Le schéma institutionnel
p. 75-84
Texte intégral
Introduction
1Notre intention première, dans la présente tentative de définition du schéma institutionnel de placement des mineurs en institution psychiatrique ouverte ou fermée, était centrée essentiellement autour de l’étude des législations applicables (article 43 de la loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse et des lois sur le régime des aliénés de 1850 et 1873) et de leurs corrélations avec les institutions existantes.
2Indépendamment du fait que le schéma institutionnel est très complexe en raison de l’absence de politique de programmation hospitalière globale, il est assez facile de dégager des éléments statistiques qui réduisent le débat avancé ci-dessus à une seule question : où sont-ils ? Où sont les mineurs dits « malades mentaux » (pour employer un terme très large) ?
3Notre propos est donc très simple. Tout d’abord, nous examinerons les structures hospitalières actuelles avec un bref historique de leur création, voire superpositions successives.
4En second lieu, nous nous interrogerons, à l’aide d’une étude de la Ligue d’hygiène mentale, sur la pertinence de la distinction entre les hôpitaux psychiatriques indice K et les IMP, sur la population cible et les organes demandeurs de placement pour en arriver au constat qu’il n’existe pas de critère distinctif global.
5Nous plongerons ensuite dans l’abîme du placement par le juge de la jeunesse par ordonnance non motivée. L’essentiel sera de voir à cet égard ce que nous apprend l’expérience du « Détour » ou celle du Patriarche : essentiellement, comme nous le verrons, l’absence de véritable contrôle institutionnel externe et l’absence de normes individuelles minimales.
6Nous examinerons également les placements dits d’enseignement spécial et nous en terminerons par le régime des établissements de l’État (section ouverte ou fermée).
1. Aspect quantitatif
7L’examen rapide des éléments quantitatifs ramène à des proportions très faibles l’enjeu du débat autour des mineurs colloqués sur base de l’article 43 de la loi du 8 avril 1965 ou des lois sur le régime des aliénés de 1850 et de 1873. Il résulte, en effet, d’une étude statistique sommaire que le nombre de mineurs colloqués au moment de la rédaction de la présente étude est d’un mineur de moins de 18 ans à Tournai et de 10 mineurs entre 18 et 21 ans à Manage. Cinq autres mineurs feraient également l’objet d’une mesure de collocation à « La volière » à Liège, mais ils ne résideraient pas effectivement dans l’institution.
8Les lois des 18 juin 1850 et 28 décembre 1873 ont organisé, au plan institutionnel, le régime des aliénés placés dans un établissement psychiatrique fermé. L’article 1 de la loi de 1850 dispose que « nul ne peut ouvrir ni diriger un établissement destiné aux aliénés sans une autorisation du Gouvernement. La même autorisation est nécessaire pour le maintien d’établissements actuellement existants ». L’article 2 dispose pour sa part qu’« est considérée comme établissement d’aliénés toute maison où l’aliéné est traité, même seul, par une personne qui n’a avec lui aucun lien de parenté ou d’alliance, ou qui n’a pas la qualité de tuteur, de curateur ou d’administrateur provisoire ».
9Un régime général sera mis en place pour ces établissements en vertu duquel ils seront considérés comme fermés.
10Au fil des années, ces établissements se dotèrent également de sections dites ouvertes, sans que le statut de celles-ci ne soit légalement défini. Elles étaient destinées à recevoir des malades mentaux qui, sur le plan administratif, n’étaient pas colloqués conformément aux articles 7 et suivants de la loi du 18 juin 1850.
11La loi du 23 décembre 1963 officialisa l’existence des sections ouvertes en les considérant comme des hôpitaux, mais tout en excluant de cette assimilation les services psychiatriques fermés.
12Ce sera l’arrêté royal du 6 septembre 1972 qui étendra également les dispositions de la loi du 23 décembre 1963 sur les hôpitaux aux établissements psychiatriques fermés.
13Ainsi, sur base de l’arrêté royal du 23 octobre 1964, les hôpitaux psychiatriques étaient organisés en fonction d’appellations précises, telles que les services O, P et Q, mais destinés uniquement à recevoir des malades mentaux hospitalisés librement.
14Quant au patient colloqué en vertu des articles 7 et suivant de la loi du 18 juin 1850, il était admis dans un service F, ce dernier étant régi par les articles 1 à 6 de la même loi.
15Ce système provoqua des difficultés pour l’administration concrète et pratique des soins, ce qui nécessita l’adoption de nouvelles modalités de fonctionnement.
16Un arrêté royal du 15 février 1974, modifiant l’arrêté royal du 23 octobre 1964, détermina de nouvelles normes, les index A et T étant destinés à se substituer progressivement aux services O, P et Q. Le but paradoxal de cet arrêté royal est ainsi d’assurer les hôpitaux psychiatriques de ne fonctionner que sur la base des services A et T, que le patient soit colloqué ou non, qu’il y soit admis librement ou contraint.
17Pour atteindre en réalité ce résultat, il conviendrait de modifier la loi du 18 juin 1850 et de reconnaître qu’il n’existe plus de section fermée, identifiée comme telle au sein de l’hôpital psychiatrique.
18Dans cette attente, les services F doivent dès lors subsister à côté des services A et T qui sont ouverts et organisés de manière distincte. Or, de par la fonction que leur assignait la loi, ces services sont les seuls habilités à pouvoir prodiguer certains soins indispensables au traitement d’un malade mental compte tenu de son évolution, alors même que celui-ci serait colloqué. Ainsi, en vue de soigner adéquatement le malade mental, on ne peut que le transférer du service F où il a été admis vers les services A ou T, c’est-à-dire en section ouverte.
19Ultérieurement, l’arrêté royal du 6 septembre 1979 étendra les dispositions de la loi du 23 décembre 1963 sur les hôpitaux aux établissements psychiatriques fermés et l’arrêté royal du 15 février 1974 fixera des normes auxquelles les hôpitaux et leurs services doivent répondre.
20Il ressort de ce maquis de textes que les sections ouvertes ont été assimilées à des hôpitaux ordinaires en vue de les distinguer nettement des établissements fermés et que le régime n’est pas identique.
21Un arrêté royal du 29 mars 1977 a instauré une norme supplémentaire qui s’ajoute aux index A et T ; il s’agit du « service de neuropsychiatrie infantile » repris sous la lettre K (Moniteur belge du 30 mai 1977). Ce texte comporte une annexe contenant les normes spéciales s’adressant aux services neuro-psychiatriques d’observation et de traitement d’enfants. Le service K est destiné aux jeunes malades nécessitant, soit une intervention d’urgence en cas de crise, soit une observation ou un traitement actif.
22Fin des années 60, début 70, une série de courants nouveaux se rencontrent en psychiatrie. La critique du système asilaire, l’anti psychiatrie, les expériences des secteurs, la fermeture des asiles en Italie remettent la pratique psychiatrique en question.
23Vers cette même époque, les travaux et les expériences tentent une nouvelle approche thérapeutique institutionnelle (Manonni, Bettelheim, Deligny...).
24Ces nouvelles voies thérapeutiques vont amener dans le pays le développement de deux orientations distinctes en santé mentale : d’une part la sectorisation et d’autre part la prise en charge institutionnelle des enfants psychotiques.
25Le premier projet a abouti à la création des centres de santé mentale dont les buts étaient, notamment, la prise en charge et la prévention des troubles psychiatriques graves, adultes ou infantiles. Contrairement à d’autres expériences de sectorisation dans d’autres pays, les centres sectorisés n’auront que rarement une relation directe avec les hôpitaux psychiatriques, tant pour les adultes que pour les enfants. Le plus souvent la séparation est totale : les secteurs critiques de la politique asilaire et les hôpitaux psychiatriques se défendent des centres extra-hospitaliers qu’ils considèrent comme dangereux, remettant leur pratique en cause.
26Le second projet défini ci-dessus aboutira à l’agréation des services K. Dans le domaine plus particulier de la psychiatrie infantile, tout restait à créer : il existait peu d’équipes spécialisées dans la prise en charge des enfants psychotiques et de leur famille que ce soit en institution ou sous forme ambulatoire. On a vu alors des institutions essayer de se mettre sur pied, cherchant à définir leur travail, cherchant aussi à se faire reconnaître et à se faire subsidier par les pouvoirs publics. Ces derniers se trouvaient confrontés à des demandes de reconnaissance d’un nouveau type de travail, sans qu’une politique globale de santé mentale n’ait été définie, et sans que soient définies l’utilité et l’importance des services d’hospitalisation psychiatrique pour enfants.
27Le coefficient de 0, 32 0/00 choisi en termes de norme ne résulte pas d’une étude approfondie des besoins en Belgique, mais provient d’une appréciation d’un groupe d’experts pédo-psychiatres, transmise à la commission nationale de programmation hospitalière.
28Ce coefficient s’inspirait pour une part des normes du Royaume-Uni, mais surtout, il faut bien le reconnaître, de l’appréciation subjective de ces experts. Cette commission d’experts demandait en fait la création de 800 lits dans les 5 ans, puis une évaluation de la situation. Elle estimait que le chiffre définitif pourrait être étendu à 1500 lits. La commission nationale de programmation hospitalière a accepté d’emblée le chiffre de 1500 lits, sans prévoir de façon précise de planning, ni d’évaluation. Une lacune de ces programmations est, par exemple, de ne pas faire de distinction entre enfant et adolescent. Mettre une limite d’âge est un acte assez arbitraire, mais ne pas en tenir compte amène un flou, tant au niveau de la prise en charge que de la programmation des lits.
29Pour conclure à ce stade, il convient de relever que les services A, T et K d’une institution psychiatrique sont des sections ouvertes dans lesquelles les patients sont admis librement comme dans un hôpital ordinaire. Pour qu’un malade mineur ou majeur puisse être placé non volontairement ou retenu, il faut non seulement qu’une mesure de collocation ait été décidée, mais que cet hôpital ait fait l’objet d’une agréation supplémentaire régie par les articles 1 et 2 de la loi du 18 juin 1850, ce qui est bien sûr assez rarement le cas.
2. Les instituts médico-pédagogiques (I.M.P.)
30Si l’on recherche comment est née l’idée d’un service « K », qui est bien un service hospitalier, au même titre que la chirurgie ou la pédiatrie, on trouve au départ une situation où la prise en charge de ce type de pathologie était assurée tant bien que mal par les IMP (instituts médico-pédagogiques). Si l’on prend encore actuellement, par exemple, les institutions spécialisées dans la prise en charge des enfants psychotiques, nous remarquons que certains ont, de fait, demandé une agréation comme service K, mais que d’autres s’en sont abstenus, préférant rester IMP, « Fonds 81, catégorie 14 » ou centre de revalidation.
31Comment peut-on expliquer ce choix ? Il n’y a pas de différence importante entre le prix de journée « fonds 81 » et « indice K ». Ce prix est d’ailleurs considéré comme insuffisant par les deux types d’institutions, de sorte que presque toutes les institutions K ou IMP demandent une convention avec l’ΙΝΑΜΙ qui permet d’obtenir ainsi un prix de journée plus élevé que celui prévu par le Ministère de la santé publique. Celle-ci est obtenue tant par le service K que par les IMP.
32En comparant les normes architecturales, fonctionnelles et organisationnelles entre un service K et un IMP, il n’y a que peu de différences. Les normes de personnel paramédical sont plus précises pour le service K, mais l’ΙΜΡ a une souplesse qui permet de négocier avec le Ministère afin d’engager également le personnel nécessaire. La preuve en est que, vu de l’extérieur, rien ne distingue les deux types de services, sauf le directeur. En effet, les services K ont à leur tête généralement des psychiatres, tandis que les IMP spécialisés ont à leur tête — ou ont été créés par — des psychologues, assistants sociaux ou éducateurs.
33Ajoutons encore que cette différence tient plus aux personnes ou à une reconnaissance médicale et hospitalière, qu’à un type de travail différent.
34Les normes K ont été définies par l’arrêté royal du 29 mars 1977.
35Outre des précisions quant aux normes de personnel, ce texte, d’une part, dispose que « le service est destiné aux jeunes malades nécessitant soit une intervention d’urgence en cas de crise, soit une observation ou un traitement actif » et, d’autre part, il introduit la notion d’hospitalisation de jour et/ou de nuit. Notons que l’IΜΡ permet l’équivalent d’une « hospitalisation de jour » appelée dans ce cas « semi-internat ». Pour en revenir à la définition du service K donnée par l’arrêté royal du 29 mars 1977, il y a trois indications : l’urgence, l’observation et le traitement actif. Des divergences continuent à exister entre autres au niveau du Ministère de la santé publique. En effet, la situation actuelle permet une agréation selon l’index K pour des institutions pratiquant des traitements de longue durée (1 an et plus). Cela correspond à la situation de fait où les services K actuels s’occupent principalement des enfants dits « psychotiques ».
36Si l’on étudie les trajectoires des enfants, on ne peut manquer d’être frappé sur la parfaite symétrie existant entre les deux types de prise en charge. Un quart seulement des enfants séjournant en service indice K ou en service IMP n’ont pas eu de prise en charge antérieure dans l’autre type de service et les 3/4 restant ont déjà séjourné antérieurement soit dans un service de même type, soit pour la moitié d’entre-eux dans un service d’un autre type (index K s’ils séjournent en IMP et IMP s’ils séjournent en index K). Les dernières statistiques disponibles sont celles de l’année 1987. Elles révèlent un nombre de 2446 jeunes ayant séjournés en IMP si l’on se réfère à la catégorie des jeunes entre 0 et 20 ans. Pour être plus précis, on ne peut manquer d’être frappé par le fait que rien que la catégorie des 15 à 20 ans représente 824 jeunes, ce qui est bien sûr fort important dans un cadre psychotique ou pré-psychotique.
3. Les placements en institution privée par le juge de la jeunesse
37Le placement d’un mineur par le juge de la jeunesse peut se faire dans le cadre des mesures que le tribunal de la jeunesse prend à l’égard des parents ou à l’égard des mineurs (articles 30 à 35 et 37 de la loi du 8 avril 1965). La mesure d’assistance éducative permet, en effet, exceptionnellement, de placer le mineur. Le tribunal de la jeunesse peut également, dans le cadre d’un dossier ouvert à l’égard d’un mineur, prendre, sur base de l’article 37,3°, une décision de placement privé. Il s’agit, à ce moment-là, soit d’un placement chez un particulier, c’est-à-dire chez une personne digne de confiance, soit dans une institution ou un service résidentiel s’offrant à recueillir collectivement et de façon habituelle des bénéficiaires en application de la loi. La demande d’agrément du particulier qui accueille ou offre d’accueillir habituellement et moyennant subvention un ou des bénéficiaires ou de tout service résidentiel doit être introduite auprès du Ministre des affaires sociales de la Communauté française. À la demande doivent être joints, s’il s’agit d’un service résidentiel, le projet éducatif que le service compte mettre en œuvre et un exemplaire des statuts ou de tout autre document probant attestant que le demandeur est constitué en association sans but lucratif. Le projet éducatif global doit être élaboré en concertation avec l’équipe éducative et doit être adapté au besoin des bénéficiaires. Toute demande d’agrément expose les méthodes pédagogiques auxquelles le service propose de recourir. Ces méthodes font l’objet d’évaluation et de mise au point périodique par l’équipe éducative. Les sanctions doivent être adaptées à la personnalité des bénéficiaires et concourir à son éducation. Elles ne peuvent être ni dégradantes ni humiliantes. En aucun cas, elles ne peuvent avoir de conséquence traumatisante. Toute correction corporelle et privation de repas sont prohibées. Le projet éducatif mentionne les sanctions qui seront éventuellement utilisées par le service. La manière dont celui-ci les aura mises en œuvre dans les cas d’espèce est indiquée dans le registre d’activité. « Pour les services résidentiels, l’admission de mineurs autres que les bénéficiaires est autorisée dans les limites de la capacité agréée. Ces autres mineurs ne sont toutefois pas considérés comme unités subventionnées » (article 18 de l’arrêté de l’Exécutif du 7 décembre 1987 relatif à l’agrément et aux subventions des personnes et services assurant des mesures d’encadrement pour la protection de la jeunesse, Moniteur belge 23 février 1988). Il est ainsi expressément prévu, dans l’article 19 de l’arrêté de l’Exécutif, la possibilité d’héberger des mineurs qui bénéficient d’un subventionnement en vertu de l’arrêté royal no 81 du 10 novembre 1967 créant un fonds de soins médico-pédagogiques pour handicapés.
38Tous les placements effectués en vertu de la loi du 8 avril 1965, que ce soit par les comités de la protection de la jeunesse (assez rares), les tribunaux de la jeunesse ou, exceptionnellement (en cas de mise à la disposition du Gouvernement), le Ministre de la Justice, font l’objet d’un contrôle tant de la part des autorités de placement (article 74 de la loi du 8 avril 1965) que de la part de l’administration (inspecteurs de l’Office de Protection de la Jeunesse - article 69 de la loi du 8 avril 1965). C’est ainsi que le juge de la jeunesse a l’obligation de visiter lui-même ou de faire visiter par son délégué, une fois l’an, l’ensemble des mineurs qu’il a placés et que l’inspection de l’Office de Protection de la Jeunesse est chargée d’une visite régulière des institutions.
39Sans revenir sur les épisodes particulièrement dramatiques du « Détour », il me semble utile de relever une autre situation où manifestement ces différents types de contrôles externes n’ont pas fonctionné ; il s’agit du cas de l’association sans but lucratif « Patriarche » ayant son siège social à Tribomont.
40L’ordonnance de référé du président du tribunal de Namur dans le cas de l’action de l’ASBL contre l’arrêté pris par le Bourgmestre d’Andenne en date du 28 octobre 1988 ordonnant la fermeture immédiate des bâtiments de l’association fait référence à une étude de Madame Jacob expliquant que « les groupes belges se présentent comme particulièrement durs ; loin d’organiser la réinsertion sociale des jeunes toxicomanes, le Patriarche serait en rupture idéologique assez frappante avec la société et ses institutions, dans le domaine de la médecine de l’enseignement ou de la justice. Qu’il s’agirait en fait d’une association totalitaire dont le but serait non pas de soigner les toxicomanes, mais de se conserver et de grandir en tant qu’association marginale animée d’un but de lucre »1. Il suffit, pour se convaincre du peu de possibilité de contrôle, de faire référence à une circulaire adressée au juge de la jeunesse par l’association le patriarche qui a été rédigée comme suit : « Informations sur de nouvelles conditions concernant le placement de mineurs à l’association le patriarche : par notre expérience avec les mineurs placés, nous nous sommes aperçus que nous ne pouvions appliquer la thérapie du patriarche sans les conditions suivantes :
- le placement devra être d’un temps minimum de deux ans ;
- en cas de fugue, le mineur devra être replacé systématiquement chez nous ;
- il ne pourra partir qu’avec notre accord.
41À partir de ce jour, nous refuserons tout placement de mineur si ces conditions ne sont pas respectées.
42Nous restons à votre disposition pour une information complémentaire et nous vous prions de croire, Monsieur le Juge, en l’expression de nos sentiments distingués. »
43Le nombre de placements effectués par décision du juge de la jeunesse en institution privée sur base de la loi du 8 avril 1965 est donc particulièrement important ; mais il est tout à fait impossible de déterminer, en l’absence d’étude globale, combien de placements, parmi l’ensemble des placements effectués par les juges de la jeunesse, correspondent à des placements que l’on pourrait assimiler à des placements en milieu psychiatrique et qui ont été effectués dans des ASBL subsidiées par l’Office de Protection de la Jeunesse.
4. Les établissements d’enseignement spécial
44La loi du 6 juillet 1970 sur l’enseignement spécial se révèle tout à fait pertinente pour notre propos.
45L’article 10 de la loi précise que « si un enfant paraît être handicapé au sens de la présente loi, la commission consultative de l’enseignement spécial communique son avis au chef de famille par pli recommandé à la poste et indique le type d’enseignement spécial qui convient à l’intéressé. Elle fournit la liste complète des établissements des divers réseaux qui dispensent cet enseignement. Le chef de famille dispose d’un délai de 30 jours pour communiquer sa décision, par pli recommandé à la poste, au président de la commission consultative. Si le chef de famille oppose une fin de non-recevoir à la suggestion de la commission consultative ou s’il n’a pas fait choix d’un établissement, la commission consultative réexamine le cas et communique son avis définitif au chef de famille par lettre recommandée à la poste.
46Si, dans la quinzaine, le chef de famille n’a pas pris de disposition conforme ou n’en a pas avisé la commission consultative, celle-ci communique le dossier au tribunal de la jeunesse compétent pour décider éventuellement l’application d’une des mesures d’assistance éducative prévue à l’article 31 de la loi relative à la protection de la Jeunesse ».
47De prime abord, ce type de disposition parait assez exceptionnel puisque l’on ne relève pas de cas de saisine du juge de la jeunesse dans le cadre de la mesure d’assistance éducative, sur cette base, pour les dernières années. Cette première approche est bien sûr tout à fait insuffisante. Il est évident que de très nombreuses situations aboutissent en réalité à un placement, ne fût-ce que par l’existence même de la possibilité de la saisine du tribunal qui permet à la commission consultative de l’enseignement spécial d’obtenir une solution concertée en raison de la possibilité même de la saisine du tribunal.
48Si l’on s’en réfère aux types 2 et 3 de l’enseignement spécial qui sont comparables à la catégorie 14 du fonds 81, on ne peut manquer d’être frappé par le fait que pour l’enseignement spécial de l’État organisé au niveau provincial, il y a 358 mineurs placés en internat pour l’année 1988, et pour l’enseignement spécial libre 371 pour le réseau primaire et 731 pour le réseau secondaire.
49Il faudrait encore ajouter, à côté des établissements d’enseignement spécial, les établissements pris en charge par le fonds national de reclassement social des handicapés qui sont également organisés en un certain nombre d’internats et qui touchent de près ou de loin également les catégories de type psychiatrique évoquées dans la présente étude.
5. Les établissements de l’État
50Le juge de la jeunesse a la possibilité de confier un mineur au groupe des établissements de l’État sur base de l’article 37, 4° de la loi du 8 avril 1965 désormais dénommés institutions publiques de protection de la jeunesse, à régimes ouverts et fermés, de la communauté française (arrêté de l’Exécutif de la communauté française relatif à l’organisation du groupe des établissements d’observation et d’éducation surveillée de la communauté française du 18 juillet 1989, Moniteur belge du 10 novembre 1989 p. 18554).
51Les établissements actuels de la communauté française sont les suivants :
- établissement de Saint-Servais ;
- home scolaire Simone Huynen de Jumet ;
- établissement de Wauthier-Braine ;
- établissement de Fraipont ;
- centre orthopédagogique situé à Braine Le Château.
52À première vue, bien sûr, ce type d’établissement est éloigné de notre propos puisque l’on envisage assez difficilement un placement de type psychiatrique dans ce type d’établissement et que ce ne fut certainement pas le but du législateur à l’origine. On ne peut néanmoins manquer d’être frappé par les termes mêmes du projet de l’arrêté de l’Exécutif de la communauté française portant création du groupe des institutions publiques de protection de la jeunesse à régime ouvert et fermé de la communauté française qui prévoyait dans son article 2 que « le Ministre qui a la protection de la jeunesse dans ses attributions organise les institutions visées à l’article 1er du présent arrêté en fonction des besoins résultant de l’application de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse. Chacune de ces institutions peut notamment comprendre :
- une ou plusieurs sections de premier accueil court et provisoire à régime ouvert ;
- une ou plusieurs sections sécuritaires de pré-orientation ;
- une ou plusieurs sections d’observation et/ou d’éducation à régime ouvert ;
- une ou plusieurs sections d’observation et/ou d’éducation à régime fermé ;
- une ou plusieurs sections d’individualisation et d’observation à régime ouvert ;
- une ou plusieurs sections thérapeutiques et de prise en charge intensive. »
53L’organisation même d’une « section thérapeutique et de prise en charge intensive » dans le cadre d’un établissement de l’État à régime ouvert ou à régime fermé ne peut manquer d’inquiéter ; l’inquiétude est renforcée par l’imprécision des termes, l’imprécision des contrôles et l’absence totale de réflexion globale quant aux concepts mêmes d’institutions fermées ou ouvertes, que ce soit dans le milieu strictement psychiatrique ou dans le milieu protectionnel mis en place par la loi du 8 avril 1965.
54Le texte définitif de l’arrêté de l’Exécutif de la communauté française du 18 juillet 1989 ne retient pas cette idée de section thérapeutique et de prise en charge intensive, mais parle de section de prise en charge intensive à régime ouvert, sans autre précision.
55Il n’en demeure pas moins que le transfert entre le carcéral ou quasi-carcéral et le psychiatrique n’est certainement pas prêt de disparaître des horizons actuels de la protection de la jeunesse.
Notes de bas de page
1 Tribunal de Namur (référé), 7 et 21 novembre 1986, in Le Journal des procès, no 96, 12 décembre 1986, p. 26
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Le placement des mineurs en institution psychiatrique
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