Chapitre 3. Une enquête « temps et mobilité »
p. 99-144
Texte intégral
Introduction
1Parallèlement à la démarche qualitative présentée au chapitre deux et indépendamment de celle-ci, les Facultés universitaires Saint-Louis (FUSL) ont réalisé en décembre 2002 une enquête sur la mobilité de leurs étudiants inscrits en 1er cycle (candidatures1), à l’exception des étudiants à horaire décalé. Nous avons eu la chance de pouvoir y intégrer plusieurs questions concernant le rapport au temps des étudiants. Il s’agissait de tester, pour la première fois en Belgique dans une enquête par questionnaire, les liens pouvant exister entre attitudes temporelles et pratiques de mobilité.
2Après un bref descriptif de l’échantillon et des pratiques de déplacement des étudiants, ce chapitre présentera les résultats des analyses portant sur la perception des différents moyens de déplacement et l’évaluation des transports publics à Bruxelles. Ces données serviront de toile de fond à la construction d’une typologie d’attitudes temporelles qui sera quantifiée au sein de la population étudiée. Elle permettra également d’interroger les proximités entre les types d’attitudes temporelles et les données relatives aux pratiques de déplacement et aux perceptions des modes de transport, présentées en début de chapitre. Le volet quantitatif de la recherche présenté ici doit en effet être considéré comme source d'information et d’expérimentation d’une démarche qui pourrait être éventuellement généralisée à des études de mobilité plus larges (à Bruxelles et ailleurs).
3En conclusion, outre les quelques enseignements prospectifs de contenu, nous interrogerons à la lumière de la typologie quantitative, la typologie qualitative présentée dans le chapitre deux. Enfin, nous tirerons les enseignements méthodologiques de cette démarche quantitative.
3.1. Méthode, population étudiée et caractéristiques de l’échantillon
4L’enquête s’est déroulée dans le courant du mois de décembre 2002. Le questionnaire2 fut administré dans les auditoires de première et de seconde candidatures dans toutes les sections des trois Facultés qui composent les FUSL (Philosophie et lettres, Droit, Sciences économiques, sociales et politiques). Concrètement, 628 questionnaires (sur une population de 1120 étudiants inscrits) ont été récoltés, ce qui correspond à un taux de participation de 56,7 %. Tous les étudiants sollicités ont généralement accepté sans réticence de remplir le questionnaire et le remplissage s’est déroulé dans de bonnes conditions de temps (dans le cadre d’un cours) et de sérieux, ce que confirme le haut taux de réponses à toutes les questions et la quasi-absence d’abandon en cours d’enquête.
5Notre échantillon n’est que partiellement aléatoire dans la mesure où seuls les étudiants présents aux cours où le questionnaire était proposé ont eu la possibilité de participer à l’enquête. Les absents n’ont pas été « poursuivis » de manière systématique. La question qui se pose dès lors est de savoir si ces absents sont « typiques » par rapport à nos préoccupations de recherche (« temps et mobilité ») ou s’ils se répartissent aléatoirement dans la population.
6Ce qui paraît certain en tout cas, c’est que, mis à part les malades (relativement plus nombreux en cette période hivernale...), les absents se recrutent plus volontiers parmi les étudiants qui ont un rapport « souple » aux cours et qui décident d’y assister en fonction de différents critères (intérêt attendu, présence ou non d’un syllabus, état de fatigue. Il faut souligner cependant la particularité de la période d’investigation (en fin de quadrimestre, peu de temps avant la session d’examens de janvier), plus propice à l’absentéisme (travaux à déposer, notes à compléter, abandons...).
7Si l’on compare les caractéristiques de l’échantillon obtenu à celles dont nous disposons pour la population, on constate une très grande proximité (moins de 2 % d’écart) en ce qui concerne la répartition par Faculté, orientation d’études et année d’études. En revanche, on observe un « excédent » de filles dans notre échantillon (+ 5 %) et d’étudiants de 18 ans (+ 8 %), au détriment des « 20 ans et plus ». Autrement dit, les filles semblent moins « brosser », de même que les étudiants qui n’ont pas accumulé de retard antérieurement dans leur parcours scolaire.
8Sur la base de ces informations, nous avons décidé de pondérer l’échantillon par l’âge et le sexe.
3.2. Pratiques de déplacement et perceptions des modes de transport
9Pour comprendre dans quel contexte prennent place les déplacements des étudiants qui ont répondu à notre enquête et leurs perceptions des modes de transport, il est intéressant de noter que les parents3 d’un peu moins de la moitié des répondants (45,6 %) ont leur domicile dans les 19 communes et 30,3 % dans le Brabant (flamand ou wallon). Ces deux catégories totalisent donc à elles seules trois quarts des étudiants de l’échantillon. Par ailleurs, environ un quart des répondants vit en kot (16,3 %) ou dans un logement autonome (9,2 %), et ceci d’autant plus volontiers que le domicile du ou des parents est éloigné de Bruxelles.
10Cette diversité résidentielle explique les distances plus ou moins longues que les étudiants doivent parcourir pour se rendre quotidiennement aux FUSL (Tableau 3.2.). Si l’on considère le vélo comme le moyen de déplacement idéal pour les déplacements inferieurs à 5 km, à peine plus de 20 % des étudiants sont en mesure d’utiliser ce mode de transport (près de 50 % si l’on va jusqu’à 10 km). Et seule une fraction de ceux-ci peuvent venir à pied. À l’inverse, la majorité des étudiants sont dans la quasi obligation d’utiliser les transports publics ou un véhicule motorisé pour se rendre aux Facultés.
Tableau 3.2 : distance entre le logement en semaine et les FUSL.
Moins de 1 kilomètre | 4 |
De 1 à 5 kilomètres | 18,9 |
De 6 à 10 kilomètres | 27,1 |
De 1 1 à 30 kilomètres | 27,4 |
Plus de 31 kilomètres | 9,3 |
Pas en mesure d’estimer correctement | 9,9 |
N.R. | 3,4 |
Total | 100 % |
N | 628 |
11Dans notre échantillon, 11,4 % des répondants ont un emploi ou un job rémunéré régulier, 52 % ont travaillé pendant les dernières vacances, d’autres encore ont un job occasionnel. Ce revenu sert parfois explicitement à financer leurs frais de déplacement que ce soit en transports publics (9,6 % déclarent gagner de l’argent à cette fin) ou en voiture (7,3 %). Une partie affirme également gagner de l’argent en vue d’acheter une voiture (8,7 %), un vélo (2,1 %) ou un deux-roues motorisé (0,7 %).
12Enfin, 71,8 % des étudiants interrogés déclarent avoir, en dehors de leurs études et d'un éventuel job, au moins une activité régulière (mouvement de jeunesse, activités sociales, sportives, artistiques, etc.) qui structurent leur temps (35,5 % en ont deux, 10,7 % trois ou plus) et qui, inévitablement, génèrent des déplacements.
Pratiques de déplacement
La possession du permis de conduire et l’accès à l’automobile
13Quarante pour cent des étudiants interrogés disposent d’un permis de conduire et 33,5 % s’apprêtent à passer l’examen pour l’obtenir. Proportionnellement, les garçons sont plus nombreux à détenir ce sésame. De plus, on constate que lorsque les étudiants « sortent » le soir à Bruxelles, ils sont plus nombreux à recourir à la voiture en tant que conducteurs, les filles étant plus nombreuses à déclarer recourir à l’automobile en tant que passagères.
14L’obtention du permis de conduire semble faire partie des apprentissages courants de la phase du cycle de vie que traversent les étudiants. En effet, tandis qu’à peine 26,7 % des étudiants disposent du permis en première candidature, ils sont 63,0 % en seconde année (à ce moment-là, 20,6 % se préparent à passer l’examen et seulement 16,0 % ne savent pas si, ou quand, ils le passeront).
15Outre la possession du permis de conduire, il faut avoir accès à une automobile pour pouvoir conduire (tableau 3.3.) : 60 % des étudiants possédant leur permis disposent d’une voiture quand ils le désirent ; seuls 5 % n’ont quasiment jamais accès à une automobile. Notons également que plus de 40 % des étudiants disposant du permis de conduire possèdent déjà personnellement une voiture et 14 % des étudiants se préparant à passer l’examen sont dans le même cas.
Tableau 3.3. : accès à l’automobile.
Avez-vous personnellement accès à une automobile ?4 | % sur l’échantillon total | % parmi les détenteurs du permis |
Quand vous voulez (semaine, journée, soirée...) | 24,1 % | 60,2 % |
Parfois le week-end, en journée | 8,1 % | 10,9 % |
Parfois en semaine en soirée | 8,2 % | 20,7 % |
Parfois le week-end en soirée | 8,2 % | 20,3 % |
Parfois en semaine, en journée | 4,4 % | 20,3 % |
(Presque) jamais | 2,0 % | 5,1 % |
N.R. | 0,7 % | 1,6 % |
Sans permis | 60,0 % | / |
N | 628 | 234 |
16L’usage de l’automobile en tant que conducteur est fréquent. Plus de 80 % des étudiants disposant d’un permis de conduire utilisent la voiture en tant que conducteurs au moins une fois par semaine ; 14,8 % le font moins d’une fois par semaine. Autrement dit, le permis et, a fortiori, la possession d’une automobile (54,8 % des possesseurs d’une voiture l’utilisent au moins cinq jours par semaine) entraînent un usage massif de l’automobile (tableau 3.4.).
17L’usage de l’automobile ne se limite pas seulement à sa conduite. 67,5 % des étudiants disposant de leur permis de conduire et 77,5 % de ceux qui ne le possèdent pas, utilisent la voiture comme passagers au moins une fois par semaine. A contrario, ceci signifie que 21,9 % des étudiants utilisent moins d’une fois par semaine l’automobile en tant que passagers (le solde, 4,8 %, étant constitué des non-réponses)7.
18Notons que 11,4 % des étudiants utilisent la voiture moins d’une fois par semaine que ce soit en tant que passagers ou en tant que conducteurs et que 3 % montent dans une automobile moins d’une fois par mois.
19Remarquons enfin que 63,9 % des personnes ne disposant pas d’un arrêt de transports publics à moins de deux cents mètres de leur résidence de semaine utilisent l’automobile comme conducteurs, ou passagers, au moins cinq jours par semaine, alors que seules 32 % des personnes disposant d’au moins un arrêt de transports publics proche, sont dans ce cas. La proximité d’une offre de transports publics semble donc déterminante.
Les autres usages modaux
20Si l’on cherche à identifier le mode de transport le plus utilisé en se référant au mode déclaré être utilisé « au moins cinq jours par semaine » par le plus grand nombre d’étudiants (tableau 3.5.), le métro arrive en tête (56,3 % l’utilisent au moins cinq jours par semaine) ; suivent, selon cet indicateur, le tram (34 %), le bus (27 %) et la voiture en tant que passagers (22,7 %). À l’inverse, le deux-roues motorisé (73,9 % de « presque jamais »), le taxi (48,1 %) et le vélo (40,6 %) sont les modes les moins utilisés.
21Lorsque les étudiants « sortent » le soir à Bruxelles et qu’ils n’ont plus de transports publics à disposition, la voiture en tant que passager est le mode de transport le plus utilisé (62,1 %) devant le taxi (43,1 %), l’automobile comme conducteur (30,7 %) puis la marche à pied (27,7 %).
22Bon nombre d’étudiants (42,8 %) estiment d'ailleurs rencontrer des difficultés à participer à des activités en soirée aux Facultés (soirées, conférences, soupers de cours...) en raison précisément des problèmes potentiels de transports pour rentrer chez eux après ces activités. Un quart des étudiants évoquant ce problème se voient même contraints d’écourter leur activité afin de pouvoir profiter des dernières possibilités des transports publics.
Le trajet entre l’université et le lieu de résidence en semaine
23Si la possession d’un permis de conduire et le « rêve automobile » semblent bien prégnants chez les étudiants des FUSL, l’analyse montre qu’ils utilisent principalement les transports publics pour se rendre aux Facultés ou pour rentrer chez eux. Ceux-ci semblent relativement accessibles en semaine pour les étudiants puisque 88,4 % d’entre eux précisent avoir au moins un arrêt de transports publics à moins de deux cents mètres de leur lieu de résidence en semaine. À l’inverse, 9,6 % des étudiants de l’échantillon ne disposent d’aucun arrêt proche de leur résidence de semaine. Plus précisément, 80,0 % des étudiants déclarent avoir un arrêt de bus à moins de deux cents mètres de leur logement en semaine, 54,5 % un arrêt de tram, 35,9 % un arrêt de métro et 26,3 % une gare ferroviaire8.
24Seuls 24,6 % des étudiants sont « monomodaux » lorsqu’il s’agit de se rendre aux Facultés Saint-Louis, au centre de Bruxelles : 19,2 % utilisent le même mode de transport tant pour venir que pour quitter Saint-Louis9. Mais plus de 10 % conjuguent quatre modes de transport10 différents dans leur trajet !
25S’il s’agit de se rendre aux Facultés Saint-Louis, le métro reste le mode de transport le plus utilisé (56,8 % des étudiants), devant « la marche à pied sur plus de deux cents mètres » (35,0 %), le tram (30,7 %) le bus (24,2 %) et le train (15,8 %) Notons que vu la possibilité de combiner plusieurs modes de transport pour se rendre aux Facultés, la somme des pourcentages dépasse logiquement les 100 %.
26La voiture est peu utilisée pour se rendre en ce lieu. L’automobile comme passager est utilisée par 15,6 % des étudiants et l’automobile comme conducteur par 12 % des étudiants. Cependant, l’automobile peut n’être utilisée que pour une partie du trajet. De ce fait, l’automobile en tant que conducteur n’est utilisée, comme dernier mode pour arriver aux Facultés, que par 4,8 % des étudiants et par 6,3 % des étudiants utilisant ce mode comme « passager ».
2762,7 % des étudiants déclarent varier leurs itinéraires ou leurs lignes de transports publics pour se rendre aux Facultés Saint-Louis. Ce résultat va clairement à l’encontre d’un imaginaire supposant que l’usage des transports se fait d'abord de manière récurrente, car la récurrence des activités scolaires aurait dû, sous cette hypothèse, être favorable à la récurrence de l’usage modal.
28Ce qui favorise ces changements d’itinéraires est d’abord « l’arrivée d’un des modes de transport possibles » (42,6 % de l’ensemble des étudiants). Autrement dit, pour ces étudiants, le choix modal se fait d’abord dans la disponibilité « à l’instant ». Ensuite, viennent les « conditions climatiques » (30,6 %), la « sécurité » (17,4 %), le fait de « circuler en souterrain ou en surface » (15,8 %), la « saison » (11,4 %) et la « luminosité » - le fait qu’il fasse clair ou encore/déjà noir (11 %).
Perceptions des modes de transport
29Parmi l’ensemble des résultats particuliers à cette population étudiante, les informations concernant la perception, l’évaluation et les attentes envers les modes de transport nous semblent devoir être présentées dans cet ouvrage car elles dépassent l’intérêt spécifique des Facultés Saint-Louis.
Appréciation des divers modes de transport
30Quels qualificatifs les étudiants associent-ils à la voiture, au train, au métro, au tram, au bus et au vélo ? Les répondants étaient invités à se prononcer sur ces divers modes de transport dans cet ordre en associant au maximum trois qualificatifs à chaque mode. Ces qualificatifs étaient définis a priori, soit : Rapide, Lent, Contraignant, Souple, Bondé (pas assez aéré), Confortable, Cher, Économique, Sécurisant, Insécurisant, Pratique, Pas pratique, Inadapté à vos besoins, Adapté à vos besoins, Ecologique, Polluant. Cette liste provenait d’une reformulation des résultats présentés dans les études menées par Kaufmann, Jemelin et al.11.
31On remarquera que les items ont été systématiquement construits et présentés par deux dans le questionnaire, l’un étant censé exprimer l’image inverse de l’autre. Cette dernière affirmation, qui semble être un truisme, n’est cependant qu’une hypothèse de recherche. L’analyse factorielle des faisceaux de qualificatifs propres aux différents modes nous permettra de vérifier ou d’invalider cette hypothèse.
32Le tableau ci-dessus montre, par mode de transport, le pourcentage d’évocation de chacun des items proposés. Il permet de déceler des oppositions modales par la lecture des qualificatifs opposés qui y sont présents. La voiture, le métro et, dans une moindre mesure, le train, apparaissent ainsi comme des modes « rapides » alors que le tram, le bus et le vélo sont des modes « lents ».
33L’automobile est le mode de transport qui se voit attribué les caractéristiques les plus nettes, puisque sept qualificatifs sur seize y récoltent leur plus haut taux de réponse (aucun autre mode ne peut prétendre à un tel score). Celle-ci apparaît ainsi « confortable », « pratique » et, dans une moindre mesure, « sécurisante » et « souple » (17 % seulement des répondants lui associe cet item). Elle ne se voit affublée que de deux caractéristiques a priori négatives : elle serait « polluante » et « chère ». Ces deux caractéristiques sont cependant mises en exergue par moins de la moitié des répondants (polluant 39,4 %, cher 31,5 %).
34Chacune de ces caractéristiques voit généralement un ou des modes de transport public affublés de la proposition inverse (comme dans l’exemple de la rapidité ci-dessus). À l’opposé de la souplesse, le train et, dans une moindre mesure, le bus, apparaissent « contraignants ». Le métro, le tram et le bus sont décrits comme « bondés », ce qui s’oppose au « confort » de la voiture. À la relative sécurité de la voiture s’oppose le caractère « insécurisant » du métro et du vélo.
35Le caractère « pratique » de l’automobile se dégage moins par opposition aux modes de transports collectifs car tous se voient reconnaître cette caractéristique (avec, en premier, le métro) quoique dans une moindre mesure.
36Le vélo présente une configuration différente. Il s’oppose d’abord aux deux caractéristiques « négatives » associées à l’automobile. Ainsi, son caractère écologique s’oppose au caractère « polluant » de l’automobile, tout comme il apparaît « économique ». La bicyclette est le seul mode dont l’aspect « pas pratique » est affirmé (23,1 %), ce qui est confirmé par l’aspect « inadapté aux besoins » des étudiants (37,7 %) qui lui est également attaché. Enfin, à l’inverse du caractère relativement sécurisant de l’automobile, le vélo apparaît « insécurisant » pour 25,9 % des étudiants.
37Les observations relevées ci-dessus peuvent sembler évidentes ; elles demandent à être mises en perspective avec l’importance totale associée à chacun des couples de critères. Relever, par exemple, que le vélo est écologique n’a pas le même poids que de mentionner que la voiture est vue comme sécurisante... Le tableau ci-dessous somme les pourcentages acquis par chaque couple de critères pour chacun des modes.
38Si l’on prend le taux total de répondants associant un couple de critères et un mode de transport comme indicateur de l’évidence de l’association entre ce couple et ce mode, le couple « rapide - lent » recueille sur l’ensemble des modes de transport une moyenne de 59,5 % des suffrages. L’association « bondé - confortable » suit avec 45,7 % et « pratique - pas pratique » avec 40,2 %. Le couple le moins évidemment associé aux divers modes de transport est « sécurisant - insécurisant », avec un total de 21,4 %.
39Le couple « rapide - lent » est donc cité, pour chaque mode, par plus de 50 % des répondants. Est-il pour autant un structurant de base des opinions relatives aux modes de transport examinés ici ?
40La réponse à cette question peut être approchée par la réalisation d’une analyse multi-dimensionnelle12.
41L’objectif de cette analyse est, dans notre cas, de déceler les éventuelles convergences dans les images des divers modes de transport, étant entendu qu’une analyse multivariée apporte un mode d’exposition des résultats souvent plus parlant que la juxtaposition de tableaux univariés. Un des intérêts d’une telle analyse est de donner la possibilité de définir le type de lien (d’affinité ou d’opposition) existant entre les items : en l’occurrence ici, nous allons pouvoir tester si les deux pôles des couples d’items proposés sont bien des pôles opposés, positifs et négatifs. Elle permettra en outre de mettre en lumière les associations et oppositions latentes entre les différents qualificatifs et les modes de transport. Une présentation graphique agrémente l’analyse en permettant de visualiser les associations et oppositions dégagées (graphique 3.1.)13.
42Concrètement, l’analyse nous permet d’identifier trois facteurs qui reprennent à eux seuls 91.4 % de l’information totale contenue dans le tableau de contingence.
Le premier facteur est celui qui est le plus clairement constitué par l'opposition « Écologique – Polluant ». Comme on pouvait s’y attendre, ce facteur est celui qui oppose voiture et vélo ; train et métro occupant une position neutre, alors que tram et bus se rangent timidement du côté du vélo. Clairement, l’opposition structurante écarte l’un de l’autre les deux modes de transport « individuels », les modes collectifs gardant une position médiane.
Le deuxième facteur est presque exclusivement construit autour de l’item « Bondé », opposé au couple « Écologique – Polluant ». Il oppose clairement le vélo et le métro. L’automobile et le train se rangent du côté du vélo ; le tram étant plus proche du métro. Le bus occupe ici une position intermédiaire. Ce qui se joue ici, c’est l’opposition entre le caractère bondé (et inconfortable) de certains modes (métro par excellence, mais aussi tram et bus) au caractère confortable (qu’ils soient « écologique » ou « polluant ») des autres.
Le troisième facteur est d’abord structuré par la vitesse, en opposant « Rapide » et « Lent ». Le premier qualificatif est préférentiellement associé à « Écologique » et le second à « Polluant ». On se souviendra néanmoins que c’est de la combinaison des facteurs dans un espace multi-dimensionnel que naît la structure d’opinions – ou, dans ce cas-ci, d’image complète et complexe des modes de transport. D’un point de vue modal, le facteur 3 oppose métro et bus.
43Le premier plan factoriel sur lequel sont projetés les modes de transport et les qualificatifs met en exergue une information surprenante : les qualificatifs « adapté », « rapide » et « pratique » ne sont intimement associés à aucun mode de transport. Examinons un par un les six modes de transport évalués, tout en prêtant attention à la troisième dimension, non représentée sur ce plan :
Le métro est le seul mode qui pourrait se vanter d’être timidement dans le cadran de la rapidité et du caractère pratique ; il est aussi lié à l’insécurité.
Le tram et le bus sont associés l’un à l’autre dans toutes les dimensions de l’espace de représentations. Ils sont caractérisés par leur inconfort (venant de leur caractère « bondé ») et semblent plus « adaptés à mes besoins » que ne peut l’être le métro.
Le vélo est le seul mode dans son cadran (proche duquel se trouve le train). Il est, tout comme le train, préférentiellement associé aux qualifiants « économique » et « écologique ». Si on prête attention à la troisième dimension, on constate que le vélo y est dissocié de la lenteur et du caractère peu pratique ou inadapté auxquels il est pourtant associé sur les deux premières dimensions.
La voiture est clairement associée à la souplesse et au confort. Même si elle est liée, dans cette représentation plane, à la pollution, elle s’en distingue dans une représentation en trois dimensions. Dans cette perspective, le bus est associé à la pollution et à la lenteur, alors que la voiture y est vue comme rapide et pratique.
Le train – on l’a dit – occupe une position relativement centrale, se situant entre la souplesse et la contrainte, entre la rapidité et la lenteur, à mi-chemin entre le « cher » et l’« économique »... Cette position intermédiaire est peut-être due à la faible connaissance, ou faible pratique, de ce mode de transport par une partie importante du public interrogé. Elle provient peut-être également d’une double représentation du transport ferroviaire, certains étudiants associant celui-ci au train de banlieue, d’autres au TGV.
44Si on précise l’analyse en tentant d’observer les divergences de perception entre utilisateurs et non-utilisateurs d’un mode, on constate que les usagers réguliers du vélo ont à son sujet une image nettement différente de celle de la population interrogée en général. Le vélo vu par ses utilisateurs quotidiens, même s’il se situe dans le même cadran que le vélo vu par tous, est beaucoup plus proche d’items tels que « rapide », « pratique » et « adapté ».
45De la même manière, le train vu par ses utilisateurs présente des qualités auxquelles il n’est pas associé lorsqu’il est perçu par l’ensemble de l’échantillon. Les utilisateurs le situent dans le cadran proche de la rapidité et des aspects « pratique » et « adapté » Les utilisateurs réguliers d’un mode de transport (atypique pour le public interrogé ici, dont on a déjà dit la spécificité) semblent donc en construire une image différente que l’ensemble des personnes interrogées.
46Les répondants auraient-ils toujours tendance à percevoir plus positivement les modes qu’ils utilisent ? La tendance en ce sens, observée pour le vélo et le train, semble se vérifier pour la voiture, le bus et le tram bien que l’écart entre les appréciations des utilisateurs et celles de l’échantillon total soit faible pour ces derniers modes. Le métro, quant à lui, serait même moins bien apprécié par ses utilisateurs réguliers : ces derniers le positionnent en effet plus loin des items « adapté », « pratique » et « rapide » que l’ensemble de la population interrogée.
Évaluation des modes de transport publics bruxellois
47Une méthode simple pour approcher l’appréciation des transports publics bruxellois par les étudiants de candidature des Facultés Saint-Louis est de créer un indice basé sur une échelle de satisfaction (où 4 = très satisfait et 1= pas du tout satisfait)14. Pour ce faire, il suffit de sommer l’ensemble des réponses obtenues à la question pour chacun des modes de transport, et de diviser le résultat par le nombre de répondants. Par cet indice, on peut constater que le métro est le mode le plus apprécié (3 points) devant le train (2,8 points), le tram (2,6) et le bus (2,6). Si on compare le même indice en séparant les utilisateurs quotidiens de chaque mode, de ceux qui ne les utilisent pas, les écarts observés sont infimes. Constatons cependant que les utilisateurs quotidiens du train sont moins satisfaits de ce mode que ceux qui ne l’utilisent pas au quotidien.
Tableau 3.8. : indice de satisfaction des différents modes de transport public.
Utilisateurs quotidiens | Non-utilisateurs | Total | Nombre de répondants | |
Bus | 2,7 (N =158) | 2,6 (N = 376) | 2,6 | 534 |
Train | 2,7 (N=l 13) | 2,8 (N= 427) | 2,8 | 538 |
Métro | 3,0 (N = 364) | 2,9 (N = 231) | 3,0 | 595 |
Tram | 2,7 (N= 210) | 2,6 (N=347) | 2,6 | 557 |
48Notons également que plus de vingt pour cent des étudiants sont ‘très satisfaits’ du métro alors qu’ils ne sont que 6,4 % à être ‘très satisfaits’ du bus.
49Par ailleurs, rappelons que le métro est le mode de transport le plus fréquemment utilisé par les étudiants. Dans ce cas, l’usage et l’appréciation de la qualité sont parallèles, ce qui n’est pas le cas du train qui est relativement bien apprécié mais peu utilisé au quotidien.
Attentes envers les transports publics à Bruxelles ou les critères de qualité
50Si l’on s’intéresse aux critères de qualité demandés aux transports publics bruxellois15, on remarque que la fréquence de passage est le critère de très loin le plus important. 52,7 % des étudiants considèrent ce critère comme étant « le » plus important. Si, de plus, on construit un indice d’évaluation des critères de qualité16, on constate que la fréquence de passage obtient le score de 1,9417 pour l’ensemble de la population et même 2,0 points pour les usagers quotidiens des transports publics (il s’agit là de l’écart d’évaluation le plus important entre usagers et non-usagers). Notons cependant, que 25,8 % des étudiants n’ont pas cité ce critère de qualité comme étant l’un des trois plus importants.
51Le second critère en importance est la ponctualité, mais son score est nettement moindre puisqu’elle n’obtient que 1,14 point sur l’indice d’évaluation. 48 % des étudiants ne citent d’ailleurs pas ce critère comme faisant partie des trois critères les plus importants que doivent rencontrer les transports publics à Bruxelles.
52Enfin, la vitesse (0,66) apparaît comme étant le troisième critère de qualité des transports publics attendus par les étudiants des Facultés Saint-Louis. Remarquons que ces trois critères ont tous un rapport direct à la dimension temporelle.
53Relevons également que les critères du « prix » et de la « sécurité dans les stations et aux arrêts » sont plus importants pour les non-utilisateurs des transports publics que pour leurs utilisateurs. La « fréquence de passage », la « vitesse » et la « structure du réseau » sont sensiblement plus valorisées par les utilisateurs des transports publics que par le reste des étudiants.
54Nous pouvons, par défaut, déceler des critères de qualité attendus des transports publics en analysant les raisons évoquées pour ne pas les utiliser par ceux qui n’y ont pas recours dans leurs trajets quotidiens entre les Facultés et leur logement. Ces raisons sont : la durée excessive des trajets (41,6 % des « non-utilisateurs ») et la fréquence insuffisante (29,2 % des « non-utilisateurs »). L’inconfort, l’inadaptation des horaires, la sécurité (risque d’agression), le coût excessif et le manque de fiabilité dû aux grèves ou aux retards, la promiscuité et le manque de liberté de déplacement pendant la journée, sont tous cités par plus de dix pour cent des « non-utilisateurs » des transports publics.
55Si l’on se réfère aux « améliorations à apporter selon les usagers de la STIB » observées par le baromètre de la mobilité18, on constate que la ponctualité et la fréquence sont les deux premières améliorations à apporter aux heures de pointe. La ponctualité précédant, dans cette étude, la fréquence. Par ailleurs, la demande d’amélioration des prix et de la sécurité est plus forte dans le baromètre que pour les étudiants ayant répondu au questionnaire.
56Le non-usage du vélo est lié principalement aux distances excessives à parcourir (56,4 %), aux dangers dûs au trafic (48,0 %) et aux intempéries (37,9 %). Ces trois raisons principales sont identiques, mais dans un ordre différent pour refuser l’usage d’un deux-roues motorisé. Dans ce cas, le danger dû au trafic (49,2 %) précède les intempéries (35,6 %) et la distance excessive (22,2 %).
3.3. Analyse factorielle des attitudes temporelles
57Il s’agit à présent d’identifier des types d’attitudes temporelles présents dans la population étudiée, afin d’envisager les liens éventuels entre ces attitudes et les comportements de mobilité. Pour ce faire, nous avons eu recours aux méthodes d’analyse factorielle des correspondances multiples et à l’analyse typologique qui s’y réfère.
58Ces analyses n’ont d’autre but, à travers l’examen de la population spécifique que constituent les étudiants des Facultés universitaires Saint-Louis, que de dégager des logiques temporelles susceptibles d’éclairer (et d’être éclairées par) les enseignements retirés des entretiens qualitatifs présentés dans le second chapitre.
59Notre hypothèse est qu’à l’instar du rapport à l’espace, le rapport au temps des acteurs se construit sur une structure que les attitudes et opinions examinées ici permettent de révéler. Bien sûr, cette structure ne détermine pas à elle seule les comportements concrets des individus : leurs pratiques de mobilité, par exemple, peuvent être bridées, ou stimulées, par l’environnement dans lequel ils se débattent. Nous pensons cependant que les structures temporelles des acteurs que nous tentons de mettre au jour sont susceptibles d’éclairer leurs pratiques.
60Les tensions que nous analyserons, dans un deuxième temps, notamment au moyen d’une analyse typologique, entre attitudes temporelles et comportements seront à cet égard révélatrices d’un champ des possibles du développement des transports publics et au delà de la mobilité en général sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.
Liste des questions ayant servi à l’élaboration de l’analyse
61La présente analyse factorielle porte sur les dix questions suivantes (ou plutôt sur les 28 modalités principales qui leur sont associées). Elles portent, d’une part, sur le vécu des temporalités dans les pratiques de mobilité et sur les attentes temporelles envers les modes de transport. Elles interrogent, d’autre part, les attitudes temporelles dans l’organisation des activités et les rapports à la ponctualité.
6234) Lorsque vous venez aux Facultés, le trajet aller
Vous paraît durer plus longtemps que le trajet retour 1
Vous paraît durer moins longtemps que le trajet retour 2
Ne vous paraît ni moins long ni plus court que le trajet retour 3
6335) Lorsque vous venez aux Facultés, généralement :
Vous cherchez à occuper le temps de trajet (en lisant, au GSM, en parlant avec d’autres...) 1
Vous considérez que le temps de déplacement est du « temps perdu » 2
Vous considérez que tout en ne faisant « rien de spécial », ce temps n’est pas perdu 3
6435) Voici une liste de critères de qualité que doivent rencontrer les transports publics à Bruxelles19. Pouvez-vous pointer les trois critères les plus importants à vos yeux ? Veuillez indiquer soit 1 (= le plus important), soit 2 soit 3 à côté des trois items choisis
6567) Parmi ces propositions concernant l’organisation du temps, laquelle vous correspond le mieux ?
Vous préférez garder vos habitudes horaires et faire régulièrement les mêmes activités 1
Vous préférez garder vos habitudes horaires mais ne pas faire toujours la même chose 2
Vous préférez changer souvent d’activités 3
Vous préférez que vos activités s’organisent comme elles viennent 4
6668) Parmi ces deux propositions concernant l’organisation du temps pendant la semaine, laquelle vous correspond le mieux ?
Vous préférez avoir une journée bien planifiée avant de la commencer 1
Vous préférez être libre d’organiser votre journée au fur et à mesure de son déroulement 2
6772) D’une manière générale, en ce qui concerne votre ponctualité, vous diriez que :
Vous êtes toujours à l’heure 1
Vous n’êtes jamais à l’heure 2
Ni l’un ni l’autre 3
Vous ne savez pas 4
6873) Généralement, lorsque vous avez un rendez-vous avec des amis pour préparer un travail, vous considérez que vous êtes en retard quand vous arrivez avec :
minutes de retard 1
10 minutes de retard 2
15 minutes de retard 3
20 minutes de retard ou plus 4
6977) En général, lorsque vous recevez plusieurs travaux à réaliser pour une même échéance, vous estimez que :
Cela vous est assez facile de vous organiser pour mener correctement ces travaux de front 1
Cela vous est assez difficile de vous organiser pour mener correctement ces travaux de front 2
7081) Généralement, lorsque vous avez un rendez-vous avec un professeur, vous considérez qu’il est en retard quand il arrive avec :
minutes de retard 1
10 minutes de retard 2
15 minutes de retard 3
20 minutes de retard ou plus 4
Résultats de l’analyse20
71L’objectif d’une analyse factorielle est de dégager des logiques « cachées » dans/derrière les réponses fournies par les personnes interrogées à des questions en apparence autonomes les unes des autres. Ces logiques sont concrétisées mathématiquement sous forme de facteurs : ces derniers expriment en effet la tendance de certains des phénomènes observés (opinions, attitudes, comportements) à varier de concert, ou au minimum à varier ensemble dans une part non négligeable de l’échantillon. En ce qui nous concerne, nous avons donc cherché à dégager des « facteurs temporels » derrière une série de questions relatives aux attitudes temporelles des répondants. L’interprétation des facteurs dégagés doit nous permettre d’identifier les logiques temporelles présidant aux actions des acteurs.
72Cinq facteurs disposant d’un potentiel d’interprétation cohérent et exploitable émergent après analyse des variables sélectionnées :
• Le premier d’entre eux est structuré par cinq questions se référant aux attitudes temporelles.
• Le deuxième reprend les informations se référant à l’organisation temporelle, en lien avec les questions traitant des attitudes relatives aux temporalités des transports.
• Le troisième facteur soulève une logique relative au contenu du temps et à sa gestion.
• Le quatrième facteur structure principalement le rapport temporel à l’offre de transport
Le cinquième facteur apporte une information sur la ponctualité dans l’interaction.
73Ces cinq premiers facteurs résument 37,3 % de l’information totale contenue dans les réponses aux questions sélectionnées.
74Le premier facteur est structuré par cinq questions se référant uniquement aux attitudes temporelles. Deux d’entre elles sont relatives à l’organisation temporelle (Q67 et 68) et interviennent respectivement pour 15,7 % et 17,7 % dans la construction du facteur. La première explore la question de la régularité et l’autre celle de la planification des activités. Même si ces deux dimensions de la gestion du temps peuvent laisser apparaître des espaces d’indépendance, elles sont ici conjuguées pour constituer deux logiques clairement opposées d’attitude temporelle.
75Les trois autres questions relevantes ici ont trait au rapport à la ponctualité (Q72, 73, 81) ; de contributions inégales à la construction du facteur (respectivement 22,8 %, 17,6 % et 9,2 %), elles révèlent une ‘homogénéité’ dans le rapport des répondants à la ponctualité. Cette homogénéité n’est que relative puisque la question de la ponctualité intervient aussi de manière pertinente dans la construction des troisième et cinquième facteurs. De plus, elle n’était pas acquise d’avance puisque les questions qui cernent le rapport à la ponctualité font en effet référence, d’une part, à la gestion du retard du répondant lui-même et, d’autre part, à la gestion du retard d’un autre intervenant possible dans une interaction (en l’occurrence un enseignant).
76Ce premier facteur éclaire le temps « libre détendu » – ou « souple » –, c’est-à-dire un mode d’organisation (quotidien) laissant les activités s’organiser comme elles viennent, sans aucune tension sur la ponctualité, et l’oppose à un temps « planifié rigide » où sont gardées les habitudes horaires et où la ponctualité est essentielle.
77Les informations reprises par le deuxième facteur renvoient également à l’organisation temporelle, à travers les mêmes questions 67 et 68 que dans le premier facteur, associées cette fois à des items traitant des attitudes relatives aux temporalités des transports. Les contributions au facteur des items « Fréquence de passage » et « Ponctualité » de la question 63 sont respectivement de 16,3 % et 16,7 % ; celles des questions 67 et 68 sont de 20,9 % et 18 %. Ce deuxième facteur révèle une logique transversale à celle dégagée dans le premier. Ainsi, le premier pôle de l’axe factoriel est celui de la « planification souple », dans laquelle par exemple la question de la fréquence des transports publics prime sur celle de la ponctualité, quelle qu’elle soit21. Un dispositif22 de transports publics qui répond à cette logique permet une certaine planification du temps sans obliger à prendre en compte des contraintes horaires. Dans cette cohérence de planification, l’organisation temporelle est structurée par les activités qui ne sont pas (nécessairement) déterminées une fois pour toutes. A l’inverse, l’autre extrémité de l’axe associe organisation libre des activités et rigidité des horaires : c’est une logique de « libre rigide ». Le référent n’est plus ici le rapport à l’organisation du temps, mais bien le rapport à la montre, dont la ponctualité des transports publics est un indicateur important (cette modalité intervient pour 13,3 % dans la construction de ce facteur).
78En résumé donc, ce deuxième facteur révèle les logiques opposées que sont, d’une part, la planification souple, c’est-à-dire sans tension aucune sur la ponctualité et où les activités structurent le temps, et, d’autre part, l’organisation libre mais rigide, où les horaires sont essentiels.
79Le troisième facteur soulève une nouvelle articulation de logiques relatives au contenu du temps et à sa gestion, et notamment à la question de la ponctualité. La problématique du contenu du temps est formalisée à travers les questions 35 (31,3 % de l’information du facteur) et 67 (17,2 %) ; les deux questions de ponctualité sont les questions 73 (9,1 %) et 81 (19,0 %), au sujet desquelles on remarquera que leurs apports respectifs à la construction de ce troisième facteur sont aussi différents qu’ils l’étaient à la constitution du premier facteur. La question du contenu est abordée, d’une part, à travers une question relative à l’occupation de ce qu’on pourrait appeler des temps interstitiels (typiquement un temps de trajet) et, d’autre part, à travers la question relative à l’organisation des activités. Un pôle de ce facteur reprend l’idée selon laquelle les temps de déplacement ne sont pas du temps perdu (22,6 % de l’information de ce facteur) et y associe une tendance à laisser les activités s’organiser comme elles viennent, de même qu’à considérer ‘souplement’ les retards. Interprété en regard de la principale modalité structurant ce facteur, apparaît ici une capacité à s’adapter au rythme temporel tel qu’il se présente, et sans doute en corollaire à attribuer des sens différents au(x) temps. À l’inverse, l’autre pôle associe une propension à essayer d’occuper le temps de trajet et à mal supporter les retards, avec une préférence pour un changement fréquent d’activités, pour peu que ce changement soit maîtrisé. Ici, on retrouve une volonté de domination du temps : le changement est valorisé du moment que le temps donne le sens qu’on lui recherche. C’est par cette composante de ‘maîtrise’ que se différencient les troisième et quatrième modalités de la question 67, relatives à l’organisation temporelle : l’une et l’autre font référence à un changement d’activités, le premier contenant cependant une volonté de maîtrise du temps qu’on ne retrouve pas dans le deuxième, lequel signifie davantage une adaptation de l’individu au rythme temporel tel qu’il se présente à lui.
80Ce troisième facteur oppose donc essentiellement une logique d’adaptation aux rythmes temporels à une volonté de maîtrise du temps.
81Le quatrième item de la question 67 (« Vous préférez que vos activités s’organisent comme elles viennent ») contribue à la construction des trois premiers facteurs, mais il s’y oppose chaque fois à un des trois autres items de réponse à cette question23. C’est l’intérêt de ce type d’analyse de mettre en lumière – à travers des oppositions différentes – combien une expression, d’apparence anodine, recouvre des apports de sens différents selon la logique de compréhension et d’appréhension du réel dans laquelle elle s’inscrit.
82Le facteur quatre est celui du rapport temporel à l’offre de transport. D’un côté, on retrouve une demande pour un dispositif constamment à disposition, avec toute l’importance de la fréquence de passage, et d’un autre côté, la demande vis-à-vis de l’offre se fait en terme d’horaire, puisqu’il importe que les modes de transport soient à l’heure, quelle que soit leur fréquence. L’intérêt de ce facteur est que les types de temporalités liées aux modes de transport et ceux qui sous-tendent les attitudes purement temporelles semblent en friction. On voit en effet qu’être pointilleux sur l’horaire des transports publics n’est pas exclusif d’une permissivité à arriver en retard aux rendez-vous avec des amis, comme nous le confirme l’association des modalités d’importance de la ponctualité des transports publics et de la tolérance de 15-20 minutes de retard pour un rendez-vous. De la même manière, à l’autre pôle, on voit s’associer les modalités d’importance de la fréquence des transports (non pas leur ponctualité) à celle de tolérance de cinq minutes de retard seulement pour un rendez-vous. En ce sens, ce quatrième facteur fait intervenir une distinction entre les différents types de ponctualité et la manière dont l’individu se positionne par rapport à ces types : il y a la ponctualité pour soi, celle relative à la structure et enfin celle se jouant dans l’interaction.
83Plus précisément maintenant, comment interpréter la logique dégagée par ce quatrième facteur ? À une première extrémité de l’axe, on retrouve une logique de « flux tendu », c’est-à-dire de rapport tendu à l’environnement : celui-ci doit toujours être disponible. Tout comme les transports publics doivent être fréquents, il n’est toléré aux professeurs que cinq minutes de retard24. On est donc bien dans une logique de dispositif. Ici, ce qui relève de l’offre de transport d’une part, de l’environnement social d’une autre, n’est pas différencié : tout doit être à disposition. Cette différenciation s’effectue cependant quand on considère l’autre extrémité de l’axe. Ici, la ponctualité exigée de l’offre de transport s’associe à un rapport plus souple aux temporalités de l’environnement : des informations claires sur les horaires permettent, entre ces contraintes structurelles, une certaine souplesse dans l’organisation du temps.
84Le cinquième facteur est centré presque exclusivement sur la question de la ponctualité, sans qu’on puisse dire pour autant qu’il en épuise le sens, et en particulier sur la ponctualité dans l’interaction. En effet, ni la question 72 relative à l’appréciation de sa propre ponctualité, ni la question 63 qui porte sur celle des transports publics ne pèsent dans ce facteur : celui-ci ne se réfère qu’à la ponctualité associée aux rendez-vous, en opposant les réponses tranchées (5 ou 15 à 20 minutes de retard) à celles plus modérées. Ce phénomène – classique dans ce type d’analyse factorielle – ne donne son sens que dans l’espace constitué par l’ensemble des facteurs retenus, et notamment à travers la mise en œuvre d’une analyse typologique. On notera ici que 35,2 % de l’information du facteur est apportée par la question 73 (ponctualité dans les rendez-vous avec les amis) et 27,0 % par la question 81 (ponctualité des professeurs). La modalité de « ventre mou » (la réponse « 10 minutes ») apporte une contribution de près du double des deux autres modalités.
85L’interprétation des facteurs dégagés peut être résumée comme suit :
• le premier facteur oppose le temps vécu librement, de manière souple à un temps vécu de manière planifiée et rigide.
• le second facteur révèle les logiques opposées que sont la planification souple (où l’organisation temporelle est structurée par les activités sans tension aucune sur la ponctualité) et l’organisation libre mais rigide (où le rapport à la montre est essentiel : rigidité des horaires et ponctualité des transports publics).
• Le troisième facteur oppose essentiellement une logique d’adaptation aux rythmes temporels à une volonté de maîtrise du temps.
• Le quatrième facteur oppose une logique de dispositif, où l’environnement physique et social doit, idéalement, toujours être disponible, et une logique scindant l’exigence sur la ponctualité de l'offre de transport et un rapport plus souple aux temporalités de l’environnement.
• Le cinquième facteur ne se réfère qu’à la ponctualité associée aux rendez-vous, en opposant les réponses tranchées à celles plus modérées. Il ne prendra son sens que dans l’espace constitué par l’ensemble des facteurs retenus, et notamment à travers la mise en œuvre de l’analyse typologique.
3.4. Analyse typologique des attitudes temporelles25
86Si l’analyse factorielle nous a éclairé sur les logiques ou les structures sous-jacentes au rapport au temps des répondants, elle ne nous a donné à lire que des résultats éclatés – axe par axe – et désincarnés. Une analyse typologique, menée sur base des résultats de l’analyse factorielle nous permet d’articuler et de « mettre de la chair » autour des logiques que nous venons de dégager. Cette « incarnation » s’opère par le positionnement des individus dans l’espace multidimensionnel constitué par les axes factoriels. Il s’agit ensuite d’analyser leurs proximités relatives dans l’espace factoriel afin de constituer des groupes, des classes d’individus présentant des attitudes temporelles similaires. Il s’agira alors d’observer les réponses apportées par les membres de ces groupes à l’ensemble des questions qui leur ont été posées. La lecture de ces résultats, la description et la compréhension des caractéristiques des individus composant les classes dégagées par l’analyse doivent se faire dans l’idée de contraster les profils des classes. Cette démarche conduira enfin à l’identification de liens éventuels entre des attitudes temporelles et des comportements de mobilité.
87Comme souligné précédemment, l’analyse typologique dont les résultats sont présentés ici a été menée sur base des coordonnées factorielles des répondants sur les cinq premiers facteurs, qui reprennent 37,3 % de l’information totale. La solution en sept classes26 fut retenue pour l’interprétation des résultats de la classification.
88Afin de compléter l’information, nous avons associé à la démarche une série de variables « illustratives », c’est-à-dire des variables n’intervenant pas dans la construction de la typologie mais portant elles-mêmes sur des questions d’ordre temporel. L’association particulière entre des modalités issues de ces variables et des types construit à partir d’autres variables, permet de compléter et de valider les analyses issues de la typologie.
89Ces variables illustratives portent à la fois sur la fréquence des activités parascolaires régulières qui structurent le temps des étudiants, sur la fréquence du retour au domicile parental pour les étudiants koteurs, sur l’usage et la fréquence de consultation d’aide-mémoire, sur la fréquence et la régularité des courses alimentaires, sur le rapport à la norme d’assistance au cours, sur la planification des journées et la logique d’organisation de multiples tâches, ainsi que sur le vécu du temps ces quatre dernières semaines.
90Outre ces questions à contenu proprement temporel, des modalités liées aux questions portant sur les sorties nocturnes à Bruxelles ont également permis de mieux comprendre l’attitude temporelle d’un des sept types, celui des « utilisateurs exigeants ». Nous avons également constaté des affinités entre certains types temporels et des variables telles que le sexe du répondant et l’existence d’un logement autonome.
Description des sept classes d’attitudes temporelles
• Les deux premières classes comprennent des individus pour lesquels le temps planifie les journées : l’organisation des horaires structure les activités.
• La troisième classe est exigeante quant au respect des horaires des modes de transport.
• Les quatre dernières classes, quant à elles, regroupent des individus disposant de leur temps sur un mode moins contraint par le respect des horaires.
Les « planificateurs détendus » et les « planificateurs crispés »
91Les deux premières classes se composent d’individus caractérisés principalement par des positions relatives aux attitudes temporelles, bien plus que par leur rapport aux temporalités des transports publics. Elles regroupent des individus fort semblables dans leur rapport au temps, mais qui peuvent néanmoins être différenciés selon le caractère « détendu » ou « stressé, crispé » de ce rapport au temps. En effet, reprenant toutes deux des individus planifiant leurs journées, se considérant comme pointilleux sur la ponctualité et préférant majoritairement garder leurs habitudes horaires (certains voulant régulièrement faire la même chose alors que d’autres préfèrent changer quelque peu d’activités), ces classes se distinguent l’une de l’autre en ce que les individus de la première sont des « organisés non crispés », c’est-à-dire pouvant gérer facilement plusieurs travaux en même temps et ne pas être trop sévères sur la ponctualité dans l’interaction, alors que ceux de la deuxième sont crispés sur le respect des horaires et sur la programmation d’activités successives.
92La première classe, les « planificateurs détendus » reprend 17,8 % des individus de l’échantillon total.
93L’accent mis, par cette première classe, sur la programmation du temps et le rapport détendu à cette dimension est confirmé par l’analyse des relations aux variables temporelles n’étant pas intervenues dans la construction de la typologie (variables illustratives). Ainsi, les activités se déroulent régulièrement : « avoir une seconde activité se déroulant une fois par semaine »27 est clairement associé à ce type d’attitude temporelle. L’usage d’un agenda pour retenir les dates d’activités qui les concernent et le fait que le dimanche précédent, ils ont « décidé la veille ou le matin même de ce qu’ils allaient faire », confirment l’accent mis sur la programmation du temps.
94Les individus de cette première classe semblent très organisés, cette organisation leur permettant d’être détendus face aux temps et aux activités. Cette assertion est confirmée par l’association aux items : « Face à une multitude de choses à faire, je les fais dans l’ordre d’importance », « Ces quatre dernières semaines, il m’est rarement arrivé de me sentir submergé ».
95La confirmation de cette attitude temporelle est également obtenue par l’observation des modalités dissociées du type temporel. On constate ainsi que la classe n’a pas d’affinité avec l’item selon lequel, le dimanche précédent, ils auraient « donné libre cours à leurs envies du moment et aux opportunités qui s’offraient à eux », ni avec celui supposant que « face à une multitude de choses à faire, je fais ce qui me paraît urgent et remets le reste à plus tard ». Enfin, les courses alimentaires faites « plusieurs fois par semaine » ou sans régularité affirmée (« ça dépend ») sont également des affirmations de comportements qui ne sont pas associées au type des « planificateurs détendus ».
96La deuxième classe, les planificateurs crispés, reprend 17,5 % des individus de l’échantillon total.
97Cette classe d’individus, tout en programmant son temps et ses activités, est beaucoup plus crispée sur les cadres temporels que la première classe. Un délai de cinq minutes est qualifié de retard à un rendez-vous, et « mener plusieurs travaux de front » relève de la gageure. À chaque temps doit correspondre une activité. Leur normativité sur la ponctualité est cependant auto-orientée. Elle ne peut se confondre avec celle qui pourrait être attendue des transports publics, caractéristique non spécifique à ces individus.
98Si, tout comme nous l’avons fait pour la première classe, on observe les modalités associées aux « planificateurs crispés », on constate que cette classe est fortement associée à « l’impression d’avoir souvent manqué de temps », au sentiment d’être « parfois, ou souvent submergé et de ne plus pouvoir en sortir », au fait « qu’il ne leur est jamais arrivé de ne rien faire » ou, encore, « d’avoir souvent eu l’impression d’être pressé par le temps » au cours des quatre dernières semaines.
99Cette classe est associée également au fait de « faire les courses une fois par semaine » et à la volonté « Face à une multitude de choses à faire, de les faire l’une après l’autre, dans l’ordre d’importance ». Enfin, le caractère ‘programmateur’ est encore confirmé par l’utilisation d’un « agenda » pour retenir les dates des activités et à l’absence d’usage de la « mémoire » à cet effet.
100La classe des « planificateurs crispés » se dissocie par contre des modalités exprimant peu de programmations temporelles. Elle ne s’associe pas avec le fait de « faire ce que l’on a envie de faire et remettre le reste à plus tard lorsque l’on a une multitude de choses à faire », ni avec le fait de « choisir » d’assister au cours en fonction de divers critères personnels.
101Enfin, la crispation sur la dimension temporelle est renforcée par la dissociation entre la classe et quelques modalités relatives aux vécus des quatre dernières semaines : « il m’est parfois arrivé de manquer de temps », « Il m’est rarement, voire jamais, arrivé d’avoir le sentiment d’être submergé et de ne plus pouvoir m’en sortir », « il m’est souvent arrivé de ne rien faire ».
Les « utilisateurs exigeants »
102La troisième classe reprend 11,5 % des individus de l’échantillon total.
103Cette classe a la particularité d’être essentiellement construite sur les questions traitant de la temporalité des modes de transport. On remarque en effet que la quasi-totalité des individus de cette classe (93,1 %) n’ont pas cité la fréquence de passage des transports publics comme critère de qualité de ces transports, mais qu’à l’inverse 88,9 % d’entre eux ont évoqué la ponctualité (pour un pourcentage dans l’échantillon total de seulement 19,9 % !). Cette troisième classe contient d’ailleurs un peu plus de la moitié des défenseurs de cette opinion. Constatons, de plus, que 45,8 % des individus membres de cette classe estiment que le trajet aller (vers Saint-Louis) est perçu comme étant plus long que le retour, puisque, dans la plupart des cas, le trajet aller est dicté par une activité (cours, T.P., etc.) obéissant à un horaire strict ; le stress généré par cette échéance horaire semble donner de la densité au temps.
104Notons cependant que 55,6 % des individus de cette troisième classe organisent leur semaine sur un mode ‘libre’, que 20,8 % d’entre eux préfèrent changer souvent d’activités dans l’organisation de leur temps (contre moins de 9 % dans l’échantillon). Il ressort que les individus appartenant à cette classe sont pointilleux sur la ponctualité des structures, dont les rendez-vous avec les professeurs (ou les cours, comme on l’a perçu en filigrane) font partie, ce qui ne les empêche pas de manifester une relative souplesse dans l’organisation de leurs activités. Nous touchons ici à une distinction révélée précédemment par l’analyse du quatrième facteur qui nous a amenés à distinguer différents types de ponctualité. Il s’agit bien ici d’une lecture de la ponctualité en termes de contrainte structurelle.
105« L’utilisateur exigeant » veut donc organiser librement son temps, ce que semble confirmer la modalité associée selon laquelle « lorsqu’ils ont des difficultés pour rentrer chez eux après une activité de soirée aux Facultés Saint-Louis, ils n’adaptent pas leur heure de retour à celle de leur ‘chauffeur’ ».
106Remarquons encore les proximités entre la troisième classe et les modalités selon lesquelles « lorsque je sors le soir à Bruxelles, j’attends les premiers transports publics du matin », et « lors des quatre dernières semaines, il m’est souvent arrivé d’avoir le sentiment d’être submergé et de ne plus pouvoir m’en sortir ».
107La classe 3 se dissocie par contre des réponses aux modalités selon lesquelles « lorsque j’ai des difficultés pour renter chez moi après une activité de soirée aux Facultés Saint-Louis, j’adapte mon heure de retour à celle de mon ‘chauffeur’ », « je n’utilise pas un agenda électronique », et « lors des quatre dernières semaines, il m’est rarement arrivé d’avoir le sentiment d’être submergé et de ne plus pouvoir m’en sortir ».
Les « libres détendus »
108La quatrième classe regroupe des individus très détendus face aux contraintes temporelles ; elle représente 13,1 % de l’échantillon total. Près de 80 % des individus de cette classe (pour 20 % dans l’échantillon) ne considèrent pas le temps de trajet comme du temps perdu. 70,7 % d’entre eux laissent leurs activités quotidiennes s’organiser comme elles viennent – soit une représentation deux fois plus importante que dans l’échantillon – ; ou encore, 67,1 % n’ont pas d’état d’âme particulier sur la perception de la durée des trajets aller (en l’occurrence ici : en direction des Facultés) et retour. À cela s’ajoute une tendance à se sentir « libre d’organiser sa semaine au fur et à mesure de son déroulement », à tolérer (pour soi et pour les autres) quinze à vingt minutes de retard aux rendez-vous ou encore à facilement gérer plusieurs travaux en même temps. On comprendra que ces personnes ne sont pas particulièrement attachées à la fréquence de passage des transports publics... Bref, les individus de la classe 4 ne sont nullement stressés et se sentent libres d’organiser leur temps au fur et à mesure de son écoulement, raisons pour laquelle nous les avons appelés « libres détendus »
109Cette posture détendue face à la dimension temporelle est confirmée par les modalités associées à la classe. Il leur est ainsi « rarement arrivé de s’ennuyer », « parfois arrivé d’avoir l’impression de manquer de temps », « rarement d’avoir l’impression d’être pressé par le temps » et « jamais d’avoir l’impression d’être submergé et de ne plus pouvoir s’en sortir ». De plus, ces étudiants n’ont pas d’activité structurant le temps en dehors des activités académiques et n'utilisent pas d’agenda. Remarquons encore que « les courses alimentaires sont faites plusieurs fois par semaine ». Toutes ces modalités confirment la relation détendue à la dimension temporelle.
110Notons enfin que cette classe est associée aux modalités « homme », « habite en kot ou en logement autonome » et « rentre chez ses parents au moins deux fois par mois ».
111La classe 4 se dissocie des réponses aux modalités : ces quatre dernières semaines, il ne m’est « jamais arrivé de m’ennuyer », « souvent d’être pressé », « souvent de manquer de temps ». Elle est également dissociée de l’item : « je consulte mon aide-mémoire une fois par jour ». Tout ceci confirme, nous semble-t-il, le rapport détendu au temps que manifestent les membres de cette classe.
Les « libres exigeants »
112La cinquième classe, les « libres exigeants », reprend 18,6 % des individus de l’échantillon total.
113Les personnes constituant la cinquième classe préfèrent « construire leurs journées au fur et à mesure de la semaine » (82,1 % des individus) et « laisser les activités s’organiser comme elles viennent » (près de 60 %) au cours de la journée. De plus, ces personnes ne se disent pas particulièrement ponctuelles (« ni l’un ni l'autre » : 64,9 %). Elles attendent cependant du « dispositif » dans leur environnement : pour 76,1 % d’entre elles, la fréquence de passage des transports publics est un critère de qualité. L’organisation libre non contrainte par le respect d’horaires – des activités se déploie confortablement dans un univers où les transports publics sont disponibles (99 % des individus ne citent pas la ponctualité des transports publics comme étant un critère de qualité des transports).
114Le caractère « libre » face à la dimension temporelle est également confirmé par les modalités associées à la cinquième classe. Les étudiants qui composent ce type n’utilisent pas de calendrier, ni un agenda pour retenir les dates de leurs activités. Pour ce faire, ils préfèrent faire « appel à leur mémoire ». De plus, ces étudiants considèrent que, ces quatre dernières semaines, ils ont été « rarement submergés » et il leur est arrivé « souvent de ne rien faire ». Ils décident, par ailleurs, d’assister au cours en fonction de différents critères personnels.
115La classe 5 se dissocie des réponses aux modalités selon lesquelles, ces quatre dernières semaines, ils « se sont sentis souvent submergés », il ne leur est « jamais arrivé de ne rien faire », mais également « face à une multitude de choses à faire, je les fais par ordre d’importance », « j’essaye d’assister à tous les cours » ou « je fais les courses alimentaires une fois par semaine ».
Les « programmateurs souples » et les « libertaires »
116Un taux de réponses manquantes plus élevé que dans les autres classes caractérise d’abord les sixième et septième classes. Elles sont composées d’individus ayant un rapport pour le moins lâche à la ponctualité : ils se qualifient majoritairement comme « n’étant jamais ponctuels » et ne considèrent un délai comme retard qu’à partir de 15 ou 20 minutes... Est-il étonnant qu’ils qualifient de « difficile » une situation où ils doivent gérer plusieurs travaux en même temps ?
117La sixième classe, les « programmateurs souples », reprend 11,5 % de l’échantillon total.
118La proportion de retard « à partir de quinze à vingt minutes » y est deux fois plus élevée que dans la population totale. Cependant, la planification demeure importante pour les membres de cette classe car ils « aiment garder leurs horaires au fil de la journée même si les activités qui y trouvent place peuvent varier » (59,7 %) et ils qualifient l’organisation de leurs journées de semaine de « planifiée » (77,8 %).
119Par ailleurs, la sixième classe se caractérise par une logique de dispositif : les individus mettent l’accent sur l’importance de la fréquence de passage des transports publics, plus que sur leur ponctualité. On est donc bien en présence d’individus dont le rythme est structuré par les activités, par rapport auxquelles la disponibilité des transports doit toujours être assurée et ce, d’autant plus que le temps passé à se déplacer est vu comme du temps perdu. Remarquons également que le trajet pour venir à Saint-Louis leur semble moins long que le trajet retour.
120Les modalités associées à et dissociées de la classe font surgir l’hypothèse que les membres de la classe 6 présenteraient peu de densité d’activités. Mais cette hypothèse devrait être confirmée par des études ultérieures. Leurs activités parascolaires ne sont ainsi pas très fréquentes car la « première activité » a lieu « plusieurs fois par mois ». On observe, de plus, la dissociation avec la modalité « la première activité se déroule une fois par semaine ».
121Les individus de la classe 6 se sont « parfois ennuyés » ces quatre dernières semaines. On constate, de plus, que la modalité « il m’est arrivé rarement de ne rien faire » est dissociée de la classe. Ces deux dernières observations peuvent être interprétées comme une difficulté de donner du « sens » au temps.
122Enfin, il s’agit là principalement d’étudiants vivant encore chez leurs parents et dont l’autonomie dans la gestion du temps et des activités n’est peut-être pas encore affirmée.
123La septième classe, les « libertaires », reprend 10 % de l’échantillon total.
124Les membres de cette classe ont une vision plus libre de l’organisation de leurs journées de semaine et quand ils ont plusieurs choses à faire, c’est l’envie qui dicte leurs priorités. Cette lecture d’un rapport particulièrement souple et peu organisé au temps est confirmée par l’analyse des modalités associées à la classe : « Vous ne disposez pas de documents reprenant les calendriers de vos activités spécifiques ». Il n’est dès lors pas étonnant de constater que ces quatre dernières semaines, ils ont « souvent manqué de temps », ils se sont « souvent sentis submergés », et ont « souvent eu l’impression d’être pressés par le temps ». La classe se dissocie, par contre, de la modalité : « vous essayez d’assister à tous les cours ».
125La septième classe d’individus se distingue encore de la sixième sur son rapport aux transports publics : les membres de la septième classe ne mettent pas l’accent sur la fréquence de passage et estiment le trajet aller vers les Facultés plus long que le trajet retour.
126La septième classe est associée à la modalité « femme ».
• En résumé, la classification hiérarchique dégagée suite à l’analyse factorielle des correspondances multiples fait apparaître sept types d’individus se distinguant les uns des autres par des attitudes temporelles spécifiques.
• Le premier type identifie des individus planifiant sans crispation leurs horaires. Nous les avons appelé les « planificateurs détendus » (17,8 %).
• Le deuxième type reprend des individus planifiant leurs horaires et qui sont crispés par leur respect. Nous les avons appelé les « planificateurs crispés » (17,5 %).
• Le troisième type rassemble les individus exigeant le respect de la ponctualité de l’offre de transport, sans pour autant être particulièrement crispés quant à l’organisation de leurs activités ou face à la disponibilité des autres personnes. Nous les avons appelé les « utilisateurs exigeants » (11,5 %).
• Le quatrième type concerne des individus qui ne sont nullement crispés et se sentent libres d’organiser leur temps au fur et à mesure de son écoulement. Nous les avons appelé les « libres détendus » (13,1 %).
• Le cinquième type identifie les personnes pour qui l’environnement doit être disponible lorsqu’ils le désirent. Nous les avons appelé les « libres exigeants » (18,6 %).
• Le sixième type reprend les individus programmant leurs activités sans pour autant avoir des horaires à respecter. Nous les avons appelé les « programmateurs souples » (11,5 %).
• Le septième type est marqué par des individus ayant un rapport lâche avec les contraintes temporelles et agissant volontiers selon leurs envies. Nous les avons appelé les « libertaires » (10 %).
Typologie temporelle et rapport à la mobilité
127L’étude des liens entre types d’attitudes temporelles et rapport à la mobilité a déjà été en partie opérée lors de la construction typologique en analysant certaines variables illustratives propres aux comportements de mobilité et aux perceptions des modes de transport. Dans ce paragraphe, nous étudierons encore d’autres variables illustratives28. Elles concernent, outre les questions liées aux sorties nocturnes déjà évoquées dans l’analyse de la typologie des attitudes temporelles, une série de questions traitant des modes de transport et de leurs usages. On y retrouve ainsi à la fois les questions concernant les modes de transport utilisés pour se rendre et pour quitter les Facultés mais aussi la fréquence de l’usage des différents modes au cours des douze derniers mois, la disposition d’un vélo et les raisons de ne pas l’utiliser ou de ne pas utiliser les transports en commun, les facteurs influençant le choix d’un mode de transport lorsqu’une alternative est présente, la perspective, ou non, d’acheter une automobile et enfin les questions relatives à la qualification, la satisfaction et les attentes face aux modes de transport, dont nous avons parlé à la section 3.2.
128Comme nous l’avons dit précédemment, nous travaillons sur une population particulière, celle d’étudiants dont les moyens financiers ne sont généralement pas trop importants, subissant des contraintes temporelles et spatiales très similaires dans leurs activités étudiantes (les horaires sont peu variables d’un auditoire à l’autre et tous doivent se rendre aux Facultés pour suivre les cours). De ce fait, lorsque nous cherchons à dégager des affinités entre types d’attitudes temporelles et rapport à la mobilité, ce sont des tendances que nous observons. Autrement dit, même s’ils ne sont pas toujours en adéquation parfaite, rapports aux modes de transport et rapports au temps ne sont pas pour autant indépendants, loin s’en faut.
Attitudes temporelles et critères de qualité des transports publics
129Comme le montre le tableau 3.10., il existe des liens clairs entre les attitudes temporelles et les critères de qualité attendus des transports publics à Bruxelles que nous avions examinés dans la section 3.2.29. Si cette réflexion est triviale en ce qui concerne la ponctualité et la fréquence qui furent deux modalités insérées dans le processus de construction des types temporels, il est nettement plus étonnant de constater que les autres critères de qualité proposés ont presque tous des affinités ou des antipathies avec l’un ou l’autre type d’attitude temporelle.
130La vitesse est ainsi plus souvent citée par les « libertaires » de la classe 7 comme étant un critère de qualité important mais moins souvent citée par les « libres exigeants » de la classe 5. La structure du réseau est mise en avant par les « libres détendus » de la classe 4. La sécurité dans les véhicules est jugée plus importante par les « utilisateurs exigeants » de la classe 3, et celle dans les stations et aux arrêts par les « libres détendus ».
131Le critère du prix montre une opposition : il est valorisé par les « utilisateurs exigeants » et les « libres détendus », mais est moins important pour les « libres exigeants » et les « programmateurs souples ».
132Le confort est un critère plus fréquemment cité par les « utilisateurs exigeants » et les « libertaires » ; l’information en cas de situation perturbée est valorisée à nouveau par les « libertaires », mais aussi par les « planificateurs détendus », ce qui n’est pas étonnant quand on connaît leur souhait de maîtriser leur programmation du temps. En revanche, les « libres exigeants » accordent moins d’attention à ce critère. Enfin, la propreté est peu citée par les « programmateurs souples », mais est plus souvent revendiquée par les « utilisateurs exigeants ». Ces derniers portent bien leur nom puisqu’on observe qu’ils sont proportionnellement les seuls à citer plus souvent cinq critères de qualité (la ponctualité, le prix, la sécurité dans les véhicules, le confort et la propreté) pour exprimer leurs attentes envers les transports publics.
Attitudes temporelles et modes de transport
133Une première information étonnante surgit lors de l’analyse : trois types temporels présentent une forte association et/ou une forte opposition avec un ou des modes de transport dans leur trajet pour venir ou repartir des Facultés Saint-Louis. La classe 4, les « libres détendus », ne sont pas usagers du train au quotidien pour se rendre ou quitter les Facultés. Ils utilisent par contre volontiers le bus. La classe 5, celle des « libres exigeants », est plutôt composée de marcheurs, mais contient peu d’utilisateurs des bus. La classe 7, les « libertaires » ne sont pas des passagers automobiles.
134Ces observations confirment que des liens entre attitudes temporelles et usages des modes de transports sont bien présents. L’homogénéité de la population ne favorise cependant pas une discrimination forte dans l’usage modal. Les observations des classes 1, 3 et 6, pas suffisamment fiables statistiquement dans cette analyse, seraient sans doute confirmées dans une population plus hétérogène.
135Outre l’usage modal, d'autres modalités propres aux comportements de mobilité et à l’appréciation des modes de transport présentent une association particulière avec certains types d’attitudes temporelles. Nous les présentons ci-après.
136Les « planificateurs détendus » de la classe 1 considèrent que le métro est « pratique » bien qu’ils ne le qualifieraient pas, tout comme le bus, de « rapide ». Ils jugent la qualité du métro satisfaisante à Bruxelles. Remarquons également qu’en matière de comportement de mobilité, ils « n’attendent pas les transports publics du matin s’ils sortent le soir à Bruxelles ». Ceci peut sans doute s’expliquer par la planification des retours au domicile lors des ‘sorties’.
137Les « planificateurs crispés » de la classe 2 ne semblent pas avoir beaucoup d’affinités avec l’automobile : d’une part, plus que les autres, ils « n’envisagent pas d’acheter une automobile et espèrent pouvoir se dispenser d’un tel achat » et, d’autre part, ils sont proportionnellement moins nombreux à citer l’item envisageant l’achat d’une automobile « lorsqu’ils auront des revenus réguliers ». Ces étudiants n’utilisent d’ailleurs pas non plus la voiture « comme passagers » lorsqu’ils « sortent » à Bruxelles.
138Les membres de la deuxième classe estiment par ailleurs que le tram est inadapté à leurs besoins et sont proportionnellement moins nombreux à considérer que le métro est adapté à leurs besoins. Enfin, ils sont plus nombreux à justifier leur refus d’usage du vélo au quotidien par le fait que « les trajets ont une durée excessive et sont incompatibles avec les horaires des cours », ce qui confirme leur crispation sur le respect des horaires.
139Enfin, du point de vue des comportements de mobilité, les « planificateurs crispés », « écourtent leur soirée pour pouvoir rentrer en sécurité s’ils estiment avoir des difficultés (longue attente, absence de transport...) pour rentrer chez eux après une activité de soirée aux Facultés ».
140Les « utilisateurs exigeants » de la classe 3 considèrent que le train est « lent ». À l’inverse des planificateurs crispés, ils ne répondent pas « espérer pouvoir se dispenser de l’achat d’une automobile », voiture à laquelle ils sont proportionnellement moins nombreux à associer la modalité « polluant ». Ces étudiants sont d’ailleurs plus nombreux à utiliser la voiture en tant que ‘passagers’« un à quelques jours par semaine ».
141Sans être des adeptes du vélo, ils sont peu enclins à estimer qu’il « n’est pas pratique » et ne justifient pas leur absence d’usage de ce mode de transport pour cause de « distance excessive ». Enfin, les membres de la classe 3 ne consacrent pas l’argent qu’ils gagnent dans des transports « privés » (achat de vélo, usage ou achat automobile...)
142Les « libres détendus » de la classe 4, ne sont pas des utilisateurs quotidiens du train, ils utilisent néanmoins ce mode de transport « un à quelques jours par semaine ». Ces étudiants sont moins nombreux proportionnellement à qualifier le train de « lent » et « d’écologique ».
143Les « libres détendus » estiment que le vélo n’est « pas pratique ». Ce n’est pourtant ni « la distance, ni la durée excessive ou l’incompatibilité d’horaire » qui sont évoquées pour justifier leur non-usage de ce mode de transport pour les trajets vers les Facultés. Sans doute est-ce suite à cette conception qu’ils ne disposent pas d’un vélo en semaine.
144La qualité du transport par bus à Bruxelles, qu’ils expérimentent au quotidien comme nous l’avons vu plus haut, n’est pas considérée comme « peu satisfaisante ». La faiblesse du service nocturne des lignes de bus (Le service Noctis n’existait pas encore au moment de l’enquête) explique sans doute pourquoi « lorsqu’ils sortent le soir à Bruxelles, ils marchent pour rentrer chez eux ». Notons encore que les « libres détendus » sont associés à la perception de l’automobile comme « confortable ».
145Les « libres exigeants » de la classe 5 sont des adeptes de la marche à pied quotidienne pour se rendre aux Facultés et n’utilisent pas le bus, comme nous l’avons fait remarquer au début de cette section. Ces étudiants sont moins nombreux à estimer l’automobile « chère ». Peut-être est-ce parce qu’ils ne se sont « encore jamais vraiment posé la question de l’achat d’une automobile ». Enfin, les membres de la classe 5 jugent la qualité du train « satisfaisante » à Bruxelles.
146L’automobile est jugée « pratique » par les « programmateurs souples » de la classe 6, qui ne sont pas particulièrement satisfaits par le service offert par le métro à Bruxelles (association à la modalité « peu satisfaisante » et dissociation de la modalité « pas du tout satisfait »). Enfin, les programmateurs souples n’évoquent pas la modalité « distance excessive » pour justifier leur non-usage de la bicyclette.
147Comme nous l’avons vu précédemment, les membres de la classe 7 ne sont pas des passagers automobiles. Ils n’utilisent pas plus « la voiture pour venir aux activités de soirées aux Facultés », mais quand ils rentrent chez eux le soir après être ‘sortis’, ils n’hésitent pas à faire appel au taxi.
148Si le tram n’est pas qualifié de « rapide » par eux, et que le train les insatisfait à Bruxelles, ils trouvent le bus « adapté à leurs besoins ». De toute manière, c’est « l’arrivée d’un des modes de transport possibles » qui interviendra dans le choix modal pour se rendre aux Facultés. Notons enfin qu’ils considèrent le vélo comme lent.
Conclusion
149Comme nous l’avons précisé dès le départ, les données étudiées dans ce chapitre concernent une population spécifique, celle des étudiants de premier cycle des Facultés universitaires Saint-Louis. Les résultats obtenus ne peuvent dès lors prétendre appréhender de manière exhaustive la population étudiante à Bruxelles, ni a fortiori la population se déplaçant en région bruxelloise. Ils doivent être entendus comme des enseignements prospectifs qui, du point de vue du contenu, ouvrent des pistes de réflexion, à nos yeux intéressantes, et qui, du point de vue méthodologique, augurent de développements ultérieurs prometteurs.
150Du point de vue du contenu, la première partie du travail relative à la perception des modes de transport nous a conduit, grâce à la technique d’analyse factorielle des correspondances binaires, à voir que les qualificatifs les plus souvent cités en association à des modes de transport ne nous donnent pas nécessairement à comprendre ce qui structure fondamentalement les opinions relatives aux modes de transport. Dans notre cas, le couple « rapide - lent » est apparu ainsi moins structurant dans l’image des modes de transport que le couple « écologique - polluant », alors que les qualificatifs « rapide » et « lent » étaient plus souvent associés à l’un ou l'autre mode de transport.
151Factuellement, quoique la population soit spécifique, nous pouvons quand même relever que l’appréciation des modes de transport est légèrement différente que l’on soit un utilisateur régulier ou non, ce qui demeure trivial. Il est déjà plus étonnant de remarquer que l’appréciation des utilisateurs réguliers peut être moins bonne que celle de l’ensemble de la population (ce que nous avons pu par exemple observer pour le métro).
152Dans la seconde partie du travail quantitatif, l’analyse factorielle des attitudes temporelles a permis d’identifier cinq facteurs interprétables. Chacun d’eux participe à l’explication des réponses obtenues aux questions portant sur les attitudes et opinions temporelles. Ils doivent être interprétés comme des axes présentant des structures d’opposition.
153Le premier facteur oppose le temps vécu librement, de manière souple, à un temps vécu de manière planifiée et rigide.
154Le deuxième distingue, d’une part, la planification souple où l’organisation temporelle est structurée par les activités, sans tension aucune sur la ponctualité et, d’autre part, l’organisation libre mais rigide, où le rapport à la montre est essentiel.
155De son côté, le troisième facteur oppose essentiellement une logique d’adaptation aux rythmes temporels à une volonté de maîtrise du temps.
156Le quatrième facteur oppose quant à lui une logique où l’environnement physique et social doit toujours être disponible et une logique scindant l’exigence sur la ponctualité de l’offre de transport et un rapport temporel plus souple aux temporalités de l’environnement.
157Enfin, le cinquième facteur ne se réfère qu’à la ponctualité associée aux rendez-vous, en opposant les réponses tranchées à celles plus modérées. Il ne prend son sens que dans la suite de l’analyse.
158Ces cinq facteurs dessinent un espace à cinq dimensions au sein duquel chaque répondant, par ses réponses aux questions d'attitudes temporelles, trouve sa place. Il est dès lors possible de regrouper les individus les plus proches dans leurs réponses afin de déterminer des types d’attitudes temporelles différentes. C’est l’opération que nous avons réalisée dans l’analyse typologique. Celle-ci nous a permis de définir sept types d’attitudes temporelles différentes : les « planificateurs détendus », les « planificateurs rigides », les « utilisateurs exigeants », les « libres détendus », les « libres exigeants », les « programmateurs souples » et, enfin, les « libertaires ». La logique temporelle propre à chaque type d’attitude, identifiée grâce aux variables « actives » insérées dans l’analyse typologique, a été clairement confirmée par l’analyse des variables temporelles « illustratives ».
159L’analyse des relations existant entre les types d’attitudes temporelles issus de la démarche classificative et les rapports à la mobilité ont permis de confirmer l’hypothèse générale sous-tendant cette étude : cette relation existe bel et bien.
160On observe ainsi des liens clairs entre les attitudes temporelles et les critères de qualité attendus des transports publics, puisqu’à l’exception d’un seul critère de qualité proposé (la desserte du quartier), tous les autres (vitesse, prix, structure du réseau, sécurité, confort, propreté...) ont des affinités ou des antipathies avec l’un ou l’autre type d’attitude temporelle.
161De plus, plusieurs types temporels présentent une forte association et/ou une forte opposition avec un ou plusieurs modes de transport. Ce constat est d’autant plus étonnant que l’homogénéité de la population étudiée ne favorise pas une discrimination forte dans l’usage modal. Ce rapport entre type temporel et mode de transport est également confirmé par l’examen du grand nombre de modalités – plus disparates – propres aux comportements de mobilité ou à l’appréciation des modes de transport. Toutefois, les liens entre ces modalités et les types temporels mériteraient d’être approfondis dans une étude plus générale afin de parvenir à dépasser le simple constat d’associations diverses pour dégager les logiques présidant à ces associations.
Comparaison des typologies qualitative et quantitative
162La comparaison des deux typologies – qualitative (chapitre deux) et quantitative – apporte elle aussi son lot d’informations. Tout d’abord, ces deux typologies ne se correspondent pas terme à terme, ce qui est assez logique puisque les populations interviewées sont très différentes (d’une part des parents d’enfants de moins de douze ans et, pour la plupart, engagés dans la vie professionnelle et, d’autre part, des étudiants) et que les méthodologies utilisées pour les mettre en œuvre sont elles aussi très différentes. Néanmoins, la comparaison permet d’affiner les observations réalisées dans chaque perspective, et conduit ainsi à préciser les dimensions intervenant dans les temporalités des mobilités30.
163La planification – soit l’organisation anticipée des activités – est une dimension mise en avant dans les deux typologies. Cependant, force est de constater qu’au delà du vocabulaire identique aux deux résultats analytiques, des nuances apparaissent dans les sens attachés au terme « planification ». Dans la seconde typologie, nous avons insisté sur le rapport à l’horaire présidant à l’organisation anticipée des activités, au temps de la montre, ce qui n’est que partiellement le cas dans la typologie qualitative. Ainsi le planificateur ‘rigide’ est attentif à cette forme d’organisation, alors que le planificateur ‘souple’ ne fait pas nécessairement référence à celle-ci. Dans cette optique, si l’on imagine où se situerait Albert le ‘planificateur souple’ dans le cadre de la typologie quantitative, on remarquerait qu’il présente des traits proches, à la fois, du « planificateur détendu » et du « programmateur souple » !
164Cette différence d’interprétation du terme « planification » se double du fait que l’accent est posé sur des dimensions différentes qualifiant la (les) planification(s) dans les deux approches. Dans l’approche qualitative, nous parlions de planificateurs ‘rigides’ et ‘souples’, alors que par la méthode quantitative nous avons distingué les planificateurs « détendus » et « crispés ». Ces deux dimensions ne peuvent se confondre. L’approche qualitative spécifie la rigidité de la planification opérée par les acteurs. Le cas de Lucie nous montrait combien il était délicat pour elle d’opérer un changement dans l’organisation de ses multiples activités. Cependant, Lucie était étonnamment détendue face à cette planification qui lui permettait de savoir à tout moment ce qu’elle devait être en train de faire. L’approche quantitative, pour sa part, met l’accent sur le vécu du temps31. L’acteur a-t-il un rapport « crispé » ou « détendu » à sa propre programmation... qu’elle soit ‘rigide’ ou ‘souple’ ?
165Le ‘planificateur rigide’ vivant le temps comme Lucie se retrouverait sans doute parmi les planificateurs « détendus », tout comme le ‘routinier’, qui vit un temps prescrit régulier, extérieur à lui, et n’en sent dès lors pas la contrainte. Nous pourrions tout aussi bien imaginer un ‘planificateur rigide’ vivant sa planification de manière « crispée ». Nous sommes donc bien en face de deux dimensions différentes.
166‘L’improvisateur réactif’ répond sans cesse quant à lui à un environnement changeant chargé de contraintes temporelles qu’il faut articuler, sa planification s’apparentant à un scénario possible. Il est réactif aux contraintes extérieures et pro-actif dans sa maîtrise du futur. Il se distingue de ‘l’improvisateur impulsif’ qui se définissait comme la seule source de ses choix d’activités ici et maintenant. La distinction qui s’opère dans ces formes ‘d’improvisation’ repose sur l’extériorité ou le choix (source interne) des contraintes temporelles que l’acteur va observer et sur la volonté ou non d’anticiper les activités futures.
167Ces dimensions ne se retrouvent pas dans la typologie issue de la démarche quantitative. Le rapport à l’extériorité des contraintes n’y a pas vraiment été interrogé. Les dimensions mises en avant dans les quatre types ne se référant pas à une planification horaire sont, d’une part, la volonté d’organiser librement ses activités (ce qui caractérise les « libres détendus » et les « libres exigeants ») et le rapport lâche à la ponctualité (qui spécifie les « programmateurs souples » et les « libertaires »).
168La volonté « d’organiser librement » s’oppose dans ce cas à la planification organisée sur une base horaire qui s’apparente à une contrainte. Cette dimension n’est pas antinomique avec le fait de subir ‘l’extériorité de contraintes temporelles’ ; rien ne nous dit que le choix des activités – et des temporalités qu’elles supposent – est ‘libre’. Il ne serait d’ailleurs pas surprenant de constater que les ‘improvisateurs réactifs’ présentent la volonté d’organiser librement leurs activités... dont la source est externe.
169De même, le rapport lâche à la ponctualité qui caractérise le « libertaire » ne permet pas de le confondre avec ‘l’improvisateur impulsif’ qui n’était pas identifiable à cette caractéristique, même si « l’envie » mise en avant par les « libertaires » s’apparente à la ‘source interne’ des contraintes temporelles. Notons encore que le ‘stochastique’ présenterait sans doute également des similitudes avec ces « libertaires », car rien ne nous dit que les libertaires ont une quelconque volonté de maîtriser leurs temps.
170Enfin, « l’utilisateur exigeant » est une classe qui nous semble trop directement marquée par le rapport aux modes de transport pour pouvoir être comparée à la typologie qualitative qui se concentre plus exclusivement sur les attitudes temporelles. Cette classe a sans doute pu émerger statistiquement grâce au manque de précision des indicateurs utilisés dans la construction factorielle. Cette imprécision n’était toutefois pas évitable d’emblée, vu que nous nous trouvions dans une perspective exploratoire et originale.
171Ainsi, la comparaison des deux typologies est riche d’enseignements. Elle nous permet, tout d’abord, d’identifier des dimensions que chaque démarche méthodologique, prise séparément, a occultées. Elle conduit, ensuite, à préciser les dimensions issues de ces deux démarches, là où une lecture trop rapide aurait confondu des dimensions diverses camouflées sous un vocabulaire identique. Enfin, l’identification et la précision des dimensions permettent d’envisager l’intégration des dimensions manquantes dans des recherches ultérieures utilisant la voie quantitative ou qualitative.
Apports méthodologiques
172D’un point de vue méthodologique, les analyses factorielles et typologiques montrent ici tout leur intérêt puisqu’elles permettent de dépasser les études basées sur de simples variables apparentes, pour construire des variables plus complexes (les attitudes temporelles) qui ne peuvent être observées directement par une simple question. Toutefois, la démarche prospective, explorée dans ce chapitre, pourrait être améliorée dans des études ultérieures. Retenons de cette tentative quelques dimensions qui mériteraient d’être utilisées à l’avenir pour appréhender les attitudes temporelles32 : la conception planifiée ou non du temps (Q67 et Q68) ; la régularité et le changement (Q67, Q 68) ; le rapport à la ponctualité, tant dans l’attente face aux autres acteurs – que la relation soit statutaire ou non –, que dans les exigences personnelles que l’acteur se donne (Q72, Q73, Q81) ; la difficulté à organiser le temps (Q77) ; ou encore l’usage de la mémoire ou d’aides pour gérer les activités à venir (Q64, Q66)33.
173La fréquence de vécus du temps tels que « l’ennui », « l’impression de manquer de temps » ou « d’être pressé »... (Q76)34 semble être une variable qu’il faudrait mieux valoriser et ce, peut-être dès le début de la démarche factorielle, tant elle résonne avec les attitudes temporelles construites par l’analyse.
174Il serait utile, de plus, d’interroger directement le rapport détendu ou crispé qui apparaît entre le mode d’organisation du temps souhaité et la gestion effective des contraintes. Ces postures ‘détendues’ et ‘crispées’ ne sont en effet apparues qu’en cours d’analyse des résultats des procédures factorielles et typologiques.
175Comme nous l’avons signalé précédemment, la classe de l’utilisateur exigeant, plus orientée vers la relation aux modes de transport que vers la définition à proprement parler d’une « attitude temporelle », devrait nous conduire à interroger l’usage de certaines variables. Ainsi serait-il sans doute bon de mieux pondérer les apports, dans le processus factoriel, des questions relevant de l’occupation du temps de trajet et du vécu de ce temps (Q35), et de la discrimination entre « ponctualité » et « fréquence » dans les attentes temporelles exprimées face aux transports publics (Q63).
176Outre les dimensions ayant pu émerger de l’analyse, il serait bon, pour des études quantitatives ultérieures, d’être attentif à l’adjonction d’indicateurs concernant la planification des activités sans rapport à un horaire, à la rigidité de la planification opérée par les acteurs, à la volonté, ou non, d’anticiper les activités futures (qui peut se manifester par la planification ou la proactivité), et, enfin, à l’extériorité ou au choix des contraintes temporelles que l’acteur observe, toutes ces dimensions ayant été révélées par la comparaison des deux typologies.
177Au-delà de la dimension temporelle, l’enquête menée aux Facultés universitaires Saint-Louis et les analyses qui en sont issues, ouvrent également de nombreuses voies pour l’amélioration des enquêtes de mobilité. L’une d’elles concerne la définition des modes de transport eux-mêmes. Nous avons ainsi été confrontés à la double lecture de l’item « train » qui, pour certains, fait appel à un imaginaire de train de banlieue et, pour d’autres, à la symbolique du TGV et du voyage de longue distance. La mesure des attentes et de l’appréciation de ce mode de transport devient dès lors rapidement délicate vu que la différenciation des imaginaires ne peut être opérée a posteriori. Ce constat d’une multiplicité d’imaginaires, évident au niveau du train, semble également présent en ce qui concerne le vélo et l’usage de la marche comme modes de déplacement. Comment ne pas se demander si une telle diversité d’images n’existe pas pour les autres modes de transport ? Parvenir à décomposer les images relatives aux modes de transport devrait permettre d’améliorer les analyses concernant l’usage et le report modal.
Notes de bas de page
1 Depuis 2004-2005, le premier cycle est passé à trois ans (baccalauréat).
2 Le questionnaire d’enquête est disponible auprès des auteurs (ces@fusl.ac.be) et figure dans le rapport de recherche remis à la Région de Bruxelles-Capitale.
3 Il s’agit du ou des parents chez qui se situe le domicile de l’étudiant ou chez qui se situait ce domicile lorsque l’étudiant s’est autonomisé.
4 Plusieurs réponses étaient possibles, ce qui explique le total supérieur à 100 %.
5 L’usage de la voiture en tant que conducteur s’explique ici par le fait que bon nombre d’étudiants sont en écolage automobile.
6 Les pourcentages de cette colonne sont fortement influencés par le fait qu’un grand nombre d’étudiants ne disposent pas encore de leur permis.
7 Tableau non montré.
8 Tableau non montré.
9 40 % de ces étudiants « monomodaux » utilisent exclusivement le métro.
10 En ce, compris la marche.
11 Il s’agit de recherches menées par l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (Suisse) en Ile de France, dans l’agglomération lyonnaise, dans l’agglomération strasbourgeoise, à Aix en Provence, Genève, Berne, Thônex et Zollikofen. (Kaufmann, Jemelin et Guidez, 2001 ; Kaufmann, Jemelin et Joye, 2000). Cette étude invitait les répondants à associer, de manière ouverte, des images à divers modes de transport. Du traitement de ces réponses ouvertes, l’équipe de recherche a retiré un ensemble de qualificatifs et d’oppositions dont nous nous sommes inspirés pour construire notre question.
12 L’analyse factorielle des correspondances binaires se fonde sur un tableau de contingence croisant les modes de transport et les qualificatifs. Elle en extrait des facteurs censés « résumer » l’information. Le détail de l’analyse peut être obtenu auprès des auteurs (ces@fusl.ac.be) et se trouve dans le rapport de recherche remis à la Région de Bruxelles-Capitale.
13 Il faut néanmoins prêter attention au fait qu’une telle représentation graphique présente les résultats sur un plan – soit en deux dimensions. Or, l’analyse peut nous amener à considérer que trois (ou plus de) dimensions sont pertinentes. La proximité sur le plan ne peut donc pas être prise pour argent comptant si l’on sait devoir s’orienter dans un espace à trois dimensions, ou plus.
14 « Diriez-vous que, à Bruxelles, la qualité des transports publics suivants est globalement... Très satisfaisante, satisfaisante, peu satisfaisante, pas du tout satisfaisante ? » Les réponses devaient être données pour le bus, le train, le métro et le tram.
15 « Voici une liste de critères de qualité que doivent rencontrer les transports publics à Bruxelles. Pouvez-vous pointer les trois critères les plus importants à vos yeux ? Veuillez indiquer soit 1 (= le plus important), soit 2, soit 3 à côté des trois items choisis » Les items sont présentés dans le tableau 3.9. La question demandait d’identifier les critères de manière globale aux différents modes de transport public. Étant située juste après la question de la satisfaction des modes de transport, on peut raisonnablement penser que les étudiants y ont répondu en référence au train, au bus, au métro et au tram.
16 Cet indice est obtenu en sommant les positions dans lesquelles le critère est cité (où 3 = le plus important, 2 = second critère cité et 1 = troisième critère cité) et en divisant le tout par le nombre d’étudiants répondants.
17 Il est nécessaire de mentionner, pour ce résultat, le risque d’un effet d’ordre non contrôlable. En effet, si l’on se réfère au questionnaire, on constate que les trois premiers items proposés sont également les trois items les plus cités (la vitesse précédant cependant, dans le questionnaire, la ponctualité).
18 Stratec, Baromètre de la mobilité en Région de Bruxelles-Capitale 2003-2005 ; Baromètre 2003, rapport corrigé de la phase II, Bruxelles, A.E.D., p.105. La comparaison de ces données est cependant délicate car, outre qu’il ne s’agit pas des mêmes populations étudiées, le baromètre distingue les réponses obtenues pour les heures de pointe et pour les heures creuses à la question « que faut-il améliorer, selon les usagers STIB, en semaine ? », alors que la question du questionnaire FUSL demandait de pointer au sein d’une liste d’items, par ordre d’importance, les trois « critères de qualités que doivent rencontrer les transports publics à Bruxelles ».
19 Dans ce cas, seule la présence des modalités « fréquence » et « ponctualité » a été prise en compte.
20 Le détail des analyses peut être obtenu auprès des auteurs : ces@fusl.ac.be.
21 Voir infra pour les différents types de ponctualité.
22 Ce terme est à comprendre dans le sens de structure mise en œuvre pour que les individus n’aient pas à s’en soucier : un dispositif assure une offre fréquente et est à disposition des individus.
23 Les trois autres items étant : « Vous préférez garder vos habitudes horaires et faire régulièrement les mêmes activités », « Vous préférez garder vos habitudes horaires et ne pas faire toujours la même chose » et « vous préférez changer souvent d’activités ».
24 Il reste vrai que les rendez-vous évoqués dans nos questions peuvent faire l’objet d’interprétations différentes de la part des individus : un rendez-vous avec un professeur peut être perçu au même titre qu’une réunion avec des amis ou, au contraire, comme relevant d’une contrainte structurelle telle que l’impose le train. Également, voir ses amis pour un travail peut être appréhendé de différentes manières, selon qu’on pense d’abord ‘amis’ ou ‘travail’.
25 Le détail des analyses peut être obtenu auprès des auteurs (ces@fusl.ac.be) et se trouve dans le rapport de recherche remis à la Région de Bruxelles-Capitale.
26 Le vocable « classe » se comprend dans une logique de classification statistique des individus ; les types découlent de l’interprétation de ces classes.
27 Nous retiendrons ici l’ensemble des liens statistiquement signifiants au seuil de 5 % (probabilité de commettre une erreur).
28 On considérera que les liens entre les modalités issues de l’analyse typologique et les classes sont pertinents lorsque la probabilité de rejeter l’hypothèse nulle est inférieure à 5 %. Ce seuil exprime le risque d’erreur lors de l’inférence entre l’observation de relations propres à l’échantillon et l’affirmation de l’existence de telles relations dans la population dont l’échantillon est issu.
29 Dans la suite du texte, nous ne présenterons plus de tableau croisé mais nous nous contenterons de décrire le résultat de la projection des variables illustratives supplémentaires sur la typologie.
30 Afin de faciliter la lecture, nous utiliserons les apostrophes (‘’) pour signaler les types et les caractéristiques issus de la démarche qualitative. Nous utiliserons les guillemets (« ») pour signaler les types ou caractéristiques issus de la méthodologie quantitative.
31 Remarquons que, de manière étonnante, la démarche quantitative nous a conduit à reconstruire le vécu des acteurs alors que l'analyse qualitative nous a conduit à porter l’accent sur un mode de fonctionnement objectivable.
32 Voir le libellé des questions dans la section 3.3. de ce chapitre à l’exception de celles mentionnées dans les notes suivantes.
33 Q64 : « Comment retenez-vous les dates des activités qui vous concernent ? » (Vous pouvez indiquer plusieurs réponses) : « Vous les retenez de mémoire » ; « Vous utilisez des ‘post-it’ » ; « Vous utilisez un agenda » ; « Vous utilisez un agenda électronique » ; « Vous utilisez l’agenda de votre GSM » ; « Vous organisez un fichier informatique spécifique à votre gestion du temps » ; « Vous utilisez un calendrier » ; « Vous disposez de documents reprenant les calendriers de vos activités spécifiques (p. ex. : horaire des cours, date des réunions de mouvements de jeunesse) » ; « Autres ». Q66 : « Lorsque vous devez vérifier les activités que vous avez à réaliser, vous consultez : Le calendrier de chacune de vos activités ; Un « document général » (agenda, planificateur) sur lequel l’ensemble de vos activités sont notées afin d’avoir une vue d’ensemble sur ce que vous avez à faire ».
34 Q76 : (Les étudiants avaient à estimer pour chaque item la fréquence de leurs comportements sur une échelle reprenant les termes « souvent, parfois, rarement, jamais »). « En pensant à ces quatre dernières semaines, dans quelle mesure vous est-il arrivé... » : « D'avoir l’impression de ‘manquer de temps’ ? » ; « D’avoir l’impression d'être ‘pressé par le temps’ ? » ; « De vous ennuyer ? » ; « De ne rien faire de précis, paresser ? » ; « D'avoir le sentiment d'être submergé et de ne plus pouvoir vous en sortir ? ».
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