut, sans violer le secret professionnel, délivrer un certificat médical établissant que son patient est dans un état mental qui justifierait son interdiction. Il est loisible à la famille d'intenter judiciairement une procédure en désignation d'un expert13.
42Il en est de même lorsqu'un certificat médical est demandé par un avocat dans une procédure d'interdiction. Un avocat avait demandé à un médecin de lui fournir un certificat médical concernant l'état de santé d'une de ses patientes. Il soulignait que ce certificat était demandé, en premier lieu, par le Procureur du Roi. Cette patiente, très âgée, était soignée chez elle par une de ses filles mais n'était plus capable de gérer ses biens.
43Le médecin traitant est tenu au respect du secret professionnel puisqu'il est le médecin traitant de cette personne. En l'espèce, il s'agissait vraisemblablement d'une procédure tendant à faire déclarer la dame âgée en état d'interdiction et, en pareil cas, le Procureur du Roi peut recourir aux services d'un médecin-expert qui, lui, sera à même de décrire l'état de santé de l'intéressée14.
4414. Une exception est prévue à l'article 58 g du Code de déontologie médicale, qui énumère les exceptions légales à l'obligation du secret professionnel :...."la délivrance de certificats médicaux répondant aux prescriptions légales en matière de collocation".
45Les proches d'une personne présentant des signes de démence peuvent réclamer sa collocation.
4615. Certains se sont demandés s'il fallait appliquer des principes aussi rigides en cas de délivrance d'un certificat de bonne santé mentale. Ainsi, on a tenté de dire que sont compatibles avec le secret professionnel les certificats de médecins remis à des tiers attestant qu'ils n'avaient jamais constaté de troubles mentaux chez leurs patients, sous prétexte que l'absence de troubles mentaux n'est pas secrète de sa nature et que la constatation n'est pas en rapport avec des soins médicaux.
47Ces certificats ne seraient pas couverts par le secret professionnel, parce qu'ils ne peuvent, en principe, nuire aux patients.
48Cette conception du secret médical est erronée. Il est, en effet, interdit au médecin de faire à des tiers des déclarations négatives, au même titre que des déclarations positives ; pas plus qu'il ne peut révéler que telle personne est atteinte de telle maladie, le médecin ne peut déclarer qu'elle est en bonne santé ou qu'elle n'est pas atteinte de telle maladie15.
4916. Est tenu au secret professionnel le médecin saisi d'une demande d'un avocat concernant la succession d'une personne qui a séjourné dans l'hôpital où il exerce ses activités. Cet avocat désirait réunir toutes les preuves de santé d'esprit de cette patiente au moment où elle a rédigé son testament, lequel avait été rédigé à l'hôpital la veille du jour où la patiente rentrait chez elle. L'avocat demandait au médecin de délivrer une attestation stipulant que toute personne quittant la clinique est guérie, sous réserve de rechute, bien entendu, ou, plus particulièrement, stipulant que la patiente était guérie le jour de son départ de l'hôpital.
5017. Quant à la délivrance d'un certificat médical à un notaire, le Conseil de l'Ordre des médecins du Brabant a estimé que le médecin n'avait pas à remettre à un notaire un certificat de bonne santé mentale concernant l'un de ses patients.
51Un notaire avait demandé à un médecin de lui délivrer un tel certificat, l'épouse du patient désirant faire une donation entre époux. D'après le Conseil de l'Ordre, il n'était pas indiqué de remettre un certificat médical à un notaire et, de plus, c'est l'officier ministériel qui, sous sa responsabilité, acte les déclarations de ses clients lorsqu'ils font des donations. Le notaire doit vérifier si le client qui lui demande de passer un acte notarié est sain d'esprit. Il n'est donc pas nécessaire, dans ces conditions, de faire attester qu'un client se trouve dans cet état16.
5218. Un avis semblable a été donné à propos de la délivrance d'un certificat médical à un avocat. Celui-ci avait demandé au médecin traitant de lui donner un certificat médical attestant qu'une de ses patientes était atteinte, à une date déterminée, de la maladie dont elle est décédée quelques semaines plus tard. Cet avocat précisait qu'il ne demandait pas au médecin de révéler la nature de la maladie et que, par conséquent, à son avis, il n'était pas question de secret professionnel. Il a été répondu à cet avocat que le médecin était tenu, dans ce cas, de respecter le secret professionnel, en vertu du Code de déontologie et du Code pénal17.
3/ aux héritiers
5319. La question de savoir si le certificat peut être remis aux héritiers de l'intéressé est délicate. Dans la plupart des cas, en effet, le de cujus n'aura pas prévu à l'avance la nécessité dans laquelle se trouveront les tiers, en général ses propres héritiers, de recourir à son médecin pour demander à celui-ci la délivrance de certificats, par exemple pour faire annuler ou confirmer un acte selon son état de démence ou de santé mentale.
54L'article 65 du Code de déontologie médicale prévoit expressément que la mort du malade ne relève pas le médecin du secret et les héritiers ne peuvent l'en délier ni en disposer.
4/ consentement du patient à la délivrance à des tiers
5520. Selon l'article 64 du Code de déontologie médicale, la déclaration du patient relevant son médecin du secret professionnel ne suffit pas à le libérer de son obligation.
56La règle du secret professionnel, qui a la rigueur d'un principe d'ordre public, échappe à la disposition du malade et, a fortiori, à ses héritiers.
57En conséquence, le médecin veillera à s'assurer de ce qu'il peut remettre le certificat à des tiers, à la demande de son patient, pour des raisons pratiques, chaque fois qu'il a la conviction que le patient lui a fait cette demande en pleine connaissance de sa situation et si cette délivrance ne peut lui nuire.
58C'est ainsi que l'article 67 du Code de déontologie médicale autorise le médecin à transmettre le certificat, avec l'accord du patient ou celui de ses proches, directement au médecin de l'organisme dont dépend l'obtention des avantages sociaux.
59La complexité de cette matière incitera le médecin à demander avis dans les situations particulièrement délicates où des intérêts différents sont en jeu (protection du patient à l'égard des tiers, révélations indirectes au patient lui-même d'un état de maladie, etc...).
60Pour éviter l'incidence, dans une relation thérapeutique, du refus de délivrance d'un certificat, certains médecins ont choisi délibérément de ne jamais délivrer de certificat concernant leur patient, celui-ci étant, dans ce cas, invité à consulter un autre praticien pour l'obtention de certificats.
Section 5. La responsabilité en matière de certificats médicaux
§ 1/ Responsabilité pénale
6121. L'article 204 du Code pénal prévoit que : "tout médecin,... qui, pour favoriser quelqu'un, aura certifié faussement des maladies ou des infirmités propres à dispenser d'un service dû légalement ou de toute autre obligation imposée par la loi, sera puni d'un emprisonnement de 8 jours à deux ans...". Ex. : certificat en vue d'obtenir une exemption du service militaire, la dispense de comparution d'un témoin cité par le juge ou celui destiné à faire obtenir un congé à un fonctionnaire ou permettant d'obtenir la dispense de la tutelle, de l'assistance à un conseil de famille, de la fréquentation de l'école par un enfant.
62Un certificat médical, attestant l'existence d'une maladie, en vue d'obtenir des dommages et intérêts, peut éventuellement être invoqué comme un acte de participation à une escroquerie, mais non comme un faux18.
63Le certificat destiné à permettre la collocation d'une personne et attestant faussement que cette personne est atteinte d'aliénation mentale ne tombe pas sous le coup de l'article 20419.
64Ainsi, il a été jugé que le médecin qui, dans un certificat de collocation, ne biffe pas la mention imprimée attestant qu'il a personnellement "vu, exploré et interrogé" la malade alors qu'il n'a pas accompli cette démarche, ne peut être condamné pour faux en écritures, alors que ni la possibilité d'un préjudice, ni l'intention frauduleuse ou le dessein de nuire ne sont établis en l'occurrence20.
§ 2. Responsabilité civile
6522. Le médecin commet une faute lorsqu'il certifie des faits qu'il sait ne pas exister, lorsqu'il atteste un diagnostic avec une légèreté, une négligence ou une impéritie coupables ou qu'il atteste des faits qu'il n'a pas constatés lui-même21. Cette faute engage sa responsabilité civile, soit à l'égard du patient, soit à l'égard de tiers.
66Par contre, l'erreur excusable n'engage pas la responsabilité du médecin. En effet, une erreur de diagnostic ne peut pas plus lui être reprochée dans un certificat que lors d'un traitement, lorsque, pour affirmer ses diagnostics, il s'est conformé aux données de la science médicale. Ainsi, si le médecin, après un examen attentif du malade, a rédigé consciensieusement son certificat, nul ne pourrait lui reprocher une erreur d'appréciation commise de bonne foi. La science médicale, plus qu'aucune autre, est incertaine et on ne saurait rendre les médecins responsables de son incertitude, lorsqu'il s'agit d'apprécier la santé mentale d'une personne. L'erreur involontaire échappe à toute sanction, même si l'avis exprimé dans le certificat est en désaccord avec l'opinion d'autres médecins.
6723. Il a été jugé que le certificat d'internement délivré après un examen consciencieux ne peut constituer le fondement à une action en dommages et intérêts contre le médecin qui l'a délivré de bonne foi, alors même que la personne internée viendrait à être, par la suite, mise en liberté par décision de justice22.
6824. De même, nonobstant le fait que le médecin a commis une faute en affirmant qu'il avait vu et examiné la personne à la date du certificat, il n'y a pas lieu à le condamner au paiement de dommages et intérêts, lorsqu'il ressort d'autres circonstances que l'internement se justifiait23.
CHAPITRE II. LES RELATIONS SOIGNES-SOIGNANTS-RESPONSABLES D'INSTITUTIONS
Section 1. La protection de la personne physique
6925. Les malades et déficients mentaux ont droit au respect de l'intégrité physique.
70Ce droit présente un intérêt tout particulier, puisque l'hospitalisation psychiatrique est justifiée notamment par la nécessité de sauvegarder la vie du sujet et son intégrité contre les atteintes qu'il pourrait porter contre lui-même.
71Il convient tout d'abord de rappeler quelques principes en matière de responsabilité civile et pénale des soignants.
§. 1. Responsabilités civile et pénale
1. Rappel de quelques principes
7226. Il faut distinguer :
la responsabilité pénale : le soignant répond des infractions pénales commises dans l’exercice de sa profession, qu'il s'agisse d'infractions volontaires ou involontaires ;
la responsabilité civile : le soignant qui, dans l'exercice de son art, commet une faute, engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de son cocontractant mais cette faute peut également être génératrice de responsabilité quasi délictuelle tant à l'égard des tiers que du cocontractant.
73En matière d'atteinte à l'intégrité physique, la faute pénale est identique à la faute civile et la victime peut porter son action devant la juridiction civile ou la juridiction pénale.
74- la responsabilité disciplinaire : les médecins et les pharmaciens sont tenus de respecter les règles professionnelles et peuvent être sanctionnés par les autorités ordinales (Conseils de l'Ordre). Les autres soignants ne sont pas sanctionnables disciplinairement.
2. Responsabilité civile
7527. La responsabilité civile est l'obligation qui peut incomber à une personne de réparer le dommage causé à autrui par son fait ou par le fait des personnes ou des choses dépendant d'elle.
76a) Cette responsabilité est contractuelle lorsque les relations professionnelles dérivent d'un contrat. Celui-ci suppose un concours de volontés qui résulte du libre choix du soignant par le patient, d'une part, et de l'acceptation de ce choix par le soignant, d'autre part.
77La relation médecin-patient repose le plus souvent sur un contrat au terme duquel le médecin s'engage, sinon à guérir le malade, du moins à lui donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données actuelles et acquises de la science. Il en est de même de la relation entre une personne et l'infirmière (ou le (la) paramédical(e)) indépendante qui la soigne à domicile.
78b) Il n'en est pas toujours ainsi :
car, parfois, le patient est inconscient, par exemple, à la suite d'un accident, lors d'un coma ;
ou parce qu'il présente des troubles mentaux le rendant incapable de manifester sa volonté.
79Dans ces cas, la responsabilité est quasi délictuelle c'est-à-dire née entre tiers, c'est-à-dire entre ceux qui, avant le fait dommageable, ne sont liés par aucune obligation conventionnelle.
80Nous ne développerons pas ici toutes les questions juridiques complexes qui peuvent se poser en matière de responsabilité.
8128. Lorsque l'action en réparation se fonde sur un délit, notamment en cas d'atteinte à l'intégrité physique, le délai de prescription est de cinq ans.
3. Responsabilité pénale
8229. La responsabilité pénale du soignant est engagée lorsque le fait illicite générateur du dommage est une infraction à la loi pénale.
83La faute commise par un soignant, relativement à l'intégrité physique d'un patient, peut, selon les cas, constituer un délit. Par exemple :
homicide involontaire :
coups et blessures involontaires ;
administration de substances mortifères ou nuisibles ;
homicide volontaire :
coups et blessures volontaires ;
omission de porter secours à une personne en péril.
84Le délai de prescription de ces délits est de trois ans.
4. Étendue et caractère de la responsabilité professionnelle
8530. Les soignants n'ont pas à répondre d'une manière indéfinie et absolue de toutes les conséquences des soins qu'ils donnent à un patient ; s'il en était ainsi, l'exercice professionnel deviendrait impossible, les soignants ne pouvant garantir le succès des traitements et des soins qu'ils entreprennent.
86En effet, les soignants ne s'engagent point à guérir les patients mais seulement à tenter de leur procurer la guérison ou l'amélioration de leur état. Par contre, l'on peut exiger des praticiens qu'ils apportent à l'exercice de leur profession la diligence que tout professionnel apporte normalement à l'exécution de ses obligations et qu'ils répondent des fautes résultant de leur négligence, leur légèreté et de leur ignorance, si celle-ci est inexcusable. Il s'agit ainsi d'une obligation de moyens et non de résultat.
8731. Rappelons que les médecins seuls peuvent, au besoin, porter atteinte à l'intégrité physique de leurs patients et qu'ils n'encourent aucune responsabilité pénale, lorsqu'ils n'abusent pas de ce droit. C'est ce qu'on appelle l'"immunité médicale"24.
§ 2. Atteintes à l'intégrité physique
1. Les atteintes involontaires
8832. Nous examinerons successivement la responsabilité des médecins, celle des infirmier(ère)s et des paramédicaux ainsi que celle des établissements de soins.
A. Responsabilité du personnel médical
I. Responsabilité personnelle du médecin
8933. Pour que la responsabilité personnelle d'un médecin puisse être retenue, il faut :
901/ une faute certaine. L'appréciation de la faute du médecin a varié mais il est actuellement admis qu'il répond de toute faute, même d'une faute légère.
91Comme il n'existe aucune présomption de faute à charge du médecin, parce que celui-ci ne contracte qu'une obligation de moyen, c'est au patient qui se plaint de faire la preuve de la faute invoquée.
92Dans l'appréciation de la faute reprochée à un médecin, il faut tenir compte des données actuelles de la science, le médecin ayant toutefois, dans ces limites, le droit de choisir les méthodes de diagnostic et les moyens thérapeutiques.
93Les usages pourront être pris en considération, mais les tribunaux conservent la faculté de refuser de consacrer un usage, s'il est contraire aux règles de la prudence.
94Les tribunaux ne doivent cependant se prononcer, pour condamner un usage médical, qu'avec circonspection, en s'abstenant de s'immiscer dans l'examen de théories ou de méthodes controversées et en s'entourant, au besoin, des garanties scientifiques nécessaires.
95L'on admet que l'on puisse être plus sévère dans l'appréciation des fautes pour le spécialiste que pour le médecin pratiquant la médecine générale. Les tribunaux ont ainsi été amenés à reconnaître la différence de formation des médecins en exigeant que, dans les cas difficiles, le praticien recourt à un spécialiste ou adresse son patient à celui-ci, le refus de consulter un spécialiste pouvant entraîner la responsabilité du médecin.
9634. Le juge appelé à juger le traitement d'un psychiatre doit tenir compte, pour apprécier les méthodes de traitement ayant causé un accident, des connaissances et des pratiques de soins actuelles25.
9735. Pour apprécier la faute commise, il faut aussi tenir compte des circonstances dans lesquelles le praticien a donné ses soins. Les actes d'un médecin qui a dû agir d'urgence ne devront pas être appréciés avec la même rigueur que ceux d'un confrère opérant dans des circonstances normales.
9836. Le médecin ne peut être rendu responsable de la conséquence d'événements imprévisibles constitutifs de force majeure. L'appréciation de l'imprévisibilité revêt une importance particulière en matière de surveillance des patients atteints de maladie ou de déficience mentale.
9937. L'on retient généralement comme fautes :
la maladresse : il s'agit, en principe, d'un acte matériel, d'un défaut d'adresse professionnelle (faute de chirurgie, faute dans la réalisation d'un traitement) ;
l'imprudence, c'est-à-dire une action imprévoyante, un défaut de précaution dans les soins ou la surveillance ;
l'inattention, résultant d'une insuffisante application dans le travail, d'un acte entrepris avec légèreté, distraction malgré le volume de travail à fournir ou l'état de fatigue ;
la négligence, c'est-à-dire un acte atteignant un degré supérieur à l'inattention.
100On classe généralement les fautes selon qu'elles relèvent de la technique ou qu'au contraire, elles y sont étrangères.
101Les juridictions sont plus sévères en cas de faute étrangère à la technique comme, par exemple, le refus de soins.
1022/ le dommage. Il doit être certain, résulter de la faute professionnelle et non de l'état pathologique qui a motivé l'acte ou de son évolution.
103Généralement, la victime peut établir son dommage mais les difficultés surgissent surtout quant à la preuve de la relation de cause à effet entre la faute et le dommage et quant à l'étendue de celui-ci.
1043/ le lien de causalité. Il faut que le dommage soit la conséquence de la faute.
105Il n'y a pas de lien de causalité :
en cas de force majeure ou de cas fortuit ;
en cas de fautes du malade, telles l'omission volontaire de signaler un élément important, l'erreur de posologie avec une ordonnance clairement rédigée, le refus de subir des examens de contrôle, le mouvement intempestif au cours d'une intervention, que le praticien n'a pu prévoir.
106Mais les tribunaux sont généralement très réticents pour accepter la faute du malade. Il en est particulièrement ainsi lorsqu'il s'agit de comportements particuliers de patients hospitalisés dans une institution psychiatrique ou dans un service spécialisé ; l'hospitalisation et, dans certains cas, la privation de liberté sont précisément justifiées par la nécessité de protéger le patient contre lui-même.
10738. Le médecin qui, ayant la charge de faire subir à un patient une cure de désintoxication alcoolique et ne pouvant ignorer que ce traitement peut être mal supporté par le patient, d'autant que des signes prémonitoires de crise ont été détectés, ne prend pas la précaution de faire placer le malade dans une chambre munie de fenêtres grillagées, doit être tenu pour responsable du suicide par défénestration de son patient26. Le médecin traitant du patient avait conseillé à celui-ci une cure dans un institut et l'avait envoyé à un autre médecin avec une demande bien précise de mise au point générale en vue d'une cure de désintoxication alcoolique à faire par un autre que lui. L'anamnèse et les examens qui ont été pratiqués à l'entrée ont révélé certains signes prémonitoires que, selon les règles de l'art, des spécialistes chargés de la cure proprement dite n'auraient sans doute pas négligés, mais qui, vu l'absence de tout phénomène aigu, ont été moins valorisés par des médecins dont ce n'était pas la spécialité.
10839. Le fait, notamment, pour les parents d'un patient de dissimuler les intentions déjà manifestées par lui ou son comportement antérieur, s'il est parfois susceptible d'atténuer la responsabilité du médecin ou de l'établissement27, ne saurait, en principe, dispenser de procéder aux investigations nécessaires en vue d'établir un diagnostic exact28.
10940. La faute peut entraîner une responsabilité pénale du médecin, si le malade se blesse ou se tue29. Il peut aussi être poursuivi comme civilement responsable d'une infirmière devant le Tribunal correctionnel (même arrêt).
II. Responsabilité du médecin neuropsychiatre
11041. La neuropsychiatrie est une spécialité à laquelle s'attachent des responsabilités particulières qui n'incombent ni aux médecins généralistes ou d'une autre spécialité, ni à l'établissement médical dans lequel ils hospitalisent leurs patients, lequel peut légitimement ignorer les risques particuliers pesant sur le patient.
11142. Les tribunaux ont été amenés à tenir compte, dans l'appréciation de leurs responsabilités, de l'évolution tendant à substituer à des mesures systématiquement contraignantes, un traitement des affections mentales centré, si possible, vers la rééducation progressive du patient.
112C'est au médecin seul de diriger cette évolution, laquelle peut comporter des risques, soit pour le sujet, en cas de suicide, soit pour les tiers.
113Ces risques ne doivent être pris qu'avec prudence et si, médicalement, ils paraissent raisonnables. Faute de quoi, ils engageraient la responsabilité du médecin.
11443. L'on retiendra plus particulièrement à charge des médecins neuropsychiatres des responsabilités particulières, notamment en raison du fait que l'absence de précautions spéciales peut avoir pour conséquences des dommages à des tiers et du caractère spécial des traitements qui ont pour effet d'abandonner le patient entièrement au pouvoir du médecin, qu'il s'agisse de thérapeutiques médicamenteuses ou psychologiques. Mais ces méthodes ne peuvent entraîner de responsabilité que par suite d'absence de précautions usuelles, d'erreurs dans le mode d'application, d'indications erronées ou de répétitions abusives.
115Les erreurs peuvent dépendre d'un diagnostic erroné, notamment quant aux risques que peut entraîner la liberté du patient ou, par contre, une privation de liberté abusive.
116Quant à l'indication du traitement, le médecin doit tenir compte des risques qu'il pourrait faire subir au patient, en ne perdant pas de vue que le préjudice subi par celui-ci doit être compensé par une possibilité d'amélioration de son état.
117Ce n'est généralement pas au médecin mais, en principe, au patient et, à défaut, à ses proches suffisamment éclairés, à mesurer les risques du traitement et le bien que l'on peut espérer30.
11844. Intoxication médicamenteuse
119L'intoxication médicamenteuse, non justifiée par le traitement, peut résulter de l'administration de substances mortifères ou nuisibles ayant causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, elle est réprimée par l'art. 421 du Code pénal. L'administration des substances doit être volontaire, c'est le résultat "qui ne doit pas être voulu"31.
12045. Entretien de toxicomanie
121Depuis la loi du 9 juillet 1975, la notion d'absence de nécessité a été remplacée par celle d'"abus" de prescription, d'administration ou de délivrance des médicaments contenant des substances soporifiques, stupéfiantes ou psychotropes de nature à créer, entretenir ou aggraver une dépendance32, Il a été jugé que le médecin qui prescrit abusivement des médicaments de substitution à la drogue peut être déclaré responsable du préjudice qui en est résulté et être condamné à payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes dépensées ou avancées par les organismes mutuellistes33.
III. Responsabilité du médecin du fait d'autrui et des choses
12246. L'attention doit être attirée sur le fait, qu'outre sa responsabilité personnelle, le médecin peut être responsable en matière civile, de la faute du fait d'autrui ou des objets qu'il a sous sa garde.
123Comme la responsabilité pénale du fait d'autrui n'existe pas en matière pénale, c'est en matière de responsabilité civile uniquement que se poseront les questions en rapport avec la responsabilité du médecin du fait d'autrui.
124Le médecin, considéré ici comme "commettant", qui recourt aux services d'une autre personne, le "préposé", est responsable des fautes de celui-ci lorsqu'il agit dans l'exercice de ses fonctions. L'article 1384, § 1, du Code civil prévoit que "on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre".
125Ainsi, le médecin peut être déclaré responsable civilement du fait de l'activité des infirmières, employées d'une institution, lorsque celles-ci travaillent sous son autorité et en sa présence, pendant la seule durée de l'acte médical, à l'exclusion des soins le précédant ou le suivant. Le médecin devient alors le commettant occasionnel du personnel infirmier ou paramédical mis à sa disposition par l'établissement hospitalier.
126Le médecin peut lui-même, dans certains cas, être le préposé de la clinique qui l'emploie, lorsqu'il exerce ses fonctions, par exemple, en qualité de médecin salarié.
12747. Le travail médical en équipe pose le problème délicat de la répartition des responsabilités entre différents médecins. Il faut déterminer les responsabilités respectives de chacun d'eux, car le dommage du patient peut avoir pour origine les différentes activités exercées34.
12848. Le médecin est également responsable du dommage qu'il cause par le fait des choses qu'il a sous sa garde (article 1384, § 1, du Code civil), c'est-à-dire du matériel et des instruments qu'il emploie.
IV. Responsabilité du médecin salarié ou agent statutaire
12949. Un médecin peut être le salarié d'une autre personne ou d'une institution, dans la mesure où la subordination juridique existe au regard de l'organisation générale et administrative du travail, même si son indépendance technique subsiste. Il peut aussi travailler, par exemple, en qualité d'agent statutaire dans un hôpital du C.P.A.S. En cas de faute du médecin, c'est la responsabilité soit de l'établissement de soins, soit du C.P.A.S. ou de l'Etat qui est engagée sur le plan civil.
130Dans tous les cas, la responsabilité pénale personnelle du praticien peut être engagée en cas de faute.
13150. Recours d'un employeur contre le salarié
132En cas de dommages causés par un travailleur salarié à l'employeur ou à des tiers dans l'exécution de son contrat, le travailleur ne répond que de son dol et de sa faute lourde (exemple : état d'ivresse du médecin). Il ne répond de sa faute légère que si celle-ci présente, dans son chef, un caractère habituel plutôt qu'accidentel (art. 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail).
133L'employeur demeure civilement responsable des dommages occasionnés à des tiers par le fait du travailleur qu'il occupe.
B. Responsabilité du personnel infirmier et paramédical
13451. Les infirmier(ère)s et les paramédicaux sont soumis aux mêmes règles en matière de responsabilité que les médecins. Ils répondent de leur négligence ou erreur inexcusable, et même de leurs fautes légères, pourvu qu'elles soient suffisamment caractérisées.
135Ainsi, ils peuvent être amenés à commettre différentes infractions à l'occasion de l'exercice de leur profession. Voici les principales :
homicide, coups et blessures involontaires ou volontaires ;
administration de substances mortifères et nuisibles ;
omission de porter secours.
136Les infirmières ont le devoir de se conformer aux instructions qui leur sont données par les médecins et, en cas de doute, d'en référer à ces derniers.
137Bien qu'agissant sous les ordres, soit du médecin, soit de la clinique, l'infirmière demeure responsable, même pénalement, si, par défaut de prévoyance ou de précaution, elle cause un dommage au patient. Ainsi, une infirmière a été déclarée coupable d'homicide involontaire à la suite d'une erreur commise dans l'identification d'un prélèvement de sang35. Elle commet une faute si elle procède à des piqûres intraveineuses, sans avoir pris des instructions du médecin36.
13852. Quant à la responsabilité de l'élève infirmière, il a été jugé que l'inexpérience de celle-ci ne saurait l'exonérer de toute faute37.
13953. Plus particulièrement, il faut signaler le délit d'omission de porter secours que risquent de commettre les infirmières lorsqu'elles négligent d'appeler le médecin à temps, lorsque l'état du patient exige son intervention. A été jugée coupable du délit d'abstention de porter secours l'infirmière qui, vivant avec une personne ayant décidé de se soumettre volontairement à un jeûne prolongé, a averti le médecin à un moment où l'état de la victime ne permettait plus de lui prodiguer des soins utiles. En raison de sa qualité d'infirmière, elle aurait dû se rendre compte de cet état38.
140Par contre, il a été décidé que l'infirmier – chef d'un asile psychiatrique – n'avait pas commis de délit d'abstention de porter secours, en participant à un mouvement de grève, alors qu'aucun malade n'était dans un état physique inquiétant et que, par ailleurs, un service de sécurité avait été assuré39.
141De même, a pu bénéficier d'une ordonnance de non-lieu (en France) l'infirmière-chef d'un hôpital qui, alors que les parents d'un malade lui demandaient d'appeler immédiatement un médecin, a pris elle-même la tension artérielle de ce malade, lui a administré une injection toni-cardiaque et s'est fait assister par une de ses collègues, qui a confirmé l'état normal du pouls ; le fait qu'elle n'ait pas jugé utile ou qu'elle ait jugé inopportun de faire appel, sur l'heure, au concours d'un médecin, ne pouvant constituer qu'une simple erreur d'appréciation et non une abstention volontaire de porter secours. Si, en effet, sa responsabilité professionnelle pouvait être discutée sur le plan civil, c'est dans le cadre beaucoup plus vaste du devoir fait au praticien, en général, de faire appel sans attendre ni tergiverser, en cas d'hésitation ou de doute, à des compétences éclairées40.
14254. Sur le plan civil, comme les infirmières sont le plus généralement engagées dans les liens d'un contrat de travail, c'est l'établissement de soins qui est civilement responsable de leurs fautes. Les kinésistes sont, par contre, souvent indépendants et, dès lors, assument leur responsabilité personnelle. C'est ainsi que l'établissement de soins assume la responsabilité des soins qui relèvent de la technique hospitalière et qui sont exécutés par les infirmières qui sont ses préposées41.
143Si le soignant travaille dans un établissement public, il faut tenir compte du statut réglementaire ou contractuel dont il jouit42.
14455. Dans certains cas, le médecin est solidairement responsable avec l'infirmière, s'il commet personnellement une faute de négligence ou d'inattention ou de défaut de surveillance. Il peut aussi être considéré, sans avoir personnellement commis de faute, comme le commettant occasionnel de l'infirmière mise à sa disposition par la clinique pendant la durée de l'intervention et placée ainsi sous son autorité. Il pourrait aussi voir sa responsabilité contractuelle engagée du fait des personnes qu'il s'est substituées dans l'exécution de ses propres obligations.
C. Responsabilité des établissements de soins
14556. Les établissements de soins sont tenus, en exécution du contrat d'hospitalisation qui les lie aux patients, de fournir toutes les prestations d'accueil, d'hébergement, de surveillance et des soins courants.
146La responsabilité pénale des dirigeants d'entreprise peut être retenue en cas de faute personnelle ; il pourrait en être ainsi en cas de défaut d'organisation, de défaut de mise à la disposition du personnel soignant du matériel nécessaire, lorsque la faute peut être imputable à une ou plusieurs personnes. Rappelons que la responsabilité pénale des personnes morales (associations sans but lucratif, par exemple) n'existe pas ; seule la responsabilité personnelle (par exemple, de9 administrateurs et des gestionnaires) peut être engagée sur le plan pénal.
147Par contre, lorsqu'on parle de responsabilité des établissements de soins, il s'agit de leur responsabilité civile.
148La responsabilité civile, nous l'avons vu, peut être engagée du fait personnel ou du fait d'autrui ou du fait des choses.
149En pratique, lorsqu'il y a eu des accidents dans des établissements de soins, il faut rechercher quelles sont les responsabilités engagées : celle de l'établissement, celle des médecins ou les deux, ce qui donne lieu à de délicats problèmes de répartition de responsabilité43.
15057. Un établissement de soins ne saurait voir sa responsabilité engagée par des actes purement médicaux et chirurgicaux des médecins n'ayant pas la qualité de préposés.
I. Hôpital général
15158. Un hôpital général contracte une obligation de garde vis-à-vis d'un patient psychiatrique admis dans le service de neurologie. S'il manque à l'exécution de cette obligation de garde, sa responsabilité est retenue sur base contractuelle, en cas de suicide du patient44.
152Ainsi, la veuve d'une victime avait reproché au médecin qui avait fait hospitaliser le patient, non pas une thérapie inadéquate, mais le défaut d'avertissement de la clinique des intentions de suicide du patient. Celui-ci avait été hospitalisé dans une clinique ouverte, où le médecin indépendant avait le statut de médecin autorisé à y faire hospitaliser ses patients. La décision relève qu'il ne s'agissait pas d'une institution fermée, où les mesures de garde sont très sévères et font ainsi partie de la méthode de traitement même, mais d'une institution ouverte, en section psychiatrique, où les patients dépressifs sont hospitalisés. Le règlement de l'institution prévoyait que les patients devaient rester dans le service, a fortiori les patients psychiatriques. La thérapie instaurée par le médecin était correcte et le cas était grave. Lorsque l'état du patient avait empiré, le médecin avait conseillé à la famille de faire hospitaliser l'intéressé dans une institution fermée mais il n'y avait pas eu d'accord à ce sujet. A partir de ce moment, les mesures de sécurité auraient dû être renforcées, en attendant que le patient soit transféré dans un autre hôpital. Le patient était retourné chez lui le week-end mais le médecin avait prévenu l'entourage qu'il ne pouvait, à aucun moment, rester seul. Après le week-end, ni le médecin, ni son remplaçant ne furent prévenus de son retour dans l'institution. Ni l'infirmière, ni l'institution ne purent soutenir qu'elles n'étaient pas au courant des projets de suicide du malade. Les annotations du "Cahier de nuit" démontrent bien que ce patient devait être étroitement surveillé. Les infirmières n'ont pas respecté les règles de surveillance, de telle sorte que le patient a pu quitter l'étage sans remarques, salua même l'infirmière, monta à un étage où il salua une autre infirmière et se jeta ensuite au-dessus de la rampe d'escalier.
153Le tribunal a estimé que le médecin n'avait commis aucune faute et que la clinique devait être déclarée responsable d'un défaut de surveillance, l'épouse de la victime s'étant désistée de son action à l'égard de l'infirmière.
II. Etablissements spécialisés
15459. La responsabilité des établissements psychiatriques est appréciée plus sévèrement du fait de leur spécialisation. Ils manquent à l'obligation de surveillance lorsqu'ils n'ont pas pris toutes les précautions nécessaires pour éviter que le malade ne puisse, par des actes inconsidérés, compromettre sa sécurité.
155Malgré les obligations qu'elles ont à cet égard, les cliniques psychiatriques ne sont cependant pas tenues d'une obligation de résultat, mais uniquement d'une obligation de moyen45.
15660. Jadis, on a souvent évoqué que la clinique était tenue d'une obligation de sécurité dont elle ne pourrait être exonérée que par un événement imprévisible et inévitable auquel ne saurait être assimilé le fait, pour un malade mental, d'attenter à sa vie46.
157Actuellement, étant donné la liberté nécessaire à la thérapeutique qui doit être donnée aux patients, il est admis que l'établissement hospitalier ou le médecin psychiatre n'ont pas à assumer une obligation de sécurité, mais uniquement de moyen ; le patient doit prouver la faute de l'établissement ou du médecin47.
158Les hésitations de la jurisprudence tiennent à deux catégories de considérations contradictoires : selon les uns, le comportement du malade étant, dans une large mesure, imprévisible, même pour un praticien averti, il convient de ne retenir la responsabilité des établissements hospitaliers et du médecin que si la faute de surveillance présente un certain caractère de gravité ; selon les autres, les pouvoirs importants dont dispose le médecin sur la personne du malade lui imposeraient, en compensation, des obligations plus strictes en matière de garde et de surveillance et sa responsabilité ou celle de l'établissement qui agit selon ses directives, pourrait être plus facilement engagée.
159Il importe cependant de signaler qu'au lieu de "obligation de surveillance", on emploie souvent l'expression "obligation de sécurité", ce qui impliquerait, pour certains, une quasi-"obligation de résultat".
160Il faut cependant se rappeler que l'obligation dite "de sécurité" est une "obligation de sécurité-moyen" et non une "obligation de sécurité-résultat"48.
16161. L'on peut prendre en considération, pour apprécier l'obligation de sécurité, trois séries d'éléments :
1621/ le caractère prévisible ou non prévisible de l'accident, lequel est fonction de l'état réel de santé du patient et de son comportement antérieur. Les juges ont souvent relevé que : "dont le comportement de.... ne pouvait laisser prévoir l'accomplissement d'un tel geste et nécessiter, par suite, une surveillance continuelle et plus particulière...". Ou encore : ".... rien dans le comportement du blessé depuis son admission dans le service de neurologie ne pouvait laisser prévoir l'accomplissement d'un tel geste et nécessiter par suite une surveillance constante et plus particulière pour l'éviter".
163Par contre, serait constitutif d'une faute le fait de n'avoir pas tenu compte de l'état d'anxiété obsessionnel du malade49, surtout si celui-ci avait auparavant manifesté ses intentions de manière non équivoque50.
164Cependant, l'état de calme apparent du malade au moment de l'hospitalisation ne suffit pas toujours à rendre imprévisible son comportement ultérieur51.
1652/ les négligences commises par le personnel de garde peuvent également être constitutives de fautes ; ainsi, l'absence ou l'interruption, même momentanée, de la surveillance peuvent permettre aux patients de mettre à exécution leurs projets. Cette surveillance doit être, en principe, d'autant plus stricte que le malade présente des signes plus manifestes d'agitation et d'anxiété52.
1663/ l'insuffisance de l'organisation matérielle du service. Dans certains cas, on a relevé l'insuffisance de l'organisation matérielle du service, l'aménagement défectueux des locaux, l'absence de dispositifs de protection des portes et fenêtres, qui sont de nature à faciliter l'exécution des actes par lesquels le malade risque d'attenter à sa propre sécurité. Il doit cependant être tenu compte des moyens variables dont disposent les établissements et la faute doit être appréciée suivant la nature de ceux-ci.
167Il a été jugé qu'une clinique de neurologie est en faute de n'avoir pas prévu un dispositif permettant d'éviter qu'une malade en dépression se jette par la fenêtre53. Cette malade, qui avait manifesté a une employée de la clinique son intention de se donner la mort, recevait seulement de rares visites du personnel infirmier et avait pu, sans que celui-ci s'en aperçoive, quitter sa chambre. La clinique aurait dû prévoir un dispositif de sécurité pour empêcher qu'un malade puisse ainsi se jeter par la fenêtre des toilettes.
16862. Par contre, il a été jugé que, compte tenu des méthodes thérapeutiques employées dans un service libre, du fait qu'aucune erreur de diagnostic sur l'état réel du malade n'est établie et qu'il ne résulte pas du dossier que le décès d'un patient, suicide dans un établissement désaffecté situé dans les jardins de l'établissement, eût pu être évité, soit par une meilleure organisation du service, soit par un aménagement différent des locaux de l'hôpital, la veuve du patient n'est pas fondée à soutenir que le décès de son mari résulte d'une faute dans le fonctionnement de l'établissement de nature à engager la responsabilité de celui-ci.
169Cette décision tient compte de l'évolution de la médecine psychiatrique vers l'usage d'une certaine liberté laissée aux patients54.
17063. La circonstance que le patient ait réussi à se procurer une cordelette au cours des séances d'ergothérapie qui faisaient partie intégrante du traitement ne révèle pas une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier, en l'absence d'erreur de diagnostic sur l'état réel du patient.
17164. Un établissement médico-psychologique n'a pas d'obligation de surveillance d'un patient ayant la possibilité de sortir librement, la surveillance ne pouvant, en ce cas, qu'être exercée très discrètement. Le patient, étudiant atteint de troubles psychiques, s'était jeté par la fenêtre d'une chambre du 4ème étage après avoir brisé le dispositif de sécurité dont elle était munie55.
17265. On ne peut critiquer la maison de santé d'avoir laissé à la disposition d'une malade des effets personnels de toilette contenus dans un sac en plastique très léger, objets lui appartenant et couramment employés à cet usage. La malade avait été isolée dans une chambre sommairement meublée, dont la porte était munie d'un judas permettant de voir l'intérieur de la pièce, aucun objet dangereux ne s'y trouvait, le lavabo étant même remplacé par un bac en plastic. Ces mesures de sécurité étaient déjà rigoureuses en fonction de l'évolution des thérapeutiques actuelles. A supposer que le médecin psychiatre de la maison de santé ait été mis au courant des tentatives de suicide de la malade, la preuve n'est pas rapportée qu’il n'a pas agi avec la prudence que nécessitait l'état de cette malade qui, dès son entrée en cure de sommeil, n'a donné, pendant plus d'une semaine jusqu'à son décès, aucun signe particulier d'agitation pouvant justifier une surveillance continue. Il y avait même plutôt lieu de croire, dans ces circonstances, que la présence permanente d'une garde était susceptible de contrarier le traitement appliqué en donnant à la malade le sentiment d'être totalement privée de liberté56.
17366. Un établissement psychiatrique a été considéré comme n'ayant pas exercé la surveillance qui lui incombait, la faute qu'il avait commise ayant contribué à la réalisation du dommage subi par l'exploitant d'un débit de boissons, blessé d'un coup de couteau par un malade en traitement dans cet établissement.
174La décision du médecin traitant d'accorder à ce malade une permission de sortie obligeait l'établissement, qui avait à répondre de ce malade du fait de son placement, à une surveillance de nature à prévenir et à empêcher spécialement les dommages qu'il pouvait causer à autrui. L'auteur des blessures, atteint d'un état de débilité mentale assez important, avait été placé depuis de nombreux mois à l'hôpital psychiatrique.
175En l'absence de toute relation familiale sur place, il ne pouvait qu'être conduit à fréquenter des débits de boissons lors de ses permissions de sortie et il n'était, dès lors, nullement imprévisible que, du fait de son état mental et de sa propension connue à l'intempérance, particulièrement dangereuse en cours de traitement médical, se produisît un incident de nature à porter préjudice à des tiers57.
17667. On a ainsi relevé que les nouvelles méthodes de traitement de l'aliénation mentale par une rééducation progressive de la liberté du malade peuvent créer, pour les tiers, un risque dont le médecin, l'établissement ou l'Etat doivent répondre, en cas de faute de leur part58.
17768. La responsabilité d'un centre a été retenue dans le cadre d'une méthode thérapeutique de réadaptation sociale, un patient interné ayant été chargé de nettoyer les vitres dans l'établissement. Il avait ainsi profité de cette occasion pour se jeter d'une fenêtre du premier étage située à 12 m. du sol. Le Tribunal administratif de Lille59, après avoir relevé l'absence de faute de diagnostic, avait décidé que le service n'encourait aucune responsabilité du fait de l'utilisation d'une telle méthode de réadaptation. Le Conseil d'Etat a cassé cette décision60 aux motifs que, même si ces tâches lui avaient été confiées en raison de l'amélioration de son état de santé, le nettoyage des vitres nécessitait une surveillance particulière, du fait du danger que présentait une telle activité.
III. Partage de responsabilité entre le médecin et l'établissement
17869. La combinaison de deux types de relations différents, les unes entre le patient et le médecin, les autres entre le patient et l'institution qui l'héberge, gouverne la responsabilité respective du médecin et de l'établissement. Les soins consistant à surveiller et, au besoin, à maîtriser le malade, sont compris parmi les soins hospitaliers à la charge de la clinique, tout en étant pris en exécution des instructions du médecin.
17970. Quand le médecin a donné des instructions suffisantes, l'établissement psychiatrique répond seul de sa négligence dans les soins spéciaux rendus nécessaires par l'état du malade61.
180Il en est de même, et la clinique répond seule des accidents dus à l'aliénation mentale du malade hospitalisé, quand ces accidents se sont produits dans une clinique non spécialisée où une personne opérée d'une maladie sans rapport immédiat avec son état mental a donné des signes de surexcitation aux conséquences desquels aurait du parer l'établissement hospitalier62.
181Par contre, en l'absence d'instructions convenables données à la clinique par le médecin qui, par le dossier médical, connaissait les précédents exigeant une surveillance particulière du malade, la responsabilité des accidents, et notamment du suicide, peut être attribuée au médecin seul63.
18271. Dans la plupart des cas, il y aura lieu de rechercher dans quelle mesure les médecins peuvent être responsables civilement des fautes des infirmières et du personnel mis à leur disposition par les établissements dans lesquels ils travaillent64
2. Les atteintes volontaires
18372. Certains gestes thérapeutiques agressifs pour le malade peuvent témoigner d'une certaine violence dans les soins. On relève ainsi les mesures privatives de liberté, l'hospitalisation plus ou moins acceptée, l'isolement jugé nécessaire, les mesures de contention du malade agité, les techniques de réanimation allant jusqu'à l'acharnement thérapeutique, les techniques contraignantes de désintoxication, les examens biologiques éprouvants. L'ensemble des attitudes thérapeutiques peut engager, par essence, les professionnels de la santé dans une relation qui implique l'individu malade dans un "corps à corps" où se jouent à la fois la contrainte corporelle et relationnelle nécessaire au diagnostic et aux soins et le risque d'une déviance ou d'une manipulation65.
18473. On relèvera plus particulièrement que le contexte dans lequel se noue la rencontre soignant-soigné n'est pas exempte d'une certaine violence. Souvent, c'est le poids de l'institution qui apparaît comme une forme de contrainte (règles dites de sécurité, rythme collectif, gestes imposés de l'asile et de l'hôpital, interdiction qui se prolonge sans remise en cause (visites limitées, voisins imposés dès le placement en institution), décision thérapeutique impérative, incompréhensible, inaccessible ou mal vécue, distribution systématique de médicaments ; souffrance à être confondu, oublie ou négligé comme sujet autre que seulement malade ou prisonnier, handicapé ou étranger, impression d'être réduit à son symptôme, parole sans appel, gestes brusques, routiniers, parfois impudiques, attitudes agacées, pressées, indisponibles.
185Ces attitudes échappent généralement au champ juridique.
186Nous ne retiendrons ici que les accidents autres que le suicide survenant chez les malades au cours de leur hospitalisation.
A. Coups et blessures volontaires
18774. Les coups et blessures que l'on estime non justifiés par un intérêt thérapeutique peuvent être considérés comme volontaires, lorsque le personnel soignant a abuse des droits sur la personne que leur confèrent leurs activités professionnelles66.
18875. L'on retiendra cependant la cause de justification résultant de la légitime défense67, par exemple, lorsqu'un membre du personnel soignant est lui-même agressé par un patient.
18976. Quant aux accidents causés par d'autres patients, on a retenu la responsabilité de l'établissement, un patient en traitement ayant été violemment frappé à la tête par son voisin de lit qui, atteint de troubles mentaux graves qui n'avaient pu être décelés lors de son admission à l'hôpital, avait déjà tenté de se suicider en s'égorgeant. La victime avait exprimé au personnel infirmier les craintes que lui inspirait l'attitude de son voisin mais, tout en remarquant le caractère anormal du comportement de celui-ci, les infirmières n'alertèrent pas le médecin de service et ne prirent aucune précaution68.
B. Violences sexuelles
19077. La libre disposition de son corps constitue un des éléments essentiels de la dignité humaine. En priver un patient serait incompatible avec les méthodes thérapeutiques actuelles.
191Si une vigilance particulière peut se concevoir dans certains établissements, des interdits rigoureux dans d'autres ne seraient, sans doute, plus acceptés.
192Par ailleurs, les promenades hors de l'établissement et les sorties rendraient inopérantes les mesures qui pourraient être prises dans une institution pour empêcher des relations sexuelles.
193On a relevé un défaut de surveillance et une mauvaise organisation du service entraînant la responsabilité de l'établissement, à la suite de relations sexuelles qu'une patiente avait pu avoir avec un tiers, dont est issu un enfant. L'obligation de soins et de surveillance doit se traduire par des mesures appropriées à l'état nerveux du malade et à ses réactions antérieures connues, en vue d'assurer sa propre sécurité. L'établissement commet une faute lorsque, malgré la fugue antérieure du malade laissant prévoir de nouvelles incartades, la maison de santé, avertie, n'a pas exercé plus rigoureusement la surveillance, qui était l'objet essentiel de son contrat alors qu'il est établi que, pendant son internement psychiatrique, elle a pu avoir des relations sexuelles69.
19478. Il a été jugé qu'un établissement hospitalier pour patients atteints de troubles neurologiques, ayant hébergé une jeune fille mineure, est civilement responsable du viol de cette patiente par un surveillant la nuit, la responsabilité du commettant s'étendant à toutes les fautes du préposé, y compris ses fautes intentionnelles, à la condition que celui-ci ait agi dans les fonctions auxquelles le commettant l'a employé70.
19579. Il convient de rappeler que l'attentat à la pudeur et le viol sont punis plus sévèrement lorsqu'ils sont commis par un médecin sur la personne confiée à ses soins. L'aggravation est encourue, quel que soit l'âge de la victime (article 377 du Code pénal).
196Il en est de même en ce qui concerne le délit d'homosexualité prévu par l'article 372bis du Code pénal, mais dans ce cas, la victime doit être âgée de moins de dix-huit ans et doit être de même sexe.
197Ces dispositions ne viseraient pas les praticiens de l'art infirmier et les personnes exerçant des professions paramédicales, la qualification d'officier de santé, dans le Code pénal, ayant disparu.
C. Aide au suicide et abstention délictuelle en psychiatrie
19880. Aucune peine n'étant portée contre le fait principal, compte tenu de l'impunité du suicide, la personne qui aide au suicide jouit de l'impunité71. L'on retient cependant à charge du soignant l'infraction d'omission de porter secours à personne en danger (art. 422 bis du Code pénal), si celui-ci s'abstient de venir en aide à la personne qui veut mettre à exécution ses projets de suicide.
199En pratique, il ne sera pas aisé de distinguer ce qui constitue une omission de porter secours à personne en danger et un défaut de surveillance constituant le défaut de prévoyance et de précaution pouvant entraîner des coups et blessures ou l'homicide involontaire.
20081. Il suffit que le médecin ait conscience de la gravité, de l'imminence et de la constance d'un péril, pour qu'il soit tenu d'apporter son aide, même si celle-ci est inefficace ; il est, dans ce cas, tenu à une aide morale.
201Si le médecin est averti des intentions suicidaires de son patient mais ne se déplace pas, il pourrait commettre une erreur de pronostic mais il ne pourrait être coupable de non-assistance à personne en danger, selon F. Jeanson, si les intentions du patient se concrétisent. A l'inverse, s'il est persuadé de la gravité du risque, il doit prendre les mesures qui s'imposent, par exemple, provoquer une hospitalisation72.
20282. Il faut que le médecin ait eu conscience de la gravité du péril imminent auquel se trouvait exposée la personne dont l'état requérait secours et qu'il n'ait pu mettre en doute la nécessité d'intervenir immédiatement en vue de conjurer le danger73. Si le péril n'a pas été imminent ou constant, il s'agirait non plus d'une abstention de porter secours mais d'une erreur susceptible d'engager la responsabilité du psychiatre, sur base des art. 418 et suivants du Code pénal (homicide ou coups et blessures involontaires).
20383. Un infirmier a été relaxé, le défaut de secours supposant un péril constant et nécessitant une intervention immédiate n'ayant pas été retenu ; l'infirmier-chef de l'hôpital psychiatrique avait été poursuivi pour non-assistance à des personnes en péril, en raison de sa participation à un mouvement de grève ; mais il n'était pas établi que des malades étaient dans un état physique inquiétant et, par ailleurs, un service de sécurité était assuré74.
20484. L'article 422 bis du Code pénal condamne l'indifférence mais n'impose pas l'héroïsme. Certes, le médecin n'est pas obligé de courir au chevet d'un malade lors d'un appel téléphonique mais, dès qu'il est alerté, il ne peut rester indifférent devant cette apparence de péril. Il doit s'informer pour pouvoir apprécier l'urgence de son intervention.
205La jurisprudence est constante : le médecin commet une faute quand il est averti d'un péril dont il était seul à même d'apprécier la gravité et qu'il a refusé son concours, sans s'être préalablement assuré, comme il pouvait le faire, que ce péril ne requérait pas son intervention immédiate75.
§ 3. Accidents aux malades employés par l'établissement et blessés dans leur travail
20685. Les méthodes thérapeutiques visant à recréer un milieu social autour du patient et à hâter sa réinsertion socio-professionnelle en le faisant participer à des travaux utiles sont susceptibles de provoquer des accidents qui peuvent mettre en cause la responsabilité du médecin et/ou de l'établissement où est hospitalisé le patient victime de l'accident à l'occasion de ce travail.
20786. Un malade hospitalisé dans un établissement psychiatrique a glissé sur le sol alors qu'il s'apprêtait à servir le café et il a renversé du café bouillant qui lui a occasionné des brûlures.
208Sa chute étant imputable à des papiers traînant â terre, la responsabilité de l'hôpital se trouve engagée, en raison de ce défaut d'entretien76.
Section 2. Le respect de la personne humaine
20987. Le droit à la santé implique que toute personne puisse être soignée dans le respect de sa dignité humaine.
210En conséquence, en vertu de la Charte des droits du malade usager de l'hôpital, adoptée à Luxembourg le 9 mai 1979 par le Comité hospitalier de la C.E.E., le patient a :
le droit d'accès aux services hospitaliers adéquats à son état ou sa maladie ;
le droit d'être soigné dans le respect de sa dignité humaine ;
le droit d'accepter ou de refuser toute prestation de diagnostic ou de traitement ; ;
le droit d'être informé de ce qui concerne son état et d'être complètement informé à l'avance des risques que peut présenter toute prestation inhabituelle en vue du diagnostic ou du traitement ;
le droit à la protection de la vie privée, au respect et à la reconnaissance de ses convictions religieuses et philosophiques ;
le droit de déposer une réclamation, de voir celle-ci examinée et d'être informé des suites données77.
211Il n'existe pas de textes légaux résumant les droits des patients ; les dispositions les concernant se trouvent disséminées dans l'ensemble des textes légaux et réglementaires, et abondamment analysées par la doctrine et la jurisprudence.
212On ne peut, dès lors, parler d'un vide juridique en ces matières mais d'un défaut de coordination de celles-ci, sous le seul angle de la protection des patients.
213Certains textes légaux, la doctrine et la jurisprudence fournissent de nombreux matériaux de réflexion concernant le libre choix du médecin par le patient, la liberté thérapeutique du médecin, l'information du patient, l'accès au dossier médical, le consentement du patient, le secret professionnel et le droit de réclamation. Ces sujets sont particulièrement délicats en psychiatrie.
§ 1. Liberté de choix du patient et liberté thérapeutique du médecin
1. Liberté de choix
21488. Le principe du libre choix a été consacré par l'article 74 de la loi du 9 août 1963 sur l'assurance maladie-invalidité qui permet au bénéficiaire de l'assurance de s'adresser librement, pour obtenir les prestations de santé, à toute personne autorisée légalement à exercer l'une des branches de l'art de guérir, à tout établissement d'hospitalisation agréé par le ministère de la Santé publique.
215Malgré cette disposition, on peut relever qu'en fait, la décision d'hospitaliser ou de se faire hospitaliser n'est pas toujours prise en toute liberté par le malade.
216Quant au libre choix du médecin, celui-ci n'existe qu'en clinique ouverte. Parfois même, le choix de l'établissement fait l'objet d'une pression du médecin traitant, qui préfère hospitaliser dans l'établissement dans lequel il a l'habitude de pratiquer, au motif qu'il y dispose de son appareillage, de l'équipement hospitalier et de collaborateurs en qui il a confiance.
21789. En ce qui concerne les paramédicaux, le médecin traitant détermine fréquemment le choix du patient quant au kinésiste, l'ergothérapeute ou le logopède.
218L'orientation n'est malheureusement pas toujours fonction de la qualité de la prestation et l'on a relevé qu'elle peut conduire à une surconsommation78.
21990. On s'est demandé si un patient pouvait être contraint à recevoir des soins. Il semble bien que non, une telle obligation existant uniquement à l'égard des individus contagieux79. Par contre, en ce qui concerne l'assuré social, celui-ci peut être atteint par les mesures contraignantes telles que, par exemple, la suppression de l'indemnité d'invalidité si l'invalide n'accepte pas les mesures de contrôle ou le programme de rééducation80.
22091. Le médecin conseil, contrôleur expert ou fonctionnaire, qui n'est pas librement choisi par le patient, doit préalablement faire connaître à la personne qu'il examine en quelle qualité il agit et lui faire connaître sa mission. L'expert judiciaire, en particulier, l'avertira qu'il est tenu de communiquer à l'autorité requérante tout ce qu'il lui confiera au sujet de sa mission81.
2. Liberté thérapeutique du médecin
22192. Les médecins et les pharmaciens ne peuvent être l'objet de limitations réglementaires dans le choix des moyens à mettre en oeuvre, soit pour l'établissement du diagnostic, soit pour l'institution du traitement et son exécution, soit pour l'exécution des préparations magistrales. Les abus de la liberté dont ils jouissent à ce triple point de vue sont sanctionnés par le Conseil de l'Ordre dont ils relèvent82.
222La liberté dont ces praticiens jouissent en ce domaine ne permet pas aux tribunaux de s'immiscer dans les controverses à caractère scientifique en se prononçant en faveur d'un traitement plutôt qu'un autre, alors que l'un et l'autre sont appliqués par des praticiens compétents et consciencieux.
§ 2. Information et consentement du patient
22393. Le patient doit être informé pour pouvoir ensuite valablement consentir aux examens et aux traitements.
224L'information doit être simple, intelligible et loyale, permettant ainsi à l'intéressé de prendre sa décision. Seuls des motifs d'ordre thérapeutique peuvent dispenser les soignants d'une information objective mais inadaptée à l'état du patient.
225On parle ainsi de "consentement libre et éclairé".
226Cette notion suscite de nombreuses controverses au sujet de l'étendue du devoir d'information et les conséquences de l'absence de consentement à l'intervention.
22794. Le médecin doit-il signaler les risques ? Quels risques ?
228Il est généralement admis que le médecin ne doit pas renseigner les risques imprévisibles83.
229En pratique, il faut tenir compte des circonstances de fait et spécialement des répercussions fâcheuses que la révélation complète de la vérité pourrait avoir sur l'état du patient.
230Nous pensons que le médecin doit, avant tout, soigner et, si possible, guérir et que, dans le champ d'un "contrat médical", il ne s'agit pas essentiellement de "partager un savoir". En fin de compte, il faut bien admettre la relativité du droit du malade à l'information, tout en tenant compte de ce qu'un patient bien informé prend mieux son traitement en charge.
231On ne peut cependant pas admettre que le médecin puisse poser le principe que son patient est pratiquement incapable de comprendre l'acte médical et d'en supporter la révélation, pour s'arroger ensuite le droit à la décision souveraine sur le corps du patient, à la place de l'intéressé.
23295. Personnes dont le consentement est requis :
233En principe, le consentement doit être donné par le patient lui-même. Si celui-ci ne peut être consulté utilement en raison de son état, le médecin s'adresse aux personnes qui sont investies, à l'égard du patient, d'une autorité légale ou que leur lien de parenté avec lui désigne comme protecteurs naturels. Lorsqu'il s'agit d'un mineur, ses représentants légaux ou la personne sous l'autorité de laquelle l'enfant se trouve sont qualifiés pour prendre une décision. L'article 30 du Code de déontologie médicale prévoit que, quand le patient est un mineur d'âge ou un autre incapable et s'il est impossible ou inopportun de recueillir le consentement de son représentant légal, le médecin prodiguera les soins adéquats que lui dictera sa conscience. Cette règle déontologique est conforme aux principes traditionnels en matière de responsabilité, mais qu'en est-il du principe de la libre disposition de son corps par le patient84.
23496 Détermination de l'autorité familiale de fait : si le patient est majeur, il faut déterminer qui est son protecteur naturel. Juridiquement, l'on retient d'abord le conjoint puis, s'il s'agit d'un célibataire majeur, les ascendants et les descendants, selon l'âge du patient. Mais cette hiérarchie des liens de droit peut être corrigée selon les cas par les liens de fait. Les personnes qui assurent en fait, avec des marques d'affection et d'attachement, la garde, l'entretien, la protection du malade doivent l'emporter sur des parents ou alliés plus proches juridiquement mais indifférents dans leur conduite. Dans le doute, ce sont cependant les liens de famille qu'il faut considérer.
235L'appréciation du choix du protecteur naturel du patient reste une question délicate, à trancher par le praticien tenu d'en répondre en cas de faute de sa part. On ne pourra cependant reprocher une erreur rendue excusable par les circonstances, alors surtout que le praticien a manqué de temps pour faire une enquête sur la situation de famille du malade auquel s'imposent des soins rapides85.
23697. Refus du patient Le médecin doit s'efforcer d'éclairer son malade sur les raisons de toute mesure diagnostique ou thérapeutique proposée. Si le malade refuse un examen ou un traitement, le médecin peut se dégager de sa mission, à condition d'en avertir le patient ou son entourage, d'assurer la continuité des soins et de fournir toutes les informations utiles au médecin qui lui succède (articles 28 et 29 du Code de déontologie médicale).
23798. Cas de nécessité.
238Si le malade est dans l'impossibilité de donner un consentement valable et en l'absence de tout proche, le médecin peut intervenir, bien que le traitement ou l'intervention chirurgicale ne constituent pas une urgence au sens médical du terme, si le retard risque d'entraîner l'aggravation de l'état du malade.
23999. Preuve du consentement
240Si l'on s'en tient aux principes qui régissent la matière de la preuve, il faudrait décider qu'il appartient au demandeur, qui fait grief au médecin d'avoir institué un traitement ou pratiqué une intervention sans autorisation valable, de démontrer le défaut de consentement qu'il invoque. Ce serait exiger du plaignant une preuve impossible.
241Pourtant, il faut bien admettre que, normalement, le médecin qui traite un malade le fait avec l'assentiment de celui-ci et que ce serait au demandeur qu'il appartiendrait de renverser cette présomption. Le médecin peut, en effet, se dégager de sa mission de donner des soins pour des raisons professionnelles ou personnelles, hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité.
242Il faut admettre aussi qu'exiger du médecin qu'il fournisse, en cas de contestation, la preuve du consentement donné par son patient reviendrait à l'obliger à lui réclamer un écrit établissant la nature exacte de l'opération envisagée, ses conséquences éventuelles, ses risques et l'accord du patient. On ne peut, raisonnablement, imposer au médecin de prendre, à l'égard de son patient, une mesure qui constituerait une preuve évidente de la méfiance du praticien. Ce serait porter atteinte à un des éléments essentiels du contrat médical qui repose sur la confiance que le patient accorde à son médecin86.
243Dans la pratique, il est, en effet, quasi impossible, tant au médecin qu'au patient, dans la majorité des cas, de s'assurer une preuve écrite du consentement de ce dernier ou de son refus d'autorisation. On constate cependant, de plus en plus, lors d'interventions dites non nécessaires, que les praticiens s'assurent d'un consentement écrit des patients (par exemple : stérilisation, insémination artificielle, etc..). Il en est de même en cas de demande par un patient de sortie d'un établissement hospitalier, les médecins n'acceptant de prendre en considération le refus de soins et d'hospitalisation que lorsque celui-ci émane, par écrit, du patient ou de ses proches dûment autorisés87.
244On pourrait considérer que la présomption de consentement du patient et le fait que les décisions du médecin doivent être dictées par sa science et sa conscience88 servent le pouvoir médical. Plus particulièrement, cette puissance médicale contraste avec la situation des malades et déficients mentaux dont la liberté humaine est menacée, le patient étant souvent, de par son état ou l'influence des thérapeutiques médicamenteuses, dans des situations où son consentement valable ne peut être recueilli.
245100. Quoi qu'il en soit des controverses sur l'étendue de l'information du patient et la notion de consentement libre et éclairé, les patients et les soignants, dans la pratique quotidienne, connaissent les uns et les autres des situations parfois fort difficiles.
246Le consentement aux soins s'inscrit dans une relation humaine entre le soignant et le soigné, débutant par une relation d'inégalité plus ou moins importante mais pouvant aboutir à une remise à niveau par une décision partagée. Si le consentement requiert une information de qualité et sa compréhension par le patient, il n'en existe pas moins des limites incompressibles d'ordre intellectuel et affectif au concept d'un consentement "idéalement éclairé" ; dans certains cas, on pourrait même reconnaître au praticien un certain droit à la rétention de l'information si cette dernière peut être source d'angoisse, voire de refus de soins préjudiciable au patient89.
§ 3. Accès au dossier médical
247101. Les controverses concernant la propriété du dossier médical sont vives. On peut, en effet, difficilement admettre que le patient se voie refuser la consultation de son dossier médical, alors que ce dossier le concerne.
248Diagnostic et pronostic, résultats d'examens, thérapeutiques médicamenteuses, risques, complications, interprétation psychologique, anamnèse familiale, support de la mémoire du médecin, notes personnelles de celui-ci, dossier infirmier, nature des soins effectués, commentaires des infirmières sur le patient, etc... autant d'éléments dont le patient entend ne pas être dépossédé, mais dont personne n'ose affirment qu'ils doivent être portés à sa connaissance.
249Dans notre législation, aucun texte n'impose la communication ou la remise du dossier au patient. Bien plus, on parle déjà, à propos d'un dossier unique informatisé, d'un "dossier parallèle" des soignants dans lequel ceux-ci consigneraient les éléments plus personnels et qu'ils ne devraient jamais transmettre à des tiers.
250102. Beaucoup de critiques sont énoncées contre le caractère secret du dossier médical, car il permet notamment de cacher au patient les fautes survenues à l'occasion des soins.
251103. Transmission à un autre praticien
252La liberté de choix du praticien par le patient rend nécessaire l'obligation de transmission du dossier médical par un praticien délaissé par le patient à un autre praticien choisi par lui.
253Ainsi, tout médecin est tenu, à la demande ou avec l'accord du patient, de communiquer à un autre praticien traitant désigné par ce dernier pour poursuivre ou compléter, soit le diagnostic, soit le traitement, toutes les informations utiles et nécessaires d'ordre médical ou pharmaceutique le concernant. Les Conseils de l'Ordre dont les praticiens relèvent veillent au respect de ces dispositions90.
254Cette disposition légale n'impose cependant pas la remise directe du dossier au patient lui-même. Si un patient a retiré la confiance à son médecin, celui-ci n'a aucun pouvoir de rétention sur les éléments du dossier médical.
255Bien souvent, les patients craignent de changer de médecin parce qu'ils craignent que celui-ci ne conserve le dossier médical, ce qui compromettrait la poursuite des traitements.
256L'article 41 du Code de déontologie médicale impose au médecin de communiquer le dossier dans un délai rapide à un autre praticien traitant.
257Plus particulièrement, l'article 42 prévoit que le médecin, lorsqu'il l'estime utile ou lorsque le malade lui en fait la demande, peut remettre au patient, dans la mesure où son intérêt l'exige, les éléments objectifs du dossier médical, tels que les radiographies et les résultats d'examens.
258L'article 45 précise que le médecin n'a aucun droit de rétention sur les éléments médicaux du dossier, en cas de non-paiement des honoraires.
259Ces pratiques découlent du principe selon lequel le médecin n'est pas tenu de donner au patient une information complète sur son état. La remise du dossier médical au patient n'est donc que l'exception ; si elle était la règle, le patient qui ne pourrait pas avoir accès à son dossier ou à certains éléments de celui-ci pourrait en déduire que le médecin lui cache des éléments graves, ce qui pourrait mettre la thérapeutique en échec.
260104. L'analyse des critiques émises à l'égard des médecins et des autres soignants relativement au caractère secret du dossier médical et infirmier ne permet cependant pas de dégager une règle de conduite précise. En effet, tous les auteurs s'accordent à reconnaître au médecin la possibilité, dans certains cas, de ne pas révéler toute l'information. Même la Charte des droits du patient, en son point 4, est des plus réservée. "Le malade usager de l'hôpital a le droit d'être informé de ce qui concerne son état. C'est l'intérêt du malade qui doit être déterminant pour l'information à donner...". Qu'entend-on par l'intérêt du malade : n'est-ce pas celui de ne pas être ébranlé par un diagnostic trop brutal, une évaluation technique et scientifique sur son état ?
261Mais comment distinguer ces cas des réticences d'information non justifiées ?
262En pratique, les patients consultent de plus en plus des médecins appelés parfois "de recours". Ces médecins assistent, en qualité de conseiller technique, les justiciables dans leur relation avec la justice et les éclairent sur les aspects médicaux de leurs dossiers.
§ 4. Respect de la vie privée, des convictions philosophiques et religieuses du patient
263105. Les problèmes en rapport avec les convictions religieuses et philosophiques des patients dans les relations des soins n'ont pas, jusqu'à présent, été souvent évoqués.
264Actuellement, ces questions viennent à l'avant-plan des préoccupations ; car il importe de protéger le "privacy" des personnes et de permettre le développement des cultures étrangères.
265L'article 31 du Code de déontologie médicale prévoit que le médecin s'abstient, sauf incidences thérapeutiques formelles, de toute intrusion dans les affaires de famille ; il s'interdit de heurter les convictions philosophiques, religieuses ou politiques.
266Le respect des convictions des patients, par exemple, en cas de refus de soins, peut conduire à des attitudes difficilement acceptables par les soignants91 qui s'estiment tenus de porter secours à un patient en danger, contre sa volonté.
§ 5. Le respect du secret professionnel
267106. Ce sujet ést tellement vaste qu'il n'est pas possible d'évoquer ici que quelques considérations particulièrement utiles en matière de soins aux malades et déficients mentaux.
268Le travail pluridisciplinaire au sein de l'équipe psychiatrique met parfois en péril le respect du secret professionnel. Les informations d'anamnèse, les résultats des examens spécialisés, comme les tests psychologiques, les décisions thérapeutiques, circulent au sein de l'équipe, souvent élargie, par la présence d'observateurs extérieurs, de stagiaires, de conseillers techniques, etc... Les discussions de cas en équipes, qui sont devenues des pratiques habituelles et indispensables au bon fonctionnement de certains services, pourraient entraîner des violations du secret professionnel. Le malade ignore habituellement que telle confidence faite à un soignant ou à un travailleur social, par exemple, pourrait être partagée par son confident au cours de réunions communes. De plus, lors de relations avec l'extérieur et en vue d'améliorer les actions thérapeutiques et l'insertion du patient dans la vie sociale, les informations couvertes par le secret professionnel sont parfois – à tort – communiquées aux administrations publiques, à l'employeur, à la famille etaux proches du patient.
269Les soignants veilleront à ne communiquer que les informations strictement nécessaires à la thérapeutique et dans l'intérêt du patient.
1. Rappel des principes
270107. 1/ L'obligation au secret est une obligation déontologique :
les médecins (Code de déontologie médicale, articles 55 à 70) ;
les infirmières, les paramédicaux, les aide-soignantes ;
les conducteurs d'ambulance92 ;
271seule l'activité des médecins est régie par des règles élaborées par un ordre professionnel, les autres catégories de personnes sont cependant tenues de respecter aussi les usages de leur profession, sans que des sanctions, dont les plus graves peuvent entraîner l'interdiction du droit d'exercer la profession, ne puissent leur être infligées.
2722/ L'obligation au secret est une obligation dérivant du contrat de travail. Les personnes qui travaillent dans des liens d'un contrat de travail sont tenues au respect du secret professionnel, par exemple : les médecins salariés, le personnel infirmier, paramédical, les gestionnaires et le personnel administratif de l'hôpital, le personnel d'entretien93.
2733/ L'obligation au secret est une obligation légale sanctionnée pénalement et civilement
274a) La responsabilité pénale : elle est assumée par chacun personnellement, qu'il soit indépendant ou salarié94.
275b) La responsabilité civile : si le soignant est travailleur indépendant, il assume sa responsabilité civile ; s'il est salarié, c'est son employeur qui est civilement responsable de ses fautes en matière de violation du secret et qui est tenu à le réparer.
276Le dommage du patient peut être un dommage moral, par exemple, à la suite de la violation d'un secret sur son intimité physique, et/ou un dommage matériel (perte d'emploi, perte d'avantages sociaux, etc...).
2774/ Le secret est d'ordre public. Il n'appartient pas seulement au patient mais relève de l'intérêt général de la collectivité dans la réalisation d'une politique de santé publique. Les soignants ne sont pas les collaborateurs de la justice.
278Le secret comprend aussi bien ce que le patient a dit ou confié que tout ce que l'on peut connaître ou découvrir à la suite d'examens ou de soins. Il s'étend à tout ce que le soignant a vu, connu, appris, constaté, découvert ou surpris dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa profession. Il n'est pas limité aux seules confidences ni aux faits de nature secrète.
2795/ Le secret professionnel n'est pas opposable au patient. Ainsi, entre le médecin et le malade, il ne peut y avoir de secret, tout au plus peut-il exister une restriction à l'obligation d'information du patient.
280C'est à l'égard des tiers qu'existe l'obligation du secret professionnel.
2816/ La déclaration du patient relevant son médecin du secret professionnel ne suffit pas à le libérer de son obligation95.
2827/ L’obligation au secret persiste après la mort du patient.
2. Violations du secret professionnel par inadvertance
283108. L'on retient comme éléments de violation involontaire :
les conversations entre professionnels ne soignant pas les mêmes patients, du professionnel chez lui en famille : les récits faits au conjoint ou partenaire, devant les enfants, à des amis ;
la relation de faits avec points de repère permettant la recherche de l'identité du patient : exemples : un patient homme politique, le suicidé du lundi de Pâques, l'accidenté du coin de la rue X... ;
l'abandon du dossier sur un bureau, dans une armoire non fermée à clé, dans un bureau facilement accessible pendant l'heure de table ;
les conversations au téléphone en présence d'un tiers, d'un autre patient ;
l'énoncé de noms en supervision collective, lors d'exposés didactiques ;
la fourniture de photocopies avec noms barrés, mais indication des lieux ;
les textes dactylographiés incorrects, jetés dans une poubelle chiffonnés et non déchirés ;
l'abandon d'un dossier dans une voiture, un bureau ou logement personnel laissé à la disposition d'un tiers et contenant des documents professionnels.
3. Controverses sur le secret professionnel
284109. Des auteurs de plus en plus nombreux estiment que l'obligation du secret professionnel est actuellement dépassée car la règle du secret sert principalement les intérêts corporatifs des soignants.
285La maladie ne serait plus secrète et il faudrait, au contraire, amener les patients à en parler librement.
286Jadis absolu, le secret est devenu actuellement relatif et le nombre des exceptions à la règle du silence a augmenté. Certains ne parviennent plus à distinguer les cas d'application de la règle et les exceptions au secret. Une grande confusion règne au point que certains pensent qu'il n'est mime plus possible d'imposer l'obligation de respecter le secret professionnel.
287110. Du point de vue juridique, un arrêt important de la Cour de cassation du 30 octobre 1978 a rappelé que le secret professionnel intéresse l'ordre public et qu'il échappe à la disposition du patient. La déclaration relevant le médecin du secret professionnel ne suffit dès lors pas à libérer celui-ci de son obligation au silence96.
288En l'espèce, le Tribunal du travail avait ordonné la production du dossier médical et le médecin-chef du service de chirurgie de l'hôpital fut invité à produire le dossier. Le médecin fit savoir qu'il se considérait comme lié par le secret professionnel. Le Tribunal avait décidé que le motif invoqué pour ne pas produire le dossier médical n'était pas légitime et avait ordonné au médecin le dépôt au greffe du dossier médical, ajoutant que le médecin se trouvait exposé à des dommages et intérêts s'il ne produisait pas le dossier.
4. Secret partagé
289111. Le secret professionnel, en psychiatrie, doit particulièrement être respecté. Cependant, certaines situations impliquent le partage du secret à l'égard de tous ceux qui approchent le patient, qui sont susceptibles de l'aider ou de le soigner.
290a) Partage du secret avec les soignants
291112. L'énumération de l'article 458 du Code pénal relatif à l'obligation du secret professionnel n'est pas limitative ; il existe, en effet, nombre de confidents nécessaires qui sont tous également tenus au secret, par exemple : les directeurs d'hôpitaux, de maternités, les étudiants en médecine, les dentistes, les pharmaciens, les infirmier(ère)s, les aide-soignant(e)s dont la formation en a fait les collaborateurs des médecins, les travailleurs sociaux, les collaborateurs des personnes susvisées, le conjoint ou la veuve (ou le veuf) du médecin ; c'est-à-dire tous ceux qui participent directement ou indirectement aux soins des patients.
292Sont également compris parmi les personnes soumises au secret, les membres de l'administration et du personnel qui, dans un établissement de soins, en raison de leurs occupations professionnelles, ont accès aux documents et renseignements couverts par le secret médical, en particulier les dossiers médicaux des patients97.
293Le partage du secret ne peut se faire que dans l'intérêt thérapeutique du patient. Ainsi, les éléments non indispensables à la qualité des soins ne peuvent être communiqués.
294C'est en se méprenant sur la notion même du secret professionnel que certains pensent pouvoir communiquer tous renseignements concernant leurs patients à une personne exerçant une profession dont les membres sont tenus eux-mêmes de respecter le secret professionnel. Constitue ainsi la violation du secret le partage de renseignements concernant un patient, lors de conversations avec un autre membre du personnel soignant qui ne soigne pas ce patient.
295Les médecins conseil, contrôleurs experts ou fonctionnaires, doivent éviter d'amener le médecin traitant de la personne qu'ils examinent à violer le secret médical auquel ce dernier est tenu, même à leur égard98.
296b) Partage du secret avec la famille et l'entourage
297113. Le partage de certaines informations ne peut se faire que dans la stricte limite de l'intérêt du patient. Cette appréciation est essentiellement d'ordre thérapeutique.
298Parfois, il peut exister une contre-indication à ce partage du secret avec la famille et, dans ce cas, le secret doit être gardé. Les soignants sont tenus de prendre les dispositions thérapeutiques qui rendraient inutile le partage du secret avec la famille99. Il a été ainsi rappelé qu'il appartient au médecin de rester le protecteur de son malade contre un entourage parfois malveillant ou excédé et de veiller à ne pas devenir l'objet de manipulations de tiers désirant l'écartement de l'un des leurs100.
299Il a été jugé que n'a commis aucune faute quasi délictuelle à l'égard de la mère d'une patiente majeure souffrant de troubles mentaux, le médecin de celle-ci qui lui a opposé le secret professionnel, alors que la mère de sa patiente lui reprochait un manque de collaboration et un défaut d'information à son égard. Le manque d'informations données par ce médecin à la mère de sa cliente et à ses conseils au sujet de sa fille et du lieu de retraite de celle-ci s'expliquait par les nécessités de la thérapeutique adoptée ; son obligation de discrétion était d'autant plus absolue qu'il existait, en l'espèce, un conflit entre la patiente et sa famille, qui s'était cristallisé dans une procédure de mise sous conseil judiciaire. Les différents traitements appliqués à l'intéressée tendaient à l'amener à une autonomie psychologique et sociale. La mère de la patiente n'avait pu mettre en cause la responsabilité du psychiatre après le suicide de sa fille en lui reprochant, notamment, l'isolement dans lequel il l'avait laissée ; le médecin n'assume pas la responsabilité des risques de l'état mental d'un patient car il n'est tenu que d'une obligation de moyen et non de résultat101.
5. Quelques exceptions à la règle du secret
300114. Les soins requièrent que le patient sache que ce qu'il confie aux soignants sur lui-même et des tiers restera couvert par le secret.
301Ce principe connaît cependant des exceptions qui doivent être interprétées limitativement.
302a/ Dénonciation :
303115. L'article 30 du Code d'instruction criminelle prévoit que : "toute personne qui aura été témoin d'un attentat, soit contre la sûreté publique, soit contre la vie ou la propriété d'un individu, sera pareillement tenue d'en donner avis au Procureur du Roi, soit du lieu du crime ou du délit, soit du lieu où l'inculpé pourra être trouvé".
304Cet article n'est assorti d'aucune sanction pénale.
305116. L'article 20 de l'Arrêté Royal du 31 mai 1885 précise que : "tout médecin appelé dans des cas qui pourraient donner lieu à information judiciaire, tels, par exemple, que l'empoisonnement, en donnera connaissance sur-le-champ à l'autorité judiciaire". Cet article n'est également assorti d'aucune sanction pénale.
306117. Ces dispositions sont en contradiction avec l'article 458 du Code pénal. En pratique, les médecins respectent le secret médical et s'abstiennent de dénoncer les crimes ou délits commis par leurs patients et qui leur ont été confiés ou qu'ils ont surpris.
307Mais on admet que l'obligation au secret puisse s'atténuer lorsque le secret pourrait être, pour le patient, la cause d'un préjudice grave (dénonciation des sévices sur des enfants, dénonciation d'un empoisonnement criminel, dénonciation de séquestrations arbitraires, par exemple, de femmes, de personnes âgées102).
308Ainsi, l'article 61 du Code de déontologie médicale prévoit que, lorsque le médecin estime qu'un mineur est l'objet de sévices, de privation d'aliments ou de soins, il en informera les parents ou tuteurs ou les autorités judiciaires. Si le médecin acquiert la connaissance de séquestrations arbitraires ou de tentatives d'empoisonnement, il en informera les autorités judiciaires. Le mobile du médecin, dans ces cas, sera essentiellement la protection de la victime.
309Cette disposition est relativement récente (1975) ; il est possible qu'elle soit étendue à d'autres cas.
310118. Le respect du secret professionnel et, en conséquence, la non-intervention ne peuvent-ils donner lieu a une non-assistance à personne en danger sanctionnée par l'article 422 bis du Code pénal : "sera puni d'un emprisonnement de 8 jours à 6 mois et d'une amende 50, – à 500, – frs ou d'une des peines seulement, celui qui s'abstient de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu'il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention".
311L'appréciation de l'attitude adéquate est difficile et toute décision en ces matières devrait être adoptée après avoir pris conseil.
312119. A la lumière de ce qui précède, l'on constate que la règle du secret professionnel peut porter atteinte à certains intérêts légitimes, la non-divulgation d'un fait couvert par le secret professionnel pouvant ainsi bénéficier à un individu ou à un groupe d'individus. Par contre, la divulgation irait à l'encontre du principe général du secret qui est d'intérêt général et qui favorise les soins dans un climat de confiance.
313P. Monzein, dans un article Réflexions sur le secret médical103
314professionnel en décrivant un exemple : deux amis se disputent après avoir bu, l'un des deux blesse sérieusement l'autre, la scène s'est déroulée sans témoins, celui qui a frappé n'est pas considéré comme violent et n'a guère de risque d'être suspecté. En présence de l'hémorragie importante de la victime, deux réactions étaient possibles : prendre la fuite ou aller chercher un médecin. C'est la seconde solution qui a été choisie par l'auteur de la blessure. Si celui qui avait frappé n'avait pas eu une confiance totale dans la discrétion du médecin, il aurait peut-être agi différemment et le blessé serait mort.
315b/ Comparution en justice
316120. La règle selon laquelle le refus de témoigner constitue un délit, ne s'applique pas aux confidents nécessaires, par conséquent, aux soignants. Ceux-ci sont, en principe, libres d'apporter ou de refuser leur témoignage au juge. La loi leur permet d'apprécier en conscience s'ils doivent garder le silence ou s'ils peuvent rendre témoignage.
317Il est unanimement admis qu'en autorisant les soignants à révéler le secret professionnel lorsqu'ils témoignent en justice, on n'a pas entendu leur imposer cette obligation ; ils peuvent choisir entre le devoir de témoigner et le devoir de se taire, mais ce choix ne peut s'exercer que dans la mesure où les faits sur lesquels ils sont interrogés réunissent les deux conditions d'une révélation reçue par eux en raison de leur profession et dans l'exercice de celle-ci. Si ces deux critères ne s'appliquent pas ensemble à l'objet de l'interrogatoire, le soignant est un témoin ordinaire et il doit fournir à la justice le témoignage qu'elle lui demande.
318L'exercice du droit de refuser le témoignage est ainsi soumis à certaines règles que la jurisprudence et les usages ont établies :
le soignant peut être cité comme témoin en justice ;
le soignant ne peut refuser de prêter serment ; quitte à refuser de répondre à ce qui touche au secret professionnel. Il est préférable que le soignant fasse une déclaration, après sa prestation de serment, dans laquelle il précise qu'il fait celui-ci sous la seule réserve du secret qui le lie104 ;
c'est en conscience qu'il doit décider quels sont les faits qu'il ne peut révéler parce que couverts par le secret professionnel ;
l'autorisation de révéler le secret donné par le patient est sans pertinence à l'égard du soignant ;
le droit au secret professionnel n'est pas absolu, il peut être limité par les nécessités d'intérêt général qui le motivent et le justifient ;
l'exercice du droit au secret professionnel s'effectue sous le contrôle du juge : celui-ci a le droit d'apprécier, mais dans la seule mesure où il a connaissance des éléments de la question, si le secret est invoqué à bon escient105. Il appartient, en effet, au juge de vérifier si, d'après les éléments de preuve recueillis, le refus d'un médecin invoquant le secret professionnel de déposer au greffe de la juridiction, conformément à l'article 179 du Code judiciaire, des documents qu'il détient, ne détourne pas le secret médical de son but et est justifié par le caractère secret des faits constatés par lesdits documents106.
319121. L'infraction de violation du secret professionnel n'existe pas si le soignant est appelé à rendre témoignage en justice et accepte de rendre témoignage. Il ne dérive cependant de cette impunité aucune obligation de révéler le secret pour éclairer la justice. Ce principe se trouve inscrit dans l’article 929 du Code judiciaire qui dispose que : "est notamment tenu pour un motif légitime le secret professionnel dont le témoin est dépositaire".
320c/ Délivrance de certificats107
321d/ Défense en justice
322122. Lorsque le soignant est appelé à se défendre en justice, la dispense de secret s'impose par la nécessité de respecter les droits de la défense. L'intentement, par exemple, d'une procédure par le patient contre le soignant crée un conflit entre le devoir de discrétion et le droit de se défendre mais les déclarations et les révélations que le soignant peut être amené à faire ne doivent avoir lieu que dans les limites scrictes nécessaires à sa défense.
6. Cas particuliers
323a/ Communication et remise de documents
324123. La communication de documents couverts par le secret professionnel constitue une violation de celui-ci.
325On s'est demandé si un tiers invité, par application de l'article 871 du Code judiciaire, à produire un document, pouvait invoquer comme motif légitime le secret professionnel dont il était dépositaire. L'arrêt de la Cour de cassation du 30 octobre 1978108 répond par l'affirmative : "Les médecins se trouvent au nombre des confidents nécessaires auxquels l'article 458 impose l'obligation de garder le secret sur tout ce qu'ils ont ainsi eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.... Cette obligation d'ordre public et l'immunité qui en dérive quant au témoignage ou à la production du dossier médical en justice repose, en ce qui touche les médecins, sur la nécessité d'inspirer une entière sécurité à ceux qui doivent se confier à eux..."109.
326124. Les circonstances de l'arrêt de cassation du 30 octobre 1978110 étaient les suivantes : Victime d'un accident, un travailleur avait été soigné dans une institution hospitalière et l'assureur-loi de l'employeur avait cité ce dernier devant le Tribunal du travail pour entendre désigner un expert chargé de déterminer son état, sous réserve de savoir si l'accident avait ou non eu lieu sur le chemin du travail. En cours de procédure, l'assureur-loi avait demandé que le Tribunal ordonne la production du dossier médical et le dépôt de celui-ci au greffe. Le Tribunal du travail avait ordonné la production de ce dossier mais le médecin refusa de communiquer ce dossier. Le Tribunal avait estimé qu'il était important, dans le dossier, de connaître les déclarations qui ont été faites par l'intéressé lors de son arrivée à l'hôpital et quant aux circonstances de l'accident qu'il a indiquées.
327125. Lorsqu'au cours de procédures, des documents couverts par le secret professionnel ont été produits, ils doivent être rejetés des débats, il doit en être ainsi, par exemple, de documents rédigés post mortem par un médecin traitant et un kinésiste qui ont donné leurs soins à un patient111.
328b/ Perquisitions dans les établissements hospitaliers et les cabinets médicaux
329126. Le juge d'instruction peut pratiquer ou faire pratiquer des perquisitions et des saisies des établissements hospitaliers, les cabinets médicaux, avec certaines formes à observer en vertu des usages qui ont été établis en vue d'assurer le respect du secret médical.
Autant que possible, la perquisition doit se faire en présence du médecin.
Elle doit se faire en présence d'un membre du Conseil de l'Ordre.
Le juge d'instruction procède personnellement à la perquisition.
Le juge doit respecter, au cours de la perquisition, l'intérêt des malades étrangers à l'objet de la perquisition : le médecin doit ainsi s'opposer à la saisie de tout un fichier mais il doit accepter d'en retirer les fiches signalées par le juge.
Le président ou le membre du Conseil de l'Ordre ne peut s'opposer à la perquisition ni empêcher la saisie de pièces dans le cabinet du médecin, sauf à faire acter ses réserves. En cas de difficultés, le membre du Conseil de l'Ordre peut demander la mise sous scellés des documents saisis.
330127. S'il s'agit de recherches de preuves contre le patient, les soignants n'étant pas inculpés, la perquisition ne peut avoir pour objet la saisie de documents médicaux ou d'autres pièces relatives aux soins donnés à un malade par le médecin, parce que la recherche de preuves de cette nature contre le malade seul se trouve exclue par le secret médical. Dans ce cas, le délégué du Conseil de l'Ordre s'oppose à la saisie, en vertu du respect du secret professionnel. Si le juge d'instruction estime néanmoins devoir saisir les pièces, le délégué peut faire acter au procès-verbal ses plus expresses réserves sous l'angle du secret professionnel et demander que les pièces saisies soient placées sous un pli scellé qui sera signé par lui. Ce pli ne sera ouvert ultérieurement qu'en présence d'un membre du Conseil de l'Ordre.
331Lorsque le médecin n'est pas inculpé, le juge peut toujours le convoquer comme témoin et le médecin prêtera le serment de témoin. Il devra, en ce qui concerne le secret professionnel, agir selon sa conscience112.
332c/ Renseignements à la police ou à la gendarmerie
333128. L'hospitalisation tombe stricto sensu sous le secret professionnel. Cependant, celle-ci est connue de la gendarmerie ou de la police lorsqu'elle succède à un accident de la voie publique et est réalisée par l'intervention du service 900 (hypothèse à ne pas confondre avec l'hospitalisation par le service 900 lorsque celui-ci fonctionne comme ambulance privée).
334- Spécification des lésions
335129. Lorsque le patient est conscient et capable d'exprimer valablement sa volonté, on peut, avec son autorisation, donner une description générale des lésions, une évaluation de la gravité, une évaluation de la durée prévue d'incapacité de travail.
336On ne peut, en aucun cas, mentionner des éléments qui auraient pu jouer un rôle dans l'accident (par exemple, épilepsie, usage d'alcool, tentative de suicide, médications, etc...).
337Lorsque le patient est inconscient et/ou incapable d'exprimer valablement sa volonté et que le médecin a l'autorisation du représentant légal ou de fait du patient (par exemple, un enfant), on applique les mêmes règles que lorsque le patient est conscient).
338Lorsqu'il n'y a pas de représentant légal (parents ou tuteurs d'un mineur) ou de fait, une description générale peut être faite.
339Si le patient est décédé, le médecin qui remplit l'attestation destinée à l'état civil avec mention de la cause (naturelle, violente ou indéterminée) peut remettre la même déclaration à la gendarmerie ou à la police. Le médecin doit être certain qu'il s'agit bien d'une mort naturelle avant d'en faire la déclaration113.
340- Renseignements à la police ou à la gendarmerie en cas d'accident n'étant pas survenu sur la voie publique ou en un lieu public - Transport par le service 900 en tant qu'ambulance privée ou par d'autres moyens
341130. Comme le fait de l'hospitalisation est couvert par le secret professionnel, aucun renseignement ne peut être fourni à la gendarmerie ou à la police.
342Il arrive que la police ou la gendarmerie désire savoir si des patients présentant des lésions particulières, comme des blessures par balles ou des brûlures, ont été hospitalisés. Il est interdit de fournir une quelconque information à ce sujet.
343La direction de l'hôpital ne peut fournir des renseignements ni au nom du médecin, ni en son nom114.
344131. Il a été jugé que les renseignements concernant l'état d'ivresse d'un patient fournis par le médecin de garde ayant prodigué des soins à celui-ci, gravement blessé à la suite d'un accident, ne peuvent être retenus parce qu'ils résultent d'une violation du secret professionnel. Il incombe au directeur de l'établissement hospitalier, également tenu au secret professionnel, de refuser toute investigation mettant en danger les garanties accordées aux patients qui sont confiés à leurs soins115.
345132. Conclusion Nous avons tenté de décrire quelques principes juridiques et déontologiques qui paraissaient les plus importants en matière de traitement des malades et déficients mentaux. Nous avons, à l'occasion, signalé certaines pratiques des soignants.
346Ce travail est nécessairement incomplet ; il ne reflète pas l'ensemble des questions qui se posent dans la pratique quotidienne en psychiatrie.
347En effet, les questions traitées sont limitées à celles qui ont déjà été abordées par la doctrine et la jurisprudence, telles que les abus en matière de certificats médicaux, les fautes portant atteinte à l'intégrité physique, les manquements aux devoirs de respect à la personne humaine relativement à l'information, au consentement du patient, au secret professionnel, à l'accès au dossier médical et au pouvoir d'investigation des autorités judiciaires.
348Les considérations émises visent parfois ce qui devrait être, plus que ce qui est.
349L'on constate aussi que ce sont les exemples de la pratique médicale qui ont été principalement utilisés. Comme l'activité des infirmier(e)s, des paramédicaux, des psychologues, des travailleurs sociaux ne prend pas encore une place importante dans la littérature juridique, il a fallu se référer souvent aux dispositions légales et aux règles déontologiques s'imposant aux médecins car elles donnaient souvent une réponse concrète aux questions des soignants.
350132. Tantôt protectrices de l'individu, tantôt aliénantes, ces règles sont celles de notre système actuel de soins.
351L'examen, même rapide, de ces différentes règles permettra à toute personne intéressée par le problème d'y puiser des informations utiles dans l'approche juridique et d'en dégager certains éléments spécifiques, soit pour l'amélioration des relations soignants-soignés, soit pour la critique de certaines pratiques psychiatriques.
Notes de bas de page
1 Principalement, l'A.R. no 78 du 10.11.1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales.
2 Notamment le droit de la responsabilité professionnelle.
3 Il s'agit des codes de déontologie rédigés ou en voie d'élaboration ainsi que les règles déontologiques.
4 Bulletin, Conseil de l'Ordre des médecins du Brabant d'expression française, 1977, no 2, p. 53.
5 X. RYCKMANS et R. MEERT-VAN DE PUT, Les droits et les obligations des médecins, Bruxelles, 1971, t. I, no 207 et s. ; R. SAVATIER, Traité de droit médical, Paris, 1956, no 367.
6 Bulletin, op. cit., 1981, no 1, p. 34.
7 Article 67 du code de déontologie médicale : ce Code, élaboré en 1975, n'a pas encore été approuvé par arrêté délibéré en Conseil des ministres, conformément à l'article 15, § 1er, 2ème alinéa de l'A.R. no 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des médecins, mais il contient un ensemble de règles qui exposent les médecins à des sanctions disciplinaires s'ils ne les respectent pas : Sur le caractère obligatoire du Code de déontologie médicale, cf. Cass., 17 mars 1978, Revue de droit pénal, 1982, p. 899, note C. Louveaux ; Cass., 29 avril 1983, Vlaams Tijdschrift voor Gezondheidsrecht, 1984, p. 224, note H. Nijs.
D'autres textes de codes sont rédigés ou en voie d'élaboration par des associations professionnelles diverses n'ayant pas de compétence légale pour cette tâche. Exemples : Code de déontologie des psychologues, Code de déontologie des infirmier(ère)s, etc...
8 Sur l'ensemble de la question, cf. J. GILLARDIN et M. van de KERCHOVE, Malades et déficients mentaux, 1960-1980, in J.T., 1983, p. 426 et références citées.
9 Article 47 du Code de déontologie médicale.
10 Cf. infra., no 101.
11 Voir infra, no 22 et s.
12 Bulletin, op. cit., 1981, no 1, p. 34.
13 Bulletin, op. cit., 1961, no 1.
14 Ibidem, 1981, no 2, p. 54.
15 Bulletin, op. cit., 1980, no 1, p. 12 ; ibidem, p. 13.
16 Bulletin, op. cit., 1980, no 2, p. 54 ; R. MEERT-VAN DE PUT, Le certificat médical de capacité mentale, in Journées notariales 1983. Fédération royale des notaires de Belgique. Pour les incapables majeurs, un vide juridique ?, p. 5.
17 Bulletin, op. cit., 1978, no 2, p. 43.
Cf. aussi : Cass. 14 juin 1965, Pas., 1965, 1, p. 1102 ; Bruxelles, 9 mars 1972, Revue de droit pénal, p. 923 ; Mons, 9 décembre 1975, Rev. not., 1977, p. 123 ; Liège, 2 décembre 1976, Revue régionale de droit, 1978, p. 391 ;Cass., 30 octobre 1978, Bulletin d'information INAMI, 1979, p. 60,note R. Grosemans ; Bruxelles, 7 juin 1979, Rev. not., 1982, p. 43 ; Bulletin, op. cit., 1980, no 1, p. 13.
18 G. SCHUIND, Traité pratique de droit criminel, Bruxelles, 1980, t. I, p. 275.
19 RYCKMANS et MEERT, op. cit., t. I, no 159.
20 Corr. Charleroi, Rev. régionale de droit, 1985, p. 89 ; cf. aussi L. DUPONT, Valsheid in medische ge(tuig)schriften, in Vlaams tijdschrift voor gezondheidsrecht, 1984, p. 287.
21 R. DALCQ, Traité de la responsabilité civile, Bruxelles, 1962, no 1040.
22 Cf. référence citée dans RYCKMANS et MEERT, op. cit., t. I, no 148.
23 Bruxelles, 24 février 1971, Rechts. Weekbl., 1971-1972, col. 194, réformant civ. Malines, 26 mars 1969, Rechts. Weekbl., 1971-1972, col. 192.
24 Corr. Bruxelles, 27 septembre 1969, J.T., 1969, p. 635.
25 A propos de l'électrochoc, cf. Cass. fr., 2 décembre 1958, J.C.P., 1959, II, p. 11184, note R. SAVATIER.
26 Liège, 14 mars 1979, J.L., 1978-79, p. 417.
27 Lyon, 7 janvier 1952, D., 1952, p. 97.
28 Paris, 19 juillet 1944, D., 1945, p. 66.
29 Cass. fr., 26 novembre 1964, Gaz. Pal., 1965, I, p. 312.
30 Cf. infra, sur le consentement du patient, no 93 et s.
31 G. SCHUIND, op. cit., t. I, p. 372.
32 A. DECOUVRIERE, Le délit d'entretien de toxicomanie, in Journal des Procès,, 1984, p. 25 et jurisprudence citée.
33 Corr. Bruxelles, 1 février 1984, in Bull. INAMI, 1984, p. 347.
34 J. PENNEAU, La responsabilité médicale, Paris, 1973, no 254 et s. ; P. HERMANS et L. LAMINE, De aansprakelijkheid van het medisch team, in R.W., 1979, col. 807.
35 Cass. fr., 16 mai 1961, J.C.P., 1961, no 12315, note R. SAVATIER.
36 Civ. Bordeaux, 16 janvier 1950, Dall. Jur., 1950, p. 112.
37 Colmar, 2 mars 1961, cité par F. MARCOUX, Droit médical et déontologie, Paris, 1976, p. 228.
38 Cass. fr., 11 avril 1964, Rev. dr. pén., 1964-1965, p. 700.
39 Cass. fr., 13 janvier 1955, J.C.P., 1955, II, no 8560, note PAGEAUT.
40 KORNPROPST, JULLIEN et MATHIAS, Les auxiliaires médicaux, Paris, p. 98.
41 A propos du recours d'un employeur contre linfirmière préposée, mêmes règles que infra, no 49-50, en ce qui concerne le médecin préposé.
42 Voir R.O. DALCQ, op. cit., no 1157.
43 J. PENNEAU, op. cit., no 257 et s. ; R. DALCQ, op. cit., no 1128 et s.
44 Civ. Bruges, 17 octobre 1983, Vlaams Tijdschrift voor Gezondheidsrecht, 1984, p. 181.
45 Bruxelles, 12 janvier 1973, Pas. 1973, II, p. 78 et R.W., 1973-74, col. 199, obs. De Wilde.
46 Certaines décisions françaises anciennes retenaient cependant une obligation de résultat, cf. Lyon, 7 janvier 1952, D., 1952, p. 97 ; civ. Marseille, 29 novembre 1955, J.C.P., 1956, II, 9050 ; Civ. Marseille, 12 juin 1956, D., 1956, p. 515 ; Civ. 31 janvier 1961, D., 1961, 236 et Rev. trim. dr. civ., 1961, 180, obs. A. TUNC. ; sur l'ensemble de la question, voir DORSNER-DOLIVET, La responsabilité des cliniques en raison des accidents survenus aux malades mentaux, in Gaz. Pal., 1980, D., p. 458.
47 R. SAVATIER, op. cit., no 425 bis et 529.
48 J. JEANSON, op. cit., p. 111.
49 C.E. fr., 10 novembre 1961, Rec. cons. Et., (France), p. 639.
50 Voir référence citée dans la note F. MODERNE, sous Trib. adm. Nantes, 11 juillet 1966, D., 1966, p. 640.
51 Civ., 11 juillet 1961, Gaz. Pal., 1961, 2, p. 317, J.C.P., 1961, 4, p. 130 ; en ce qui concerne un accident survenu à une patiente âgée de 18 ans, qui séjournait dans un centre de post-cure et suivait la formation d'aide-soignante tout en continuant un traitement médical commencé après une première tentative de suicide, Cass., 23 février 1982, J.C.P., 1982, IV, p. 170.
52 F. MODERNE, op. cit..
53 Cass. civ. fr., I, 2 mai 1978, J.C.P., 1978, II, 18928, note R. SAVATIER.
54 C.E. fr., 14 juin 1963, D., 1964, p. 432, note R. SAVATIER. Cf., dans le même sens, C.E. fr., 18 janvier 1974, Rec. cons. Et., p. 50, cité par J. PENNEAU, note sous Cass. fr., 5 décembre 1978, D., 1980, J., p. 353.
55 J. PENNEAU, ibidem.
56 Paris, 2 mars 1976, Gaz. Pal., 1976, 2, Som., p. 319.
57 Cass. civ. fr., 7 mai 1981, Gaz. Pal., 1981, 2, som., p. 352.
58 Sur la responsabilité de l'Etat, A. VAN DEVELEN, De aansprakelijkheid jegens psychisch gehandicapten, in R.G.A.R., 1980, p. 40-41 ; cf. en France, C.E. fr., 3 février 1956, J.C.P., 1956, II, 9608, note DENIS-LEVY ; cf. aussi la responsabilité de l'Etat quand l'auteur de l'accident, interné dans un hôpital psychiatrique, a été libéré par le préfet agissant en qualité de représentant de l'Etat : C.E. fr., 31 décembre 1976, D.S., 1977, p. 191, note F. MODERNE.
59 Trib. Adm. Lille, 8 août 1973, Rec. Cons. d'Et., p. 805.
60 C.E. fr., 1er octobre 1975, Rec. Cons. d'Et., 1976, p. 1249.
61 Grenoble, 22 mai 1957, J.C.P., 1957, II, 10246, note R. SAVATIER ; Montpellier, 5 février 1960, Gaz. Pal., 1960, 2, Som. p. 12 ; Caen, 3-juillet 1961, J.C.P., 1961, IV, p. 180.
62 Cass. civ., I, 5 février 1963, D., 1963, p. 417, note R. SAVATIER.
63 Cass. civ., I, 31 janvier 1961, D., 1961, p. 236.
64 Cf. infra, no 46.
65 J. VEDRINNE, N. LERY et J. SABATINI, Ethique, droit et médecine, perspectives pédagogiques, in L. ROCHE, D. MALICIER, P. MAISONNEUVE, Droit et éthique médicale, vol. 2, éd. Masson, p. 235.
66 C.E. fr., 22 janvier 1936, cité par F. JEANSON, op. cit., p. 163 : un malade d'un asile avait trouvé la mort sous les coups que lui avait asséné, lors de son admission, un infirmier à la garde duquel il avait été confié.
67 G. SCHUIND, op. cit., p. 171 : le juge constate souverainement si l'acte de défense allégué a dépassé ou non les limites de la nécessité et était ou non proportionné à la gravité du danger qu'il s'agissait d'écarter.
68 C.E. fr., 4 novembre 1970, cité par F. JEANSON, op. cit., p. 163 ; voir aussi, quant à la non-responsabilité du médecin-chef de l'hôpital, ibidem, p. 164 : la psychothérapie de groupe est conforme aux données actuelles de la science ; les réactions du malade agresseur, dans ce contexte, n'avaient pas été anormales jusqu'au moment de son passage à l'acte, qui a présenté un caractère soudain et imprévisible. Concernant le rassemblement de malades différents dans le même pavillon, le médecin avait, à maintes reprises, demandé la création de chambres d'isolement pour malades difficiles mais, malgré l'avis favorable de la commission de surveillance, ces chambres n'ont pu être construites (refus de l'administration).
69 Trib. Grande Instance de la Seine, 9 janvier 1962, cité par F. JEANSON, op. cit., p. 165.
70 Bruxelles, 8 mai 1985, confirmant Corr. Nivelles, 8 juin 1984 (inédit).
71 X. DIJON, Le sujet de droit en son corps, Bruxelles, 1982, no 1955.
72 F. JEANSON, op. cit., p. 235.
73 Cass. fr., 26 novembre 1969, cité par J. JEANSON, ibidem, p. 239.
74 Cass. fr., 13 janvier 1955, cité par J. JEANSON, ibidem, p. 237.
75 J. du JARDIN, La jurisprudence et l'abstention de porter secours, in R.D.P., 1983, p. 955.
76 Trib. Adm., 7 décembre 1977, cité par F. JEANSON, op. cit., p. 172 ; cf. aussi, supra, no 68.
77 Cf. aussi la charte de la santé publiée par le Groupe d'étude de réforme de la médecine, Bruxelles, 1984, proposant :
a) un débat élargi et une politique de prévision ;
b) une politique de santé globale ;
c) une rigueur non seulement économique mais aussi soucieuse de "santé" ;
d) de poursuivre et d'appuyer les efforts de justice et d'égalité sociale ;
e) de stimuler la participation de la population ;
f) d'élargir et de renforcer la collaboration de différents professionnels de la santé ;
g) de fournir les services adéquats au coût le plus avantageux pour la collectivité, tout en préservant au maximum l'autonomie de l'usager ;
h) d'expérimenter et d'évaluer différentes formules de financement des soins ;
i) de développer la recherche et d'adapter ses conditions de fonctionnement ;
j) de tendre vers une adéquation de l'offre aux besoins.
78 R. GROSEMANS, La liberté individuelle dans le cadre de l'assurance maladie-invalidité, in La liberté individuelle face à 1'évolution sociale et scientifique de la médecine, Bruxelles, 1976, no 5, p. 12.
79 En ce qui concerne les maladies vénériennes, cf. l'A.L. du 24 janvier 1945 et l'A.R. du 1er mars 1971 relatif à la prophylaxie des maladies vénériennes.
80 Sur l'ensemble du problème, cf. X. DIJON, op. cit.
81 Art. 123 du Code de déontologie médicale.
82 Article 11, A.R. no 78 du 10 novembre 1967 sur l'art de guérir.
83 Voir cependant sur l'étendue du droit à l'information : J.L. FAGNART, La responsabilité civile, in J.T., 1976, p. 596 ; R.O. DALCQ, Examen de jurisprudence 1973-1979, in R.C.J.B., 1980, p. 385, no 36 ; L'évolution de la responsabilité médicale, in Bull. Ass., 1981, p. 642 ; La responsabilité des professions libérales, in Revue régionale de droit, 1979, p. 991 ; H. NYS, De toestemming van de patient, in Vlaams tijdfschrift voor gezondheidsrecht, 1984, p. 259 ; M. PUELINCKX-COENE, Vrijgevigheid. Een privilege voor gezonden van geest, in R.W., 1979-80, col. 512 ; M. MAHIEU, La responsabilité des professions libérales, in Responsabilité et réparation des dommages, Bruxelles, 1983, p. 248 et décisions citées.
84 Cf. infra, note 1, p.
85 P. GHESTIN, op. cit.
86 RYCKMANS et MEERT, op. cit., no 578.
87 Cf. aussi Cass., 23 décembre 1983, J.C.P., 1984, IV, p. 39 : un chirurgien dentiste avait été hospitalisé d'urgence dans un Centre psychiatrique ouvert : il a été jugé qu'il n'y avait pas eu d'hospitalisation contraire à la volonté du patient.
88 Cf., par exemple, la formulation de l'article 32 du Code de déontologie médicale "Librement choisi ou non, le médecin ne prendra que des décisions dictées par sa science et sa conscience".
89 Article 33 du Code de déontologie médicale. En principe, le pronostic doit être révélé au patient. Un pronostic grave peut cependant légitimement être dissimulé au malade. Un pronostic fatal ne peut lui être révélé qu'exceptionnellement et avec grande circonspection, mais il doit l'être généralement, et en temps opportun, à l'entourage à moins que le patient n'ait préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite.
J. VEDRINNE, N. LERY, J. SABATINI, Ethique, droit et médecine, perspectives pédagogiques, in Droit et éthique médicale, vol. II, p. 238 ; sur le droit des malades à l'information, cf. également J. MASSION, Le droit du malade à l'information, in Bulletin d'éducation du patient à sa maladie, 1983, no 4 ; C. GEETS, Vérité et mensonge médical dans la relation au malade, in Revue théologique de Louvain, 1984, p. 331-345.
90 Article 13, A.R. no 78 ; sur la transmission en médecine préventive, cf. article 14, §. 1, même arrêté.
91 Sur le refus de soins des témoins de Jéhovah, voir Bulletin, op. cit., no 32, 1983-1984, p. 23.
92 Corr. Charleroi, 27 juin 1974, J.T., 1975, p. 28.
93 Trav. Namur, 22 mai 1978, Pas., 1979, III, p. 28 : renvoi pour motif grave d'une auxiliaire médicale ayant violé le secret professionnel.
94 Article 458 du Code pénal : les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punies d'un emprisonnement de 8 jours à 6 mois et d'une amende de 100,- à 500,- frs (x 60).
95 Article 64 du Code de déontologie médicale ; Cass., 30 octobre 1978, précité ; Trib. Trav. Mons, 5 septembre 1980, J.T., 1980, 742, note R. Grosemans.
96 Cass., 30 octobre 1978, Pas., 1979, I, p. 248.
97 Bruxelles, 11 mars 1969, J.T., 1969, p. 334 ; cf. aussi C. DECOSTER, Het medisch beroepsgeheim in en rondom het ziekenhuis, in Vlaams tijdschrift voor gezondheidsrecht, 1981, no 5, p. 1.
98 Art. 129 du Code de déontologie médicale.
99 RYCKMANS et MEERT, op. cit., t I, no 175 ; G. FLECHEUX, Le secret médical, in F. JEANSON, op. cit., p. 217 ; MELENNEC et BELLEIL, Le secret professionnel à l'égard de la famille, in Gaz. Pal., 1974, 2, D., p. 832.
100 J. DE GEYTER, La liberté individuelle face à l'évolution de la psychiatrie, in La liberté individuelle face à l'évolution sociale et scientifique de la médecine, Bruxelles, 1976, no 5, p. 42.
101 Civ. Bruxelles, 22 août 1983, (inédit), confirmant J.P. Ixelles, 18 juin 1976 (inédit).
102 R. GROSEMANS, Le secret professionnel du médecin comparant en justice, in Protection de l'individu et secret professionnel, Bruxelles, 1978, no 7, p. 97.
103 Rec. Dalloz, 1984, Chron., p. 12.
104 RYCKMANS et MEERT, op. cit., no 196 ; G. SCHUIND, op. cit., t. 1, p. 422A.
105 R. GROSEMANS, Le secret..., op. cit., Cass., 23 juin 1958, J.T., 1958, p. 597, note L. CARLIER.
106 Cass., 30 octobre 1978, ibidem.
107 Cf. supra, no 8.
108 Cf. supra, no 109.
109 Cf. aussi Bulletin, op. cit., 1976-1977, no 25, p. 34 ; Mons, 16 janvier 1976, Bull. inf. INAMI, 1976, no 4, p. 256 et s. ; Article 877 du Code judiciaire.
110 Bull. INAMI, 1979, no 1, p. 55, note R. GROSEMANS.
111 Mons, 9 décembre 1975, Pas, 1976, II, p. 159.
112 Bulletin, op. cit., 1982-1983, no 31, p. 37.
113 Ces indications sont données au médecin dans le Bulletin officiel de l'Ordre des médecins, 1982-1983, no 31, pp. 25 et suiv.
114 Ibidem
115 Pol. Charleroi, 5 février 1982, J.J.P., 1983, p. 115 ; cf. aussi Cass., 19 mai 1982, Jur. Liège, 1983, p. 1, note F. PIEDBOEUF.
Auteur
Avocat au Barreau de Bruxelles, Maître de conférences à l'Université catholique de Louvain
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