Chapitre 1. Aperçu quantitatif des déplacements et temporalités à Bruxelles à partir des données existantes
p. 15-38
Texte intégral
Introduction
1Ce chapitre consiste en une analyse secondaire de résultats d’enquêtes quantitatives. Il a pour objectif de dresser un tableau sommaire des mobilités à Bruxelles et de leurs distributions temporelles.
2Les données présentées sont essentiellement issues de l’enquête sur la mobilité quotidienne des Belges (MOBEL) menée en 1999 par le Groupe de Recherche sur les Transports (GRT) des Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur. Nous avons complété notre information au départ de données fournies par l’Administration de l’Équipement et des Déplacements (AED) et issues des études « Iris » (Région de Bruxelles-Capitale, 2006) et de l’enquête « clients de soirée », de données en provenance de la STIB, ainsi que des résultats de l’enquête sur l’emploi du temps menée en 1999 par l’INS et analysée par le Groupe Tor de la VUB. Seules les informations les plus pertinentes pour notre propos ont été reprises ici. C’est pourquoi toutes les études mentionnées ci-dessus n’apparaissent pas nécessairement dans ce chapitre.
3Les données concernant la mobilité des Bruxellois et à Bruxelles sont relativement nombreuses. L’information concernant les temporalités de ces mobilités est cependant plus lacunaire.
4De même, outre l’enquête « budget-temps » qui informe de la quantité de temps dévolu à telle ou telle activité, les données quantitatives concernant spécifiquement les temporalités des Bruxellois, et surtout des activités se déroulant à Bruxelles, sont rares voire inexistantes.
5Ce chapitre présentera tout d’abord un aperçu des déplacements des Bruxellois et des déplacements généraux vers et hors de la Région de Bruxelles-Capitale. Il s’intéressera ensuite aux modes de transport utilisés, aux distances parcourues, aux motivations des déplacements et aux distributions horaires de ces déplacements.
1.1. Précisions méthodologiques et terminologiques
6Une bonne part des résultats présentés ci-dessous sont issus de l’enquête MOBEL réalisée en 1999 par le GRT. Cette étude a cherché à quantifier les divers aspects des mobilités des ménages et particulièrement de leurs déplacements. Mais qu'entend-on par « déplacement » ? Nous reprendrons la définition du GRT : un déplacement est « le mouvement d'une personne, effectué pour un certain motif, sur la voie publique, entre une origine et une destination, selon une heure de départ et une heure d'arrivée, à l'aide d'un ou plusieurs moyens de transport » (Hubert, Toint, 2002 : 315).
7Il faut signaler de plus que l’enquête MOBEL ne tient pas compte à proprement parler des mobilités professionnelles. Il s’agit ici d’une enquête « ménages » et, de ce fait, les professions dont le déplacement constitue l’essence même de l’activité (représentants, transporteurs, livreurs, taxis...) n’ont pas été pris en compte dans la recherche. Si ce choix permet d’obtenir une vision plus claire de la mobilité des ménages, il introduit cependant un biais important dans les analyses globales des déplacements. Les analyses des parts modales aux heures de pointe, par exemple, sont ainsi volontairement biaisées.
8Une des subtilités de la recherche MOBEL est d’avoir obtenu suffisamment d’enregistrements d’informations pour pouvoir décomposer les résultats selon différents types de jours. Le GRT distingue ainsi des « jours ouvrables scolaires », des « jours ouvrables de vacances scolaires » – lesquels peuvent être globalisés en « jours ouvrables » – des « jours fériés » et des « jours moyens » issus du calcul de moyennes statistiques indépendantes du type de jour. Nous invitons le lecteur à être attentif à ces subtilités lors de sa lecture.
9De même, il nous semble important de bien distinguer la mobilité à Bruxelles (dont les mesures sont particulièrement difficiles vu la « fluidité » même du phénomène observé) de la mobilité des Bruxellois (observable en référence au lieu du domicile de la personne interrogée). Le présent chapitre parlera ainsi de « Bruxellois », de « Wallons » et de « Flamands » en référence à la région de domicile des personnes interrogées.
1.2. Les déplacements
Déplacements des Bruxellois
10Les Bruxellois effectuent en moyenne un peu moins de trois déplacements par « jour moyen », ce qui correspond à la moyenne des déplacements des Belges. Par contre, les Bruxellois se déplacent plus souvent que les Wallons lors d’un « jour ouvrable ».
Tableau 1.1. : nombre de déplacements par personne lors d’un jour moyen et d’un jour ouvrable en 1999 (Toint, 2001 : 102-104)
Flamands | Bruxellois | Wallons | Total | |
Un jour moyen | 3,04 | 2,96 | 2,86 | 2,97 |
Un jour ouvrable | 3,17 | 3,20 | 3,00 | 3,12 |
11Précisons cependant que tous les individus ne se déplacent pas. Ainsi, lors d’un jour moyen, 24 % des Bruxellois ne signalent aucun déplacement (résultat identique à ce qui est observé pour l’ensemble de la Belgique) et 25 % signalent cinq déplacements ou plus (résultat de 2 % supérieur à ce qui est observé pour l’ensemble de la Belgique) (Hubert, Toint, 2002 : 96).
12La distance moyenne parcourue lors d’un déplacement est sensiblement plus courte à Bruxelles que dans les autres régions du pays, ce qui n’est en soi pas étonnant puisqu’il s’agit de la seule région entièrement urbaine. Il est plus étonnant de constater l’écart important entre les distances parcourues un jour ouvrable et un jour moyen. Cette différence, la plus importante des trois régions du pays, provient de la mobilité de week-end. Les Bruxellois sont, en effet, plus enclins à réaliser de longs déplacements hors de la Région de Bruxelles-Capitale les fins de semaine, afin de réaliser des visites dans la famille ou des activités de loisirs.
Tableau 1.2. : distance moyenne des déplacements réalisés lors d’un jour moyen et d’un jour ouvrable (km) en 1999 (Toint, 2001 : 102-104)
Flamands | Bruxellois | Wallons | Total | |
Un jour moyen | 11,80 | 11,05 | 13,96 | 12,43 |
Un jour ouvrable | 11,70 | 8,11 | 12,80 | 11,71 |
Déplacements vers et hors de la Région de Bruxelles-Capitale
13Entre 1992 et l’année 2000, les ‘navettes entrantes’ quotidiennes (les navetteurs extérieurs) en Région de Bruxelles-Capitale ont augmenté de 6,85 %, alors que les ‘navettes sortantes’(les Bruxellois qui vont quotidiennement en dehors de la Région) ont, elles, augmenté de 30,25 %1. Si ces données peuvent a priori laisser croire à l’extension de la dynamique urbaine hors des murs de la région, elles doivent cependant être relativisées car, en chiffres absolus, l’augmentation des navettes entrantes fut deux fois supérieure à celles des navettes sortantes !
14L’étude MOBEL permet de préciser les proportions des déplacements interrégionaux. Elle permet de faire un constat fondamental : la mobilité à Bruxelles concerne avant tout les Bruxellois.
15Ainsi, on constate que 4 déplacements sur 5 au départ de Bruxelles ont pour destination Bruxelles, qu’il s’agisse de jours ouvrables scolaires ou de jours fériés. La proportion est légèrement inférieure les jours ouvrables de vacances (73,5 %).
16Parmi l’ensemble des déplacements dont Bruxelles est la destination, 77,5 % ont Bruxelles comme origine. La proportion est légèrement inférieure les jours ouvrables de vacances (70,5 %).
17Les autres déplacements au départ de Bruxelles se font proportionnellement plus volontiers vers la Flandre (14 % les jours ouvrables) que vers la Wallonie (6 % les jours ouvrables). L’écart entre ces proportions est cependant moins important les jours ouvrables de vacances, où 11,5 % des départs se font vers la Wallonie pour 15 % vers la Flandre.
18Les déplacements au départ de la Flandre vers Bruxelles représentent 16 % des déplacements ayant Bruxelles pour destination, et ceux provenant de Wallonie, 6,5 %. Qu'il s’agisse de déplacements au départ de Bruxelles ou vers Bruxelles, quel que soit le type de jours, les relations entre la Flandre et Bruxelles sont proportionnellement plus nombreuses que les relations avec la Wallonie. Ce constat s’explique aisément par la situation géographique de Bruxelles, les déplacements entre Bruxelles et la Flandre se limitant parfois à la périphérie bruxelloise.
19Les déplacements provenant de Wallonie vers Bruxelles sont, proportionnellement, plus nombreux les jours ouvrables de vacances (12,5 %) et les jours fériés (10,5 %) que les jours ouvrables scolaires (6,5 %).
1.3. Les modes de transport
Utilisation des modes de transport à Bruxelles
20Si l’on se réfère à MOBEL, les modes de transport les plus utilisés un jour ouvrable scolaire sont la voiture en tant que conducteur, la marche et la voiture en tant que passager. Les transports en commun n’étaient utilisés en 1999 que pour moins de 18 % des déplacements effectués à Bruxelles.
21La STIB a pourtant constaté un accroissement annuel du nombre de voyageurs transportés depuis 1999. Ainsi, la société de transports en commun a transporté, en 2005, 254,8 millions de voyageurs, ce qui représentait une augmentation de 49,8 % par rapport à 20004
22Cette hausse de la fréquentation se constate tant pour le métro (+ 49,8 % en cinq ans), que le tram (+ 44,8 % en cinq ans) et le bus (+61 % en cinq ans).6
23Le métro est le mode de transport le plus utilisé par les voyageurs de la STIB. 44,9 % des utilisateurs des transports en commun « STIB » choisissaient ce mode en 2005, ce qui est inférieur à 1999 (46,8 %). Le tram est utilisé par 27,0 % et le bus par 28,1 % des voyageurs de la STIB. Cette dernière observation est étonnante au vu des résultats de l’enquête MOBEL présentés au tableau 1.4., qui semblent sous-estimer l’importance du métro par rapport au bus (en 1999, les bus transportaient 26,3 % des voyageurs de la STIB). Cependant, d’une part, les résultats observés à la STIB ne prennent pas en compte les déplacements assurés par De Lijn et les TEC et, d’autre part, les résultats présentés par la STIB concernent les fréquentations observées annuellement et non les observations réalisées les jours ouvrables scolaires lors d’une enquête ménage, comme c’est le cas dans l’étude MOBEL.
24Par ailleurs nous pouvons relever que l’usage de la marche et des transports en commun est légèrement plus important parmi les déplacements effectués par les Bruxellois que parmi l’ensemble des déplacements ayant Bruxelles comme origine ou destination.
Modes de transport utilisés par les Bruxellois
25Nous pouvons nous attarder plus spécifiquement sur les mobilités de la population bruxelloise. Ceci se justifie pleinement au vu du fait que la mobilité à Bruxelles concerne avant tout la mobilité des Bruxellois et ce, même si les questions de congestion aux « heures de pointe » – qui rencontrent la problématique des navetteurs – sont les plus brûlantes à l’agenda politique.
26La région bruxelloise se distingue nettement des deux autres régions en ce qui concerne la disponibilité des modes de transport. On remarque ainsi qu’en 2001 la proportion de ménages sans voiture y est beaucoup plus importante (39,6 % à Bruxelles – 23,3 % en Belgique), mais aussi que la proportion de ménages possédant deux voitures et plus, y est nettement inférieure (10,3 % à Bruxelles – 20,1 % en Belgique)8. C’est également à Bruxelles qu’il y a le plus de ménages ne détenant pas de vélo (63 % des ménages n’ont pas de vélo) (Toint, 2001 : 17).
27Ces différences s’expliquent, sans doute, par le niveau socio-économique bas de la région, et par le type de logement dans le centre et la première couronne qui n’est pas nécessairement agrémenté de garage ou de lieu d’entrepôt aisé pour une bicyclette. La présence d’un réseau dense de transports en commun en zone urbaine9 est également un élément important d’explication de ces différences. C’est à Bruxelles également que la proportion de personnes de plus de six ans possédant un abonnement aux transports publics est la plus importante (19,3 % à la STIB ; 2,8 % à De Lijn ; 2,7 % à la SNCB et 2,1 % aux TEC)10. Or, il a été plusieurs fois observé qu’une amélioration de l’offre de transports publics favorisait souvent un transfert modal aux dépens du vélo.
28Si on compare les modes de transport par lesquels s’effectuent les déplacements, on constate que si la voiture est dominante dans toutes les régions du pays, la région bruxelloise présente les taux les plus élevés d’usage de la marche et des transports publics.
Tableau 1.7. : répartition des déplacements d’un jour moyen selon le moyen de transport principal (Toint, 2001 : 90)11
Flamands | Bruxellois | Wallons | Total | |
Marche | 13,5 | 27,6 | 15,9 | 15,6 |
Deux-roues | 12,9 | 1,7 | 2,9 | 8,6 |
Transport public | 4,7 | 13,4 | 5,2 | 5,7 |
Voiture | 67,9 | 56,6 | 74,5 | 68,9 |
Autres | 1,0 | 0,7 | 1,5 | 1,2 |
Total | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % |
29En précisant l’observation, on remarque que 22,7 % des Bruxellois utilisent les transports en commun quotidiennement. Seuls 18,3 % des Bruxellois déclarent ne jamais utiliser les trams, les bus ou le métro.
30Les Bruxellois sont également les moins nombreux à déclarer « ne jamais prendre le train » (50,7 % des Bruxellois pour 62,5 % des Wallons et 61,4 % des Flamands) ; ils l’utilisent peu quotidiennement ou même de manière hebdomadaire, mais sont plus nombreux à déclarer un usage exceptionnel que les habitants des autres régions.
Tableau 1.8. : fréquence d’usage des transports en commun (bus, tram, métro) (Toint, 2001 : 41)
Flamands | Bruxellois | Wallons | |
Quotidiennement | 5,8 | 22,7 | 7,1 |
Au moins une fois par semaine | 5,0 | 17,8 | 6,7 |
Au moins une fois par mois | 9,5 | 18,4 | 7,2 |
Au moins une fois par an | 23,7 | 22,9 | 21,4 |
(Presque) Jamais | 55,9 | 18,3 | 57,7 |
100 % | 100 % | 100 % |
31Ce sont les Bruxellois qui ont le moins recours à la voiture quotidiennement, ce qui apparaît assez logique au vu des chiffres précédents. Cependant, la proportion de personnes ne conduisant jamais de voiture n’est pas beaucoup plus élevée que celle constatée en Wallonie par exemple (46,7 % des Bruxellois ne conduisent quasiment jamais de voiture, pour 40,6 % des Wallons et 36,2 % des Flamands). La différence se marque par contre au niveau des conducteurs quotidiens. Ainsi, 34,5 % des Bruxellois conduisent quotidiennement une voiture (W : 43 %, Fl : 40,3 %) et 13,1 % conduisent au moins une fois par semaine (W : 13,6 % ; Fl : 19,5 %). 9 % des Bruxellois n’utilisent presque jamais la voiture ni en tant que conducteur, ni en tant que passager
32L’usage du vélo par les Bruxellois est très marginal. Près de 70 % (68,7 %) déclarent ne faire quasi jamais de vélo (W : 60,8 % ; Fl : 27,2 %). L’usage quotidien (RBC : 1,3 % ; W : 3,3 % ; Fl : 20,5 %) et l'usage hebdomadaire (RBC : 4,2 % ; W : 8,5 % ; Fl : 20,8 %) de ce mode de transport sont également moins fréquents dans la capitale que dans les autres régions du pays, mais les choses semblent évoluer ces toutes dernières années dans le sens d’un usage plus intensif (Région de Bruxelles-Capitale, 2006).
1.4. Les distances parcourues
33La distance moyenne parcourue un jour ouvrable en tant que conducteur d’une voiture est la plus faible parmi les Bruxellois (11,7 km). La situation est plus contrastée en ce qui concerne les passagers d’une automobile. Les Bruxellois « passagers » parcourent en moyenne plus de kilomètres (10,8) que les Flamands (9,0) et moins que les Wallons 12,8), (lors d’un jour ouvrable.
34Si on s’intéresse aux jours « moyens », on constate que les Bruxellois « passagers » parcourent en moyenne beaucoup plus de kilomètres (16,6) que les Flamands (10,9) et les Wallons (14,0), ce qui pourrait s’expliquer par le plus grand nombre de trajets pour des activités ou des visites familiales hors de Bruxelles. De même, la distance parcourue en tant que conducteur bruxellois est plus importante un jour moyen (13,1) qu’un jour ouvrable (11,7). Cependant, dans ce cas, elle est inférieure à la distance moyenne parcourue par un conducteur wallon (14,7).
35Si la distance parcourue en bus par les Bruxellois est nettement plus courte que celle parcourue par les habitants des autres régions du pays, le parcours effectué en tram est, lui, légèrement plus long que pour les Flamands. Enfin, le parcours moyen d’un déplacement pédestre dépasse légèrement le kilomètre dans toutes les régions du pays.
36Les données ne sont pas suffisantes pour estimer les distances moyennes parcourues par l’usage d’autres modes de transport.
37Si l’on s’intéresse à la participation de chaque mode de transport à la distance parcourue par les Bruxellois, on constate que la voiture est largement dominante, puisque 77 % de la distance est parcourue par ce mode de transport un jour ouvrable (72,9 % un jour moyen). Ceci peut étonner lorsque l’on tient compte du paragraphe précédent, où l’on constatait que le Bruxellois parcourait plus de kilomètres un jour moyen qu’un jour ouvrable. Il s’agit cependant bien ici de deux résultats compatibles. Le tableau 1.10. présentait des « distances moyennes ». Le tableau 1.11. montre des « contributions », c’est-à-dire des proportions d’usage des modes de transport lors d’une journée. Ces proportions se calculant sur un jour (qu’il soit moyen ou ouvrable), elles ne sont donc pas sensibles aux variations de distances observées entre ces jours.
1.5. Les motivations des déplacements
Motivations aux déplacements des Bruxellois
38Si l’on regarde les motivations aux déplacements, on constate tout d’abord que se rendre au travail ou opérer une visite professionnelle représentent 19 % de l’ensemble des déplacements des Bruxellois un jour ouvrable scolaire, et 18 % de ceux réalisés un jour ouvrable en période de vacances scolaires.
39Les déplacements relatifs à l’école représentent 7 % de l’ensemble de ceux effectués par les Bruxellois en période scolaire, soit la même proportion que les déplacements effectués pour des activités de loisirs ou la balade, un jour identique.
40Les déplacements liés aux achats représentent 11 % de ceux réalisés par les Bruxellois lors des jours ouvrables scolaires, et 15 % de l’ensemble des déplacements en période de vacances scolaires.
41Constatons par ailleurs que les motivations évoquées pour justifier un déplacement sont sensiblement identiques à Bruxelles et en Belgique.
42La motivation « accompagnement » résume l’item « aller chercher ou conduire quelqu’un » de l’enquête MOBEL. Cette étude ne nous permet cependant pas de préciser s’il s’agit là d’accompagnement scolaire, de co-voiturage professionnel ou encore d’accompagnement de personne à mobilité réduite par exemple. Cette notion peut être éclairée par l’enquête budget-temps (INS, 2002 ; Glorieux, 2002). Ainsi, en 1999,6 % de la population bruxelloise signale effectuer des déplacements spécifiques pour les enfants durant la semaine. Cette proportion est de moins de 2,5 % le samedi et est encore plus faible le dimanche. En moyenne, la durée de ces déplacements est de 32 minutes en semaine. Ils concernent dans une très large proportion (plus de 90 % de la population concernée) les déplacements vers l’école ou vers la crèche.
43Ces taux sont légèrement supérieurs à ceux observés dans l’ensemble de la Belgique. Moins de 5 % des Belges déclarent effectuer des déplacements pour les enfants lors des jours de semaine. Près de 1 % mentionne ce type de déplacements le week-end. 83 % des déplacements d’accompagnement des Belges concernent les activités scolaires ou la crèche.
Distance de déplacement selon les motivations
44Quelles que soient les motivations aux déplacements, les distances parcourues sont généralement plus courtes à Bruxelles que dans le reste du pays, si ce n’est pour les activités de loisirs lors d’un « jour moyen » (14,7 km pour 13,7 km pour l’ensemble des Belges). Ceci s’explique aisément par le caractère urbain de la région bruxelloise et par la propension des Bruxellois à effectuer des déplacements de loisirs plus longs le week-end afin de se rendre, par exemple, dans des lieux de promenades situés en Flandre ou en Wallonie.
45Les Bruxellois se déplacent sur près de 12 kilomètres pour se rendre à leur travail lors des jours ouvrables. Ce kilométrage dépasse les 13 kilomètres lors d’un jour moyen13 (20,2 km pour l’ensemble des Belges). 4,7 kilomètres sont, en moyenne, nécessaires pour se rendre à, et revenir de l’école (6,6 km pour l’ensemble des Belges). Un léger accroissement du kilométrage parcouru pour les achats et les raisons personnelles, est observable lors des « jours moyens » (5,2 km) par rapport aux « jours ouvrables » (4,7 km). Cette observation peut sans doute s’expliquer par le fait que les Bruxellois étendent leur zone de chalandise lors des week-ends.
46L’observation des contributions des motivations aux déplacements dans les distances parcourues montre un profil spécifique de la mobilité des Bruxellois par rapport à l’ensemble de la population observée en Belgique et particulièrement aux Flamands. Dans tous les cas, les trajets vers le domicile représentent la plus grande part des distances parcourues lors de l’ensemble des déplacements (37,1 % des distances parcourues lors d’un jour ouvrable en moyenne en Belgique). Cependant, si l’on constate toujours l’importance du travail, puis des loisirs, dans les distances parcourues lors des jours ouvrables, Bruxelles (et dans une moindre mesure la Wallonie), voit les « loisirs » supplanter le « travail » dans l’ordre des parts de distances parcourues lors des jours moyens (loisirs : 26,8 % ; travail : 18,7 %). Autrement dit, les distances parcourues à Bruxelles pour les loisirs, sont, proportionnellement, plus importantes que dans les autres régions du pays au point qu’elles supplantent l’importance des distances par courues pour le travail.
1.6. La distribution horaire des déplacements
Distribution horaire des déplacements des Bruxellois un jour ouvrable
47L’enquête MOBEL circonscrit très clairement l’heure de pointe des Bruxellois, elle se situe entre 8 heures et 9 heures du matin (10,6 % des déplacements quotidiens s’effectuent à cette heure). Cette première période de déplacements importante débute dès 7 heures du matin (7,4 % des déplacements des Bruxellois) et diminue fortement dès 9 heures (5,4 %).
48Un second groupe de déplacements, moins important, est effectué à midi (7,8 %). Le nombre de déplacements baisse à nouveau dès 13 heures (6,2 % à 13 heures et 5,9 % à 14 heures), et est de nouveau plus important dès 15 heures (8,3 % des déplacements) au début de l’étalement de la « pointe du soir ». Celle-ci connaît son apogée à 17 heures (9,1 % des déplacements) pour diminuer graduellement jusqu’à 20 heures (2,9 %).
49Les déplacements de soirée représentent environ 1,5 % des déplacements chaque heure de 21 à 23 heures pour devenir négligeables à partir de minuit14.
50Les déplacements de la population belge suivent sensiblement la même courbe. Les premiers déplacements de la journée des Bruxellois semblent cependant un peu plus tardifs. La pointe du soir est, pour sa part, un peu plus précoce (16 heures : 9,5 %) pour l'ensemble de la population belge que pour les Bruxellois.
Distribution horaire des déplacements, durée des déplacements et distances parcourues
51La distance de chaque déplacement est également variable suivant les périodes de la journée. Les plus longs déplacements au départ de Bruxelles sont effectués, en moyenne, lors de la pointe du matin (9,6 km), l’après-midi étant le moment où ces déplacements sont les moins longs (6,7 km en moyenne). Notons que ces moyennes restent relativement peu précises car la dispersion des distances de déplacements est importante. La moitié des distances parcourues au départ de Bruxelles, lors de la pointe du matin, ne dépasse pas 4 kilomètres.
52Si l’on compare les distances parcourues au départ de Bruxelles, à celles parcourues dans toute la Belgique, on constate que tant la moyenne des distances que le kilométrage médian sont toujours inférieurs au départ de Bruxelles.
53À l’inverse, les temps médians de ces déplacements sont toujours supérieurs ou égaux au départ de Bruxelles par rapport au reste des déplacements effectués en Belgique (15 minutes à la pointe du matin des Bruxellois pour 13 minutes pour les autres Belges par exemple). La durée moyenne des déplacements au départ de Bruxelles est supérieure à celle des autres déplacements, si ce n’est, étonnamment, lors de la « pointe du matin » (19 minutes pour 21 minutes des déplacements effectués en Belgique) et dans l’après-midi (17 minutes pour 18 des déplacements effectués en Belgique).
Distribution horaire des déplacements et motivations aux déplacements des Bruxellois
54Les Bruxellois et les navetteurs se rendant à Bruxelles ne partagent cependant pas, aux mêmes heures, les mêmes motivations à se déplacer.
55Si l’on observe, heure par heure, les trois motivations principales aux déplacements des Bruxellois, un jour ouvrable scolaire, on constate que le travail est la première motivation de 7 à 9 heures, puis de 13 à 14 heures. Il est la seconde motivation aux déplacements à 10 heures et à midi. Le départ vers le travail n’apparaît à nouveau dans le trio principal des motivations aux déplacements qu’à 21 heures, où il ne représente plus que 8,5 % des déplacements.
56Dès 15 heures et jusqu’à minuit passé, la raison principale des déplacements des Bruxellois est le « retour à la maison » (sans que d’autres déplacements ne soient effectués plus tard lors de la même journée). Ces « retours » représentent près de 40 % des déplacements à chaque heure située entre 16 et 19 heures. Ils connaissent, proportionnellement, un fléchissement sur le coup de 20 heures où ils représentent moins de 30 % des déplacements, pour atteindre les 60 % dès 21 heures et près de 70 % des motivations aux déplacements après cette heure.
57« Aller conduire ou rechercher quelqu’un » (« Taxi » dans le tableau synoptique) fait partie des trois motivations principales jusqu’à 8 heures et à 17 heures. Les « achats » émergent dans les motivations aux déplacements les plus importantes des Bruxellois, dès 9 heures du matin et jusqu’à 18 heures (avec une légère baisse à 17 heures). Les « loisirs », les « visites » et les « balades » émergent sporadiquement dans le trio des motivations aux déplacements les plus citées, à partir de 19 heures.
58Grâce aux fréquences cumulées des trois motivations aux déplacements les plus citées, nous pouvons avoir un indice de la dispersion des motivations, heure par heure. On constate ainsi que le « travail », « l’école » et « aller conduire ou chercher quelqu’un » sont quasiment les seules motivations évoquées pour les déplacements effectués avant 9 heures du matin par les Bruxellois (86 % jusqu’à 6 heures, 85 % à 7 heures et 78 % à 8 heures). Cependant, il faut également noter que le « travail » constitue la part essentielle de ces motivations jusqu’à 6 heures du matin, que l’école et le travail sont les deux motivations les plus importantes à 7 heures et que le fait « d’aller chercher ou conduire quelqu’un » accroît son importance relative à 8 heures.
Légende du tableau 1.17. page suivante.
• « Passage » signifie « passage à la maison » ;
• « Retour » signifie « retour à la maison » ;
• « Personnel » signifie « raison personnelle » ;
• « Taxi » signifie « aller chercher ou conduire quelqu’un ».
* Dans le cas des navetteurs, les motivations de 9, 10 et 11 heures sont regroupées.
** Dans le cas des navetteurs, les motivations de 20 à 23 heures sont regroupées.
• En gras, les motivations dont la fréquence est au moins double de la motivation suivante en importance.
59Des concentrations aussi fortes de déplacements autour des mêmes motivations ne se retrouvent qu’en fin de journée, à partir de 21 heures, tranche horaire pendant laquelle la motivation « retour à la maison » représente près de 60 % des déplacements à elle seule.
60Cette analyse nous apprend que si les « raisons professionnelles » ne constituent que 19 % des motivations aux déplacements des Bruxellois, le travail reste prépondérant dans les motivations des déplacements aux heures de pointe. De même, les trajets liés à l’école renforcent clairement les difficultés de circulation observées lors de la pointe du matin.
61Les « retours à la maison » (souvent au retour du travail) prennent toute leur importance à partir de 16 heures et sont prépondérants dans les motivations provoquant les congestions de fin de journée.
Distribution horaire des déplacements et motivations aux déplacements des navetteurs
62Les départs des navetteurs vers Bruxelles, motivés par le travail, sont beaucoup plus étalés que ceux des Bruxellois. Le travail reste la motivation principale au départ vers Bruxelles jusqu’à 14 heures. Les départs pour raisons scolaires sont concentrés à 7 heures du matin. Leur importance proportionnelle par rapport aux autres motifs de déplacement est cependant moindre que pour les déplacements des Bruxellois (21 % des déplacements des navetteurs se font pour raisons scolaires à 7 heures du matin, 30 % des déplacements des Bruxellois se font pour cette même raison à 7 heures et 24 % à 8 heures).
63Les premiers retours à la maison sont observés parmi les trois motivations principales dès la tranche horaire allant de 9 à 11 heures du matin. Elle devient dominante à partir de 16 heures. Cette motivation sera présente dans le trio de motivations principales tout au long de la journée sauf à 14 heures. C’est également à 14 heures uniquement que la motivation « achat » apparaît parmi les trois motivations principales au départ des navetteurs.
64« Aller chercher ou conduire quelqu’un » est la première motivation au départ des navetteurs à 15 heures, elle demeure dans le trio des motivations les plus importantes jusqu’à 18 heures.
65La dispersion des motivations est nettement moindre pour les navetteurs que pour les Bruxellois. Le trio de motivations principales couvrant moins de 60 % des motivations au départ n’est observable qu’à une seule période (14 heures) pour les navetteurs et à six périodes pour les Bruxellois (11, 12, 13, 14, 15 et 20 heures).
66Constatons également que la motivation « achat » est nettement moins présente parmi les justificatifs aux déplacements des navetteurs que parmi les explications des déplacements de la population bruxelloise.
67Nous retiendrons de ces deux dernières sections que les motivations des navetteurs et des Bruxellois ne sont pas identiques. Les navetteurs se déplacent à Bruxelles essentiellement pour leur travail alors que, même aux heures de pointe, les Bruxellois présentent d’autres motivations importantes aux déplacements, tels que les achats et les déplacements scolaires.
Conclusion
68Quelques traits marquants sont apparus dans cette analyse secondaire de données. Tout d’abord, le fait que la mobilité à Bruxelles concerne d’abord les Bruxellois.
69Cette mobilité est typiquement urbaine, faite de nombreux déplacements sur de petites distances et de retours fréquents au domicile. Les week-ends sont caractérisés par des déplacements de plus grandes amplitudes permettant, pour certains, de quitter l’espace urbain.
70Le caractère urbain se constate également dans l’usage des modes de transport. Plus d’un quart des déplacements est effectué à pied, soit à peu près le double des déplacements pédestres observés en Flandre et en Wallonie. Plus d’un Bruxellois sur cinq utilise le transport en commun quotidiennement, ce qui est nettement plus important que pour le reste de la population belge. On observe par ailleurs que la fréquentation des transports en commun de la STIB est en nette augmentation depuis 2000.
71La part modale des transports en commun dans l’ensemble des déplacements est plus importante pour les déplacements des Bruxellois que pour l’ensemble des déplacements effectués à Bruxelles. Ceci signifie que les navetteurs sont moins enclins que les Bruxellois à utiliser les transports publics.
72Les « raisons professionnelles » ne représentent que 19 % des motivations aux déplacements des Bruxellois un jour moyen, l’importance de cette motivation est généralement surestimée par le fait que cette motivation (avec la motivation scolaire) préside aux heures de congestion. De plus, elle est renforcée par « l’effet des navetteurs » pour qui la motivation au travail est la raison essentielle aux déplacements sur Bruxelles. Ces heures de congestion sont observables, un jour ouvrable, entre 7 et 9 heures du matin et de 15 à 19 heures.
73Dès 10 heures du matin, la motivation professionnelle aux déplacements est inférieure aux 20 % des motivations aux déplacements des Bruxellois, si ce n’est entre 13 et 14 heures (26,72 %). Même si on double la proportion totale des motivations liées au travail en considérant que les « retours à la maison » s’effectueraient nécessairement sans arrêts fonctionnels pour de petites courses ou aller rechercher un enfant, par exemple, 62 % des déplacements des Bruxellois un jour moyen ne concernent pas le travail ! Afin de mieux organiser les modes de transport à Bruxelles, la compréhension des mobilités et des temporalités des Bruxellois doit, à nos yeux, prendre distance avec les analyses des déplacements fondées uniquement sur le travail, pour intégrer l’ensemble des activités à l’origine des déplacements.
74L’exposé des données présentées dans ce chapitre nous permet d’avoir une vue d’ensemble des mobilités des Bruxellois. Elles nous donnent les premières informations concernant la répartition des déplacements dans le temps et leurs motivations. Cependant, ce descriptif contextuel ne nous apprend pas comment les acteurs agencent leurs temps et leurs activités, et ne nous informent pas sur la manière dont ces structurations temporelles influencent leurs déplacements et leurs choix de modes de transport au cours de la journée.
75La démarche empirique présentée dans la deuxième partie de ce livre doit nous permettre d’aborder ces dimensions de la mobilité.
Notes de bas de page
1 Source STIB
2 Répartition des déplacements réalisés à Bruxelles (origine et/ou destination) suivant le mode principal du déplacement (Source MOBEL, Analyse GRT).
3 Distribution des nombres de déplacements selon le mode principal un jour ouvrable scolaire (Source : Hubert, Toint, 2002, p. 209).
4 Ce qui fait une augmentation de 19,8 % par rapport à 1980, sachant que la fréquentation de la STIB a constamment diminué au cours de la période 1980-1999.
5 Source STIB.
6 L’augmentation de la fréquentation des bus a été « dopée » par l’instauration à partir de mai 2003, de la montée par l’avant dans le cadre de l’opération « Réappropriation de l’espace Bus » (REM). Cette opération a découragé la fraude et a permis ainsi d’enregistrer un plus grand nombre de voyageurs payants. La nette progression (+ 23,7 %) de la fréquentation des bus en 2004 trouve ici une partie de son explication.
7 Source STIB.
8 Source : Direction générale statistique et information économique et SPF Mobilité et transport.
9 À Bruxelles, seulement 31,1 % des habitants habitent à plus de 250 mètres d’un arrêt de transport en commun, 9,3 % des habitants (inclus dans la donnée précédente) habitent à plus de 500 mètres d’un arrêt (Source STIB).
10 Il faut noter que 0,7 % des Flamands et 1,2 % des Wallons disposent d’un abonnement STIB (Toint, 2001 : 26).
11 Remarquons qu’il s’agit ici d’un jour moyen alors que le tableau 1.4. reprenait les données un jour ouvrable scolaire.
12 « Ns » signifie « Non significatif ».
13 Ceci s’explique par le fait que les déplacements pour les activités scolaires perdent de leur poids dans le calcul d’un jour « moyen ».
14 Nous ne disposons pas de données désagrégées suffisantes pour évoquer les déplacements de soirées effectués les vendredis et samedis. Nous pouvons supposer cependant que ceux-ci sont proportionnellement plus nombreux que lors d’un « jour ouvrable » reprenant une moyenne de tous les jours ouvrables de la semaine.
15 Source MOBEL (calcul GRT).
16 Source MOBEL (calcul GRT).
17 Source MOBEL (calcul GRT).
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