Un essai cohérent mais avorté de police rurale : la brève histoire des commissaires cantonaux
p. 145-158
Texte intégral
1Depuis sa création, la fonction de commissaire de police a été exercée en milieu urbain. L’article 12 de la loi du 28 pluviôse an VIII « sur la division et l’administration de la France » attribuait des commissaires de police aux villes à partir de 5 000 habitants, à proportion de la taille de la cité. Au-delà de 10 000 habitants, chaque ville devait avoir un commissaire de police par fraction supplémentaire de même taille (20 000 habitants = 2 commissaires)1. À vrai dire, ni La Reynie, ni Fouché, ni Gisquet n’avaient pensé que les commissaires de police pussent avoir une quelconque fonction rurale. C’est le Second Empire qui va bouleverser l’ordre des choses, faire du commissaire de police un fonctionnaire aux champs, tenter d’élargir la surveillance policière au fond des bosquets, implanter si possible un commissaire dans chaque canton. C’est l’étrange histoire de cette éphémère institution – et de son échec rapide – dont il va être question ici. On insistera sur deux de ses aspects : le premier fut le plus rapidement « liquidé ». Le corps avait été créé dans le cadre d’une vaste réorganisation de la police nationale et comme un de ses éléments. Cet ambitieux projet ne dura pas trois ans et son échec fut total. Mais les commissaires cantonaux y survécurent et c’est là leur deuxième face. Pendant presque vingt ans, le ressort des commissaires s’identifia au canton ; ils devinrent des policiers de la ruralité. Cet épisode constitue par ailleurs une démonstration implicite mais évidente des interrogations qui depuis deux siècles courent dans les sphères administratives et gouvernementales sur la nature du canton et sur l’étendue de la personnalité qu’il importait de lui donner2.
La création des commissaires cantonaux
Une ambitieuse réforme de la police3
2Les lendemains du coup d’État furent marqués par une volonté de réorganisation administrative complète qui ne manquait pas de rappeler ceux du 18 brumaire. Un décret du 22 janvier 1852 recréait au profit de Maupas le ministère de la Police générale. À quelles fins ? Les principes de la réorganisation furent définis par une lettre du président à Maupas, publiée au Moniteur du 31 janvier et reprise in extenso dans ses Mémoires. Le passage essentiel est – pour ce qui nous concerne – celui-ci :
« Dans l’état actuel des choses, il n’existe aucune organisation qui constate avec rapidité et certitude l’état de l’opinion publique. […] Pour suppléer à cette lacune, il faut […] distraire du ministère de l’intérieur, absorbé par trop de soins divers, la direction de la police générale et lui donner une organisation simple, uniforme, obéissant à une seule impulsion
À cet effet, il suffira de créer sept à huit inspecteurs généraux […] correspondant directement avec le ministre. Ils auront sous leurs ordres des inspecteurs spéciaux qui eux-mêmes seront en rapport suivi avec les commissaires des villes, qui aujourd’hui […] ne sont que les agents des municipalités. De cette manière, le ministre de la police sera à la tête de fonctionnaires hiérarchiquement subordonnés les uns aux autres, mais qui n’en obéiront pas moins aux autorités civiles, depuis le maire jusqu’au préfet. Il surveillera tout, sans rien administrer, il ne diminuera pas le pouvoir des préfets, il ne le partagera pas ; ses agents seconderont les diverses autorités, les éclairant d’abord, et le gouvernement ensuite, sur tout ce qui concerne les services publics4. »
3Les plus modestes des agents en question furent les commissaires cantonaux créés par le décret du 28 mars 1852 :
« Art. 1er. Dans tous cantons où il existe un ou plusieurs commissaires de police la juridiction de ces magistrats pourra être étendue à tout ou partie des communes composant ce canton.
2. Lorsque le besoin s’en fera sentir, il pourra être établi dans les cantons où il n’en existe pas, un commissaire de police dont la juridiction s’étendra à toutes les communes de ce canton et qui, sauf les exceptions autorisées, résidera au chef-lieu5. »
4Le système n’était pas complet. Mais le démantèlement intervint presque aussitôt après, cas de figure assez rare dans l’histoire institutionnelle et qui témoigne certainement d’une opposition massive d’un corps de l’État puissant et influent, et qui ne peut être que la « préfectorale », en même temps que de la lutte entre deux personnalités rivales inconciliables, savoir Maupas et Persigny. Dès le 13 mars 1853, les inspecteurs généraux étaient supprimés, Maupas pensant ainsi sauver le reste du système. Des commissaires départementaux remplaçaient les inspecteurs spéciaux qui n’avaient jamais vraiment vu le jour mais ils étaient placés sous l’autorité du préfet6. Ces commissaires avaient été créés huit jours plus tôt, par décret, le 5 mars 1853 :
« Les préfets, qui sont chargés, sous les ordres et la direction de notre ministre de la police générale, de tout ce qui touche la sûreté générale, trouveront, pour l’accomplissement de cette partie importante de leurs fonctions, un précieux concours dans la création d’un commissaire départemental placé près d’eux et agissant sous leur autorité7. »
5Peine perdue : le corps préfectoral8 ne supportait pas de voir s’instaurer une ombre de pouvoir parallèle à la sienne – et l’influence de Persigny est encore à cette date supérieure à celle de Maupas. Le 21 juin 1853, le ministère de la Police générale était supprimé, ses attributions rattachées à l’Intérieur par l’intermédiaire d’une direction de la Sûreté générale.
6Le 22 mars 1854, ce sont les commissaires départementaux qui ter minent leur courte vie. En juin, Persigny, à son tour victime de querelles de sérail, justifiera ces décisions en quittant le ministère de l’Intérieur :
« Votre Majesté a jugé qu’elle pouvait renoncer à une organisation défensive [sic] que le retour au calme, le silence des factions et la confiance sympathique [sic] du pays dans le pouvoir concouraient à rendre superflue, et cette opinion a été pleinement justifiée par l’événement. […] Les commissaires départementaux ont été supprimés. Une expérience de près d’une année a suffi pour démontrer qu’ils n’apportaient aux préfets qu’un concours très contestable et que leur intervention, d’ailleurs, gênait l’action des sous-préfets et portait atteinte à leur autorité9. »
7Dans ses Mémoires, Maupas est assez discret sur ces événements. Il attribue à Persigny seul ou presque la responsabilité de la débâcle de la Police générale :
« Donner à M. de Persigny, esprit inquiet et entier, un surveillant aussi péremptoirement indiqué, c’était provoquer ses susceptibilités. Elles ne se firent pas attendre, et, d’ami qu’il était pour moi, je trouvai rapidement en lui un collègue soupçonneux et disposé à provoquer des conflits là où l’entente était commandée par l’intérêt de l’État10. »
8Que les querelles de personne aient joué un rôle, aucun doute. Maupas ne voit cependant pas qu’une double hiérarchie s’exerçant dans le cadre d’une sûreté générale peut être partie intégrante d’un État policier tel que l’avait été en partie le Premier Empire, mais n’a pas sa place dans un État de droit et dans un système qui se veut démocratique, même s’il s’agit d’une démocratie plébiscitaire et autoritaire.
9Curieusement, les commissaires cantonaux échappèrent à cette mise à sac. Or, ils avaient bien été conçus comme un élément du système global. Cinquante ans plus tard, un historien peu hostile au système impérial, Pierre de la Gorce, écrivait :
« Le désir de centraliser la surveillance et peut-être aussi de copier le Premier Empire amena le rétablissement du ministère de la Police qui fut confié à M. de Maupas : de ce ministère dépendirent des inspecteurs généraux, hauts fonctionnaires chargés de parcourir les provinces et “de féconder, disait-on, la victoire de l’ordre sur l’anarchie” – un peu plus tard, la création des commissaires cantonaux fortifia encore l’action répressive11. »
10Le décret du 13 mars 1853 cité plus haut créant les commissaires départementaux précisait :
« Considérant que les commissaires de police cantonaux [sic] créés par le décret du 28 mars 1852 doivent, indépendamment de leurs attributions municipales, concourir à l’action de la police générale ; qu’à ce titre, il devient nécessaire d’établir immédiatement au-dessus d’eux une impulsion, une surveillance et une centralisation hiérarchiques, [il est institué des commissaires départementaux]. »
11Curieusement ou logiquement ? En fait, une fois replacés sous l’autorité directe des préfets, les commissaires cantonaux fournissaient un instrument utile de surveillance globale dans un régime dont l’une des préoccupations était la connaissance permanente de l’opinion publique. Dans la lettre à Maupas citée plus haut, le prince-président donnait ainsi sa vision des choses :
« [La Police générale] sera une institution essentiellement pro tectrice, principalement animée de cet esprit de bienveillance et de modération qui n’exclut pas la fermeté : elle n’intimidera que les ennemis de la société. En résumé, son rôle est de surveiller au point de vue de l’humanité, de la sécurité publique, de l’utilité générale. Elle fournira au gouvernement le moyen le plus puissant de faire le bien. »
12La Police générale disparue, les buts demeuraient. À ces buts, les commissaires cantonaux devaient concourir en priorité.
Pourquoi des commissaires cantonaux ?
13Ces agents de l’État avaient pour fonction essentielle de surveiller et de renseigner. De réprimer ? Eventuellement, mais d’abord d’enserrer l’ensemble du territoire national dans un maillage qui aurait dû permettre au ministre de la Police générale, puis à l’empereur, de ne rien ignorer des pensées, opinions, projets des Français.
14La circulaire ministérielle du 31 mai 1852 est claire : « La surveillance des campagnes doit être plus générale, plus active, plus immédiate. Tout savoir, tout prévenir, tout réprimer : tel a été [le] but. » Mais comme on ne peut pas tout faire, priorité doit être donnée aux cantons où « l’élément anarchique et hostile a dominé » et où « l’intensité de la démoralisation et de la misère » constituent des foyers de désordre et de dégradation du lien social et politique12.
15Les critères qui présideront à la création de commissariats cantonaux13 sont bien identifiés dans cette même circulaire : présence de foires ou marchés, amenant une circulation humaine intense, avec colporteurs véhiculant de la littérature « dangereuse » ou des informations orales invérifiées14 ; existence de petits centres industriels, si nombreux encore dans les campagnes du Second Empire, et comportant la présence d’une population a priori plus suspecte que le monde agricole ; historicité d’une tradition « rouge » ou d’opposition politique marquée.
16Enfin, dans sa circulaire, Maupas fournissait une dernière raison, redoutable par les inévitables conflits qu’elle ne pouvait manquer d’engendrer. Le commissaire cantonal devait « suppléer, s’il y a lieu, à l’insuffisance ou à la faiblesse des autorités de second ordre ». Qui était visé ? Les maires bien sûr, les juges de paix, les gendarmes, les gardes champêtres… Voire les sous-préfets ? Persigny le laisse entendre dans son bilan, cité plus haut, de 1854. Cela présageait l’accumulation de beaucoup d’ennemis devant mener la vie dure aux commissaires cantonaux. Il n’empêche que la raison d’être de leur création apparaît là sans fard : il s’agissait pour le gouvernement d’avoir à sa disposition un corps de fonctionnaires dévoués et hiérarchisés qui ne soient distraits ni par des tâches militaires, comme les gendarmes, ni politiques, comme les maires, ni judiciaires, comme les juges de paix, ces trois catégories de personnages étant d’autre part soumis à des hiérarchies de divers types rendant l’obéissance non pas vraiment plus difficile mais plus complexe à obtenir.
17Les partisans de l’institution estimaient qu’elle était adaptée à une France dans laquelle les communications, le savoir, l’accès aux querelles de toute nature, politiques au premier chef, se développaient rapidement. Le commissaire Émile Thomas, en 1864, fonctionnaire aux prétentions normatives et pédagogiques, estimait ainsi que,
« […] nier le besoin du Commissariat cantonal, c’est nier aussi le progrès et le déclassement d’idées […].
Nos paysans sont donc devenus exigeants et aveugles. Ils savent tous lire [sic] ; la lettre des codes leur est familière ; les journaux les instruisent tant bien que mal ; et ce demi-savoir a créé les raisonneurs, qui volontiers s’opposent à la loi qui les gêne, tout en se faisant une arme de cette même loi, quand il s’agit d’en tirer un profit ou une satisfaction. Les communications rapides ont effacé les derniers vestiges de la simplicité patriarcale dans nos paisibles cantons, où la ville apporte tous les jours des idées nouvelles.
Les chefs-lieux de canton sont tous aujourd’hui de petites villes15. Luxe, folles dépenses, oisiveté remuante, ambition avide, opposition désintéressée, tendances au mal, vices bas et habitudes dangereuses, rien n’y manque ; et bien certainement les cantons ruraux renferment comme les villes, et dans une proportion surprenante, tous les détails, tous les éléments d’une véritable Police administrative, judicaire, politique et préventive16. »
18La généralisation des commissaires cantonaux représentait l’idéal d’un contrôle social total. Elle était en fait inconciliable avec l’évolution de la société et du régime, nous allons le voir maintenant.
Bref apogée et rapide déclin d’une institution
La France ne fut jamais couverte
19La création des commissariats cantonaux était facultative. Si les moyens financiers de l’Empire eussent été illimités, la totalité du territoire aurait été maîtrisée. Mais il n’en était rien et il fallut faire des choix. Les créations furent nombreuses entre 1852 et 1855, aussi bien sous Maupas que sous Persigny et même au début du ministère Billault. Puis le ralentissement est net entre 1855 et 1858. À partir de cette dernière année, les créations deviennent exceptionnelles. Dès 1861, les suppressions l’emportent largement sur les très rares créations.
Année | Nombre de commissariats |
1858 | 1900 |
1860 | 1997 |
1863 | 1851 |
1865 | 1720 |
1866 | 1536 |
1868 | 1475 |
20Non seulement le territoire n’a pu être couvert en totalité, mais la « montée en puissance » de l’institution, quoique rapide, a été très brève, et la poussée s’est inversée six ans ou à peu près après ses débuts. Pour un service censé représenter l’essence même de la surveillance et de l’encadrement des populations par l’État, le résultat peut laisser perplexe. Les explications sont pourtant transparentes. On y reviendra plus loin.
21Les zones couvertes se distinguent-elles de celles qui n’ont pas obtenu de commissariat cantonal ? Il faudra des études locales plus nombreuses pour l’attester. Il semble bien que oui Dans l’Oise, après les vagues de création des années 1853 à 1855, puis les ultimes ajouts de 1856-1857, 21 cantons sur 34 sont pourvus (contre 5 commissariats en 1852 !)18. Le département apparaît divisé en deux parties que tout oppose : à l’est et au centre, le territoire est presque entièrement couvert par les commissariats cantonaux, à l’ouest, c’est pratiquement le désert – Beauvais mis à part, bien entendu. Il n’y a là aucun hasard : la partie ouest est moins peuplée et moins industrialisée. L’industrialisation du département s’est développée à partir des axes routiers – puis ferroviaires – de Paris à Lille et à Amiens via Creil. C’est pour la plus grande part une industrie textile intégrée au milieu rural. On y trouve des petites unités de production employant de 10 à 30 ouvriers, ganteries, bonneteries, filatures de soie ou de coton ainsi que des activités sucrières. C’est donc bien la partie du département la plus peuplée ainsi que les agglomérations de travailleurs saisonniers qui font prioritairement l’objet d’une surveillance. En Ille-et-Vilaine, la division est moins nette mais en 1860, on ne compte pas plus de 17 cantons pourvus (plus les trois de Rennes, soit 20 en tout) sur 4319. Les zones les mieux garnies sont le nord, autour de Saint-Malo, terre portuaire, terre de mouvements d’hommes, et un peu aussi les régions de Fougères et de Vitré, anciennes contrées de chouannerie, ralliées à l’Empire avec une certaine difficulté. En revanche, le centre, autour de Rennes, très bien orienté politiquement, le sud et l’ouest (Redon, Montfort), tenus par une aristocratie peu hostile au régime, semblent pauvrement dotés20. On ne peut voir là un hasard.
Contestations et conflits
22Deux obstacles majeurs vont immédiatement ou presque entraver le développement des commissariats cantonaux : la grande réticence – c’est une litote – des communes à financer l’institution, et les conflits innombrables qui vont surgir avec les maires, juges de paix, gendarmes, et autres Il était prévu que le coût des commissariats cantonaux, comme des commissariats « ordinaires » d’avant 1852, fût principalement à la charge des communes pour qui il constituait une dépense obligatoire. La loi municipale du 18 juillet 1837 l’avait ainsi déterminé (en son article 30) et le Second Empire n’avait en rien innové sur ce point, à ceci près que le gouvernement avait en son pouvoir le droit d’instituer des commissaires cantonaux. Les protestations furent immédiates et sans nombre. Pour les cantons de l’Oise dotés d’un commissariat cantonal de 5e classe (la plus basse dans la hiérarchie du décret du 27 février 1855), le contingent versé annuellement pour le traitement du commissaire était de 550 francs en moyenne pour le chef-lieu du canton et de 33 francs pour les autres communes21. En Ille-et-Vilaine, les chefs-lieux de canton sont semblablement taxés durement, entre 5 et 700 francs, les petites communes versant de 30 (voire 20) à 150 francs22. Même les très modiques sommes étaient jugées insupportables par nombre de communes rurales. Dès juillet 1853, durant le processus de création du commissariat cantonal de Ressons-sur-Matz (Oise), le conseil municipal de Gournay estime que la commune est déjà trop taxée et refuse de voter l’inscription du contingent au budget : un arrêté préfectoral procède à l’inscription d’office en octobre 1853. En avril 1857, lors de la création du dernier commissariat cantonal, celui de Ribecourt, huit communes refusent de voter la contribution municipale, estimant que la gendarmerie et les gardes champêtres suffisent à un canton calme et déjà surimposé. Ceci n’empêche pas la création du commissariat23. La brutalité même des directives gouvernementales ne pouvait manquer de froisser les maires ruraux :
« Veuillez, je vous prie, [monsieur le maire] profiter de la session de mai pour mettre votre conseil municipal en demeure de voter cette somme au budget supplémentaire de 1855 pour l’exercice courant, et au budget de 1856 pour l’exercice prochain. Vous lui ferez connaître qu’en cas de refus, je serai, à mon grand regret, conformément aux instructions ministérielles, dans l’obligation de l’inscrire d’office24. »
23Après 1858, alors même qu’on ne crée plus de commissariats cantonaux nouveaux, les récriminations continuent. Le maire de Lassigny (Oise) réclame par deux fois, en mars 1859 et en juillet 1862, la suppression du commissariat. D’après lui, la population du canton est calme et dévouée au gouvernement et la présence de la gendarmerie, des gardes champêtres et du juge de paix suffit à maintenir l’ordre. La dépense du contingent fixée à 422 francs pour le chef-lieu est trop lourde pour une commune dont les revenus propres sont d’environ 360 francs par an (hors impôts)25. Le 27 juillet 1863, le maire de Néry annonce le refus du conseil municipal de verser sa participation au traitement du commissaire de Crépy-en-Valois, l’estimant trop onéreuse pour le service rendu26. Les mêmes arguments sont avancés par les maires du canton de Guiscard qui réclament à l’unanimité la suppression du commissariat en juin 1864. L’argent pourrait être mieux employé à des travaux urgents sur les chemins ou au curage de la rivière27.
24Ce genre de protestations semble se retrouver dans des départements différents à tous points de vue, socialement, économiquement, politiquement, culturellement ; en Ille-et-Vilaine, le maire de Saint-Aubin-d’Aubigné, près de Rennes, proteste :
« La population aurait lieu de s’étonner qu’on la grève d’une pareille charge financière, surtout si inutile dans les campagnes quand on possède comme nous deux brigadiers de gendarmerie, un bon juge de paix et la plus grande partie des fonctionnaires publics très dévoués au Gouvernement28. »
25Des communes aussi différentes qu’Acigné (bourg rural proche de Rennes) en 1858, de gros bourgs isolés comme Bain en 1855 et Plélan en 1858, ou encore Cancale (petite ville portuaire proche de Saint-Malo) en 1864 demandent la suppression du commissariat dont ils dénoncent la complète inutilité.
26À ce refus de payer s’ajoute un second type de problèmes – intrinsèquement lié au premier –, le conflit d’autorité avec les autorités « de second ordre » qui n’envisagent pas de se laisser déposséder. Les contemporains en eurent tout à fait conscience. En 1882, en rapportant sur la future grande loi municipale républicaine, Émile de Marcère pouvait énoncer :
« Plus tard, le décret du 25 mars 1852 en créant des commissaires de police cantonaux […] dépouillai [en] t les maires de toute autorité efficace29. »
27Ces affrontements semblent avoir été constants. Entre commissaires et juges de paix, plus encore entre commissaires et maires (et pouvoir municipal en général), de loin les plus nombreux30. Dans une lettre du 13 juin 1856 adressée à tous les commissaires du département, le préfet de l’Oise rappelle que le maire est la première autorité de la commune et qu’il faut collaborer avec lui pour bien remplir sa mission31. En mai 1864, le conseil municipal de Morlincourt se plaint de ce que le commissaire de Noyon refuse de se rendre dans la commune, où l’on ne l’a vu qu’une fois depuis son arrivée et supprime le contingent32. Celui de Pierrefonds estime que « l’institution elle-même ne peut produire aucun bon résultat33 ». Le conseil de Couloisy estime qu’« un commissaire cantonal est plus nuisible qu’utile en ce qu’il éveille la défiance, la crainte et provoque la délation tandis que la gendarmerie judicieuse, pacifique inspire la confiance et le respect de l’autorité34 ». Etc.
28Là encore, les maires d’Ille-et-Vilaine et leur conseil partagent ces points de vue. Celui de Saint-Aubin-d’Aubigné, cité plus haut, mène une charge d’une extrême violence contre les « cantonaux » que la commune a déjà subis et qu’il serait question de rétablir : pressurant la population, la choquant par leur langage, faisant des rapports « ridicules » car ne connaissant « ni les hommes, ni les choses », tels étaient ces fonctionnaires35. En 1861, le conseil de Janzé fait un parallèle éloquent entre le commissaire, inutile, « complètement insuffisant pour arrêter des coupables et malfaiteurs » et les gendarmes, « hommes représentant la force et le courage », vertus qui, si on lit bien, manqueraient aux commissaires36…
29Enfin, les conflits entre commissaires et brigadiers de gendarmerie – quoique le plus souvent feutrés par obligation – sont monnaie courante, et dans ces affaires les maires soutiennent le plus souvent les seconds – qui ne leur coûtent rien ou presque. Toutefois, il semble que, dans nombre de cas, un partage se soit établi de fait, réservant le chef-lieu de canton à l’activité du commissaire, les communes plus « rurales » à celle des gendarmes37. Mais ce modus vivendi était contradictoire avec les objectifs mêmes de l’institution. Et la rendait donc sans intérêt, la ruinait dans son principe.
La question fait débat national
30Très tôt, même en haut lieu, on s’interrogea sur l’utilité du corps. En 1857, en plein Empire autoritaire donc, une circulaire confidentielle du ministère de l’Intérieur posait la question : l’institution des commissaires cantonaux est-elle profitable ? Doit-on les maintenir partout38 ? Dès 1863, le relatif assouplissement du régime multiplia les propositions de réforme qui prirent souvent la forme de demandes de suppression, soit de commissariats particuliers, soit carrément de l’institution elle-même. Le directeur du Journal des commissaires de police en personne, Benoît, réclamait en 1863 un allégement de la charge des communes en précisant que, désormais, la police municipale était devenue une partie accessoire de leur travail par rapport aux missions de sûreté générale et de police judiciaire : « Est-il juste que les communes continuent à supporter les charges d’un service qui a perdu son caractère municipal39 pour revêtir celui d’un service public40 ? »
31Après les « mauvaises » élections de 1863, l’offensive reprit de plus belle. Le 14 mars 1864, au cours de la discussion du budget au Corps législatif, un amendement fut présenté par un opposant de bon aloi, l’orléaniste libéral Buffet, pour réduire de 50 000 francs la subvention accordée par l’État aux commissariats cantonaux et réclamer la réduction du nombre d’iceux. Le député Stievenart soutint l’amendement et dénonça l’institution qu’il estimait nuisible, inutile et coûteuse. Elle aurait coûté à l’État 600 000 francs par an dont 150 000 à la charge des communes41. Il affirmait que cette institution aurait pu sans problème être remplacée par l’action du maire42, du juge de paix ou de la gendarmerie. Il jugeait les commissaires cantonaux le plus souvent illettrés, sans éducation, dépourvus de jugement. Il dénonçait leur attitude dans son département du Nord durant les dernières élections.
32Le mouvement semble porté par une opinion majoritairement hostile aux commissaires et le pouvoir suit, avec plus ou moins de réticence. Une circulaire du ministère de l’Intérieur, datée du 25 avril 1865, annonce que le gouvernement s’est préoccupé des quelques réclamations (sic) qu’il a reçues et pense à supprimer les commissariats ruraux « dont l’utilité ne serait pas démontrée43 ». Une autre, du 24 mai 1867, demande au préfet d’examiner la possibilité de réduire le nombre de commissariats cantonaux en supprimant ceux qui se trouveraient vacants par suite d’une démission ou d’un décès44. Au cours de la séance du 13 juin 1865, le ministre, La Valette, était intervenu à propos d’un amendement qui accusait les « cantonaux » d’une foule d’abus, de scandales, évoquant des commissaires révoqués et même emprisonnés, les qualifiant de « petits tyrans ». La Valette admettait que l’institution fut utile en période agitée quand le gouvernement tenait à connaître exactement l’opinion publique, et reconnaissait qu’elle devenait source de tracasse ries dans le calme désormais prédominant45. Lui répondant, le député Magnin, signataire de l’amendement, déclarait : « L’institution est mauvaise. » Il ajoutait que le gouvernement même le reconnaissait implicitement puisqu’il avait rapidement dé mantelé le système de 1852 : disparition de la Police générale, des inspecteurs généraux, des commissaires départementaux. Or, les commissaires cantonaux n’étaient que le dernier échelon de ce système. Le reste disparu, leur existence n’avait plus de sens46.
33Le pouvoir était pris entre deux exigences : ne pas se désavouer trop vite, mais aussi donner satisfaction à une opinion de notables (maires, députés) de plus en plus hostiles. En se reportant au tableau présenté plus haut, on voit que le nombre total de commissariats a reculé d’un quart environ entre 1860 et 1868 – avec des nuances fortes : dans l’Oise, sur 16 commissariats de cinquième classe, huit disparaissent durant cette période47. En Ille-et-Vilaine, ils sont toujours 20 début 1866, mais 15 un an plus tard et 13 en 1870, les commissariats vraiment ruraux ayant disparu48.
34En 1870, avant la chute de l’Empire, fut publié un violent pamphlet anonyme intitulé Des commissaires de police et des commissariats de police cantonaux qui prônait leur suppression totale en s’appuyant sur le long conflit surgi entre la petite ville de Saint-Valéry-sur-Somme et la préfecture de la Somme. On citera – mais le cas a dû exister des dizaines de fois – la délibération radicale du 20 mai 1863 :
« Le conseil a la conviction, que […] dans ce canton où il n’existe aucun de ces établissements industriels dans lesquels peuvent germer et se développer les passions subversives et anti-sociales, le personnel, composé des maires, du juge de Paix, d’une brigade de gendarmerie qui suffit dans les autres cantons, et qui est ici augmenté des commissaires et des gendarmes de la marine, des officiers du port, de la douane, etc., est plus que suffisant pour assurer le bon ordre.
Que l’existence d’un commissaire de police, dans ces conditions particulières, est une cause permanente de froissements et conflits, qui nuisent au service, annihilent ou compromettent l’action et les attributions des autres fonctionnaires, et maintiennent des germes de mécontentement et d’irritation au milieu d’une population exclusivement agricole et maritime, qui dans l’intérêt bien entendu de l’administration, devrait être laissée directement et sans intermédiaire en contact avec les magistrats ou fonctionnaires qu’elle connaît, dont elle est connue, et qui ont sur elle l’influence de la confiance et de la persuasion49. »
35Les temps étaient mûrs pour le coup de balai final.
La fin des commissaires cantonaux
36Les républicains avaient depuis des années vu dans les commissaires cantonaux des agents purement politiques au service exclusif du régime de Badinguet. Il n’est que de lire l’extraordinaire portrait – quasiment hugolien ! – dressé, de ces fonctionnaires, par le jeune et bouillant radical Yves Guyot au début des années 1880 :
« Il y a dans certaines communes un homme que personne n’appelle par son nom et que tous désignent par son titre. C’est un des champignons vénéneux poussés sur notre fumier politique. L’administration l’a choisi parmi les sous-officiers, buveurs d’absinthe, coureurs de filles, carottiers, ivrognes, que leurs habitudes empêchent, leur temps fini, de rentrer honorablement dans la vie sociale pour vivre de leur travail. Rebut de l’armée, incapable d’être homme, propre à rien, il est bon à tout faire. L’administration le prend, lui donne une écharpe, douze cents francs d’appointements, pleins pouvoirs, et le lâche comme un dogue sur certains villages, soupçonnés de républicanisme – moins que cela, d’avoir quelques velléités d’indépendance, – en lui disant : Mords là !
On le voit errer seul, le chapeau sur l’oreille et cachant les yeux, de grosses moustaches hérissées, la mâchoire en avant, les mains dans les poches, les épaules en arrière, le talon sonnant sur le sol, impudent, matamore, aussi plein de bêtise que d’insolence. Le soir, dans les coins sombres, au milieu des ordures, il se dépose en embuscade de la vertu des jeunes filles et de la tranquillité des hommes.
Cet être crapuleux, fanfaron comme un lâche, hargneux, baveux, venimeux, écumant, ignoble, plat et redondant, insupportable à tous et qui devrait l’être à lui-même, c’est le représentant de l’autorité, de l’ordre moral, de la famille, de la propriété, c’est le commissaire de police50. »
37Le 11 septembre 1870, une semaine seulement après la chute de l’Empire, Gambetta, ministre de l’Intérieur, publiait un arrêté énonçant :
« Article unique – Les articles 7, 8 et 9 du décret du 28 mars 1852 sont abrogés et les commissariats de police cantonaux sont et demeurent supprimés à ce jour51. »
38Fin de partie ? Pas tout à fait. Des juristes scrupuleux ne manquèrent pas de faire remarquer qu’un simple arrêté ministériel ne pouvait nullement abroger un décret. C’était de la théorie. Dans les faits, l’immense majorité des communes et des conseils généraux ne voulaient plus entendre parler des commissaires cantonaux. Malgré tout, comme toujours, il demeura des cas atypiques et puisque, légalement, le décret de 1852 n’avait pas été abrogé, on comptait encore une bonne centaine (mais pas plus) de commissariats cantonaux dans la France des années 1870-1875. Une circulaire du ministère de l’Intérieur du 8 mai 1875 précisait toutefois que toute commune de moins de 5000 habitants – donc non astreinte à la présence d’un commissaire de par la loi de pluviôse an VIII – pouvait être déchargée d’entretenir tout commissaire cantonal subsistant, sur simple demande. L’institution mourut donc de mort lente et non d’infarctus.
*
39Ainsi se termina la seule tentative connue de généralisation d’une police civile politique à l’échelle de la nation et couvrant la totalité de l’espace rural. Dans ce contexte, l’espace cantonal constituait une circonscription idéale et quasiment obligatoire. La commune, trop petite, aurait exigé un nombre astronomique de commissaires et l’arrondissement ne permettait pas une surveillance efficace dans une société où les agents de l’ordre se déplaçaient à pied ou quelquefois à cheval – les commissaires n’ayant pas de chevaux. L’intérêt pratique du canton était une fois de plus démontré. Mais par le biais d’une institution qui avait soulevé, ou peu s’en fallait, l’unanimité contre elle, l’échec étant donc inscrit dans le texte : la réussite eût constitué la première phase de la mise en place d’un système totalitaire et rien ne fut moins totalitaire, dût la légende en pâtir, que le Second Empire.
Notes de bas de page
1 Grün Alphonse, Traité de la police administrative générale et municipale, Paris, Berger-Levrault et fils, 1862, p. 129.
2 Cette question demeure très peu étudiée. J’ai tenté, avec un succès mitigé, d’y intéresser des étudiants de master. Pour l’instant, il n’en est résulté qu’un seul mémoire, de bonne qualité : Bruneel Véronique, Les commissaires de police cantonaux dans l’Oise sous le Second Empire, mémoire de master, sous la direction de Jean-François Tanguy, université Rennes 2, 2006, qui nous a notamment fourni des données locales sur l’Oise. On a ici privilégié, dans un cadre restreint, une approche strictement institutionnelle de la question. Il serait intéressant d’étudier, par ailleurs, le profil sociologique des commissaires cantonaux. Ou plutôt, tous les commissaires de police du Second Empire étant juridiquement cantonaux, de comparer un échantillon suffisant de commissaires urbains et de commissaires ruraux, sur plusieurs départements, d’autant plus que les seconds disparaîtront après 1870.
3 Sur l’ensemble des questions d’organisation de la police à cette époque, voir Carrot Georges, Le maintien de l’ordre en France depuis la fi n de l’Ancien Régime jusqu’à 1968, Toulouse, Presses de l’Institut d’études politiques de Toulouse, 1984, t. 2, p. 543-561 et Payne Howard, The Police State of Louis Napoléon Bonaparte, 1851-1860, Seattle, University of Washington Press, 1966.
4 Maupas Charlemagne-Émile de, Mémoires sur le Second Empire, Paris, Dentu, 1884, t. 1, p. 570-573.
5 Duvergier Jean-Baptiste, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du conseil d’État, Paris, 1852, p. 305-306.
6 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1546, circulaire du 13 mars 1853.
7 Décret du 13 mars 1853, cité dans Duvergier Jean-Baptiste, Collection complète…, op. cit., 1853, p. 75-76.
8 Notion sans doute discutable à cette époque, entendue ici métaphoriquement. Voir Leclere Bernard et Wright Vincent, Les préfets du Second Empire, Paris, Armand Colin, 1973. Il existe certainement, malgré tout, une influence des préfets au sens collectif.
9 « Rapport à l’Empereur sur l’administration du ministère de l’Intérieur », Bulletin officiel du ministère de l’Intérieur, 1854, p. 208.
10 Maupas Charlemagne-Émile de, Mémoires…, op. cit., p. 574.
11 La Gorce Pierre de, Histoire du Second Empire, Paris, Plon, 1894, t. 1, p. 7.
12 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 4915, circulaire du 31 mai 1852.
13 Rappelons qu’il ne faut pas confondre deux choses : le décret du 28 mars 1852 étendait de droit la juridiction des commissaires de police existants à l’ensemble du canton. Mais comme tous les commissaires résidaient alors en ville, cela changeait peu de choses pour les petites villes – quelques communes périphériques gagnées – rien pour les grandes. Tout autre était le cas des créations de commissariats ruraux ; mais les ressources de l’État ne permettaient pas d’en créer partout et l’article 2 utilisait la formule magique : « Lorsque le besoin s’en fera sentir. » C’était au ministre d’apprécier les besoins.
14 Sur la question peu étudiée et importante des foires et marchés, Thomas Jack, Le temps des foires. Foires et marchés dans le Midi toulousain de la fi n de l’Ancien Régime à 1914, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1993.
15 Voir, supra, la contribution de Corinne Marache, « Une petite ville à la campagne ? ».
16 Thomas Émile, Réorganisation du Commissariat de police, Montdidier, impr. de Radenez, 1864 (surchargé, 1865), p. 17-18.
17 Sources pour les années indiquées, Journal des commissaires de police, 1858, p. 267 ; 1860, p. 170 ; 1863, p. 8 ; 1865, p. 211 ; 1866, p. 7 ; pour 1868, payne Howard C., The Police…, op. cit., p. 212. Le tout sur 3 400 cantons.
18 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1432, tableaux préfectoraux adressés au ministre.
19 Cinq ont été supprimés depuis 1855, presque tous dans le centre et l’ouest du département.
20 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 4 M 3 et 4 M 4, tableaux préfectoraux adressés au ministre.
21 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1615, tableau de répartition des contingents par canton, 9 juin 1855.
22 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 4 M 3, tableau préfectoral du 22 mars 1855.
23 Sur ces affaires, nombreuses lettres des maires au préfet, Arch. dép. de l’Oise, Mp 1432, Mp 1546, Mp 1539/1 et Mp 1615. Sur l’affaire de Ribécourt, lettre du préfet de l’Oise au ministre de l’Intérieur, Mp 1546, 5 décembre 1857.
24 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 4 M 3, circulaire préfectorale du 4 mai 1855.
25 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1432, lettre du maire de Lassigny au sous-préfet, 7 juillet 1862.
26 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1546, lettre du maire de Néry au receveur municipal.
27 Ibid.
28 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 4 M 3, lettre du maire au préfet, 29 mai 1859. Remarquons que le maire admet implicitement que les « cantonaux » sont d’abord là pour faire la chasse aux opposants. Avec lucidité ou naïveté ? On ne peut en décider.
29 La Nouvelle Loi municipale. Documents, projets de loi, rapports, discussions au Sénat et à la Chambre des députés, décret de promulgation, etc., Paris, impr. du Journal offi ciel, 1883 (date évidemment erronée ! En fait, 1884), p. 8.
30 Les arguments financiers cachant à notre avis le débat d’autorité, beaucoup plus fondamental. Le commissaire cantonal, s’il avait subsisté, aurait tendu à devenir l’agent politique majeur du canton – comme le remarquera Marcère vingt ans plus tard.
31 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1542.
32 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1539/1, délibérations du conseil municipal, 27 mai 1864.
33 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1539/1, délibérations du conseil municipal, 8 mai 1864.
34 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1499/2, délibérations du conseil municipal, 7 mai 1864.
35 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 4 M 3, lettre du maire au préfet, 29 mai 1859.
36 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 4 M 6, délibération du conseil municipal de Janzé, 3 mars 1861.
37 Voir, supra, la contribution d’Arnaud-Dominique Houte, « Le territoire du métier… ». Mais pas partout ! En 1866, le maire de Redon atteste que le commissaire fait de fréquentes tournées dans les campagnes, donne des ordres aux agents communaux, constate les contraventions (Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 4 M 3, lettre au préfet du 19 juillet). On ne peut croire que les gendarmes aient vu cet activisme avec plaisir.
38 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1548, circulaire du ministère de l’Intérieur, 17 décembre 1857.
39 Pieuse formule : elle ne l’avait jamais été.
40 Journal des commissaires de police, 1863, p. 7.
41 Ibid., 1864, p. 85.
42 Cette insistance à voir dans le maire un agent de maintien de l’ordre est en fait purement rhé torique. Le maire est de plus en plus un organisateur, un administrateur, un référent politique et son rôle d’officier de police devient purement symbolique. Voir notre article, « Pouvoir de police et pouvoir judiciaire des maires dans la seconde moitié du XIXe siècle. L’exemple de l’Ille-et-Vilaine » dans Follain Antoine (dir.), Les justices locales dans les villes et villages du XVe au XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 373-393. À partir de 1870, avec l’effondrement nu mérique et qualitatif des gardes champêtres, le maintien de l’ordre à la campagne devient exclusivement l’affaire des gendarmes (et des juges de paix), mais uniquement en matière de droit commun ; non que la surveillance politique exercée par la Troisième République soit moins prégnante, contrairement à une légende. Mais elle s’exerce par des voies entièrement différentes.
43 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1543.
44 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1499/2.
45 Journal des commissaires de police, 1865, p. 101-106.
46 Ibid., p. 108-110.
47 Arch. dép. de l’Oise, 4 Mp 1432, tableaux préfectoraux.
48 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 4 M 5, tableaux préfectoraux.
49 Des commissaires de police et des commissariats de police cantonaux, Paris, Pichon-Lamy et Dewez, 1870, p. 18-19.
50 Guyot Yves, Études de physiologie sociale. La Police, Paris, G. Charpentier, 1883, p. 141.
51 Journal des commissaires de police, 1870, p. 233.
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