Le maintien de l'ordre en 1884. Les manifestations d'août et de septembre à Bruxelles
De ordehandhaving. De manifestaties te Brussel in augustus-september 1884
p. 99-149
Résumé
Het katholieke kabinet dat na de verkiezingen van 10 juni 1884 aan de macht kwam, maakte al vlug werk van een nieuwe onderwijswetgeving. Dit lokte een hevige liberale reactie uit. Die bereikte een hoogtepunt toen de minister van Binnelandse Zaken, Victor Jacobs, een ontwerp in het parlement indiende dat de Staat van zijn onderwijsmonopolie beroofde. De clerico-liberale "burgeroorlog" die daarop ontbrandde, stelde het politieke probleem van de ordehandhaving te Brussel. De liberale burgmeester Buls, zelf een heftig tegenstander van de katholieke schoolpolitiek, wilde de verantwoordelijkheid voor de ordehandhaving in de hoofdstad niet uit handen geven.
Op 5 en 6 augustus was het eerste rumoer op straat te merken. In tegenstelling tot het kabinet-d'Anethan, dat in 1871 ten val was gekomen ingevolge zijn zwak verweer tegen het straatgeweld, besliste de regering-Malou van meetaf aan blijk te geven van standvastigheid. Met een krachtdadige opstelling wilde ze vermijden dat het straatgewoel de koning zou beïnvloeden. Meteen wilde zij de lokale administratie ertoe aanzetten de volledige rust te verzekeren. In de avond van 6 augustus ging de regering, zonder instemming van de lokale autoriteiten, over tot het opeisen van leger en rijkswacht. Dit was te Brussel nog nooit eerder gebeurd. Na een tussenkomst van de Brusselse verkozenen werd deze maatregel onmiddellijk ingetrokken maar de Brusselse overheid werd door dit krachtig optreden wel gedwongen tot het uitvaardigen van strikte maatregelen: iedere samenscholing werd verboden in de parlementaire zone. Het debat in de Kamer kon nadien in alle kalmte verlopen. Hierdoor kreeg de regering opnieuw vertrouwen in het Brussels bestuur.
Vanaf 30 augustus evenwel, wanneer het wetsontwerp in de Kamer werd gestemd, hernam de agitatie met volle kracht. De katholieken beslisten de liberale massamanifestatie van 31 augustus te beantwoorden. Op 7 september werden 80.000 katholieke manifestanten gewelddadig uiteengejaagd door talrijke tegenbetogers die duidelijk op de steun konden rekenen van een groot deel van de Brusselse bevolking. Buls had alle krachten die hem direct ondergeschikt waren, opgeëist: 4.500 leden van de burgerwacht, 80 rijkswachters, 500 politie-en brandweermannen. Op het leger had hij echter geen beroep willen doen. Er brandde onmiddellijk hevige kritiek los op het weinig efficiënte optreden van de - antiklerikale! - burgerwacht. De regering van haar kant had het niet aangedurfd de verantwoordelijkheid te nemen om het leger in te schakelen zonder de toestemming van de burgmeester. Het risico op een bloedbad was te groot en bovendien waren de meeste officieren niet bepaald re geringsgezind.
De gebeurtenissen van 7 september hadden alleszins belangrijke gevolgen voor de ordehandhaving. De volgende dag besloot Buls in de toekomst alle politieke manifestaties te verbieden, terwijl de regering van haar kant het stedelijk garnizoen versterkte. Op 15 september beschikte generaal Van der Smissen over 3.200 manschappen en over 4 batterijen van elk 6 kanonnen. Daarenboven werden 5 bataljons van elk 1.500 man beschikbaar gehouden om bij het eerste bevel naar Brussel te trekken.
De publiciteit die in de pers aan de genomen maatregelen werd gegeven, bracht de gemoederen zeker niet tot bedaren. Men sprak zelfs van provocatie. De vermelde maatregelen dwongen Buls echter om strengere richtlijnen aan'zijn politieapparaat te geven. Toen eind september, naar aanleiding van het mislukken van het "Compromis der Steden", antikoningsgezinde demonstraties plaatsvonden, werden die, op instructie van Buls, snel beteugeld.
Op 22 september werd de onderwijswet in het Staatsblad gepubliceerd. Dezelfde dag riep Buls de Brusselaars op cm bij de volgende gemeenteraadsverkiezingen, op een wettelijke wijze, hun standpunt kenbaar te maken. De openbare rust werd nadien niet meer verstoord. De regeringswisseling na de verkiezingen van 19 oktober maakte een einde aan de crisis.
Texte intégral
1Après le raz-de-marée catholique du 10 juin 1884, la volonté du nouveau gouvernement d'anéantir l'oeuvre scolaire des libéraux créa une agitation très vive qui atteignit son paroxysme lorsque le ministre de l'Intérieur Victor Jacobs présenta un projet dépouillant l'Etat de son monopole sur l'enseignement primaire1. Cette atmosphère, que d'aucuns ont qualifiée de "guerre civile", envahit les grandes villes du pays, et surtout Bruxelles, rendant ainsi la question du maintien de l'ordre à la fois cruciale et épineuse. Cruciale, parce que Bruxelles abritait le Parlement et les résidences royales. Epineuse, car la capitale était le fief principal du libéralisme en Belgique, et parce que son bourgmestre Charles Buls entendait à la fois répondre seul de la tranquillité de sa commune et militer résolument contre la politique catholique en matière scolaire2. On se propose ici de déterminer quelles furent les incidences de cet état de choses sur le maintien de l'ordre3, au moment où le problème s'est posé avec le plus d'acuité, pendant les mois d'août et septembre 1884, quand le projet Jacobs fut discuté, voté puis présenté à la signature du Roi4. Cet exposé comprendra trois chapitres. De ces événements, il se dégage en effet trois phases, qui correspondent à autant de temps forts de la genèse de la loi comme à autant de méthodes différentes de pression sur le Pouvoir :
- La première phase s'étend du 5 au 30 août : elle correspond aux discussions à la Chambre, lorsque des rassemblements tumultueux se formèrent aux abords du Parlement.
- La deuxième phase s'étale du 3 0 août au 17 septembre, soit du vote favorable à la Chambre à l'échec du Compromis des communes auprès du Roi. Cette période est caractérisée par les manifestations de masse libérale et catholique destinées à influencer le souverain.
- La troisième phase enfin, qui s'écoule du 17 septembre à la fin du mois, va de l'échec du Compromis à la promulgation de la loi. Elle coïncide avec une agitation antidynastique, organisée par bandes tapageuses à travers la ville.
Du 5 au 30 août : le "siège du Parlement"
2Déposé le 23 juillet, le projet Jacobs déclencha d'emblée un très large mouvement d'opposition dans la capitale. La presse libérale entra en campagne suivie de près par le conseil communal de Bruxelles5 qui, sur l'initiative de Buls, envoya dès le 31 une adresse invitant le gouvernement à rejeter un texte "destiné à détruire notre enseignement public"6. Le 2 août, le maïeur bruxellois réunissait les bourgmestres de l'agglomération afin d'établir une ligne de conduite ; deux jours plus tard, il décidait avec son collègue d'Anvers, Léopold de Wael, de mettre sur pied une assemblée générale des bourgmestres libéraux pour combattre le projet par "tous les moyens légaux"7. Devant une telle levée de boucliers et l'agitation qui allait bientôt se faire sentir aux abords du Parlement, le gouvernement était résolu à adopter une attitude très ferme : le ministère Malou voulait à tout prix éviter la réédition des événements de novembre 1871 qui avaient entraîné la chute d'un cabinet catholique, dont la timidité face aux troubles lui avait été fatale8. A l'inverse du ministère d'Anethan, le gouvernement du 16 juin était absolument déterminé à montrer sa force au Roi, à éviter que les bruits de la rue ne l'influencent et, pour ce faire, à stimuler l'administration locale à garantir l'ordre le plus absolu9. Ainsi, quelques heures avant le début de la discussion à la Chambre, Malou s'empressa de rassurer Léopold II en lui écrivant : "Certains éléments libéraux semblent vouloir provoquer des manifestations destinées à se substituer aux délibérations du pouvoir législatif. Le cabinet ne se laissera pas troubler par ces manifestations, qui ne paraissent pas du reste avoir grande importance..."10. Les 5 et 6 août, une centaine de manifestants huèrent copieusement et sans vergogne le chanoine de Haerne et les députés catholiques à leur sortie de la Chambre. Le 6 au soir, le gouverneur Dolez11, mandé par Jacobs, ordonna, sans demander l'avis de l'autorité locale12, aux carabiniers de la garnison et à la gendarmerie de se porter le lendemain aux abords du Parlement.
3Cette démarche était sans précédent à Bruxelles. Soulignons en effet que si les dispositions législatives sur le maintien de l'ordre stipulaient que le bourgmestre et le gouverneur pouvaient requérir concurremment l’armée et la gendarmerie, il était d'usage dans les grandes villes, et en particulier à Bruxelles, que le bourgmestre s'occupe en priorité de la tranquillité publique dans sa commune13. Il convient aussi d'ajouter que les instructions et circulaires concernant l'intervention de l'armée spécifiaient que la troupe devait agir en cas de troubles et après épuisement des autres forces14. Or, en l'occurrence, il ne s'agissait point d'une "émeute" mais, pour reprendre l'expression du Journal de Bruxelles lui-même, de simples "polissonneries politiques"15. De plus, la garde civique n'avait même pas encore été convoquée par l'autorité communale. Enfin, il n'y eut aucune véritable concertation entre le cabinet et cette même autorité locale qui, de surcroît, fut avertie trop tard !16. Aussi, dès qu'ils aperçurent les premiers gendarmes parcourir la rue de la Loi, le matin du 7 août, les membres du Collège des bourgmestre et échevins se réunirent d'urgence et prièrent Malou et Jacobs de donner contre-ordre, moyennant quoi tout serait mis en oeuvre pour empêcher le moindre tumulte aux alentours des Chambres17. Le gouvernement acquiesça mais tint à insister sur cette démonstration de fermeté lorsque, dans l'après-midi, Jacobs rendit compte à la Chambre des événements de la matinée et en profita pour stigmatiser la "politique de grande voirie" : "... les mouvements de la rue, déclara-t-il, insignifiants ou sérieux, sont des mouvements d'autant plus coupables que, dans notre pays, la liberté est plus complète que partout ailleurs"18. Et le ministre de poursuivre, péremptoire : "que la Chambre en soit persuadée, le gouvernement tient à ce que la représentation nationale soit respectée et elle le sera !"19. Qualifié d'abus de pouvoir par Rolin-Jaequemyns, traité d'illégal par Bara et Lippens20, cet "acte d'énergie"21 eut une double répercussion : il accentua l'excitation des esprits et, dès le 8, les journaux libéraux crièrent à la provocation22 ; il contraignit aussi l'autorité locale à décréter désormais des mesures très strictes pour que cesse toute manifestation tapageuse autour du Parlement. Dans l'après-midi du 7 août, 1’échevin Walravens, ff. de bourgmestre, transforma la zone parlementaire en une zone neutre avant la lettre : tout rassemblement suspect y fut rigoureusement interdit. On disposa, rue de Louvain, une centaine de policiers et de gardes civiques, soutenus par une quarantaine de pompiers armés de leur lance d'incendie, tandis que les rues de l'Enseignement et de la Presse furent barrées23.
4Grâce à ces initiatives, les délibérations continuèrent paisiblement, dans la tranquillité la plus complète, et cela contribua à redonner au gouvernement confiance en l'autorité locale. Une confiance qui devait encore être renforcée, début août, lorsque catholiques et libéraux descendirent conjointement dans la rue pour y défendre leurs opinions divergentes. Le 5, Buls avait autorisé les associations libérales à organiser une manifestation le dimanche 10 août, pour remettre une pétition au Parlement. Soucieuses de ne pas être de reste, l'association conservatrice, la fédération des indépendants et l'Union nationale pour le redressement des griefs répliquèrent et exhortèrent leurs adhérents : "La rue appartient à tout le monde, proclamèrent-elles. Nous opposerons manifestation à manifestation. Attaqués dans la rue, nous saurons nous défendre dans la rue"24. Les catholiques demandèrent au bourgmestre de pouvoir manifester le même jour que leurs opposants25. Plutôt que d'interdire le cortège clérical, au risque de se voir traiter de sectaire, Buls l'autorisa et eut l'idée originale de prescrire à chaque camp un itinéraire précis : les boulevards du centre aux libéraux, la rue de la Régence et la rue Haute aux catholiques26. Cette expérience périlleuse réussit pleinement. On ne déplora aucune bagarre sérieuse et la gendarmerie, consignée, ne dut même pas sortir de sa réserve27.
5La proclamation affichée par Buls le lendemain 1 1 août ne put également que rassurer le ministère sur les intentions du bourgmestre : Buls y préconisait "que les manifestations de la rue prennent fin et que les opinions politiques se cantonnent à trouver leur expression dans la presse, dans les manifestes, les associations, dans les conseils communaux"28. Ainsi, pendant toute la discussion à la Chambre, la rue demeura calme. Cette tranquillité apparente dissimulait néanmoins un malaise profond qui ne cessait de s'intensifier et ne laissait pas le Roi indifférent29. De sorte que, pour éviter tout désordre, le gouvernement décida de hâter le vote de la loi. Le résultat de celui-ci, nous allons le voir, ne fit pourtant que détériorer l'atmosphère.
Du 30 août au 17 septembre : le "siège du Roi"
6Le 30 août, le nouveau projet sur l'enseignement primaire passait à la Chambre avec une majorité confortable : 80 voix contre 49 et 2 abstentions30. Il va sans dire que les libéraux acceptèrent fort mal ce verdict ; ils se mobilisèrent aussitôt pour entamer ce que les quotidiens catholiques ont appelé le "siège du Roi". Dès le 18 août, les associations libérales avaient projeté de se rassembler le 31 pour remettre une pétition au souverain. La riposte des cléricaux et des indépendants ne se fit pas attendre : désireux de prouver que dans ce domaine, ils étaient aussi les "maîtres"31, ils revendiquèrent également le droit de défiler dans la ville, le même jour que leurs adversaires. Oubliant sa recommandation du 11 août, Buls accueillit favorablement la demande de ses coreligionnaires mais refusa celle des associations conservatrices. A leurs délégués, le bourgmestre répondit que, vu l'échauffement des esprits, il estimait ses effectifs nettement insuffisants pour protéger deux mouvements de masse parallèles et antagonistes32. "C'est un acte arbitraire et injustifiable", un "coup de parti", lança la presse catholique, mécontente33. Le Journal de Bruxelles avait, il est vrai, prédit qu'empêcher les deux manifestations de se produire en même temps serait "provoquer et surexciter la population"34. Si nous ne saurons jamais ce qu'il serait advenu si Buls avait décidé de rééditer l'essai géminé du 10 août, observons toutefois que le gouvernement, qui considérait comme "indispensable"35 la maîtrise de la rue par ses partisans36, cautionna la décision du bourgmestre en intervenant personnellement auprès des organisateurs catholiques pour qu'ils reportent la date de leur manifestation, ce qu'ils acceptèrent. Dès l'annonce de la démonstration libérale, Malou avait écrit à Léopold II : "Les catholiques de Bruxelles et surtout des provinces sauront-ils comprimer leur légitime indignation ? Avertis huit jours à l'avance, il leur est facile de réunir à Bruxelles autant de milliers de contre-manifestants qu'ils le voudraient, fût-ce 25 à 30.000 ; ils pourraient administrer une correction qui dégoûterait les autres de recommencer. Si j'étais un cannibale, comme disent certains journaux, je conseillerais cela pour en finir, mais je me propose au contraire de le déconseiller et de faire prévaloir par d'autres moyens légaux le voeu de l'immense majorité du pays. J'espère que ces conseils seront entendus"37.
7Le 31 août, la démonstration libérale se déroula sans heurts. Les manifestants - moins de 30.000, selon les observateurs catholiques38, 50 à 100.000 selon les feuilles bleues39 - parcoururent pacifiquement la ville suivant l'itinéraire établi40, sans être perturbés, aux cris d'"A bas Malou" et scandant le célèbre "Oh Vanden Peereboom !"41. Huit jours plus tard, la contre-manifestation catholique allait par contre tourner à la débandade...
Le guet-apens du 7 septembre
8Pourtant, dès le 1er septembre, Charles Buls avait promis sur l'honneur aux délégués catholiques et indépendants de maintenir l'ordre. Il oeuvra en ce sens. La presse ayant haussé le ton durant la semaine, le bourgmestre invita les rédacteurs de la Chronique, de l'Indépendance et de la Gazette à publier des appels au calme, et les journaux catholiques leur emboîtèrent le pas42. Sachant en outre que chaque camp avait réuni ses forces - jeunes gardes libéraux d'un côté, stokslagers de l'autre43 - le bourgmestre prit des mesures préventives exceptionnelles. Comme pour le 31 août, il prescrivit un itinéraire précis44, publia, la veille de la manifestation, un arrêté interdisant tout autre rassemblement que le cortège autorisé et il requit toutes les forces de police dont il pouvait disposer45. Buls prévit que 157 policiers, assistés par 30 agents fontainiers et répartis en onze postes fixes, escorteraient le cortège46. Quatre mille cinq cents gardes civiques seraient au surplus répartis le long du parcours, à 1'hôtel de Ville, au Waux-Hall et dans le haut de la ville47. Enfin, les pompiers et tous les gendarmes de la brigade de Bruxelles disponibles seraient aussi appelés à protéger les manifestants48. Au total donc, cinq mille hommes prêts à agir, presque quinze cents de plus que lors de la manifestation libérale ! Il convient de remarquer qu'en la circonstance, Buls prit seul ses responsabilités. Bien que l'administrateur de la sûreté prévît une campagne de sifflets49 et que le parquet informât le ministre de la Justice Woeste de ses appréhensions50, le cabinet demeurait serein51 : les événements du mois d'août l'avaient confirmé dans son sentiment que Buls protégerait le cortège avec succès52. Aussi se limita-t-il à consigner la garnison dès midi, alors que ses effectifs étaient amputés-il restait mille fantassins et cinq cents cavaliers53 -, un contingent important se trouvant au camp de Beverloo pour les manoeuvres annuelles. Cet optimisme se révéla excessif. Dès 10 h 1/2, une nuée continue de sifflets et d'injures se répandit sur les groupes de provinciaux sortant des trois gares. Les manifestants réussirent néanmoins à joindre sans trop de peine leur point de concentration, le boulevard du Midi, où bientôt l'énorme cortège - 80.000 personnes - commença à défiler, emporté par les instruments de cent vingt sociétés de musique. Il était 13 h 30. Vers 14 h, à hauteur de la Bourse, une forêt de cannes et de gourdins54 assaillit le bout du cortège. Il s'ensuivit une bagarre générale qui dura quatre longues heures55. Vers 18 heures, l'ordre fut rétabli, mais la démonstration cléricale avait été complètement perturbée : dispersés, les catholiques de province durent fuir lamentablement vers les gares et rares furent ceux qui atteignirent le palais royal, terme prévu du parcours56. Notre pays venait d'assister, ce dimanche-là, aux "scènes les plus ignobles de son histoire"57...
La responsabilité du bourgmestre
9Début août, le Journal de Bruxelles avait menacé : "à la première défaillance du bourgmestre, nous crierons à la trahison et nous saurons agir à notre tour"58. Au lendemain du 7, les feuilles catholiques tirèrent à boulets rouges sur la police, la garde civique et surtout sur Charles Buls, ce "baron félon de l'assommoir"59, ce bourgmestre des gredins"60 dont la participation à ce "complot ourdi par les loges"61 leur paraissait évidente. La "rébulsion"62 commença ! Les cléricaux accusèrent le bourgmestre d'incurie, de complicité dans le "guet-apens du 7 septembre"63. Dans ses "Commotions populaires en Belgique", Frans van Kalken défend Charles Buls et semble conclure que son attitude fut sans reproche64. Une analyse approfondie des événements, basée notamment sur les archives du parquet général, m'oblige cependant à apporter quelques nuances à cette appréciation. On peut certes alléguer en faveur de Buls que, si le bourgmestre avait donné sa parole qu'il maintiendrait l'ordre, il ne pouvait pour autant assurer que le cortège avancerait paisiblement65 ; que toutes les forces mises à disposition avaient été réquisitionnées, mais qu'il aurait fallu beaucoup plus de cinq mille hommes pour protéger une masse66, dont la seule présence signifiait une véritable provocation67. Et un défi d'autant plus évident que certains manifestants arboraient des cartels injurieux68 et que d'autres s'étaient munis comme leurs agresseurs de gourdins et de cannes plombées69. Les résultats de la répression judiciaire nous édifient à cet égard : parmi les 81 catholiques arrêtés70, plusieurs furent condamnés pour coups et blessures volontaires et quelques-uns pour port d'armes prohibées71. Buls doit donc, semble-t-il, être lavé de l'accusation de trahison. Cependant, il n'en a pas moins commis certaines erreurs stratégiques de taille72. Dans la tradition de ses prédécesseurs, Buls supervisa toutes les initiatives préventives concernant aussi bien la police et la garde civique que la gendarmerie ; et, le dimanche, il se trouvait à l'Hôtel de Ville, où il était, par voie télégraphique, régulièrement informé et où il adressait ses ordres à ses subordonnés73. Or, deux jours avant la manifestation, on lui avait signalé les points les plus vulnérables du parcours, soit la place Fontainas, la Bourse et le boulevard central74. Buls disposa alors d'urgence deux pelotons de gendarmes à la Bourse et pria le général Stoefs75, commandant supérieur de la milice citoyenne, de concentrer une partie de ses effectifs aux alentours de ces endroits76. Mais cela ne faisait que 1.800 hommes sur les 5.000 disponibles car Buls conserva la division du parcours en trois zones de protection s'étendant sur plusieurs kilomètres et pourvues de forces importantes77. Cette dissémination excessive s'avéra néfaste78 : les gardes civiques postés rue Haute, par exemple, restèrent inactifs durant toute la bagarre et, comme les carabiniers d'Offenbach, ils ne purent que contempler les dégâts79. Tout aussi discutable était le placement des postes de gardes civiques le long du parcours. Comme l'indique le plan ci-joint, ils se situaient à l'extérieur de l'équerre formée par l'itinéraire lorsque le cortège fut attaqué. Le côté intérieur n'était défendu que par quelques carrés de police composés de cinq agents, ce qui permit aux perturbateurs d'agresser les manifestants de ce côté puis de se replier plus facilement dans le dédale des rues étroites et sinueuses longeant la Grand' Place80. Enfin, lorsque, vers 14 heures, une dépêche télégraphique lui signala la bagarre à la Bourse, le bourgmestre ne transmit aucun ordre pour interrompre momentanément le cortège, puis déblayer le terrain, ce qui eût été plus commode que de s'ingénier désespérément à faire avancer les manifestants, coûte que coûte, à quatre de front, dans un couloir aussi étroit que dangereux.
Le comportement de l'appareil policier
10Il va sans dire que ces maladresses n'ont pas facilité la tâche des forces de l'ordre qui, elles aussi, durent subir le feu de la critique.
11Examinons tout d'abord le cas de la police. Certains catholiques la taxèrent de malveillance81, la plupart d'entre eux soulignèrent son impuissance82. En réalité, le corps, dans son ensemble, tenta de suivre les instructions de Buls : agir avec "tact et prudence"83, n'employer les armes qu'après sommation sur ordre des officiers, et n'utiliser que le plat du sabre84, faire preuve aussi d'énergie en dressant le plus de contraventions possibles et en réprimant toute atteinte aux personnes et aux propriétés85. La police a donc agi le 7 septembre : elle dressa 238 procès-verbaux, opéra 198 arrestations, dont celles de 101 libéraux notoires86. Agents et officiers se sont également battus, mais sans faire usage de leurs armes87 : on décompte 61 blessés dans leurs rangs, auxquels se joignirent 19 pompiers88. Au demeurant, c'est incontestable, ils furent submergés. "La police a fait son devoir avec beaucoup d'impartialité"89, écrivit le procureur du Roi Willemaers, mais elle ne pouvait rien vu la pauvreté de ses effectifs90. De surcroît, la gendarmerie ne la seconda pas toujours avec la rapidité requise91 et, plus grave encore, les gardes civiques ne lui apportèrent pas l'appui nécessaire.
12L'avocat Alexandre de Burlet, qui manifesta le 7 septembre, résuma le sentiment de bon nombre de ses amis par cette formule tranchante : "la garde civique a été l'obstacle principal à notre légitime défense"92. Frans van Kalken, lui, juge que si les gardes eurent "le tort de considérer cette journée comme une énorme farce"93, ils "réussirent par leur bonhomie à éviter le pire"94 ; quant à Liane Ranieri, elle affirme, dans un ouvrage plus récent, qu'"ils firent de leur mieux"95.
13On ne se ralliera pas aux conclusions de ces deux historiens. Selon le commissaire Delattre, responsable du secteur de la Bourse, "Là où se trouvait la garde civique, les assaillants avançaient et allaient plus loin..."96. Certes, le colonel Allard97 et sa cavalerie déployèrent une énergie louable en tentant par huit fois de frayer un passage aux manifestants et en barrant les issues le long du cortège98, mais il ne faut pas oublier que la milice citoyenne était, dans sa grande majorité, libérale. Dès 11 heures, on entendit des gardes, le bleuet à la boutonnière, siffler les manifestants, comme ils l'avaient fait le 10 août99. Le ressentiment de la garde à l'encontre du gouvernement avait du reste été renforcé psychologiquement quand, le 7 août, le cabinet avait requis l'armée, alors qu'en juin et juillet100, pendant les élections législatives et sénatoriales, les "bleus" avaient vaillamment rempli leur devoir101.Certains catholiques n'avaient-ils pas alors songé que cette initiative représentait "la ruine de cette tradition prudhommesque et paradoxale qui fait de la garde civique un talisman infaillible contre l'émeute et de l'armée, un brandon irrésistible de révolution"102 ?...
14Au surplus, les officiers de la garde civique, comme leurs homologues de la police, répugnèrent à faire usage de leurs armes, ce que certains manifestants leur reprochèrent amèrement. Comme leur bourgmestre, ils entendaient éviter toute effusion de sang103, et ceci nous amène à soulever la question importante de la non-intervention de l'armée. Buls, en effet, ne réquisitionna pas la troupe, dont le secours lui avait pourtant été offert par Jacobs au moment où le cortège fut agressé, boulevard Anspach. Quoi qu'il advînt, le bourgmestre ne voulait pas de la garnison104. Si Buls avait fait appel à la troupe, il aurait automatiquement perdu le contrôle des opérations tout en prenant sur lui la responsabilité d'un éventuel carnage : selon la loi, en effet, l'armée une fois requise se trouve placée sous les ordres exclusifs de ses supérieurs105 ; elle peut utiliser ses baïonnettes en cas de résistance, sans sommation des autorités civiles106, et son action dans les émeutes doit être, en vertu des règlements, décisive. Dès lors, un bain de sang - véritable, celui-là - aurait été à craindre107. Il est à noter également que le gouvernement lui aussi recula devant pareille extrémité, malgré les demandes incessantes des manifestants qui accoururent au ministère de l'Intérieur pour réclamer l'appui de la troupe108. Il est vrai que recourir à l'armée sans l'assentiment du bourgmestre, c'était risquer de provoquer des conflits entre les forces communales et la garnison, notamment entre les soldats et les gardes civiques qui doivent se placer en pareil cas sous les ordres de l'armée109. En outre, le ministre Jacobs réalisa très tôt, comme Buls, qu'il aurait été d'autant plus compromettant et dangereux de prendre une telle responsabilité que la bataille était déjà engagée110. C'est pourquoi le ministre se borna à relancer le bourgmestre par de fréquents appels téléphoniques, et se limita à envoyer des détachements de grenadiers aux trois gares pour protéger le départ des manifestants en fuite111.
Les répercussions de la manifestation catholique
15Penchons-nous à présent sur les conséquences de cette "folle journée". Pendant que les journaux catholiques demandaient la révocation de Charles Buls112, le gouvernement ordonna une double enquête sur les événements. Le 9 septembre, Victor Jacobs annonça au Sénat que la Chambre était saisie d'un projet modifiant les dispositions provinciales et communales sur le maintien de l'ordre113, et le ministre témoigna du dépit de la droite en ces termes : "Les scènes de sauvagerie de dimanche doivent être, de l'avis de tous, flétries et condamnées... Je ne puis admettre que l'administration n'ait pu suffire à sa tâche. On peut manquer de prévoyance, on peut ne pas prendre les meilleures mesures - c'est là ce que l'enquête devra notamment rechercher - mais le maintien de l'ordre n'avait rien d'impossible"114. Et le ministre d'ajouter que si cela "dépassait ses forces", le bourgmestre aurait dû "ne pas permettre la manifestation de la façon dont elle avait été autorisée"115. Le 8 septembre, Jacobs avait eu un entretien avec Malou et Buls116. A l'issue de cette entrevue, le premier magistrat de la capitale informa la population qu'il interdirait à l'avenir toute manifestation publique à Bruxelles117. Le calme régnait désormais dans la ville.
16Le 10 septembre, le Sénat approuvait le projet Jacobs par 40 voix contre 25 et 1 abstention118. Quelques heures après ce vote favorable, le Roi annonça à ses ministres sa volonté de ratifier la loi, mais il désira, avant qu'elle ne paraisse au Moniteur, être rassuré sur la capacité du gouvernement à réprimer toute tentative d'émeute119. "Il faut que vous et moi, nous soyons à l'abri d'un coup de main"120, aurait-il dit aux ministres qui, la veille, avaient déjà décrété le renforcement de la garnison de la capitale121. Au demeurant, le cabinet redoutait le pire. Des rumeurs alarmantes aboutissaient jusqu'à lui : allait-on provoquer une prise d'armes pour renverser le ministère ? Des élus bruxellois étaient-ils prêts à proclamer la république en Belgique ?122. Des le 10, le ministre de la Guerre Pontus avait rappelé sous les drapeaux les grenadiers et les carabiniers de la classe de 1881123. Entre le 11 et le 13, on prépara cinq bataillons de province, forts de cinq cents soldats chacun, à embarquer pour Bruxelles au premier appel124. Le 15 enfin, un bataillon du 1er régiment de ligne descendait à l'Allée Verte et s'installait au Petit Château125. Le responsable de la circonscription militaire de Bruxelles, le général van der Smissen126, avait demandé 6000 hommes pour garantir l'ordre127 : le soir du 15 septembre, il disposait dans la capitale de 2000 fantassins, 1200 cavaliers et, à la caserne d'Etterbeek, de quatre batteries composées chacune de six canons128 et de mille projectiles. De surcroît, Pontus avait fait enlever les 5000 anciens fusils de la garde civique129 emmagasinés à l'ancienne Bourse de Bruxelles130, et avait ordonné qu'à la première alerte, une compagnie d'infanterie défenderait l'accès du Tir national où se trouvaient déposées les 45000 cartouches de la milice citoyenne131.
17Malgré le souci de Malou de "ne point se donner le ridicule d'avoir des terreurs imaginaires et absurdes"132, ces initiatives créèrent un climat de psychose133, savamment entretenu d'ailleurs par la presse libérale. "On désarme la garde civique !"134, "Préparatifs de guerre"135, "Bruxelles en état de siège" !136, tels furent les échos donnés à ces mesures par la Flandre Libérale, La Chronique et La Réforme, qui titrait "On veut nous mitrailler !"137. L'intervention possible de la troupe suscitait pourtant de réelles appréhensions au sein du Cabinet car l'antimilitarisme du gouvernement catholique était peu apprécié par les officiers de l'armée, en majorité libéraux138. Quoi qu'il en soit, l'arrivée à Bruxelles des soldats en congé limité et la publicité qui lui fut faite par les journaux de gauche amplifièrent l'effervescence et incitèrent Buls à adresser des directives sévères à ses policiers pour sauvegarder la tranquillité de la capitale139. L'échec essuyé le 17 septembre par la délégation des bourgmestres libéraux auprès du Roi - le célèbre Compromis des communes-, qui sonna le glas des derniers espoirs d'un retrait de la loi, allait cependant déchaîner de nouvelles violences.
Du 17 septembre à la fin du mois : l'agitation antidynastique
18La déclaration de Léopold II aux bourgmestres qui entérinait sa décision de ratifier la loi, provoqua une agitation antidynastique, désavouée par la plupart des journaux libéraux, encouragée par les républicains belges et étrangers du National belge. Pendant quatre jours, dans la soirée, des groupes d'une centaine de contestataires entreprirent de semer l'émoi dans Bruxelles en tentant de casser les vitres des rédactions catholiques, en essayant aussi de joindre le Palais Royal pour interpeller le souverain aux cris de "Vive la République", "A bas le roi de carton...". Sans trop de succès, néanmoins. Postés aux points névralgiques - la zone parlementaire, les presses du Courrier de Bruxelles et du Patriote, l'Institut Saint-Louis...-, les policiers et les chasseurs de la milice citoyenne redoublèrent de vigilance et firent preuve d'une extrême fermeté. Du 17 au 21 septembre, ils n'hésitèrent pas à "sabrer" les "tapageurs" et ils procédèrent à quelques arrestations140. Buls leur avait enjoint d'intervenir avec "décision et vigueur"141 car il fallait éviter, entre autres, que le gouvernement ne prenne pour prétexte l'impuissance de la police communale aux fins de se substituer au pouvoir local : le 17 septembre, Jacobs aurait en effet réédité l'acte d'autorité du 7 août si le gouverneur Dolez n'avait, cette fois, refusé de requérir la troupe142.
19Le jour de la parution de la loi au Moniteur143, le 22 septembre, le bourgmestre fit afficher cette proclamation : "la loi scolaire est promulguée. A partir de ce moment, il est du devoir de tout citoyen d'y obéir, de tout magistrat de la faire respecter..."144. A cette fin, Buls interdit la circulation des bandes, des troupes ou des cortèges destinés à manifester des opinions politiques, ainsi que les rassemblements de plus de cinq personnes de nature à troubler la tranquillité publique. Les corps spéciaux de la garde civique furent convoqués ; les pompiers et les gendarmes, consignés145. Les jours suivants, les feuilles cléricales accusèrent encore le bourgmestre de créer une agitation factice en multipliant les rassemblements de gardes civiques146, mais elles ne purent que se féliciter de l'attitude des policiers et des gendarmes, quand ils veillèrent au grain et dispersèrent les "perturbateurs", les 23 et 24 septembre, à l'occasion des fêtes célébrant la révolution147, et lors de la manifestation de soutien à Marchi, le rédacteur du National belge expulsé du pays. A chaque fois, les journaux catholiques saluèrent les charges très sèches des agents148 et des pandores149, qui rappelèrent à la progressiste Réforme les exactions brutales des "argousins du second Empire"150. Ces derniers tumultes marquent du reste la fin des désordres dans la capitale. Le 22 septembre, Buls avait convié les Bruxellois à affirmer leur volonté dans la légalité, aux prochaines élections communales. Le changement de ministre qui suivit ces élections du 19 octobre mit définitivement un terme à la crise.
Conclusion
20Les manifestations d'août et septembre 1884 s'inscrivent dans le sillage des troubles clérico-libéraux qu'a connus Bruxelles avec la loi des couvents en mai 1857 et l'affaire De Decker en novembre 1871. Entre ces affrontements mettant aux prises la capitale et le gouvernement, il existe des analogies quant à la stratégie adoptée par l'autorité locale pour maintenir le "bon ordre". Bourgmestre, mais aussi homme politique libéral, Charles Buls, comme de Brouckère et Anspach, entendit remplir ses devoirs de magistrat et rester le seul maître des opérations. Il se refusa à requérir l'armée et se borna à mobiliser les forces civiles qui lui étaient spécialement subordonnées. A l'instar de ses prédécesseurs, il défendit farouchement "sa" police et "sa" garde civique face aux nombreuses critiques dont elles furent l'objet151. Comme en 1871 également, le système belge du maintien de l'ordre, qui laisse une large part à l'autonomie communale, fut fortement remis en question : on parla de destituer le bourgmestre, de lui substituer un préfet dans la zone parlementaire. Néanmoins, il faut souligner que ces réactions "à chaud" s'estompèrent rapidement en 1884, alors que après la chute du cabinet d’Anethan en 1871, les "journaux de l'ordre" et plusieurs hautes personnalités catholiques prônèrent pendant plusieurs mois avec insistance la centralisation de la police à Bruxelles152. Rechercher les raisons de ce contraste revient à déterminer quels furent les traits originaux du maintien de l'ordre en 1884 et les leçons que les contemporains purent en tirer. Pour expliquer ce phénomène, on pourrait se limiter à dire que le gouvernement Beernaert, qui succéda en octobre au cabinet Malou, s'attacha avant tout à apaiser les esprits ; qu'il voulut éviter le tollé d'envergure qui se serait assurément produit s'il avait présenté un projet attentatoire à l'une des plus chères prérogatives des communes. Nous pourrions aussi ajouter que les conclusions de l'enquête administrative sur le 7 septembre, rendues publiques en mai 1885, ne se prononcèrent pas sur l'attitude du bourgmestre, et établirent implicitement que maintenir l'ordre en pareille circonstance n'était pas une sinécure153 ; en définitive, l'impuissance de Buls en cette occasion paraissait bien moins suspecte que celle d'Anspach en 1871154. Il importe cependant de dépasser ces réflexions générales pour invoquer une troisième raison, essentielle selon nous, et qui traduit bien l'originalité de l'expérience de 1884. La voici : le cabinet Malou, en la personne surtout de ses ministres Woeste et Jacobs, a prouvé qu'en disposant de l'armée, un gouvernement "musclé" était à même de démontrer sa fermeté au Roi et de peser sur le maintien de l'ordre, tout en laissant la responsabilité de celui-ci aux autorités communales155. De fait, si le 7 septembre a montré une fois encore les hésitations - et finalement le recul - d'un ministère devant la décision périlleuse et compromettante de recourir à l'armée dans des troubles politiques entre catholiques et libéraux - alors que l'intervention de la force publique dans les grèves avait, depuis 1867156, déjà entraîné la mort d'une trentaine d'ouvriers157 -, l'expérience d'ensemble des remous de 1884 a révélé combien l'utilisation de l'armée en tant que menace pouvait s'avérer commode et efficace. Certes, faire mine de vouloir sortir la garnison de sa réserve à la première incartade, concentrer des forces en nombre en les consignant dans leurs casernes au su de la population comportaient certains risques : en témoigna la réaction des journaux libéraux qui, en criant à l'intimidation et à la provocation, échauffèrent plus encore l'atmosphère. En revanche, il faut souligner que brandir la menace des baïonnettes présentait surtout l'avantage pour le ministère d'amener le bourgmestre à renforcer les mesures d'ordre, tout en se déchargeant sur lui de la responsabilité d'une répression accrue. Les initiatives prises par l'autorité locale après l'acte d'autorité du 7 août, et la répression sévère qui suivit le 17 septembre furent à cet égard fort significatives. L'impact de l'armée - dissuasif pour l'agitation, stimulant, voire contraignant pour l'autorité locale - a donc fait ses preuves en 1884158. Et cette constatation explique la vigueur avec laquelle, en décembre, Beernaert et ses ministres défendirent à la Chambre - pour la première fois - le droit du gouvernement de requérir l'armée directement, sans attendre la preuve de l'impuissance ou du mauvais gré du bourgmestre159 et sans mime passer par l'intermédiaire du gouverneur160. Ainsi, Charles Woeste pouvait-il constater en 1885 que la "législation existante était largement suffisante pour déjouer ou réprimer toutes les menées séditieuses"161, alors que treize ans plus tôt, il avait consacré un article à exposer les lacunes de cette même législation, pour proposer avec force la refonte du système dans la capitale162.
21Notons encore qu'en 1884, plusieurs contemporains déclarèrent que désormais "la garde civique ne comptait plus pour la répression des troubles"163 ; des parlementaires proposèrent même, peu après les événements, de ne plus l'utiliser dans les émeutes164. En vain : il était difficile aux catholiques de mettre en cause l'existence de cette institution, alibi essentiel pour éviter le service personnel et l'"encasernement nocif" de leur électorat. Aussi, l'attitude équivoque des gardes durant la grande manifestation catholique sera-t-elle évoquée par la suite pour démontrer la nécessité de militariser et de "décommunaliser" la milice bourgeoise165, qui continua de jouer un rôle important lors de l'agitation pour le suffrage universel dont notre pays fut le théâtre, à la fin du XIXème et au début du XXème siècle.
Notes de bas de page
1 On se contentera de rappeler ici que ce projet confiait aux communes la direction des écoles primaires, en leur donnant le droit d'en organiser ou d'adopter une ou plusieurs écoles libres.
2 Pour une synthèse de l'oeuvre scolaire de Buls, lire A. SLUYS, Charles Buls et la Ligue de l'enseignement (1864-1914), Bruxelles, 1922.
3 Le présent article examine surtout les mécanismes du maintien de l'ordre dans les manifestations et les problèmes qu'ils suscitent. Des questions comme l'attitude de l'appareil policier et le comportement de ses différents responsables seront priviligiées par rapport à l'étude des aspects spécifiques aux mouvements de foule, qui ne seront qu'effleurés.
Les sigles utilisés sont : A.G.R. : Archives générales du royaume à Bruxelles ; A.M.R.A. : Archives du musée royal de l'armée ; A.R. : Archives royales ; A.V.B. : Archives de la ville de Bruxelles ; B.C.B. : Bulletin communal de la ville de Bruxelles. Le classement des A.R. n'est que provisoire.
4 Les troubles de 1884 n'ont jusqu'à présent fait l'objet d'aucune étude approfondie. Les ouvrages généraux d'histoire politique et les monographies sur Bruxelles, qui relatent ces événements, se réfèrent à des témoignages qu'il importe de soumettre à une critique minutieuse. L'historiographie catholique est la plus prolixe sur le sujet. Le baron de TRANNOY a écrit Léopold II et Jules Malou en 1884, Bruxelles, 1920. Cinq opuscules traitent plus spécifiquement des manifestations : Le guet-apens du 7 septembre 1884, par un témoin oculaire, Bruxelles, 1884 ; J. CAMAUER, La situation en Belgique, mai-décembre 1884, Louvain-Dinant, 1885 ; H. RYCKMANS, 1884 ou la nouvelle année des merveilles, 2.t., Bruxelles, 1909 ; L. VAN HOOREBEKE, Histoire de la politique contemporaine de Belgique depuis 1884, I, 10 juin-23 octobre 1884, Gand, 1905, et A. VERHAEGEN, La manifestation nationale du 7 septembre 1884 à Bruxelles, Gand, 1885. Parmi les biographies et les mémoires des contemporains, citons : A. BELLEMANS, Victor Jacobs (1838-1891), Bruxelles, 1913, pp. (..) 569-571 ; H. CARTON DE WIART, Beernaert et son temps, Bruxelles, 1945, pp. 60-67 ; IDEM, "Chronique d'un autre temps (1878-1890)", dans Revus générale, novembre 1939, pp. 596-598 ; IDEM, Souvenirs politiques. I. (1878-1918), Bruxelles, 1948, p. 15 ; L. DE LICHTERVELDE, Léopold. II, Bruxelles, 1926, p. 177 ; Lieutenant général DE SELLIERS DE MORANVILLE, "Au temps du général Pontus (1884–1887). Souvenirs", dans Revue générale, janvier-juin 1939, 1, pp. 318-333 ; Le baron Kervyn de Lettenhove (1817-1891). Notes et souvenirs, réunis par un de ses enfants, II, Bruges, 1900, pp. 254-264 ; C. WOESTE, A travers dix années (1885-1894). II. Mélanges historiques et littéraires, Bruxelles, 1895, pp. 114-116 et 121-123 ; IDEM, "La loi scolaire de 1884 et l'opposition des libéraux", dans Revue générale, janvier 1927, pp. 1-19, et "La fin du ministère du 16 juin 1884", ibidem, février 1927, pp. 146-156 ; IDEM, Mémoires pour servir à l'histoire contemporaine de la Belgique. I. : 1859-1894, Bruxelles, 1927, pp. 251-304. Du côté libéral, où l'information est moins abondante, nous pouvons relever : A. DU BOIS, Les bourgmestres de Bruxelles depuis 1830, Bruxelles, 1897, pp. 112-125 ; J. GARSOU, Frère-Orban, Bruxelles, 1945, pp. 88-89 ; G. HARRY, Mes mémoires. II, le legs de cinquante ans d'expérience journalistique et littéraire, Bruxelles, 1928-1929, pp· 184-194 ; E. GOBLET D'AVIEL LA, "La politique de résistance", dans Revue de Belgique, XVI, 1884, pp. 48-55 ; L. DELANGE-JANSON, Paul Janson (1840-1913), sa vie généreuse, son époque. I., Liège, 1962, pp. 326-336 ; H. VAN LEYNSEELE et J. GARSOU, Frère-Orban. Le crépuscule (1878-1896), Bruxelles, 1954, pp. 101-103. Ajoutons encore deux brochures satiriques : Anniversaire du 7 septembre 1884, s.l., 1885, et PITOU DE LA PATROUILLE, Un joyeux anniversaire : la journée des grosses caisses, s.l., 1885. Quant aux auteurs socialistes, ils se sont surtout penchés sur les (..) manifestations qui se produisirent fin septembre. Voir, entre autres : L.BERTRAND, Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830, II., Bruxelles, 1907, pp. 365-367, et Souvenirs d'un meneur socialiste, I., Bruxelles, 1927, pp. 235-239 ; J. DESTREE, Pages d'un journal (1884-1887), Bruxelles, 1937, pp. 47-52. On trouvera un exposé plus scientifique, quoiqu'exclusivement fondé sur des sources imprimées, dans F. VAN KALKEN, Commotions populaires en Belgique (1834-1902), Bruxelles, 1936, pp. 63-74, dans P. DELFOSSE, Ordre public et conflits sociaux dans la société belge (1830-1914). I. : Ordre public et conflits éthico-religieux, Louvain, CREHIDES, no 8001, pp. 47-61, et dans A. SERRURE, La loi organique de l'enseignement primaire de 1884 et son application, mém. dactyl., U.L.B., 1970, pp.123-147. Le dépouillement des archives du musée de la gendarmerie, du fonds "troubles et émeutes" aux A.M.R.A., des archives de Vienne (A.E.V. 1880–1885) et des légations étrangères aux Archives du ministère des Affaires Etrangères, ainsi que des papiers des personnalités politiques de l'époque - Bara, d'Anethan, de Borchgrave, de Broqueville, Dolez, Frère-Orban, Malou, Lambermont, Orts, de Trooz, Schollaert, Helleputte - n'a rien apporté de nouveau.
5 B.C.B., 1884, II, pp. 4-5.
6 Lettre de Buls à ses collègues libéraux du pays, 2 août 1884 (cité dans A. VERHAEGEN, op. cit., p. 10).
7 Le 9 août, les bourgmestres libéraux conclurent le Compromis des communes, en s'engageant "par un serment inviolable à revendiquer sans trêve ni relâche, les droits du peuple à l'instruction publique donnée aux frais de l'Etat" (L. VERNIERS, Bruxelles et son agglomération de 1830 à nos jours, Bruxelles, 1958, p. 168).
8 Sur la chute du cabinet d'Anethan, liée au scandale Langrand-Dumonceau, je renvoie à Ph. J. VAN TIGGELEN, "Les émeutes de novembre 1871 à Bruxelles et la révocation du ministère d'Anethan", dans Revue belge d'histoire contemporaine XV, 1984, 1-2, pp. 165-200.
9 Au plus fort de la crise.de 1871, Charles Woeste était venu trouver le ministre des Finances Victor Jacobs pour "le presser d'agir". Mais, poursuit Woeste, "il croyait que l'émeute s'userait d'elle-même, il ne s'apercevait pas qu'elle usait le gouvernement : cette leçon ne fut pas perdue en 1884" (C. WOESTE, A travers dix armées p. 113).
10 A.G.R., Papiers Malou, no 38, et A.R., cabinet du roi Léopold II, no 958, Malou à Léopold II, 5 août 1884, lettre reproduite dans C. WOESTE, Mémoires..., p. 252, et DE TRANNOY, op. cit., p. 4.
11 Hubert Dolez, né à Mons le 20 novembre 1833, mort à Bruxelles le 17 février 1898. Gouverneur libéral modéré du Brabant en 1884 (dans Ch. ROUSSELLE, Biographie montoise du XIXème siècle 1800-1899, Mons, 1900, p. 80).
12 Le 6 à midi, Dolez avait eu une entrevue avec l'échevin Walravens - Buls était à Londres - et il l'avait prévenu que si les faits se renouvelaient le gouvernement "aviserait des moyens à prendre pour qu'ils ne se reproduisent plus". Walravens avait alors assuré au gouverneur qu'il empêcherait le moindre désordre (A. DU BOIS, op. cit., pp. 116-117 ; A. VERHAEGEN, op. cit., pp. 12-13 ; C. WOESTE, Mémoires, p. 253).
13 Observons que ni la loi communale (art. 105), ni la loi provinciale (art. 129) ne précisent quand le gouverneur peut intervenir. Dans la pratique, néanmoins, on s'accordait à penser que le gouverneur ne pouvait requérir la force armée qu'en cas d'impuissance du bourgmestre, ou de manquement à ses devoirs. Le 4 février 1873, Jacobs avait déclaré lui-même à la Chambre que c'était une "mesure grave" de substituer l'autorité du gouvernement à celle du maïeur, et qu'il ne fallait y recourir "qu'en cas de nécessité absolue" (Annales parlementaires. Chambre. Session 1872-1873, p. 421). Une note du ministre de la Guerre, du 8 février 1877, allait dans le même sens (Moniteur belge, 8 février 1877).
14 Voir les circulaires et instructions des 28 novembre 1845, 9 mars 1847, 9 novembre 1854, 13 septembre 1854 et 6 décembre 1857, publiées dans le Journal Militaire officiel et le Bulletin officiel du ministère de l'Intérieur, et commentées dans J.N. FABER, Les émeutes et la guerre des barricades, 2e éd, Gand, (1876), pp. 28-69. Sur le rôle de l'armée dans le maintien de l'ordre, on consultera les travaux récents de : F. SEGERS, Het leger en de ordehandhaving in België 1886-1902, mémoire dactyl., Leuven, 1984 ; G. FLAMENG, Leger en ordehandhaving in België, mémoire dactyl., Leuven, 1982 ; J. VERHAEGHE, "De ordehandhaving bij de sociale onlusten in maart-april 1886 in Luik en Henegouwen", dans Revue belge d'histoire militaire, XXV-7, décembre 1984, pp. 687-724, et XXVI-1, mars 1985, pp. 17-40 ; P. LEFEVRE "Le maintien de l'ordre au niveau provincial. L'affaire Daine-Dollin et les troubles du Borinage en février 1841", dans Revue belge d'histoire militaire, XXV-3, septembre 1983, pp. 201-230.
15 Journal de Bruxelles, 7 août 1884.
16 La lettre du gouverneur, envoyée par le courrier ordinaire, ne fut ouverte que le 7 à midi.
17 B.C.B., 1884, II, pp. 142-143.
18 Annales parlementaires, Chambre. Session ext. 1884, p. 59.
19 Ibid., p. 58, cité dans BELLEMANS, op. cit., p. 569.
20 Se fondant sur la loi communale et les discussions du Congrès national, Bara et Lippens considéraient que le gouvernement n'avait pas le droit de se substituer au bourgmestre pour le maintien de l'ordre, sinon à son défaut, et encore moins celui de recourir à l'armée avant que la garde civique ne fut convoquée. Victor Jacobs, appuyé par Nothomb, Coomans et Cornesse, leur rappela l'article 129 de la loi provinciale et leur répondit avec raison qu'aucune loi ne déterminait l'ordre des réquisitions. Certes, dans une lettre du 1er mai 1861 à Chazal, souvent citée en cette matière, Léopold Ier avait bien écrit qu'"en règle générale, toute lutte civile doit être réprimée par la police locale, soutenue par la garde civique, et la troupe ne doit pas y être mêlée", mais le souverain avait immédiatement ajouté que "quand il y a lutte contre le gouvernement, c'est autre chose et on ne peut pas permettre un développement quelconque"... (Annales parlementaires. Chambre. Session ext. 1884, p. 65). Notons aussi qu'avant de partir pour la campagne, le matin du 6 août, Malou avait répondu à Jacobs, sur le fait de l'intervention de l'armée, "qu'il était peut-être un peu tôt..." (C. WOESTE, Mémoires..., p. 253).
21 C. WOESTE, Mémoires..., p. 254.
22 Voir les réactions de La Chronique, de La Gazette, des Nouvelles du Jour, de l'Etoile belge, et surtout de La Réforme (7, 9 et 10 août 1884).
23 Cette proclamation annonçait aussi que serait réprimée avec vigueur toute infraction à l'art. 275 du Code pénal, qui punit les outrages par faits, paroles ou gestes envers les ministres (La Gazette, La Chronique, La Réforme, 8 août 1884).
24 Circulaire de "l'Union nationale pour le redressement des griefs", signée par son président Léon Collinet et ses secrétaires A. Verhaegen et F. Schollaert (reproduite dans H. RYCKMANS, op. cit., I, p. 375 et A. VERHAEGEN, op. cit., p. 17).
25 Léopold II n'approuvait pas cette initiative. A la veille de la manifestation, il avait fait remarquer à Malou, par l'intermédiaire de de Borchgrave, que "les amis du gouvernement feraient preuve de sagesse en remettant au moins à un autre jour la contre-manifestation projetée afin d'éviter les batailles" (A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 958, et A.G.R., Papiers Malou, no 50). Le ministre lui apprit cependant, le jour même, que Buls avait pris de "bonnes mesures" et que son entretien avec le ministre de l'Intérieur s'était avéré "très satisfaisant" (A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 958 et A.G.R., Papiers Malou, no 38).
26 A.V.B., Fonds de la police, registre d'ordres administratifs, 1884, no 1467 et A.G.R., Parquet général, no 221. De son côté, le ministre de la Guerre avait consigné la garnison dans ses casernes (A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 955, Jacobs à Léopold II, 10 août 1884).
27 "Les deux manifestations ont été aussi pacifiques qu'on pouvait l'espérer" écrivit Jacobs au Roi (A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 955). Il n'y eut guère, le soir, que quelques altercations dans les cafés du centre. Prié par Woeste, le procureur du roi se contenta de convoquer les commissaires Delattre et Bourgeois pour les inviter à réprimer énergiquement, à l'avenir, les infractions à l'article 275 du Code pénal. Le ministre de la Justice s'était rendu compte qu'aucun procès-verbal de ce chef n'avait été dressé durant la manifestation (A.G.R., Parquet général, no 221).
28 Avis aux habitants, reproduit dans La Chronique, du 12 août 1884 et sévèrement critiqué dans La Réforme du 13 ("Le manifeste de Buls").
29 Dès le 22, le Roi, inquiet, mettait Malou en garde : "... le droit de la majorité de faire une loi cléricale est indéniable, de même que son devoir de ne pas provoquer une révolution en manquant de sagesse" (A.R. Cabinet du roi Léopold II, no 958, lettre retranscrite dans DE TRANNOY, op. cit., p. 10 et dans C. WOESTE, Mémoires..., p. 258).
30 L. HYMANS, Histoire parlementaire de la Belgique, de 1880 à 1890, Bruxelles, 1906, p. 344.
31 Extrait du Journal de Bruxelles, repris dans Le Guet-apens..., p. 15.
32 B.C.B., 1884, II, p. 147.
33 Lire les réactions du Courrier de Bruxelles, du Bien Publie, du Journal de Bruxelles et du Patriote, 28 au 30 août 1884.
34 Journal de Bruxelles, 26 août 1884.
35 C. WOESTE, Mémoires..., p. 263.
36 Arthur Ranc dira plus tard, avec raison, que le gouvernement menait alors une "politique de combat" (l'Indépendance belge, 14 septembre 1884).
37 A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 958, Malou à Léopold II, 23 août 1884 (lettre retranscrite dans DE TRANNOY, op. cit., p. 11).
38 De Selliers de Maranville, alors attaché au cabinet du ministre de la Guerre, évalue le nombre de manifestants qui défilèrent rue Royale à quatorze mille (DE SELLIERS, op. cit., p. 326).
39 La Gazette en dénombre cinquante mille, L'Indépendance cent mille !
40 A.v.B., Fonds de la police, registre d'ordres administratifs, 1884, no 1602-1603, ordres de Buls, 29 août 1884.
41 A.G.R., Parquet général, no 222 et A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 2072, Lambermont à Devaux, 31 août 1884.
42 La Chronique, L'Indépendance, La Gazette, des 6 et 7 septembre 1884 ; Le Patriote et Le Journal de Bruxelles, aux mêmes dates.
43 La semaine précédant la manifestation, des milliers de sifflets furent achetés à Bruxelles, mais aussi à Lille et Valenciennes. Selon G. Harry, des stocks de poudre bleue, "destinée à passer au bleu", avaient été systématiquement raflés dans les teintureries de la capitale (G. HARRY, op. cit., pp. 186-187 et PITOU DE LA PATROUILLE, op. cit., p. 4).
44 A.G.R., Parquet général, no 222, ordre de Buls, 4 septembre 1884.
45 En outre, le bourgmestre demanda aux habitants possédant des téléphones sur le parcours du cortège, la permission pour la police d'utiliser leurs appareils. Un service d'agents spéciaux en bourgeois fut chargé de transmettre les informations (B.C.B., 1884, II, p. 150).
46 Les trois cent cinquante trois policiers disponibles furent réquisitionnés, soit le long du parcours, soit dans leur commissariat.
47 Toutes les légions ne furent pas convoquées, comme l'écrit erronément F. VAN KALKEN, (op. cit., p. 66). Le lieutenant-général Stoefs convoqua trois légions et tous les corps spéciaux, mais garda en réserve la première légion "pour parer aux éventualités du lendemain" (B.C.B., 1884, II, p. 165, rapport de Stoefs, 8 septembre 1884).
48 Soit soixante gendarmes à cheval, dix-neuf à pied, et quatre-vingt pompiers (A.V.B. Papiers Buls, no 14, déposition de Buls devant le gouverneur du Brabant, s.d.).
49 c. WOESTE, Mémoires..., p. 263.
50 Idem.
51 A tel point que, le jour même de la manifestation, Malou, souffrant, était à Woluwé, Beernaert à Gand et Jacobs s'absenta toute la matinée chez sa mère, à Rixensart ! (dans C. WOESTE, Mémoires p. 264-265). Quant au commandant de la circonscription militaire de Bruxelles, le général van der Smissen, il dirigeait les manoeuvres en province et fut remplacé par le lieutenant-général baron Jolly, chef de la première division de cavalerie (DE SELLIERS DE MORANVILLE, op. cit., p. 329).
52 "Nous ne mettions pas en doute que la journée du 7 septembre ne se passât avec calme", rappelle Woeste dans ses Mémoires, p. 264.
53 La Gazette, 12 septembre 1884.
54 Entre quinze cents et deux mille contre-manifestants, soutenus par la foule. Lorsque la bagarre fit rage, la masse humaine concentrée aux abords de la Bourse fut évaluée à plus de cinquante mille personnes.
55 Pour plus de détails, voir notamment les journaux de l'époque, F. VAN KALKEN, op. cit., pp. 67-69 et A.G.R., Parquet général, No 222.
56 La violence de ces troubles a été souvent minimisée dans les monographies bruxelloises. Si nous ne pouvons écrire, avec les chroniqueurs catholiques, qu'il y eut "un bain de sang", ce serait travestir la réalité que de définir cette journée comme une "Saint-Barthélémy des Grosses Caisses", sobriquet repris par Van Kalken et que La Chronique attribua au 7 septembre en souvenir des cartels lacérés et des instruments de musique détruits. Aucune mort ne fut déplorée, mais on enregistra durant ces "bagarres effrayantes" (A.G.R., Parquet général, no 222, rapport de l'officier Vandermarlière, 8 septembre), plus d'une centaine de blessés, dont une quarantaine durent être hospitalisés.
57 Extrait du discours du député Cornesse à la Chambre, le 26 novembre 1884 (cité dans A. VERHAEGEN, op. cit., p. 1). Cette journée connut un grand retentissement à l'étranger. Dès le 8, le ministre des Affaires Etrangères de Moreau d'Andoy pria ses ministres à l'étranger "de se mettre en mesure de réagir partout contre les exagérations qui pourraient se produire sur l'importance des faits et sur la situation intérieure du pays". Le 13, dans une autre dépêche, de Moreau devait déplorer la "réaction exagérée" de l'étranger... (A.M.A.E., Ci. B 186 (II)). Des extraits des principaux quotidiens étrangers sont repris dans A. VERHAEGEN, op. cit., pp.123-137.
58 Journal de Bruxelles, 5 août 1884.
59 Le Patriote, 9 septembre 1884.
60 Idem.
61 La contre-manifestation fut-elle préméditée ou spontanée ? Pour Van Kalken, "elle s'est organisée partout, spontanément, dans les Associations, à la table des cafés, sur les bancs des écoles, au sein des familles, avec une impétuosité que Buls et la police n'ont pu prévoir" (op. cit., pp. 70-71). Les enquêtes ordonnées par Woeste et Jacobs ne recueillirent aucun témoignage précis et positif établissant l'existence d'un complot, mais certains indices laissent penser à une éventuelle concertation de l'attaque : l'endroit de la bagarre fut désigné par la rumeur publique plusieurs jours à l'avance, et les agresseurs agirent par bandes compactes, comme s'ils suivaient un mot d'ordre (A.G.R., Parquet général, no 222 et Documents parlementaires. Chambre. Session 1884-1885, no 148). La jeune garde et les étudiants libéraux furent accusés d'avoir organisé la contre-manifestation. "Initié au complot", le libéral Harry, qui fit le reportage de la journée pour le Matin de Paris, raconte dans ses mémoires qu'ils avaient préconcerté l'attaque depuis des semaines, avec l'aide des journalistes Maurice Kufferath, de L'Indépendance, et Canler, de L'Echo du Parlement (G. HARRY, op. cit., pp. 185-188). Il est (...) donc certain que les militants libéraux ne restèrent pas de marbre le 7 septembre. Toutefois, parmi les quatre-vingt-sept libéraux traînés devant les tribunaux, on ne trouve que deux étudiants : E. Nefontaine, 21 ans, habitant Gand, condamné pour coups, et A. Stern, 16 ans, domicilié à Boitsfort, condamné pour port de faux-nom et coups. Remarquons aussi qu'aucun étranger ni meneur socialiste ou anarchiste ne fut arrêté. La grande majorité des inculpés était composée d'artisans (serruriers, tailleurs, cordonniers, ébénistes, etc.) et de petits commerçants bruxellois (A.G.R., Parquet général, no 222). On trouvera d'utiles renseignements sur les inculpés du 7 septembre dans A.G.R., Cour d'Appel de Bruxelles, ne série, (1884) no 3312-3315 et 3502-3526.
62 Ce jeu de mot fit fortune à l'époque (cf. H. CARTON DE WIART, Souvenirs politiques, p. 15).
63 Journal de Bruxelles, 8 septembre 1884.
64 F. VAN KALKEN, op. cit., pp 65 et 66-71. Les biographes de Buls et les historiens de Bruxelles s'accordent sur ce point avec le professeur de l'U.L.B.
65 B.C.B., 1884, II, p. 148.
66 Selon les estimations du colonel Allard, il eût fallu, pour protéger efficacement le cortège, "l'encadrer de part et d'autre dans une double haie de troupes, ce qui ne se serait pas fait avec 20 ou 30.000 hommes" (B.C.B., 1884, II, p. 160, et A.V.B., Fords du cabinet du bourgmestre, no 8).
67 Le 8, Buls écrivit à Jacobs : "L'événement a démontré que c'est une entreprise irréalisable que de vouloir faire circuler dans les rues de la capitale un cortège dont le caractère est aussi manifestement opposé aux sentiments de la population bruxelloise que celui d'hier" (B.C.B., 1884, II, p. 165).
68 L'officier Tilkin vit "de ces manifestants uriner dans les rues, exhiber ostensiblement leurs parties sexuelles, choisissant de préférence les endroits où les femmes se trouvaient au balcon de leur demeure" (B.C.B., 1884, II, p. 168). Tous les rapports de police insistent sur les "provocations incessantes des catholiques" (cf. les extraits de ces rapports dans B.C.B., 1884, II, pp. 167-175, et les dépositions des policiers devant le tribunal de 1ère instance de Bruxelles, dans A.G.R., Parquet général, no 222). Jacobs lui-même laissera entendre le 9, au Sénat, qu'il y eut des débordements du côté catholique (Annales parlementaires. Sénat. Session ext. 1884, p. 69).
69 "... cinquante fois au moins, j'ai été obligé d'intervenir et de m'adresser aux commissaires des sociétés catholiques en leur signalant les menaces de coups de canne de leurs membres..." (Rapport de l'officier Vandermarlière, 8 septembre 1884 dans A.G.R., Parquet général, no 222). Au reste, le très catholique Ryckmans n'écrira-t-il pas, vingt-cinq ans plus tard : "Un biceps catholique vaut un biceps libéral. Voilà un des enseignements qui dérivent directement et logiquement du 7 septembre" (op. cit., II, p. 163).
70 A.V.B., Fonds de la police, pol. 1027, rapport du commissaire Rosseel, 25 septembre 1884.
71 Sur les trente-huit manifestants catholiques traînés devant la Justice, onze furent condamnés pour coups, trois pour port d'armes prohibées. On dénombre dans leurs rangs treize habitants de 1'agglomération bruxelloise, mais aucun étranger. Il s'agissait d'artisans, de "petits métiers" : bouchers, serruriers, magasiniers, tailleurs... On remarquera cependant la présence d'un rédacteur du Patriote - G.J. Dock - et d'un autre du Handelsblad - A.F.J. De Ceuster - qui furent condamnés pour outrages et injures (A.G.R., Parquet général, no 222).
72 Lire le rapport du procureur du roi Willemaers au procureur général, 9 septembre 1884 (A.G.R. Parquet général, no 222) et les résultats de l'enquête du gouverneur, publiés dans Documents parlementaires. Chambre. Session 1884-1885, no 148.
73 Cf. télégrammes reçus et transmis par Buls, le 7 (A.V.B., Fonds du cabinet du bourgmestre, no 8 et Papiers Buls, no 14), reproduits dans B.C.B., 1884, 11, pp. 176-187.
74 Le baron Jolly, un des organisateurs de la manifestation, lui avait écrit le samedi soir qu'on lui avait assuré que le cortège serait attaqué place Fontainas (B.C.B., 1884, II, p. 149).
75 Victor Stoefs, né le 14 octobre 1816 à Bruxelles. Franc-maçon, chargé du commandement de la milice citoyenne de Bruxelles de 1878 à 1893 (cf. Album du Franc Tireur, garde-civique. Nos chefs 1892-1893, Bruxelles, 1893).
76 Devant la Bourse, Stoefs réunit la 3ème légion, le demi-bataillon des chasseurs belges, le 3ème bataillon de la 4ème légion et l'escadron de cavalerie (B.C.B., 1884, II, p. 166).
77 La première section s'étendait du boulevard du Midi au point central ; la deuxième, du point central à la place royale ; la troisième, de la place Royale à la porte de Schaerbeek.
78 Selon le procureur du roi, "si on avait mieux utilisé les forces de la garde civique, si on l'avait moins immobilisée, si elle avait été employée à barrer les rues et si on avait eu soin de déblayer celles-ci sur le parcours du cortège, la police, dont le personnel était d'ailleurs absolument insuffisant pour faire face à la situation, eût pu, dès le principe, maîtriser la foule et empêcher les premiers contacts " (A.G.R., Parquet général, no 222, Willemaers à procureur général, 9 septembre 1884).
79 Aux dires de Stoefs, seuls deux mille trois cents gardes intervinrent à la Bourse (B.C.B., 1884, II, p. 166).
80 Voir les témoignages de la presse catholique, et A. VERHAEGEN, op. cit., pp. 219-255.
81 Citons Le Courrier de Bruxelles et Le Patriote.
82 Cf. Le Bien Publia et Le Journal de Bruxelles, qui, le 8, reconnaîtra que la police avait même, à certains moments, déployé "beaucoup de zèle".
83 Lettre de Buls au commissaire Dielman, chargé de diriger le cortège, 5 septembre 1884, (B.C.B., 1884, II, p. 150).
84 Rappel de l'ordre no 1272 du 14 juillet 1884. Cet ordre ne figure pas dans le registre d'ordres de 1884, mais a été publié dans La Gazette du 16 juillet 1884.
85 A.G.R., Parquet général, no 222, ordre de Buls, 4 septembre 1884. Avant la manifestation, Jacobs avait reçu communication de ces ordres. Il les avait jugés "précis et prévoyants" (B.C.B., 1884, II, p. 165).
86 A.V.B., Fonds de la police, pol. 1027, rapport du commissaire Rosseel, 25 septembre 1884.
87 Il y eut cependant une exception. Peu avant 12 h, le commissaire Desmedt, en civil, provoqua une violente bagarre en voulant empêcher des manifestants de Nivelles d'uriner contre la façade d'une école. La police dégaina, mais sans dommages (A.G.R., Parquet général, no 222).
88 Voir note 86.
89 A.G.R., Parquet général, no 222, procureur du roi à procureur général, 22 novembre 1884.
90 Le 9 septembre, Willemaers souligna "l'absolue insuffisance" et la "grande fatigue" du personnel policier (A.G.R., Parquet général, no 222).
91 Les historiens officiels de la gendarmerie ne se sont jusqu'à présent guère prononcés sur l'attitude de leur corps en 1884 (cf. Histoire de la gendarmerie. I : des origines à 1914, Bruxelles, 1979, p. 259, PISART, Histoire de l'organisation de la gendarmerie, Bruxelles, 1967, p. 36, et L. SOURIE, La gendarmerie belge. Un aperçu historique, Ninove, 1948.). Il est vrai que les témoignages fiables sont fort rares sur ce point. Les archives du musée de la gendarmerie ne livrent aucune indication sur les directives adressées à la gendarmerie, commandée à l'époque par le général-major Vedrine (1826-1906) (A.M.R.A., registre matricule no 5251). En fait, comme il était de tradition à Bruxelles au XIXème siècle, les gendarmes furent placés sous la haute direction du bourgmes(...)tre. La presse catholique déplora l'inaction des pandores, imputant le fait tantôt à leur mauvaise volonté, tantôt à l'inexistence d'ordres précis. A certains moments, en effet, les chefs de peloton refusèrent de répondre aux appels des commissaires sans un ordre exprès du bourgmestre (A.G.R., Parquet générai, no 222, rapport de l'officier Desmedt, s.d.). Buls déclarera toutefois que la gendarmerie répondit "constamment" aux réquisitions de la police, et qu'elle fit des "efforts surhumains" pour rétablir l'ordre (B.C.B., 1884, II, p. 156).
92 Repris dans Le guet-apens..., p. 29.
93 F. VAN KALKEN, op. cit., p. 72.
94 IDEM, "Du facteur topographique en matière de mouvements populaires et de leur répression", dans Revue d'Histoire moderne, no 41-42, 1940, p. 79, et "L'armée de l'intérieur", dans Revue d'histoire moderne, no 15, novembre-décembre 1934, p. 446. Plus tard, cet historien écrira que la garde réussit à maintenir ce gigantesque hourvari dans les limites d'une Saint-Barthélémy des grosses caisses" ("Ce que fut la garde civique belge", dans Cahiers historiques, 1970, v, 1-2, p. 101).
95 Histoire de Bruxelles, sous la direction de M. MARTENS, Toulouse, 1976, p. 375. E.A. JACOBS penche également dans ce sens dans "Il y a 55 ans disparaissait une institution nationale qui eut son heure de gloire : la garde civique (1830-1920)", dans Bulletin trimestriel du crédit communal de Belgique, no 112, avril 1975, p. 86, et dans "La garde civique de Bruxelles et son agglomération", catalogue de l'exposition du musée royal de l'armée et d'histoire militaire, Bruxelles, décembre 1979-31 janvier 1980, pp. 8 et 37.
96 A.G.R., Parquet général, no 222.
97 Alfred Allard, né à Bruxelles le 27 juillet 1838, mort en cette ville le 19 août 1898. Avocat de la cour d'Appel après des études de droit à l'Université de Bruxelles, il fut conseiller de la ville de Bruxelles de 1878 à 1895 (cf. notice de M. MARTENS dans Biographie nationale, t. 30, col. 35-36).
98 B.C.B., 1884, II, p. 159.
99 A.G.R., Parquet général, no 222.
100 A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 2072, Lambermont à de Borchgrave, 7 septembre 1884.
101 A.G.R., Parquet général, no 221.
102 Le guet-apens..., p. 10.
103 Le lieutenant des chasseurs-éclaireurs Villers, qui intervint rue Marché-aux-Herbes, soutint que "l'emploi des armes pouvait seul porter un remède qui eût été beaucoup pire que mal ; notre chef n'en a pas voulu. Lorsque le calme sera rétabli, la patrie lui en sera reconnaissante" (A.M.R.A., Fords de la garde civique, no 198 (Chasseursé-claireurs de Bruxelles (1832-1890)).
104 Une heure avant l'attaque, malgré l'extrême difficulté éprouvée par ses forces à juguler les nombreuses échauffourées, Buls rassura le ministre, qui s'était inquiété de la situation (B.C.B., 1884, II, p. 178).
105 Cf. note 14.
106 Idem.
107 Buls déclarera fort justement : "Qu'auraient pu faire un millier d'hommes au milieu de l'effroyable cohue qui obstruait en ce moment toutes les rues de l'itinéraire ? Fallait-il exposer l'armée à être débordée à son tour, à être obligée d'employer ses armes et à causer peut-être, par l'exaspération que son intervention allait provoquer, d'irréparables malheurs ? (B.C.B., 1884, II, p. 154). L'attitude du bourgmestre lui valut une grande popularité : fin septembre, hommage fut rendu à Buls pour avoir préservé la capitale d'une "guerre civile" (La Chronique, 29 septembre 1884).
108 C. WOESTE, Mémoires..., p. 265.
109 Le soir du 7, le baron Lambermont écrivit à Devaux que les ministres avaient délibéré, vers 15 heures, sur l'intervention de l'armée, mais que le gouverneur "n'y était pas favorable, la garde civique ayant, paraît-il, exprimé l'intention de se retirer si l'armée se montrait" (A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 2072). Dans ses Mémoires, Woeste affirme pourtant que Dolez était prêt à requérir la troupe (p. 265).
110 Quoique Woeste redoutât que "les catholiques ne récriminassent contre le ministère" (Mémoires..., p. 265), Le Courrier de Bruxelles fut seul, dans la presse bruxelloise, à critiquer quelque peu "l'inertie" du gouvernement à cet égard (9 septembre 1884).
111 C. WOESTE, Mémoires..., p. 265.
112 "Il ne se peut pas que l'exercice d'un droit constitutionnel dépende de la volonté d'un eunuque ou d'un traître ; que des héros de brasserie ou de cabarets démontrent au pays au moyen de taches de sang répandues sur les pavés de nos boulevards, qu'il y a des sauvages ailleurs qu'au Congo" (Le Patriote, 10 septembre 1884). Du côté du ministère, Beernaert aurait été partisan de destituer Buls, mais le cabinet ne se rallia pas à son avis (C. WOESTE, Mémoires, p. 266).
113 Annales parlementaires. Sénat. Session ext. 1884, p. 66. Ce projet qui, selon l'Union libérale de Verviers, instituait un préfet de police dans la zone parlementaire, demeura "mort-né" (La Chronique, 28 septembre 1884).
114 Annales parlementaires. Sénat. Session ext. 1884, pp. 64-65. Au terme de cette séance, le Sénat "blâma énergiquement les excès commis à Bruxelles" par 64 voix et 2 abstentions.
115 Annales parlementaires. Sénat. Session ext. 1884, p. 69. Au conseil communal, Buls regrettera de ne pas avoir interdit la manifestation catholique : "j'ai eu le tort, dimanche, de craindre de paraître partial, reconnaîtra-t-il, et en effet, les journaux catholiques n'eussent pas manqué de me reprocher d'avoir usé de deux poids, deux mesures" (B.C.B., 1884, II, p. 151).
116 A.R., Cabinet du rai Léopold II, no 2072, Jacobs à Léopold II, 8 septembre 1884.
117 Ce qui enpêcha les instituteurs de descendre dans la rue comme prévu, et ce qui fit écrire à Woeste que "à tout prendre", la journée "avait produit plus de bons résultats que de mauvais" (C. WOESTE, Mémoires..., p. 267).
118 Annales parlementaires. Sénat. Session ext. 1884, p. 92.
119 DE TRANNOY, op. cit., p. 21 ; DE SELLIERS DE MORANVILLE, op. cit., p. 330 et C. WOESTE, Mémoires..., pp. 268-269.
120 Cité dans C. WOESTE, Mémoires..., p. 269.
121 A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 960, Pontus à de Borchgrave, 11 septembre 1884.
122 DE SELLIERS DE MORANVILLE, op. cit., p. 329.
123 Cf. note 121.
124 A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 960, Pontus à de Borchgrave, 13 septembre 1884, C. WOESTE, Mémoires..., p. 269 et DE SELLIERS DE MORANVILLE, op. cit., p. 329.
125 DE SELLIERS DE MORANVILLE, Op. cit., p. 330, et La Chronique, 16 septembre 1884.
126 Alfred-Louis van der Smissen (1823-1895). Fils de Jacques-Louis van der Smissen, un des comploteurs de la célèbre affaire des "paniers percés" (1841). Promu lieutenant-général en 1879, il dirigera la répression sanglante des émeutes de 1886. Cf. L. LECONTE, Les deux généraux van der Smissen, Bruxelles-Paris, 1947, L. BERTRAND, Général van der Smissen, sauveur de l'ordre, Bruxelles, 1886 et A. DUCHESNE, "A propos de livres récents sur l'"aventure" mexicaine (1864-1867). Le général baron A. van der Smissen", dans Revue belge d'histoire militaire, no XXII, juin 1978, pp. 487-508.
127 Cette concentration de forces était difficile à réaliser car les locaux disponibles pour la troupe ne pouvaient contenir que deux mille cinq cents hommes (C. WOESTE, Mémoires, p. 269).
128 A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 960, Pontus à de Borchgrave, 17 septembre 1884.
129 Dans le courant de l'année, les gardes civiques avaient reçu de nouveaux fusils Comblain.
130 DE SELLIERS DE MORANVILLE, Op. cit., p. 330.
131 Ibid., p. 331.
132 A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 958, Malou à Léopold II, 13 septembre 1884.
133 Malou comme van der Smissen désiraient pourtant ne pas alarmer la population. C'est sur leurs recommandations que le général Pontus annula l'ordre de faire charger les caissons de batteries pour le cas où l'emploi du canon serait nécessaire, et que les quatres bataillons supplétifs restèrent cantonnés en province (A.G.R., Papiers Malou, no 67, Malou à Beernaert, 13 et 15 septembre 1884 ; A.R., Cabinet du roi Léopold II, no 958, Malou à Léopold II, 13 septembre 1884 et DE SELLIERS DE MORANVILLE, Op. cit., pp. 330-331).
134 La Chronique, 15 septembre 1884.
135 La Flandre Libérale, reprise par Le Journal de Bruxelles, 17 septembre 1884.
136 La Réforme, 16 septembre 1884.
137 Idem.
138 DE SELLIERS CE MORANVILLE, op. cit., p. 319 et 333. Dans le courant du mois de septembre, note le général Gratry, "un grand" nombre de miliciens chantèrent à la gare du midi le "Ch Vandenpeereboom" !... (A.G.R., Papiers Frère-Orban, no 299).
139 A.V.B., Fonds de la police, registre d'ordres administratifs, 1884, s.n...
140 Cf. les journaux de l'époque, du 18 au 22 septembre 1884.
141 A.V.B., Fonds de la police, registre d'ordres administratifs, 1884, s.n.
142 C. WOESTE, Mémoires..., p. 310. "On lui avait fait des remontrances", écrit Woeste, "il avait offert sa démission ; mais rien n'avait pu vaincre son obstination".
143 Moniteur belge, no 266, 22 septembre 1884.
144 Reproduit dans H. RYCKMANS, op. cit., II, p. 242.
145 A.V.B., Fonds de la police, registre d'ordres administratifs, 1884, no 1734, 21 septembre 1884.
146 Le 1er octobre, L'Indépendance reconnut qu'il "y avait du vrai dans cette appréciation" mais que la faute en incombait au ministère, qui, en maintenant la garnison sur pied, acculait Buls à convoquer la garde.
147 Le 23, vers 13 h., la police dispersa violemment un groupe de deux à trois mille manifestants (La Chronique, 24 septembre 1884) qui chantaient "la Carmagnole" en suivant le cortège des combattants de septembre. Les socialistes Bertrand et Volders furent conduits au commissariat du Vieux-Marchéau-Charbon. Les agents saisirent aussi un manifeste publié par la Ligue républicaine des frères Defuisseaux, qui avait été largement distribué dans le public. Plus tard, le parquet poursuivit les signataires de ce placard, mais l'enquête sur un éventuel complot républicain contre la sûreté de l'Etat aboutit à un non-lieu (voir L. BERTRAND, Souvenirs…, I, pp. 235-239, et Histoire de la démocratie..., II, pp. 365-367 ; A.G.R., Parquet général, no 221 et 239 A).
148 Le Courrier de Bruxelles et Le Journal de Bruxelles, 24 et 25 septembre 1884.
149 Rue des Princes, Buls dut même s'interposer dans une brasserie pour que les gendarmes tempèrent leur élan (La Chronique, 24 septembre 1884).
150 La Réforme, 24 et 25 septembre 1884.
151 C'est sur sa proposition que le conseil communal vota à l'unanimité, le 29 septembre, une gratification de quarante mille francs à la police (B.C.B., 1884, II, p. 202).
152 Voir (V. JACOBS) "Histoire de l'émeute de novembre 1871, d'après des documents authentiques et les récits de la presse libérale", dans Revue générale, février-mars 1872, 1, pp. 151-182 et 173–201. Consulter également C. WOESTE, "De la répression des troubles à Bruxelles", dans Revue générale, septembre 1872, 2, pp. 231-250, et Ltgén. CAPIAUMONT, De la répression des émeutes, Ixelles, 1873.
153 Cf. Documents parlementaires. Chambre. Session 1884-1885, no 148, et l'analyse de Buls dans B.C.B., 1885, I, pp. 430-436.
154 Woeste, par exemple, est moins sévère à l'égard de Buls qu'à l'encontre d'Anspach, cet "homme dangereux" dont la "connivence" avec les fauteurs de troubles lui semblait évidente (C. WOESTE, Mémoires..., p. 110 ; Vingt ans de polémique, t. I : Etudes politiques, Bruxelles, 1885, p. 266 ; "L'interpellation de Mr Bara et la situation", dans Revue générale, novembre 1871, 2, pp. 611-612).
155 Kervyn de Lettenhove (Le baron...) et Auguste Mélot (A. MELOT, Cinquante années de gouvernement parlementaire (1884-1934), Bruxelles, 1934) considèrent au contraire que ce fut "l'extrême faiblesse" du gouvernement qui incita le souverain à révoquer Woeste et Jacobs, en octobre. Ces deux personnalités catholiques reprochent au cabinet de ne pas avoir osé maintenir l'ordre avec l'appui de l'armée dès la réouverture des Chambres et particulièrement le 7 septembre. Leur analyse repose sur un aperçu des événements pour le moins singulier. Tronquant la vérité historique, ils déplorent que les débats au Parlement se poursuivirent tout le mois d'août au milieu des "émeutes" ! De plus, mettant sous le boisseau la réaction du ministère après la manifestation catholique, ils décrivent le mois d'octobre comme une "période de désordres", alors que le calme était rétabli dans la rue depuis la fin septembre...
156 En 1867, trois ouvriers tombaient au moulin de Marchiennes sous les salves de la troupe. Le 28 mars 1868, au charbonnage de l'Epine à Damprémy, les fusils du 11ème de ligne couchaient sur le pavé au moins dix grévistes, dont deux femmes (L. HENNEAUX-DE POOTER, Misères et luttes sociales dans le Hainaut, 1860-1869, Bruxelles, 1959, pp. 149-150).
157 "Si dans une grève, des ouvriers faisaient la dixième partie de ce que les libéraux ont fait à Bruxelles, lit-on dans le Vooruit du 11 septembre 1884, la troupe et la gendarmerie les sabreraient et les mitrailleraient".
158 Si bien que, pour Woeste, le cabinet du 16 juin avait "marqué la voie que devra suivre désormais tout cabinet soucieux de ses devoirs" : grâce à ses interventions, "la volonté des Chambres avait été sauvegardée, une grande loi politique votée, et les tentatives de sédition, déjouées" (C. WOESTE, Vingt ans..., p. 268).
159 Le 5 octobre, l'administrateur de la Sûreté publique avait envoyé des gendarmes en civil surveiller le Palais des Académies où le Roi s'était déplacé. Charles Buls ne fut pas prévenu de cette réquisition. Il mena campagne et cette "affaire des gendarmes en bourgeois" donna lieu à un débat parlementaire où furent précisés les droits de l'Etat quant au maintien de l'ordre. Cf. Annales parlementaires. Chambre. Session 1884-1885, pp. 154-210 ; CLAESSENS, "Autour d'une médaille", dans Revue de la gendarmerie avril 1969, no 36, pp. 13-16 ; L. KEUNINGS, "L'évolution d'un corps de police urbain : la police de Bruxelles (de 1831 à 1914)", dans Bulletin trimestriel du crédit communal de Belgique, no 145, juillet 1983, p. 176.
160 Jusqu'alors, les ministres avaient eu de sérieux doutes à cet égard. Il est du reste significatif qu'avant de nommer le libéral Dolez à la place de gouverneur, le cabinet lui eut demandé l'engagement de suivre ses ordres pour requérir l'armée. A chaque fois, Jacobs crut ainsi devoir recourir au gouverneur pour signer les réquisitoires. Ce qui posa problème : lors de la manifestation du 7 septembre, le ministre de l'Intérieur chercha pendant une heure Hubert Dolez, qui ne gagna son Hôtel que vers 14 h 30 ; par la suite, fin septembre et début octobre, le gouverneur allait, à deux reprises, refuser de réquisitionner la troupe (C. WOESTE, Mémoires..., pp. 233-265, 309 et 314).
161 C. WOESTE, Vingt ans..., p. 288.
162 IDEM, "De la répression ..."
163 A. de Burlet, cité dans A. VERHAEGEN, op. cit., p. 231.
164 Annales parlementaires. Sénat. Session 1885-1886, p. 11, intervention du baron de Coninck, et Ibid. Chambre. Session 1884-1885, p. 827, intervention du député Declercq.
165 Lire les discussions sur la loi du 7 septembre 1897 dans les Annales parlementaires.
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