L'ouverture de crédit : une formule souple encadrée par des règles strictes ?
p. 119-134
Texte intégral
INTRODUCTION
1Les ouvertures de crédit ont fait l’objet d’un développement important sur le marché belge : plus de la moitié des contrats de crédit à la consommation en cours sont des ouvertures de crédit (56,5 % en 2000) ; ceci représente un peu moins de 2 millions et demi de contrats, pour un encours total de plus de 2 milliards et demi d'euros1. L'évolution de l'encours des ouvertures de crédit montre une augmentation de celui-ci plus rapide que l'augmentation du nombre de contrats. Le montant moyen emprunté passe de 2.432 euros en 1999 à 2.707 euros en 20002.
2On constate que les prêts à tempérament sont plutôt utilisés pour financer les gros achats : voiture, rénovation, gros électroménager,... tandis que les ouvertures de crédit servent à financer des achats plus courants voire même la vie quotidienne (les crédits « fin de mois »). En effet, en 2000, les ouvertures de crédit de moins de 2.500 euros représentaient 85 % de la production totale des ouvertures de crédit alors que les crédits de moins de 2.500 euros (toutes formes confondues) ne représentaient que 56 % de la production totale3.
3Les ouvertures de crédit avec carte rencontrent plus de succès que les ouvertures de crédit sans carte. En effet, en 2000, sur 4.335.323 contrats de crédit à la consommation, 1.440.899 avaient trait à des ouvertures de crédit liées à une carte et 1.007.618 à des ouvertures de crédit sans carte4.
4Au vu de cette évolution, il n'est pas surprenant que le nombre de consommateurs en défaut de paiement d'une ouverture de crédit enregistrés dans la Centrale de Crédits aux Particuliers augmente également5.
5Fin 2002, plus de 400.000 personnes (5 % de la population) étaient enregistrées dans la Centrale des Crédits aux Particuliers, pour un ou plusieurs contrats. Si on compare les chiffres de 2002 avec ceux de 2001, on constate que l'accroissement des enregistrements est quasi-totalement lié à des contrats de crédit à la consommation conclus sous forme d'ouvertures de crédit dont une grande partie ont été conclus auprès de prêteurs non bancaires (sociétés de financement, cartes de la grande distribution, vente par correspondance, etc.). Aujourd'hui 34 % des contrats enregistrés sont des ouvertures de crédit alors qu'ils ne représentaient que 18 % en 1996.
6Bien sûr, la part de marché des ouvertures de crédit a sensiblement augmenté ces dernières années, ce qui explique en partie l'augmentation des défauts de paiement pour ce type de contrat. Mais cela n'explique pas tout. La Banque nationale a en effet observé que le nombre d'ouvertures de crédit en défaut de paiement augmente plus vite que le nombre d'ouvertures de crédit en cours.
7Les auteurs du rapport d'évaluation de la prévention et du traitement du surendettement en Région wallonne6 observent également que parmi les ménages surendettés, plus d'un ménage sur deux (54 %) utilise au moins une ouverture de crédit7 ; parmi ces ménages, 23 % utilisent plus de 3 ouvertures de crédit.
8Que les ouvertures de crédit génèrent plus de défauts de paiement que les autres contrats de crédit peut s'expliquer : la conclusion de contrats à durée indéterminée, l'absence de plan de remboursement fixe, la possibilité de payer directement n'importe quels biens ou services via une carte8, le coût plus élevé du crédit et la difficulté de calculer le coût réel en fonction de l’utilisation sont les facteurs les plus souvent cités à cet égard9.
9L'évaluation de la loi du 12 juin 1991, coordonnée par l’Observatoire du Crédit et de l'Endettement et le Centre de Recherche et d'information des Consommateurs (CRIOC), a mis en évidence les difficultés d'application de cette loi aux ouvertures de crédit10. La loi du 24 mars 1003 y apporte certaines réponses11.
CHAPITRE 1. DÉFINITION DE L'OUVERTURE DE CRÉDIT ET DÉTERMINATION DU CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI
§ 1. Définition
10La loi du 12 juin 1991 définit l'ouverture de crédit comme : tout contrat de crédit aux termes duquel un pouvoir d’achat, une somme d’argent ou tout autre moyen de paiement est mis à la disposition d’un consommateur qui peut l’utiliser en prélevant de l’argent (en produisant une carte de paiement ou de légitimation ou d’une autre manière) et qui est tenu au remboursement à la date de son choix (art. 1er, 12°).
11Cette définition est légèrement modifiée par la loi du 24 mars 2003. D’une part, les mots « en prélevant de l’argent » sont remplacés par l’expression « par un ou plusieurs prélèvements de crédit ». En effet, l’ouverture de crédit se distingue du prêt à tempérament par la possibilité d’effectuer des prélèvements multiples. D’autre part, les mots « et qui est tenu au remboursement à la date de son choix », interprétés littéralement, auraient eu pour effet d’exclure une grande partie des ouvertures de crédit du champ d’application de la loi ; ils sont remplacés par l’expression « et qui s’engage à rembourser selon les conditions convenues ». En effet, même si le contrat d’ouverture de crédit ne prévoit pas de remboursement périodique du capital, l’obligation de rembourser le capital au plus tard à la fin du contrat peut être considérée comme une modalité de remboursement12.
§ 2. Champ d'application
12La loi s'applique aux ouvertures de crédit, mais elle exclut de son champ d’application les ouvertures de crédit qui sont remboursables dans un délai de trois mois au maximum et qui portent sur un montant inférieur à 1.250 euros (art. 3, § 1er, 4°). Cette exclusion n'a pas été modifiée par la loi du 24 mars 2003.
13Les ouvertures de crédit offertes sur le marché belge sont très variées13 : découvert en compte courant, crédit lié à la détention d’une carte, ligne permanente de crédit fonctionnant sans carte,...
14La plupart d’entre elles sont soumises à la loi. L’inclusion dans le champ d’application de la loi de certains découverts bancaires a fait couler beaucoup d’encre dans les premières années d’application de celle-ci14. En effet, si les découverts bancaires restent habituellement en deçà des limites fixées par l'article 3, § 1er, 4°, il n’est pas rare que le découvert se prolonge au-delà des trois mois ou que, par l'imputation des intérêts sur le compte, le solde débiteur ne dépasse le plafond initialement fixé. Il semble aujourd'hui établi qu’un découvert non autorisé par la banque ne peut être considéré comme un crédit soumis à la loi15. Mais qu’en est-il des découverts tolérés par la banque en dehors de tout contrat écrit ? Lorsque l’accord (tacite) du banquier n’est pas contesté, il s’agit, selon nous, d’un contrat de crédit soumis à la loi, sauf à rentrer dans une des exceptions prévues à l’article 3, § 1er16. Dans ce cas, force sera de constater que les dispositions de la loi, et notamment celle qui exige un contrat écrit, n’ont pas été respectées.
CHAPITRE 2. LA CONCLUSION DU CONTRAT D'OUVERTURE DE CRÉDIT
§ 1. Le devoir de conseil du prêteur
15La loi du 12 juin 1991 met à charge du prêteur et de l'intermédiaire de crédit l'obligation d’informer exactement et complètement le consommateur sur le contrat de crédit proposé et de rechercher, dans le cadre des contrats de crédit qu’ils offrent habituellement, le type et le montant de crédit les mieux adaptés, compte tenu de la situation financière du consommateur (art. 10)17.
16La loi du 24 mars 2003 oblige le prêteur et l’intermédiaire de crédit à rechercher le contrat le mieux adapté en tenant compte également du but du crédit. Il s’agit ici d’une précision car, dans la recherche du crédit le mieux adapté, l’affectation des fonds empruntés s’avère un élément essentiel18 déjà retenu par la jurisprudence. Ainsi, le Juge de Paix de Lessines a souligné qu’une ouverture de crédit à durée indéterminée et n’imposant que le remboursement des intérêts n’est pas la formule la mieux adaptée au financement d’une voiture19. Quant au Juge de Paix de Courtrai, il a notamment estimé que le prêteur doit refuser d’accorder une ouverture de crédit lorsqu’il sait ou devrait savoir que celle-ci est destinée à rembourser un prêt à tempérament, dont le taux d’intérêt est moins élevé20.
17Le devoir de conseil du prêteur emporte l’obligation de refuser un crédit lorsqu’il ne peut raisonnablement estimer que le consommateur sera à même de respecter ses obligations (art. 15)21. A cette fin, il doit recueillir des informations suffisantes sur la solvabilité du consommateur. La loi oblige notamment le prêteur à consulter la Centrale des Crédits aux Particuliers de la Banque nationale22.
18Les juges de paix exigent également du prêteur qu'il effectue un minimum de vérifications de la capacité réelle de remboursement du consommateur23 : production de fiches de salaires, vérification des mouvements du compte ou de l’existence d’autres emprunts auprès du même organisme,... Certaines circonstances peuvent conduire à exiger du prêteur une vigilance accrue : le fait que les emprunteurs se soient déplacés24 ou que le crédit demandé soit destiné au remboursement de prêts antérieurs25.
19Lorsque le contrat proposé est une ouverture de crédit, l’appréciation de la capacité de remboursement du consommateur doit être faite par rapport au montant du plafond octroyé, puisque le consommateur est contractuellement autorisé à en prélever l’intégralité en une seule fois26.
§ 2. Les mentions du contrat d’ouverture de crédit
20L'article 58 de la loi du 12 juin 1991 oblige le prêteur à indiquer dans le contrat d’ouverture de crédit, outre les mentions prévues par l’article 14, le taux débiteur, les frais récurrents et non récurrents éventuels, le droit du prêteur de modifier le taux débiteur s’il se réserve ce droit ainsi qu’une mention prédéterminée par la loi informant le consommateur qu’aucuns frais ni indemnité non prévus au contrat ne peuvent être exigés.
21Lorsque l’ouverture de crédit est assortie d’une carte, le contrat doit en outre mentionner les règles applicables en cas de vol ou de perte de celle-ci (art. 58, §2).
22Lorsque le contrat d’ouverture de crédit est conclu pour une durée indéterminée, il doit mentionner les modalités de résiliation (art. 58, § 3).
23L’article 17 prévoit que le consommateur doit faire précéder sa signature de la mention manuscrite et en toutes lettres « lu et approuvé pour... euros à crédit ». Une controverse existait sur le montant à mentionner : s’agissait-il du montant emprunté ou du total des remboursements ?27. La loi du 24 mars 2003 clarifie ce point en distinguant selon qu’il s’agit d’une ouverture de crédit, auquel cas le consommateur devra indiquer le plafond de celle-ci, ou d’un autre contrat de crédit, auquel cas le montant à indiquer est bien le montant total à rembourser par le consommateur.
CHAPITRE 3. LE TAUX ANNUEL EFFECTIF GLOBAL
§ 1. Le calcul du taux annuel effectif global et son indication
24Suite à l’adoption de la directive du 22 février 199028 ayant notamment pour objet l’harmonisation des méthodes de calcul du coût du crédit à la consommation, la loi du 12 juin 1991 a remplacé le taux de chargement (mensuel) par le taux annuel effectif global (TAEG). Le TAEG est défini comme le coût total du crédit au consommateur exprimé en pourcentage annuel du montant du crédit consenti. Un arrêté royal du 4 août 199229 a fixé la méthode de calcul et précisé les frais inclus dans le TAEG. En ce qui concerne les ouvertures de crédit cependant, le TAEG peut être indiqué au moyen d’un exemple représentatif.
25Ce système n’est pas à l’abri de toute critique30 puisque, lorsque le prêteur impose des frais fixes comme par exemple une cotisation annuelle pour la carte, les exemples retenus ont pour effet d’abaisser le TAEG affiché par rapport au TAEG réel.
§ 2. Les taux annuels effectifs globaux maxima
26L’arrêté royal du 17 mars 199731 fixe les taux maxima applicables aux ouvertures de crédit.
27L’examen du marché montre que les ouvertures de crédit sont proposées à des taux ne s’écartant que très peu du TAEG maximum32.
28La loi du 14 mai 200133 a également fixé un taux d’intérêt débiteur maximum pour les découverts bancaires non soumis à la loi du 12 juin 1991. Celui-ci s’élève pour l’instant à 14 %.
§ 3. La modification du taux d’intérêt
29En principe, les conditions du contrat de crédit ne peuvent être modifiées que de l’accord des deux parties (art. 30). Le taux d’intérêt fait cependant exception (art. 60). Lorsque le contrat d’ouverture de crédit prévoit que le taux d’intérêt peut être modifié, le consommateur doit être informé par écrit, au moyen d’un relevé de compte, préalablement à la modification (art. 59, § 2 et 60 al. 1). A défaut d’information préalable, l’ancien taux reste en vigueur (art. 60, § 2).
30En outre, lorsque la modification du taux d’intérêt excède 25 % du taux initial ou précédent, et pour autant que le contrat soit conclu pour une durée de plus d’un an, le consommateur a le droit de résilier le contrat dans les trois mois (art. 60, al. 3).
31Pour dissiper toute confusion à ce propos, la loi du 24 mars 2003 prévoit expressément que la baisse du TAEG maximum s’applique aux contrats de crédit en cours lorsque ceux-ci prévoient la variabilité du taux (art. 21, modifié).
CHAPITRE 4. L’EXÉCUTION DU CONTRAT D’OUVERTURE DE CRÉDIT
§ 1. La tenue du compte et les informations à communiquer au consommateur
32Pour chaque ouverture de crédit, le prêteur doit avoir un compte distinct dans lequel sont inscrits, dans l’ordre, le montant du crédit prélevé, le montant des versements effectués par le consommateur et les intérêts et frais dont il est redevable. Il doit communiquer un relevé de compte chaque mois au consommateur (art. 59).
33La loi du 24 mars 2003 apporte plus de transparence dans l’évolution des montants dus. Le prêteur doit en effet transmettre mensuellement un relevé détaillé (art. 43) reprenant : la période précise sur laquelle porte le relevé de compte, les montants prélevés et leur date, le solde restant dû du relevé précédent et la date, la date et le montant des frais dus, le dernier taux débiteur annuel convenu, la date et le montant total des intérêts dus, le montant minimum à payer lorsqu’un tel montant est prévu, le nouveau solde restant dû et le nouveau montant total dû.
34La même disposition étend aux ouvertures de crédit les règles relatives aux dates de valeur de la loi du 10 juillet 199734, actuellement applicables uniquement aux banques. La date de valeur d'une opération bancaire est la date à laquelle un montant retiré cesse de produire des intérêts ou celle à laquelle un montant versé commence à produire des intérêts (art. 3, al. 1er). La date de comptabilisation d'une opération bancaire est la date à laquelle l'opération est portée, au plan comptable, au crédit ou au débit du compte (art. 3, al. 2). Pour les opérations électroniques que le titulaire du compte a effectuées lui-même, la date de valeur doit correspondre à la date effective de l’opération (art. 4, al. 1er) ; pour les opérations électroniques qui n’ont pas été effectuées par le titulaire du compte, la date de valeur doit correspondre à la date de comptabilisation (art. 4, al. 2).
§ 2. Les modalités de remboursement
35La souplesse d’utilisation des ouvertures de crédit constitue une des raisons de leur succès ; elle suppose cependant une maîtrise accrue de son budget par le consommateur, appelé à organiser lui-même le remboursement du capital emprunté. Ainsi, certains types d’ouvertures de crédit n’obligent qu’au paiement régulier des intérêts, le capital n’étant exigé qu’à l’expiration du contrat ou en cas de révocation par le prêteur35 ; lorsqu’un remboursement minimum du capital est prévu périodiquement, rien n’empêche le consommateur de réutiliser immédiatement les sommes remboursées.
36Lorsque le contrat prévoit une obligation de remboursement périodique minimum en capital, les charges de remboursement ne peuvent être inférieures à certains planchers fixés réglementairement (A.R. 4 août 1992, art. 9) ; ces planchers sont fixés en fonction de l’utilisation effective du crédit plutôt que du plafond de celui-ci, ce qui, en pratique, allonge le remboursement total de la dette.
37La loi du 24 mars 2003 n’a pas modifié ces règles. Par contre, la loi apporte une modification importante en ce qui concerne les contrats de crédits à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de 5 ans qui ne prévoient aucun remboursement périodique en capital : pour éviter que des consommateurs se retrouvent confrontés en fin de contrat et de manière inattendue à l’obligation de rembourser l’intégralité du capital, ces contrats devront désormais fixer un délai de zérotage, ou plutôt de remise à zéro36 (art. 22, modifié). Le Roi peut fixer un délai maximum de zérotage37.
38Les prêteurs disposent d’un délai de 3 ans pour adapter les contrats d’ouverture de crédit en cours à cette nouvelle règle (Loi 24 mars 2003, art. 85).
CHAPITRE 5. LES INCIDENTS
§ 1. Le dépassement du plafond
39L'évaluation de la loi du 12 juin 199 138 a mis en évidence le flou juridique dont bénéficiaient les dépassements en ouvertures de crédit : dépassement accidentel, dépassement temporaire toléré, dépassement systématique,...
40La loi du 24 mars 2003 règle désormais le dépassement du plafond convenu39 : en principe, le dépassement du plafond est interdit et cette interdiction doit être mentionnée sur le contrat. Néanmoins, le prêteur peut autoriser par écrit un dépassement temporaire du montant du crédit pour un délai maximum de 45 jours, sans pouvoir augmenter le taux applicable au crédit.
41Lorsqu’un dépassement non autorisé se produit, le prêteur doit interrompre les prélèvements et exiger le remboursement dans un délai maximum de 45 jours. Dans ce cas, le prêteur peut appliquer un intérêt de retard. Après ce délai de 45 jours, le prêteur devra soit mettre fin au contrat, soit établir un nouveau contrat.
§ 2. Le calcul et l’assiette de l’intérêt de retard
42La loi du 7 janvier 2001 a fixé l'intérêt de retard maximum en matière de crédit à la consommation. Pour les ouvertures de crédit, le taux d'intérêt de retard maximum correspond au dernier taux débiteur appliqué, majoré d'un coefficient de 10 % (art. 4, § 3 insérant un article 27bis dans la loi du 12 juin 199140).
43La même loi précise la base de calcul des intérêts de retard : en cas de retard de paiement sans résiliation du contrat, il s'agit du capital échu et impayé ; en cas de résiliation du contrat, il s'agit du solde restant dû, défini comme le montant nécessaire pour amortir ou rembourser le capital (art. 1er, 19°). Si, pour la plupart des contrats de crédit, le capital correspond au montant emprunté ou prélevé par le consommateur, on relèvera que, pour les ouvertures de crédit liées à un compte courant sans modalités de remboursement échelonné du principal, le capital est défini comme le montant prélevé par le consommateur, augmenté des intérêts contractuels échus (art. 1er, 18°)41.
§ 3. Les modalités de résiliation
44Lorsque l’ouverture de crédit est consentie pour une durée indéterminée, chacune des parties peut résilier le contrat moyennant un préavis de trois mois signifié par lettre recommandée (art. 58, § 3). L’exercice de ce droit par le prêteur risque cependant de plonger le consommateur dans des difficultés insurmontables lorsque les montants utilisés sont importants.
45En outre, le prêteur peut interrompre les prélèvements d’argent, moyennant préavis de sept jours ouvrables notifié au consommateur par lettre recommandée, dès lors qu’il reçoit des informations lui permettant de craindre que le consommateur ne sera plus à même de respecter ses obligations (art. 59, § 3).
§ 4. L’usage abusif de la carte liée à l’ouverture de crédit
46La loi du 12 juin 1991 avait établi un partage de responsabilité pour les cas d’usage abusif d’une carte de crédit s’inspirant dans une large mesure des principes contenus dans la Recommandation de la Commission des Communautés européennes du 17 novembre 1988 concernant les systèmes de paiement et en particulier les relations entre titulaires et émetteurs de cartes42 (art. 61)43.
47La loi du 17 juillet 2002 relative aux opérations effectuées au moyen d’un instrument de transfert électronique de fonds44 a remplacé ces dispositions par les règles générales applicables à tous les instruments de transfert électronique de fonds.
48Les principales dispositions de la loi visent d'abord à mieux informer les consommateurs. Avant la conclusion du contrat, l'émetteur doit communiquer au titulaire les conditions contractuelles régissant l'émission et l'utilisation de l'instrument de transfert électronique de fonds ; celles-ci comprennent notamment une description des caractéristiques de l'instrument, des utilisations possibles et des risques qui y sont liés (art. 4). En outre, la loi rend obligatoire, au cours de l'exécution du contrat, la communication d'informations relatives aux opérations réalisées et notamment le montant des commissions et frais éventuellement appliqués (art. 5).
49La loi impose également à l'émetteur et au titulaire une série de mesures visant à sécuriser les transactions électroniques (art. 6 à 8, § 1er)· Ainsi, l’émetteur doit garantir la confidentialité du code d’identification du titulaire, supporter les risques de l'envoi de l'instrument de transfert électronique de fonds au titulaire et mettre à la disposition de celui-ci les moyens appropriés lui permettant de notifier la perte ou le vol de l'instrument ; quant au titulaire, il doit prendre les précautions raisonnables pour assurer la sécurité de l'instrument de transfert électronique de fonds et notifier à l'émetteur dès qu'il en a connaissance, la perte ou le vol de celui-ci ; enfin, l'émetteur doit, une fois cette notification effectuée, empêcher toute nouvelle utilisation de l'instrument.
50La loi organise également un partage de responsabilité entre l'émetteur et le titulaire en cas d'usage abusif par un tiers suite à la perte ou au vol d'un instrument de transfert électronique de fonds : avant la notification, la responsabilité du titulaire est limitée à 150 euros, sauf s'il a agi frauduleusement ou avec négligence grave (exemple : il a noté son numéro de code secret sur ou à proximité de sa carte) ; après la notification, la responsabilité totale pèse sur l'émetteur, sauf pour ce qui est de l'utilisation des unités chargées sur les cartes de type Proton (pour autant que la capacité de stockage soit inférieure à 150 euros) (art. 8, § 2 et 3).
CHAPITRE 6. L’ENREGISTREMENT DES OUVERTURES DE CRÉDIT DANS LA CENTRALE DES CRÉDITS AUX PARTICULIERS
§ 1. Le volet négatif
51Les consommateurs en défaut de paiement d’un contrat d’ouverture de crédit soumis à la loi sont enregistrés dans la Centrale des Crédits aux Particuliers. Pour les ouvertures de crédit, l’obligation d’enregistrement s’applique lorsque l'emprunteur n'a pas complètement apuré une situation débitrice au cours d'une période de trois mois à compter de la date à laquelle le prêteur l'en a requis par écrit.
52En vertu de l’arrêté royal du 7 juillet 200245, le premier enregistrement d'un défaut de paiement doit porter sur un montant supérieur à 25 euros, et ce pour éviter d’enregistrer dans la Centrale, des consommateurs dont la dette impayée est minime.
53Les données relatives à un défaut de paiement sont conservées durant un an après la régularisation. Lorsque le contrat n’est pas régularisé, les données sont effacées dix ans après le premier enregistrement (A.R. 7 juillet 2002, art. 8).
§ 2. Le volet positif
54La loi du 10 août 200146 a étendu l’obligation d’enregistrement aux contrats de crédit eux-mêmes, même sans qu’un défaut de paiement soit constaté.
55L’obligation d’enregistrement s’applique aux contrats d’ouverture de crédit soumis à la loi du 12 juin 1991 (Loi du 10 août 2001, art. 2, 3° et art. 3, 1°).
56Les données enregistrées dans la Centrale concernent d’une part l’identité du consommateur et du prêteur et, d’autre part, le contrat de crédit lui-même et notamment le type de crédit, le montant du crédit ainsi que les dates de conclusion et, le cas échéant, de fin du contrat (A.R. du 7 juillet 2001, art. 2). On relève que le législateur a opté pour l’enregistrement du plafond lié à l’ouverture de crédit, que les fonds concernés aient été ou non prélevés par le consommateur. Cette solution doit être approuvée car c’est bien le montant du crédit qui détermine les engagements potentiels de l’emprunteur. En outre, l’enregistrement de la situation débitrice des ouvertures de crédit s’avère, sur le plan pratique, quasiment impossible à mettre en œuvre à un coût raisonnable.
57Les données sont effacées 3 mois et 8 jours après la date de fin du contrat (A.R. 7 juillet 2002, art. 4), et ce, afin d’assurer une continuité dans l’enregistrement au cas où le consommateur serait en défaut de paiement au terme du contrat.
CHAPITRE 7. LE CAUTIONNEMENT D’UN CONTRAT D’OUVERTURE DE CRÉDIT
58Outre les règles prévues par la loi du 12 juin 1991 relatives à l’information de la caution et à la limitation de ses engagements au montant prêté (éventuellement augmenté des intérêts de retard), la loi du 24 mars 2003 limite désormais la durée du cautionnement. En effet, lorsqu’il a trait à un contrat de crédit conclu pour une durée indéterminée - ce qui est fréquemment le cas des ouvertures de crédit47 –, le cautionnement est limité à une durée de 5 ans (art. 34, modifié).
CONCLUSION
59Les nouvelles règles mises en place par la loi du 24 mars 2003 ne devraient pas entraver le développement des ouvertures de crédit : les contraintes imposées restent légères au regard du formalisme que nécessite la conclusion répétée de contrats de vente ou de prêt à tempérament et les taux maxima légalement autorisés rendent la formule attractive pour les prêteurs. L'obligation de zérotage périodique des ouvertures de crédit à durée indéterminée ne prévoyant pas de modalités de remboursement du capital a le mérite de s'attaquer aux contrats les plus dangereux. Mais il faut rappeler que toutes les ouvertures de crédit sont susceptibles de créer un endettement permanent. La mise en place de la Centrale positive pourrait jouer un rôle préventif à cet égard en évitant l'accumulation par une même personne de diverses ouvertures de crédit dont les plafonds cumulés dépassent sa capacité de remboursement.
Notes de bas de page
1 Observatoire du crédit et de l’endettement, La consommation et le crédit aux particuliers, Rapport général 2001.
2 Id.
3 Id.
4 Id.
5 Banque nationale de Belgique, Centrale des Crédits aux Particuliers, Statistiques, décembre 2002.
6 Observatoire du crédit et de l’endettement, Prévention et traitement du surendettement en Région wallonne, Rapport d'évaluation 2002.
7 Au sens large, c’est-à-dire y compris les découverts en compte courant.
8 Observatoire du crédit et de l’endettement, Prévention et traitement du surendettement.... op. cit.
9 Voy. notamment le rapport de l’O.C.D.E., Les transferts électroniques de fonds : les cartes de paiement et le consommateur, Paris, 1989, p. 104.
10 J.P. Ducart, L. Verschingel, W. Van Poucke, Rapport final de synthèse. La loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation : un premier bilan, CRIOC, 1996, p. 17-28.
11 Loi du 24 mars 2003 modifiant la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, Moniteur belge, 2 mai ; sur ce texte, voy. : M. Van den Daelen, « Wetsontwerp tot wijziging van de wet van 12 juni 1991 op het consumentenkrediet », dans Vlaamse Conferentie der Balie van Gent, De consument in het recht : verwend, verwaand of miskend ?, Maklu, 2003, p. 213-248 ; D. Walravens, « Crédit à la consommation. Modification de la loi du 24 mars 2003 », Revue de droit commercial belge, 2003, p. 552-554.
12 Voy. Doc. Parl., Chambre, 2002, no 1730/001, p. 10.
13 Pour une description, voy. : Les ouvertures de crédit : un jeu de cartes ?, Fiche thématique no 9 de l’Observatoire du Crédit et de l’Endettement, mars/avril 1997.
14 C. Biquet-Mathieu, « Les "facilités de caisse" octroyées aux consommateurs titulaires d’un compte à vue et la loi relative au crédit à la consommation », Actualités du droit, 1993, p. 137-143 ; C. Biquet-Mathieu, « Dans quelle mesure les découverts en compte à vue sont-ils appréhendés par la loi relative au crédit à la consommation ? », Chronique du droit à l’usage des juges de paix et de police, Cahier no 9, 1994, p. 93-118 ; B. De Nayer, « La récupération d’un découvert sur un compte à vue relève-t-elle de la compétence du juge de paix ? », Droit de la consommation/Consumentenrecht, 1993, p. 474-477.
15 F. de Patoul, « La loi sur le crédit à la consommation et le traitement du surendettement. Tendances et perspectives dégagées par la jurisprudence », Journal des Juges de Paix et de Police, 2002, p. 25.
16 Voy. en ce sens : F. de Patoul, « La loi sur le crédit à la consommation et le traitement du surendettement... », op. cit., p. 26.
17 F. Domont-Naert, « L'information du consommateur et l'obligation de renseignement dans la loi du 12 juin 1991 », dans La nouvelle loi sur le crédit à la consommation, Bruxelles, Créadif, 1992, p. 57-74.
18 En ce sens : E. Balate, P. Dejemeppe, F. de Patoul, Le droit du crédit à la consommation, De Boeck, Bruxelles, 1995, p. 321.
19 J.P. Lessines, 13 mai 1998, Annuaire juridique du crédit et du règlement collectif des dettes, 1998, p. 144.
20 J.P. Kortrijk, 11 août 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 128.
21 Sur cette question, voy. : D. Blommaert, « De verantwoordelijkheid van personen uit de kredietsector », dans Crédit à la consommation : nouveaux développements, Actes du Colloque de l'Observatoire du Crédit et de l'Endettement du 26 novembre 2002, avril 2003 ; A. De Boeck, « De aansprakelijkheid van de kredietgever en de informatieverplichting van de consument », Rechlskundige Weekblad, 1995-96, p. 1272 ; P. Dejemeppe, « Les devoirs du prêteur », D.C.C.R., 1994-95, p. 68-76.
22 Infra.
23 J.P. Arlon, 26 mai 1995, J.J.P., 1996, p. 150 ; J.P. Merksem, 29 juin 1995, J.L.M.B., 1995, p. 1996 ; J.P. Courtrai, 19 mars 1996, Cahiers de la médiation de dettes, 1996/2, p. 33.
24 J.P. Marchienne-au-Pont, 29 octobre 1993, dans F. Domont-Naert, Le crédit à la consommation, Dossier Judit, Bruxelles, Kluwer, 1995, p. 147.
25 F. de Patoul, « La loi sur le crédit à la consommation et le traitement du surendettement... », op. cit. ; voy. également les nombreuses décisions citées dans l’Annuaire juridique du crédit et du règlement collectif de dettes, 1996 à 2001.
26 J.P. Kortrijk, 16 septembre et 2 décembre 1998, Ann. Crédit, 1998, p. 162.
27 F. Domont-Naert, « L'information du consommateur et l'obligation de renseignement dans la loi du 12 juin 1991 », op. cit., p. 65 ; voy. l’exposé des motifs, Doc. Pari, Chambre, 2002, no 1730/001.
28 J.O.C.E., 1990, L 61/14 ; la méthode de calcul du TAEG a été précisée par la Directive 98/7/CE du 16 février 1998, J.O.C.E., 1998, L 101/17.
29 Arrêté royal du 4 août 1992 relatif aux coûts, aux taux, à la durée et aux modalités de remboursement du crédit à la consommation, M.B., 8 septembre ; modifié en dernier lieu par l’arrêté royal du 22 mai 2000, M.B., 20 juin.
30 Pour une critique de la notion de TAEG appliquée aux ouvertures de crédit, voy. : E. Van den Haute, « Le taux annuel effectif global et les intérêts de retard dans les ouvertures de crédit. Quelle protection pour le consommateur ? », Revue de la Banque, 2000, p. 498-504.
31 Arrêté royal du 17 mars 1997 modifiant l’arrêté royal du 4 août 1992 relatif aux coûts, aux taux, à la durée et aux modalités de remboursement du crédit à la consommation, M.B., 8 septembre ; modifié par l’arrêté royal du 13 juillet 2001 relatif à l'introduction de l'euro dans la réglementation pour les matières relevant du Ministère des Affaires économiques, M.B., 11 août.
32 Voy. : « Cartes avec ouvertures de crédit : résistez au chant des sirènes », Budget & Droits no 169, juillet/août 2003.
33 Loi du 14 mai 2001 réglant les intérêts dus sur les comptes à vue, M.B., 13 juin.
34 M.B., 8 août ; modifiée par la loi du 19 avril 1999, M.B., 19 mai.
35 Environ un quart des ouvertures de crédit sont des contrats à durée indéterminée n’imposant pas de remboursement minimum en capital avant l’expiration du contrat ; parmi celles-ci, un quart des contrats ne prévoient pas d’obligation de remboursement des intérêts (Fiche thématique no 9, op. cit.).
36 Selon le Petit Robert, le zérotage est l’ensemble des opérations que nécessite la détermination du zéro d’un thermomètre.
37 Cette mesure avait notamment été proposée par F. de Patoul, « Conclusions. Vers une révision de la loi ? », dans A.D. Boone, Y. Poullet, A. Lefebvre, P.A. Foriers, A.F. Delwaide, E. Balate, M. Forges, F. Domontnaert, P. Dejemeppe, F. de Patoul, Le crédit à la consommation, Editions du Jeune Barreau de Bruxelles, Bruxelles, 1997, p. 417.
38 Voy. : J.P. Ducart, L. Verschingel, W. Van Poucke, Rapport final de synthèse, op. cit., p. 24-25.
39 Sur les règles applicables aux dépassements avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2003, voy. : C. Biquet-Mathieu, « Le crédit à la consommation - Actualités et perspectives de la loi du 12 juin 1991 », dans J.P. Buyle, A. Bruyneel, P. Praet, N. Masschelein, M. Ronvaux, C. Biquet-Mathieu, J.F. Romain, L. de Brouwer, M. Delierneux, J.M. Nelissen-Grade, X. Dieux, D. Willermain, Le crédit aux entreprises, aux collectivités publiques et aux particuliers, Editions du Jeune Barreau de Bruxelles, Bruxelles, 2002, p. 145 et s.
40 L'article 27bis a été modifié par la loi du 24 mars 2003.
41 Cette définition est critiquée à juste titre par C. Biquet-Mathieu qui souligne qu'il s'agit d'un cas d'anatocisme difficilement justifiable de lege lata (C. Biquet-Mathieu, « Les conséquences financières de l'inexécution du contrat de crédit : le point après les lois des 7 janvier 2001 et 24 mars 2003 », infra).
42 J.O.C.E., 1988, L 317/55.
43 Pour une analyse de l'article 61/voy. E. Meysmans, X. Thunis, « La réglementation des cartes de crédit en droit belge et en droit européen », dans C.I.E.A.U., La nouvelle loi sur le crédit à la consommation, Bruxelles, Créadif, 1992, p. 145-159.
44 Μ. B., 17 août 2002.
45 Arrêté royal du 7 juillet 2002 réglementant la Centrale des Crédits aux Particuliers, M.B., 19 juillet.
46 Loi du 10 août 2001 relative à la Centrale des Crédits aux particuliers, M.B., 25 septembre. Pour plus de détails, voy. P. Dejemeppe : « La Centrale positive : un monstre doué de discernement », infra.
47 Supra.
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