Autonomie et irresponsabilité du mineur
p. 79-159
Texte intégral
INTRODUCTION
11. — Sans doute faut-il considérer, à l'heure actuelle, que le droit civil applicable au mineur tend à aménager en sa faveur des espaces de liberté de plus en plus vastes. Les contributions qui accompagnent le présent rapport le démontreront sans doute.
2En toute logique, l'accroissement de l'indépendance du mineur devrait aller de pair avec une augmentation de sa responsabilité. L'on constate néanmoins, dans la plupart des droits nationaux, une certaine constance à tenir compte de la faiblesse naturelle de l'enfant pour le proclamer irresponsable et l'exempter de toute obligation de réparation.
3Ce souci de protection du mineur se heurte toutefois, dans le droit de la responsabilité civile, à un autre intérêt non moins digne de protection, celui de la victime à obtenir compensation des dommages qu'elle a subis. On sait que la fonction réparatrice de la responsabilité civile s'est accentuée au point d'en déformer certains concepts fondamentaux ou de remettre en cause les traditions les mieux établies. Face à une tendance aussi forte, il est en effet tentant de considérer comme un adulte le mineur confronté à une victime réclamant réparation.
4C'est que l'équilibre n'est pas facile à trouver entre le souci de protection de l'enfant et la volonté de réparer les dommages subis par la victime. L’on trouvera a priori choquant que l'enfant soit tenu sur ses propres biens de simples peccadilles, alors qu'une condamnation peut définitivement assombrir son avenir. Ceci ne suffit cependant pas à justifier que la victime innocente soit laissée à son sort, et doive supporter seule les conséquences des frasques des enfants.
52. — Ces deux soucis apparemment contradictoires ne sont pas définitivement inconciliables. L'on tentera de dégager ici les choix implicites formulés par le droit de la responsabilité civile en vue de sortir de cette impasse. La question sera abordée sous trois angles. Lorsque le mineur est lui-même auteur des faits dommageables, il faut s'interroger sur les conditions de sa responsabilité personnelle (section 1).
6Lorsque le mineur est lui-même victime, il mérite doublement l'attention du droit. Ne faut-il pas, autant que possible, lui garantir une réparation intégrale ? Si sa propre imprudence a contribué à causer le dommage, est-il juste de lui appliquer les mécanismes traditionnels de la responsabilité qui l'obligeront à supporter une part de son préjudice (section 2) ?
7La volonté de réparer les dommages subis peut par ailleurs conduire à se désintéresser du mineur lui-même, dont l'engagement de la responsabilité n'est ni particulièrement utile, ni particulièrement efficace, pour lui substituer un garant. Le droit de la responsabilité civile édicte, on le sait, un certain nombre de responsabilités du fait d'autrui ; il faut se demander s'il ne conviendrait pas d'en élargir le domaine d'application ou d'en renforcer les conditions. Dans un tel contexte, la faute du mineur passe au second plan. Il est possible en effet de confirmer la faiblesse naturelle de l'enfant, sans porter atteinte aux droits de la victime (section 3).
SECTION 1. LE MINEUR RESPONSABLE
83. — Si, en matière pénale, la politique répressive consiste à éviter de condamner le mineur, tout en lui permettant de s'amender, celle de la responsabilité civile pourrait être d'éviter de lui imputer une faute sans pour autant exclure la réparation du dommage.
9Sous l'angle de la responsabilité personnelle de l'enfant, cette proposition repose implicitement sur l'idée que derrière toute faute se dissimule nécessairement un reproche adressé à l'auteur du fait dommageable, et derrière toute obligation de réparer un dommage, une sanction. La rupture avec les origines morales de la faute et la dissociation qu'elle implique entre responsabilité et culpabilité permet de considérer la responsabilité personnelle de l'infans sous un jour nouveau (§ 1). Par ailleurs, il existe déjà des régimes exceptionnels de responsabilité qui ne se fondent pas sur une faute subjective et qui pourraient être appliqués au mineur. Il faut alors s'interroger sur la situation de l'enfant gardien d'une chose ou d'un animal et sur celle de l'enfant dément (§ 2 et § 3).
§ 1. Le mineur fautif : De la faute à l'acte objectivement illicite
104. — Une réflexion sur les conditions de la responsabilité personnelle du mineur conduit nécessairement à un réexamen des éléments constitutifs de la faute civile au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil.
11Si la faute civile comporte nécessairement un élément moral d'imputabilité, comme c’est le cas en matière pénale, il est possible et même justifié d'écarter la responsabilité individuelle de l'enfant, en donnant ainsi un prolongement au sentiment de compassion qui règne encore à l'heure actuelle à l'égard des plus jeunes. Sous l'angle de la politique juridique, cette condition pourrait même être comprise comme l'expression d'une volonté délibérée de protection.
12Par contre, si la faute civile se conçoit indépendamment de tout élément subjectif, comme un simple fait qui introduit un trouble dans les rapports sociaux, il n'y a plus de raison d'écarter la responsabilité personnelle du mineur. On y verra alors l’expression d'un souci de protection des victimes venant supplanter celui des enfants, des déments ou des incapables en général.
13Ce sont donc bien deux conceptions différentes de la faute qui s'affrontent ici. Ces deux voies seront explorées successivement. L'examen sera d'autant plus intéressant que le droit belge et le droit français ont formulé des choix différents à cet égard, sur la base de textes pourtant identiques.
14Des orientations aussi divergentes sont possibles car le Code civil, qui règle de façon minutieuse les incapacités de contracter, garde un silence prudent sur les éléments constitutifs de la faute en général et sur le régime applicable aux personnes privées de discernement en particulier. Un texte un peu oublié, l'article 1310, se contente d'affirmer que le mineur n'est point restituable contre les obligations résultant de son délit ou quasi-délit. On en déduira seulement que le législateur, soucieux de la réparation des dommages, n'a pas opté d'entrée de jeu pour un régime général d'irresponsabilité du mineur.
15La jurisprudence retrouve donc ici un rôle créateur typique du droit de la responsabilité civile. Elle s'en acquitte dans un sens ou dans un autre, selon les objectifs qu'elle entend promouvoir.
A. La faute subjective et l'irresponsabilité du mineur privé de discernement
165. — Selon la conception traditionnelle qui prévaut toujours en Belgique, la faute comporte un élément objectif, la violation d'une norme de conduite formulée ou non formulée, et un élément subjectif, qui consiste dans l'imputabilité de cette faute à son auteur. Le premier s'apprécie in abstracto par référence au comportement du bon père de famille replacé dans les mêmes circonstances de l'espèce. Le second, in concreto, en fonction des capacités et aptitudes particulières de l'auteur du fait dommageable1. Les deux conditions posent également problème lorsqu'on les applique au mineur, mais nous nous en tiendrons pour l'instant à la condition d'imputabilité.
17Selon l'enseignement de la Cour de cassation, la transgression d’une norme de conduite ne constitue une faute génératrice de responsabilité civile que si cette transgression a été commise librement et consciemment par l'intervention de l'homme2.
18Cette conception traduit en réalité l'enracinement moral de la faute et l'influence persistante de la faute pénale sur la faute civile : il n'est pas possible de reprocher une faute à celui qui n'a pas une conscience suffisante de mal faire, même si c'est dans le but louable de réparer le dommage qu'il a causé.
19Moralité et volontarisme justifient par conséquent l'irresponsabilité de l'enfant lorsque celui-ci n'a pas la capacité de discerner les conséquences dommageables de ses actes. Même s'il y a lieu d'apprécier le comportement de l'auteur par référence à une norme abstraite, un enfant qui n'a pas atteint l'âge du discernement ne peut être rendu responsable de ses actes. La décision du juge du fond qui retient la responsabilité personnelle d'un jeune enfant sans constater expressément que celui-ci avait le discernement est donc entachée d'illégalité. Un juge ne peut, par exemple, légalement décider qu'un enfant non doué de discernement doit néanmoins répondre des conséquences d'un accident dans lequel il était impliqué, au seul motif que cet enfant avait eu un geste impulsif qui, commis par une personne responsable de ses actes, aurait été une imprudence3.
20En revanche, si la capacité de discernement est établie, le mineur devra répondre sur ses biens personnels de tous les dommages qu'il a causés, pour autant qu'il ait violé une norme de prudence appréciée in abstracto (sur l'influence de l'âge dans l'appréciation de l'élément objectif, voy. infra).
216. — En l'absence de disposition légale réglant expressément la question, la capacité de discernement (capacité aquilienne) est une question de fait dont l'appréciation appartient au juge du fond. L'âge du discernement ne se confond pas avec celui de la majorité légale ramené à 18 ans depuis le 1er mai 1990, pas plus que la minorité de l'enfant ne rime avec absence de discernement.
22Il appartiendra au juge d'apprécier dans chaque cas le développement physique et intellectuel de l'enfant suivant toutes les circonstances utiles, notamment son âge, son milieu social, son éducation, et surtout la nature de l'acte dommageable4. Ces appréciations sont très variables.
23Si l'on s'en réfère aux chroniques de jurisprudence les plus récentes, il existe une tendance à considérer que les enfants de moins de 6 ans n'ont pas le discernement, alors que ceux qui ont 10 ans et plus engagent leur responsabilité personnelle5. L'incertitude se situe par conséquent entre ces deux âges, où il faut s'en remettre à l'appréciation du juge du fond et à ses connaissances en matière de psychologie enfantine. On trouvera cependant des décisions isolées qui considèrent qu'à 3 ou 4 ans, un enfant normal peut déjà raisonner et généraliser, et d'autres qui estiment qu'à 9 ans, un enfant n'est pas encore tout à fait arrivé à l'âge du discernement...
24On devrait davantage souligner que la capacité aquilienne suppose avant tout la faculté de discerner le bien du mal. Les travaux de Piaget démontrent que l'enfance débute par une période de six ou sept ans environ, au cours de laquelle l'attitude de l'enfant est dominée par des règles égocentriques qui ne donnent naissance à aucun sentiment d'obligation. Ensuite, débute une période de conformisme où l'enfant de 6 à 10 ans cherche à modeler son comportement sur celui de l'adulte. Ce n'est qu'après quelques années que l'enfant devient capable de porter un jugement moral et de discerner le bien du mal6.
25L'absence de condition d'âge visant à déterminer la capacité aquilienne engendre inévitablement une certaine insécurité juridique. L'introduction d'un seuil légal aussi bien pour la faute simple que pour la faute intentionnelle ou inexcusable aurait sans doute le mérite de la simplicité tout en évitant l'arbitraire, mais elle ne permettrait plus de tenir compte de la diversité des situations. Chacune des approches comporte donc ses avantages et ses inconvénients.
267. — L'état de la jurisprudence démontre à tout le moins que le droit belge de la responsabilité civile trouve encore des sources profondes dans la responsabilité morale : la faute civile nécessite le libre arbitre et suppose la culpabilité de l'agent. Rapportée à la responsabilité du mineur, la condition de discernement témoigne peut-être aussi d'un réel souci de protéger l'enfant en particulier et les incapables en général contre touté action en responsabilité civile.
27Le souci de protection est d'autant plus affirmé que la jurisprudence belge, à la différence de la jurisprudence française, a toujours dissocié nettement le sort de l'infans et celui du dément. L'insertion d'un article 1386bis dans le Code civil, instituant les conditions de responsabilité personnelle des déments et anormaux, n’a jamais conduit à remettre en cause, au bénéfice d'un raisonnement par analogie, le principe traditionnel de l'irresponsabilité de l'infans.
28Est-ce à dire que le droit belge a sacrifié les intérêts de la victime à ceux du mineur ? Certainement pas. Si la jurisprudence refuse de faire abstraction de l'élément d'imputabilité de la faute pour obliger personnellement le mineur à réparation, elle ne fait pas preuve des mêmes réticences lorsqu'il s'agit de transférer cette charge financière à une personne qui doit répondre de ses actes (voy. infra section 3). Dans ce contexte particulier, la jurisprudence se contente d'un acte objectivement illicite du mineur, ce dernier restant, quant à lui, à l'abri de toute action en responsabilité intentée par la victime (sur la notion d'acte objectivement illicite voy. infra B).
29Il s'agit là, à nos yeux, d'une manière élégante de régler les intérêts contradictoires du mineur et de la personne lésée. La mise en cause d'un garant pallie le manque d'intérêt que présente l'action en réparation exercée contre le mineur, en offrant à la victime un recours contre une personne réputée plus solvable. En outre, l'exercice de ce recours permet à l'enfant d'échapper à toutes les conséquences d'une condamnation personnelle, sans hypothéquer son avenir. Même lorsqu'il s'agit d'actes graves, qui incitent les juges à retenir plus facilement le discernement, l'on pourrait peut-être songer à offrir plus souvent au mineur cette porte de sortie en écartant sa responsabilité personnelle, puisque cette indulgence ne porte pas atteinte aux intérêts de la victime innocente. Un geste politique pourrait être fait dans ce sens, si l'on fixait une fois pour toute l'âge de la capacité aquilienne à 14 voire 16 ans.
B. La faute objective et la responsabilité du mineur
1. L'imputabilité
308. — A la théorie volontariste de la faute, l'on oppose une théorie purement objective du fait fautif, fondée sur la seule illicéité de l'acte dommageable. Selon les tenants de cette théorie défendue notamment par MM. Mazeaud et Tunc, l’illicéité n'impliquerait pas nécessairement la capacité de comprendre et de vouloir7. « Ce serait même un "préjugé" de croire que toute faute serait la violation d'une norme préexistante que le sujet aurait eu la possibilité d'intérioriser et qui s'imposerait à lui comme une sorte de devoir. La conduite illicite n'est souvent rien d'autre qu'un comportement socialement défectueux »8. La théorie de la faute objective « en déculpabilisant la faute civile », selon les termes de l'avocat général Cabannes, dénoue par la même occasion les liens restés très étroits entre la faute civile et la faute pénale9.
31Que reste-t-il de la faute dans une telle conception ? Il n'en subsiste à vrai dire que l'élément objectif, c'est-à-dire le manquement à une norme de bon comportement apprécié in abstracto. Dépouillée de son élément moral, la faute existe dès que la conduite de l'agent se révèle contraire aux règles de prudence et de diligence qui s'imposent à chacun dans le but d'une bonne organisation sociale. Comme l'indique M. Mazeaud, la faute objective, une fois coupée de ses racines morales, ne se confond pas pour autant avec la responsabilité objective. A la différence de celle-ci, celle-là nécessite encore un jugement de valeur sur la conduite de l'auteur10.
32Dès lors que l'élément d'imputabilité devient superflu, on doit admettre, pour ce qui nous concerne, qu'un être inconscient privé de tout discernement peut parfaitement commettre une faute. Toute personne, fût-elle incapable de mesurer les conséquences de ses actes, qui crée un trouble à l'ordre social par un comportement délictueux, doit en supporter les conséquences pécuniaires.
33L'examen de conscience se mue alors en examen de conduite, et il n'existe plus d'objection à reconnaître la responsabilité personnelle du mineur.
34Cette conception de la faute prend évidemment appui sur l'affirmation de la fonction réparatrice du droit de la responsabilité civile, laquelle n'a pas pour objet de sanctionner l'auteur du fait dommageable mais de faciliter la compensation des dommages. Transposée au cas du mineur, elle aboutit au maintien de la responsabilité individuelle en effaçant toute idée de culpabilité chez l'enfant.
359. — Par cinq arrêts rendus en Assemblée plénière le 9 mai 1984, la Cour de cassation française s'est, semble-t-il, ralliée à cette notion de la faute objective11.
36Ces arrêts marquent en effet le passage d'une irresponsabilité complète des enfants privés de discernement à une responsabilité intégrale de ceux-ci subordonnée seulement à la preuve d'un acte illicite12.
37La solution, que certains trouveront excessive, s'explique, au moins en partie, par un contexte législatif propre au droit français. Depuis la loi du 3 janvier 1968 en effet, l'article 489-2 du Code civil oblige les déments à réparer intégralement les dommages causés aux tiers : « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en n'est pas moins obligé à réparation ».
38Face à une telle déclaration de principe, il était devenu difficile de justifier une solution différente pour les enfants privés de discernement. L'absence de discernement du jeune enfant est certes naturelle et provisoire, alors que celle du dément résulte d'une anomalie, mais de l'avis général, ceci ne suffisait pas à justifier un régime de responsabilité distinct13. La doctrine a donc vu dans la loi du 3 janvier 1968 un premier jalon dans le sens d'une modification de la conception traditionnelle de la faute, appelé à ébranler le principe d'irresponsabilité de l'infans.
39En Belgique, on a échappé à cette logique trop cartésienne, car l'article 1386bis qui fonde la responsabilité personnelle des déments et anormaux a toujours été considéré comme un texte d'exception fondé sur l'équité. En accordant au juge le pouvoir de modérer les dommages et intérêts, le texte déroge en effet clairement aux principes généraux de la responsabilité civile et affirme son caractère exceptionnel14. Une application par analogie aux enfants privés de discernement pouvait difficilement être envisagée, d'autant que la Cour de cassation avait clairement refusé d'en étendre l'application aux personnes devenues temporairement inconscientes à la suite d'un malaise soudain15.
40En France au contraire, les arrêts du 9 mai 1984, en consacrant le divorce entre les concepts de conscience et de responsabilité, sont venus renforcer la conviction que la faute civile au sens des articles 1382 et 1383 était désormais coupée de ses racines morales. En dépit d'une logique apparente et d'un souci de cohérence louable, la solution est critiquable particulièrement dans le cas de l'enfant. L'on y verra tout d'abord un artifice destiné uniquement à satisfaire une politique d’indemnisation. Mais même sous cet angle, l'affirmation de la responsabilité personnelle de l'infans présente un intérêt relatif dans la mesure où celui-ci sera la plupart du temps insolvable et que son absence de discernement ne fait pas obstacle en droit français (comme en droit belge) à la mise en cause de la responsabilité de ses parents, de l'instituteur, voire du commettant16.
41La solution retenue par la Cour de cassation française porte enfin une atteinte grave au système de protection du mineur en droit civil dans la mesure où, par esprit de système, elle conduit aussi à retenir la responsabilité du mineur privé de discernement lorsque celui-ci n'est plus auteur, mais victime de l'accident. Deux des arrêts rendus le 9 mai 1984 concernaient cette hypothèse. Saisie du pourvoi, la Cour de cassation a confirmé le partage de responsabilité retenu par les juges du fond au motif que ceux-ci n'avaient pas à rechercher si l'enfant disposait ou non de la faculté de discernement pour déclarer la victime responsable de ses actes (voy. infra section 2).
2. L'illicéité
4210. — Outre les objections qui viennent d’être formulées à propos de la disparition de l'élément d'imputabilité, on observera que la théorie de la faute objective ne permet pas de surmonter l'ambiguïté inhérente à l'appréciation in abstracto de l'illicéité du comportement de l'agent. Que ce soit dans la conception traditionnelle de la faute subjective ou celle, plus moderne, de la faute objective, l'appréciation in abstracto suppose que l'on compare la conduite de l'auteur du fait dommageable avec celle qu'aurait adoptée un individu raisonnablement prudent et diligent replacé dans les mêmes circonstances de fait. Si cette méthode permet de tenir compte de toutes les circonstances externes, étrangères à l'auteur du dommage, telles qu'elles se présentaient au jour de l'accident, elle exclut en revanche, selon l'enseignement traditionnel, que l'on prenne en considération les capacités intellectuelles, mentales ou physiques propres à l'agent, de même que toutes ses aptitudes personnelles17.
43S'agissant d'un fait illicite commis par un enfant, faudra-t-il comparer son comportement à celui d'un enfant du même âge replacé dans les mêmes circonstances de fait ou à celui d'un homme adulte sensé et raisonnable ? L'âge doit-il, en d'autres termes, être considéré comme une particularité de l’auteur inconciliable avec une appréciation in abstracto ? Cette question divise la doctrine et la jurisprudence, tant en Belgique qu'en France. Comme telle, elle n'est pas propre à la faute objective, mais elle présente une acuité particulière dans ce contexte. Tenir compte de l'âge de l'auteur permettrait en effet de réintroduire incidemment l'élément d'imputabilité dans l'appréciation de la faute et d'atténuer ainsi la rigueur de la solution retenue par la Cour de cassation française. Peu enclines à se plier à cette jurisprudence, plusieurs juridictions de fond ont choisi de se placer sur le terrain de l'illicéité en vue d'écarter la responsabilité de l'enfant lorsque celui-ci a eu un comportement normal et naturel pour un enfant de son âge. Après avoir laissé croire qu'elle n'était pas hostile à une telle approche18, la Cour de cassation l'a apparemment condamnée en reportant le débat sur le terrain de l'imputabilité et en réaffirmant son attachement à la notion de faute objective19.
44Les partisans d'une méthode d'interprétation rigoureuse soutiennent cette solution en soulignant que l'inconscience liée à l'âge de l'individu est un élément spécifique à sa personnalité qui ne devrait normalement avoir aucune incidence sur l'appréciation de la faute. La solution inverse constituerait un moyen indirect d'appréhender les aptitudes intellectuelles de l'enfant et conduirait à juger in concreto20.
45D'autres se plaisent à souligner l'absurdité de la méthode qui consiste à déterminer l'illicéité du comportement d'un enfant par comparaison à celui d'un individu adulte doté de conscience et replacé dans les mêmes circonstances. Apprécier l'attitude d'un enfant par référence à une psychologie adulte ne peut mener qu'à des invraisemblances grotesques, particulièrement lorsque le dommage survient à l'occasion d'une activité naturelle pour un enfant, mais en principe étrangère à un adulte (construction d'une fusée, jeu de saute-moutons,...)21.
4611. — On rappellera cependant que la méthode d'appréciation in abstracto ne s'oppose pas à la prise en compte des compétences professionnelles spécifiques de l'auteur du fait illicite lorsque celles-ci dépassent celles d'un homme normal22. Au gré de la diversification des activités humaines, la jurisprudence va parfois très loin dans cet affinement par catégorie professionnelle et même par spécialité (dans le cas des médecins par exemple)23. On justifie cette dérogation apparente en affirmant que l'appartenance à une catégorie professionnelle n'est pas un élément subjectif propre à l'auteur. Mais l'âge ne pourrait-il, lui aussi, être considéré comme un critère objectif facilement saisissable ? Sans doute l'âge est-il le révélateur d'une capacité intellectuelle, mais il n'en va pas autrement de la profession.
47La prise en compte de l'âge n'est donc pas, selon nous, radicalement incompatible avec l'appréciation in abstracto. Celle-ci invite seulement le juge à faire abstraction des considérations intellectuelles ou psychologiques qui le conduiraient nécessairement à s'immiscer dans le for intérieur des individus. Elle n'interdit pas la prise en considération de circonstances internes pour autant qu'elles soient objectivables24.
48La seule différence entre la situation du professionnel et celle de l'infans provient du fait que l'entorse faite aux principes généraux justifie une aggravation de la responsabilité dans le premier cas, alors qu'elle entraîne une atténuation de la responsabilité dans le second. C'est donc bien d'une question de politique juridique qu'il s'agit. Or, on sait qu'en droit belge, la jurisprudence maintient la capacité de discernement comme élément constitutif de la faute. L'infans est donc protégé à ce titre contre une action en réparation. Il ne nous paraît pas nécessaire de prendre une nouvelle fois en compte sa situation spécifique dans l'appréciation de l'illicéité. Une telle solution risque même de porter gravement préjudice aux intérêts de la victime dans l'exercice de son recours contre les civilement responsables.
49L'on approuvera, par conséquent, la Cour d'appel de Bruxelles d'avoir rappelé, à deux reprises, que l'illicéité de l'acte objectivement illicite, comme de la faute, ne peut dépendre de l'âge, circonstance personnelle à celui qui le commet25. Tous les juges ne sont pas aussi rigoureux. Témoignant leur attachement à une conception de la faute fondée sur l'idée de culpabilité, certains retiennent le critère de l'âge pour déterminer le degré de diligence que l'on pouvait raisonnablement attendre de l’auteur.
50Si l'on s'en tient à la jurisprudence récente, l'acte est le plus souvent déclaré illicite lorsqu'il résulte de la participation à une activité dangereuse ou lorsqu’il manifeste un comportement agressif ou antisocial. Il ne l'est pas lorsqu'il s'inscrit dans le cadre d'une activité normale ou d'un manque d'attention habituel et il est tentant d’ajouter alors, en rompant avec les principes de l'appréciation in abstracto, pour un enfant du même âge26.
51La lecture des décisions démontre à tout le moins que la jurisprudence belge ne semble guère encline à faire abstraction de l'âge de l'enfant dans le seul but de favoriser l'indemnisation des victimes. Le passage de la faute morale à la faute sociale, clairement consacré par la Cour de cassation française, n'a guère reçu écho dans notre pays, où l'on préfère clairement déplacer la charge de la réparation vers le civilement responsable.
§ 2. L'enfant gardien
5212. — L'enfant privé de discernement, comme toute autre personne incapable de mesurer les conséquences dommageables de ses actes, peut-il être considéré comme gardien d'une chose ou d'un animal et engager sa responsabilité sur le fondement des articles 1384, al. 1er et 1385 du Code civil ?
53Cette question faisait partie de celles posées à la Cour de cassation française le 9 mai 198427. Parmi les cinq arrêts soumis à son contrôle, l'une concernait en effet un enfant âgé de 3 ans qui, en tombant d'une balançoire improvisée, avait éborgné son camarade avec un bâton qu'il tenait à la main (on sait qu'en France, la jurisprudence se contente d'un fait de la chose et n'exige pas que celle-ci soit affectée d'un vice). Les parents de ce jeune enfant reprochaient au juge du fond d'avoir déclaré celui-ci responsable sur le fondement de l'article 1384, al. 1er, alors que l'imputation d'une responsabilité présumée impliquait selon eux la faculté de discernement. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en ces termes : « En retenant que le jeune enfant avait l'usage, la direction et le contrôle du bâton, la Cour d'appel qui n'avait pas, malgré le très jeune âge de ce mineur, à rechercher si celui-ci avait un discernement, a légalement justifié sa décision »28. L'arrêt Gabillet transpose ainsi au mineur l'enseignement de l'arrêt Trichard qui s'était prononcé dans le même sens à propos du dément29.
54A notre connaissance, la Cour de cassation belge n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur la même question. La doctrine considère généralement, en s'appuyant sur le caractère objectif de la responsabilité du gardien, qu'une personne dépourvue de discernement peut être gardienne d'une chose vicieuse ou d'un animal30.
55En réalité, l'attribution de la garde à une personne incapable de discernement suscite deux interrogations qui méritent d'être clairement distinguées. La première consiste à se demander si la capacité de discernement est une condition de la responsabilité du gardien. La seconde conduit à vérifier en fait, si l'infans possédait au moment du dommage les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle qui caractérisent la garde. Dans son arrêt Gabillet, la Cour de cassation française ne s'est clairement prononcée que sur la première question31.
56Savoir si le discernement est une condition de la responsabilité du gardien dépend clairement d'un examen du fondement de cette responsabilité. En Belgique, comme en France, on s'accorde à reconnaître que les articles 1384, al. 1er et 1385 instituent à charge du gardien une responsabilité de plein droit indépendante de toute faute dans son chef. Ni la responsabilité du fait des choses, ni la responsabilité du fait des animaux n'impliquent qu'un jugement de valeur soit porté sur la conduite du gardien. Dans ces conditions, l'absence de discernement, élément d'imputabilité inhérent à la faute, ne fait pas obstacle à l'application des articles 1384, al. 1er ou 1385 du Code civil.
57L'autre question est plus délicate. Si, comme nous le pensons, la garde comporte un élément intellectuel32, il n'est pas certain que le jeune enfant privé de discernement puisse en toute hypothèse être considéré comme le gardien de la chose ou de l'animal. Comme on l'a justement remarqué, un même individu ne peut à propos d'une seule et même chose à la fois obéir et décider33. La victime doit au préalable démontrer en fait que l'auteur du dommage possédait au moment de l'événement dommageable, un pouvoir de maîtrise sur la chose ou l'animal. Or, l'exercice d'un tel pouvoir de commandement ou de direction suppose une autonomie de fait dont l'enfant privé de discernement sera généralement dépourvu. Il n'en va évidemment pas de même pour un adolescent qui peut exercer les pouvoirs caractéristiques de la garde, notamment sur un vélo ou une motocyclette.
5813. — Faute de pouvoir constater en fait chez l'infans le pouvoir de maîtrise de la chose ou de l'animal, il est préférable d'attribuer la garde, selon les circonstances, soit aux parents, soit au propriétaire de la chose confiée à l'enfant, soit encore à la personne qui était chargée de sa surveillance. Sans faire dépendre la garde de l'exercice de l'autorité parentale, on maintiendrait ainsi une corrélation entre la surveillance d'un jeune enfant et la maîtrise de la chose.
59Cette solution favorise à la fois les intérêts du mineur et ceux de la victime. Celle-ci ne trouvera guère avantage à obtenir la condamnation personnelle du mineur, presque toujours insolvable. En outre, il n'est pas certain qu'elle puisse, sur cette seule base, engager automatiquement la responsabilité des parents.
60Une telle possibilité a certes été reconnue en France par l'arrêt Gesbaud du 10 février 196634, mais elle ne s'impose pas comme une évidence en Belgique. Chez nous, la responsabilité des parents reste en effet fondée sur une présomption de faute dans la surveillance et l'éducation. Elle ne peut être engagée que si la victime rapporte à charge de l'enfant mineur, auteur du dommage, soit une faute, soit à tout le moins un acte objectivement illicite. Présumer la faute des parents au seul motif que la responsabilité de l'enfant gardien a été retenue sur la base de l'article 1384, al. 1er ou 1385 du Code civil, aboutirait à charger les parents des conséquences non pas d'un acte illicite mais d'une responsabilité objective de l'enfant reposant sur la simple preuve d'un fait causal et d'un dommage35.
61A cela, on opposera légitimement que notre Cour de cassation paraît avoir admis le cumul vertical des présomptions de responsabilité dans l'hypothèse du préposé gardien d'un animal, et qu'on ne voit pas pourquoi il faudrait réserver un sort différent à l'enfant gardien36.
62Dans un souci de protection des victimes et du mineur lui-même, il nous paraît néanmoins préférable d'éviter, autant que possible, d'attribuer la qualité de gardien à l'enfant non doté du discernement. Si la garde d'une chose ou d'un animal n'implique nullement l'intelligence du gardien, elle ne peut pour autant être attribuée à un être qui n'a pas le pouvoir de diriger l'objet qu’il détient37.
§ 3. L'enfant dément ou anormal
6314. — Nous ne reviendrons pas ici en détail sur le régime de la responsabilité des déments et anormaux qui se déduit de l'article 1386bis du Code civil. L'interprétation stricte dont il fait l'objet en jurisprudence conduit à lui donner un domaine d'application relativement restreint dans la matière qui nous concerne.
64Le caractère exceptionnel de ce régime de responsabilité interdit en effet de l'appliquer par analogie aussi bien à l'enfant privé de discernement qu'aux personnes devenues temporairement inconscientes à la suite d'un malaise soudain38. On ne pourra l'invoquer qu'à l'égard des enfants qui, au moment des faits, se trouvaient dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale les rendant incapables du contrôle de leurs actions39. Il faut, mais il suffit, qu'il existe au moment du fait dommageable, une atténuation sérieuse du contrôle de ses actes40. La démence ou l'anormalité ne se déduit donc pas automatiquement d'une déclaration d'incapacité, ni d'une mesure d'internement41. Elle n’est pas davantage établie par le fait que l'enfant suivait un enseignement spécial.
65Bien que l'article 1386bis ne soit pas très explicite à ce sujet, il est permis de considérer que la responsabilité personnelle du dément ou de l'anormal se fonde sur la théorie de la faute objective ou de l'acte objectivement illicite42. Si l'article 1386bis déroge clairement à la condition subjective d'imputabilité de la faute, elle laisse donc subsister celle d'illicéité de l'acte dommageable (voy. à ce sujet supra)43.
66Parmi les circonstances qui permettent au juge d’exclure ou de modérer la réparation due par le dément, il est bien entendu permis de tenir compte de son âge ou de son insolvabilité. La latitude que l'article 1386bis laisse au juge lorsqu'il s'agit de statuer sur la responsabilité personnelle du dément ne profite toutefois pas aux personnes qui doivent répondre de ses actes sur la base des articles 1384, al. 2, 3 ou 4 du Code civil. L'obligation de réparer le dommage qui résulterait de l'application de ces articles n'est pas contenue dans les limites de la réparation qui serait prononcée à charge du dément. La Cour de cassation l'a clairement affirmé à propos des parents d'un enfant dément44. La même solution s'impose pour les instituteurs et commettants.
SECTION 2. L'ENFANT VICTIME
6715. — Le choix entre l'irresponsabilité ou la responsabilité de l'infans ne limite pas ses conséquences à l'hypothèse où l'enfant a provoqué un dommage. Il peut aussi avoir des répercussions dans le cas inverse où l'enfant est lui-même victime.
68Au plan des objectifs, un système juridique qui tend à garantir efficacement la réparation des dommages causés par l'enfant se doit de protéger celui-ci lorsqu'il a lui-même subi un dommage en raison du fait d'un tiers. Cette logique n'est pas toujours facile à respecter, car le parallélisme entre l'appréciation de la faute de l'auteur et celle de la victime peut ici tourner au désavantage de l'infans. Les mécanismes particuliers qui s'appliquent en cas de faute contributive de la victime peuvent en effet aboutir à des résultats particulièrement choquants, auxquels certaines législations spécifiques ont tenté de porter remède.
69Deux situations méritent d'être distinguées. La première concerne l'incidence de la faute personnelle de l'enfant sur la réparation qui lui est due. La seconde concerne l'incidence de la faute prouvée ou présumée des parents, si celle-ci a contribué à la survenance du dommage subi par l'enfant.
§ 1. Incidence de la faute de l'enfant victime
7016. — Même si le fondement juridique de la règle reste très incertain, le droit commun de la responsabilité admet que la victime qui a contribué fautivement à la survenance du dommage doit supporter les conséquences de son propre comportement45. Si la victime a commis une faute en relation causale avec le dommage, le juge réduira les dommages et intérêts en proportion de la part de responsabilité qui lui incombe. Elle devra même supporter seule l'intégralité de cette charge si son comportement est la cause exclusive du dommage, c'est-à-dire lorsque ce comportement revêt les caractéristiques de la force majeure à l'égard de l'auteur du fait dommageable.
71Quelle est la condition de l'enfant mineur au regard de ces principes ? Si l'on part du postulat, apparemment logique, que la faute de l'enfant ne saurait être appréciée différemment selon qu'il est auteur ou victime, l'on est forcé d'appliquer à cette situation, mutatis mutandis, les mêmes principes que ceux qui sont applicables lorsque la responsabilité de l'enfant est recherchée en tant qu'auteur du dommage46.
A. La faute objective de l'enfant victime
7217. — La jurisprudence française conduit ici à des conséquences particulièrement choquantes. Si une faute objective suffit à engager la responsabilité personnelle du mineur privé de discernement à l'égard de la personne lésée, cette même faute objective peut être opposée par le tiers responsable, en vue d'obtenir un partage de responsabilité au détriment de l'infans victime. Il lui suffira de prouver que celui-ci a adopté un comportement illicite qui a contribué à la survenance du dommage.
73Cette amère victoire de la logique juridique a été consacrée par la Cour de cassation française, le 9 mai 1984. Deux affaires parmi les cinq qui lui étaient soumises concernaient en effet des enfants victimes malheureusement décédés dans un accident. Dans la première, une petite fille de cinq ans avait entrepris de traverser une chaussée sans s'apercevoir qu'une voiture arrivait à très vive allure. A l'ultime moment, elle tenta de rebrousser chemin, mais fut renversée et mortellement blessée47. L'autre espèce concernait un enfant de 13 ans qui s'était électrocuté en vissant une ampoule. L'enquête avait permis d'établir qu'une faute avait été commise lors de la réparation effectuée quelque temps auparavant par un ouvrier électricien, mais celui-ci réclamait un partage de responsabilité parce que l'enfant n'avait pas coupé le courant en actionnant le disjoncteur, avant de visser l'ampoule48.
74Dans les deux cas, la Cour de cassation a retenu que « la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de tels actes, a pu, sans se contredire, retenir, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, que la victime avait commis une faute qui avait concouru à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement appréciée ».
75La jurisprudence Derguini et Lemaire a été confirmée dans un arrêt plus récent du 28 février 1996, au détriment d'un enfant de huit ans qui avait brusquement surgi de la table sous laquelle il jouait, heurtant un autre enfant qui transportait une casserole d'eau bouillante. La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel qui, pour exclure toute faute de la victime, avait énoncé que le comportement de cet enfant, compte tenu de son jeune âge, était parfaitement prévisible et naturel dans le contexte où il s'était produit49.
7618. — Selon le droit français, la faute d'un enfant mineur incapable de discernement peut donc être retenue à son encontre ou à l'encontre de ses ayants droit en cas de décès, en vue de diminuer voire de supprimer son droit à réparation50. La solution est critiquable et, à certains égards, illogique.
77La suppression de l'élément d'imputabilité vise, en effet, dans la conception française, à améliorer le sort des victimes. Si la victime est privée de discernement, la théorie de la faute objective se retourne contre elle, alors qu'elle mérite doublement la protection de la loi. En équité, rien ne justifie que l'on fasse supporter à un enfant innocent auquel on ne peut même pas imputer son comportement le poids de sa prétendue faute, alors que dans le même temps, il se trouve soumis plus qu'un autre aux dangers de la vie quotidienne51.
78En vue de venir en aide aux enfants mineurs, certains auteurs n'ont pas hésité à remettre en cause le fondement du rôle exonératoire de la faute de la victime. Traditionnellement, l'on explique que le dommage causé par les fautes concurrentes de la victime et d'un tiers trouve sa source dans deux causes distinctes entraînant deux dommages distincts. La participation causale de la victime entraîne la responsabilité de la victime à l'égard du tiers, de sorte qu'après avoir réparé tout le dommage subi, le tiers responsable pourrait, à son tour, recourir contre la victime sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, pour obtenir remboursement de la somme payée. Celle-ci constitue pour lui un dommage propre. C'est pour faire bref procès que l’obligation et la contribution à la dette sont contractées en un seul trait et que le partage est prononcé immédiatement52.
79Cette explication paraît insuffisante sur un plan théorique, car aucune disposition du Code civil n'attribue un effet exonératoire à la faute de la victime. De plus, l’article 1382 du Code civil, tel qu'il est rédigé, ne permet pas de fonder la responsabilité civile de la victime à l'égard de son propre dommage, pas plus que la responsabilité civile de la victime à l'égard du tiers53.
80La règle du partage qui, d'après les termes de M. Le Tourneau, est ancrée dans les consciences et élevée quasiment au rang d'une loi écrite de droit naturel, n'est donc pas une règle de responsabilité civile54. Avec certains auteurs, on peut dès lors soutenir que la prise en considération du comportement de la victime et la réduction d’indemnité qu'elle entraîne se justifient en réalité par l'idée de sanction ou de peine privée au sens répressif du terme55. S'agissant d'une pénalité civile, la condition d'imputabilité morale, inadéquate lorsqu'il s’agit d'apprécier le comportement de l'auteur du dommage, pourrait au contraire se maintenir en ce qui concerne la faute de la victime.
B. La faute subjective de l'enfant victime
8119. — Le même souci de symétrie permet de fonder, en Belgique, une solution relativement protectrice du mineur : l'enfant, qu'il soit auteur ou victime du dommage, ne peut commettre de faute s'il n'a pas le discernement. En cas de fautes concurrentes, le tiers responsable ne peut donc pas opposer à l’enfant non doté du discernement, l’acte objectivement illicite qu'il a commis en vue d'obtenir un partage de responsabilité56. Le principe a été établi par un arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 197857. Néanmoins, on trouvera encore des décisions qui font supporter au mineur d'âge privé de discernement une partie du dommage qu'il s'est causé à lui-même, au motif que l'article 1382 est étranger à cette hypothèse58.
82Ce qui vaut pour l'acte objectivement illicite vaut aussi a fortiori pour le fait non fautif de la victime qui aurait contribué au dommage, et ce quel que soit le fondement de la responsabilité du tiers (1382, 1384, 1385 ou 1386 C. civ.).
83La protection que le mineur victime trouve dans le maintien de la condition d'imputabilité n'est pas complète, car la faute commise par l'enfant victime retrouve naturellement son effet exonératoire à partir du moment où celui-ci possède le discernement. Notons que la situation n'est pas différente lorsque l'enfant est décédé dans l'accident, puisqu'en se fondant sur un principe de solidarité familiale, la Cour de cassation estime que si le dommage a été causé par les fautes concurrentes de l'auteur et de la victime, l'auteur n'est tenu de réparer le dommage subi par répercussion par les proches de la victime, qu'en proportion de sa part de responsabilité dans l'accident59.
8420. — A partir du moment où l'enfant est réputé capable de discerner les conséquences de ses actes, la jurisprudence belge n'évite pas les solutions choquantes lorsqu'il s'agit de déterminer la part de responsabilité qui lui incombe dans l'accident. Les chroniques et examens de jurisprudence en offrent de nombreux exemples dans le domaine des accidents de la circulation60, avant que l'entrée en vigueur de la loi du 30 mars 1994 sur l'indemnisation des usagers faibles de la route vienne bouleverser la matière61. On songe aux partages prononcés lorsque l'enfant victime a traversé imprudemment la chaussée ou a pris place au côté d'un conducteur qui n'avait pas l'âge légalement requis pour conduire.
8521. — La loi du 30 mars 1994, déjà remplacée par la loi du 13 avril 1995, contient désormais des règles nouvelles qui pourraient servir de base à l'édification d'un droit commun des accidents corporels.
86En cas d'accident de la circulation dans lequel un véhicule automoteur est impliqué, la loi nouvelle limite en effet l'effet exonératoire de la faute de la victime aux seuls cas où cette faute est inexcusable et cause exclusive de l'accident (art. 29bis, § 1er, al. 5). La faute inexcusable est définie comme la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience (art. 29bis, § 1er, al. 6). Elle ne pourra être, à notre avis, cause exclusive de l'accident que si le comportement de la victime a constitué un cas de force majeure pour le conducteur du véhicule impliqué.
87La preuve d'une faute inexcusable n'est toutefois pas admise à l'égard des victimes âgées de moins de quatorze ans (art. 29bis, § 1er, al. 7). A condition que l'enfant ne puisse être considéré comme conducteur d'un véhicule automoteur, cette disposition renvoie par conséquent aux oubliettes la jurisprudence confuse et chaotique qui s'est développée à propos de l'effet exonératoire de la faute de l'enfant victime d'un accident de la circulation62.
88Si l'on accepte de voir dans l'article 29bis un texte appartenant au droit de la responsabilité destiné à protéger les usagers faibles de la route, il n'est pas interdit de soutenir que ce qui vaut pour la faute inexcusable devrait valoir aussi pour la faute intentionnelle, à supposer qu'un mineur de moins de 14 ans puisse commettre une telle faute63.
8922. — En dehors même d'une législation spéciale comme celle relative à l'indemnisation de certaines victimes d'accidents de la circulation, l'effet exonératoire qui s’attache à la faute contributive de la victime n'est peut-être pas une conséquence inéluctable des règles de droit commun de la responsabilité. On a déjà indiqué que le mécanisme reposait sur des bases assez fragiles. Si la participation de la victime à son propre dommage plonge ses racines dans l'idée de peine privée, il n'est pas incohérent de lui réserver un régime distinct de celui qu'on applique à l'auteur du fait dommageable, débiteur de la réparation. Si celui-ci doit répondre de ses fautes les plus légères présentant un lien de causalité nécessaire avec le dommage, celui-là peut n'être tenu que de sa faute intentionnelle, lourde ou inexcusable, cause exclusive de l'accident.
90Les graves inconvénients qui s'attachent au partage de responsabilité incitent certainement à une réflexion nouvelle sur les incidences de la faute de la victime. Il est extrêmement rare dans le cas d’accidents corporels, que le comportement de la victime ne soit pour rien dans la survenance du dommage ou dans ses conséquences. Ce moyen de défense est donc très souvent soulevé par le débiteur de responsabilité ou son assureur, ce qui retarde le règlement et peut placer la victime dans une situation précaire. Comment ne pas voir, en outre, qu'il existe le plus souvent une disproportion flagrante entre cette faute et les conséquences qui lui sont attachées ? L’imprudence, la négligence ou l'insouciance d'un enfant sont-elles à ce point perturbatrices de l'ordre social qu'il faille le sanctionner, lui ou ses parents, par une réduction d'indemnité64 ? Tous les examens de jurisprudence démontrent par ailleurs que la détermination du quantum de l’exonération, laissée à la souveraine appréciation du juge du fond, confine à l’arbitraire65.
91Dans un tel contexte, on a pu dire, non sans raison, qu'avec le développement des assurances, le droit de la responsabilité ne jouait plus qu'au détriment des victimes pour amputer la réparation à laquelle elles ont normalement droit66.
§ 2. Incidence de la faute des parents de la victime
9223. — La faute des parents qui aurait contribué à la survenance du dommage peut-elle être opposée par le tiers coresponsable à l’enfant, en vue de réduire l'indemnité à laquelle il peut prétendre ?
93L'on pourrait dans un premier temps être tenté de raisonner par analogie et invoquer dans le sens de l'affirmative le principe de solidarité familiale qui fonde l'opposabilité de la faute de la victime décédée aux ayants droit.
94La situation envisagée ici est cependant toute différente. Elle suppose en effet que les parents aient eux-mêmes joué un rôle dans la production du dommage. Il ne s'agit donc pas d'opposer aux parents victimes d'un préjudice par ricochet, la faute de leur enfant, mais d'opposer à l'enfant victime directe, la faute prouvée ou présumée des parents. Dans ce cas, il faut décider au contraire que la faute prouvée ou présumée des parents ne peut pas être opposée efficacement à la jeune victime. Plusieurs arguments militent en ce sens.
95Tout d'abord, la famille n'est pas une entité juridique. Le principe de la solidarité familiale doit rester d'application exceptionnelle. Ce principe ne peut justifier, ainsi qu'on l'a souligné, « la transposition d'une doctrine théologique du péché originel qui rendrait systématiquement l'enfant responsable des fautes de ses parents »67. Aucune règle juridique ne permet d'ailleurs de justifier une telle solution. Au contraire, si la faute des parents est prouvée, l'opposabilité de cette faute à l'enfant victime méconnaîtrait le mécanisme de l'obligation in solidum68.
96On ajoutera que selon un principe constant, la présomption de faute des parents ne peut être invoquée que par la victime d'un dommage causé par l'enfant mineur. Elle ne peut pas être invoquée par l'auteur d’un dommage à l’encontre des parents de la victime, ni davantage à l'encontre de la victime elle-même. Jugé par exemple que lorsque des enfants jouent ensemble à un jeu dangereux au cours duquel l'un d'eux est blessé, les parents de l'enfant responsable de l'accident ne peuvent opposer aux parents de l'enfant victime la présomption de faute qui a joué à leur égard69.
97A en croire une jurisprudence au demeurant fort contestée, la règle ne souffrirait d'exception que lorsque les parents ont subi un dommage personnel à la suite des fautes concurrentes commises par un tiers et l'enfant mineur dont ils doivent précisément répondre. Dans ce cas, la responsabilité du tiers ne serait que partielle70. Cette hypothèse ne concerne toutefois pas l'enfant victime.
98S'il est donc permis au juge de réduire l'indemnité en proportion de la part de responsabilité incombant à l'enfant victime, c'est à la condition sine qua non d'établir que celui-ci a personnellement commis une faute (et non simplement un acte objectivement illicite) qui a contribué à l'accident (voy. supra section 1). Ce principe s'applique quel que soit le fondement de la responsabilité retenu à charge de l'auteur du dommage (responsabilité pour faute, du fait des choses, des animaux, des bâtiments). La solution va bien entendu dans le sens des intérêts du mineur.
SECTION 3. LES CIVILEMENT RESPONSABLES DU MINEUR
9924. — Si la nécessité de protéger le mineur conduit assez naturellement à écarter sa responsabilité personnelle lorsqu'il n'a pas la capacité aquilienne, la fonction d'indemnisation du droit de la responsabilité civile impose de lui substituer un garant qui devra répondre des conséquences dommageables de ses actes.
100Cette idée de garantie n'était sans doute pas étrangère aux rédacteurs du Code civil, comme le démontre l'examen des travaux préparatoires71. Chacun sait que l'article 1384 institue un nombre limité de présomptions de responsabilité du fait d'autrui à charge des parents (alinéa 2), des instituteurs et artisans (alinéa 4), ainsi que des commettants (alinéa 3), dont l'effet est de transférer la charge financière de la responsabilité de l'auteur sur une personne plus solvable.
101Depuis lors, le souci de fournir au créancier de la réparation un débiteur solvable n'a cessé de s'affirmer et a conduit à des évolutions, voire des déformations sensibles du droit de la responsabilité civile.
102Dans le même temps, les rapports sociaux et familiaux ont, eux aussi, considérablement évolué : les liens familiaux à l'intérieur de la famille nucléaire se sont resserrés ; les méthodes d'éducation se sont progressivement diversifiées au rythme de la généralisation de l'accès au travail ; l'affirmation de la personnalité de l'enfant a contribué au relâchement de l'autorité parentale et à l'assouplissement des méthodes d'enseignement. Des structures d'accueil ou des services de guidance ont été mis en place en vue de venir en aide aux mineurs handicapés ou délinquants. Bref, les situations dans lesquelles le mineur se trouve confié à d'autres personnes que ses parents ou ses instituteurs se sont considérablement multipliées.
103Le souci de fournir à la victime un répondant solvable compte tenu de cette évolution des rapports sociaux engage le droit de la responsabilité civile dans deux voies : l'extension du domaine et le renforcement des conditions d'application des présomptions existantes d'une part (§ 1), la création d'une présomption générale de responsabilité du fait des personnes qu'on a sous sa garde d'autre part (§ 2).
§ 1. Vers un régime plus strict de responsabilité des parents et instituteurs...
10425. — Il ne peut être question ici d'exposer dans le détail le régime juridique des trois présomptions de responsabilité du fait d'autrui prévues par l'article 1384, ni de procéder à un examen complet de la jurisprudence abondante qu'elles ont suscitée. On se référera dans ce but aux chroniques de jurisprudence les plus récentes72, ce qui permettra de limiter notre examen aux possibilités d'extension offertes par ces textes.
105On laissera par ailleurs de côté la présomption de responsabilité du commettant qui ne présente qu'un intérêt marginal dans le cas des mineurs, pour s'en tenir à la présomption de responsabilité des parents et des instituteurs. Les faits générateurs et le fondement de ces deux présomptions (A), les civilement responsables (B) et les causes d'exonération (C) seront examinés successivement.
106L’utilisation de la notion de présomption de responsabilité à propos des parents ou des instituteurs peut surprendre. Cette formulation, qui paraît conforme à la terminologie de la Cour de cassation, est recommandée par Ludo Cornelis pour indiquer que le jeu de la présomption légale entraîne non seulement une présomption de faute dans le chef du civilement responsable, mais aussi une présomption de causalité entre cette faute présumée et le dommage, ce qui, au demeurant, n'avait jamais été contesté73. L'usage de la notion de présomption de faute ne nous paraît pas pour autant incorrect si l'on veut signifier par là que les parents et l'instituteur, à la différence du commettant, peuvent s'exonérer en prouvant qu'ils n'ont pas commis de faute. Cette terminologie est toujours celle en usage en France.
A. Fait générateur de la présomption
1. De l'acte illicite au fait causal
10726. — En Belgique, la présomption de responsabilité des parents prend traditionnellement appui sur la faute de l'enfant mineur, celle-ci devant bien entendu être en lien causal avec le dommage subi par le tiers victime.
108S'en tenir à la faute aurait toutefois privé la victime de réparation chaque fois que le mineur, auteur du dommage, n'a pas atteint l'âge de raison. La jurisprudence s'est donc rapidement contentée d'un acte objectivement illicite74. L'extension paraissait d'autant plus nécessaire que ce sont surtout les enfants en bas âge qui se montrent imprudents. Elle se justifie suffisamment par la constatation que « l’obligation du père d'exercer son autorité et sa surveillance sur son enfant mineur ne prend pas naissance seulement le jour où l'enfant atteint l'âge du discernement »75.
109L'emprunt qui est ainsi fait à la théorie de la faute objective reste toutefois circonscrit à la présomption de responsabilité des parents. Il ne remet pas en cause le principe de l'irresponsabilité personnelle de l'enfant. La même solution est vraisemblablement applicable si l'enfant est dément ou anormal ou s'il a perdu soudainement conscience76. Bien que la Cour ne se soit pas prononcée explicitement à ce sujet, elle devrait aussi profiter à la victime lorsque celle-ci invoque la présomption de responsabilité des instituteurs ou des commettants77.
11027. — L'acte objectivement illicite, on l'a vu, ne se confond pas avec l'existence d'un simple fait causal. Si la victime est ainsi dispensée de rapporter la preuve de la capacité de discernement du mineur, cela ne l'exonère pas de devoir établir un manquement objectif à une norme de conduite. Le juge du fond qui retient la responsabilité des parents après avoir constaté que leur fils mineur n'avait pas commis un acte objectivement illicite ne justifie donc pas légalement sa décision78.
111On remarquera toutefois que l'exigence d'une faute ou d'un acte illicite dans le chef de celui dont on répond, même si elle se fonde sur une tradition séculaire, ne trouve aucun soutien formel dans les textes. L'article 1384, al. 2, se contente en effet d'affirmer que les père et mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs. L'article 1384, al. 1, ne fait pas davantage référence à la responsabilité personnelle de l'enfant : « on est responsable du dommage causé par le fait des personnes dont on doit répondre ». Sur la base de ces textes, l'on pourrait aussi bien estimer que les père et mère doivent répondre de tous les actes, même non fautifs, même non illicites, commis par le mineur s'ils sont la cause d'un dommage subi par un tiers, toute appréciation sur le comportement de l'enfant devenant par le fait même inutile79.
112La Cour de cassation française s'est apparemment ralliée à cette interprétation dans l'arrêt Fullenwarth rendu en assemblée plénière le 9 mai 1984. Un enfant de 7 ans avait décoché une flèche en direction d'un de ses camarades et l'avait éborgné. Sans s'interroger sur le caractère illicite de l'acte, la Cour affirme « que pour que soit présumée, sur le fondement de l'article 1384, al. 4 du Code civil, la responsabilité des père et mère d'un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime »80.
113En s'abstenant de mentionner la condition d'illicéité de l'acte dommageable, abstention que l'on peut difficilement assimiler à une inadvertance, la Cour n'a pas hésité à élargir considérablement la responsabilité des père et mère, ceux-ci devenant ainsi garants automatiques des actes de leur enfant. Sous cet angle, la responsabilité des parents devient même plus lourde que la responsabilité du commettant, qui reste subordonnée à la preuve de la faute du préposé...
114Il conviendra de mesurer l'ampleur des changements introduits par ce revirement. Que recouvre en effet la notion de fait causal de l'enfant mineur ? Les parents seront-ils tenus responsables si leur enfant est, à l'insu des parents, porteur d'un virus et le transmet à un camarade lors d'un jeu ou d'une visite81 ? Le débat paraît se reporter sur la preuve contraire : dans sa formulation actuelle, l'article 1384, alinéa 7, laisse en effet aux parents la possibilité de s'exonérer en prouvant qu'ils n'ont pu empêcher le fait dommageable.
2. De l'addition des responsabilités à la substitution des responsabilités
11528. — Depuis l'arrêt Fullenwarth, le droit français de la responsabilité civile a rompu avec le système classique de responsabilité à deux degrés qui caractérisait jusque là toutes les présomptions de responsabilité du fait d'autrui. Les parents assument désormais une responsabilité de plein droit, ils sont débiteurs d'une obligation directe d'assumer la réparation du dommage causé par leur enfant82.
116Notre Cour de cassation reste, quant à elle, attachée à l'idée que la présomption des parents repose sur une faute soit dans la surveillance, soit dans l'éducation, ces deux fautes ne devant pas être réunies en même temps83.
117La responsabilité présumée des parents demeure donc chez nous un système d'addition de responsabilités et non de substitution de responsabilités. Si l'enfant a commis une faute ou un acte illicite ayant provoqué un dommage, c'est parce qu'il a été mal surveillé ou parce qu'il a reçu une mauvaise éducation de ses parents. L'affirmation est bien sûr naïve, irréaliste et anachronique au vu du développement des méthodes éducatives84. Il est au surplus téméraire de présumer que les parents ont nécessairement commis une faute de surveillance ou d'éducation parce que leur enfant a accompli un acte illicite. Quel est l'enfant qui n'en commet pas ? Ce raisonnement fournit néanmoins la base du mécanisme des présomptions de responsabilité du fait d'autrui tel qu'il était initialement conçu par le législateur85. La présomption applicable aux instituteurs peut être démontée de la même façon puisque c'est la faute commise par l'élève (mineur ou non) qui fait présumer une faute de surveillance dans le chef de l'instituteur.
118L'on retrouve, dans cette construction, le lien étroit entre l’idée de responsabilité et de culpabilité que le droit belge de la responsabilité civile refuse jusqu'à présent de dénouer. Le mécanisme reste manifestement guidé depuis l'origine par la recherche d'un coupable, non d'un garant.
3. De la présomption de faute à la théorie du risque
11929. — Confrontés à des choix de politique juridique, les auteurs ne s'accordent pas sur le fondement (au sens de justification) de la présomption de responsabilité des parents. Pour certains, elle serait une conséquence de l'autorité parentale et des devoirs que la loi déduit de l'exercice de cette autorité86, pour d'autres elle serait un simple effet de la filiation87.
120Il est certain que l'idée d'autorité parentale, dont on déduit le pouvoir d'empêcher la survenance du dommage, s'inscrit mieux dans la logique d’une présomption reposant sur une faute dans la surveillance et l'éducation telle qu'elle était conçue par le législateur de 1804. Mais l'affaiblissement même de l'autorité parentale rend, au cours du temps, ce fondement de plus en plus artificiel.
121En revanche, justifier la présomption de responsabilité des parents par la filiation s'accorde sans doute mieux avec les réalités sociales, mais elle devrait alors logiquement s'accompagner d'une responsabilité plus lourde. L'apparition de la famille nucléaire pourrait justifier l'obligation qui s'imposerait aux parents de garantir les tiers des dommages causés par leurs enfants88.
12230. — On notera que la responsabilité des instituteurs est restée en dehors de la tourmente suscitée par l'arrêt Fullenwarth. Ceci s'explique en France par l'abrogation de la présomption de faute que le Code civil faisait peser sur eux89. Cette présomption de responsabilité des instituteurs subsiste en Belgique (art. 1384, al. 4 C. civ.). Elle se justifie par l'autorité que les instituteurs exercent ou sont censés exercer sur leurs élèves pendant le temps où ils sont sous leur surveillance.
123Investis d'un devoir de surveillance, qui se déduit de leur qualité même, les instituteurs ont le pouvoir d'empêcher qu'un dommage soit occasionné à d'autres élèves ou à des tiers. Si un élève qui se trouve sous sa surveillance cause fautivement un dommage, le législateur présume par conséquent que l'instituteur a commis, lui aussi, une faute en lien causal avec le dommage. Le mécanisme est classique et repose apparemment sur les mêmes ingrédients que ceux déjà rencontrés pour les parents (autorité, devoir, pouvoir).
124Littéralement, le texte ne rend toutefois responsable l'instituteur que si la faute (ou l'acte objectivement illicite) de l'élève (mineur ou non) a été commise à un moment où celui-ci était sous la surveillance de l'instituteur, peu importe que ce soit à l'intérieur ou à l’extérieur des murs de l'école90. A la différence de la présomption des parents, où l'on se contente volontiers d'un pouvoir virtuel qui découle légalement de l’exercice de l’autorité parentale, le pouvoir de surveillance de l’instituteur doit, semble-t-il, être exercé effectivement au moment du fait dommageable. La présomption ne pourrait donc s'appliquer si l'acte illicite de l'élève a été commis durant l'absence, légitime ou illégitime, de l'instituteur ou durant une fugue ou une escapade du mineur91. Ces situations devraient être réglées par le biais de l'article 1382 C. civ. À la supposer correcte, cette interprétation créerait une lacune du régime de responsabilité, que même une extension de la notion d'instituteur ne parviendrait pas à combler.
125Même si elle paraît cohérente avec le fondement de la présomption ainsi qu'avec le texte même de l'article 1384, alinéa 4, il faut reconnaître que cette solution ne fait pas l'unanimité en doctrine. Certains estiment qu'il suffit que l'acte dommageable ait été commis durant une période où la surveillance s'exerçait effectivement ou était susceptible de s'exercer92. La nuance paraît mince, mais elle permet de justifier l'application de la présomption durant une période d'absence de l'instituteur ou de l'éducateur, pourvu que celui-ci ait été en charge de la surveillance à ce moment.
126Le mécanisme de la présomption s'en trouve quelque peu modifié car ce n'est plus tant un manquement dans la surveillance qui est reproché à l'instituteur que l'absence elle-même qui ne lui a pas permis d'intervenir. L'on présume alors que la présence de l'instituteur aurait permis d'éviter la fuite et donc le dommage (présomption de causalité). Ce même glissement s'observe aussi dans la preuve contraire, puisque l'objet de celle-ci consistera non pas à établir que l'instituteur n'a pu empêcher le fait de l'élève mais à établir la légitimité de l'absence.
127Cette seconde conception pourrait être réconciliée avec le texte, si l'on acceptait de considérer que l'absence équivaut à la faute de surveillance qui fait l'objet de la présomption.
128Plus favorable à la victime, elle peut toutefois se heurter à une difficulté pratique en cas de fugue ou d'escapade. Il ne sera pas toujours aisé dans une telle hypothèse, d'identifier le ou les instituteurs en charge de la surveillance du mineur au moment où il s'est échappé.
12931. — L'analyse des justifications respectives de la présomption des parents (éducation et surveillance) et des instituteurs (surveillance) explique enfin pourquoi la responsabilité présumée des parents ne disparaît pas lorsque l'enfant se trouvait à l'école au moment du fait dommageable.
130Selon les termes de la Cour de cassation, « le devoir d'éducation étendant ses effets au-delà de la cohabitation, il n'y a pas lieu d'exonérer les parents de ce devoir découlant de l'exercice de la puissance parentale, lorsque l'enfant est sous la surveillance d'un instituteur, car, quel que soit l'endroit où l'enfant se trouve, celui-ci témoigne, par sa conduite, de la bonne ou de la mauvaise éducation qu'il a reçue ». Cette solution, rigoureuse pour les parents, mais favorable aux victimes, s'est finalement imposée à la suite d'un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation93.
131La présomption de responsabilité des parents s'appliquera de la même façon à un fait commis par un mineur à l'époque où il était confié par le juge de la jeunesse à un foyer d'accueil94.
§ 2. Les civilement responsables
A. Les parents
13232 — De façon constante, la jurisprudence belge refuse d'appliquer la présomption de l'article 1384, al. 2, à d'autres personnes que les père et mère, auxquelles l'enfant aurait été confié pour une période déterminée (grands-parents, oncles, tantes, tuteurs, subrogés tuteurs, institutions chargées de la surveillance de l’enfant,...)95. La responsabilité de ces personnes ne peut être retenue que sur la base d'une faute prouvée (art. 1382 et 1383 C. civ.).
133Même depuis l'arrêt Blieck, qui a posé en France les bases d'une présomption générale du fait d'autrui, la Cour de cassation française confirme elle-aussi son refus traditionnel d'élargir à d'autres personnes que les père et mère (notamment les grands parents), le régime de responsabilité pour le fait de l'enfant mineur96.
134Cette solution restrictive est sans doute directement tributaire du fondement donné à la présomption. Que celle-ci s'explique comme un effet de la filiation ou comme une conséquence de l'exercice de l’autorité parentale, on conçoit qu'elle ne puisse s'appliquer à des personnes que la loi ne revêt pas des mêmes qualités et auxquelles elle n’attribue pas les mêmes pouvoirs. Dans un souci d'indemnisation des victimes, rien n’aurait empêché toutefois d'étendre la présomption à des personnes exerçant au moment des faits des prérogatives similaires à celles des parents (surveillance et éducation).
135Il est vrai que l'interprétation restrictive n'entraîne pas de graves désagréments pour la victime dès lors que la jurisprudence considère de façon constante que le fait pour un mineur d'être confié à une autre personne ou à un établissement d'enseignement, ou d'avoir été placé par le juge de la jeunesse dans un foyer d'accueil, ne libère pas automatiquement les parents de la présomption de responsabilité qui pèse sur eux97. Leur responsabilité pourra être engagée in solidum avec celle du tiers sur la base d'une faute prouvée ou présumée (voy. infra).
13633. — La qualité de parents au sens de l'article 1384, al. 2, suppose l'existence d'un lien de filiation légalement établi entre l'auteur du dommage et celui qui doit en répondre98. L'article 1384, al. 2 ne peut par conséquent être invoqué contre la famille d'accueil d'un mineur en difficulté, mais bien contre les parents adoptifs. Ceux-ci pourraient toutefois s'exonérer en prouvant que les carences dans l'éducation de l'enfant adopté sont imputables à ceux qui avaient la charge de son éducation avant son adoption, surtout si le temps passé auprès de la famille adoptive est relativement bref99.
137La présomption de faute pèse sur le père et la mère, tous deux détenteurs, sur pied d'égalité, de l'autorité parentale. Ils seront, le cas échéant, tenus in solidum à la réparation du dommage100. Faut-il exiger en outre que les parents exercent légalement l'autorité parentale au moment des faits dommageables ? Tout dépend une fois encore de la justification que l'on donne à l'existence de cette présomption.
138Si la présomption de responsabilité des parents est un corollaire de l'autorité parentale, il serait illogique de l'appliquer indistinctement, si le père ou la mère n'exerce plus ou ne peut plus exercer l'autorité qui justifie cette présomption. Dans ce cas, il faudrait écarter son application aux parents du mineur émancipé ou aux parents déchus de l'autorité parentale101.
139En cas de séparation ou de divorce des parents, le problème ne se pose plus exactement dans les mêmes termes depuis que la loi du 13 avril 1995 a modifié les règles applicables à l'exercice de l'autorité parentale102.
140Selon les articles 373 et 374 nouveaux du Code civil, « lorsque les père et mère ne vivent pas ensemble, l'exercice de l'autorité parentale reste conjoint, même si à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des père et mère est réputé agir avec l'accord de l'autre quand il accomplit seul un acte de cette autorité ». Pour des motifs légitimes, le juge compétent peut confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'un des parents, mais il fixera dans ce cas les modalités selon lesquelles l'autre conservera ses relations personnelles avec l'enfant.
141Au regard de la présomption de responsabilité des parents, ces nouvelles règles ne devraient pas modifier la situation antérieure. La présomption reste applicable en dépit d'une séparation ou d'un divorce des parents103. Il reste que celui qui n'avait pas l'enfant sous sa surveillance au moment des faits pourra facilement établir qu'il n'a pas commis de faute dans la surveillance ; encore faudra-t-il qu'il prouve qu'il n'a pas commis de faute dans l'éducation.
142Cette solution s'impose avec plus d'évidence encore, y compris dans l'hypothèse d'une déchéance ou d'une émancipation, si l'on considère que la présomption de responsabilité des parents est une simple conséquence de la filiation. On peut alors épargner le détour par les articles 373 et 374 du Code civil qui ne brillent pas par leur cohérence et faire abstraction des conditions d'exercice de l'autorité parentale.
B. L'instituteur
1. L'instituteur maître d'école
14334. — En l'absence d'une présomption générale de responsabilité du fait d'autrui, une interprétation large de la notion d’instituteur permettrait sans doute d'étendre la présomption à de nombreuses personnes qui ne dispensent pas un enseignement scolaire, mais qui sont néanmoins chargées, à un titre ou à un autre, de l'éducation, la rééducation ou la réinsertion des mineurs en danger, délinquants, arriérés ou handicapés mentaux. En quête d'un débiteur solvable, on aurait même pu tenter d'appliquer la présomption aux associations qui prennent en charge ces mineurs à la suite d’une initiative privée ou d'une décision de placement prise par le juge de la jeunesse.
144Attachée au principe d'interprétation restrictive des règles qui dérogent au droit commun, la jurisprudence ne s’est pas résolument engagée dans cette voie.
145Une analyse historique du fondement de la présomption indique en effet que si l'instituteur doit répondre des actes illicites des élèves qu'il a sous sa surveillance, c'est parce qu'il exerce sur ceux-ci, en sa qualité d'enseignant, une autorité naturelle et un ascendant moral qui lui permettent de diriger leur comportement et d'exercer une surveillance directe et concrète, propre à prévenir leurs actes illicites. Le maître doit montrer l'exemple104.
146Si c'est bien le fait de dispenser un enseignement qui est déterminant et non le simple fait d'exercer une surveillance ou d'organiser le programme d'enseignement, il faut logiquement écarter de la catégorie des instituteurs toutes les personnes physiques qui ne dispensent pas stricto sensu un enseignement scolaire sous forme de leçons (éducateurs, surveillants, convoyeurs d'autobus105, animateurs de mouvements de jeunesse, membres des services d'aide à la jeunesse, assistants sociaux, directeurs de l'établissement...106, de même que les institutions dont la seule mission est d'organiser la surveillance et le programme d'enseignement107.
14735. — La Cour de cassation est cependant partiellement revenue sur cette conception stricte dans un arrêt du 3 décembre 1986108. Selon cet arrêt, « la notion d'"enseignement" ne peut se réduire à la seule transmission, sous forme de leçons, de connaissances techniques ou intellectuelles, mais englobe aussi toute autre communication d'une instruction, qu'elle soit scientifique, artistique, professionnelle, morale ou même sociale ».
148Dès lors, le jugement qui relève qu'un éducateur est, dans un établissement spécial, chargé d'une instruction à l'égard des jeunes gens qui y sont accueillis, décide légalement qu'il a la qualité d'instituteur au sens de la disposition légale précitée. A partir du moment où la jurisprudence se contente d'une instruction « morale ou sociale », il faut bien convenir avec Jean-Luc Fagnart qu'on peut faire entrer dans la catégorie des instituteurs, non seulement les enseignants, les moniteurs sportifs, les maîtres de stage et les professeurs de conduite automobile, mais également tous les éducateurs, les dirigeants de mouvements de jeunesse, les curés et autres responsables paroissiaux, ainsi que les responsables des « maisons de jeunes »109.
149Si on peut souscrire sans hésitation à cette assimilation pour les éducateurs travaillant dans les instituts médico-pédagogiques qui fournissent un enseignement spécial destiné aux enfants handicapés ou en difficulté110, on doit être plus nuancé pour ceux qui travaillent dans des institutions accueillant des mineurs placés en exécution de la loi du 8 avril 1965111.
150Même après l'arrêt du 3 décembre 1986, les éducateurs ne peuvent être considérés comme des instituteurs que si leur mission comporte la communication d'une instruction au sens défini par la Cour de cassation (c'est le cas dans les IPPJ de type ouvert ou fermé). A défaut de communication d'une instruction, il nous paraît par exemple injustifié d’attribuer la qualité d'instituteur à des éducateurs ou travailleurs sociaux lorsqu'ils sont chargés d'une simple mission de guidance ou de suivi du mineur dans sa famille, dans une famille d'accueil ou dans une résidence qu'il occupe personnellement. Il en va sans doute différemment lorsque l’institution dans laquelle travaille l’éducateur poursuit un projet pédagogique dépassant le simple hébergement ou l'accueil du mineur. Si la mission de l'éducateur consiste à faire acquérir à celui-ci les structures morales ou sociales favorables à une réinsertion, cette mission doit sans doute être assimilée à celle d'un instituteur112.
151Les surveillants qui n'assument aucun enseignement dans l'établissement dont ils font partie ne sont pas des instituteurs ; il nous paraît difficile d'admettre, sans remettre en cause les bases mêmes de la présomption, que la personne présumée responsable ne doit pas nécessairement exercer elle-même la mission d’enseignement poursuivie par l'établissement scolaire dans lequel elle travaille, dès lors qu'elle y participe indirectement en assurant la surveillance113.
152En dépit de l'arrêt de la Cour de cassation, il paraît plus difficile encore d'assimiler à un instituteur l'établissement lui-même, le pouvoir organisateur de l'établissement d'enseignement, les diverses associations d'aide à la jeunesse ou les établissements qui accueillent les mineurs délinquants ou handicapés114. La présomption ne repose pas sur l'établissement d'enseignement, mais sur celui qui dispense l'enseignement115116.
153L'on trouvera néanmoins de la jurisprudence en ce sens. Une décision tient pour un instituteur l'établissement-même dans lequel est organisée une formation d'apprentissage à l'autonomie117. Une autre assimile à l'instituteur, le centre ayant pour objectif de donner aux enfants des structures morales et sociales en vue de favoriser leur réinsertion118.
154Plus soucieuses de fournir à la victime un débiteur solvable que de respecter les fondements de la présomption, ces décisions, qui dénaturent quelque peu la notion d'instituteur, trouveraient sans doute mieux à se justifier si l'on reconnaissait l'existence d'un principe général de responsabilité du fait d'autrui fondé sur la théorie du risque (voy. infra). Elles témoignent en tout cas de la réticence de plus en plus nette des tribunaux à engager la responsabilité des personnes physiques qui participent à une activité sociale, pour s'adresser directement à la personne morale qui assume volontairement ou légalement cette mission.
155Un résultat similaire sur le plan de la responsabilité civile pourrait dès à présent être obtenu au bénéfice de l'enchaînement vertical des deux présomptions. L'école, l'association ou l'établissement doit en effet répondre de ses préposés ou de ses organes sur la base de l'article 1384, al. 3 ou 1382 du Code civil, selon le cas. La faute dont le commettant ou la personne morale doit répondre peut elle-même être présumée sur la base de l'article 1384, al. 4, ce qui permet d'engager automatiquement et in solidum la responsabilité de l'instituteur et celle de l'établissement119. Cette responsabilité du commettant ou de la personne morale est certes subordonnée à l'existence d'une faute dans le chef du préposé ou de l'organe, mais on ne précise nulle part que cette faute doit nécessairement être prouvée120. Cette solution qui va dans le sens des intérêts de la victime doit, selon nous, être approuvée. Elle a été récemment consacrée par la Cour de cassation dans le cas de l’instituteur préposé121.
2. L'instituteur préposé
15636. — Les enseignants du réseau libre sont, pour la plupart, des employés. L'instituteur sous contrat de travail bénéficie donc, en ce qui concerne son fait personnel, de l'immunité de responsabilité prévue par l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978122. Cette immunité le couvre pour toutes les fautes qu'il pourrait commettre à l'égard des tiers dans l’exécution de son contrat de travail, à l'exception des fautes légères habituelles, des fautes lourdes et des fautes intentionnelles. Elle ne bénéficie pas au commettant qui continue à répondre de la faute même immunisée de ses préposés123.
157La Cour de cassation a tranché récemment la question, largement débattue, de l'articulation entre cette disposition et celle qui institue la présomption de responsabilité des instituteurs. Selon la Cour, l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 ne supprime pas la présomption de faute qui pèse sur l'instituteur pour le dommage causé par les élèves pendant le temps qu'ils sont sous sa surveillance. En pareil cas, l'instituteur reste soumis à l’article 1384, al. 4, mais il peut renverser la présomption de faute qui pèse sur lui en prouvant qu'il n'a commis ni dol, ni faute lourde, ni faute légère présentant un caractère habituel plutôt qu'accidentel124.
158La solution a été critiquée au motif que le risque de la preuve serait ainsi transféré à l'instituteur, alors que ce risque devrait normalement être supporté par la victime125. Le raisonnement de la Cour s'inscrit pourtant dans la logique de faveur pour la victime, indissociable de l'existence de cette présomption.
15937. — Les enseignants du réseau officiel sont, quant à eux, souvent considérés comme des organes de la personne morale de droit public126. Un récent arrêt rendu par la Cour d'arbitrage devrait conduire à attribuer la qualité d'organe avec plus de discernement qu'auparavant127. Plutôt que de l'étendre à toutes les personnes qui participent à une activité relevant de l'imperium de l'État, il conviendrait de la limiter aux personnes qui détiennent réellement une parcelle de cet imperium128. Dès lors, les instituteurs travaillant dans l’enseignement public devraient être considérés comme des préposés, dans la mesure où les fonctions qu'ils occupent ne les distinguent en rien des enseignants du secteur privé. A ce titre, ils devraient pouvoir bénéficier de l'immunité accordée aux enseignants sous contrat de travail. Toute autre solution serait discriminatoire au regard du principe constitutionnel d'égalité.
§ 3. La preuve contraire
16038. — L'idée de garantie, présente en filigrane dans les travaux préparatoires du Code civil, suggérait l'adoption d'une présomption irréfragable de responsabilité. L'époque n'était vraisemblablement pas mûre pour accepter une rupture aussi nette avec le fondement moral de la responsabilité civile : il fallait nécessairement qu'un reproche puisse être adressé aux parents et aux instituteurs. A peine de verser dans la fiction et l'irréalisme, il fallait aussi leur permettre de se disculper en rapportant la preuve qu'ils n'ont pas commis de faute ou qu'ils ne pouvaient empêcher la survenance du dommage. Telle est l'interprétation traditionnelle qui prévaut toujours en Belgique, en tout cas pour les parents et les instituteurs.
161On observera dès à présent que le texte du Code civil ne fournit pas, contrairement à ce que l'on dit souvent, un soutien incontestable à cette interprétation. Dans le prolongement de l'arrêt Fullenwarth, la Cour de cassation française s'est engagée dans cette brèche, pour transformer la responsabilité des parents en une véritable responsabilité de plein droit : Les instituteurs sont, quant à eux, restés à l'abri de cette évolution, puisqu'en France, leur responsabilité repose depuis la loi du 5 avril 1937 sur une faute prouvée.
A. Les parents
16239. — Rompant avec une longue tradition jurisprudentielle et doctrinale, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation française a affirmé récemment, dans un arrêt du 19 février 1997, que seule la force majeure ou la faute de la victime pouvait exonérer les parents d’un mineur, auteur du dommage, de leur responsabilité de plein droit129. Le principe d'une responsabilité appréciée objectivement, c'est-à-dire sans référence au comportement du répondant et de son lien de causalité avec le dommage, est ainsi clairement établi.
163La Cour de cassation achève ainsi l'évolution commencée en 1984 avec la jurisprudence Fullenwarth130. Il faut reconnaître qu'à partir du moment où l'on n'exigeait plus ni faute, ni même un acte illicite dans le chef de l'enfant mineur, la possibilité pour les parents de s'exonérer en prouvant l'absence de faute d'éducation et de surveillance devenait complètement illogique.
164Ce saut était donc attendu par la doctrine131, d'autant que la rigueur dont la jurisprudence faisait preuve pour exonérer les père et mère avait conféré au renversement de la présomption un caractère purement théorique, y compris lorsque la faute d'éducation était incertaine132. L'objectivation de la responsabilité des parents rend toutefois bien encombrante la condition de cohabitation qui reste inscrite dans le texte français et qui ne se justifie guère que par une présomption de faute dans la surveillance133.
165Le plus surprenant sans doute est que cette interprétation pour le moins audacieuse reste compatible avec la lettre des textes. Une lecture attentive de l’article 1384 indique que celui-ci n'impose nullement la faute comme fondement de la responsabilité des parents. Il limite la faculté d'exonération au cas où les parents n'ont pu empêcher le fait dommageable de leur enfant, ce qui permet de penser que la seule possibilité d'exonération résulte de la force majeure134. On observera néanmoins que le libellé même de la disposition impose d'apprécier la force majeure dans le chef des parents, qui devront sans doute, pour s'exonérer, établir le caractère imprévisible et irrésistible du comportement de leur enfant. Le changement résiderait en définitive dans le degré d'exigence requis pour renverser la présomption135. La responsabilité des père et mère resterait dans ces conditions une responsabilité personnelle, se distinguant en cela de la responsabilité des commettants136.
16640. — En Belgique, l'on est encore bien loin d’une responsabilité de plein droit fondée sur les risques engendrés par l'activité des mineurs. La Cour de cassation a encore rappelé récemment que « la preuve de la force majeure n'est pas la seule circonstance élisive de responsabilité en raison de l'acte objectivement illicite commis par l'enfant ; en effet, pour échapper à la présomption de faute pesant sur eux, il faut, mais il suffit, que les père et mère rapportent la preuve qu'ils n'ont pas manqué à leur obligation de surveillance et qu'aucune carence éducative ne peut leur être reprochée »137. Les juges du fond ne font que prolonger cet enseignement, lorsqu’ils affirment que les devoirs d'éducation et de surveillance n'entraînent pas une obligation de résultat qui rendrait les parents automatiquement responsables de tout acte dommageable commis par leur enfant138.
167Pour renverser la présomption de faute qui pèse sur eux, les parents doivent donc apporter une double preuve : celle de la bonne éducation et celle d'une surveillance diligente139. Cette double preuve doit être appréciée de façon réaliste et raisonnable, compte tenu de l’évolution des moeurs, de l'âge, du caractère et de l'état de santé de l'enfant, de son milieu social et de la nature de l'acte dommageable. Si les caractéristiques de la force majeure ne doivent pas nécessairement être établies, l'impossibilité absolue d’empêcher le dommage reste évidemment une cause élisive de responsabilité, puisqu'elle efface le lien causal entre la faute présumée et le dommage. Tant que la responsabilité des parents reste fondée sur une présomption de faute, l'inaptitude mentale du père ou de la mère peut aussi constituer une cause de justification élisive de responsabilité140.
168A la différence de ce qui a été constaté en France, l'examen de la jurisprudence belge démontre que la possibilité d'exonération des parents reste bien réelle. La solution dépend le plus souvent de la conception plus ou moins rigoriste que le juge se fait d'une bonne surveillance et d’une éducation correcte des enfants, ce qui ne favorise ni la cohérence, ni la sécurité juridique. En fait, le régime de l’exonération pour absence de faute a atteint un degré de subtilité et de complexité tel qu'il est impossible d'en faire ici une synthèse complète. Nous nous contenterons d'en dresser les axes principaux.
1. La surveillance
16941. — L'absence de faute dans la surveillance sera aisément démontrée si les parents ou l’un d’eux n’exerçaient pas la surveillance de l'enfant au moment des faits, parce qu'il avait fait l'objet d'une mesure de placement141 ou avait été confié à une autre personne142, parce qu'il se trouvait à l'école143 ou effectuait son service militaire144 ou enfin, dans l'hypothèse d'une séparation ou d’un divorce, parce qu'il était hébergé par l'autre conjoint145. Toutes ces circonstances laissent cependant subsister une présomption de faute dans l'éducation que chaque parent devra renverser en prouvant que toutes les mesures adéquates avaient été prises pour prévenir ou remédier au comportement délictueux de l’enfant.
170Le devoir de surveillance s'atténue bien entendu au fur et à mesure que les enfants grandissent. Ce devoir, on l'a dit, doit s’apprécier de façon raisonnable. On ne peut exiger des parents qu'ils exercent une surveillance constante sur leurs enfants à partir du moment où ceux-ci ont atteint l’âge de dix ans146.
171Les parents peuvent aussi s'exonérer en prouvant que même une surveillance parfaite n'aurait pas permis d'éviter la survenance du dommage. Le caractère soudain et imprévisible de l'acte démontre en effet que les parents ne pouvaient rien faire pour l'empêcher147.
172Par contre, l'absence des parents au moment des faits ne suffit pas à justifier cette exonération, dès lors qu'ils avaient conservé ce pouvoir de surveillance, mais ne l'ont pas effectivement exercé148. On sait que la même question reste discutée pour les instituteurs.
2. L'éducation
17342. — C'est sur le terrain de la bonne éducation que les appréciations des juges se révèlent les plus divergentes, tantôt très rigoureuses, tantôt franchement laxistes149. On ne peut que manifester un certain scepticisme à l'égard de ces « laborieuses analyses qui conduisent inévitablement à · imposer aux parents un modèle éducatif unique, celui du bon père de famille, dans un secteur des activités humaines où le pluralisme des références devrait, au contraire, prévaloir »150.
174S'agissant d'une présomption de faute, la charge de la preuve repose sur les parents auxquels il appartiendra de rassembler tous les éléments probants151. On rappellera que les enquêtes sociales réalisées par le tribunal de la jeunesse ne peuvent être utilisées pour établir l'existence ou l'absence d'un défaut d'éducation. Selon la Cour de cassation, les diligences et investigations du tribunal pour connaître la personnalité du mineur et le milieu où il est élevé ne sauraient avoir d'autre finalité que de déterminer, dans son intérêt, les modalités d'administration de sa personne152.
17543. — Certains tribunaux se montrent indulgents et admettent facilement l'exonération des parents lorsque les dommages sont causés par des enfants proches de la majorité qui ont presque acquis leur autonomie. D'autres considèrent que plus l'enfant approche de la majorité, plus on est en droit de supposer que son éducation a été défaillante s'il a commis un dommage153.
176L'éloignement prolongé de l'enfant qui est placé par le juge de la jeunesse dans une famille ou dans une institution d'accueil, qui effectue son service militaire154 ou qui est hébergé par sa mère à la suite d'un divorce ou d'une séparation conduit certains juges à considérer que l'on ne peut reprocher une carence éducative au parent qui s'est éloigné de son enfant155. La période qui précède le placement est donc censée, à peu de frais, n'avoir eu aucune influence sur le comportement du mineur...
177Beaucoup de tribunaux déduisent presqu'automatiquement la faute éducative de la nature et de la gravité des faits reprochés (coups et blessures, menaces, agression d'un agent, vol, incendie volontaire,...) ou la rejettent au vu de leur caractère anodin (maladresse ou distraction)156. D'autres pardonnent les parents qui n'ont rien pu faire pour empêcher que leur enfant mal influencé ne tombe dans la délinquance, soit parce qu'ils ont fait ce qu'il était raisonnable d'exiger d'eux, soit, plus simplement, parce qu'ils sont incapables de mieux faire157. Jean-Luc Fagnart en conclut que l'éducation des enfants est le seul domaine où la jurisprudence consacre le droit à l'incompétence158.
17844. — La situation des enfants de couples divorcés et des enfants caractériels donne lieu à des appréciations manifestement contradictoires.
179Un juge considère par exemple qu'on ne peut demander aux parents de démontrer que leur mésentente conjugale et leur divorce n’ont pas contribué aux difficultés de l'adolescent, le divorce des parents ne pouvant être considéré comme une faute dans l'éducation159. Un autre estime que la séparation mouvementée des parents a forcément été l'inducteur du traumatisme psychologique qui plongea leur fils dans la délinquance, en dépit des efforts qu'ils déployèrent ensuite pour l'aider à s'en extraire160.
180Peut-on imputer aux parents la responsabilité du mauvais caractère, du handicap, ou de la personnalité de leur enfant ? Cette question qui impose de faire la part de l'hérédité et la part de l'éducation est probablement insoluble. L'existence de troubles de la personnalité n’exclut sans doute pas celle de carences éducatives et n'est donc pas constitutive de force majeure161. Néanmoins, le fait que les mesures d'assistance éducative qui ont été prises n'ont pas permis de replacer l'enfant dans le droit chemin est parfois retenu comme une cause élisive de la responsabilité des parents. Comment reprocher aux parents de ne pas avoir réussi, là où des institutions spécialisées ont échoué162 ?
181A l’inverse, le seul fait du placement du mineur dans une institution de protection de la jeunesse ne suffit pas à établir le défaut d'éducation. La jurisprudence ne retient généralement pas la faute dans l'éducation, lorsque les parents prouvent qu'ils ont pris effectivement toutes les initiatives souhaitables en vue de la rééducation de leur fils et qu'ils ont mis en œuvre les conseils médicaux, paramédicaux, et veillé à l'exécution des mesures de placement, pour tenter de lui venir en aide163. La responsabilité est cependant retenue lorsque les parents se sont abstenus de prendre les mesures éducatives appropriées164.
18245. — Face à cette jurisprudence chaotique, il convient de se demander s'il ne serait pas opportun d'obliger les parents à garantir les risques de dommages créés par les mineurs, sur la base d'une responsabilité objective. Comme les commettants, les parents seraient considérés comme des créateurs de risques, l'autorité qu'ils exercent sur autrui leur conférant une aptitude à prévenir les dommages et à se couvrir par une assurance appropriée. Cette proposition a, autrefois, été formulée par Jean-Luc Fagnart165. Il importe de la réexaminer attentivement. Il est vrai cependant qu'une telle aggravation de la responsabilité des parents peut difficilement être envisagée sans une assurance, dont la souscription devrait être rendue obligatoire.
B. Les instituteurs
18346. — Alors qu'en France, la responsabilité des instituteurs pour les dommages causés aux tiers par leurs élèves suppose une faute prouvée à charge de l'enseignant, en Belgique, on en est resté à la formulation initiale de l'article 1384, al. 4. La responsabilité des instituteurs et des artisans repose, au sens de cet article, sur une faute présumée dans la surveillance. Depuis toujours, cette présomption est considérée comme réfragable.
184L'instituteur ou l'artisan peuvent donc échapper à leur responsabilité en prouvant qu'ils n'ont pas manqué de diligence dans l'exercice de leur mission ou qu'une surveillance correctement effectuée n'aurait pas pu empêcher la survenance du dommage. Comme pour les parents, le devoir de surveillance est apprécié par la jurisprudence de façon réaliste et raisonnable en fonction de l'ensemble des circonstances de fait. De nombreuses décisions reçoivent la preuve contraire au motif que l'on ne peut raisonnablement demander aux instituteurs ou artisans qu'ils aient constamment à l'œil les faits et gestes de chacun des enfants qui sont soumis à leur surveillance166.
185L'étendue du devoir de surveillance varie bien entendu en fonction de l’âge de l'élève (il n’existe pas de condition de minorité dans le cadre de l’article 1384, alinéa 4 du Code civil), de sa personnalité, et de la nature de l'établissement auquel il est confié. A supposer que les éducateurs puissent être assimilés à des instituteurs (voy. supra), il est clair qu'on ne peut imposer à celui qui suit un garçon presque majeur qui bénéficie d'un régime de liberté ou de semi-liberté, la même obligation de surveillance qu'à celui qui s'occupe de jeunes mineurs suivant une scolarité normale ou de jeunes délinquants hébergés en milieu fermé167. Un mineur délinquant suppose sans doute une surveillance plus étroite, mais il sera souvent impossible de lui résister, s'il a décidé de se battre ou de s'échapper.
186La soudaineté du fait dommageable permettra souvent d'établir que le professeur n'aurait rien pu faire pour l'empêcher168. Il n'en va autrement que lorsque l'instituteur, alerté par des réactions intempestives préalables, avait la possibilité d'intervenir en temps utile, ou lorsque les enfants participaient à un jeu en lui-même dangereux, qui aurait dû être interdit dès le début169.
187Comme la plupart des accidents scolaires surviennent à la suite de gestes brusques et de mouvements inattendus, les possibilités d'exonération de l'instituteur sont bien réelles. Elles devraient l'être également pour les éducateurs confrontés à des mineurs délinquants ou en danger.
188On a pourtant rarement plaidé en faveur d’une aggravation de responsabilité des instituteurs. C'est que la théorie des risques n'est guère adaptée à leur situation. Travaillant au service d'un établissement public ou privé, on peut difficilement les considérer comme des « créateurs de risque » tirant profit des activités des élèves qu'ils ont sous leur surveillance. En tant qu'organes ou préposés, la tendance du droit belge est plutôt de leur accorder des immunités civiles. Si la théorie du risque devait être exploitée dans le domaine de l’enseignement, elle devrait plutôt désigner les établissements eux-mêmes, qui disposent à la fois de la capacité de prévenir les dommages et de s’assurer. Un tel résultat pourrait être atteint par la création légale ou prétorienne d'une présomption générale de responsabilité du fait d'autrui.
§ 2. Vers une présomption générale du fait d'autrui
18947. — Le caractère traditionnellement limitatif des présomptions de responsabilité du fait d'autrui énumérées par l'article 1384 du Code civil et l'interprétation restrictive dont elles font l'objet ne garantissent pas que derrière le mineur se trouvera toujours un civilement responsable tenu conformément à la loi de répondre des dommages qu'il a causés.
190Le développement des méthodes libérales d'éducation, de traitement des maladies mentales et de rééducation des mineurs retardés ou délinquants (hébergement en milieu ouvert, mise en autonomie, sorties d'essai...) multiplie en effet les situations dans lesquelles les enfants ne se trouvent pas en fait, au moment du dommage, sous la surveillance de leurs parents, d'un enseignant ni même d'un commettant.
191La création d'une présomption générale du fait d'autrui similaire à celle qui existe déjà pour le fait des choses pourrait peut-être combler cette lacune. La question n'avait toutefois guère préoccupé la doctrine, moins encore en Belgique qu'en France170, jusqu'à l'arrêt Blieck rendu par la Cour de cassation française en assemblée plénière, le 29 mars 1991171. Depuis lors, l'opportunité de déduire de l'article 1384, al. 1er, un principe général de responsabilité du fait d'autrui a fait grand bruit172. En Belgique, un arrêt de la Cour d'appel de Mons s'est emparé de ce nouveau fondement de responsabilité pour retenir la responsabilité d'un centre d'observation constitué en ASBL, pour les dommages causés par un mineur qui s'en était échappé173. Cet arrêt, soumis à la censure de la Cour de cassation, a cependant été cassé174.
192Après avoir rappelé l'état de la jurisprudence en la matière, il conviendra de s’interroger sur l'utilité du procédé et sur les conditions de ce nouveau régime de responsabilité.
A. La jurisprudence en France et en Belgique
1. L'arrêt de la Cour de cassation française et ses prolongements
19348. — Nous ne reviendrons que brièvement sur l'arrêt Blieck qui a fait l'objet de nombreux commentaires175. Il nous paraît plus intéressant de nous attarder sur les autres arrêts de la Cour de cassation française qui ont depuis lors été rendus sur le fondement de l'article 1384, al. 1er, du Code civil et d'en dégager les principaux enseignements.
a) L'arrêt Blieck du 29 mars 1991
19449. — Dans l’arrêt Blieck, la Cour de cassation française, réunie en assemblée plénière a admis le recours à l'article 1384, al. 1er, du Code civil pour obliger une association, l'association des centres éducatifs du Limousin, à réparer les dommages causés par un handicapé mental confié à un de ses centres de rééducation. Cet handicapé avait profité du régime de totale liberté de circulation dont il bénéficiait dans le centre pour provoquer un incendie de forêt.
195Prolongeant l'enseignement d'une doctrine fameuse mais restée minoritaire176, ainsi que quelques tentatives jurisprudentielles isolées177, la Cour d'appel de Limoges, face à l'impossibilité dans laquelle la victime se trouvait d'établir une faute positive de surveillance, avait retenu la responsabilité présumée de l'association sur le fondement de l'article 1384, al. 1er178.
196Le demandeur en cassation reprochait bien entendu à cet arrêt d'avoir retenu la responsabilité de l'association gérante du centre de rééducation, sans avoir justifié à quel titre elle devait répondre du fait des personnes qui lui étaient confiées, alors qu'il n'y a de responsabilité du fait d'autrui que dans les cas prévus par la loi.
197Sans reprendre explicitement l'argumentation de la Cour d'appel, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, estimant « qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que l'association avait accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de cet handicapé, la Cour d'appel avait décidé, à bon droit, qu’elle devait répondre de celui-ci, au sens de l'article 1384, al. 1er du Code civil ».
19850. — Comme de nombreux commentateurs l'ont indiqué, les termes mêmes de l'arrêt incitent à la prudence : la Cour se contente en effet de rappeler les faits constatés par le juge du fond et ne s'exprime pas en termes de principe. On en déduit de façon certaine qu'il peut y avoir des cas de responsabilité du fait d'autrui dans d'autres hypothèses que celles prévues par l'article 1384, al. 1er, mais on ne peut pour autant affirmer l'existence d'un principe de responsabilité du fait des personnes dont on a la garde.
199La doctrine se perdait dès lors en conjectures179. Fallait-il voir dans cet arrêt l'expression d'un simple souci de la Cour d'opérer un rapprochement entre sa jurisprudence et la jurisprudence administrative du Conseil d'État ? Par étapes successives, celui-ci avait en effet fini par imposer l'idée que les dommages causés par les malades mentaux soignés en milieu ouvert donnaient lieu à une responsabilité de l'administration fondée sur le risque spécial créé à l'égard des tiers180. On devait dès lors se demander si l'harmonisation ainsi réalisée imposait aussi de cantonner le domaine de la présomption de responsabilité reconnue par la Cour de cassation, à ceux qui assument la charge de personnes potentiellement dangereuses181.
200Fallait-il s'orienter vers une interprétation réservant le nouveau régime de responsabilité aux personnes ou organismes chargés habituellement, peut-être même professionnellement, du contrôle des enfants, des malades et des délinquants ou fallait-il l'étendre à toute personne physique ou morale investie, à un titre ou à un autre, d'un pouvoir de surveillance sur une autre personne ?
201A l'évidence, en s'abstenant de toute justification théorique, la Cour a voulu éviter de s'enfermer dans un système rigide dont les paramètres auraient été fixés une fois pour toutes. Elle s’est ainsi sagement réservé la possibilité d'adapter sa jurisprudence aux circonstances. C'est ce qu'elle a fait dans d'autres arrêts rendus en 1995 et 1996182.
b) Les trois arrêts du 22 mai 1995
20251. — Dans une première espèce, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, s'inspirant apparemment des enseignements de l'arrêt Blieck, a retenu la responsabilité de la commune pour le fait des marginaux sans abri qui occupaient avec son accord un immeuble lui appartenant ; ceux-ci avaient provoqué un incendie qui s'était propagé dans le voisinage183.
203Le second grief du pourvoi reprochait à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la commune responsable sur le fondement de l’article 1384, al. 2, alors que les marginaux qui occupaient l'immeuble n'étaient ni préposés, ni confiés à sa garde. La Cour rejette le pourvoi car, sur la base des constatations qu'elle avait effectuées, la Cour d'appel avait pu légalement décider que la commune était responsable de ces personnes, connues comme asociales et à risques, dont elle avait, par avance, endossé les conséquences dommageables.
204On sait que l'article 1384, al. 2 du Code civil français impose à la victime de prouver une faute du détenteur en cas de communication d'un incendie à un immeuble voisin, mais prévoit que cette faute peut aussi être celle des personnes dont le détenteur doit répondre. En l'espèce, cette qualité de répondant n'avait donc pu être attribuée à la commune que sur la base de la formule générale issue de l'article 1384, al. 1er184.
205En dépit de ses effets pervers pour l'hébergement des sans-abri, l'arrêt se situe donc dans la ligne de l'arrêt Blieck. La responsabilité de la commune sanctionne un devoir de surveillance et de contrôle qui s'imposait à la commune en raison des risques particuliers que les personnes hébergées présentaient pour autrui.
20652. — Les deux autres espèces tranchées le même jour par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation sont assurément plus originales. Il s'agissait d'accidents graves survenus au cours d'un match de rugby, à la suite d'une bagarre générale dans le premier cas, et d'un coup de pied donné par un joueur non identifié dans le second185.
207Les deux Cours d'appel avaient retenu la responsabilité des associations sportives sur le fondement de la responsabilité des commettants (1384, al. 5 du Code civil). Les pourvois introduits contre ces arrêts reprochaient aux juges du fond d'avoir retenu l'existence d'un lien de subordination entre les joueurs et le club et d'avoir engagé la responsabilité du commettant alors que le préposé fautif n'était pas identifié. Alors que le pourvoi pouvait aisément être rejeté en restant sur le terrain de la responsabilité du commettant, la Cour a curieusement procédé par substitution de motifs : « les associations sportives ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent sont responsables au sens de l'article 1384, al. 1er du Code civil, des dommages qu'ils causent à cette occasion ».
208La solution retenue donne assurément à l’article 1384, al. 1er une portée que l'arrêt Blieck ne laissait pas entrevoir. A la différence des handicapés mentaux placés en milieu libre ou semi-ouvert, les joueurs participant à une compétition sportive ne sont assurément pas des personnes potentiellement dangereuses. Il s’agit seulement de personnes qui exercent une activité présentant certains risques. On observera ensuite que le contrôle exercé par un club sur ses membres n'est pas assimilable au contrôle permanent et global visé dans l'arrêt Blieck. S'il n'est pas exclu qu'un club exerce un certain pouvoir de contrôle et de direction sur ses membres, il s'agit d'un contrôle occasionnel et intermittent qui ne s'exerce qu'au cours des compétitions. Enfin, alors que l'arrêt Blieck justifiait la responsabilité de l’association éducative parce que celle-ci avait accepté la charge d'organiser et de contrôler le mode de vie du handicapé, les deux arrêts du 22 mai 1995 justifient celle de l'association sportive par le contrôle, l'organisation et la direction des activités exercées par les membres de l'association.
209La deuxième chambre civile étend ainsi considérablement le domaine d'application de la présomption. Elle détruit du même coup l'opinion doctrinale qui ne voulait voir dans la jurisprudence Blieck qu'une simple tentative d'alignement de la jurisprudence judiciaire sur la jurisprudence administrative du Conseil d'Etat. La solution est d'autant plus curieuse qu'il n'existait dans le secteur sportif, aucune nécessité technique absolue ni besoin social impérieux de recourir à la présomption.
c) L'arrêt du 10 octobre 1996
21053. — L'arrêt du 10 octobre 1996 rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation confirme sans surprise l'application de l'article 1384, al. 1er, aux services éducatifs qui accueillent des mineurs placés par les juges des enfants186. La Cour d'appel de Rouen s'était précédemment engagée dans cette voie dans un cas similaire187.
211Fidèle à sa méthode, la Cour de cassation reprend à son compte l'argumentation de la Cour d’appel énonçant que la décision du juge des enfants confiant à une personne physique ou morale la garde d'un mineur en danger transfère au gardien la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler le mode de vie du mineur et donc la responsabilité de ses actes, celle-ci n'étant pas fondée sur l'autorité parentale mais sur la garde.
212A la différence des deux arrêts relatifs aux associations sportives, les missions confiées aux établissements chargés de recevoir et d'accueillir les mineurs en danger par application des règles de l'assistance éducative correspondent bien aux critères retenus par l'arrêt Blieck. Pendant le temps de l'hébergement, l'établissement prend effectivement en charge l'organisation du mode de vie des enfants qui font l'objet d'une mesure de placement.
213L'arrêt du 10 octobre 1996 apporte néanmoins un élément nouveau. En approuvant la Cour d'appel d'avoir considéré que la responsabilité ainsi mise à charge du service éducatif repose sur la garde et non sur l'autorité parentale, la Cour suprême indique implicitement que le critère de la garde peut être retenu pour définir le champ des personnes qui doivent répondre d'autrui. Elle n'en définit pas pour autant les éléments caractéristiques. Depuis un arrêt du 18 septembre 1996, on sait cependant que l'article 1384, alinéa 1er, est inapplicable aux membres de la famille ayant temporairement la garde d'un mineur188.
d) L'arrêt du 26 mars 1997
21454. — Six ans après l'arrêt Blieck, la chambre criminelle de la Cour de cassation française est appelée à se prononcer sur le caractère réfragable ou irréfragable de la présomption générale du fait d'autrui189.
215Dans un arrêt du 6 juin 1995, la Cour d'appel de Rouen avait déclaré un établissement d'éducation civilement responsable des vols de véhicules perpétrés par trois mineurs qui lui avaient été confiés par le juge des enfants.
216Le demandeur reprochait à la Cour d'avoir retenu sa responsabilité sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er du Code civil, alors que cet article n'édicte qu'une présomption de responsabilité du fait d'autrui dont le civilement responsable peut s'exonérer en prouvant qu'il n'a commis aucune faute.
217La Cour de cassation rejette le pourvoi en estimant sans aucune ambiguïté que les personnes tenues de répondre du fait d'autrui au sens de l'article 1384, alinéa 1er, ne peuvent s'exonérer de la responsabilité de plein droit résultant de ce texte en démontrant qu'elles n'ont commis aucune faute. En déclarant qu'il s'agit d'une « responsabilité de plein droit », la Cour prend position sur l'un des traits essentiels du régime de responsabilité, dans le sens préconisé par la majorité de la doctrine. En se prononçant en faveur d'une responsabilité objective comparable à celle du commettant et des parents, elle favorise la cohérence globale des responsabilités du fait d'autrui consacrées par l'article 1384 du Code civil en droit français.
2. Le coup d'arrêt de la Cour de cassation belge
a) L'arrêt de la Cour d'appel de Mons du 27 décembre 1995
21855. — Dans un arrêt abondamment motivé, la Cour d'appel de Mons avait, elle aussi, estimé dans la foulée de l'arrêt Blieck, que l'on pouvait déduire de l'article 1384, al. 1er un régime général de responsabilité du fait d'autrui190.
219Les faits de l'espèce étaient assez similaires à ceux qui ont donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation française du 10 octobre 1996. Un jeune adolescent âgé de 15 ans avait été confié en urgence au centre d'observation « Suzanne Van Durme » par décision du juge de la jeunesse. Une heure à peine après son admission, le jeune homme s'était enfui dans des circonstances demeurées obscures et avait mis le feu, la nuit suivante, à un atelier de réparations d'une station de carburants.
220Comme l’établissement fonctionnait en régime ouvert, la faute de surveillance était introuvable et la responsabilité ne pouvait donc être engagée sur la base de l'article 1382 du Code civil. Afin de ne pas laisser la victime sans réparation, la Cour d'appel de Mons a néanmoins retenu la responsabilité de l'association « Stations de plein air », pouvoir organisateur du centre d'observation, au motif que celle-ci devait répondre du mineur d'âge au sens de l'article 1384, al. 1 du Code civil, dès lors « qu'il est de l'essence de son activité, et de son objet social, de prendre en charge, pour une durée de plusieurs mois, des mineurs en difficulté, déracinés, et dont certains ont, nécessairement, déjà commis certaines infractions ».
221Selon la Cour, il est permis de déduire de l'article 1384, alinéa 1er du Code civil, « à tout le moins une présomption de faute, dès lors qu'il est constant que c'est après sa prise en charge par le centre que le mineur s'est enfui, et a commis l'infraction qui est la cause des dommages... A peine de vider de tout sens cette présomption, celle-ci porte non seulement sur la faute, mais aussi sur le lien de causalité entre cette faute (présumée) de l'association et le dommage causé par le fait fautif du mineur d'âge, commis à un moment où le centre devait en répondre, et ayant causé les dommages litigieux ».
22256. — Même s'ils paraissent à certains égards surabondants, puisque l'A.S.B.L. n'offrait pas de rapporter la preuve contraire, ces attendus permettent de dégager les conditions qui, selon la Cour, devraient guider l'application du régime de la présomption générale de responsabilité du fait d'autrui.
223A l'en croire, l'application de la présomption serait subordonnée à la preuve d'une faute ou d'un acte illicite dans le chef de l'auteur du fait dommageable. L'association qui a accepté de prendre en charge le mineur est, dès ce moment, présumée responsable des faits illicites accomplis par lui pendant toute la durée de cette prise en charge, y compris lorsque celui-ci a échappé à la surveillance des éducateurs. Prudente en ce qui concerne les causes d'exonération, la Cour se contente d'affirmer qu'il conviendrait de déduire de l'article 1384, al. 1er « à tout le moins une présomption réfragable de faute ».
b. L'arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 1997
224Saisie d'un pourvoi introduit contre l’arrêt rendu par la Cour d'appel, la Cour de cassation a cassé cet arrêt, refusant ainsi de suivre le courant français. En réponse au moyen pris de la violation de l'article 1384, al. 1er, la Cour répond clairement que l’article 1384 du Code civil n'établit pas, en son alinéa 1er, un principe général de responsabilité du fait d'autrui. « Cette responsabilité n'existe que dans les limites des régimes particuliers, différents les uns des autres, qu'il instaure de manière exhaustive dans les alinéas suivants »191.
225Certains diront que la Cour a manqué d'audace. D'autres répondront qu'il n'appartient pas aux tribunaux de se substituer au législateur, lorsqu'il s'agit de créer un nouveau fondement de responsabilité.
B. Opportunité d'une présomption générale du fait d'autrui en Belgique
22657. — La protection des victimes justifie-t-elle réellement la création d'une présomption générale du fait d'autrui ? Il faut bien reconnaître qu'avant l'arrêt Blieck, la doctrine belge, se ralliant à la conception traditionnelle, n'avait guère milité en ce sens192 et que la question n'avait pas retenu l'attention des tribunaux193. Le sursaut de la Cour de cassation française a permis d'ouvrir une large discussion suscitant des réactions dans des sens parfois très divergents194. Nous ne reprendrons ici que l'essentiel.
1. L'exégèse et la sémantique
22758. — L'esprit de géométrie rend très séduisante l'idée d'une présomption générale du fait d'autrui, qui viendrait s'ajouter à celle qui existe déjà pour le fait des choses195. Puisque la jurisprudence a pu dégager de l'article 1384, al. 1er, un principe général de responsabilité du fait des choses, pourquoi ne pourrait-elle en faire de même pour la responsabilité du fait d'autrui ?
228Cette possibilité avait bien entendu été évoquée avant l'arrêt Blieck, mais elle avait été rejetée, à l'époque, par une doctrine majoritaire, pour un motif d'ordre sémantique et par respect de la volonté du législateur196. Lorsqu'il prévoit que l'on est responsable du dommage causé par le fait des choses dont on a la garde, l'article 1384, al. 1er, énonce en effet une véritable norme de responsabilité : tous les ingrédients du régime de responsabilité ou presque (on songe au vice de la chose) sont contenus dans cette formule. Par contre, en affirmant que l'on est responsable des dommages causés par le fait des personnes dont on doit répondre, l'article 1384, al. 1er prendrait une allure tautologique : on pourrait seulement y lire que l'on est responsable des personnes dont on est responsable. La notion de personnes dont on doit répondre ne saurait dès lors se comprendre que par référence aux alinéas suivants, qui procèdent à une énumération nécessairement limitative des hypothèses dans lesquelles on peut rendre responsable une personne pour le fait d’autrui. Appliqué à la responsabilité du fait d'autrui, cet alinéa ne saurait avoir qu'un effet d'annonce. Cet argument est celui qui a été retenu à titre principal par la Cour de cassation belge dans son arrêt du 19 juin 1997.
229Le rejet d'une règle générale trouverait un appui supplémentaire dans le principe d'interprétation restrictive des règles qui dérogent au droit commun de la responsabilité civile. Les dérogations que ces présomptions apportent au caractère individuel de la responsabilité interdiraient en effet de les appliquer à d'autres cas que ceux expressément prévus par la loi197.
23059. — Ces arguments traditionnels sont loin d'être déterminants. Lorsqu'il indique que l'on est responsable des personnes dont on doit répondre, l'article 1384, al. 1er, n'est pas réellement tautologique puisqu'il ajoute à la notion de responsabilité celle de réparation du dommage198. Il est vrai cependant que le texte ne précise pas de quels critères l'obligation de réparer le dommage pourrait dépendre. Comme l'a fait remarquer Melle Viney, rien n'empêcherait cependant d'affirmer que les personnes dont on doit répondre sont précisément celles dont on a la garde, ce que la Cour de cassation française a d'ailleurs fait dans son arrêt du 10 octobre 1996199. La Cour cassation belge n'a pas agi autrement en subordonnant la responsabilité du gardien à l'existence d'un vice.
231Le fait que dans l'esprit du législateur, l'alinéa 1er était exclusivement destiné à introduire les alinéas suivants est, il est vrai, difficilement contestable. Mais il nous paraît critiquable de prétendre figer l'application de ce texte en tirant parti des travaux préparatoires rédigés dans un contexte économique et social fondamentalement différent. En matière de responsabilité civile, il importe de surmonter « la barre factice de l'exégèse » pour adapter libéralement et humainement les textes aux réalités et aux exigences de la vie moderne200.
232On ne peut pas davantage nier que le droit actuel de la responsabilité se caractérise par le déclin de la responsabilité individuelle201. De plus en plus, l'on substitue à l'auteur du fait dommageable un répondant plus solvable qui a créé le risque ou qui tire profit de l'activité exercée. La multiplication des immunités civiles accordées à certaines catégories de personnes physiques pour leur faute légère, immunités qui ne portent pas atteinte aux droits de la victime contre le civilement responsable participe à ce mouvement202. Dans un tel contexte, l'argument tiré du caractère individualiste de la responsabilité civile paraît quelque peu obsolète.
233L'argument tiré de la lettre du texte ou de son esprit n'a d'ailleurs pas retenu la Cour lorsqu'il s'est agi de créer un principe général de responsabilité du fait des choses dont on a la garde. La seule vraie question est donc de se demander si des nécessités sociales comparables à celles qui existaient au début de l'avènement de la société industrielle justifient aujourd'hui la création d’un principe général de responsabilité du fait d'autrui et si les règles existantes ne suffisent pas à y pourvoir.
2. Les nécessités sociales
23460. — L'observation des rapports sociaux démontrent que les cas dans lesquels les enfants, délinquants ou inadaptés, sont confiés à des personnes autres que leur père et mère, en dehors même du contexte scolaire, se multiplient. On songe notamment aux formes variées de garde des enfants en bas âge, aux mesures de placement ou d'assistance éducative des mineurs librement consenties par les parents ou décidées par le juge en application de la loi sur la protection de la jeunesse.
235Parmi ces situations, il ne fait aucun doute que les méthodes thérapeutiques nouvelles qui consistent à aménager au profit de ces personnes des espaces de liberté propres à favoriser la réinsertion sociale (régime de liberté complète ou surveillée, sorties d'essai, permissions, congés en famille, placement en famille d'accueil, en kot...), aussi louables et nécessaires soient-elles au plan social, créent un risque spécial pour les tiers.
236Puisque ces mesures sont généralement prises dans un but d'intérêt général, il faut se demander qui doit, en définitive, supporter le risque résultant de ce choix de société ?
237A priori, on ne voit pas pourquoi il appartiendrait à la victime innocente de supporter elle-même les dommages subis d'autant que celle-ci ne dispose d'aucun moyen de répartir contractuellement la charge du risque, sauf à souscrire et à financer elle-même une assurance accidents corporels203. Cette constatation pourrait justifier l'adoption d'une règle de responsabilité nouvelle visant à transférer la charge financière des dommages subis par la victime, sur les organismes et établissements dont la mission est précisément de prendre en charge ces personnes potentiellement dangereuses, et qui disposent à la fois du pouvoir de prévenir les dommages et de la capacité de s'assurer. L'assurance est en effet un moyen efficace et indispensable de répartir sur la collectivité des assurés la charge de ces responsabilités.
238La création d'une telle règle présente, il est vrai, le danger de détourner les associations qui poursuivent des buts louables, de leurs activités et de les inciter à la négligence204. L'existence de l'assurance devrait toutefois permettre de supporter à un coût raisonnable le poids de cette responsabilité nouvelle, en dépit du renchérissement vraisemblable des primes. Il ne faut pas oublier à cet égard que l'action de ces établissements visent pour une part à suppléer une politique sociale voulue, dictée et financée par les Communautés.
239Il ne serait pas illogique que les coûts de cette assurance, dont la souscription est souvent imposée par les conditions d’agrément, soit intégrée dans le calcul de la subvention allouée aux associations. Chacun prendrait ainsi sa part dans les risques nouveaux créés par les méthodes de réinsertion organisées dans un but d'intérêt général.
3. L'utilité juridique
24061. — En dépit de l'évolution manifeste des rapports sociaux, la création d'une présomption générale de responsabilité du fait d'autrui n'est utile que si les règles existantes ne suffisent pas à garantir l'indemnisation de la victime ou si le même objectif ne peut être atteint par des moyens moins radicaux.
241Il est certain que notre système de responsabilité actuel présente des lacunes ou des faiblesses qui peuvent se solder par une absence de réparation totale ou partielle des dommages subis par la victime. Nous nous contenterons de les énoncer brièvement205.
242La preuve d'une faute positive de surveillance ou d'organisation (insuffisance du nombre de surveillants, insuffisance ou inadéquation des mesures d'accompagnement...) dans le chef de l'institution d'hébergement ou d'une personne physique présente des difficultés réelles206. Le principe même de la thérapie en milieu ouvert ou semi-ouvert suppose en effet qu'une liberté de mouvement soit laissée à l'intéressé. Sans doute l'obligation de surveillance sera-t-elle appréciée plus sévèrement si l'auteur des faits présentait un danger anormal207, mais il n'empêche que la liberté laissée reposera souvent sur une nécessité thérapeutique ou se justifiera par un objectif social208.
243La preuve du lien causal n'est pas plus facile209. Les quelques décisions de jurisprudence répertoriées qui concernent des handicapés mentaux, des délinquants ou des mineurs échappés ou évadés retiennent que le lien causal entre la faute de surveillance reprochée et le dommage est rompu si le fait dommageable n'a pas été commis immédiatement après l'évasion ou dans une période relativement courte210.
244Engager la responsabilité de l'établissement pour la faute de ses organes ou préposés n'est guère plus efficace, puisque la responsabilité de la personne morale ou du commettant repose, elle-même, sur une faute préalablement établie de l'organe ou du préposé, en lien causal avec le dommage. L'instauration d'une présomption générale permettrait précisément d'éviter que la responsabilité soit subordonnée à la preuve d'une telle faute.
245L'immunité de responsabilité civile accordée au travailleur sous contrat d'emploi, qui devrait profiter également aux organes lorsqu’ils accomplissent des missions comparables, rend au surplus illusoire l'exercice d'un recours contre la personne physique à qui la surveillance de l'auteur du fait dommageable a été confiée, à moins que celle-ci n'ait commis une faute lourde ou intentionnelle.
246La responsabilité des parents subsiste certes en dépit des mesures de placement qui ont été prises, mais on sait les incertitudes qui s'attachent à la preuve contraire, particulièrement dans le cas des mineurs délinquants et caractériels. On a aussi indiqué les faiblesses et les incertitudes de la présomption de responsabilité des instituteurs.
247C'est précisément le caractère insatisfaisant des règles de responsabilité existantes qui a conduit certains plaideurs à exercer un recours direct contre l'autorité publique (à savoir la Communauté compétente) en sa qualité de pouvoir organisateur, lorsque celle-ci n’a pas pris les mesures qui s'imposaient légalement afin de mettre à la disposition des magistrats des institutions structurées, indispensables à l'accueil des mineurs délinquants ou en danger afin d'empêcher leur évasion et de les réadapter socialement. Ce recours a été accueilli à différentes occasions, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil211.
248Sur le plan des principes, il est généralement admis que la carence dont une autorité publique fait preuve dans l'exercice d'un pouvoir qui lui a été confié peut constituer une faute impliquant l'obligation de réparer les dommages qui en sont la conséquence. Il faut rappeler cependant que l'obligation qui est ainsi faite à l'autorité publique est une obligation de moyens et que le lien de causalité entre cette faute par omission et les dommages causés par un mineur qui n'aurait pas pu être placé dans une institution appropriée doit être établi de façon certaine. On ne peut pas pour autant radicalement exclure la responsabilité de la Communauté, en sa qualité de pouvoir organisateur, lorsqu'elle refuse purement et simplement la prise en charge d'un mineur qui lui est adressé par le juge de la jeunesse, faute de structures d'accueil suffisantes et adaptées. Il serait inéquitable que tout le poids de cette responsabilité repose uniquement sur les institutions d'accueil.
C. Régime juridique de la responsabilité
24962. — Si la création d'une responsabilité nouvelle se justifie par des raisons économiques et sociales impérieuses, il est indispensable d'en déterminer les contours pour que ses conséquences soient socialement et économiquement acceptables. A ce titre déjà, le choix entre la voie légale ou prétorienne s'avère difficile. La première permettrait sans doute de dessiner un régime de responsabilité spécifique, adapté aux situations particulières que l'on entend régler, mais elle reste soumise à la lenteur et à l'incertitude des décisions politiques. La seconde permettrait une adoption rapide du principe lui-même, mais soumettrait sa mise en œuvre à une longue période d'incertitude212.
250Quoi qu'il en soit, plusieurs questions doivent nécessairement être rencontrées pour que ce régime de responsabilité puisse fonctionner correctement.
1. Quelles sont les personnes qui doivent répondre du fait d'autrui ?
25163. — L'introduction d'une nouvelle disposition légale dans le Code civil permettrait sans doute d'identifier précisément les personnes qui seraient présumées responsables. La même identification est nécessairement plus délicate dans le contexte d'une présomption générale du fait d'autrui, où elle ne peut dépendre que de la nature du lien qui doit exister entre le civilement responsable et celui dont il répond (surveillance, garde...).
252Dans la perspective d'une législation spécifique, la notion de risque spécial pourrait certainement justifier de restreindre le domaine de la présomption aux personnes morales dont l'activité professionnelle consiste à prendre en charge, à organiser et à contrôler le mode de vie de personnes potentiellement dangereuses, qui leur sont confiées volontairement ou à la suite d'une décision judiciaire ou administrative.
253La charge de la responsabilité nouvelle reposerait ainsi sur les personnes morales de droit privé ou de droit public susceptibles de prévenir les dommages et qui ont la possibilité de s'assurer contre ces nouveaux risques. Il est sans doute curieux d'orienter le choix du débiteur de la responsabilité en fonction de ses aptitudes à l'assurance, mais cette approche ne fait que traduire les tendances lourdes du droit de la responsabilité civile dont la fonction essentielle est de réparer les dommages et non de sanctionner les responsables213.
254En limitant ainsi le champ de la présomption, l'on éviterait de faire reposer une responsabilité aggravée sur les personnes physiques, professionnelles ou bénévoles, qui assument la garde ou la surveillance d'autrui (éducateurs, grands-parents, tuteurs, pro-tuteurs, baby-sitter,...) ou sur les établissements dont la mission ne consiste pas à prendre en charge des personnes qui présentent un risque spécial pour les tiers. Dans ces hypothèses, le système actuel de responsabilité peut être jugé satisfaisant.
255Le même degré d'affinement peut plus difficilement être atteint par la création prétorienne d’une présomption générale de responsabilité civile du fait d'autrui. Sa généralité même rend toute tentative de distinction extrêmement délicate (personne physique, personne morale, activités professionnelles, activités occasionnelles). La jurisprudence de la Cour de cassation française en atteste. Sans doute n'a-t-elle jusqu'à présent admis l'application de l’article 1384, al. 1er, qu'à des associations et non à des personnes physiques214, mais elle n'a pas hésité en revanche à étendre sa portée à d'autres activités que celles consistant dans la garde de personnes présentant un risque spécial pour les tiers. Si les clubs sportifs sont soumis à la responsabilité nouvelle, il ne peut en aller autrement des centres de loisirs et de vacances, et plus généralement de toutes les associations qui organisent des activités présentant un risque quelconque pour les tiers.
25664. — Le seul critère de sélection qui pourrait être dégagé de la formule générale de l’alinéa 1er résulte en effet de la nature du lien qui doit exister entre le civilement responsable et celui dont il doit répondre.
257Par analogie avec la responsabilité du fait des choses et dans un souci de cohérence, le critère de la garde paraît légitimement s'imposer, même s'il convient de lui donner une portée diiférente de celle qu'il reçoit dans ce contexte précis. Dans le domaine des présomptions de responsabilité du fait d'autrui, l'obligation de réparer qui incombe au civilement responsable est la contrepartie d'un pouvoir de contrôle et de direction exercé sur les activités d'une autre personne. On en arriverait ainsi à une responsabilité à base de risque fondée non sur le profit retiré de l'activité concernée, mais sur l'autorité.
258À ce niveau, il n'est peut-être pas opportun de définir la garde, comme un pouvoir de fait exercé sur une personne, car cette exigence, qui renoue avec l'idée d'une présomption de faute, risque de déplacer la charge de la responsabilité sur les personnes physiques qui exerçaient en fait, les pouvoirs caractéristiques de la garde au moment du dommage. La garde devrait plutôt résulter de la nature de l'activité habituellement exercée par le présumé responsable et des missions qu'il a accepté de remplir. Ce pouvoir, à lui seul, justifierait la responsabilité sans qu'il y ait lieu de porter un jugement sur la façon dont il a été exercé in concreto.
259Sous cette réserve, il est certainement préférable de s'attacher à la garde plutôt qu'à la surveillance. La surveillance, davantage que la garde, fait référence à un pouvoir exercé en fait par une personne physique. Les développements consacrés à la présomption de responsabilité des instituteurs le démontrent. En outre, si l'on devait fonder la présomption sur un devoir de surveillance qui aurait été mal exécuté, l'on pourrait être tenté d'écarter la responsabilité lorsque l'auteur du dommage ne se trouvait pas effectivement sous la surveillance du civilement responsable au moment des faits. Or, la présomption ne présente d'utilité que si elle peut s'appliquer au cas des mineurs, échappés ou évadés.
260Pour éviter que le poids de la responsabilité ne repose sur les personnes physiques qui participent à la réinsertion sociale des-mineurs, délinquants ou inadaptés, il serait utile de préciser que la garde doit être exercée pour compte propre. L'on apaiserait ainsi les craintes des éducateurs et on résoudrait du même coup le problème des familles d'accueil qu'on ne peut pénaliser à peine de les détourner de ces activités socialement utiles. Celles-ci n'exerceraient pas la garde pour leur propre compte, mais pour le compte du service de placement en famille d'accueil, c'est-à-dire en définitive, pour le compte de la Communauté compétente.
2. Fait générateur de la responsabilité et conditions de rattachement de l'acte à l'activité du civilement responsable
26165. — Une disposition légale nouvelle inspirée de la théorie du risque permettrait sans doute d'instaurer une responsabilité objective et directe du civilement responsable pour tous les faits dommageables commis par les personnes sur lesquelles il exerce un contrôle. La Cour de cassation française ne s'est pas encore prononcée sur la question. En l’état actuel du droit belge, une création prétorienne imposerait au contraire le schéma d'une responsabilité à deux degrés.
262Dans ces conditions, la responsabilité du gardien devrait dépendre d'une faute prouvée ou, tout au moins, d'un acte objectivement illicite accompli par celui dont il doit répondre. La présomption ne peut avoir d'utilité que si le défaut de discernement de l'auteur du fait dommageable, qu'il soit mineur ou handicapé mental, ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la responsabilité présumée.
263En ce qui concerne les conditions de rattachement de l'acte dommageable à l'activité exercée par le présumé responsable, il devrait suffire que l'acte ait été accompli pendant la période d'hébergement, c'est-à-dire entre la date de prise en charge et celle de la décharge, peu importe que le mineur ou l'handicapé ait échappé à la surveillance des éducateurs. La présomption de responsabilité ne se justifie pas en effet par une présomption de faute dans la surveillance. Elle ne nécessiterait pas qu'un jugement soit porté sur la façon dont le pouvoir de contrôle a été effectivement exercé.
3. Le caractère réfragable ou irréfragable de la présomption
26466. — La question des causes d'exonération est probablement l'une des plus délicates à résoudre, car elle met en cause les fondements même de la présomption de responsabilité et la cohérence du système général prévu par l'article 1384 du Code civil. Avant même l'arrêt Blieck, on avait observé que la création d'un régime général de responsabilité du fait d'autrui était difficilement envisageable dans la mesure où il n'existe aucun dénominateur commun entre les différentes présomptions prévues aux alinéas 3, 4 et 5215. La possibilité d'établir qu'il était impossible d'empêcher le dommage est réservée aux parents et aux instituteurs, à l'exclusion des commettants. Aucun régime ne s'impose donc de lui-même216.
265À l'évidence, une responsabilité fondée sur le risque spécial créé par l'usage de méthodes nouvelles visant à la réinsertion sociale devrait conduire à écarter le droit à la preuve contraire. Le responsable ne pourrait pas s'exonérer en prouvant qu'il n'a pas commis de faute et la responsabilité ne céderait donc que devant la preuve de la force majeure ou de la faute de la victime217.
266Une présomption irréfragable de responsabilité serait toutefois difficilement supportable si son domaine d'application devait englober toutes les personnes physiques qui, à un moment ou à un autre, exercent un pouvoir de surveillance sur autrui. Comment justifier en effet que la responsabilité des grands-parents, des tuteurs ou pro-tuteurs ou des gardiennes d'enfants auxquels on confie temporairement des enfants soit plus lourde que celle des parents ou des instituteurs ? Une telle situation risquerait même d'entraîner l'absorption des régimes spéciaux dans le régime général218.
267Un domaine d'application plus strictement défini justifierait au contraire un alignement sur le régime de responsabilité des commettants, tout en créant une symétrie avec le régime général de responsabilité du fait des choses, celle-ci étant conçue comme la contrepartie d'un pouvoir même virtuel de commandement. L'aggravation de la responsabilité irait de pair avec la capacité d'assurance qui caractérise ceux qui exercent à titre professionnel des activités présentant des risques particuliers pour les tiers.
26867. — Opter pour une présomption de faute réfragable permettrait au contraire d’aligner la responsabilité nouvelle sur celles des instituteurs et des parents. Le défendeur pourrait dès lors s'exonérer en prouvant qu'il a exercé son pouvoir de contrôle et de surveillance correctement, dans les limites raisonnablement compatibles avec l'exercice de sa mission. Cette possibilité d'exonération ouvrirait sans aucun doute la voie à un nouveau contentieux comparable à celui rencontré à propos de la preuve contraire à rapporter par les parents. Il faudrait s'attendre en effet à des plaidoiries systématiques sur la justification et l'opportunité des choix effectués par l'établissement d'accueil, en rapport avec la personnalité particulière de l'auteur des faits dommageables. Ces discussions sans fin tourneraient au détriment des victimes innocentes, d'autant que les situations dans lesquelles il est impossible pour le responsable d'empêcher la survenance du dommage sont très fréquentes en pratique.
269Les auteurs belges sont très partagés sur l'opportunité de l'une ou l'autre solution. M. Hirsch s'oppose à l'introduction d'une présomption, fut-elle une présomption de faute, qui aurait pour effet de décourager l'exercice d'activités socialement utiles219. M. Demesse est favorable à une présomption réfragable de faute, en raison d'une aversion très personnelle à la théorie du risque220. Mme Moreau-Margrève ne ferme pas définitivement la porte à une présomption irréfragable, à condition d'adapter son champ d'application et de l'adosser à une obligation d'assurance221. Nous pensons qu'un emprunt à la théorie du risque ne peut se justifier raisonnablement que moyennant une délimitation claire des débiteurs de l'obligation de réparation et des conditions de la responsabilité. Un tel résultat peut difficilement être atteint par la création prétorienne d'une présomption générale du fait d'autrui, comme en atteste l'évolution de la jurisprudence française.
270Se ralliant aux conclusions de son avocat général M. Piret, la Cour de cassation belge, en cassant l'arrêt de la Cour d'appel de Mons, a clairement indiqué sa préférence pour cette seconde voie.
Notes de bas de page
1 R.O. Dalcq, Traité de la responsabilité civile, Les Novelles (vol. V), Bruxelles, Larcier, 1967, t. I, no 251 et ss. ; L. Cornelis, Principes de droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, Bruxelles, Bruylant, 1991, no 13 et ss. Cet auteur propose d'ajouter aux deux éléments classiquement retenus la prévisibilité du dommage (no 25). Nous hésitons à nous engager dans cette voie. La prévisibilité fait probablement partie des éléments d'appréciation de la faute mais n'en est pas nécessairement un élément constitutif. La vraie question est de savoir s'il faut faire de la prévisibilité une composante de l'élément objectif (appréciation in abstracto) ou subjectif (appréciation in concreto) de la faute, ou des deux à la fois.
2 Cass., 10 avril 1970, Pas., 1970, I, 682.
3 Cass., 3 mai 1978, Pas., 1978, I, 1012.
4 R.O. Dalcq, Traité, 1967, t. I, no 2306. On sera plus réticent à apprécier le discernement de l'enfant en fonction du comportement qu'il a adopté après le dommage (voy. L. Cornelis, Principes, 1991, no 15). La conscience du dommage une fois qu'il s'est produit (l'enfant s'est caché, a pris la fuite...) n'implique pas nécessairement la conscience des conséquences dommageables de l’acte au moment où celui-ci a été accompli.
5 J.-L. Fagnart, La responsabilité civile, Chronique de jurisprudence 1985-1995, Dossiers du Journal des Tribunaux, Bruxelles, Larcier, 1997, p. 50, no 42 ; R.O. Dalcq et G. Schamps, La responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle, Examen de jurisprudence, 1987-1993, R.C.J.B., 1995, p. 546, no 12.
6 J. Piaget, Le jugement moral chez l'enfant, P.U.F., 4ème éd., 1973 ; rapporté par F. Warembourg-Auque, Irresponsabilité ou responsabilité civile de l'« infans », R.T.D.Civ., 1982, p. 339, no 14.
7 Voy. notamment H. Mazeaud, « La faute objective » et la responsabilité sans faute, Dall., 1985, Chron., p. 13 ; H. et L. Malzeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile, t. I, 6ème éd., par A. Tunc, no 418 et ss. ; H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, t. 2, vol. 1, 6ème éd., par F. Chabas.
8 N. Dejean de la Batie, Note sous Cass., Ass. plén., 9 mai 1984, J.C.P., 1984, II, no 20255.
9 Conclusions précédant les arrêts de la Cour de cassation du 9 mai 1984 (Ass. plén.), Dali, 1984, Jur., p. 525.
10 H. Mazeaud, op. cit., p. 14.
11 Cass., Ass. plén., 9 mai 1984, Dall., 1984, Jur., p. 525 ; 5 espèces ; les affaires Derguini c/Tidu et Lemaire c/ Declercq concernaient la faute de l'enfant victime du dommage ; sur ces deux arrêts voy. également P. Jourdain, Note, J.C.P., 1984, II, 20256 ; G. Viney, Chronique, J.C.P., 1984, I, 3155 et 3158bis ; dans l'affaire Fullenwarth c/ Felten, la Cour affirme la responsabilité des parents pour le fait non fautif de leur enfant : sur cet arrêt voy. R. Legeais, Dall., 1984, Chron., p. 277 ; N. Dejean de la Batie, J.C.P., 1984, II, 20255 ; dans l’affaire Gabillet c/ Noye, elle déclare l'enfant responsable comme gardien d'une chose ; dans S... c/ D, elle retient la responsabilité pénale d'un enfant inculpé d'incendie volontaire, après avoir constaté que l'enfant avait agi volontairement.
12 Pour une opinion beaucoup plus nuancée, voy. R. Legeais, Le mineur et la responsabilité civile. Ecrits en hommage à G. Cornu, Paris, PUF, 1994, P. 253-272, qui voit dans cette interprétation un excès de systématisation de la doctrine.
13 C. Lapoyade-Deschamps, Les petits responsables, Dall., 1988, Chron., p. 301 ; F. Chabas, Note sous les arrêts du 9 mai 1984, Dall., 1984, Jur., p. 530 ; F. Warembourg-Auque, Irresponsabilité ou responsabilité civile de l'« infans », Rev. trim. dr. civ., 1982, p. 332.
14 On notera qu'en France, un pouvoir de modération similaire avait aussi été accordé au juge dans le projet du gouvernement, mais cette suggestion ne fut finalement pas retenue. L'article 489-2 du Code civil s'inscrit dès lors plus clairement que l’article 1386bis dans le cadre général de la responsabilité civile. Voy. à ce sujet F. Warembourg-Auque, op. cit., p. 333.
15 Cass., 20 juin 1979, Pas., 1979, I, 1217 ; Cass., 24 avril 1980, Pas., 1980, I, 1055.
16 Jusqu'à présent, la Cour de cassation belge n'a consacré formellement cette solution que dans le contexte de la responsabilité des parents, mais il n'y a guère de raisons de ne pas l'appliquer aussi aux instituteurs et commettants. Cass., 7 mars 1957, Pas., 1957, I, 806, et les conclusions du Procureur général Hayoit de Termicourt, R.C.J.B., 1959, p. 21, note A. Lagasse ; Cass., 28 octobre 1971, Pas., 1972, I, 100, et les conclusions du Procureur général Ganshof van der Meersch ; Cass., 24 octobre 1974, Pas., 1975,I, 237 ; Cass., 26 juin 1975, Pas., 1976, I, 1046 ; contra : L. Cornelis, Plaidoyer pour une responsabilité uniforme en cas d'abus de fonction, R.C.J.B., 1997, p. 321, no 10.
17 R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 262 et L. Cornelis, Principes, 1991, no 21 et ss.
18 Cass, civ., 2e Ch., 7 mars 1989, Bull. civ., 1989, no 16, p. 75 ; J.C.P., 1990, II, no 21403 ; Cass. civ., 2e Ch., 4 juillet 1990, Bull. civ., 1990, II, no 167. « Attendu que l'arrêt retient que l'enfant qui avait sur la plage, ramassé un objet en plastique ayant la forme d'une petite bouteille sans mèche n’avait pas été mis en garde par Mme Lacouture contre la dangerosité des engins de pyrotechnie et qu'il pouvait normalement penser qu’aucune explosion ne pouvait se produire, les fusées ayant déjà été utilisées ; Que par ces seuls motifs, la Cour d’appel a pu déduire que la victime n'avait pas commis de faute ».
19 Cass. civ., 2e Ch., 28 février 1996, Gaz. Pal., 14-15 février 1997, p. 31, note Ph. Jacques ; Dall., 1997, Somm. comm., 1997, p. 28, note H. Mazeaud.
20 Ph. Jacques, note précitée, Gaz. Pal., 14-15 février 1997, p. 34 ; H. Mazeaud, La faute objective et la responsabilité objective, Dall., 1985, Chron., p. 13 ; Ph. Le Tourneau, La verdeur de la faute dans la responsabilité civile, R.T.D.Civ., 1988, p. 508.
21 N. Dejean de la Batie, Note sous Cass., 1ère civ., 7 mars 1989, J.C.P., 1990, II, 21403 ; P. Jourdain, Observations, R.T.D.Civ., 1990, p. 124 ; P. Jourdain, Observations, sous civ., 2e Ch., 28 février 1996, R.T.D.civ., 1996, p. 628 ; F. Warembourg-Auque, Irresponsabilité ou responsabilité civile de l'« infans », R.T.D.civ., 1982, p. 338, no 13 à 15.
22 R.O. Dalcq, Traité, 1967, t. I, no 263 ; L. Cornelis, Principes, 1991 ? no 21.
23 R.O. Dalcq et G. Schamps, Examen de jurisprudence précité, R.C.J.B., 1995, p. 540, no 9 et les réf. citées.
24 P. Jourdain, Observations sous Cass. civ., 2e Ch., R.T.D.civ., 1991, p. 123.
25 Bruxelles, 18 février 1992, R.G.A.R., 1993, no 12232 ; Bruxelles, 16 février 1993, R.G.A.R., 1995, no 12505, dans le cas de la manipulation d'un fusil de chasse ; dans le même sens, Civ. Charleroi, 9 octobre 1990, R.G.D.C., 1992, p. 449.
26 Jugé par exemple que
• Le fait de jouer avec des pétards ou de tenter de fabriquer une petite fusée ne constitue pas en soi pour des adolescents de 16 et 17 ans, une activité illicite (Bruxelles, 20 février 1989, R.G.A.R., 1991, no 11782).
• La participation à un jeu de balle non brutal ne constitue ni une faute ni un acte illicite pour des enfants de 8 ans (Gand, 22 novembre 1994, R.G.A.R., 1996, no 12681).
• Le jeu qui consiste en ce que cinq fillettes, entre six et huit ans, répandent de l'eau sur une table placée en oblique et chacune d'elles à son tour balaie l'eau de la table à l'aide d'une grande brosse, n'est pas en soi un jeu dangereux. Si, au cours de ce jeu, l'une des enfants atteint une de ses compagnes à l'œil droit avec le manche de la brosse qu'elle maniait, cela ne constitue pas, de la part de l'enfant, un acte objectivement illicite (Gand, 21 juin 1993, Journ. dr. jeun., 1996, p. 235).
• Le fait pour des fillettes de 8 et 9 ans de jouer à se faire des croches-pieds, tout en se retenant l'une l'autre, constitue un acte objectivement illicite (civ. Verviers, 6 janvier 1997, R.G.D.C., 1997, p. 218).
• Le fait de lancer un ballon sans se préoccuper de la direction de celui-ci ne constitue pas un acte Objectivement illicite pour un enfant de 8 ans (Liège, 27 octobre 1993, J.L.M.B., 1994, P. 1361, note A. Gosselin).
• Le fait pour un enfant de 7 ans, de prendre place à l'insu de tous dans la voiture d’un membre de la famille et de jouer avec le levier de vitesse est un comportement constitutif d'un fait objectivement illicite et donc (?) d’une faute au sens de l'article 1382 du Code civil (Civ. Liège, 23 avril 1993, R.G.A.R., 1994, no 12370).
• Un garçon de 15 ans commet une faute en prenant les commandes d'un tracteur alors qu'il n’avait pas l'âge légal requis pour le conduire (Anvers, 13 février 1991, R.G.A.R., 1993, no 12198).
• La construction d'une cabane dans un arbre constitue une activité ludique normale pour des enfants de 14 à 17 ans. Le fait de se défaire d'une hache en la fichant dans un tronc d'arbre correspond à une manière usuelle de se débarrasser d'un tel outil et ne constitue pas une faute dans le chef de ces enfants mineurs ayant atteint l'âge du discernement (Bruxelles, 18 mai 1990, R.G.A.R., 1992, no 1 1992).
• Le jeu consistant à « jouer à cheval » ne peut nullement être considéré comme dangereux pour des enfants doués de discernement et n'implique aucune attitude agressive ou brutale, même s'il existe une différence d'âge de 3 ans entre les deux enfants (Anvers, 8 octobre 1990, R.G.A.R., 1992, no 12048).
• Le fait pour un garçon de 10 ans d'en pousser un autre au cours d'une partie de volley-ball engagée durant la récréation constitue une imprudence grossière (J.P. Ninove, 5 juin 1991, R.W., 1993-1994, p. 1336).
• Le fait d'arracher brusquement une latte ou un bâton de cricket en bois des mains d'un camarade est un acte illicite (Mons, 11 mai 1995, R.G.A.R., 1997, 12733 ; Gand, 14 décembre 1993, R.W., 1994-1995, p. 1196) ;
• La participation d'un adolescent à une rixe constitue un acte objectivement illicite ou une faute dans son chef. La circonstance que cet adolescent suive un enseignement spécial n'exclut pas la capacité de discernement (Anvers, 23 mars 1994, R.G.A.R., 1996, no 12659. Comp. Mons, 12 juin 1995, R.G.A.R., 1997, no 12732).
• Le fait d'être porteur d'un couteau à cran d'arrêt et d'exhiber cette arme en cours de récréation constitue un acte illicite (Mons, 9 juin 1993, J.T., 1993, p. 688).
• Commettent une faute, au sens de l'article 1382, deux enfants qui s'introduisent dans une propriété privée et qui saccagent une jeep avec des barres de fer (Civ. Bruges, 10 septembre 1990, R.W., 1993-1994, p. 651).
• L'enfant de 10 ans qui jette une cigarette non éteinte dans un endroit où il y a de la paille commet une faute engageant sa responsabilité personnelle (Civ. Louvain, 21 septembre 1994, R.W., 1995-1996, p. 1314).
• Un garçon de 11 ans doit être conscient du danger inhérent aux allumettes et doit s'abstenir de mettre le feu à du papier traînant dans une cave (Mons, 29 février 1988, R.G.A.R., 1990, no 11636).
• Tordre le bras d'un autre enfant dans les rangs est un acte qu'un enfant de 12 ans n'avait pas le droit de commettre et qui a causé à autrui un dommage (Bruxelles, 24 février 1987, 1988, p. 1024).
• Le fait pour un enfant de 10 ans qui suit un enseignement spécial, de passer devant le bus qu'il quittait, afin de traverser la chaussée constitue une faute (Mons, 10 octobre 1994, R.G.A.R., 1996, no 12683. Comp. Civ. Nivelles, 20 mars 1985, R.G.D.C., 1987, p. 86).
• Le fait pour un enfant de 13 ans et demi de frapper sur un pétard d'alarme avec un marteau, en vue de le détruire, constitue un acte illicite, en dépit de l'apparence insolite de ce pétard d'alarme, de l'absence de toute indication quant à sa véritable nature, son usage et son contenu, et des circonstances particulières de sa découverte (Mons, 28 juin 1994, J.L.M.B.,1996, p. 91, note D.M. Philippe).
27 Arrêts précités note 11.
28 Cass., Ass. plen., 9 mai 1984, Gabillel c/ Noyé, Dall., 1984, Jur., p. 529, note F. Chabas ; sur cet arrêt voy. note Dejean de la Batie, J.C.P., 1984, II, 20255 ; A. Legeais, Le mineur et la responsabilité civile, Ecrits en hommage à Gérard Cornu, Paris, PUF, 1994, p. 257 ; G. Viney, La réparation des dommages causés sous l'empire d'un état d'inconscience : un transfert nécessaire de la responsabilité vers l'assurance, J.C.P., 1985, I, no°3189.
29 Cass. fr., civ., 2e Ch., 30 décembre 1964, Dall., 1965, p. 91, conclusions Schmelck et note P. Esmein ; J.C.P., 1965, II, 14304, note N. Dejean de la Batie ; Gaz. Pal., 1965, I, 202 ; obs. R. Rodière ; R.T.D.civ., 1965, p. 351.
30 L. Cornelis, Principes, t. I, p. 484, no°281 ; pour une opinion plus nuancée, voy. R.O. Dalcq, La notion de garde dans la responsabilité, in Liber Amicorum F. Dumon, t. II, Anvers, Kluwer, 1984, p. 376.
31 En ce sens, F. Warembourg-Auque, op. cit., p. 340-343 ; N. Dejean de la Batie, Note, J.C.P., 1984, II, 20255.
32 Voy. notre, étude, Développements récents concernant les responsabilités du fait des choses, CUP, volume X, 13 septembre 1996, p. 290, no 17 ; également publiée dans R.G.A.R., 1996, 12729, no 16 et ss.
33 F. Warembourg-Auque, op. cit., p. 343, no 20 et 21.
34 Cass, fr., civ., 2e Ch., 10 février 1966, Dall., 1966, conclusions Schmelck ; J.C.P., 1968, II, 15506, note A. Plancqueel ; R.T.D.civ., 1966, p. 297 et 537, obs. Rodière ; voy. également J. Bore, La responsabilité des parents pour le fait des choses ou des animaux dont leur enfant mineur a la garde, J.C.P., 1968, I, 2180.
35 En ce sens L. Cornelis, Principes, t. I, no 242 ; contra R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 1556 à 1560 et 1896.
36 Cass., 5 novembre 1981, Pas., 1982, I, 316, précédé des conclusions du Procureur général F. Dumon, R.C.J.B., 1985, p. 207, note A. Meinertzhagen-Limpens ; En ce sens, J.-L. Fagnart, La responsabilité civile des parents, Journ. dr. Jeun., 1997, p. 366, no 18.
37 F. Warembourg-Auque, op. cit., p. 343, no 20.
38 R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 2326.
39 Dans le cas d’un handicapé mental participant à un camp scout et qui manipulait une hache : Civ. Bruxelles, 10 janvier 1992, J.T., 1992, p. 643.
40 Liège, 24 mars 1995, Bull. Ass., 1995, p. 423, note M. Lambert ; Rev. reg. dr., 1995, p. 287 ; Liège, 27 janvier 1993, 1993, p. 1030.
41 L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 16 ; R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 2327.
42 L. Cornelis, ibid.
43 Le mineur sous statut de minorité prolongée qui met volontairement le feu à un immeuble commet indéniablement un acte illicite. Liège, 24 mars 1995, Bull. Ass., 1995, p. 423. Comp. pour un autre cas d'incendie volontaire, Anvers, 25 mars 1992, Bull. Ass., 1992, p. 693 ; dans un cas de tentative d’assassinat, Bruxelles, 8 juin 1988, J.L.M.B., 1988, p. 1558, note D.-M. Philippe ; pourvoi rejeté par Cass., 18 octobre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 758 et obs. D.-M. Philippe ; R.G.A.R., 1992, no 12038 ; J.T., 1991, p. 190.
44 Cass., 18 octobre 1990, R.G.A.R., 1992, no 12.026 ; Pas., 1991, I, p. 171 ; J.L.M.B., 1991, p. 758, note D.-M. Philippe ; J.T., 1991, p. 190.
45 Voy. L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, p. 183, no 99 ; R.O. Dalcq, Traité, t. II, 1967, no 2671 ; Ph. Le Tourneau, La verdeur de la faute dans la responsabilité civile, R.T.D.civ., 1987, p. 512 ; en jurisprudence belge, voy. encore récemment Cass. 29 juin 1995, Dr. circ., 1996, p. 12 ; Cass., 6 janvier 1993, Pas., 1993, I, 11.
46 H. Mazeaud, La faute « objective » et la responsabilité sans faute, Dall., 1995, Chron., p. 13. Voy. également les conclusions de M. le Premier avocat général Cabannes, avant les arrêts de la Cour de cassation du 9 mai 1984, Dall., 1984, Jur„ p. 527.
47 Derguini c/ Tidu, Dall., 1984, Jur., p. 529, note F. Chabas.
48 Lemaire c/ Declercq, Dall., 1984, Jur., p. 529, note F. Chabas ; pour une interprétation plus nuancée, voy. R. Legeais, Le mineur et la responsabilité civile, dans Mélanges Cornu, Paris, PUF, 1994, p. 259-261. L'auteur ne voit dans la formulation ambiguë de l'arrêt qu'une simple présomption de capacité délictuelle.
49 Cass, civ., 2e ch., 28 février 1996, Gaz. Pal., 14-15 février 1997, p. 31, note Ph. Jacques ; Dall., 1996, Jur., p. 602, note F. Duquesne ; R.T.D.civ., 1996, p. 628, obs. P. Jourdain.
50 Dans les affaires Lemaire et Derguini, l’enfant était décédé, mais la solution n'aurait pas été différente si l'enfant avait survécu. La Cour de cassation assimile en effet le sort des victimes directes à celui des victimes par ricochet lorsque la victime première a participé, par sa faute, à la production du dommage.
51 C. Lapoyade Deschamps, Les petits responsables, Dali, 1988, Chron., p. 303 ; P. Jourdain, Observations sous Cass. civ., 2e ch., 28 février 1996, R.T.D.civ., 1996, p. 628.
52 L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 99.
53 Ph. Jacques, op. cit., p. 33.
54 Ph. Le Tourneau, op. cit., p. 512.
55 P.H. Jacques, op. cit., p. 33 ; F. Warembourg-Auque, Irresponsabilié ou responsabilité civile de l'« infans », R.T.D.civ., 1982, p. 357, no 37 ; P. Jourdain, Observations précitées, R.T.D.civ., 1996, p. 628.
56 L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, p. 186, no 100 ; R.O. Dalcq, Traité, t. II, 1967, no 2673.
57 Cass., 3 mai 1978, Pas., 1978, I, 1012.
58 Corr. Liège, 25 novembre 1991, Dr. Circul., 1993, p. 10.
59 Voy. encore récemment Cass., 1er février 1994, Dr. circ., 1994, p. 147 ; R.G.A.R., 1995, no 12444 ; R.W., 1996-1996, p. 338 ; Cass., 5 octobre 1995, Larder Cass., 1995, no 1071 ; Mons, 4 juin 1987, J.L.M.B., 1988, p. 175 ; Corr. Verviers, 24 octobre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 1001. Voy. également les observations de J.-L. Fagnart, Chronique de jurisprudence, 1985-1995, Dossiers du J.T., 1997, p. 33, no 23 ; L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, p. 190, no 101.
60 Voy. à cet égard les observations critiques de G. Schamps et R.O. Dalcq, Examen de jurisprudence, La responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle, R.C.J.B., 1995, p. 730, no 142, qui regrettent la clémence très variable des juridictions lorsque le piéton ou le cycliste est un enfant ; J.-L. Fagnart, Chronique précitée, p. 32, no 22 ; voy. également la note de M. Lambert, Sous Civ. Namur, 30 juin 1995, Bull. Ass., 1995, p. 643.
61 Article 45 de la loi du 30 mars 1993 portant des dispositions sociales, qui insère un chapitre Vbis nouveau, comprenant les articles 29bis et 29ter, dans la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs. L’article 29bis a été modifié et l'article 29ter abrogé par la loi du 13 avril 1995 (Mon. b., 27 juin 1995, p. 18244). Sur cette législation, voy. en doctrine l'ouvrage collectif sous la direction de B. Dubuisson, L'indemnisation automatique de certaines victimes d'accidents de la circulation, Academia-Bruylant, 1995 (216 p.). Voy. aussi V. Closon, De l'indemnisation de certaines victimes d'accidents de la circulation, Bull. Ass., 1994, p. 500-508 ; R.O. Dalcq, L'indemnisation des dommages corporels des piétons et des cyclistes, J.T., 1994, p. 665 ; R.O. Dalcq, La loi du 13 avril 1995 remplaçant l'article 29bis et abrogeant l'article 29ter inséré par la loi du 30 mars 1994 dans la loi du 21 novembre 1989, R. G. A. R., 1995, no 12484 ; J.-L. Fagnart, L'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation après la réforme bâclée du 30 mars 1994, R.G.A.R., 1994, no 12388 ; G. Schoorens, Verkeersongevallen met « zwakke verbruikers ». Het nieuwe vergoedingssysteem van art. 29bis WAM-wet. Het kwalificatieprobleem, R.G.A.R., 1995, no 12443 ; D. Simoens, De nieuwe vergoedingsregel ten voordeel van voetgangers en fietsers, R.W., 1994-1995, p. 144.
62 Sur la notion de faute inexcusable, voy. en particulier H. De Rode, Les limites du droit à indemnisation, in B. Dubuisson (Ed.), L'indemnisation automatique de certaines victimes d'accidents de la circulation, Academia-Bruylant, 1995, pp. 75-106.
63 En ce sens, R.O. Dalcq, L'indemnisation des dommages corporels des piétons et des cyclistes, J.T., 1994, p. 671. Contra J.-L. Fagnart, L'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation après la réforme baclée du 30 mars 1994, R.G.A.R., 1994, no 12388, no 71 qui considère que la faute intentionnelle est incompatible avec l'existence d'un accident de la circulation. Voy. aussi H. DE Rode, op. cit., p. 96, no 27 qui estime, à tort selon nous, que l’article 8 de la loi du 25 juin 1992 interdirait à l'assureur de fournir sa garantie même lorsque c'est le tiers victime qui s’est rendu coupable de la faute intentionnelle.
64 G. Viney, La faute de la victime d'un accident corporel : le présent et l'avenir, J.C.P., 1984, I, no 3155.
65 Voy. notamment M. Lambert, Obs. sous Civ. Namur, 30 juin 1995, Bull. Ass., 1995, p. 641 ; En ce qui concerne la faute de la victime qui prend place au côté d'un conducteur n'ayant pas l'âge requis pour conduire le véhicule, l'examen de cet auteur révèle qu'en cas de circonstances aggravantes résultant de l’absence de port de casque de protection ou d'intoxication alcoolique, les quote-parts laissées à charge du passager varient de 25 à 50 ou 100 % ; en l'absence de circonstances aggravantes, la part du dommage laissée à charge du passager varie de 25 à 50 %.
66 G. Viney, ibid.
67 F. Warembourg-Auque, Irresponsabilité ou responsabilité civile de l'« infans », R.T.D.civ., 1982, p. 349, no 27 ; dans le même sens, L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, p. 328, no 181.
68 F. Warembourg-Auque, ibid.
69 Civ. Louvain, 27 septembre 1986, Pas., 1987, III, 1.
70 Cass., 30 mai 1989, Pas., 1989, I, 1031 ; Cass., 21 septembre 1988, Pas., 1989, I, 71 ; R.W., 1989-1990, p. 509, et la note ; J.T., 1989, p. 111. Voy. les critiques formulées à l'égard de cette jurisprudence par J.-L. Fagnart, La responsabilité civile, Chronique de jurisprudence 1985-1995, Dossiers du J.T., vol. 11, p. 31, no 20 et M. Droutrewe, Commettant victime d'un dommage causé par son préposé et un tiers, R.G.A.R., 1986, no 11022.
71 Treilhard, Exposé des motifs, Séance du Corps législatif du 9 pluviôse, an XII, in Locré, Législation civile, commerciale et criminelle, Bruxelles, Ed. Librairie de jurisprudence de H. Tarlier, 1836, pp. 274-276.
72 J.-L. Fagnart, La responsabilité civile, Chronique de jurisprudence 1985-1995, Dossiers du J.T., vol. 11, Bruxelles, Larder, 1997 (138 p.) ; R.O. Dalcq et G. Schamps, La responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle. Examen de jurisprudence 1987-1993, R.C.J.B., 1995, pp. 525-638, p. 663-777 ; H. Vandenberghe, M. van Quickenborne, L. Wynant, Overzicht van rechtspraak : aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (1985-1993), T.P.R., 1995, p. 1 115-1534.
73 L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 174 et 186.
74 Cass., 17 mars 1957, Pas., 1957, I, 806, préc. concl. proc. gén. Hayoit de Termicourt ; R.C.J.B., 1959, 21, note A. Lagasse ; Cass., 28 octobre 1971, Pas., 1972, 1, 200, préc. concl. proc. gén. Ganshof van der Meersch ; Cass., 24 octobre 1974, Pas., 1975, I, 237 ; Cass., 26 juin 1975, Pas., 1976, I, 1046. En France, la même solution a rapidement été admise par la Cour de cassation. Cass. civ., le Ch., 20 décembre 1960, J.C.P., 1961, II, 12031, note A. Tunc ; Dall., 1961, p. 141, note P. Esmein.
75 Cass., 17 mars 1957, Pas., 1957, I, 806, précité.
76 En ce sens, L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 178.
77 En ce sens, R.O. Dalcq, Traité, t.I, 1967, no 1684 ; L. Cornelis ne s'oppose pas à cette application par analogie dans le cas des instituteurs (Principes, t. I, 1991, no 199) mais il n'y est guère favorable dans le cas des commettants, car la présomption qui pèse sur eux est irréfragable (Principes, t. I, 1991, no 225). Cette opinion doit cependant être écartée depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 28 octobre 1994, qui admet qu'un commettant puisse être déclaré responsable aux termes de l’article 1384, alinéa 3 sur la base de la responsabilité présumée de l'instituteur. Cass., 28 octobre 1994, R.C.J.B., 1997, p. 38, et la note critique L. Cornelis, L'instituteur piégé par les conjugaisons horizontales et verticales. L'auteur maintient néanmoins son point de vue dans une note récente au motif que la Cour de cassation, dans son arrêt du 28 octobre 1994, aurait pris soin de relever que le juge du fond avait retenu une faute dans le chef du préposé (R.C.J.B., 1997, p. 316, no 6 à 11).
78 Cass., 11 avril 1991, Pas., 1991, I, 727 ; J.T., 1992, p. 13.
79 On se rappellera que seuls les tiers peuvent bénéficier de la présomption. Celle-ci ne peut donc être invoquée par l'enfant qui se serait occasionné un dommage à lui-même, ni par les parents contre leur propre enfant, ni par l'enfant contre ses parents. Voy. L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 179 ; R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 1619 à 1620bis.
80 Cass., Ass. plen., 9 mai 1984, Fullenwarth c/ Felten, Dall., 1984, Jur., p. 529 ; Sur cet arrêt voy. outre les références citées supra note 11, B. Puill, Vers une réforme de la responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants, Dall., 1988, Chron., p. 185 ; C. Lapoyade-Deschamps, Les petits responsables, Dall., 1988, Chron., p. 299. On rappellera qu'en France, la condition de cohabitation a été maintenue (art. 1384, alinéa 7), alors qu'elle a été supprimée en Belgique par la loi du 6 juillet 1977 (voy. à cet égard J.-M. Poupart, La loi du 6 juillet 1977 modifiant l'art. 1384, al. 2, du Code civil, J.T., 1977, p. 743).
81 L'exemple est emprunté à N. Dejean de la Batie, J.C.P., 1984, II, 20255.
82 C. Lapoyade-Deschamps, op. cit., p. 302.
83 Cass., 21 décembre 1989, Pas., 1990, I, 501 ; Journ. dr. jeun., 1990, no 10, p. 37, note D. Philippe ; R.W., 1990-1991, p. 538 ; J.L.M.B., 1990, p. 1228 ; Cass., 5 avril 1995, R.W., 1996-1997, p. 851 ; D.C.J., 1995, p. 255 ; R.G.A.R., 1997, no 12712.
84 Pour une critique dans le même sens, voy. J.-L. Fagnart, La responsabilité civile des parents, Journ. Dr. Jeun., 1997, no 27 et ss.
85 Voy. R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 1540.
86 R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 1569 à 1572 ; J.-L. Fagnart, La responsabilité civile des parents, Journ. Dr. Jeun., 1997, p. 363, no 5. L'auteur souligne que lors des travaux parlementaires qui ont précédé la loi du 6 juillet 1977, il a été rappelé que la responsabilité des parents reposait toujours sur une faute commise dans l'exercice de l'autorité parentale.
87 L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 183.
88 B. Puill, op. cit., p. 188.
89 La loi du 5 avril 1937 a soumis tous les instituteurs au droit commun de l'article 1382 et substitué la responsabilité de l'Etat à la responsabilité des membres de l'enseignement public.
90 L'obligation de surveillance ne s'applique en principe pas dans la rue ou sur le chemin conduisant à l'école. Voy. Bruxelles, 11 juin 1992, R.G.A.R., 1995, no 12466. En doctrine, L. Einsweiler, La responsabilité civile des instituteurs et des éducateurs, Journ. Dr. Jeun., 1997, p. 374.
91 En ce sens, L. Cornelis, Principes, t. I, no 203. En jurisprudence, Mons, 12 juin 1995, R.G.A.R., 1997, no 12732 (élèves laissés sans surveillance au moment d'une agression).
92 R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 1688 et 1698. Dans le même sens, L. Einsweiler, La responsabilité civile des instituteurs et des éducateurs, Joum. Dr. Jeun., 1997, p. 372.
93 Cass., 23 février 1989, J.T., 1989, p. 235 ; R.W., 1989-1990, p. 645 ; R.G.A.R., 1990, no 11620 ; Cass., 28 septembre 1989, J.T., 1990, p. 22 ; Pas., 1990, I, p. 117 ; J.L.M.B., 1990, p. 1226 ; Cass., 21 décembre 1989, Pas., 1990, I, p. 501 et obs. ; J.L.M.B., 1990, p. 1228. Ce revirement a été unanimement approuvé par la doctrine et est largement suivi par les juges du fond. Voy. Bruxelles, 24 février 1987, J.L.M.B., 1988, p. 1024 et note D.-Μ. Philippe ; Anvers, 23 mars 1994, R.G.A.R., 1996, no 12659 ; Mons, 9 juin 1993, J.T., 1993, p. 688 ; Civ. Verviers, 6 janvier 1997, R.G.D.C., 1997, p. 218.
94 Civ. Louvain, 2 septembre 1987, Pas., 1987, III, 101, obs. A.M.
95 J.-L. Fagnart, La responsabilité civile des parents, Journ. Dr. Jeun., 1997, p. 365, no 12 ; R.O. Dalcq, Traité, t.I, 1967, no 1590 ; L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 183 et les réf. citées ; dans le cas d'une grand-mère qui exerçait temporairement la surveillance de sa petite-fille, voy. Civ. Furnes, 12 mai 1989, D.C.J., no 90/96.
96 Cass. civ., 18 septembre 1996, Dali, 1996, Inf. rap., p. 220 ; Cass. civ., 2e ch., 25 janvier 1995, Dall., 1995, Inf. rap., p. 99 ; Somm., 232, obs. P. Dellebecque (dans le cas des grands-parents) ; Cass. civ., 2e ch., 16 mars 1994, J.C.P., 1994, I, 3773, obs. G. Viney (dans le cas des instituteurs). Sur cette question, voy. G. Blanc, À propos de la responsabilité des grands parents, Dall., 1997, chron., p. 327, qui estime que depuis les dernières évolutions de la jurisprudence française, cette solution est devenue discutable. Selon lui, l'intervention grandissante des grands parents devrait avoir pour corollaire une responsabilité fondée sur les mêmes mécanismes que celle des père et mère.
97 Bruxelles, 20 janvier 1994, Journ. dr. jeun., 1994, no 133, p. 62 ; Civ. Termonde, 3 mars 1995, T.G.R., 1995, p. 169 ; Mons, 9 juin 1993, p. 688 ; Anvers, 30 juin 1986, Bull. Ass., 1987, p. 146 ; Civ. Marche-en-Famenne, 12 octobre 1987, Bull. Ass., 1988, p. 696 ; Civ. Bruxelles, 12 novembre 1986, J.J.P., 1988, p. 170 ; Anvers, 16 décembre 1987, D.C.J., 89/77, p. 141 ; Civ. Bruxelles, 7 janvier 1991, J.T., 1991, p. 587 ; Civ. Louvain, 2 septembre 1987, Pas., 1987, III, 101 et obs. A.K.
98 L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 183.
99 Dans le cas d’un père adoptif qui n'avait pu participer à l'éducation de l'enfant que pendant une période de 8 mois : Civ. Bruxelles, 18 février 1986, Pas., 1986, III, p. 39, réformé par Bruxelles, 12 avril 1988, Pas., 1988, II, p. 183.
100 Sur le plan de la contribution à la dette, le tribunal peut parfaitement estimer que les fautes commises par les parents ne sont pas intervenues dans la même proportion dans la survenance du dommage (Civ. Liège, 27 juin 1990, J.L.M.B., 1991, p. 107 et la note).
101 En ce sens : R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 1578 et ss. ; J.-L. Fagnart, La responsabilité civile des parents, Journ. dr. jeun., 1997, p. 365, no 13 et 14, qui fait de l'autorité parentale une condition de la responsabilité des parents. Contra : L. Cornelis, Principes, t. I, no 183 qui estime, sur la base d'une jurisprudence antérieure à la loi du 13 avril 1995, que la responsabilité subsiste même lorsque l’un des parents ne dispose plus du droit de garde.
102 J. Sosson, « L'autorité parentale conjointe, une étonnante unanimité politique à la Chambre », J.T., 1995, p. 195.
103 Civ. Mons, 1er mars 1995, Bull. Ass., 1996, p. 335 ; Civ. Bruges, 10 octobre 1988, R.W., 1990-1991, p. 1340 ; Bruxelles, 30 décembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 155 et la note D.-M. Philippe ; R.G.A.R., 1989, no 11546 ; Civ. Bruges, 10 septembre 1990, R.W., 1993-1994, p. 651.
104 R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 1666 et 1671 ; D.-M. Philippe, Observations sous Liège, 27 octobre 1993, J.L.M.B., 1994, p. 1365. Du même auteur, La responsabilité du personnel de surveillance dans les établissements scolaires, R. G.D.C., 1989, p. 101.
105 Mons, 10 octobre 1994, R.G.A.R., 1996, no 12683.
106 Liège, 26 juin 1991, R.G.A.R., 1993, no 12215, note C. Dalcq ; Mons, 11 mai 1995, R.G.A.R., 1997, no 12733.
107 En ce sens L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 202. Voy. notamment Bruxelles, 2 février 1962, Pas., 1963, II, 53, qui refuse d'appliquer la présomption aux personnes prenant en charge des jeunes délinquants.
108 Cass., 3 décembre 1986, Pas., 1987, I, 410 ; R.W., 1987-1988, p. 54 ; D.C.J., 1987, no 141.
109 En ce sens L. Einsweiler, La responsabilité civile des instituteurs et des éducateurs, Journ. dr. jeun., 1997, p. 372 ; J.-L. Fagnart, L'interprétation de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil en droit belge, in Les obligations en droit français et en droit belge, Bruylant-Dalloz, 1994, p. 295, no 20.
110 J.P. Fosses-la-Ville, 4 septembre 1991, 1992, p. 786.
111 Civ. Turnhout, 2 décembre 1981, Turnh. Rechtsl., 1983, p. 132 ; Civ. Turnhout, 2 octobre 1975, R.W., 1975-1976, p. 2020, Civ. Malines, 2 janvier 1990, R.C.D.C., 1990, p. 243.
112 Liège, 16 novembre 1994, Journ. dr. jeun., 1995, no 143, p. 128, note J.M. Lhuillier ; L. Einsweiler, op. cit., p. 372.
113 En ce sens cependant, D.-M. Philippe, Observations sous Liège, 27 octobre 1993, J.L.M.B., 1994, p. 1366. Contra, L. Einsweiler, op. cit., p. 373.
114 Liège, 27 octobre 1993, 1994, p. 1361 ; Anvers, 23 mars 1994, R.G.A.R., 1996, no 12659 ; Civ. Charleroi, 9 octobre 1990, R.G.D.C., 1992, p. 449. Dans son avis précédant l'arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 1997, qui devait statuer sur l'existence d'une présomption générale du fait d'autrui, M. l'avocat général Piret a rappelé en réponse à la fin de non-recevoir invoquée par les défendeurs, que même s'il pouvait être considéré comme un centre d'enseignement, le centre d’observation médico-psychologique mis en cause n’en serait pas pour autant un instituteur au sens de l’article 1384, al. 4 C. civ. (avis publié au J.T., 1997, p. 582).
115 R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 1681 ; L. Einsweiler, op. cit., p. 373.
116 Il se peut cependant qu'en application de la théorie de l'organe, la personne morale doive répondre de la faute présumée de l'instituteur, comme s’il s'agissait de sa responsabilité propre.
117 Civ. Tongres, 27 septembre 1993, Limb. Rechtsl., 1993, p. 229 et note A. A. Vandeurzen.
118 Liège, 16 novembre 1994, Journ. dr. jeun., 1995, no 143, p. 128.
119 Si l'instituteur a la qualité d'organe, il s'identifie avec la personne morale, qui, par conséquent, doit supporter la même responsabilité que celle de son organe.
120 L. Cornelis est favorable à l'enchaînement vertical des présomptions dans le cas de l'instituteur organe, mais pas dans celui de l'instituteur préposé (L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 276) ; R.O. Dalcq y est favorable dans les deux cas (R.O. Dalcq, Traité, t. I, 1967, no 1715). L'opinion de Ludo Cornelis repose sur l’idée qui nous paraît a priori indiscutable, que la responsabilité présumée fait peser sur le civilement responsable le risque de la preuve. Si celle-ci n'est pas apportée, le civilement responsable pourrait être tenu alors même qu'il n'a pas commis de faute. Dans cette hypothèse, il nous paraît qu'il faut dépasser le plan probatoire et conclure au contraire que le civilement responsable a commis la faute présumée. Cass., 18 novembre 1981, R.G.A.R., 1982, no 10459 ; R.W., 1982-1983, p. 859.
121 Cass., 28 octobre 1994, R.C.J.B., 1997, p. 38, et la note L. Cornelis, « dès lors qu'il décide que [l'instituteur] est responsable en raison du fait que "la présomption légale de faute" n'a pas été renversée, l’arrêt justifie légalement la décision qu'en application de l'article 1384, alinéas 1er et 3, du Code civil, le demandeur est responsable du dommage ».
122 Le décret du 1er février 1993 régissant le statut des membres du personnel subsidié de l’enseignement libre subventionné reproduit d'ailleurs le texte de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978.
123 Déjà dans le sens du cumul vertical, voy. en jurisprudence J.P. Fosses-la-Ville, 4 septembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 786 ; Civ. Bruxelles, 10 janvier 1992, J.T., 1992, p. 643 ; Civ. Charleroi, 9 octobre 1990, R.G.D.C., 1992, p. 449.
124 Cass., 25 janvier 1993, R.C.J.B., 1997, p. 42, et la note de L. Cornelis intitulée : L'instituteur piégé par les conjugaisons horizontales et verticales.
125 L. Cornelis, ibid.
126 L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 266. Pour une application récente, voy. Mons, 12 juin 1995, R.G.A.R., 1997, no 12732.
127 Cour d'arbitrage, 18 décembre 1996, 1997, p. 273 et les observations de P. Henry.
128 Voy. R.O. Dalcq et G. Schamps, Examen de jurisprudence précité, R.C.J.B., 1995, p. 679, no 112 et les références citées.
129 Cass. civ., 2e ch„ 19 février 1997, Dall., 1997, Jur., p. 265, note P. Jourdain ; Rev. trim. dr. civ., 1997, p. 658. Sur cet arrêt, voy. C. Rade, Le renouveau de la responsabilité du fait d'autrui, Dall., 1997, Chron., pp. 279-285.
130 Cass., Ass. plein., 9 mai 1984, Fullenwarth c/ Felten, J.C.P., 1984, II, 20255 et la note Dejean de la Batie ; Dall., 1984, Jur., p. 525, et la note P. Chabas. Voy. également B. Puill, Vers une réforme de la responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants, Dall., 1988, Chron., p. 185.
131 Voy. B. Puill, op. cit., p. 190 ; P. Jourdain, note sous l'arrêt commenté, p. 266.
132 Voy. Y. Dagorne-Labarde, Note sous Cass. civ., 2e ch., 24 avril 1989, Dall., 1990, Jur., p. 519 ; Cass. civ., 2e ch., 3 mars 1988, R.T.D.civ., 1988, p. 773 ; Cass. civ., 2e ch., 25 janvier 1989, Bull. civ., II, no 21.
133 La Cour de cassation française semble se diriger vers une interprétation souple et minimaliste de cette condition : Cass. civ., 19 février 1997, Rev. trim. dr. civ., 1997, p. 670.
134 On ne peut manquer de rapprocher cette notion d'« empêchement » de l'article 1148 du Code civil. Celui-ci dispose qu'il n'y a lieu à aucun dommages et intérêts lorsque, par suite de force majeure ou de cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit. L'empêchement est clairement associé dans ce texte au cas fortuit et à la force majeure ; voy. C. Rade, op. cit., p. 280.
135 C. Rade plaide en faveur d’une conception rigoureuse de la force majeure de façon à empêcher que l’on réintroduise la notion de faute. Celle-ci devrait nécessairement conduire à faire abstraction du caractère fautif ou exemplaire du comportement des parents dans l'appréciation de la preuve contraire (C. Rade, op. cit., p. 281).
136 En ce sens P. Jourdain, note sous l'arrêt commenté, Dall., 1997, Jur., p. 267.
137 Cass., 23 février 1989, Pas., 1989, I, p. 649 ; J.T., 1989, p. 235.
138 Civ. Liège, 22 janvier 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1230 ; Civ. Bruxelles, 7 janvier 1991, J.T., 1991, p. 587 ; Mons, 12 juin 1995, R.G.A.R., 1997, no 12732.
139 La jurisprudence est constante : Cass., 8 janvier 1985, Pas., 1985, 1, 532 ; Cass., 25 janvier 1985, Pas., 1985, I, 603 ; Cass., 24 janvier 1986, R.W., 1987-1988, p. 154.
140 Voy. en doctrine, L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 185 et 191 ; en jurisprudence, Liège, 25 septembre 1985, Jur. Liège, 1986, p. 338.
141 Civ. Louvain, 2 septembre 1987, Pas., 1987, III, 101, obs. A.K. ; Bruxelles, 20 janvier 1994, Journ. dr. jeun., 1994, no 133, p. 62 ; Civ. Bruxelles, 7 janvier 1991, J.T., 1991, p. 587 ; Civ. Anvers, 23 février 1984, R.G.A.R., 1986, no 11007.
142 Civ. Liège, 1er décembre 1989, R.G.A.R., 1992, no 11941.
143 Anvers, 30 juin 1986, Bull. Ass., 1987, p. 146 ; Mons, 9 juin 1993, J.T., 1993, p. 688 ; Civ. Termonde, 24 novembre 1994, T.G.R., 1995, p. 173.
144 Liège, 19 février 1987, J.T., 1987, p. 648 ; J.L.M.B., 1987, p. 1285 ; Civ. Marche-en-Famenne, 12 octobre 1987, Bull. Ass., 1988, p. 696.
145 Pol. Liège, 25 mai 1991, Jur. Lg., 1982, p. 159 ; Civ. Bruges, 10 octobre 1988, R.W., 1990-1991, 1340 ; Civ. Anvers, 23 février 1984, R.G.A.R., 1986, no 11007.
146 Liège, 21 février 1994, Bull. Ass., 1994, p. 452 ; Bruxelles, 23 mai 1991, Pas., 1991, II, 158.
147 Cass., 8 janvier 1985, Pas., 1985, I, 532 ; J.T., 1986, p. 599.
148 Bruxelles, 15 janvier 1988, R.G.A.R., 1989, no 11541, à propos d'une bagarre survenue pendant une soirée dansante.
149 Voy. Civ. Charleroi, 17 septembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 670 ; « les devoirs de surveillance et d'éducation doivent s'apprécier de manière raisonnable en tenant compte des réalités de la vie et des circonstances propres à chaque cas. Ainsi, il ne peut être fait abstraction de l'évolution des mœurs et de l'attirance de beaucoup d'enfants dans la société actuelle par les scènes érotiques qu'ils ont l'occasion d'y voir. » Il s'agissait d'un litige dans lequel une fillette de 5 ans avait été l'objet d'attouchements sexuels par deux garçons âgés de 9 et 10 ans. Voy. également Civ. Louvain, 21 septembre 1994, R.W., 1995-1996, qui considère que le fait de fumer en cachette ne révèle pas une faute d'éducation des parents.
150 C. Rade, Le renouveau de la responsabilité du fait d'autrui, Dali, 1997, Chron., p. 283.
151 Les bons résultats obtenus par l'enfant à l'école ne sont pas toujours considérés comme suffisants. Voy. Bruxelles, 18 février 1992, R.G.A.R., 1993, no 12232 ; Liège, 20 décembre 1990, R.G.A.R., 1994, no 12249.
152 Cass., 9 mai 1993, Pas., 1993, I, 497.
153 Civ. Namur, 30 juin 1995, Bull. Ass. 1995, p. 138, note M. Lambert.
154 Liège, 19 février 1987, J.T., 1987, p. 648 ; J.L.M.B., 1987, p. 1285 et obs. P.H.
155 Corr. Mons, 1er mars 1995, Bull. Ass., 1996, p. 335 : Le rôle éducatif et le devoir de surveillance d'un père ne peuvent s’exercer que de manière lointaine et très restreinte lorsqu'il vit séparé de son épouse depuis plus de trois ans et ne dispose que d'un droit de visite très limité ; Anvers, 16 décembre 1987, D.C.J., no 89/77, p. 1.
156 Anvers, 23 mars 1994, R.G.A.R., 1996, no 12659 ; Civ. Bruges, 10 octobre 1988, R.W., 1990-1991, p. 1340 (agression d'une vieille dame) ; Mons, 9 juin 1993, J.T., 1993, p. 688 (coups volontaires) ; Anvers, 24 février 1993, Limb. Rechtsl., 1993, p. 143 (incendie) ; Mons, 12 juin 1995, R.G.A.R., 1997, no 12732 ; Anvers, 13 février 1991, R.G.A.R., 1993, no 12198 (vols) ; Mons, 9 juin 1993, J.T., 1993, p. 688 (menaces avec un couteau à cran d'arrêt) ; Gand, 14 décembre 1993, Journ. dr. jeun., 1997, p. 403 (distribution de coups avec un maillet en bois) ; Civ. Bruxelles, 11 mars 1993, J.T., 1993, p. 580 (21 infractions en trois ans).
157 Voy. Civ. Liège, 22 janvier 1990, Journ. dr. jeun., 1990, p. 37, dans le cas d'un enfant de 20 ans (à l'époque où l'âge de la majorité civile était encore fixé à 21 ans) qui avait totalement échappé au contrôle de sa mère.
158 J.-L. Fagnart, La responsabilité civile des parents, Journ. dr. jeun., 1997, p. 368, no 28 et ss.
159 Bruxelles, 10 décembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 155 et la note D.-M. Philippe, R.G.A.R., 1989, no 11546 ; Comp. Anvers, 1er avril 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.449 et obs.
160 Civ. Liège, 26 octobre 1984, Jur. Lg., 1985, p. 170 ; comp. Liège, 12 septembre 1985, Jur. Lg., 1985, p. 337.
161 Civ. Bruxelles, 11 mars 1993, J.T., 1993, p. 580 ; Bruxelles, 24 février 1987, J.L.M.B., 1988, p. 1025.
162 Bruxelles, 23 mai 1991, Pas., 1991, II, 158 ; Anvers, 16 décembre 1987, D.C.J., 1989/77, p. 1 ; Civ. Charleroi, 17 septembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 670 ; Bruxelles, 18 février 1992, R.G.A.R., 1993, no 12322 ; Civ. Bruxelles, 7 janvier 1991, J.T., 1991, p. 587 ; Journ. dr. jeun., 1991, no 110, p. 20.
163 Civ. Bruxelles, 10 janvier 1992, J.T., 1992, p. 643 ; Civ. Liège, 1er décembre 1989, R.G.A.R., 1992, no 11941 ; Civ. Bruxelles, 7 janvier 1991, J.T., 1991, p. 587 (dans le cas de parents adoptifs) ; J.P. Fosses-la-Ville, let septembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 786 ; Bruxelles, 20 janvier 1994, Journ. dr. jeun., 1994, no 133, p. 164.
164 Liège, 13 juin 1994, R.G.D.C., 1995, p. 390, note E. Verbert ; Bruxelles, 29 juin 1990, Bull. Ass., 1990, p. 824 ; Trib. jeun. Charleroi, 24 mars 1992, R.R.D., 1992, p. 495, note I. d' Ursel-Dulière ; Civ. Bruxelles, 11 mars 1993, J.T., 1993, p. 580 ; R.G.A.R., 1995, no 12446 ; Bruxelles, 7 mars 1989, R.G.A.R., 1990, no 11796 ; Civ. Nivelles, 9 janvier 1997, Journ. dr. jeun., 1997, p. 408.
165 J.-L. Fagnart, Chronique de jurisprudence, La responsabilité civile (1968-1975), J.T., 1976, p. 604, no 89.
166 Civ. Termonde, 24 novembre 1994, T.G.R., 1995, p. 173 ; Civ. Termonde, 3 mars 1995, T.G.R., 1995, p. 169 ; Gand, 26 septembre 1990, R.W., 1993-1994, p. 572 (l'enfant s’étant blessé lui-même, l'institutrice était poursuivie sur la base de l'article 1382 du Code civil) ; J.P. Ninove, 5 juin 1991, R.W., 1993-1994, p. 1336.
167 Voy. L. Einsweiler, La responsabilité civile des instituteurs et des éducateurs, Journ. dr. jeun., 1997, pp. 374-375..
168 Bruxelles, 24 février 1987, J.L.M.B., 1988, p. 1024, note D.-M. Philippe ; Civ. Arlon, 13 novembre 1996, 1997, p. 32 ; Bruxelles, 1er février 1991, R.G.A.R., 1994, no 12343.
169 Liège, 26 juin 1991, R.G.A.R., 1993, no 12215 et la note C. Dalcq (course de natation organisée dans un seul couloir) ; Anvers, 17 février 1994, R.G.A.R., 1996, 12660 (jeu de football improvisé avant le début des cours).
170 Pour un résumé complet des antécédents doctrinaux, voy. Th. Demesse, Article 1384, alinéa 1er du Code civil : rien de nouveau ?, R.G.A.R., 1991, no 11854.
171 Cass. fr., Ass. plen., 29 mars 1991, J.T., 1991, p. 600 ; Gaz. Pal., 1992, Jur., 6 août 1992, p. 513, note F. Chabas ; Dall., 1991, Jur., p. 324, note C. Larroumet ; J.C.P., 1991, II, 21673, avec les conclusions du Premier avocat M.D.H. Dontenwille, note J. Ghestin ; voy. également sur cet arrêt, G. Viney, Vers un élargissement de la catégorie « des personnes dont on doit répondre » : la porte entrouverte sur une nouvelle interprétation de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, Dali, 1991, Chron., pp. 157-161 ; et les observations de J. Mestre, Rev. trim. dr. civ., 1991, p. 541.
172 Outre l'article précité de Th. Demesse, voy. J. Hirsch, Est-il justifié d'étendre la responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre ?, R.G.A.R., 1996, no 1255 ; I. Moreau-Margreve, Une règle générale de responsabilité du fait d'autrui en droit belge, Mélanges R.O. Dalcq, Bruxelles, Larcier, 1994, p. 439-465 ; J. Pappart, La responsabilité du fait d'autrui, Formation permanente CUP, vol. X, p. 171 ; R.O. Dalcq et G. Schamps, Examen de jurisprudence (1987 à 1993), R.C.J.B., 1995, p. 610, no 69 ; A. Van Oevelen, Existe-t-il un principe général de responsabilité extracontractuelle du fait des personnes dont on doit répondre ?, Eur. Rev. Priv. Law, 1993, p. 229-239 ; J.-F. Romain, Existe-t-il un principe général de responsabilité présumée pour autrui, en matière extra-contractuelle ?, R.G.A.R., 1997, no 12851..
173 Mons, 27 décembre 1995, R.G.A.R., 1996, no 12578 et les observations Th. Demesse.
174 Cass., 13 juin 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1122, obs. J. Pappart ; J.T., 1997, p. 582, avec l'avis de l'avocat général Piret.
175 Voy. les réf. citées supra.
176 R. Savatier, La responsabilité générale du fait des choses que l'on a sous sa garde a-t-elle pour pendant une responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre, Dall., 1933, Chron., p. 81 ; voy. aussi les conclusions du Procureur général Matter, dans l'arrêt Jand'heur, Cass. fr., 13 février 1930, Dali, 1930, I, 57 ; R. Legeais, Un article à surprises ou le nouvel essai de généraliser la responsabilité civile du fait d'autrui, Dall., 1965, Chron., p. 131.
177 Trib. enfants Dijon, 27 février 1965, Dall., 1965, Jur., p. 439, Dijon, 18 juin 1965, inédit ; T.G.I. Seine, 14 octobre 1965, Dall., 1966, Jur., p. 441, note J. Prevault.
178 Limoges, 23 mars 1989, Resp. civ. assur., novembre 1989, Comm. no 361.
179 Voy. en particulier les observations de J. Ghestin, C. Larroumet, G. Viney, cité supra ; Adde C. Jamin, Rev. Eur. Dr. priv., 1993, pp. 215-223.
180 Cons. d'Etat, 3 février 1956, Thouzellier, Rec. Cons. d'Etat, p. 49 ; Cons. d'Etat, 9 mars 1966, Trouillet, req. no 66731, Rec. Cons. d'Etat, p. 201 ; Cons. d'Etat, 13 juillet 1967, Département de la Moselle, Rec. Cons. d'Etat, p. 172 ; Cons. d'Etat, 13 mai 1987, Piollet, Rec. Cons. d'Etat, p. 340.
181 En Belgique, ce problème ne se pose pas avec la même acuité, puisque depuis l'arrêt La Flandria du 5 novembre 1920, les juges de l'ordre judiciaire sont compétents pour apprécier la responsabilité des autorités publiques, conformément aux règles qui s'appliquent aux simples particuliers. Comme le remarque Madame Moreau-Margrève (article précité, p. 453), ceci n'exclut pas l'existence de certaines distorsions entre les régimes applicables respectivement à la puissance publique et aux personnes privées. On songe notamment à la théorie de l'organe.
182 Pour un autre cas concernant des enfants inadaptés, Cass. civ., 2e ch., 24 janvier 1996, J.C.P., 1996, IV, p. 620.
183 Cass. civ., 2e ch., 22 mai 1995, Commune de le Blanc c/ Rigolet, Resp. civ. et assur., 1995, no 288 ; Defrénois, 1995, p. 1057, obs. P. Delebecque ; R.T.D.civ., 1995, p. 902, obs. P. Jourdain ; J.C.P., 1995, I, 3893, obs. G. Viney, no 5-6.
184 En ce sens G. Viney, op. cit., no 6 ; contra P. Jourdain, R.T.D.civ., 1995, p. 902.
185 Cass. civ., 2e ch., 22 mai 1995, UAP et a. c/ Rendeygues ; USPEG c/ Fédération française de rubgy, J.C.P., 1995, II, 22550, note J. Mouly ; R.T.D.civ., 1995, p. 899, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal., 1996, I, Jur., p. 26, note F. Chabas ; J.C.P., 1995, I, 3893, obs. G. Viney, no 7-8. Le tribunal de grande instance de Cusset a, dans la même ligne, condamné une association de chasse « ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de ses membres » à la suite d'un accident imputable à ceux-ci (T.G.I. Cusset, 29 février 1996, J.C.P., 1997, II, no 22849, note J. Mouly).
186 Cass. crim., 10 octobre 1996, Dall., 1997, Jur., p. 309, note M. Huyette.
187 Rouen, 25 septembre 1991, Dall., 1993, 5, note C. Pigache.
188 Cass. civ., 18 septembre 1996, R.T.D.civ., 1997, p. 436 ; Dall., 1996, Inf. rap., p. 220 ; il s'agissait d'une fillette de 10 ans en vacances d'été chez sa grand mère et sa tante, qui avait blessé un piéton en circulant en bicyclette.
189 Cass. crim., 26 mars 1997, Dall., 1997, Jur., p. 496, note P. Jourdain. Le même jour, la Cour s'est prononcée dans le même sens dans deux espèces similaires.
190 Mons, 27 décembre 1995, R.G.A.R., 1996, no 12578, note Th. Demesse.
191 Cass., 19 juin 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1122, note T. Papart ; . J.T., 1997, p. 582, avec l'avis de l'avocat général Piret ; Journ. dr. jeun., 1997, p. 400, obs. T. Papart. Adde J.-F. Romain, Existe-t-il un principe général de responsabilité présumée pour autrui, en matière extra-contractuelle, R.G.A.R., 1997, no 12851.
192 Dans son traité, L. Cornelis affirme catégoriquement qu'une telle règle n'existe pas en droit belge (Principes, t. I, 1991, no 138). Après avoir exprimé une opinion similaire, R.O. Dalcq, dans la deuxième édition de son traité, indique qu'il n'y aurait rien d'illogique à déduire de l'article 1384, alinéa 1er, une responsabilité générale du fait d'autrui (Traité, t. I, 1967, no 1542 à 1546) ; R. Kruithof a consacré un long article à la question, Aansprakelijkheid voor andermans daad : Kritische bedenkingen bij enkele ontwikelingen, dans Onrechtsmatige daad, Kluwer, Anvers, 1979, p. 23, no 3, mais sans conclure sur l'opportunité de créer une nouvelle présomption.
193 Voy. civ. Bruxelles, 6 mars 1930, Pas., 1930, III, 70 ; et les commentaires de T. Demesse, R.G.A.R., 1991, no 11854.
194 En faveur d'une présomption réfragable, T. Demesse, Article 1384, al. 1 du Code civil : rien de nouveau, R.G.A.R., 1991, no 11854 ; contra J. Hirsch, Est-il justifié d'étendre la responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre, R.G.A.R., 1996, no 12554. Pour une opinion plus nuancée, I. Moreau-Margrève, Une règle générale de responsabilité délictuelle du fait d'autrui en droit belge, dans Mélanges R.O. Dalcq, Larcier, 1994, pp. 439-465.
195 Voy. J. Ghestin, op. cit., J.C.P., 1991, II, 21673, p. 176.
196 Mazeaud et A. Tunc, Traité théorique et pratique de la responsabilité, Paris, Ed. Montchrestien, t. I, n°714, p. 811 ; Aubry et Rau, Droit civil de français, t. VI, 7e éd., Librairies techniques, 1975 ; Marty et Raynaud, Droit civil, les obligations, t. I, les sources, Sirey, 2e éd., 1988 ; Starck, H. Roland, L. Boyer, Droit civil, Obligations, Responsabilité délictuelle, Litec, 3e éd., 1988, tous cités par M.D.H. Dontenwille, Premier avocat général à la Cour de cassation française dans ses conclusions précédant l'arrêt Blieck.
197 J. Hirsch, op. cit., R.G.A.R., 1996, no 12554, p. 3.
198 Voy. l'avis de M. l'avocat général Piret, J.T., 1997, p. 582.
199 Arrêt précité ; en ce sens G. Viney, op. cit., Dall, 1991, Chron., p. 158. Voy. également les observations d'I. Moreau-Margrève, sous l'arrêt rendu par la Cour de cassation belge, Prudente sagesse..., J.T., 1997, p. 705.
200 Conclusions de M. D.H. Dontenwille, Premier avocat général à la Cour de cassation française, J.C.P., 1991, II, 21673.
201 J. Ghestin, op. cit., J.C.P., 1991, II, 21673.
202 On songe bien entendu à l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail ; à l’article 48 de la loi du 5 août 1992 qui concerne les fonctionnaires de police et à l'article 92 de la loi du 20 mai 1994, relative au statut du personnel militaire.
Une proposition de loi récente (proposition de loi insérant dans le Code civil un article 1383bis et un article 1384bis relatifs à la responsabilité, au devoir d'organisation et au devoir de surveillance des personnes qui ont bénévolement des mineurs d'âge sous leur garde dans le cadre d'associations de jeunesse, Sénat, Session 1995-1996, 1-303/1), préparée à la suite des accidents survenus dernièrement durant les activités organisées par des mouvements de jeunesse, tend à accorder une immunité du même type aux animateurs de ces mouvements.
203 Voy. M. Huyette, Note sous Cass, crim., 10 octobre 1996, Dall, 1997, Jur., p. 310.
204 On peut toutefois légitimement se demander si l'instauration de responsabilités dissociées de la faute n'incite pas au contraire le débiteur de la responsabilité à adopter des mesures draconiennes de prévention. En ce sens, voy. C. Rade, Le renouveau de la responsabilité du fait d'autrui, Dall., 1997, Chron., p. 281, no 9 et ss.
205 Pour plus de détails, voy. l'étude de Van Oevelen, Existe-t-il un principe général de responsabilité extra-contractuelle du fait des personnes dont on doit répondre ?, Rev. eur. dr. priv., 1993, pp. 229-239.
206 Civ. Nivelles, 28 septembre 1983, R.G.A.R., 1985, no 10946 ; Civ. Mons, 18 mai 1984, R.G.A.R., 1985, no 10994 ; Civ. Hasselt, 7 avril 1986, R.W., 1986-1987, 1757, note T. Vansweevelt ; Civ. Bruxelles, 30 octobre 1989, R.G.A.R., 1993, 12107 ; Pol. Hasselt, 22 mai 1987, R.G.A.R., 1988, 11371.
207 L. Cornelis, Principes, t. I, 1991, no 136.
208 L'opportunité de la décision de placement en régime ouvert pourra parfois être mise en cause, lorsqu'elle apparaît manifestement inappropriée à la personnalité du mineur. Civ. Nivelles, 28 septembre 1983, R.G.A.R., 1984, no 10946 ; Civ. Anvers, 3 octobre 1986, R.W., 1986-1987, 2162.
209 Cass., 2 septembre 1960, Pas., 1961, 1, 2.
210 Civ. Nivelles, 28 septembre 1983, R.G.A.R., 1985, no 10946 (dommage survenu pendant le cours de l'évasion, causalité établie) ; Civ. Mons, 18 mai 1984, R.G.A.R., 1985, no 10994.
211 Bruxelles, 7 décembre 1993, Journ. dr. jeun., 1994, p. 404 ; Civ. Nivelles, 28 septembre 1983, R.C.A.R., 1985, 10946 ; Civ. Nivelles, 19 août 1997, 1997, p. 1388.
212 Sur ce choix, voy. les propos de J. Ghestin, sous l'arrêt Blieck, J.C.P., 1991, II, 21673, no 14.
213 Voy. C. Jamin, note sous l’arrêt Blieck, Rev. Eur. Dr. priv., 1993, p. 220.
214 Depuis le revirement de jurisprudence relatif à la responsabilité des père et mère, il est possible cependant que cette responsabilité nouvelle s'étende aux tuteurs et aux personnes physiques dont la situation est proche de celle des parents.
215 Cet argument a aussi été soulevé par l'avocat général Piret dans son avis précédant l'arrêt de la Cour de cassation belge.
216 I. Moreau-Margrève, Prudente sagesse …, J.T., 1997, p. 705.
217 Rappelons que c'est dans ce sens que s'est prononcée la Cour de cassation française. Cass. crim., 26 mars 1997, Dali, 1997, Jur., p. 496.
218 Voy. G. Viney, Vers un élargissement de la catégorie des « personnes dont on doit répondre » : la porte entrouverte sur une nouvelle interprétation de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, Dall., 1991, Chron., p. 161, qui propose un régime différencié pour les professionnels et les non professionnels ; C. Larroumet, note sous l'arrêt Blieck, Dali, 1991, Jur., p. 325.
219 J. Hirsch, op. cit., R.G.A.R., 1996, no 12554, 3.
220 Th. Demesse, op. cit., R.G.A.R., 1991, no 11854, 6, no 35 et ss.
221 I. Moreau-Margrève, op. cit., p. 463, no 27 et 28. Voy. également les commentaires de l'auteur après l'arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 1997 intitulé Prudente sagesse...,J.T., 1997, p. 705. Adde, J.-F. Romain, op. cit., note 172.
Auteur
Professeur à l'Université catholique de Louvain
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