La loi d’avril 1919 sur la réunion des cantons judiciaires et la délégation des magistrats de paix
p. 103-116
Texte intégral
1Cette contribution historique envisage la question de la réforme de l’organisation judiciaire dans l’immédiat après-guerre à travers l’étude de la loi votée le 28 avril 1919. Bien qu’inscrite dans le prolongement des initiatives prises par les cabinets républicains en 1896, 1901 ou 1915, celle-ci est la première à décider d’un remodelage de la carte judiciaire cantonale étendu à l’échelon national. Elle permet la réunion sous une seule et même juridiction de deux circonscriptions jusque-là limitrophes – par une opération appelée « binage » –, et fait des magistrats cantonaux des juges presque « ordinaires » en leur offrant la possibilité d’intégrer les tribunaux d’arrondissements. C’est toutefois moins l’amplification du mouvement de professionnalisation du corps des juges de paix qui nous intéressera ici – même s’il est présent en toile de fond et explique pour une large part l’adhésion de ces fonctionnaires à la réforme – que l’effort de rationalisation des services judiciaires sous-tendant la démarche engagée par les pouvoirs publics.
2Dans un contexte difficile, où dominent largement les questions économiques et les préoccupations budgétaires, les parlementaires entre prennent en effet de revisiter le principe de proximité hérité de la Révolution. L’horizon géographique du canton ne leur paraît plus adapté aux moyens de communication dont disposent les justiciables, ni à l’évolution qu’a connue l’institution de paix depuis sa création. La nature et le volume du contentieux se sont considérablement modifiés sous l’effet d’une diversification accrue des attributions du juge, et la figure paternelle que ce dernier incarnait à l’origine a fait place à celle d’un véritable technicien1. Tout l’enjeu de la réforme est de redéployer le personnel en fonction des besoins des services et d’adapter les contours de la carte judiciaire à la nouvelle donne socioéconomique du pays. L’ambition de réduire les coûts de la justice, comme celle qui consiste à éviter que ne subsistent des tribunaux trop peu occupés sur le territoire national, interroge de la sorte la transformation même de l’État et la place accordée à ses serviteurs2.
3Or, le poids des contraintes spécifiques du moment est tel que les dehors sous lesquels se drape la loi – réformer la justice de proximité et rationaliser son fonctionnement – ne peuvent masquer les arrière-pensées – nettement financières et comptables – qui guident ses promoteurs. Dans cet ordre d’idées, et en se fondant à la fois sur les archives parlementaires, sur les documents produits par les bureaux du ministère de la Justice ou la correspondance des hiérarques des cours d’appel, il s’agira d’aborder trois points successifs qui éclairent les contingences de la réforme et les enjeux du remodelage des territoires judiciaires en 1919. Le premier aura pour objet de retracer à grands traits les débats récurrents que focalise l’aménagement de cette carte judiciaire depuis le milieu du XIXe siècle. Le second sera de scruter le contenu du projet gouvernemental et de montrer que l’attente jamais démentie d’une telle réforme s’inscrit dans un train de mesures qui lui sont antérieures. Enfin, le dernier distinguera les principaux acteurs convoqués sur la scène parlementaire et examinera leur rôle dans la préparation du texte soumis au vote des Chambres.
La réforme : « un mot magique et producteur de mirages »
4Au cours du XIXe siècle, la réforme de la carte judiciaire se retrouve périodiquement au cœur du débat public. Certes, il n’y a pas de réels bouleversements des « terroirs judiciaires » entre l’an VIII et le milieu des années 1920, mais ce thème génère « une spirale discursive » au sein du monde politique et des milieux judiciaires3. Un nombre considérable de propositions ou de projets de loi voient le jour, où il est question de l’harmonie géographique des ressorts par rapport au découpage administratif, de la configuration des circonscriptions des tribunaux d’arrondissements ou des contours des juridictions cantonales. On y invoque tantôt les attentes des justiciables, tantôt celles des avocats, des communes ou du pouvoir central, mais la teneur variée de ces textes heurte des intérêts contraires pour ne pas dire contradictoires. Certains envisagent une réforme partielle alors que d’autres ne jurent que par une refonte globale, et si, à des degrés divers, tous s’interrogent sur la distribution des juridictions dans l’espace national, les « systèmes » ainsi échafaudés sont plus ou moins capables de transformer le paysage judiciaire.
5De 1814 à la chute de la monarchie de Juillet, tout aménagement de la carte judiciaire est jugé incongru. Par le biais des épurations qu’ils opèrent, les gouvernements successifs préfèrent s’attaquer à la recomposition des juridictions plutôt qu’à la refonte des structures judiciaires en place, augmenter les attributions des juges de paix ou élargir leurs compétences plutôt qu’affecter les cadres spatiaux dans lesquels ils évoluent4. Certes, les républicains de 1848 rompent avec cette posture attentiste en prônant des réformes radicales, mais ils sont rapidement dénoncés par les conservateurs comme des « faiseurs de systèmes5 » et l’avènement de Louis-Napoléon à la présidence de la République est accueilli comme un événement « salutaire » par les partisans du statu quo organisationnel. Le régime autoritaire qui s’installe alors entend fonder la légitimité de l’ordre judiciaire sur une domestication de son personnel, et pour ceux qui le soutiennent, rien ne saurait remettre en cause la pérennité de l’édifice hérité des grandes heures de l’Empire.
6Par-delà les clivages idéologiques traditionnels au sein des droites, un front commun se dessine ainsi pour le maintien des juridictions en place. Si les plus libéraux manifestent quelques intentions réformistes, aucun programme d’action cohérent ne surgit des palais gouvernementaux. Les caciques du pouvoir comme leurs représentants locaux sont pour la plupart réfractaires à concevoir une carte cantonale remaniée, car ils craignent par-dessus tout la mise à mal de la figure du juge qui l’incarne ; ce notable de clocher qui est à la fois un agent de « moralisation6 » des classes laborieuses, un garant de l’ordre social établi, un agent électoral efficace, dont l’enracinement territorial fait un interlocuteur privilégié7. Pendant tout le Second Empire, c’est donc moins le thème de la carte judiciaire cantonale qui nourrit les discussions politiques que la question du personnel judiciaire proprement dit ; comme en témoigne d’ailleurs la part que les justices de paix occupent dans les projets ou propositions formulées, qui toujours reste marginale.
7Intérêts locaux et corporatistes ne s’estompent pas, mais à partir de 1870, ce sont les questions liées à la formation des juges, aux conditions de leur recrutement ou de leur avancement qui sont plutôt mises à l’ordre du jour. Si de nouvelles propositions de réformes sont faites en ce sens, elles se cantonnent bien souvent à des mesures de détail ou prennent un tour technique rendant leur mise en œuvre complexe et des plus improbables. Presque invariablement, celles qui s’intéressent au découpage juridictionnel et aux effectifs judiciaires prônent la suppression de quelques cours d’appel et la réduction du personnel des tribunaux voire des justices de paix (propositions Arago, Bérenger ou Favre par exemple). Mais précipitations, divisions et renoncements font qu’aucune n’emporte l’adhésion et qu’au début des années 1880, c’est la question du personnel judiciaire qui revient seule au cœur des débats et mobilise toutes les énergies. Tandis que se discutent avec vigueur la suspension de l’inamovibilité et l’éventuelle élection des magistrats au suffrage universel, les républicains en profitent pour procéder à la « révolution judiciaire8 ». Ils disposent de tous les leviers du pouvoir, envisagent de réformer les structures, mais finalement se contentent de faire porter leur action sur les seuls effectifs, en épurant le corps judiciaire dans des proportions sans précédent9.
8Jusqu’à la veille du premier conflit mondial, beaucoup d’initiatives n’ont pas les honneurs de la discussion parlementaire et aucune innovation majeure ne peut aboutir10. Le politique apparaît saisi de paralysie dès lors qu’il s’agit de retoucher la carte judiciaire, même si, comme on peut le lire dans la Gazette des tribunaux datée d’octobre 1910,
« […] s’il est un pays avide de réformes, où l’on en parle constamment, où l’on est sûr de se faire écouter en prononçant ce mot magique et producteur de mirages, c’est assurément notre pays de France. Parmi ces réformes, l’une de celles dont mention est faite le plus fréquemment, que l’on retrouve le plus souvent citée dans les programmes des candidats ou dans les discours des gouvernants, a trait aux institutions judiciaires ».
9« Dès lors, que faut-il faire ? » s’interroge l’auteur, avant d’amorcer une réponse sibylline : « Il ne faut s’avancer qu’avec des précautions infinies et pas à pas, sérier les questions et les examiner chacune séparément, tout en respectant l’idée d’un ensemble harmonieux à respecter ou à édifier11. »
10Une telle impuissance à réformer irrite les hommes des finances, et notamment les rapporteurs du budget de la Justice que sont Ajam et Abel. L’un après l’autre, en 1912 puis en 1914, ils réclament avec insistance de substantielles améliorations du système judiciaire. À cette époque déjà, la crise économique et le déficit du budget poussent à la prudence pour ne pas dire à la rigueur. Au Parlement comme dans les bureaux de la chancellerie, ce sont les responsables de la comptabilité qui soutiennent le plus ouvertement l’option d’une réforme12. Ils usent pour cela d’un argumentaire « classique » qui trouve sa justification dans trois idées-forces : le coût élevé de la justice, le nombre trop important de tribunaux et le manque d’occupation des juges en place. Un tel discours n’est pas sans recueillir quelques échos favorables chez les politiciens soucieux des problèmes de trésorerie du pays, d’autant qu’ils y voient les moyens d’asseoir la justification d’une réforme impérieusement réclamée depuis de longues années13. La difficulté à laquelle ils sont confrontés est toutefois de diminuer les postes de magistrats et d’utiliser de manière plus judicieuse les services de ceux dont les emplois sont préservés, tout en conservant les structures organisationnelles en vigueur depuis l’an VIII.
11En octobre 1915, le débat s’immisce à l’Assemblée où le député Victor Peytral – qui n’entend pas s’en tenir à des demi-mesures – propose l’institution du juge unique. La mesure apparaît d’autant plus radicale que, comme il le concède dans son exposé des motifs, « ici comme sur le terrain de la réforme administrative, on a toujours été effrayé par l’étendue de la tâche et surtout par le bouleversement des habitudes et des institutions14 ». Or, deux mois plus tard, c’est au tour de son collègue Meunier de surenchérir, en affirmant que
« […] pendant que les hostilités continuent, nous avons l’impérieux devoir de nous organiser sans retard à l’intérieur pour les lendemains de la guerre. Il nous faut assurer dès maintenant une bonne et rapide justice, sans exagération de frais et en réalisant par la réduction du nombre de magistrats de sérieuses économies dans le budget15 ».
12La discontinuité patente du service judiciaire dans un certain nombre de cantons – mal, voire pas assuré, en raison notamment de la pénurie de personnel et des effets de la mobilisation –, la délicate situation économique et financière du pays, ainsi que l’évolution de la nature du contentieux « de proximité » justifient pleinement ces sollicitudes parlementaires. Mais, si les rapports de force politiques nouveaux qui émergent invitent à la réforme des cadres cantonaux, le choix du juge unique ne fait pas l’unanimité. Selon Raoul Péret, garde des Sceaux qui, en novembre 1917, développe son projet de loi :
« Il faut, [simplement réaliser] une répartition plus équitable du travail par une répartition plus exacte et une affectation plus adéquate du personnel. Il faut un zèle et une diligence du personnel encouragés et tenus en éveil par un contrôle efficace. Il faut des conditions de recrutement améliorées16. »
13Autant d’idées capables de faire consensus, qui sont de plus en plus répandues et qui ne tardent d’ailleurs pas à être reprises par les hommes clés du gouvernement à la veille de l’armistice.
Emprunts et innovations : la généalogie de la loi de 1919
14Avec la guerre et son lot de problèmes financiers, l’économie prime, et de l’avis général, une saine gestion des finances publiques doit nécessairement passer par la compression rigoureuse des frais généraux de l’État qui grèvent le budget de la nation. En matière judiciaire, suppression de postes et fusion des circonscriptions cantonales semblent devoir accompagner la réorganisation d’un édifice vieilli et jugé largement obsolète. La rationalisation des services comme la démocratisation du recrutement d’un personnel qui apparaît par ailleurs meurtri par le conflit17 participent aux yeux du plus grand nombre de cette réforme de l’État si nécessaire, tant promise mais sans cesse repoussée. Dans un tel contexte, en mai 1918, les ministres de la Justice, des Finances et de l’Intérieur s’associent pour déposer un projet de loi qui va dans le sens du regroupement des juridictions. Comme le clame le garde des Sceaux à la tribune de la Chambre,
« […] la question de la réforme judiciaire nous presse. Il est impossible de se dissimuler le mal. Si tout de suite une réforme profonde n’intervient pas, on ne trouvera plus ni suppléants, ni juges. Des systèmes divers ont été proposés, mais nous avons pensé qu’il fallait respecter autant que possible les cadres actuels, considérer les magistrats, juges et juges de paix en un tout, et opérer sur cet effectif une compression18. »
15L’exposé des motifs affirme ainsi l’urgence de réformer, mais il n’y a là rien de très original dans les objectifs, non plus que dans la démarche adoptée. Concrètement, les trois ministres envisagent de supprimer plus de 1 200 postes de magistrats – dont 800 à 900 dans les cantons –, et prônent l’extension des délégations autant que la généralisation du binage pour réaliser une économie de plusieurs millions de francs. Sur le premier point, le projet est en gestation depuis le milieu des années 1870. Cinq gardes des Sceaux l’ont déjà proposé : Dufaure en 1876, Bourgeois en janvier 1893, Ricard en janvier 1896, Vallé en juin 1904 et Péret en 191819. Pour le titulaire de la place Vendôme, « la délégation est le seul moyen de faire disparaître un personnel trop peu occupé, et cette faculté heureuse, née des circonstances », doit selon lui devenir « une règle permanente20 ». Elle permettrait de réduire les tribunaux sans porter atteinte à « la garantie que l’esprit public est habitué à trouver dans la pluralité des juges », et surtout, de ne pas introduire ce juge unique tant redouté, qui occasionnerait « de fortes turbulences21 » pour la justice correctionnelle en obligeant à supprimer les arrondissements judiciaires.
16La solution envisagée pour parvenir au mieux à la réduction du personnel passe ainsi par la conjonction des délégations et du binage ; mesures qui ne suscitent guère de réactions négatives puisque le dispositif est déjà en partie entré dans les mœurs. Le juge délégué, pièce maîtresse qui est mise en avant, a en effet été introduit dans les parquets par la loi d’août 1883, et il ne s’agit dès lors que de l’étendre aux sièges des tribunaux civils, en donnant un caractère définitif aux mesures prises de manière transitoire depuis le début du conflit. La loi du 5 août 1914 a pour sa part autorisé le recours à la délégation de magistrats pour compléter le personnel des cours et des tribunaux au sein d’un même ressort, soit en faisant appel aux titulaires ou aux suppléants des juridictions voisines, soit en obtenant le concours des juges de paix les plus proches du chef-lieu d’arrondissement. Quant à la loi du 4 octobre 1916, elle a admis les délégations de magistrats entre des ressorts différents, à la condition que la chancellerie ait au préalable émis un avis favorable en ce sens. En 1919, le garde des Sceaux est donc d’autant plus à l’aise pour défendre une extension de cette délégation que le principe en a déjà été accepté par les parlementaires.
17Dans le projet gouvernemental, les dispositions relatives à cette extension des délégations tiennent en quelques lignes : dans les tribunaux composés de trois magistrats, il est proposé d’en réduire le nombre à deux, et si les besoins de l’audience ou de l’instruction l’exigent, d’instituer un juge délégué puisé dans une juridiction voisine, soit parmi les juges titulaires, soit parmi les magistrats suppléants ou les juges de paix de l’arrondissement (article 10). Ces magistrats cantonaux seront choisis sur une liste dressée annuellement par le premier président, mais il y aura deux restrictions à leur nomination : la première est que la présidence du tribunal appartiendra toujours à un magistrat titulaire, et la seconde est que deux juges de paix délégués ne pourront jamais siéger ensemble. Ainsi est-il prévu que les juges cantonaux prêtent leur concours aux tribunaux civils pour « préparer l’interpénétration si désirable des deux magistratures22 » et que l’on adosse à cette mesure le binage de tous les cantons, y compris ruraux.
18Comme l’indique le texte du projet de loi, à chaque fois que l’importance de la population ou que les facilités de communication le permettront, et dans la limite d’un tiers des justices de paix, les titulaires pourront desservir non plus seulement un canton, mais deux ou trois, dès lors qu’ils seront limitrophes au sein d’un même département23. Pour audacieuse qu’elle paraisse, la mesure préconisée ici n’est pas une réelle innovation. Une première entorse au principe de la résidence a été faite par la loi du 21 mars 1896 autorisant la tenue d’audiences « foraines ». Certes, cette loi n’avait pas alors pour conséquence de créer un ressort spécial, ni de modifier les règles de la compétence puisqu’il s’agissait seulement d’« offrir aux habitants de communes plus nombreuses le bénéfice des audiences qui se [tenaient] habituellement au seul chef-lieu24 ». Néanmoins, la tenue d’audiences supplémentaires, en dehors du chef-lieu de canton, ouvrait une première brèche et préfigurait déjà ce que pouvait être, à court ou moyen terme, un regroupement des juridictions cantonales.
19De fait, les véritables prémisses du binage se trouvent contenues dans deux textes : d’abord dans la loi du 25 février 1901, qui par son article 41 est venue le mettre en pratique en autorisant la réunion de deux justices de paix à l’intérieur d’une même commune urbaine, ensuite dans la loi du 6 avril 1915, qui a prévu pendant la durée de la guerre que les justices de paix de deux cantons voisins – y compris ruraux – pourraient être temporairement réunies par décret. À deux conditions cependant : l’absence de l’un des juges de paix pour cause de mobilisation ou la vacance de l’un des sièges par suite de décès, de démission ou de révocation du titulaire. Par conséquent, lorsqu’en 1919 le garde des Sceaux dépose son projet de loi, c’est convaincu que
« […] la preuve est faite que la réduction du nombre des justices de paix est possible dans une proportion importante sans que les justiciables ne perdent rien au point de vue de la commodité ; leurs habitudes ne seront même pas changées si l’on consent à la tenue de quelques audiences par semaine dans l’ancienne justice de paix25 ».
20À ce stade, et pour s’assurer une majorité politique disposée à adopter son texte, le garde des Sceaux doit s’engager sur la méthode en indiquant quels seront les critères précis de mise en œuvre. Or, sur ce point, et comme l’indiquait déjà la Revue politique et parlementaire en 1911, « le problème des circonscriptions judiciaires n’est pas insoluble si on se garde de deux écueils : le morcellement des arrondissements, ainsi que la manie de la symétrie et de la régularité26 ». S’il est en effet séduisant de vouloir créer des territoires judiciaires d’égale importance, leur découpage doit cependant tenir compte de la configuration topographique des lieux, des moyens de transport à disposition pour les desservir, du fait que chacun des arrondissements est loin d’avoir à traiter un nombre équivalent d’affaires et que tous n’ont pas non plus la même richesse, ni une densité de population identique. Ce sont là autant d’éléments qu’il convient de ne pas ignorer et sur lesquels le ministre de la Justice se dit volontiers prêt à discuter en vue d’assurer le succès de la réforme.
21Les praticiens, de leur côté, semblent assez unanimes pour soutenir le projet, mais ils n’hésitent pas à mettre en garde contre les réactions négatives qu’il suscitera sans doute ici ou là et contre les pressions que la chancellerie aura à subir de la part de telle ou telle municipalité. En mars 1919, Le journal spécial des justices de paix, organe professionnel des magistrats cantonaux, se fait ainsi l’écho de ses abonnés quand il invite à poursuivre « sans retard » le binage introduit pendant la guerre. Le rédacteur dit même qu’il convient de ne plus condamner les nouveaux juges de paix « pleins d’ardeur au travail » à se perdre dans l’oisiveté de juridictions inoccupées. Certes, il relève ce désir des villages et des hommes politiques locaux d’avoir leur propre juge de paix, mais c’est là une « vaine gloriole » qui, selon lui, ne résiste pas à un « sage examen des faits ». Il en veut pour preuve le propos lucide d’un conseiller municipal d’un petit bourg de 800 habitants affirmant :
« Ça fait nombre. Oui, ça fait nombre, mais où est ici le besoin ? Que peut gagner un juge de paix à faire nombre s’il n’a pas d’occupations ? Quels services rend-il ? Et n’est-ce pas faire œuvre de bon français, dans les moments difficiles que nous traversons, que de désirer des économies pour le trésor public27 ? »
22On le constate ici, intérêts corporatistes et intérêts politiques convergent pour que la réforme des territoires judiciaires soit menée à bien ; les magistrats de paix parce qu’ils sont désireux de rehausser leur prestige et entrevoient là un moyen de s’ouvrir de nouvelles perspectives de carrière, les parlementaires, eux, parce qu’à l’heure où s’établit le bilan financier de la guerre, ils sont soucieux des deniers publics, et que, par ailleurs, le contexte judiciaire – avec l’absence massive de titulaires à leur poste – leur apparaît comme des plus propices à la concentration des services.
23À la même époque, les chefs de cour sont sollicités par circulaire pour donner leur opinion sur cette extension du binage, et eux aussi s’y montrent très majoritairement favorables28. Les uns invoquent les bons résultats obtenus grâce aux dispositifs expérimentés pendant la guerre, d’autres insistent sur les facilités de communication qui existent désormais dans bien des arrondissements pour engager l’application d’une telle loi (voies ferrées, voitures publiques, etc.), tandis que les derniers mentionnent un nombre d’affaires moins élevé ou des chiffres de population qui ont varié, ce qui invite pareillement à un remodelage des contours cantonaux. Quelques-uns vont même plus loin que les mesures proposées par le gouvernement, tels le procureur général de Nîmes qui préconise la réunion de trois, voire quatre justices de paix sous la juridiction d’un seul magistrat, ou celui de Pau, qui propose à la fois de regrouper les cantons qui sont à supprimer et de partager certaines des communes existantes entre juridictions voisines.
24Parmi les rares chefs de parquet général à émettre des réserves sinon des critiques à l’égard des dispositions envisagées par le garde des Sceaux, celui de Bastia se distingue. À ses yeux, la réforme projetée ne donnera que des résultats « très médiocres » au point de vue budgétaire, car le binage occasionnera dans son ressort des déplacements « très coûteux » du fait des « longues distances qui existent entre certains villages isolés ». En outre, il estime que les magistrats de paix se retrouveront avec « un nombre considérable de justiciables et seront sur-occupés », ce qui rendra la « mission pénible pour ceux d’entre eux qui sont âgés et maladifs » ; au point qu’« il sera pratiquement impossible de les maintenir à la tête de deux justices de paix ». Nonobstant ces objections – dont certaines s’avéreront d’ailleurs fondées au cours des années 1920 –, les praticiens se rangent pour l’heure derrière les propositions gouvernementales. Le chantier de la carte judiciaire interroge sans doute sur la proximité des lieux de justice et sur l’accès au juge, mais le principe de la délégation incarne une mobilité judiciaire qui est chère aux fonctionnaires désireux d’« avancer » dans la carrière, et il peut, à l’occasion, constituer un moyen efficace pour freiner le dépérissement de l’institution cantonale.
Le vote et sa réception : enjeux et perspectives pour la justice de proximité
25À l’image des prises de position d’Émile Bender et Guillaume Poulle, rapporteurs de la commission de législation de la Chambre et du Sénat, l’accueil du texte au Parlement, entre octobre 1918 et avril 1919, fait écho aux attentes exprimées par les milieux judiciaires. Le constat commun est d’abord qu’une cinquantaine de propositions ou projets de loi relatifs à la réorganisation judiciaire ont vu le jour depuis le début de la Troisième République et qu’« il n’y a pas de coin plus retourné dans le champ de la réforme29 ». Bender assène même que « c’est un clou sur lequel on a beaucoup frappé sans jamais réussir à l’enfoncer ». Pour les deux rapporteurs, il n’y a pas, dans toutes les administrations françaises, de fonctionnaires aussi peu occupés que les magistrats, et l’urgence de la situation, notamment financière, commande une réforme immédiate. En théorie, deux hypothèses sont envisageables : soit briser les cadres de l’organisation judiciaire et décider de l’institution d’un juge unique en même temps que de la suppression de certaines cours et de certains tribunaux, soit conserver ces cadres et opérer une compression du nombre des magistrats, tout en augmentant les traitements.
26Favorables l’un et l’autre à la philosophie du texte gouvernemental, ils s’opposent farouchement à la première solution proposée et considèrent que les deux piliers indispensables au succès de la réforme sont la délégation et le binage. Selon Bender, les avantages du juge unique tels que proposés en son temps par Viviani sont toujours « discutables » et « il n’est pas possible de faire table rase de ce qui existe depuis plus de cent ans, en supprimant les arrondissements judiciaires, car les habitudes sont prises30 ». Son homologue du Sénat estime lui aussi que « l’heure viendra » pour l’instituer, mais uniquement « lorsque la magistrature elle-même pourra en fournir les cadres ». Le principe du juge délégué recueille d’autant plus leur assentiment que, pendant la durée de la guerre, 94 de ces magistrats ont été installés de manière permanente dans les tribunaux et 250 autres de manière temporaire. Ainsi, à leurs yeux, « l’expérience a été faite avec une marge, une latitude qui correspond à ce qui se produira » lorsque le présent projet sera en place ; et peu leur importent les critiques qui existent ici ou là contre « les tribunaux ambulants » ou « les juges baladeurs », la mesure paraît bonne et doit être généralisée.
27Figures de proue des débats, les deux hommes sont aussi les chevilles ouvrières de l’élaboration du texte définitif pour lequel ils réclament quelques retouches. L’un et l’autre souhaitent supprimer un nombre plus élevé de postes que ne le prévoit le gouvernement, Bender 1329 et Poulle 1341. Et tous deux considèrent que la contrepartie de cette mesure doit être une extension du binage au canton ruraux. Poulle fait valoir qu’une telle opération devrait se limiter à l’arrondissement et non plus porter sur l’ensemble du département, pour qu’au point de vue juridictionnel les juges de paix ne dépendent pas à la fois de deux procureurs et de deux présidents. Quant à son homologue, il insiste surtout pour que le juge de paix en charge des deux cantons nouvellement réunis tienne au moins une audience par semaine dans sa résidence d’origine, et ce, « au jour habituel, et dans le local d’usage, afin que le justiciable soit le moins possible inquiété dans ses habitudes ».
28Bender se montre par ailleurs extrêmement attentif aux ajustements concernant les délégations. Il envisage notamment de désigner pour cette mission ceux des juges de paix qui seraient « les plus méritants » et préconise de les choisir non plus seulement parmi ceux qui appartiennent à l’arrondissement du tribunal à compléter, mais dans tout le ressort concerné. En termes de durée, il considère aussi que les délégations doivent se limiter à un mois et être « bornées à des jours déterminés pour réduire les frais de déplacements et de séjour ». Au final, l’un comme l’autre souhaitent que le projet soit entériné ; tout au plus, Poulle précise qu’il désire voir le délai prévu par la Chambre pour faire appliquer la réforme porté de six mois à deux ans. Dans leur sillage, les rapporteurs des commissions des Finances des deux assemblées émettent un avis tout aussi favorable à l’adoption du texte, en raison des économies que la compression du personnel permettrait d’inscrire au budget dès l’année 1919.
29Mis à l’ordre du jour de la Chambre à la mi-décembre 1918, le projet est voté le 29 après qu’a été réclamée puis obtenue l’application des articles 97 et 99 du règlement intérieur autorisant l’absence de débat. Déposé au Sénat en janvier, où l’on déclare l’urgence, la discussion s’y déroule en avril et le vote des différents articles intervient les 14 et 15 de ce mois. Concernant la double question du binage et des délégations, seuls six amendements y sont déposés, dont ceux des sénateurs Ratier et Simonet. Le premier demande que la délégation des juges de paix s’opère exclusivement parmi les licenciés ou docteurs en droit en suivant le rang d’ancienneté. Le second, craignant un développement excessif du binage et que l’on en vienne à regrouper non plus seulement des justices de paix d’un même arrondissement mais de deux départements distincts, tente de substituer l’expression « justices de paix limitrophes » à celle de « justices de paix voisines ». Quelques opposants au projet tentent une dernière fois de dénoncer ce qu’ils appellent « la déambulation de la magistrature », mais les principes sont acquis et le texte est définitivement voté par la Chambre le 19 avril 1919.
30En quelques mois, gouvernement et Parlement se sont ainsi accordés pour redessiner le paysage judiciaire et pour remodeler la composition des tribunaux en se dotant de magistrats mieux payés, plus mobiles et moins nombreux. Du texte promulgué le 30 avril suivant, quatre articles intéressent très directement les juges et justices de paix31. L’article 10 stipule que désormais lorsque le nombre de juges sera insuffisant ou que le service des cabinets d’instruction ne sera pas assuré, le premier président pourra décider de déléguer des juges titulaires ou des juges suppléants de son ressort, mais aussi des juges de paix licenciés en droit, inscrits sur une liste dressée à cet effet chaque année dans tous les arrondissements ; seule restriction ici, deux juges de paix ne pourront siéger ensemble et leurs délégations s’opéreront suivant le rang d’ancienneté.
31Si l’article 12 indique que le premier président fixe dorénavant lui-même la durée des délégations (d’un mois maximum, sauf décision contraire du ministre), en revanche, il laisse au Conseil d’État le soin de fixer ultérieurement, et dans la limite des crédits ouverts par la loi de finances, les indemnités de séjour et de transport auxquelles elles doivent donner lieu. Pour sa part, l’article 13 décide qu’après avis des chefs de cour et suivant les décrets rendus par ce même Conseil d’État dans les deux années à venir, il sera procédé, dans la limite du tiers des justices de paix de toutes classes, à la réunion sous la juridiction d’un seul magistrat de deux cantons limitrophes d’un même département. Enfin, l’article 14 dispose que chacune des justices de paix rattachées conservera ses suppléants et son greffier, qu’à l’avenir le titulaire devra y tenir au moins une audience par semaine, et que, si elles appartiennent aux ressorts de tribunaux différents, ces derniers continueront à connaître en appel des décisions rendues aux sièges des justices de paix situées dans leur propre arrondissement.
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32À l’exception de quelques interpellations parlementaires et de rares mécontentements exprimés ici ou là, dans certains ressorts, les nouvelles dispositions sont votées dans une relative indifférence ; en partie parce qu’elles n’imposent pas de bouleversement majeur à l’édifice judiciaire en place et que les esprits sont essentiellement mobilisés par les conséquences immédiates de la guerre, mais aussi parce que ses promoteurs parviennent à les imposer en se défiant des représentations politiques traditionnelles et des intérêts corporatistes qui, pendant si longtemps, ont été à même de contrecarrer leur réalisation. Armé des recensements de population, des cartes topographiques, des statistiques judiciaires et des documents budgétaires, le gouvernement peut ainsi avancer sans réelle opposition sur le terrain de la rationalisation des services judiciaires et de la professionnalisation du corps des juges de paix. Sans doute la réforme engagée est-elle encore timide et se contente-t-elle de généraliser des mesures qui lui préexistent ? Sans doute la volonté de modernisation de la Justice qui s’est affichée reste-t-elle prisonnière des contraintes financières du moment ? Peut-être aussi que le texte ne consacre qu’une réforme en demi-teinte ? En tout état de cause, cette dernière porte la marque des circonstances exceptionnelles qui lui permettent de voir le jour, et comme en attestent les conditions de sa mise en application au cours des années 192032, « l’inamovibilité de résidence est [désormais définitivement] reléguée au magasin des accessoires historiques33 ».
33Qu’elles soient de nature législative ou réglementaire, les mesures qui prolongent et complètent cette loi de 1919 visent en effet à la prorogation des délais pour l’exécution des « binages » (1920, 1923), à l’attribution d’indemnités de voyages et de frais de séjours aux juges de paix (1921, 1923, 1925) ou encore au « binage » des greffes (1925) ; autrement dit, le contexte de sortie de guerre34 favorise largement la réforme d’une carte judiciaire dont l’histoire était jusqu’alors caractérisée par son extraordinaire immobilisme. Si la Première Guerre mondiale inaugure une « réorganisation permanente du service de la justice35 », au lendemain du conflit, le canton devient une sorte de laboratoire, un champ d’expérimentation en vue d’une refonte plus générale des territoires judiciaires. Dans une France qui s’urbanise, où les « classes moyennes » prennent corps et où les pouvoirs publics envisagent une architecture judiciaire mieux adaptée aux réalités socioéconomiques du pays, cette loi de 1919 préfigure même certaines ruptures, comme par exemple, celle de 1926, qui marque la fin de la justice de proximité telle qu’elle avait été imaginée et conçue par ses promoteurs au moment de la Révolution36. À bien des égards aussi, et pour modeste que soit ce texte, il annonce déjà le transfert des justices de paix du canton au chef-lieu d’arrondissement et le regroupement des tribunaux de première instance au chef-lieu du département qui auront lieu quelques décennies plus tard37.
Notes de bas de page
1 Rouet Gilles, Justice et justiciables aux XIXe et XXe siècles, Paris, Belin, 1999 ; Chauvaud Frédéric, « La magistrature et les chemins incertains de la professionnalisation (An VIII-1958) », dans Guillaume Pierre (dir.), La professionnalisation des classes moyennes, Talence, MSH d’Aquitaine, 1996, p. 37-55 ; Nandrin Jean-Pierre, « Éclairage historique. De l’homme “de bien” au juge professionnel ou l’histoire ambivalente d’un désenchantement ? », dans Benoît Guy et al. (dir.), Compétences des juges de paix et des juges de police, Bruges, 1992, p. 19-38.
2 Cadiet Loïc et Richet Laurent (dir.), Réforme de la justice, réforme de l’État, Paris, Presses universitaires de France, 2003 ; Baruch Marc-Olivier et Duclert Vincent (dir.), Serviteurs de l’État. Une histoire politique de l’administration française (1875-1945), Paris, La Découverte, 2000 ; Commaille Jacques, L’esprit sociologique des lois. Essai de sociologie politique du droit, Paris, Presses universitaires de France, 1994 ; Rosanvallon Pierre, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 1990.
3 Chauvaud Frédéric, « Les “terroirs judiciaires” en France de 1789 aux années 1930 », Droit et société, 29-1, 1995, p. 83-100.
4 À cet égard, il faut mentionner la loi du 25 mai 1838 qui rehausse leur taux de compétence de 50 à 100 francs en dernier ressort et de 100 à 200 francs à charge d’appel (voir Eisenzimmer Gaston, Les transformations de la justice de paix depuis son institution, thèse de droit, Mulhouse, Société générale d’imprimerie, 1925).
5 Chauvaud Frédéric, « 1848 : la Justice et les “faiseurs de systèmes”. Histoire méconnue d’une utopie », Revue d’histoire du XIXe siècle. Utopies au XIXe siècle, 9, 1993, p. 37-44.
6 Benoit E., Des justices de paix. De leur infl uence sur la moralisation des classes ouvrières, discours de rentrée de la cour de Nancy, Nancy, Hinzelin et Cie, 1859 ; Salin Henri, De l’importance sociale des juges de paix en France. De la variété de leurs attributions, de la sainteté de leur ministère, Aix, A. Makaire, 1864.
7 Farcy Jean-Claude, « Les juges de paix et la politique au XIXe siècle », dans Petit Jacques-Guy (dir.), Une justice de proximité : la justice de paix, 1790-1958, Paris, Presses universitaires de France, 2003, p. 143-163.
8 Royer Jean-Pierre, Martinage Renée et Lecocq Pierre, Juges et notables au XIXe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1982, p. 359.
9 L’épuration de la magistrature de la Révolution à la Libération : 150 ans d’histoire judiciaire, Histoire de la justice, 6, 1993. À l’occasion de cette « hécatombe judiciaire », le ressort d’Angers est sans conteste le plus touché (voir Bernaudeau Vincent, La justice en question. Histoire de la magistrature angevine au XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 205 sq.).
10 À l’exception toutefois de la loi de 1912 qui institue les tribunaux pour enfants et adolescents (Chauvaud Frédéric, en collab. avec Yvorel Jean-Jacques, Le juge, le tribun et le comptable. Histoire de l’organisation judiciaire entre les pouvoirs, les savoirs et les discours (1789-1930), Paris, Anthropos, 1995).
11 Gazette des tribunaux, 30 octobre 1910.
12 Leurs préoccupations font écho à celles exprimées au tournant du siècle (voir par exemple Michel Georges, « Les réformes budgétaires : l’organisation de la justice », L’économiste français, 2, septembre 1899, p. 369-371 ; Bonnefoy Georges, Les réformes judiciaires et le budget du ministère de la justice, Paris, Marchal et Billard, 1901 et 1902 ; Cruppi Jean, « La magistrature et les réformes », France judiciaire, 27, 1903, p. 361-367).
13 À cet égard, on peut citer les prises de position tranchées, parues dans la Revue de la réforme judiciaire, sous la plume notamment de Raoul Guérin de la Grasserie (« Étude sur l’organisation des justices de paix », 1885) et Victor Jeanvrot (« Organisation des justices de paix », 1886).
14 Documents parlementaires [Doc. Parl.], Chambre, 30 octobre 1915, annexe no 1397, p. 1085.
15 Ibid., Chambre, 10 décembre 1915, annexe no 1553, p. 1365.
16 Ibid., Chambre, 6 novembre 1917, annexe no 3906, p. 1502 ; Richaud Georges, « Un projet de réforme judiciaire », Lois Nouvelles, 1918, p. 1-7.
17 Deperchin Annie, La famille judiciaire pendant la Première Guerre mondiale, thèse d’histoire du droit, université Lille II, 1998.
18 Doc. Parl., Chambre, 14 mai 1918, annexe no 4657, p. 513 et Demombynes Georges, « La réforme judiciaire », Revue politique et parlementaire, 96, juillet-septembre 1918, p. 33-44.
19 Sur le premier, voir Projet de loi sur l’organisation des tribunaux de première instance, Versailles, impr. A. Bourdilliat, 1876, 27 p., et pour les autres : Doc. Parl., janvier 1893 (projet Bourgeois), janvier 1896 (projet Ricard) et juin 1904 (projet Vallé).
20 Ibid., p. 514.
21 Ibid.
22 Ibid.
23 Le garde des Sceaux justifiait cette proportion d’un tiers par le fait que 700 justices de paix étaient déjà vacantes par suite du décès de leur titulaire ou par la réunion déjà opérée sous l’effet des lois antérieures. Il prévoyait en outre que l’application prochaine des dispositions sur la nouvelle limite d’âge faciliterait grandement la généralisation de ces mesures.
24 Centre des archives contemporaines de Fontainebleau 19850211, art. 17. Circulaire de la chancellerie datée de mars 1897 et Chevresson Henri, « La loi du 21 mars 1896 relative à la tenue par les juges de paix d’audiences foraines », Lois Nouvelles, 1896, p. 125-138.
25 Doc. Parl., Chambre, 14 mai 1918, annexe no 4657, p. 514.
26 Lefevre Julien, « Le premier acte de la réforme judiciaire », Revue politique et parlementaire, 207, 1911, p. 480.
27 P. S., « Considérations générales sur les projets de réforme judiciaire en ce qui concerne les juges de paix », Annales et journal spécial des justices de paix, mars 1919, p. 145.
28 Arch. nat., BB8 2874. Rapports des procureurs généraux, 7-10 mars 1918.
29 Doc. Parl., Chambre, 18 juillet 1918, annexe no 4859, p. 1248 sq. Sénat, 12 avril 1919, p. 545 sq. Sauf indication contraire, les citations des paragraphes suivants sont extraites de ces deux rapports.
30 Tissier Albert, « Le projet de réforme judiciaire de M. Viviani », Revue politique et parlementaire, 87, 1916, p. 368-384.
31 Amiaud Georges, « La réforme judiciaire. Commentaire de la loi du 28 avril 1919 », Recueil général des lois, 49, 1919, p. 329-352.
32 Arch. nat., BB8 2888/1, rapports des procureurs généraux (1920-1921) et Boisdon D., « La loi du 28 avril 1919 et ses suites », Revue politique et parlementaire, 112, 1922, p. 356-368.
33 Chauvaud Frédéric, Petit Jacques-Guy et Yvorel Jean-Jacques, Histoire de la justice de la Révolution à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 109.
34 Voir le dossier consacré aux « Sorties de guerre au XXe siècle » dans Histoire @ Politique. Politique, culture, société (no 3, novembre-décembre 2007), notamment l’introduction de Bruno Cabanes et Guillaume Picketty (« Sortir de la guerre : jalons pour une histoire en chantier »).
35 Royer Jean-Pierre, Histoire de la justice en France, Paris, Presses universitaires de France, 1995, p. 679. Un exemple significatif, et aux conséquences durables, de cette réorganisation est donné dans notre article « La justice cantonale au cœur du laboratoire législatif (France, 1914-1915) », The Legal History Review. Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis. Revue d’histoire du droit (à paraître en 2009).
36 Cette loi, dite aussi « réforme Poincaré », institue le juge unique, le « trinage » des circonscriptions cantonales et décide l’assimilation des juges de paix au corps des magistrats.
37 Voir Du juge de paix au tribunal départemental, actes du colloque du 17 mars 1995, Association française pour l’histoire de la justice et École nationale de la magistrature, 1997 ; Commaille Jacques, Territoires de justice. Une sociologie politique de la carte judiciaire, Paris, Presses universitaires de France, 2000 et Banat-Berger Françoise, « La réforme de 1958. La suppression des justices de paix », dans Petit Jacques-Guy (dir.), Une justice de proximité…, op. cit., p. 225-247. Dans une perspective plus large encore, on consultera Vauchez Antoine et Willemez Laurent, La justice face à ses réformateurs (1980-2006), Paris, Presses universitaires de France, 2007.
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