Comment le juriste met le monde en droit. La Star Academy mise en musique par le droit
p. 157-179
Texte intégral
1 Star Academy, mais aussi Loft Story, Popstars, Koh-Lanta... Depuis quelques années, l’empire de ce que l’on ose appeler la « télé-réalité » ne cesse de s’étendre228. Beaucoup se sont émus de cette évolution de la télévision qui traduirait une nouvelle baisse de qualité des programmes229.
2Au-delà des complaintes inspirées par les bons sentiments et pétries de jugements de valeur, que peut-on dire d’un point de vue scientifique sur ce nouveau phénomène ? Voilà la question que doivent se poser économistes, sociologues, psychologues, criminologues... ou autres médiologues. Au juriste, on ne peut demander un point de vue scientifique. Le droit n’a en effet pas pour objet l’étude de phénomènes afin de mieux les comprendre et de les expliquer. Est-ce à dire que la démarche juridique est sans rapport avec les sciences humaines ? Il nous semble que la situation est plus complexe. Le droit peut en effet, mais sans le vouloir, apporter un éclairage complémentaire quand il se saisit d’une réalité. C’est du « saisissement des faits » par le dispositif juridique qu’il sera ici question.
3Pour éclairer la démarche du juriste, nous avons adopté une approche en deux temps. En premier lieu, nous nous attacherons à brosser de manière théorique le cadre dans lequel prend place le travail du juriste. En second lieu, nous verrons comment cette démarche est mise en œuvre pour saisir la réalité d’une émission telle que la Star Academy, ce qui permettra d’éclairer les considérations théoriques de la première partie.
1. Le juriste et le fait, théorie de la démarche juridique
4Nous structurerons notre propos autour de trois questions : quelles sont les ambitions du droit, quels sont les relations qu’entretient le juriste avec la réalité sociale qui l’entoure et, enfin, quels sont les rapports du juriste au droit.
1.1. L’ambition du droit
5L’activité du juriste peut être considérée comme la création d’un savoir, comme une contribution à l’avancée de « la science du droit ». Cette appellation ne doit pas faire illusion : la science du droit apporte sa pierre à l’édifice du droit et n’a donc pas pour ambition la création d’un modèle d’explication d’une réalité extérieure. En effet, si le juriste peut chercher à décrire un système qui lui est extérieur (rendre compte du droit dans une étude doctrinale, qui décrit le droit et cherche à en présenter la logique), on ne peut occulter le fait qu’il participe à un système de pouvoir cherchant à agir sur la société qui l’entoure. Cette caractéristique a une profonde influence sur la démarche du juriste.
6Quelle est donc l’ambition de ce système juridique au fonctionnement duquel participe le juriste ? D’une manière générale, on peut considérer que le droit cherche à réguler la société. C’est un instrument qui sert à imprimer un certain sens à la réalité sociale. Le droit a entre autres été vu comme un outil de coordination des actions humaines en vue du bon fonctionnement de la société, comme un instrument de réforme de cette dernière au service d’une plus grande justice, comme un système visant la préservation de l’ordre social en place et des dominations qu’il consacre ou encore comme un dispositif visant la résolution pacifique des conflits et l’évitement de la violence physique. Quelle que soit l’option que l’on retient, il est une certitude : le droit vise à exercer une certaine emprise sur des comportements individuels et collectifs230.
7Le juriste intervenant activement dans la constitution et le fonctionnement du système juridique, qui veut analyser sa méthode doit prendre en compte non seulement son positionnement par rapport à son objet d’étude - le droit, mais également ses relations avec l’environnement social sur lequel ce dernier a prétention d’agir.
1.2. Les rapports du juriste avec son environnement
8Le droit est donc, au moins partiellement, un instrument au service de desseins qui le dépassent, tels que des positionnements politiques, des idéaux de justice, des parti-pris économiques, etc. Inévitablement, l’intervention du juriste est marquée par cette particularité du droit : le juriste n’intervient que rarement « pour la beauté du geste », mais cherche généralement à faire fonctionner le droit et, ce faisant, à réguler les comportements.
9Pour comprendre ce rapport du juriste à la réalité sociale, il est utile de présenter le mode d’intervention du juriste et son degré d’implication dans la réalité sociale.
1.2.1. Le mode d’intervention du juriste
10Le juriste est habituellement perçu comme le professionnel du droit intervenant une fois un litige survenu. Le juge, le magistrat du ministère public et l’avocat sont ainsi des figures bien connues dont l’activité la plus visible se déploie dans les prétoires, c'est-à-dire dans un contexte de conflit. S’en tenir à cette vision est cependant réducteur. En réalité, le juriste intervient selon deux modes dans la réalité sociale.
11Il peut intervenir de manière proactive, c'est-à-dire pour prévoir le traitement en droit d’une situation non encore survenue. Il est alors un conseiller qui met son savoir au service d’une volonté cherchant à obtenir certains résultats. Qu’il s’agisse du législateur recourant à des experts pour savoir quelles sont les possibilités de modification du droit pouvant aboutir à un effet déterminé ou d’un sujet de droit se faisant aider pour rédiger un contrat, le juriste auquel il est fait appel a pour mission de dire ce que permet le droit et ce que le droit pourrait faire au service de l’objectif poursuivi.
12A l’inverse, l’intervention du juriste peut se faire de manière réactive, pour régler les conséquences d’une situation déjà survenue, la plupart du temps, un conflit entre sujets de droit. Sa fonction est alors de chercher quelle solution le droit prévoit ou permet pour le conflit examiné. L’intervention a posteriori du juge peut également concerner la détermination des conséquences d’un acte à portée juridique (par exemple, l’échange des consentements au cours d’une cérémonie de mariage) ou le traitement à réserver à un individu qui n’aurait pas respecté le droit (par exemple, le non-respect d’une limitation de vitesse en voiture).
13En réalité, tout juriste intervient à la fois a priori et a posteriori. L’intervention a posteriori, lorsqu’elle débouche sur la résolution du conflit, contribue à la constitution d’une jurisprudence qui a valeur de source (secondaire) du droit et qui, à ce titre, doit prendre en compte les éventuels conflits futurs. A l’inverse, le juriste intervenant a priori doit constamment avoir à l’esprit la situation de conflit qui pourrait survenir et la manière dont il pourrait y être mis fin. Le juriste doit donc pouvoir se projeter dans un futur conflictuel.
1.2.2. L’implication du juriste dans la réalité sociale
14Contrairement aux scientifiques qui cherchent à établir une relation aussi neutre que possible avec leur objet d’étude (rejet des préjugés, recherche d’une position neutre, etc.), le juriste peut être amené à adopter une attitude de partialité franche et assumée ou, à l’inverse, à chercher à atteindre l’impartialité la plus parfaite.
15Le juriste impartial est celui qui tend vers l’objectivité. Il cherche alors à s’effacer devant la loi pour déterminer ce qu’elle impose dans le cas analysé. Tous les arguments se doivent d’être pris en compte et pesés impartialement et la solution doit être celle qui est la plus valable en droit.
16A l’inverse, le juriste peut être parfaitement partial. Il cherchera alors à faire triompher les intérêts d’une partie clairement définie en usant à cette fin de tout argument qu’il pourra tirer du droit. Il utilisera alors ce dernier comme un instrument au service de la cause qu’il défend, quelque juste ou injuste soit-elle.
17Si la posture impartiale évoque le juge et la partiale l’avocat, on pourrait soutenir que tout juriste est tour à tour partial et impartial. Le juge, s’il doit écouter tout argument et tenter de s’effacer devant la logique du droit, ne peut éviter de prendre une décision et de trancher en faveur d’un justiciable ou d’un autre. Ce n’est qu’en lui-même (par exemple par rapport à ses conceptions personnelles de la Justice) qu’il trouvera les raisons pour lesquelles il lui semblera devoir faire droit à une interprétation du droit plutôt qu’à une autre, car il est fréquent qu’aucun argument décisif ne fasse clairement pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.
18A l’inverse, l’avocat qui défend les intérêts de son client, s’il veut agir de manière efficace, se devra de jauger les « chances » de son argumentaire d’emporter la conviction du juge. Il lui faudra alors se demander si, placé dans une position de neutralité, il est possible de faire droit à son raisonnement.
19Le juriste n’est donc ni une autorité parfaitement neutre capable d’adopter « le point de vue de Sirius », ni un parfait mercenaire capable de soutenir n’importe quelle argumentation au moyen d’un droit se pliant à sa volonté.
20Le rapport du juriste au réel est marqué par son implication dans la fonction régulatoire du droit. Cependant, une figure particulière du juriste semble pouvoir constituer une exception (partielle) à ce que nous venons de décrire, il s’agit de l’auteur de doctrine. L’étude doctrinale est une étude du droit « pour lui-même » et non dans le cadre d’une situation concrète de mise en œuvre. De ce fait, elle est relativement indépendante de la fonction régulatoire du droit. A première vue, il ne s’agit en effet d’intervenir ni a priori ni a posteriori. Cela dit, la doctrine est considérée comme une source (secondaire) de droit en ce qu’elle permet, par un travail critique, d’en faire ressortir le sens, les lacunes et les incohérences et de proposer des modifications des règles en vigueur. Dans cette mesure, la doctrine n’est pas totalement étrangère au caractère utilitaire du droit. Par ailleurs, il faut admettre qu’il est rare que l’intervention du juriste se fasse dans un contexte de neutralité axiologique. Ainsi, la plupart des auteurs sont, à un niveau ou à un autre, personnellement impliqués dans la matière sur laquelle ils écrivent. Ils décrivent donc un champ au fonctionnement duquel ils participent en tant qu’avocat, juge, juriste d’entreprise, etc. Cette situation est amplifiée par la rareté des interrogations épistémologiques des juristes et par l’absence généralisée de réflexion sur les conditions permettant d’aborder de manière « neutre » un objet d’étude.
21Des remarques qui précèdent, on peut déjà tirer des conclusions quant au positionnement du juriste par rapport à son objet. Le droit cherchant à s’assurer une emprise sur le réel, le juriste, lorsqu’il le manie, ne peut éviter de l’appréhender, au moins partiellement, comme un instrument au service d’une fin. Même lorsqu’il adopte une attitude d’impartialité maximale, la prise de position ressurgit de manière inévitable. Par ailleurs, le juriste intervient presque toujours a priori et a posteriori, la prise en compte du conflit constitue donc une part importante de son rapport à la réalité sociale.
1.3. Les rapports du juriste avec le droit
22Dans son activité, le juriste noue donc un rapport particulier à la réalité sociale qui l’entoure, mais qu’en est-il de sa relation au droit proprement dit ? Pour éclairer cette face du travail du juriste, il nous semble utile de mettre en exergue deux éléments essentiels, d’une part, la participation du juriste à la création et à l’interprétation du droit et, d’autre part, son activité de qualification juridique des faits.
1.3.1. Créer et interpréter le droit
23Nous avons vu précédemment que le juriste intervenait a priori et a posteriori par rapport à la situation concrète que le droit se propose de réguler. A ce positionnement particulier vis-à-vis de la réalité concrète, correspond un positionnement similaire par rapport au droit.
24L’essentiel de la relation du juriste à la loi consiste en une intervention interprétatrice. Les normes juridiques sont des textes qui ont vocation à s’appliquer à des situations concrètes. Cependant, cette application ne peut avoir lieu sans que le sens du texte ne soit déterminé. C’est le rôle de la doctrine de dévoiler ce sens. Le juriste est donc un interprète de normes existantes.
25Mais il n’est pas uniquement celui qui interprète, il crée également le droit. Certes, la création du droit n’est pas réservée aux juristes. Ainsi, les lois sont-elles adoptées par le Parlement, avec ou sans l’aide de juristes. Ce sont donc des organes de l’État qui font le droit. Cela dit, l’intervention du juriste est également créatrice de droit, et ce de deux manières. En premier lieu, l’activité d’interprétation du droit qu’accomplit le juriste se double nécessairement d’une création du droit. En effet, ce dernier n’est pas un texte clair et univoque pouvant s’appliquer de manière mécanique aux situations concrètes qu’il est censé réguler. Au contraire, son application requiert une intervention active d’interprètes, les juristes, dont la fonction est de déterminer la manière dont les normes doivent ou peuvent s’appliquer à la situation considérée. Dans ce cadre, le juriste, en déterminant le sens des normes, contribue à les créer. Cela est particulièrement visible dans le cas des magistrats dont les décisions constituent la jurisprudence, de facto source secondaire du droit, mais également dans le fait que la doctrine est souvent considérée comme une source du droit. Si le magistrat doit être considéré comme un organe de l’État qui, à ce titre, crée du droit, l’auteur de doctrine n’a pas cette qualité et c’est son activité interprétative même qui crée du droit. En deuxième lieu, le juriste peut créer directement du droit en participant à la rédaction de contrats, lesquelles conventions « tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (art. 1134 C. civ.).
26La présentation des fonctions d’interprétation et de création du droit qu’endosse le juriste montre également que ces deux activités sont nécessairement associées. Ainsi la création de droit ne se fait-elle jamais ex nihilo. Des sources juridiques préexistent toujours, dont le juriste doit tenir compte dans son activité créatrice. Un contrat ne peut prendre n’importe quelle forme ni consacrer n’importe quel accord entre parties. Lorsqu’il crée du droit, le juriste doit donc également interpréter du droit.
27A nouveau, l’intervention du juriste est particulière en ce qu’il est observateur d’un droit qu’il contribue à créer et, inversement, créateur du droit qu’il décrit. Si ce « cumul des fonctions » peut être relevé dans d’autres disciplines, il n’en reste pas moins qu’il est spécialement développé dans le cas du juriste.
1.3.2. Entre droit et fait : l’application de la norme
28La question de l’application de la norme recouvre deux problématiques. Comment établir un lien entre les faits et le droit ? C’est la question de la qualification juridique. A quels faits est-il possible d’appliquer le droit ? C’est la question des limites du champ juridique.
A) La qualification : maîtrise d’une syntaxe
29Le droit, on le sait, est une affaire de langage, et le juriste a une pratique qui s’apparente à celle du grammairien. Comme ce dernier, le juriste étudie les règles. Mais l’apprentissage du droit requiert davantage que l’identification et l’assimilation des règles. De la même manière, l’étude de la grammaire - en tout cas dans son acception moderne inspirée de la linguistique - suppose davantage que l’attention portée aux règles, elle implique l’analyse d’un ensemble de structures, principes et règles qui permettent de produire tous les énoncés d’une langue231. La maîtrise de cette syntaxe de la langue se manifeste dans l’art de parler et d’écrire.
30La pratique du droit suppose également l’acquisition d’une syntaxe qui permet de formuler des énoncés juridiques, et ceux-ci seront plus ou moins performants selon la compétence du juriste à mettre en œuvre cette syntaxe. La maîtrise de cette syntaxe se traduit tout spécialement dans l’art de la qualification. Le travail proprement juridique consiste en effet à appréhender les faits à travers les catégories apprises, tout en dégageant des principes ou règles nouvelles à partir des faits dûment qualifiés.
31Mais comment procède ce travail de qualification ? Nous avons relevé ci-dessus que ce travail nécessitait une interprétation de la norme puisque celle-ci n’offre que rarement une solution évidente à la question particulière posée. Le juriste doit donc interpréter les normes juridiques. Symétriquement, les faits doivent être interprétés pour qu’il soit possible de les mettre en relation avec une norme. Les normes juridiques sont donc trop générales et abstraites, ce qui nécessite un travail d’éclaircissement des situations concrètes qu'elle pourrait comprendre dans son champ d’application alors que. à 1 inverse, les faits sont trop complexes, trop « touffus » pour être compris dans leur totalité, ce qui nécessite un élagage. une sélection d’un nombre réduit d’éléments jugés pertinents. Comprendre les potentialités concrètes de la norme et saisir l’essentiel des faits, voilà ce qui est requis pour l’application du droit aux faits.
32S’il est maintenant établi que le juriste, par un double travail d’interprétation, doit mettre en rapport le droit et les faits, il reste à définir la manière dont il qualifie la situation qui lui est soumise.
33Le premier élément à relever est que l’on ne peut considérer la qualification comme neutre. En effet, le juriste ne qualifie pas des faits pour le plaisir, mais bien pour obtenir un effet donné en droit. S’il qualifie un fait, c’est parce que cette qualification profite à son client, parce qu’elle permet d’obtenir des résultats qui lui semblent conformes à la Justice ou encore parce qu’elle aboutit à des effets correspondant à la régulation de la réalité sociale qu’on lui a demandé de mettre en place. Il est donc évident que la qualification se produit dans un contexte social déterminé dont le juriste doit tenir compte. Il est inutile, en tant qu’avocat, de proposer une qualification contraire à l’intérêt de son client, en tant que juge d’en retenir une qu’on sait devoir être réformée par la juridiction de niveau supérieur ou, en tant que juriste d’entreprise, d’en prendre une en considération pour l’établissement d’un contrat alors qu’on sait qu’elle sera rejetée par la juridiction qui interviendra en cas de conflit. La qualification est donc un travail stratégique qui prend place dans un contexte où les possibilités du juriste sont restreintes. Une bonne compréhension de ces limites est donc essentielle. Pousser à l’extrême cette approche stratégique peut conduire à présenter le travail de qualification comme la recherche de la qualification la mieux adaptée à une fin prédéterminée.
34Cela dit, lorsqu’il veut qualifier des faits, le juriste ne peut se permettre de passer en revue l’ensemble des normes applicables en lieu et à un moment donnés. Il n’est d’ailleurs pas capable de le faire, personne ne pouvant se vanter de connaître l’ensemble des normes en vigueur dans un pays. Par conséquent, le bon juriste est celui qui est capable d’utiliser au mieux les ressources données par le droit, mais qui ne perd pas de temps à chercher dans toutes les directions. La réalisation d’une qualification rapide et efficace dépend donc de la connaissance, sinon de l’ensemble des textes, du moins des principes généraux et de la structure générale du droit. La maîtrise des principes généraux permet de « débroussailler » un cas et de déterminer une direction à prendre afin de le qualifier. Seule cette direction sera explorée de manière approfondie. Pour ce qui est de la structure générale, le droit est organisé en branches, elles-mêmes subdivisées en sous-branches et ainsi de suite. La connaissance des caractéristiques de chacune de ces branches et de leurs principales sous-branches permet au juriste de s’orienter par rapport à une situation donnée. Ainsi, l’identification d’un litige comme étant civil (concernant les rapports entre particuliers), comme relevant du pénal (concernant la sanction des comportements prohibés) ou comme ressortissant au droit public (organisation du fonctionnement étatique) va permettre au juriste de limiter les possibilités qu’il a à envisager. On le voit, le droit est un lieu dont on ne connaît pas chaque détail, mais dont on doit maîtriser le plan d’ensemble et la logique de construction de manière suffisante pour s’orienter. La structure n’est pas parfaite et les principes ne sont pas absolus, mais ils sont des instruments pour s’orienter dans le droit.
35Enfin, le travail du juriste comprend une partie de métier ou d’intuition. L’accumulation de l’expérience, la connaissance de nombreux précédents, la compréhension de la logique d’action des autres acteurs du système, la capacité à sentir les arguments et positions susceptibles d’être acceptés à un moment donné dans un cas donné font partie des ressources que mobilise le juriste.
36L’application de la norme se situe donc entre la contrainte de la règle et la liberté du juriste adoptant une position utilitariste, entre la connaissance du terrain et l’intuition, entre la maîtrise détaillée du droit et la capacité à en percevoir l’architecture générale.
B) Les faits tombent sous les qualifications juridiques, mais tous les faits ?
37Tout fait dont la manifestation est perceptible à autrui est susceptible de tomber sous le coup du droit. Le droit en revanche ne s’applique pas aux faits qui ne dépassent pas le domaine du for intérieur (on ne sanctionne pas une pure intention de tuer). La mise en œuvre du droit suppose donc qu’il y ait une manifestation extérieure de la volonté, le fait purement psychologique ne pouvant déclencher l’application d’un dispositif juridique. Cela dit, pour qualifier un fait qui se manifeste dans le monde matériel et apprécier les effets de cette manifestation, le droit peut et doit souvent prendre en compte l’élément intentionnel ou l’état mental de la personne (l’intention dolosive pour une infraction pénale ou l’erreur dans la conclusion d’un contrat par exemple). Les faits naturels qui n’impliquent aucune intervention ou volonté humaine peuvent également avoir des effets juridiques (une donnée météorologique tel qu’une sécheresse imprévisible peut par exemple avoir des effets juridiques, en ce qu’elle sera le cas échéant considérée comme un cas de force majeure exonérant une partie à un contrat de l’obligation d’exécuter son obligation de livrer les produits d’une récolte). Les faits de l’homme peuvent bien entendu entraîner des conséquences juridiques, et ce même si les parties impliquées n’ont pas voulu ces conséquences (par ex. lorsque, par imprudence, l’on commet une faute de conduite qui cause un dommage à un autre usager de la route, on sera tenu de réparer le préjudice).
38Si le droit a vocation à s’appliquer à l’ensemble des faits qui revêtent une forme de manifestation perceptible par autrui, tous ces faits ne sont bien entendu pas pour autant régis par des règles juridiques. Beaucoup de faits peuvent n’avoir aucune conséquence juridique (par exemple, une poignée de mains entre deux amis). Mais des gestes similaires peuvent être interprétés dans un autre contexte comme produisant des effets juridiques (par exemple une poignée de mains entre marchands sur un marché à bestiaux pourrait être tenue comme signifiant la volonté de conclure une vente). Il existe également beaucoup de faits et gestes qui, s’ils échappent à l’emprise du droit - on ne peut les qualifier dans des termes juridiques - tombent néanmoins dans le champ d’autres ordres normatifs (par exemple, un comportement sera considéré comme enfreignant les règles de la politesse et sa sanction pourra n’être que morale). D’autres faits seront non seulement juridiquement, mais aussi normativement, « irrelevants » en ce sens qu’aucun ordre normatif, même non juridique, ne s’y applique.
2. Un exercice de qualification appliqué à l’émission Star Academy
2.1. Le jeu, un système normatif autonome qui n’échappe pas aux qualifications juridiques
39Un jeu - et Star Academy en est un - est un ordre normatif, mais qui n’a aucune prétention en dehors du champ qu’il délimite lui-même, alors que le droit et la morale ont par nature l’ambition de se mesurer à l’ensemble du champ social. En ce sens, les règles de Star Academy ne peuvent s’appliquer, pour les évaluer, à des comportements autres que ceux des participants au jeu, tandis que le droit peut saisir le cas échéant certains aspects de ce jeu télévisé et en tirer des conséquences juridiques.
40Comme le droit, un jeu se définit d’abord par un ensemble de règles codifiées (celles que l’on peut trouver en consultant les règles du jeu). Mais pour être performant, le comportement des joueurs suppose davantage que l’assimilation de ces règles expresses ; une bonne partie de jeu nécessite une maîtrise par les joueurs de l’art de jouer, un art qui suppose l’acquisition des bons réflexes et la capacité de réaliser de « bons coups » dans le cadre du déroulement du jeu.
41Dans le cas d’un jeu (sportif ou de société par exemple), le comportement des joueurs et les faits survenant au cours de la partie peuvent rentrer dans le champ d’application des règles du jeu (telle faute sur un terrain de football sera sanctionnée par un penalty ou un coup franc, tel lancer de la balle sera tenu pour un but pour l’équipe). Mais beaucoup de péripéties dans le jeu ne rentreront pas dans les conditions d’application des règles du jeu, elles constitueront simplement des bons ou mauvais coups qui joueront en faveur ou au détriment des joueurs (par exemple un bonne ou une mauvaise passe).
42Le droit est en principe maintenu un peu à l’écart du jeu, il n’affecte pas le déroulement du jeu lui-même qui obéit à ses propres règles. Mais uniquement jusqu’à un certain point. Car l’empire du droit peut encadrer la sphère du jeu. Ainsi, le comportement des joueurs (dans une phase préparatoire au jeu, par exemple en cas de dopage) ou l’objet du jeu (par exemple un jeu de hasard prohibé comme contraire à l’ordre public) peuvent donner lieu à des sanctions juridiques qui auront des effets sur la conduite ou l’issue du jeu. Le droit en tant que système normatif à portée générale n’a pas de champ d’action limité comme les règles d’un jeu.
43Ce ne sont donc pas les règles du jeu « Star Academy » mais le dispositif plus large entourant et assurant un déroulement réglé de ce jeu télévisé que le droit peut « saisir » dans ses catégories. Présentons quelques exemples.
2.2. L’émission de télé-réalité en tant qu’œuvre audiovisuelle
44En tant qu’émission télévisée, la Star Academy est susceptible d’être qualifiée dans les catégories du droit d’auteur et du droit des médias.
2.2.1. L’œuvre audiovisuelle en droit d’auteur
45Pour être protégée par le droit d’auteur, la Star Academy doit pouvoir être qualifiée d’œuvre originale. C’est la jurisprudence qui a dégagé les critères de qualification. Les lois sur le droit d'auteur ne fournissent habituellement pas une définition de ce qu’est une œuvre originale, mais elles contiennent parfois des listes d’objets susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur232. Un jeu télévisé peut être appréhendé sous la catégorie d’œuvre audiovisuelle. Une œuvre audiovisuelle est parfois définie comme « consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non233 ». C’est une définition qui embrasse large ; c’est comme si l’on définissait une œuvre littéraire par l’existence d’une suite de mots. L’idée d’animation a fait elle-même l’objet d’interprétations diverses, notamment à propos des œuvres parfois appelées multimédia234. Toujours est-il qu’une émission télévisée satisfait aisément les exigences minimales imposée par la qualification d’œuvre audiovisuelle en droit d’auteur.
46Pour être effectivement protégées, encore faut-il que les œuvres énumérées dans la loi, parmi lesquelles les œuvres audiovisuelles, constituent des œuvres originales. L'originalité qui se déduit de l'empreinte laissée par la personnalité de l’auteur s’oppose à la nouveauté : « l'originalité s'apprécie subjectivement : c'est la marque de personnalité résultant de l'effort créateur, alors que la nouveauté se mesure objectivement puisqu'elle se définit par l'absence d'homologue dans le passé235 ». L’œuvre originale est donc celle qui révèle l’empreinte de la personne du créateur. Dans certains pays, la loi précise que la protection légale est acquise à toutes les œuvres de l'esprit, sans considération du mérite. Dans la mesure où la notion de mérite est indifférente, la loi consacre le principe de la « neutralité esthétique ». « Considérant, dit la Cour d'appel de Paris236 qu'il n'appartient pas au juge d'apprécier la valeur artistique d'un ouvrage quelconque ; que [...] l'œuvre est protégeable quels que soient son mérite et sa destination ; que d'ailleurs étant donné les variations de la mode et du goût, de telles appréciations, faites dans le cadre de l'actualité et pourtant destinées à fonder une décision judiciaire dont le caractère est définitif, apparaissent dépourvues de sagacité et de prudence. Néanmoins, en pratique, il est, comme le notait André Françon, chimérique d'espérer empêcher complètement [...] que le magistrat, en son for intérieur, ne fasse entrer en ligne de compte la valeur de l'œuvre, lorsqu’il s'agit de décider si elle est ou non originale237 ». Cette tentation, débouchant sur un jugement de valeur esthétique, est « inéluctable ». La qualification juridique (d’œuvre originale) fait donc voir d’autres principes de classement (par exemple d’ordre esthétique). Ce qui montre que le jugement juridique n’est pas immunisé par rapport à d’autres jugements et présupposés.
47Une dernière difficulté pour la qualification d’un jeu télévisé comme œuvre audiovisuelle doit être mentionnée : l’idée d’un jeu (par ex. une compétition entre candidats en vue d’une sélection en tant que star de la chanson) n’est pas protégeable, mais bien la mise en forme particulière de cette idée dans un scénario précis, comportant une mise en scène particulière, une alternance de temps forts et de détente, un enchaînement particulier des séquences, des éléments de décor, des insertions d’images pré-enregistrées, des interviews des candidats, les votes du public, etc. Il en résulte que le dispositif soigneusement conçu d’un jeu télévisé comme Star Academy est protégé par le droit d’auteur (ce qui n’empêche pas des concepts similaires, tel que celui de Popstars, de pouvoir être développés sans porter atteinte au droit d’auteur sur Star Academy)238.
48Mais une qualification en droit d’auteur (en tant qu’œuvre audiovisuelle) n’entraîne pas la même qualification pour l’application d’un autre dispositif juridique (applicable aux œuvres audiovisuelles). Ce principe de l’autonomie des qualifications par branche du droit est essentiel à assimiler, et déroute le non-juriste.
2.2.2. L’œuvre audiovisuelle en droit des médias
49La qualification d’œuvre audiovisuelle est importante pour l’application d’autres règles du droit des médias, telles que celles qui imposent aux chaînes des quotas de diffusion (d’œuvres audiovisuelles) ou celles qui permettent de bénéficier de subsides publics. C’était précisément l’enjeu d’une affaire qui concernait l’émission Popstars (similaire à Star Academy) produite par la société Adventure Line Production et diffusée sur la chaîne M6. En l’espèce, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) français avait considéré cette émission comme une œuvre audiovisuelle. D’où la requête introduite auprès du Conseil d’État français par plusieurs demandeurs (dont la Société des auteurs compositeurs dramatiques) tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision du CSA.
50Par un arrêt du 30 juillet 2003239, le Conseil d’État a rejeté la requête. La décision se base sur l’interprétation à donner à l’article 4 du décret du 17 janvier 1990 qui définit négativement les œuvres audiovisuelles : «Constituent des œuvres audiovisuelles les émissions ne relevant pas d’un des genres suivants : œuvres cinématographiques de longue durée ; journaux et émissions d’information ; variétés ; jeux ; émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau ; retransmissions sportives ; messages publicitaires ; télé-achat ; autopromotion ; services de télétexte ». Le Conseil d’État en a déduit « qu’il résulte de ces dispositions que doivent être regardées comme des œuvres audiovisuelles les émissions dont l’objet principal ne relève pas de l’un ou plusieurs des genres susmentionnés, même si elles peuvent comporter, à titre accessoire, des éléments empruntant à l’un ou plusieurs de ces genres. » Pour se prononcer en ce sens, le Conseil d’État rappelle que l’émission met en scène des jeunes femmes dont cinq ont vocation, après avoir été sélectionnées par un jury de professionnels de la chanson au cours des huit premiers épisodes, à former un groupe de musique qui est suivi lors des derniers épisodes. Il relève ensuite que « cette émission, qui a pour principal objet de présenter au public l’entraînement, la formation et la progression, dans le domaine de la chanson, des personnes sélectionnées et de décrire un début de carrière effective au sein des métiers du spectacle, comporte des éléments de scénario, une mise en scène et un montage ». Le Conseil d’État relève encore que « l’émission Popstars comporte d’une part, des éléments de jeu au sens des dispositions précitées dès lors qu’elle présente la sélection de cinq gagnantes qui bénéficieront d’une notoriété facilitant leur début de carrière dans le métier du spectacle, ainsi que, d’autre part, des éléments de variétés au sens de ces dispositions, dès lors qu’elle comprend certaines séquences de spectacles de chansons ; [que] ces éléments ne présentent qu’un caractère accessoire et ne sont pas de nature à faire regarder cette émission comme relevant principalement des genres du jeu et des variétés ; qu’au surplus, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette émission ne relève pas du genre de l’autopromotion au sens des dispositions précitées, faute de constituer un ensemble d’annonces ayant pour seul objet de promouvoir la chaîne de télévision qui les diffuse. » Autant d’éléments qui conduisent le Conseil d’État à conclure que « même si elle comporte, à titre accessoire, des éléments relevant du jeu de variétés, l’émission Popstars doit être regardée comme une œuvre audiovisuelle au sens des dispositions de l’article 4 du décret du 17 janvier 1990 et que le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait une fausse application de ces dispositions. » C’est une conception en tout cas large de l’œuvre audiovisuelle qui est ainsi adoptée par le Conseil d’État. Elle découle sans doute de la définition par défaut ou « en creux » de l’œuvre audiovisuelle dans le décret du 17 janvier 1990 : le programme devra être considéré comme une œuvre audiovisuelle tant que les éléments qui ne relèvent pas de l’œuvre audiovisuelle demeurent accessoires. La qualification adoptée a en tout cas des incidences concrètes non négligeables : cette émission va pouvoir bénéficier des subsides du Fonds de soutien de l’audiovisuel géré par le Centre national de la cinématographie ; en outre, elle offre au diffuseur, en l’occurrence M6, la possibilité de la faire entrer dans ses quotas de diffusion d’œuvres de création française et européenne. Favorable par conséquent aux diffuseurs, la présente décision a été fortement critiquée par les professionnels du cinéma et les sociétés d’auteur240.
51Savoir que le système juridique français adopte une telle qualification de l’émission de télé-réalité permet en tout cas de jeter un regard quelque peu critique et désenchanté sur la fameuse règle des quotas de diffusion européenne. Souvent présentée comme une règle qui s’impose en vue de protéger la culture européenne contre les productions américaines médiocres, sa mise en œuvre révèle un tout autre tableau.
52On comprend que les professionnels militent pour une modification du dispositif des fameux quotas de production visant à remédier au contournement de l’esprit de la réglementation (suite à la qualification large adoptée par le Conseil d’État). Ainsi, dans une lettre du 11 mai 2004 du Conseil supérieur de l’audiovisuel français241, il est proposé entre autres de modifier la définition de l’œuvre en excluant de cette définition « toute émission qui comporte un élément appartenant à un genre exclu : information, sport, jeu, publicité ». La définition d’œuvre audiovisuelle, et son application à des émissions à travers un exercice de qualification, est au centre d’un débat de société où des questions plus importantes sur la politique culturelle sont en jeu.
2.3. Le dispositif contractuel entourant la Star Academy saisi par les catégories juridiques
53Si elle constitue une émission télévisée, la Star Academy est bien plus que cela, car l’émission suppose un complexe dispositif de divertissement qui lui-même repose sur des relations d’affaires entre divers partenaires et un réseau de contrats, y compris avec les jeunes participants au jeu.
54Ces contrats demeurent confidentiels242, et il est donc malaisé de reconstituer les liens qui unissent les différents partenaires. En gros, l’on peut présenter les choses comme suit pour la Star Academy belge243. Le concept d’émission qui, on l’a vu, est protégeable par le droit d’auteur, appartient au producteur (Endémol International associé avec la maison de disques Zomba). La chaîne de télévision (par ex. RTL) n’a qu’un droit d’usage ou de diffusion du format d’émission pour une saison déterminée, et dans les strictes conditions (territoriales, temporelles, etc.) prévues dans le contrat avec le producteur.
55Ce sont surtout les participants au jeu qui sont tenus par plusieurs contrats, à commencer par un contrat avec le producteur (Endémol International). Ce dernier contrat de prise d’images s’arrête à la fin de la série télévisée. Les candidats au jeu télévisé passent également un contrat d’artiste, emportant la cession de leurs droits d’artiste-interprète, au profit du producteur de disque (Zomba) et ce pour une période s’arrêtant à la fin de l’année au cours de laquelle ils ont concouru au jeu télévisé (en principe, on considère que leur carrière s’achèvera rapidement après la fin de la série). Apparemment, les candidats ne peuvent pas espérer tirer d’honnêtes rémunérations des éventuels disques enregistrés et mis sur le marché (il est ainsi prévu par contrat que tous les frais sont déduits des produits des ventes de disque, etc.). Les candidats concluent également un contrat de management d’artiste (avec un représentant de Clear Channel, l’un des plus grands promoteurs ou tourneurs d’artiste) pour une durée illimitée, sans que les obligations du manager ne soient bien définies (ce qui veut dire à nouveau que le participant au jeu n’est pas assuré d’avoir une carrière au-delà de l’émission).
56Enfin, un contrat est conclu entre le participant d’un côté et le producteur de l’émission et le diffuseur de l’autre (donc avec Endémol et RTL pour la version belge). A notre connaissance, la question de savoir si les participants à la Star Academy (belge ou française) devaient être considérés comme des prestataires de services, des artistes-interprètes, des coauteurs, ou des salariés, reste entière à défaut pour les juges d’avoir eu à se prononcer sur cette qualification (il semblerait toutefois que le contrat pour la version belge de Star Academy soit qualifié comme contrat de travail, mais cette qualification donnée par les parties ne lie en tout cas pas le juge).
57D’autres aspects de la relation contractuelle entre les participants et les producteurs (ou diffuseurs) ont toutefois été soumis à des instances juridiques, mais à propos d’autres émissions de télé-réalité que Star Academy.
2.3.1. Le contrôle des clauses contractuelles par l’organisme de régulation
58Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) français en tant qu’autorité de régulation des médias audiovisuels avait été amené à formuler une recommandation quant à l’émission Loft Story et à se prononcer sur les clauses des contrats que la société ASP Productions soumettait aux participants à ce jeu de télé-réalité diffusé en 2001 sur la chaîne française M6. Pour rappel, ce jeu consistait à divulguer au public la vie d’une communauté de jeunes gens et jeunes filles qui s’éliminaient les uns les autres jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un couple finalement récompensé par le cadeau d’une maison dans laquelle ce couple devait encore demeurer pendant 6 mois sous l’œil des caméras. Le CSA était intervenu pour demander entre autres à M6 « d’éviter tout dérapage de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine ». Afin de vérifier le respect des droits de la personne, le CSA avait examiné les contrats signés par les participants, des contrats très détaillés dont les implications pouvaient échapper aux jeunes candidats. Pour s’assurer que ces clauses leur seraient à tout le moins opposables et ainsi satisfaire à l’obligation d’informer les participants au jeu, le contrat, de manière un peu cynique, prenait le soin de préciser : « Il est souligné au participant qu’il lui était indiqué de consulter un juriste avant de [...] signer [le contrat] ».
59L’un des reproches concernait l’isolement « inhumain » auquel étaient astreints les participants au jeu puisque tout contact avec l’extérieur leur était refusé. A la demande du CSA, le contrat modifié permettait à chaque candidat de désigner avant le début de l’émission un correspondant qui pouvait lui transmettre à tout moment toute information utile. De plus, les candidats se voyaient autorisés à quitter le loft à tout moment sans appliquer le délai de 12 heures de préavis imposé dans la première version des contrats. En outre, le CSA avait exigé que des moments de répit d’une durée raisonnable soit accordés aux candidats et ce, eu égard au respect de la dignité de la personne humaine244. Dans ses deux communiqués du 2 et 14 mai 2001 relatifs aux contrats de Loft Story245, le CSA avait d’ailleurs mis en évidence la nécessité de respecter la dignité humaine, tout en soulignant que le principe de la liberté de la presse et de la communication audiovisuelle interdit tout contrôle a priori des programmes avant leur diffusion.
60Le CSA avait aussi sollicité au nom de la même dignité que « le processus d’exclusion et d’élimination des participants » ne soit pas valorisé dans le programme de M6.
61C’était toutefois le droit à l’image qui constituait le point d’achoppement principal. Par contrat, le participant cédait tous ses droits à l’image : « Le participant est conscient que des enregistrements sonores et visuels seront faits de lui et qu’ils seront diffusés et exploités par voie de reproduction, de représentation et de diffusion, ce qui peut être considéré comme une intrusion dans sa vie privée et une atteinte à son image et à ses droits de la personnalité. Le participant donne dès lors son autorisation expresse, inconditionnelle et irrévocable pour la diffusion, la rediffusion en intégralité ou en partie sur tous supports, en tout lieu...246 » Quelle valeur attribuer à cette renonciation globale à faire valoir une atteinte à la vie privée et au droit à l’image ?
62Sur cette question de la valeur du consentement, le Conseil d’État français s’était déjà prononcé dans une célèbre affaire relative à un spectacle qui se pratiquait au début des années 90 dans les discothèques, le « lancer de nain ». Ce jeu consistait à faire lancer un nain par des spectateurs (« Le record de France de la spécialité serait de 3,30 mètres », note avec un humour froid P. Martens qui commente cet arrêt247). Certaines communes avaient fait interdire le spectacle en se fondant sur l’article 4 de la Convention européenne sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales qui proscrit les traitements inhumains ou dégradants. Amené à se pencher sur les décisions de tribunaux administratifs qui avaient annulé ces interdictions, le Conseil d’État va lui-même annuler ces jugements en se fondant sur le fait que « par son objet même, une telle attraction porte atteinte à la dignité de la personne humaine248 » et que le respect de celle-ci « est une composante de l’ordre public » que les communes ont pour mission de préserver en vertu de leur pouvoir de police. Le paradoxe dans cette affaire était que le nain revendiquait, au nom de la même dignité, la possibilité de continuer à travailler dans cet emploi qui pour la première fois lui permettait de songer à une carrière susceptible d’assouvir ses ambitions professionnelles et personnelles. Une affaire qui illustre bien la géométrie variable d’une notion aux contours flous. Le juge administratif se sert à bon compte de cette notion au contenu variable afin de tracer la limite entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, mais ne s’aventure pas le moins du monde dans une définition de la dignité. Un tel usage de la dignité débouche en définitive sur un jugement d’autorité, d’autant moins contestable qu’il se pare de vertu.
63Mais revenons au Loft. La question de l’intégrité du consentement donné par les participants au jeu est en partie escamotée par la possibilité que le contrat modifié d’ASP Production confère à chaque candidat « de rétracter son consentement pour de justes motifs », auquel cas le producteur s’engage à ne faire aucune utilisation des images249. En fait, le droit de rétractation ou de retrait est couramment reconnu par la jurisprudence en matière de droits de la personnalité. Tout cela montre que le droit tente de tenir compte de la faiblesse de la volonté en libérant une personne de la parole donnée. L’exemple donne à voir en quoi le droit demeure partagé entre une vision des individus comme êtres souverains et adultes (tenus à respecter leur promesse) et le souci de tenir compte des déficiences de la volonté.
2.3.2. L’interprétation par le juge des renonciations contractuelles
64Les contrats conclus par les participants à ces émissions de télé-réalité n’ont à notre connaissance pas été directement contestés en justice, même s’il est clair que les participants ont dû se sentir souvent piégés par ces dispositifs contractuels. Toutefois, certaines dispositions contractuelles ont été soumises à l’interprétation des juges, un contrôle qui intervient a posteriori. Ainsi, en est-il de la clause de renonciation à certains éléments de la vie privée insérée dans les contrats des participants au jeu Loft Story. La gagnante de l’émission retransmise en 2001 sur M6, Mlle Loana Petrucciani, fut la cible privilégiée des médias qui découvrirent qu’elle était la mère d’une petite fille née d’un père inconnu, ce qui donna lieu à de multiples publications, dont certaines illustrées par des photos de la mère et de l’enfant. Assignés en dommages intérêts pour atteintes à la vie privée, les éditeurs de la presse « people » française invoquaient que la plaignante avait renoncé au respect à la vie privée (garantie en France par l’article 9 du Code civil). En tant que participante à cette émission dont l’objectif était de livrer au public l’intimité de la vie quotidienne des participants, y compris dans ses activités les plus triviales (26 caméras et 50 micros étaient répartis dans la maison habitée par les participants), Mlle Petrucciani avait en effet passé un contrat avec la production qui prévoyait différentes renonciations sur certains éléments de sa vie privée, puisqu’elle acceptait d’être filmée en permanence, de rédiger un journal « intime » livré aux spectateurs, de confier la gestion de son image et de ses futurs engagements au producteur, etc. Comment pouvait-elle en conséquence demander au juge de faire respecter une « intimité » qu’elle avait elle-même galvaudée devant des millions de téléspectateurs250 ? Un argument proprement juridique, celui de la relativité des contrats, pouvait être directement invoqué par la demanderesse : aucun des magazines assignés ne pouvait invoquer les renonciations de la demanderesse à ses droits de la personnalité à défaut d’avoir été partie au contrat engageant Mlle Petrucciani à l’égard de la production de Loft Story uniquement. En outre, dans une ordonnance de référé du 12 juin 2001, le tribunal de grande instance de Paris limite à juste titre la portée de la renonciation quant à son objet : « En participant à un jeu télévisé (Loft Story), fondé sur le principe de l’exposition permanente de l’intimité de la vie privée, la personne en cause n’a pu ignorer qu’elle prenait le risque de voir les médias spécialisés enquêter sur les autres aspects de sa vie personnelle. Cependant, en dissimulant l’existence de son enfant, elle a manifesté sa volonté de préserver le caractère intime ou secret qui s’attache à sa maternité. Aucune renonciation d’ordre général aux droits de la personnalité ne [peut] se concevoir et aucun intérêt légitime, découlant d’une quelconque nécessité d’informer le public, ne justifi[e] la publication d’informations relatives à cette maternité251. » Le juge rappelle là des règles d’interprétation en matière de droits de la personnalité : la renonciation ou le consentement de la personne doit être interprété de manière restrictive, le consentement donné dans un cadre donné ne vaut pas dans d’autres circonstances, le consentement doit être manifesté de manière expresse, il ne se présume pas. Le tribunal donne donc gain de cause à la plaignante sur le point de principe de l’atteinte à la vie privée. Certains pourraient s’offusquer de ce que le droit protège au nom de la vie privée celui qui lui-même a « fait profession » de nier cette valeur. Cette générosité du juge dans la qualification de l’atteinte est toutefois tempérée par la prise en compte du comportement de l’intéressé dans la détermination du montant de l’indemnité censée réparer l’atteinte. La sanction elle-même permet ainsi de moduler la qualification. En effet, le tribunal de grande instance de Paris (comme d’autres juges saisis en référé dans la même affaire) tient compte, dans l’évaluation des dommages-intérêts devant compenser le préjudice, de « l’acceptation des risques » que la participation de Mlle Petrucciani au jeu implique. Il octroie en effet à Mlle Petrucciani un montant relativement modeste (selon les critères français) et s’inscrit donc dans la lignée d’une jurisprudence qui prend en considération la manière dont l’intéressé lui-même valorise l’intérêt dont il invoque la protection en justice (une personne qui préserve jalousement sa vie privée de la curiosité médiatique obtiendra davantage que celui qui accepte à d’autres occasions de se livrer aux regards du public).
65A travers cet exemple, on voit comment les circonstances concrètes d’un litige rejaillissent sur la solution juridique, la qualification étant elle-même en quelque sorte corrigée par l’évaluation de la sanction. Pour apprécier la façon dont le droit appréhende le réel, il faut donc aussi tenir compte de la modulation de la peine à travers laquelle transparaît un autre jugement que celui qui passe par la qualification de l’acte.
Conclusions
66« S’il y a une activité centrale du juriste, absolument décisive dans l’exercice de la pratique juridique, c’est bien celle qui consiste à se contenter de donner un nom aux choses et de les caractériser juridiquement. [...] Il n’est pas illégitime d’affirmer que le signe auquel on reconnaît immanquablement le juriste réside avant tout dans sa façon de discourir sur le monde en assurant sa traduction dans la grille conceptuelle des catégories juridiques, [...] en mettant le monde en droit à la manière du compositeur qui le met en musique252. » L’empire de la télé-réalité, ou du loft pour reprendre le titre d’un ouvrage253, ne cesse de s’étendre sur nos écrans cathodiques, et ce phénomène mérite des analyses au-delà des dénonciations (violation de la dignité humaine des participants, imposition d’un régime concentrationnaire proche de l’esclavage, etc.) souvent faites au nom de valeurs « indiscutables », mais qu’il faudrait précisément réinterroger. A commencer par celle de dignité qui se prête à toutes les interprétations, et qui, pour cette raison, n’est pas toujours bien acceptée par les juristes254, en dépit de sa consécration dans de nombreux textes internationaux et constitutions255.
67Le droit ne peut prétendre enrichir l’étude des phénomènes, car le droit n’est pas une science des phénomènes, il n’est pas là pour nous parler des faits, il les saisit, et cette saisie à travers les qualifications juridiques constitue l’activité discursive spécifique du juriste. Le droit ne dit pas les faits ; au contraire, le juriste met le monde en droit à la manière du compositeur qui le met en musique, pour reprendre la formule déjà citée d’Olivier Cayla.
68Quand il s’empare du fait « Star Academy » en lui appliquant ses catégories, par exemple celle d’œuvre audiovisuelle, le système juridique révèle néanmoins des présupposés insoupçonnés ou des valorisations surprenantes qui nous en disent finalement beaucoup sur le monde, sur « la façon dont il va ». C’est uniquement de manière indirecte, en ce qu’il montre ces mécanismes de classification et de valorisation à l’œuvre, qu’il fait voir des choses.
69Alors que le discours scientifique s’efforce de décrire, sans en principe juger les faits, la pratique du droit repose tout entière sur des jugements, dont la part juridique se mêle souvent avec celle du « bon sens ». Ainsi le droit devra-t-il trancher si les pratiques et règles (contractuelles) encadrant le jeu de la Star Academy s’inscrivent ou non dans la légalité, c’est-à-dire dans ce qui est admissible par le système juridique. De nombreuses qualifications sont nécessaires pour délimiter ce qui est admissible et ce qui ne l’est pas. C’est là que le travail du juriste se donne à voir, un travail d’ajustement de règles toujours générales à des manifestations sociales souvent inédites, et de cet ajustement du manteau juridique naissent de nouvelles significations de la règle (et donc de nouvelles règles). De quoi enrichir la syntaxe juridique dont l’acquisition fait partie de l’apprentissage et du métier du juriste.
Bibliographie
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BIBLIOGRAPHIE
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Vlllard P., Problèmes juridiques posés par l’émission Loft Story, texte d’une conférence présentée devant l’Académie nationale de pharmacie le 5 décembre 2001, (inédit).
Notes de bas de page
228 C’est ainsi que s’ouvre le petit essai de Fr. Jost, L’empire du loft, Paris, La Dispute/Snédit, 2002, p. 7.
229 Laissons à d’autres le soin de tenir ce discours de la déploration, affectionné par certains intellectuels. Cela dit, avec cette « télé-réalité », on est en tout cas loin de la télévision envisagée comme instrument d’éducation des masses ou de la politique culturelle. Voir à ce propos H. Dumont et A. Strowel (sous la direction de), Politique culturelle et droit de la radio-télévision, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 1998.
230 Il est certes possible de mettre en doute la capacité du droit à agir sur le social, cette puissance du droit n’en reste pas moins un des postulats de base du travail juridique, et donc, certainement, une de ses zones d’ombre.
231 Voilà en tout cas la définition moderne de la grammaire qu’offre le Dictionnaire historique de la langue française.
232 Ainsi, l'article L. 112-2 du Code français de la propriété intellectuelle (CPI) énonce que sont considérées notamment comme œuvres : « les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ; les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres œuvres de même nature ; les œuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque, les pantomimes ; les compositions musicales ; les œuvres cinématographiques et œuvres audiovisuelles ; les œuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ; les œuvres graphiques et typographiques ; les œuvres photographiques ; les œuvres des arts appliqués ; les illustrations, les cartes géographiques ; les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture et aux sciences ; les logiciels ; les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure. »
233 Voir la discussion dans A. Strowel et E. Derclaye, Droit d’auteur et numérique, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 376 et s.
234 Ainsi, la transposition d’un livre illustré pour enfant sur un support électronique comme un CD-Rom comportant un déroulement à partir des illustrations, avec le cas échéant un commentaire sonore, serait une œuvre audiovisuelle, à l’inverse de la fixation sur un support électronique d’une encyclopédie ou d’un quotidien incluant texte et photos.
235 C. Colombet, Grands principes du droit d'auteur et des droits voisins dans le monde, Litec, 1990, p. 12.
236 Paris, 1er avril 1957, D., 1957, p. 436.
237 A. Françon, « préface », dans C. Carreau, Mérite et droit d'auteur, Paris, LGDJ, 1981, p. 10.
238 Voir sur cette question de la protection des émissions de télé-réalité et de son étendue : R. Pépin, Téléréalité et droit d’auteur, in Cahiers de propriété intellectuelle. mai 2004, vol. 16. p. 741-765.
239 C.E. fr., 30 juillet 2003 (Société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres), no 241520, Lamyline.
240 Saisi de cette question, le ministre de la Culture et de la Communication, Jean Jacques Aillagon, a estimé qu’« il ne fallait pas confondre culture et divertissement [...] je crois de toute évidence qu’il y aurait lieu de clarifier les choses de façon, en effet, que tout le dispositif public de soutien à la création soit affecté à des projets et des productions qui traduisent un véritable point de vue d'un créateur, d'un artiste ».
241 La Lettre du CSA, juin 2004, no 174, p. 13 et s ; disponible sur www.csa.fr.
242 Voici un exemple de clause de confidentialité qui fut imposée aux participants au jeu Loft Story : « Le participant atteste et garantit qu’il ne divulguera aucun renseignement ayant trait à la production, au tournage de l’émission et aux termes du présent contrat. »
243 Cette présentation s’appuie sur la communication orale réalisée par M. Erwin Lapraille, directeur de la diversification chez RTL.
244 Plus exactement, le CSA s’exprimait ainsi : « En dépit du consentement exprimé par [le] participant, il est impératif, au regard du respect de la dignité de la personne humaine, que ces participants disposent de moments et de lieux où ils ne sont pas soumis à l’observation du public. »
245 Disponibles en ligne : voir www.csa.fr.
246 Cette clause ainsi que les autres ici citées ont été publiées à l’époque par Le Monde sur Internet et reproduites en annexe de l’article de P. Villard, Problèmes juridiques posés par l’émission Loft Story, texte d’une conférence présentée devant l’Académie nationale de pharmacie le 5 décembre 2001 (inédit).
247 P. Martens, Théories du droit et pensée juridique contemporaine, Larder, 2003, p. 67.
248 Conseil d’État, 27 oct. 1995, R.T.D.H., 1996, p. 658.
249 Le Monde, 12 juin 2001.
250 Voir G. Haas et O. De Tissot, Du studio au prétoire, publié sur www.cyberlex. org/haas/pretoire.htm.
251 TGI Paris, 12 juin 2001, Légipresse, sept. 2001, no 184, p. 109.
252 O. Cayla, « Ouverture : la qualification, ou la vérité du droit », Droits, 1993. 18, p. 3-4.
253 Voir l’ouvrage de Fr. Jost cité ci-dessus.
254 P. Martens, Théories du droit et pensée juridique contemporaine, op.cit., p. 69 ; O. Cayla, « Dignité humaine : le plus flou des concepts », in Le Monde, 31 janvier 2003, p. 14.
255 Ainsi l’article 23 de la Constitution belge renvoie à la dignité humaine, également mentionnée dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union (et donc dans le projet de Constitution européenne).
Auteurs
Assistant de recherche aux Facultés universitaires Saint-Louis
Professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis et à l’Université de Liège Avocat au barreau de Bruxelles
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