Considérations générales sur l'expertise
p. 9-23
Texte intégral
Introduction
11. Au sein des dispositions relatives aux preuves, les articles 962 à 991 du Code judiciaire traitent de l'expertise judiciaire.
2Comme on le sait, la réforme de 1967 a tenté de répondre aux critiques formulées à l'encontre de l'ancienne législation : formalisme, lenteur, coût excessif et utilisation dilatoire des expertises1.
3Dans cette étude qui se veut générale, nous nous attacherons successivement à la notion même d'expertise, au domaine d'application des articles 962 et suivants du Code judiciaire et, enfin, aux traits fondamentaux de ces dispositions.
Chapitre I. Notion et institutions voisines
42. L'expertise est généralement définie comme la mesure d'instruction par laquelle le juge, conscient de la complexité de l'affaire dont il est saisi ou pourrait être saisi, recourt aux lumières de spécialistes qui ont des compétences techniques et scientifiques qu'il ne possède pas2.
5Ainsi, les rôles respectifs des deux acteurs sont-ils d'emblée définis : l'expert est appelé à faire des constatations matérielles ou à se prononcer sur des questions techniques tandis qu'au juge revient le pouvoir de dire le droit.
63. Ainsi définie, l'expertise se différencie fondamentalement de l’arbitrage. Dans ce cas, les parties donnent mission à une ou plusieurs personnes privées de trancher en droit le différend qui les oppose. L'arbitrage a donc un caractère essentiellement juridictionnel : existence d'un différend d'ordre juridique ; recours à un tiers pour le trancher en droit, par une sentence ; possibilité pour l'arbitre de se prononcer sur sa propre compétence eu égard à la validité de la convention d'arbitrage dont il tient son investiture3.
7Par opposition, l'expert ne peut procéder qu'à des constatations matérielles ou rendre un avis technique qui ne lient pas le juge. Par ailleurs, l'expertise s'insère généralement dans le cadre d'un litige de droit préexistant mais peut aussi exister en dehors et en prévision de pareil litige.
84. L'expertise se démarque aussi de la tierce décision obligatoire ("het bindend advies" en droit néerlandais). L'hypothèse est celle où les parties chargent un tiers de procéder à une évaluation qu'elles s'engagent à accepter définitivement4.
9Pareil procédé s'analyse généralement en une convention sui generis qui tire sa force obligatoire de l'article 1134 du Code civil.
10La tierce décision obligatoire se différencie de l'expertise en ce que les parties sont liées par l'évaluation du tiers qui devient une véritable décision. Elle se distingue tout autant de l'arbitrage car le tiers n'est pas chargé de mettre fin en droit à un litige mais de déterminer certains éléments de fait.
11Les applications de ce procédé sont nombreuses tant en droit civil qu'en droit administratif et en droit fiscal. Le législateur lui-même, dans l'article 1592 du Code civil, prévoit la possibilité pour les parties de confier à un tiers la détermination du prix d'une vente. Dans ce cas, le tiers est chargé de compléter un contrat, en déterminant l'un de ses éléments essentiels qui désormais liera les parties.
125. En droit français, conscient de la lenteur et du coût des expertises, le législateur a introduit la notion plus souple de technicien. Elle désigne toute personne qui, en raison de ses connaissances particulières, est temporairement investie d'une mission d'information du juge sur une question de fait5.
13Les missions d'instruction confiées à un technicien sont diversifiées. Ce technicien peut être un expert mais aussi un constatant ou encore un consultant.
14Le constatant est celui qui est chargé par le juge de procéder à de simples constatations ou vérifications sur place6. Son constat ne peut contenir aucune opération de nature intellectuelle telle que la recherche des causes des faits constatés ou les conséquences qui pourraient résulter des constatations. Il n'a jamais d'autre portée que celle de simples renseignements.
15Le consultant est celui qui est chargé par le juge de rendre un avis sur une question technique relativement simple. La consultation se distingue des constatations qui doivent demeurer exclusives de tout avis et de l'expertise en ce qu'elle ne peut être utilisée que si des investigations complexes ne sont pas nécessaires. La démarcation entre consultation et expertise demeure cependant délicate.
16En diversifiant de la sorte les mesures d'instruction qui peuvent être confiées à un technicien, le législateur recherche la souplesse et l’efficacité : toute mesure d'investigation n'est pas obligatoirement soumise aux règles strictes de l'expertise.
17Il reste à souhaiter qu'on ne qualifie pas "consultation" ce qui devrait, en réalité, être une "expertise" dans le seul but d'échapper à ces règles strictes et, par ailleurs, garantes du respect du principe du contradictoire.
186. De la définition même de l'expertise en droit belge, découlent deux conditions d'admissibilité propres à cette mesure d'instruction.
19D'une part, le champ d'action de l'expertise est limité à "la connaissance de la réalité du fait juridique en ce qu'il a de matériel et de technique"7. La mesure d'instruction ne peut porter sur l'existence ou le contenu d’obligations juridiques ni, de manière plus générale, sur des points de droit. Les règles qui interdisent au juge de déléguer sa juridiction (article 11 du Code judiciaire) sont d'ordre public8.
20D'autre part, pour être admise, l'expertise doit aussi être utile à la solution du litige. Le juge doit pouvoir trouver, dans les éléments de fait rapportés par l'expertise, une base solide. Lui seul apprécie souverainement l'utilité de la mesure d'instruction, au regard des circonstances de la cause. La mesure peut être considérée comme inutile si les droits des parties sont déjà fixés de manière certaine ou pourraient l'être par une mesure plus rapide et moins coûteuse ou encore si les constatations des experts s'avèrent impossibles ou inutiles parce que tardives9.
Chapitre II. Champ d'application des dispositions du Code judiciaire
217. Les articles 962 et suivants du Code judiciaire sont, en vertu de l'article 2 du même Code, applicables à toutes expertises judiciaires pour autant que celles-ci ne soient pas régies par des dispositions légales non expressément abrogées ou par des principes de droit dont l'application n'est pas compatible avec des dispositions du Code judiciaire10.
228. Que peut bien signifier l'exception prévue à l'article 2 ? Faut-il considérer que le droit commun de la procédure et donc ici de l'expertise n'est pas applicable chaque fois qu'existent ailleurs des dispositions spécifiques ou seulement en présence de dispositions dérogatoires expresses ?
23La seconde interprétation nous paraît préférable : toute expertise judiciaire est régie par le Code judiciaire sauf dispositions dérogatoires expresses.
24Par conséquent, même si des dispositions spécifiques existent, pour les points non réglés par ces dispositions, le droit commun est applicable. Tel doit être le cas, notamment, en matière fiscale11.
259. En matière répressive cependant, la nature même de l'instruction a paru incompatible avec certaines règles contenues dans le Code judiciaire telles que celles prescrivant la présence des parties à chaque opération d’expertise ou encore la faculté pour celles-ci de faire valoir leurs observations à chaque stade de la procédure. La jurisprudence de la Cour de cassation est d'ailleurs fixée dans ce sens12.
26En dehors des caractéristiques propres au secret de l'instruction, il faut cependant considérer que les dispositions du Code judiciaire sont applicables, en l'absence en droit pénal de dispositions dérogatoires expresses et de principes généraux de droit incompatibles.
Chapitre III. Traits fondamentaux des dispositions du Code judiciaire
2710. Deux traits fondamentaux marquent les dispositions du Code judiciaire relatives à l'expertise, traits qui sont précisément les objectifs poursuivis par le législateur de 1967.
28D'une part, le couple juge-expert est caractérisé par "l'indépendance dans l'interdépendance"13 et, d'autre part, le principe du contradictoire étant omniprésent, un difficile équilibre est réalisé entre le principe accusatoire et le principe inquisitoire, le premier devant gouverner tout procès civil et le second amener, en principe, plus rapidement et plus efficacement la découverte de la vérité.
Section 1. Le couple juge-expert ou l'indépendance dans l'interdépendance
A. Juge et expert sont d'abord indépendants et une série de règles marquent cet état
2911. L'indépendance de l'expert par rapport au juge se manifeste d’abord dans son mode de désignation, tel que prévu dans l'article 964 du Code judiciaire.
30En cas de procédure contradictoire, les parties choisissent elles-mêmes l'expert et le juge décrète leur accord14.
31En cas de désaccord des parties, le juge le désigne d'office mais, même en cette hypothèse, les parties peuvent encore s'accorder pour désigner un autre expert15.
32Dans une procédure unilatérale, seule est possible une désignation d'office de l'expert par le juge.
33Remarquons qu'en France, dans le but d'éviter que les experts ne se considèrent comme les mandataires des parties, le rôle de la volonté de celles-ci est considérablement réduit : si les parties sont d'accord pour suggérer un nom, le juge peut accéder à leur souhait mais sans que ce soit une obligation16.
34L'article 991 du Code judiciaire prévoit que "les cours et tribunaux peuvent établir des listes d'experts selon les règles fixées par le Roi". Cette disposition est demeurée lettre morte, aucun arrêté d'exécution n'étant intervenu à cet effet. Les parties et le juge disposent donc de toute liberté en ce qui concerne le choix de l'expert. Cette lacune est vivement regrettée. Si l'on devait cependant s'orienter vers l'établissement de pareilles listes, il conviendrait de profiter de l’expérience en ce domaine de pays voisins, tels que la France. Les listes d'experts n'offrent pas que des avantages et surtout conviendrait-il de mettre au point une procédure rigoureuse d'établissement des listes, d'inscription ou de refus d'inscription sur ces listes (respect du contradictoire, voies de recours éventuelles), de retrait (raisons d'âge, de maladie, d'éloignement...) ou encore de radiation (raison disciplinaire)17.
35En conclusion, l'expert judiciaire n'est ni le mandataire des parties, ni celui du juge qui l'a désigné18.
3612. L'indépendance de l'expert se manifeste aussi dans la liberté qui lui est reconnue d'accepter ou non sa mission.
37L'article 965, alinéa 2 qui prévoit la manière dont l'expert avise le juge du commencement des opérations, autorise implicitement l'expert à refuser sa mission. On peut regretter que ne soit pas précisée la manière de refuser ni le temps dans lequel le refus doit intervenir19.
3813. L'indépendance de l'expert se traduit aussi et surtout dans la maîtrise qu'il exerce sur les opérations matérielles d'expertise et leur déroulement. Il organise son travail comme il veut ; cette liberté va jusqu'à une modification éventuelle de la mission de l'accord des parties ; il entend les parties et facilite leur conciliation ; il se fait éventuellement assister de spécialistes sans pour autant pouvoir déléguer entièrement les pouvoirs qu'il a reçus.
39Son indépendance ne peut être mise en péril par une demande consacrant, directement ou indirectement, une immixtion prématurée du juge dans l'appréciation des données du litige soumises à expertise20.
4014. L'expert est indépendant en ce qu'en principe, il détermine lui-même ses honoraires et frais, au bas de son rapport (art. 982 C.J.)21.
41L’incident n'est réglé par le juge que si le montant de l'état est contesté par les parties ou lorsque l'expert a négligé de déposer cet état22.
4215. La marque essentielle de l'indépendance du juge à l'égard de l’expert, cette fois, est sa liberté d'appréciation par rapport au rapport d'expertise.
43L'article 986 précise, en effet, que "les juges ne sont point astreints à suivre l'avis des experts si leur conviction s'y oppose"23. Cette règle doit cependant être précisée et tempérée.
44La liberté réelle du juge, soit d'entériner, soit de rejeter, totalement ou partiellement, le rapport d'expertise, s'accompagne de l'obligation de motivation suffisante et correcte du jugement.
45Si le juge accueille tout ou partie des conclusions de l'expert, il soignera sa motivation, particulièrement si l'une des parties conteste la teneur du rapport dans ses conclusions24.
46Par contre, en cas de rejet du rapport, la motivation du jugement doit clairement en préciser les raisons : violation des droits de la défense, constatations matérielles ou techniques peu fiables ou sujettes à interprétations diverses25.
47Remarquons, enfin, que la liberté du juge est inversement proportionnelle au degré de fiabilité scientifique de l'expertise. Dans les actions de filiation notamment, les résultats des expertises sanguines laissent peu de marge d'appréciation au magistrat.
B. Toute cette indépendance de chacun des deux acteurs, l'un par rapport à l'autre, ne va pas sans une certaine interdépendance qui se manifeste principalement, d'une part, dans le mode de recours à l'expertise et, d'autre part, dans le contenu du jugement d'instruction
4816. Quant au mode de recours à l'expertise d'abord, en règle générale, celle-ci intervient, à titre de mesure incidente, dans le cadre d'un litige principal. Les rôles du juge et de l'expert sont, dès lors, profondément interdépendants : le premier appelant le second à l'aide pour résoudre le litige dont il est saisi26.
49On sait que ce mode de recours à l'expertise, si fréquent qu'il soit, n'est pas unique : l'expertise peut également être demandée au principal devant un juge du fond27 ou, en cas d'urgence, au provisoire, devant un président28.
5017. L'interdépendance se manifeste aussi en ce que l'expert tient sa mission du juge, mission dont l'objet et la durée sont déterminés dans le jugement d'instruction. L'article 963 du C.J. précise en effet que le jugement doit contenir l'objet de l'expertise et fixer un délai pour le dépôt du rapport.
51Si, aux termes de l'article 974 C.J., la fixation de la mission confiée à l'expert revient, en principe, au juge, cette règle doit s'accompagner de deux tempéraments : la mission de l'expert peut être étendue de l'accord des parties et l'article 974 n'est pas d'ordre public29.
52Lorsqu'en cours d'instance, de nouvelles questions se posent, il y a alors lieu d'ordonner des mesures complémentaires d'expertise30.
53Quant au délai pour le dépôt du rapport, il s'agit là d'un délai d'ordre, non prescrit à peine de nullité ou de déchéance31. Si l'expert estime que son rapport ne pourra être rendu dans les temps, il lui revient de demander au juge de prolonger le délai32. En cas de retard dans le dépôt du rapport, il revient au juge de diligenter la procédure, voire de procéder au remplacement de l'expert négligent.
Section 2. Le Code judiciaire en ses dispositions relatives à l'expertise, présente un second trait fondamental : il tente de réaliser un équilibre entre les principes accusatoire et inquisitoire tout en assurant un respect rigoureux du principe du contradictoire
A. Manifestations du principe accusatoire
5418. En ce qui concerne le principe accusatoire, sa manifestation la plus spectaculaire se situe au stade de la mise en mouvement de la mesure d'instruction33. Même ordonnée d'office par le juge, l'expertise ne sera tenue que si la partie la plus diligente requiert l'exécution du jugement de preuve. L'article 965 qui prescrit cette mesure est diversement apprécié et d'aucuns se demandent si l'on ne pourrait pas à cet endroit ajouter une petite touche d'inquisitoire.
5519. Le rôle des parties demeure également prépondérant à d’autres étapes de la procédure. Il s'agit surtout des hypothèses de demande d'extension de la mission de l'expert (article 974) et de remplacement de celui-ci (article 977).
5620. Une autre marque importante de l'accusatoire réside dans l'article 990 qui prévoit que les experts peuvent différer l'accomplissement de leur mission jusqu'à ce que la partie la plus diligente ait consigné au greffe une provision34.
57A défaut de consignation d'une provision, le juge qui a autorisé ou ordonné l'expertise ne peut déclarer exécutoire la créance relative à la provision qu'à charge de la partie légalement tenue de la verser35 et uniquement à la demande de la partie la plus diligente36. On considère que la solution inverse aboutirait à donner au juge le pouvoir de contraindre la partie à poursuivre l'expertise, ce qui serait contraire au principe de la procédure accusatoire37.
B. Par contre, le législateur a émaillé ses dispositions de nombreuses touches inquisitoires dans le but de rendre la procédure plus rapide et plus efficace
5821. Tout d'abord, au stade du mode de recours à l'expertise, il est acquis que la formulation générale de l'article 962 permet d'envisager à la fois une expertise ordonnée d'office par le juge et une expertise autorisée par celui-ci, à la demande d'une partie38.
59Le fait pour le juge de pouvoir ordonner d'office une mesure d'instruction a toujours été ressenti comme une victoire de l'inquisitoire, victoire qui peut cependant se retrouver paralysée par la circonstance que la mise en oeuvre concrète de la mesure dépend de la volonté de la partie la plus diligente.
6022. Par ailleurs, l'article 973 du Code judiciaire consacre le principe de la mission générale de contrôle confiée au juge qui peut, à tout moment, d'office ou sur demande, assister aux opérations39.
61Pareil contrôle peut s'exercer à tous les stades de la procédure : désignation et remplacement des experts, fixation et modification de la mission d'expertise, contrôle du caractère contradictoire de celle-ci, respect des délais et notamment du délai pour déposer le rapport, respect des formalités imposées aux experts et aux parties et correction immédiate des erreurs ou omissions, contrôle de l'intervention éventuelle de "témoins" ou "autres spécialistes", contrôle de la régularité du rapport d'expertise...
62Le législateur fournit ainsi au juge des possibilités illimitées de contrôle et il est regrettable que celui-ci n'en profite pas davantage.
C. Mais à chaque intervention du magistrat, comme à chaque intervention de l'expert, le respect du principe du contradictoire doit être assuré
6323. Le principe du contradictoire est, en effet, un principe général de droit applicable à toute procédure et les dispositions du Code judiciaire traitant de l'expertise y font largement écho40.
64L'article 973 précise que les parties doivent être convoquées à toutes les opérations de l'expert à moins qu'elles ne l'aient dispensé de les en informer. Ainsi, l'expert viole-t-il les droits de la défense lorsqu'il a un entretien seul à seul avec une partie et qu'il n'en fait pas part aux autres parties concernées41. La jurisprudence considère cependant que certaines opérations d'expertise peuvent se dérouler sans que l'expert ait convoqué les parties, dès lors qu'il n'apparaît pas que cette omission a mis en péril les droits de défense de l'une d'entre elles42.
65De même, l'article 978 prévoit-il qu'à la fin des opérations, les experts donnent connaissance de leurs constatations aux parties et actent les observations de celles-ci.
6624. Le non-respect du contradictoire ne peut entraîner la nullité du rapport d'expertise43 mais bien l'exercice de voies de recours contre la décision qui serait prise sur base d'une expertise entachée d'une telle irrégularité.
67Pour éviter d'arriver à cette extrémité, il revient au juge, dans sa mission de contrôle, de veiller au respect du contradictoire. Ainsi pourrait-il demander à l'expert de recommencer certaines opérations, requérir un complément d'expertise voire, dans les cas graves, nommer un nouvel expert. Il pourrait aussi réunir lui-même les parties et les entendre avant le dépôt du rapport d'expertise44.
6825. Comme on a pu le voir, les textes du Code judiciaire contiennent, en germe, les réponses à tous les besoins : il revient aux parties, aux juges et aux experts, de les faire fructifier.
69Puissent les juges et les experts avoir toujours en mémoire quelques phrases que nous devons à Monsieur Pierre DRAI, premier président de la Cour de cassation de France : "Dans la quête de la décision de justice, experts et juges sont unis pour le meilleur et pour le pire ! Qu'ils prennent conscience que la faillite de leur couple est un peu celle de l'administration de la justice elle-même et que la réussite de leur action n'est qu'un dû envers ceux qui s'adressent à eux"45.
Notes de bas de page
1 A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1987, no 513, p. 380. Pour la France, voy. H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, t. III, Procédure de première instance, Paris, Sirey, 1991, no 896, p. 758 et 759, qui montrent que l'objectif de la réforme du Code de procédure civile en cette matière a été identique.
2 A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Fac. droit Liège, 1987, no 511, p. 379 ; G. CLOSSET-MARCHAL, Le rôle du juge en matière d'enquête et d'expertise, in La Preuve, U.C.L., 1987, p. 1.
3 LINSMEAU, L'arbitrage volontaire en droit privé belge, Bruxelles, Bruylant, 1991, no 7 et s., p. 18 et s. et réf. citées.
4 Sur cette notion, voy. M. et M. STORME, De bindende derdenbeslissing naar Belgisch recht, T.P.R., 1985, p. 713 et s.
5 H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, t. III, Procédure de première instance, Paris, Sirey, 1991, no 898 et s., p. 760 et s.
6 Telles que l'état des travaux en matière de construction, l'étendue des dégâts à la suite d'un sinistre ou encore l'état des lieux en matière locative.
7 P. LURQUIN, Traité de l'expertise, Bruxelles, Bruylant, 1985, no 67, p. 67.
8 Cass., 12 décembre 1985, Pas., 1986, I, 254 ; Cass., 7 mai 1987, Pas., 1987, I, 523 ; Cass., 14 septembre 1992, Pas., 1992, I, 1021.
9 G. CLOSSET-MARCHAL, Le rôle du juge en matière d'enquête et d'expertise, op. cit., p. 7 et la jurisprudence citée dans les notes 18 à 21.
10 A. KOHL, L'article 2 du Code judiciaire, Ann. Fac. dr. Liège, 1975, p. 401.
11 Sur ce que les articles 978 et 979 du Code judiciaire ne sont pas applicables aux expertises en matière fiscale : Cass., 20 juin 1991, R.N.B., 1991, p. 647 ; Civ. Bruxelles, 12 janvier 1990, R.G.E.N., 1990, p. 231 ; contra·. G. CLOSSET-MARCHAL, Le rôle du juge en matière d'enquête et d'expertise, op. cit., p. 34 et 35.
12 Cass., 9 octobre 1973, Pas., 1974, I, 146 ; Cass., 20 décembre 1977, Pas., 1978, I, 455.
13 Voyez cette expression dans D.J. BEYNEL, Expertise, experts et procédure, Journal des Notaires et des Avocats, 1989, p. 239.
14 A. FETTWEIS, Manuel, op. cit., no 518, p. 382.
15 Civ. Antwerpen, 22 janvier 1991, R.W., 1991-1992, p. 336.
16 H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, t. III, op. cit., no 899, p. 761 et 762.
17 Voy. au sujet des listes d'experts en France : H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, t. III, op. cit., no 903 à 907, p. 766 à 769.
18 Bruxelles, 28 avril 1993, J.T., 1993, p. 650.
19 A. FETTWEIS, Manuel, op. cit., no 522, p. 383 et 384 qui souligne que, si l'article 965, alinéa 2, du Code judiciaire est applicable à l'expert qui accepte sa mission, la loi ne prévoit pas les formes dans lesquelles l'expert peut la refuser (simple lettre adressée aux parties ou déposée au greffe).
20 Liège, 28 avril 1992, J.L.Μ.B., 1992, p. 726.
21 A. FETTWEIS, Manuel, op. cit., nos 544 à 547 ; G. CLOSSET-MARCHAL, Le rôle du juge en matière d'enquête et d'expertise, op. cit., p. 37 à 43 ; Liège, 20 avril 1989, R.J.I., 1990, p. 207 ; Comm. Nivelles, 16 novembre 1989, R.J.I., 1990, p. 127 ; Comm. Hasselt, 26 novembre 1990, Limb. Rechtsl., 1991, p. 50 ; Civ. Liège, 17 décembre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 414. Jugé que, dans les litiges d'ordre social et plus particulièrement en matière d'assurance maladie-invalidité, les experts doivent faire preuve de modération et ne pas grever par des états excessifs les frais déjà considérables mis à charge de la collectivité des assurés sociaux : C. Trav. Liège, 19 mars 1990, C.D.S., 1991, p. 93 et note ; C. Trav. Bruxelles, 10 janvier 1991, C.D.S., 1991, p. 94.
22 P. LURQUIN, Traité de l'expertise, op. cit., no 240 ; A. FETTWEIS, Manuel, op. cit., no 541 ; Bruxelles, 11 janvier 1990, J.T., 1990, p. 455. Jugé cependant que le recours à la procédure prévue aux articles 981 à 984 du Code judiciaire est une faculté pour l'expert, lequel peut agir selon les voies de la procédure ordinaire : Civ. Bruxelles, 5 mai 1989, Pas., 1989, III, 114.
23 Dans un arrêt du 4 janvier 1974 (Pas., 1974, I, 460), la Cour de cassation distingue les "constatations" des "déductions" mais, du point de vue de la preuve, les place sur le même pied, le juge appréciant souverainement la valeur des unes et des autres.
24 Cass., 31 mars 1978, Pas., 1978, I, 835 ; Cass., 28 février 1989, Dr. eur. transp., 1989, p. 339 : N'est pas régulièrement motivé le jugement qui se fonde sur un rapport d'expertise judiciaire, mais qui ne précise pas les raisons pour lesquelles les griefs formulés par le demandeur à l'encontre de l'avis de l'expert, sont soit sans fondement, soit sans pertinence.
25 Pour des exemples concrets, voy. G. CLOSSET-MARCHAL, Le rôle du juge en matière d'enquête et d'expertise, op. cit., p. 35 et les références citées ; Comm. Gent, 4 février 1992, T.G.R., 1992, p. 52 et note D. FEVERY : La critique d'un rapport d'expertise émanant d’un expert-ingénieur dans un domaine qui relève de ses compétences, doit émaner d'un expert de même niveau ou, à tout le moins, être fondée sur des références scientifiques.
26 A. FETTWEIS, Manuel, op. cit., no 514, p. 381.
27 Civ. Liège, 17 janvier 1991, Aménag., 1991, p. 108 ; G. de LEVAL, note sous Liège, 23 juin 1981, J.L., 1983, p. 193.
28 Civ. Mons, réf., 20 mars 1989, Actualités du droit, 1992, p. 1341 et note V.V. DEHIN. Le juge des référés vérifie, au besoin d'office, l'urgence de la cause qui lui est soumise (Civ. Nivelles, réf., 17 mars 1992, J.T., 1993, p. 109 ; Civ. Liège, réf., 9 avril 1990, J.L.Μ.B., 1991, p. 104) et doit garder le contrôle sur le déroulement de l'expertise dans les limites cependant de sa compétence propre qui lui interdit d'aborder le fond (Civ. Nivelles, réf., 5 mars 1991, J.T., 1991, p. 604).
29 Cass., 14 janvier 1983, Pas., 1983, I, 575.
30 Civ. Bruxelles, 27 avril 1993, R.J.I., 1993, p. 115.
31 A ce sujet, voy. notamment : G. CLOSSET-MARCHAL, Du délai pour demander l'enquête contraire, note sous Cass., 31 janvier 1985, R.T.D.F., 1987, p. 339 et s. ; du même auteur, La sanction de l'inobservation des délais de procédure autres que ceux prescrits à peine de nullité ou de déchéance, note sous Civ. Namur, 16 juin 1989, R.T.D.F., 1989, p. 82 et s. et les références citées.
32 Gent, 7 avril 1992, T.G.R., 1992, p. 91 ; Civ. Arlon, 26 juin 1991, R.G.E.N., 1992, p. 341.
33 Civ. Nivelles, 6 novembre 1990, J.T., 1991, p. 130 : "La procédure est accusatoire et les parties en litige dirigent le procès comme elles le jugent bon, demandant et poursuivant l'expertise selon qu'elles l'estiment opportun à la défense de leurs intérêts".
34 Civ. Liège, 25 janvier 1991, J.L.M.B., 1991, p. 418.
35 Cass., 16 novembre 1989, Pas., 1990, I, 333 et note. Lorsqu'une requête en obtention de l'assistance judiciaire est recevable et fondée, il appartient à l'expert, s'il l'estime opportun, de solliciter la consignation d'une provision à charge de l'État : Civ. Namur, j. sais., 21 décembre 1990, R.R.D., 1991, p. 313.
36 Civ. Liège, 25 janvier 1991, J.L.M.B., 1991, p. 418.
37 Civ. Nivelles, 6 novembre 1990, J.T., 1991, p. 130.
38 A. FETTWEIS, Manuel, op. cit., no 514, p. 381.
39 J.P. Schaerbeek, 7 octobre 1981, J.J.P., 1990, p. 86 : "Le juge n'est pas dessaisi par la simple désignation de l'expert. L'expertise ordonnée par lui doit ardemment être maintenue sous son contrôle".
40 Cass., 16 septembre 1965, Pas., 1966, I, 76 qui précise que, dans sa mission de contrôle, le juge veillera à s'abstenir de donner des directives ou de s'entretenir avec l'expert, en dehors de la présence des parties.
41 C. Trav. Liège, 17 mars 1992, Bull. INAMI, 1992, p. 264 ; voy. aussi : Comm. Gent, 20 décembre 1991, T.G.R., 1992, p. 110 qui précise qu'une personne qui assiste volontairement aux opérations d'expertise sans préciser qu'elle est présente seulement comme conseiller technique d'une partie, ne peut ultérieurement faire valoir que les opérations d'expertise ne lui sont pas opposables.
42 Bruxelles, 22 décembre 1988, Pas., 1989, II, 163 en ce qui concerne l'expertise d'une voiture accidentée.
43 A. FETTWEIS, Manuel, op. cit., no 525 ; Bruxelles, 24 décembre 1991, R.G.A.R., 1992, p. 12036.
44 G. CLOSSET-MARCHAL, Le rôle du juge en matière d'enquête et d'expertise, op. cit., p. 27 et 28, no 29 et les références citées.
45 P. DRAI, Préface de l'ouvrage de D.J. BEYNEL, cité à la note 1, page 14.
Auteur
Professeur à l'U.C.L.
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