3. La fabrique localisée d’une expertise
Les études du métro de Lyon (1963-1973)
p. 67-82
Texte intégral
1Le 18 janvier 1968, après délibération des collectivités locales concernées, le Syndicat des transports en commun de la région lyonnaise (STCRL) officialise la création d’une Société d’études du métropolitain de l’agglomération lyonnaise (SEMALY1). Sa première mission consiste à élaborer un avant-projet d’une première ligne de métro, mais elle est aussi appelée à jouer le rôle d’un service technique du STCRL. Alors que les études sur le projet de métro lyonnais commencent à prendre leur essor quelques années plus tôt, cette création institutionnalise une capacité d’expertise locale en matière de transports collectifs. Elle signale aussi la volonté de responsables politiques locaux d’investir massivement dans ce domaine. L’expertise lyonnaise en transports collectifs urbains au cours des années 1960 nous semble constituer une étude de cas intéressante puisque cette dernière émerge assez précocement et dans un contexte à première vue peu propice. Elle parvient, tout d’abord, à émerger sous le règne d’un maire, Louis Pradel, qui affirme d’emblée son « parti pris pour l’automobile2 » et avant que l’État ne se lance dans une politique volontariste en faveur des transports en commun3. Elle parvient, ensuite, à se développer avant qu’une méthodologie propre aux études de transports ne se soit imposée. Elle devance ainsi l’apparition, au cœur des années 1970, d’un groupe de spécialistes locaux en transports urbains porteur de standards professionnels4. Enfin, la plupart des travaux sur l’histoire des transports montrent que le développement des savoirs et outils destinés à améliorer la connaissance des déplacements dans les années 1960 est surtout le fait d’acteurs gravitant dans les services centraux du ministère des Travaux publics (puis de l’Équipement5). L’expertise en transports urbains est donc souvent présentée comme fabriquée par le centre et « liée à la volonté de l’État de promouvoir les TC [transports en commun] » dans les années 19706.
2Ces conclusions sont globalement en cohérence avec une série de travaux de science politique qualifiant les premières années de la Ve République de « révélation technocratique7 », du fait d’une profonde transformation des processus de décision au profit des hauts fonctionnaires. Même les études du Centre de sociologie des organisations (CSO8), qui accordent une certaine consistance à l’échelon local, tendent à lui dénier toute capacité d’initiative. L’État central, dans les années 1960 et 1970, reste souvent considéré comme l’unique centre d’impulsion grâce à la détention quasi-monopolistique des ressources financières, juridiques et expertes9.
3Il semble dès lors intéressant de comprendre, à partir du cas lyonnais, comment se fabrique, et donc se légitime, une expertise locale en transports collectifs urbains. En envisageant ce processus à l’aune des relations nouées entre acteurs centraux et locaux, mais aussi entre les différents acteurs de la scène politique locale, cette recherche poursuit deux objectifs. Il s’agit d’une part de mieux saisir les conditions d’émergence d’un pouvoir municipal ou d’un gouvernement urbain10 dans une période où l’on considère que l’État central affirme son autorité. L’ambition consiste, d’autre part, à comprendre plus généralement comment s’organisent alors les relations entre savoir et pouvoir. Sur ce point, nous souhaitons prolonger ici une réflexion débutée dans le cadre d’une recherche collective sur le travail des différents acteurs qui participent à construire une frontière entre science et politique11. À ce titre, nous nous inscrivons dans une approche constructiviste de l’expertise, sensible à la variété des individus ou des groupes susceptibles d’avoir recours à cette ressource ou même de participer à sa fabrication12. Cependant, cette perspective constructiviste qui souhaite dépasser l’opposition classique entre approches internaliste et externaliste, nous incite aussi à nous intéresser davantage au contenu des expertises. Il s’agit alors de considérer l’enjeu que représente pour les acteurs mais aussi pour l’analyse des relations savoir/pouvoir, la fabrication des expertises, et l’ensemble des pratiques et « équipements13 » experts. En ce sens, appréhender l’expertise à la fois comme ressource et comme enjeu, peut permettre de mieux saisir les processus par lesquels se stabilisent les rôles, les pratiques et les outils légitimes des acteurs qui travaillent, plus ou moins consciemment, à dessiner une frontière entre science et politique.
4Pour répondre à ces questionnements, la « socio-histoire des sciences de gouvernement » nous semble présenter plusieurs atouts essentiels. Tout d’abord, cette approche invite à analyser les relations ambiguës et évolutives entre savoir et pouvoir, et donc « l’articulation entre production scientifique, expertise légitime et exercice du pouvoir14 ». Elle interroge plus particulièrement les processus de fabrication et de légitimation des outils cognitifs utilisés (ou destinés à être utilisés) par le politique. La posture inductive, la focale micro-sociologique et l’insistance sur les « errements inventifs des agents15 » ouvrent le regard sur les pratiques des acteurs. En outre, ces travaux ne partent pas d’une définition préconstruite des rôles et des acteurs légitimes produisant des savoirs de gouvernement, mais envisagent un processus potentiellement conflictuel entre une multiplicité d’acteurs et de lieux de production de ces savoirs16. Enfin, à l’inverse de nombreuses contributions sur les relations entre science et politique, l’attention est portée sur des savoirs qui – à l’instar de ceux mobilisés dans les études de transports urbains dans les années 1960 – ne bénéficient pas forcément d’une légitimité académique.
5Puisque l’histoire de notre objet se confond étroitement, dans la période considérée, avec le projet de construction d’une infrastructure de transport en site propre, nous mettrons l’accent sur l’ensemble des expertises locales en matière de transports collectifs urbains effectuées dans la phase amont du processus de décision conduisant à la création d’un métro à Lyon et au dessin de son tracé. En explorant les raisons du « succès » de cette expertise locale, il s’agit de mieux comprendre comment se dessinent et s’imposent progressivement, dans les relations avec d’autres acteurs (élus, associations, services centraux), les rôles et outils légitimes de l’expert en transports collectifs. Pour explorer ce terrain nous nous sommes principalement appuyés sur les rapports réalisés par les différents experts mandatés17, sur des archives publiques ou privées18, et sur une série d’entretiens auprès des principaux acteurs de l’histoire du métro et de son étude. Dans un premier temps, après avoir étudié comment le projet de métro en vient à être inscrit à l’agenda politique local, nous analyserons le contenu du premier rapport officiel sur le sujet19. Nous reviendrons ensuite sur la fabrication d’un deuxième rapport en 1966 et questionnerons plus particulièrement les usages des différents outils cognitifs mobilisés. Enfin, nous examinerons le processus de mise en forme de l’expertise réalisée par la SEMALY à partir de 1968.
Les premières mobilisations de savoirs au service de la solution « métro » (1963)
6Le 14 avril 1957, date à laquelle Louis Pradel accède à la mairie de Lyon, marque le lancement d’une politique d’urbanisme que les historiens locaux jugent très favorable au développement de l’automobile20. Le nouvel édile lyonnais trouve alors de puissants alliés chez les ingénieurs des Ponts et Chaussées du Rhône qui entendent eux aussi adapter la ville à la voiture21. Entre 1957 et 1963, les transports collectifs ne constituent une priorité ni pour le nouvel exécutif local, ni pour les services (centraux et déconcentrés) de l’État. Ce dernier met en effet en œuvre « une politique routière résolument et efficacement favorable à l’automobile », lancée au début des années 195022. La circulation urbaine a bien commencé à être appréhendée comme un problème public à Lyon. Cependant, progressivement, des savoirs vont être mobilisés par différents acteurs et légitimer une alternative à la politique « routière » qui prendra la forme de la solution « métro ». Pour comprendre comment s’enclenche un processus d’expertise dans ce domaine, nous nous pencherons tout d’abord sur les savoirs mobilisés par des acteurs associatifs pour inciter les responsables politiques à se saisir du dossier, puis sur la première étude du métro réalisée par un ingénieur quelques mois plus tard.
Mobilisation d’acteurs associatifs et recours à l’expertise
7S’il reste encore difficile de savoir quel calcul présida au « basculement » du maire de Lyon, force est de constater que ce dernier devient au milieu des années 1960 un farouche partisan du métropolitain lyonnais23. L’évolution de sa position semble avant tout suivre la montée en puissance d’une demande sociale portée par des associations et, plus particulièrement, par l’UCIL (Union des comités d’intérêt local). Cette association, créée en 1960 par la réunion de différents CIL, s’apparente largement à ces associations de riverains qui fleurissent entre 1965 et 1974 autour des thèmes du renouveau de l’urbanisme, du cadre de vie et de la démocratie locale24. Alors plutôt d’obédience radicale, l’UCIL rassemble de nombreux adhérents issus des classes moyennes dont les profils sont proches de celui de son premier président, Paul Scherrer25. Dès 1961, l’association commence à s’intéresser à la question des transports urbains26 et à défendre la cause du métro. En effet, l’UCIL est à la recherche d’un grand projet susceptible de révéler sa nouvelle puissance de mobilisation et de fédérer ses différentes composantes.
8À l’occasion d’une assemblée générale en novembre 1962, l’association demande ainsi une inscription du projet au Ve Plan. Louis Pradel, qui voyait en Paul Scherrer un concurrent politique, réagira trois mois plus tard, en déclarant : « On ne peut plus dire que la construction d’un métro soit impossible à Lyon27. » En décembre 1962, l’UCIL s’associe avec la Jeune chambre économique (JCE) pour organiser une grande réunion publique sur le thème : « Un métro à Lyon. Pourquoi ? Comment28 ? » Cinq mois plus tard, le 30 mai 1963, quatre intervenants se succèdent devant une salle comble. Les responsables de l’UCIL et de la JCE s’efforcent de rendre compte des aspirations et besoins de la population lyonnaise29. Paul Scherrer axe son intervention sur la question de la circulation urbaine et se demande : « Lyon, seule agglomération en dehors de Paris qui ait en France un réel caractère européen, se laissera-t-elle distancer dans un domaine aussi primordial, par ses rivales étrangères30 ? » Procédé peu courant à l’époque, ces associations vont aussi avoir recours à l’expertise, en l’occurrence de deux ingénieurs, et la « mettre en scène ». Tout d’abord, Pierre Casenave (X-Télécom) est explicitement convoqué pour « traite[r] de l’aspect économique et répondr[e] à la question “Pourquoi [un métro] ?” ». Ensuite, Guy Sanglerat (ingénieur civil des Ponts et Chaussées) est appelé à « traite[r] de l’aspect technique pour répondr [e] à la question “Comment ?”31 » en s’appuyant sur ses connaissances en matière de génie civil.
9Au cours de leurs exposés, les transports collectifs urbains sont clairement érigés en problème public nécessitant l’intervention des autorités politiques. Louis Pradel prend la parole lors de cette réunion mais la restitue très vite à un ingénieur du Service ordinaire des Ponts et Chaussées (SOPC32), René Waldmann. Trois semaines plus tard, le 23 juillet 1963, la question est finalement abordée lors d’une séance du conseil municipal de Lyon et le maire, pourtant réticent devant les initiatives de l’UCIL, confirme son lancement « il y aura en effet un projet de métro33 ». De leur côté l’UCIL et la JCE, stimulées par ce succès, créent l’association « Lyon Métro » en janvier 1964. Suite à ces événements, l’autorité organisatrice des transports en commun, le STCRL, commandite une étude au SOPC du Rhône.
Les savoirs d’un ingénieur relativement atypique
10Le STCRL est alors présidé par le préfet et se compose d’un nombre égal de conseillers généraux et municipaux (dont Louis Pradel). Le STCRL est le propriétaire du réseau de transports en commun exploité par la compagnie OTL et constitue donc le véritable centre de décision pour tout ce qui relève de son fonctionnement et de son évolution. Le STCRL est cependant dépourvu de services administratifs propres. Il s’appuie en ce domaine sur un service du SOPC dont la mission consiste essentiellement à contrôler l’application de la législation. C’est au responsable de ce service, René Waldmann, que le STCRL confie la responsabilité d’une première étude sur le métro. Alors même que se font jour des propositions concurrentes du secteur privé et que l’ampleur du projet aurait pu justifier que l’étude soit confiée à un service plus prestigieux du SOPC, René Waldmann s’impose comme le « professionnel repéré34 ».
La trajectoire de René Waldmann entre 1929 et 1957
René Waldmann est né à Lyon en 1929, d’un père médecin. Il est diplômé de l’École Polytechnique en 1950, puis de l’École Nationale des Ponts et Chaussées en 1955. Mal classé à la sortie de l’ENPC, il n’a guère le choix de sa première affectation et passe deux ans au service « Urbanisme et Habitat » de Rabat (Maroc), où il s’occupe essentiellement de la construction de logements. Il parvient à intégrer le SOPC du Rhône en avril 1957, suite au décès de l’ingénieur chargé du service des transports en commun. L’ingénieur en chef lui explique alors clairement que le poste n’est guère attrayant. Lorsqu’il entre en fonction, son cousin, Félix Rollet, est le deuxième adjoint de la mairie de Lyon, en charge de l’urbanisme.
11Deux raisons semblent expliquer que R. Waldmann soit chargé du premier rapport sur le métro. D’une part, le domaine des transports en commun est déserté par ses camarades des Ponts et Chaussés tous acquis à la cause automobile. D’autre part, son intérêt pour l’urbanisme (et les transports collectifs) a été remarqué par de nombreux responsables locaux. En effet, au début des années 1960, il devient le rapporteur du groupe de travail mis en place pour élaborer les Programmes d’équipement et de modernisation du groupement d’urbanisme de la région lyonnaise, sous l’égide du Commissariat général au Plan (CGP35). Le rapport que R. Waldmann achève de rédiger le 31 décembre 196336, conclut à la nécessité d’une première ligne de métro. L’auteur mobilise les données récoltées, notamment via les études réalisées pour le CGP, dans le domaine de l’urbanisme, de la démographie et des transports. Les deux tiers du rapport sont consacrés à la question de la circulation urbaine et se distinguent, dans son contenu, par l’usage de méthodes « mathématiques37 » de prévision du nombre de déplacements à l’horizon 1980. Dans la conclusion, il apparaît clairement que ce sont « les perspectives de la circulation de personnes dans le centre de l’agglomération38 » qui justifient la création d’un métro. Les « aspects économiques » sont, eux, concentrés sur une page et demie39. Il s’agit avant tout d’estimer le coût de l’investissement et la charge d’amortissement. La question de la « rentabilité » de la première ligne de métro n’est pas traitée et il n’est fait aucun usage du calcul économique.
12La mobilisation de certains groupes sociaux en faveur d’un métro semble donc en grande partie expliquer la mise à l’agenda politique de ce projet. Ce phénomène est remarquable à double titre. Tout d’abord, dans le domaine des transports, ce type de mobilisation émerge en France à la fin des années 1960, principalement à l’initiative d’associations d’usagers et, qui plus est, reste largement inconnu en Province40. Ensuite, dès l’origine apparaît clairement la volonté de rendre expertes des revendications associatives susceptibles de venir perturber la relation parfois privilégiée entre les élus et les experts mandatés41. En redonnant la parole à R. Waldmann lors du meeting du 30 mai, Louis Pradel cherche peut-être ainsi à rétablir la légitimité d’une expertise « officielle » qu’il pense pouvoir contrôler plus efficacement. Le premier rapport officiel sur le métro est alors rapidement réalisé par cet ingénieur des Ponts et Chaussées relativement marginal au sein de son corps d’origine, mais plus encore au sein du SOPC du Rhône où personne ne croit vraiment au renouveau des transports en commun. Néanmoins, pour étudier le projet, R. Waldmann mobilise différentes informations et techniques d’analyse avec lesquelles il s’est familiarisé pendant sa formation et sa jeune carrière. Finalement, le 3 février 1964, le STCRL approuve son rapport. Le projet de métro semble sur les rails à l’échelon local.
Des usages localisés d’outils validés par les acteurs centraux (1964-1968)
13Grâce à ce rapport et à son implantation locale, R. Waldmann dispose de solides atouts pour continuer à dominer le processus de fabrication d’une expertise lyonnaise en matière de transports collectifs urbains. Cependant, la scène de l’expertise s’élargit rapidement avec l’arrivée d’un nouvel acteur, la RATP et sa filiale SOFRETU. Dès 1964, cet organisme se voit en effet confier la responsabilité d’une étude sur le projet de métro. Toutefois, ce travail reçoit un accueil très mitigé de la part du STCRL42. Commence alors à se dessiner une opposition entre une expertise locale (ultérieurement représentée par la SEMALY) et une expertise parisienne reposant sur l’expérience de la RATP. Le désir et les espoirs de la régie parisienne de piloter ces études seront déçus puisque c’est finalement à R. Waldmann qu’est demandé, en 1966, la rédaction d’un nouveau rapport (et à qui il sera proposé, par la suite, la direction d’une institution experte indépendante du savoir-faire parisien). R. Waldmann doit alors continuer à produire une expertise dans un domaine dont les standards méthodologiques ne sont pas encore stabilisés. Il doit aussi prendre en compte les réticences du Conseil général devant l’ampleur d’un tel investissement43. En outre, après la lecture de son premier travail, la Direction des transports terrestres (DTT) se montre réservée. Elle exige à la fois une amélioration et une poursuite des études.
14Nous allons donc tenter de rentrer dans l’« épaisseur » de ce second rapport afin de comprendre comment se développe un embryon d’expertise locale en transports collectifs urbains. L’analyse de ce processus complexe met en évidence l’importance des « équipements incorporés44 » par R. Waldmann. En effet, c’est notamment en agrégeant des savoirs en provenance de disciplines diverses, plus ou moins académisées, qu’il parvient à faire « tenir » cette forme experte. En nous focalisant sur les principaux outils cognitifs mobilisés, à savoir les modèles de développement urbain, de trafic et le calcul économique, nous montrerons comment leur réception par divers segments politico-administratifs ainsi que les va-et-vient dont ils font l’objet entre pouvoir central et expertise locale, participent au succès de cette dernière. Rendre compte de ce processus fait également apparaître toute l’ambiguïté du rôle que joue ou que souhaite jouer le producteur d’étude ici placé à la frontière entre science et politique.
Les modèles d’urbanisme et la création du ministère de l’Équipement
15Contrairement à l’étude SOFRETU, les deux rapports élaborés par R. Waldmann insistent sur les enjeux et contraintes de l’urbanisme local. Il ne fait nul doute que le travail effectué dans le cadre des plans d’équipement lui fut grandement profitable. Toutefois, pendant la période qui précède la rédaction du second rapport, il continue à s’intéresser à ce domaine en développant des contacts étroits avec les principaux acteurs de l’urbanisme lyonnais45. Il a pu aussi tirer parti des exposés auxquels il assiste dans les groupes de travail chargés d’élaborer le Ve Plan. En effet, grâce aux relations nouées au CGP, il devient, en juin 1964, un participant actif dans un groupe relevant de la « commission de l’équipement urbain46 ». Il assiste alors à de nombreuses discussions sur les différents modèles de développement urbain47. Ainsi, le rapport élaboré par R. Waldmann en 1966, plus encore que le premier, se signale par sa facture urbanistique. En effet, il cherche à y insérer son étude de transport dans un schéma de développement s’effectuant « selon le désir des urbanistes », et à tenir compte des principales opérations d’urbanisme lancées ou souhaitées par les pouvoirs publics48. Même si on peut le supposer, il est difficile de démontrer que cet investissement a contribué à légitimer l’expertise de R. Waldmann auprès des responsables locaux. Par contre, son intérêt marqué pour l’urbanisme et sa position de « marginal sécant » entre les ministères des Travaux publics et de la Construction a clairement favorisé la réception de ce travail par le nouveau ministre de l’Équipement :
R. Waldmann : « Pisani m’a félicité dans le bureau du préfet pour l’étude du métro […].
Q. : Qu’est ce qui lui avait plu ?
R. W. : Je m’étais quand même efforcé de replacer le métro dans un cadre un peu élargi, y compris dans les projets liés à l’urbanisme. Or, comme il avait pour principe de base la fusion des deux ministères (ministère des Travaux Publics et Construction Urbanisme), ça lui allait très bien. Mes travaux étaient un petit peu à cheval.
Q. : Cela incarnait la fusion ?
R. W. : Oui. […] Le lendemain, il me collait l’Ordre du mérite49 ! »
Les modèles de trafic
16À partir des années 1960, le ministère de l’Équipement, et plus particulièrement le SERC (Service d’études et de recherche sur la circulation routière), organise l’importation et la diffusion de modèles de trafic élaborés aux États-Unis. R. Waldmann s’intéresse à cet outil de manière à la fois précoce, prononcée et originale. En effet, lorsqu’il rédige ses deux rapports, la période de diffusion de ces modèles n’a pas vraiment débuté50. De plus, l’attention du SERC est alors focalisée sur la modélisation de la circulation automobile. L’étude prévisionnelle du trafic effectuée dans son rapport de 1963 avait déjà impressionné les responsables politiques locaux et fut, en quelque sorte, validée par la SOFRETU, puisque cette dernière juge inutile de renouveler l’analyse51. Sa participation aux groupes de travail mis en place par le CGP, à l’intérieur desquels il est parfois question de ces techniques, lui permet par la suite de sophistiquer son étude.
17Cependant, c’est surtout le choix qu’il opère lors d’un voyage aux États-Unis organisé par l’Association professionnelle des ingénieurs des Ponts et Chaussées et des Mines du 7 au 28 septembre 1964, qui s’avère déterminant52. Alors que la plupart de ses camarades des Ponts et Chaussées y trouvent l’occasion de se familiariser avec les études de trafic routier et les dernières techniques de construction d’autoroutes urbaines, il choisit la « recherche d’informations sur les TC qui, eux, ont besoin de défenseurs53 ». Grâce à ce voyage, il est déjà possible de distinguer dans son rapport de 1966, les grandes lignes du « modèle à quatre étapes » qui, dans les années 1970, deviendra la référence dans le secteur des transports urbains. L’effervescence qui règne alors au SERC et à la DTT est bien résumée par Jean Frébault : « On était alors vraiment passionnés par cette idée de prospective et ces modèles de trafic54. » À la faveur des connaissances récoltées aux États-Unis, son travail rentre en cohérence avec les canons qui commencent à s’imposer au ministère de l’Équipement. Son étude de trafic peut aussi être adaptée au domaine des TC. Signalons pour finir que, dans ce second rapport, les prévisions de trafic participent beaucoup à justifier la création d’un métro. Mais, à ce propos, R. Waldmann admet aujourd’hui :
« Je me méfiais […] des prévisions au-delà du moyen terme. Mais… [rires]… j’allais dire, je me méfiais dans la mesure où cela ne me gênait pas [rires]… Quand on a un but… vous savez, j’étais acharné55 ! »
Les outils de la science économique, nouvelle « science de l’action publique »
18L’intérêt croissant que porte l’ingénieur lyonnais aux technologies issues de la science économique participe aussi largement à la constitution et à la légitimation de cette expertise hybride. Néanmoins, pour bien comprendre l’usage particulier qu’il en fait, il faut rappeler que dans les années 1960, l’économie s’est imposée aux sommets de l’État comme une véritable « science de l’action publique56 ». Ce sont d’ailleurs des responsables de services centraux de son ministère qui vont inciter R. Waldmann à faire usage du calcul économique. En effet, après la lecture du rapport de 1963, la DTT, particulièrement réservée, lui demande d’« indiquer les autres solutions techniquement réalisables […] et de comparer les coûts et les avantages que comporterait chacune de ces solutions au moyen d’un “bilan économique” sommaire57 ». De plus, en mai 1965, R. Waldmann reçoit une étude du SAEI58 dans laquelle l’auteur détaille les calculs à effectuer dans le cadre d’une « étude économique » et remet en question l’opportunité d’un métro59. Cette nouvelle incitation à utiliser le calcul économique prend ici nettement la forme d’un guide de « bonnes pratiques ». Ainsi, dans son second rapport, R. Waldmann n’hésite pas à monétariser le gain de temps global censé découler de la création d’un métro et à effectuer un bilan économique pour comparer les solutions métro et autoroutes urbaines60.
19Pourtant, il y a tout lieu de penser qu’il s’agit avant tout d’un usage stratégique de cet outil. En effet, lors de son voyage aux États-Unis, il acquiert la certitude que « les calculs économiques […] ne sont pas convaincants lorsqu’ils visent à démontrer la rentabilité d’un investissement en matière de transport : il est trop facile de faire dire aux chiffres ce que l’on veut61 ». Cette idée transparaît même dans la conclusion du rapport de 1966 :
« Les études économiques engagées pour “démontrer” la rentabilité d’une telle opération [sont] peu convaincantes. […] Mais démontre-t-on la rentabilité de la création d’un parc public, d’une université, d’un stade ? Notre conviction est qu’à une certaine forme d’unité urbaine doit convenir un certain nombre de réalisations collectives faute desquelles les fonctions de la cité s’exercent mal62. »
20C’est donc essentiellement en investissant dans des disciplines plus ou moins académisées (urbanisme, « science » du trafic, économie) que R. Waldmann fabrique cet embryon d’expertise locale en transports collectifs urbains. La facture de ses deux rapports se distingue nettement de l’étude réalisée par la SOFRETU, notamment par son caractère pluridisciplinaire. En l’absence de cadre méthodologique unifié et détaillé, le succès de cette forme experte dépend donc largement de sa capacité à suivre et à anticiper les évolutions méthodologiques, les standards nationaux ou internationaux portés par divers segments politico-administratifs centraux. Mais en dépit des nombreux outils cognitifs (modèles de développement urbain et de trafic, calcul économique) utilisés dans le rapport, il cherche moins à « démontrer » qu’à « convaincre » de l’utilité d’un métro. On pourrait presque dire ici qu’il « milite » pour les transports en commun dans un contexte où la préférence pour l’automobile est clairement affichée par les pouvoirs publics. À l’échelon local, les projets pour le développement de la circulation automobile se poursuivent. Néanmoins, le rapport de 1966 est si bien accueilli par les membres du STCRL qu’il est imprimé par les services de la préfecture et édité le 17 mai de la même année.
La SEMALY entre expertise et politique : le tracé de la frontière et la frontière du tracé (1968-1973)
21C’est sur la base de ce deuxième rapport que l’État débloque ses premiers crédits et que les autorités locales se décident, en 1967, à créer une structure consacrée à l’étude du métro lyonnais. R. Waldmann prend la tête de la nouvelle institution et cela malgré les requêtes de ses concurrents déclarés (la compagnie TCL et la RATP-SOFRETU). Le 28 février 1968, date de la création officielle de la SEMALY, marque donc une étape importante dans le processus de fabrication d’une expertise locale en transports collectifs urbains. Le contexte politique se modifie progressivement puisque, à partir de 1971, les relations entre Louis Pradel et le pouvoir central, auparavant tendues, s’améliorent sensiblement63. Toutefois, le projet de métropolitain demeure un sujet de discorde entre Lyon et la Capitale. Il s’agit de comprendre comment, dans cette nouvelle situation, se constitue une « expertise SEMALY », et comment s’organisent les rapports avec des pouvoirs publics de plus en plus pressants à mesure que se précise le projet.
La construction d’une expertise SEMALY
22La SEMALY, avant de devenir une société d’économie mixte (SEM) le 12 mars 1970, prend initialement la forme d’une société anonyme dont le capital est détenu à 65 % par les collectivités locales et à 35 % par d’autres participants (CDC, SCET, SNCNF, Chambre de commerce). Le 28 février 1968, Louis Pradel en est élu président. Appelée à jouer le rôle d’un service technique du STCRL, la première mission de la SEMALY consiste à élaborer un avant-projet sommaire (APS) et un avant-projet détaillé (APD) d’une première ligne de métro. La jeune institution doit réaliser ce travail alors que l’État n’a toujours pas proposé de cadre méthodologique unifié pour les études de transports urbains64. Dans ce contexte, la fabrication de cette nouvelle expertise s’opère de deux manières. Tout d’abord, par le recrutement de deux personnes qui ne sont pas à l’origine spécialisées dans le domaine des transports urbains. Les deux avant-projets sont essentiellement produits par un ingénieur urbaniste formé à l’INSA (Michel Gallet) et un architecte (René Gimbert). Ensuite, entre 1968 et 1973, l’expertise SEMALY s’élabore surtout grâce à des partenariats privilégiés ou à la sous-traitance d’études auprès d’organismes divers. Ainsi, les « sémalystes » utilisent par exemple les travaux et les enquêtes menés par l’INSEE, l’OREAM et l’agence d’urbanisme65. Toutefois, à cette époque, le principal partenaire de la SEMALY reste la DDE. En dépit des demandes répétées de la RATP, les études de génie civil restent contrôlées par les services locaux du ministère de l’Équipement. Peu équipée dans le domaine économique, la SEMALY doit alors faire appel aux compétences de l’Institut des études économiques et du CERAU66. En outre, pour pouvoir s’autonomiser de l’expertise RATP, ses membres effectuent de nombreux voyages d’études à l’étranger.
23Grâce à ces coopérations, se forme progressivement un « milieu professionnel des spécialistes en transports urbains » à Lyon. Par contre, dans le cas lyonnais, l’homogénéité du groupe analysé par Jean-Marc Offner (dans le cadre d’une enquête à l’échelle nationale) est toute relative. En effet, à partir de 1970, une « rivalité à mort67 » se fait jour entre la SEMALY et la compagnie exploitante du réseau (TCL). R. Waldmann cache de moins en moins son désir d’exploiter le réseau des TCL en créant une structure unique à l’image de la RATP. De plus, le CETE de Lyon se spécialise dans la modélisation du trafic routier. Ses employés de l’époque expliquent aujourd’hui, qu’ils travaillaient alors « inconsciemment68 » en faveur du développement de l’automobile. La SEMALY devient, elle, rapidement cataloguée comme un groupe de pression en faveur du métro et l’équipe semble soudée autour d’une préférence nette pour les transports en commun. Quoi qu’il en soit, les premiers « sémalystes » participent à former la doctrine qui s’épanouira dans les années 1970 – approche plurimodale, intercommunale et pluridisciplinaire – dans le champ des professionnels des transports urbains69. L’expertise SEMALY se construit donc selon un processus itératif et continu qui recoupe un travail d’agrégation d’outils analytiques et d’informations en provenance de disciplines ou d’organismes divers. Cependant, l’institution doit aussi composer avec les pressions, parfois très vives, qu’exercent les pouvoirs publics.
Incitations et pressions des pouvoirs publics
24Pour comprendre comment s’organisent les relations entre la SEMALY et les pouvoirs publics, il nous faut distinguer les types de rapports qui se forment avec, d’une part, l’État central et, d’autre part, les autorités locales. À partir du début des années 1970, l’État met progressivement en place une politique plus favorable aux transports en commun. Mais, entre 1968 et 1973, certains segments de la haute administration continuent d’influencer l’expertise produite par les « sémalystes ». C’est surtout l’opération dite de « rationalisation des choix budgétaires » pilotée par le ministère des Finances – et par ailleurs largement soutenue par le SAEI – qui s’intègre de la manière la plus spectaculaire dans les rapports de la SEMALY. La prose RCB apparaît nettement dans l’APS de 1969. Les « sémalystes » tentent de « mesurer l’amélioration du bien-être imputable au métro70 » en quantifiant les coûts et avantages induits et en monétarisant les gains de temps. Les sollicitations des administrations centrales sont donc loin d’être neutres puisqu’elles orientent le regard comme les pratiques des experts. Néanmoins, là encore, usage n’est pas synonyme de conversion. Michel Gallet le confirme : « On s’est coulé dans le moule RCB quand il a fallu se couler dans le moule RCB71. » La réponse de René Waldmann est encore plus explicite :
Q. : « Vous suiviez de près à l’époque l’opération RCB [Rationalisation des Choix Budgétaires] et toutes ces réflexions sur le calcul économique ?
R. W. : On se rendait bien compte que c’était extrêmement important. Vous savez, on a toujours un petit côté lobbying, il ne faut pas se le dissimuler […].
Q. : C’était donc pour rentrer dans les cadres souhaités par les Finances ?
R. W. : C’est ça ! Il fallait faire un dossier avec des calculs RCB sinon cela ne faisait pas sérieux72. »
25Il s’agit donc, une nouvelle fois, d’une utilisation stratégique de l’outil économique. Les « sémalystes » doivent aussi composer avec un maire de Lyon qui gère les affaires publiques de manière « quasi-autocratique73 ». C’est surtout l’édile lyonnais qui s’attache à construire une frontière plus nette entre expertise et politique en orientant certaines pratiques, voire en infléchissant certaines conclusions de la jeune institution. La manière dont il parvient à canaliser les relations étroites entre l’association « Lyon Métro » et la SEMALY l’illustre bien. Ce point est important car, selon Jean-Marc Offner, les experts en transports urbains des années 1970 joueront essentiellement un rôle d’intermédiaire entre le public et les élus, évitant ainsi un face-à-face prohibé dans le modèle de la régulation croisée. Il semble qu’à Lyon, au début de cette décennie, ce type de mission ne soit pas encore dévolu à l’expert. Bien évidemment, les mauvaises relations entretenues par le maire avec l’UCIL expliquent pour une part son rappel à l’ordre, mais il semble qu’il ait voulu aussi redéfinir les rôles qu’il souhaitait voir incomber à l’expert et à l’élu. Comme l’explique R. Waldmann :
« J’allais régulièrement aux AG de “Lyon Métro” mais il n’y avait pas de collaboration officielle car Pradel n’aimait pas ça. Il s’est énervé le jour où j’ai annoncé avant l’heure une décision prise par les politiques. Il avait l’impression que je me substituais à ses élus lorsque j’annonçais des choses aux AG74. »
26Sa gestion de la controverse de janvier 1969 sur le choix du tracé rend encore plus explicite le rôle que le chef de l’exécutif municipal entend conférer aux experts. En effet, lors d’une réunion de travail tenue le 24 janvier 1969 en présence d’un grand nombre d’élus locaux, Louis Pradel impose clairement le tracé de la première ligne de métro. Les « sémalystes », qui pourtant défendent une solution alternative, obtempèrent et présentent un avant-projet fidèle à la conception du maire75. Nous pouvons faire ici l’hypothèse que Louis Pradel a voulu favoriser le développement d’une expertise locale « sous contrôle » pour compenser une relation déséquilibrée avec le centre. En effet, contrairement à de nombreux grands maires de l’époque, il ne détient pas de mandat national. On pourrait dès lors comprendre l’influence qu’il souhaite exercer sur une expertise par ailleurs fragile car peu standardisée. Quoi qu’il en soit, l’intégration du tracé voulu par le maire dans le rapport de juillet 1969 montre bien que l’expertise SEMALY doit avant tout représenter le point de vue « local ».
Conclusion
27L’analyse de la construction de cette expertise singulière et spécifique permet de questionner les savoirs mobilisés dans l’action publique. Sur ce terrain, nous voyons combien il importe de prendre au sérieux les savoirs produits ou utilisés à l’échelle locale dans l’analyse des relations centre/périphérie. Or, si les études menées par le CSO dans les années 1970 sur la gestion publique des affaires territoriales pointent bien le mouvement d’autonomisation croissante des villes et des maires urbains76, elles négligent la ressource « expertise » en ne l’envisageant que comme un monopole d’État, ce qui, de ce fait, l’exclut du fonctionnement normal du système politico-administratif local77. La perspective monographique et l’approche socio-historique utilisées ici éclairent bien la façon dont le local se dote de « capacités d’expertise autonomes78 » dans une période où l’on considère que l’État confisque les ressources cognitives légitimes. L’étude du processus de fabrication d’une expertise lyonnaise en transports en commun laisse aussi apparaître la multiplicité des acteurs qui contribuent, à des titres et degrés divers, à dessiner une frontière entre science et politique. Si le tracé de cette frontière est encore hésitant à la fin de notre période d’enquête, on note cependant que les services centraux, le maire de Lyon, une association locale et surtout les producteurs d’études eux-mêmes participent à la stabilisation progressive des outils et rôles de l’expert.
28En effet, pour recevoir l’aval du pouvoir central, les experts doivent entrer en cohérence, voire se plier aux cadres et exigences méthodologiques qui commencent à être imposés par certains services centraux (SERC, SAEI, DB, etc.), dans l’objectif affiché de rationaliser le processus de décision publique. Mais le succès de cette expertise tient aussi beaucoup à l’acceptation d’un rôle d’« avocat scientifique » du local exigé par le maire de Lyon. Ce rôle paraît d’ailleurs assez facilement endossé puisque les experts étudiés, largement acquis à la cause des transports en commun, souhaitent avant tout faire aboutir le projet de métro. On comprend mieux ainsi les usages stratégiques des outils cognitifs promus par le centre. L’exemple des spécialistes lyonnais en transports collectifs montre bien que le « processus d’apprentissage de type de raisonnement [mais aussi] de valeurs et normes79 » que souhaitaient opérer les administrations centrales – et notamment le CGP – rencontre certaines limites. Au final, analyser une expertise selon une perspective constructiviste, c’est-à-dire la saisir à la fois comme ressource et comme enjeu, permet de rendre visibles les usages stratégiques des outils mobilisés par les experts aussi bien que les usages stratégiques dont ces derniers sont les objets. On voit clairement ici que c’est autour de l’enjeu que représente l’expertise, que se dessinent et se réorganisent les frontières entre des groupes qui défendent différentes conceptions des déplacements urbains et des relations savoir/pouvoir dans ce domaine.
Notes de bas de page
1 Séance du Comité du STCRL, 18 janvier 1968, AML (archives municipales de Lyon) 161. ii-C9.
2 Sauzay L., Louis Pradel. Maire de Lyon, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 1998, p. 220.
3 Lefèvre C. et Offner J. -M., Les transports urbains en question. Usages – décisions – territoires, Paris, Celse, 1990, p. 16-21.
4 Offner J. -M., L’expertise locale en transports urbains dans les années 1970, Rapport de l’INRETS, n° 22, 1987.
5 Dupuy G., Une technique de planification au service de l’automobile, les modèles de trafic urbain, Paris, Copédit, 1975.
6 Montès C., Les transports dans l’aménagement urbain à Lyon, Lyon, Géocarrefour, 2003, p. 70.
7 Gaïti B., « Décembre 1958 ou le temps de la révélation technocratique », Dubois V. et Dulong D. (dir.), La question technocratique. De l’invention d’une figure aux transformations de l’action publique, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1999, p. 137-153.
8 Notamment Crozier M. et Thœnig J. -C., « La régulation des systèmes organisés complexes. Le cas du système de décision politico-administratif local », Revue française de sociologie, vol. 16, n° 1, 1975, p. 3-32.
9 Gaudin J. -P., Gouverner par contrat. L’action publique en question, Paris, Presses de Sciences Po, 1999, p. 24.
10 Payre R. et Pollet G., « Analyse des politiques publiques et sciences historiques : quel (s) tournant (s) socio-historique (s) ? », Revue française de science politique, vol. 55, n° 1, 2005, p. 133-154.
11 Bardet F. (dir.), Institution des expertises urbaines dans la construction de l’action publique, Rapport du PUCA, septembre 2005, p. 9-20.
12 Nous partageons l’idée avec Yannick Barthe et Claude Gilbert qu’une recherche sur ce thème ne doit pas partir d’un modèle abstrait pour déconstruire la fiction d’une expertise neutre et indépendante, mais doit plutôt s’appuyer sur une étude des pratiques de l’ensemble des acteurs qui travaillent à la frontière entre science et politique. Voir Gilbert C. et Barthe Y., « Impuretés et compromis de l’expertise : une difficile reconnaissance. À propos des risques collectifs et des situations d’incertitude », Dumoulin L. et al. (dir.), Le recours aux experts. Raisons et usages politiques, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2005, p. 43-62.
13 Trépos J. -Y., La sociologie de l’expertise, Paris, Presses universitaires de France, 1996, p. 49 sq.
14 Ihl O., Kaluszynski M. et Pollet G. (dir.), Les sciences de gouvernement, Paris, Economica, 2003, p. 12.
15 Payre R. et Pollet G., art. cit., p. 145.
16 Payre R. et Vanneuville R., « Les habits savants du politique », Revue française de science politique, vol. 53, n° 2, 2003, p. 195-200.
17 Sur ce point, nous nous sommes inspiré des travaux de Florian Charvolin qui propose de centrer le regard sur le processus de fabrication et la « carrière » des rapports experts. Cette approche permet de bien mettre en évidence à la fois l’ensemble des enjeux qui président à leur rédaction et l’importance des trajectoires des documents officiels, voir Charvolin F., L’invention de l’environnement en France. Chroniques anthropologiques d’une institutionnalisation, Paris, La Découverte, 2003.
18 Pour l’essentiel, il s’agit des archives de la Ville de Lyon (AML), du Grand Lyon (AGL), de la SEMALY (ASE), mais aussi de l’association « Lyon Métro » (ALM).
19 On trouve certes des projets de métro lyonnais plus anciens, notamment les projets Haour (1900), Simonnet (1919), OTL (1931), Renaud (1942), Langevin (1945), voir Waldmann R., La grande traboule, Lyon, Éditions lyonnaises d’arts et d’histoire, 1991. Mais cette étude s’inscrit dans une filiation directe avec la concrétisation ultérieure du projet.
20 Sauzay L., op. cit., p. 227-231.
21 C’est ainsi que naît, par exemple, en 1962, le projet de treize autoroutes urbaines, voir Gardon S., « Pouvoirs urbains et ingénieurs de l’État », Métropoles, n° 2, 15 octobre 2007, en ligne.
22 Dupuy G., op. cit., p. 73.
23 Selon certains ingénieurs de la SEMALY, Louis Pradel souhaitait ainsi surtout gagner de la place en surface pour favoriser le développement de la circulation automobile. Gallet M., entretien du 16 novembre 2004.
24 Join-Lambert O. et Lochard Y., « Les apports de l’expérience. Les savoirs en action d’une association d’habitants dans les années 1960 et 1970 », Ihl O., Kaluszynski M. et Pollet G. (dir.), op. cit., p. 189.
25 Paul Scherrer est né à Lyon. Il suit des études d’histoire-géographie et devient enseignant du secondaire. En 1960, il est le responsable du CIL « Monchat – Sans Soucis ». Épaulé par Guy Sanglerat, il s’empare alors de la présidence de l’UCIL. Scherrer P., entretien du 20 avril 2005.
26 Notamment en organisant un colloque le 22 mars 1961, intitulé : « Comment améliorer les transports urbains de l’agglomération Lyonnaise ? », ALM H1.
27 Non signé, « Le métro à 37 298 F le mètre », Le progrès de Lyon, 6 février 1963, p. 6.
28 ALM H1.
29 Ils s’appuient à cet égard sur une enquête réalisée auprès de chefs d’entreprise et sur des données démographiques.
30 ALM EPS.
31 ALM ES.
32 Structure départementale du ministère des Travaux publics et ancêtre des DDE.
33 Propos rapportés dans Waldmann R., op. cit., p. 72.
34 Selon l’expression de Trépos J. -Y., op. cit., p. 17-18.
35 Soulignons aussi qu’il rédige en 1962 un rapport pour le compte du ministère de la Construction sur les transports collectifs, voir Waldmann R., Le coût des transports urbains dans les agglomérations, ministère de la Construction, novembre 1962.
36 Waldmann R., Les transports de personnes dans l’agglomération lyonnaise, STCRL, 31 décembre 1963.
37 Ibid., p. 23.
38 Ibid., p. 74.
39 Ibid., p. 72-73.
40 Offner J. -M., op. cit., p. 35-37.
41 Lochard Y. et Simonet-Cusset M. (dir.), L’expert associatif, le savant et le politique, Paris, Syllepse, 2003.
42 Réunion du STCRL, 18 janvier 1965, AML 161. ii-B3.
43 Délibérations du Conseil général du Rhône, 22 mai 1964, AML 161. ii-a6.
44 Trépos J. -Y., op. cit., p. 49.
45 Par exemple, lors de la réunion tenue à l’atelier municipal d’urbanisme le 22 avril 1964, AML 161. ii-C5.
46 Lettre de G. Dobias à R. Waldmann, datée du 16 juin 1964, archives privées de René Waldmann.
47 CGP, Rapport du Groupe transports urbains, 6 avril 1965.
48 Waldmann R., Étude préliminaire…, op. cit., p. 29.
49 Waldmann R., entretien du 17 mai 2005.
50 Offner J. -M., op. cit., p. 33.
51 Courrier du président de la SOFRETU, le 31 janvier 1965, AML 161. ii-c9.
52 En septembre 1964, le voyage a pour thème « Transports et aménagements urbains ». Mais la mission est intitulée « L’adaptation de la ville à l’automobile. L’autoroute urbaine » dans un document daté du « printemps 1964 ». Entre les deux dates le programme du voyage (et l’exposé de ses motifs) n’ont pas évolué. Nous renvoyons aux archives privées de R. Waldmann.
53 Propos extrais d’un rapport (non publié) rédigé à son retour, intitulé : Les transports de personnes dans les villes des États-Unis, 1964, p. 55.
54 Frébault J., entretien du 12 juillet 2005. Jean Frébault intègre le SERC en 1966.
55 Waldmann R., entretien du 1er juillet 2005.
56 Dubois et Dulong D. (dir.), op. cit., p. 21.
57 Lettre de la DTT au préfet du Rhône le 27 mars 1964, AML 161. ii-B2.
58 Le Service des affaires économiques et internationales du ministère des Travaux publics est créé en 1960. Il devait, selon un pionnier et ancien responsable du service, « aborder l’économie des transports dans sa globalité et apporter la cohérence au cabinet du ministre », voir Rousselot M., Notes sur le SAEI, datée du 18 mai 2004, archive privée.
59 Rapport sur le métro de Lyon, 7 mai 1965, AML 161. ii-C7.
60 Waldmann R., Étude préliminaire…, op. cit., p. 125.
61 Waldmann R., Les transports de personnes dans les villes…, op. cit., p. 53 (c’est nous qui soulignons).
62 Waldmann R., Étude préliminaire…, op. cit., p. 134.
63 Sauzay L., op. cit., p. 123.
64 Une clarification méthodologique intervient dans une circulaire de mai 1972, voir Offner J. -M., op. cit., p. 48.
65 SEMALY, APS, juillet 1969, p. 18.
66 L’IEE est l’ancêtre de l’actuel Laboratoire d’économie des transports (LET).
67 Waldmann R., entretien du 17 mai 2005.
68 Abeille M., entretien du 17 février 2006.
69 Offner J. -M., op. cit., p. 94.
70 SEMALY, APS, p. 153.
71 Gallet M., entretien du 16 novembre 2004.
72 Waldmann R., entretien du 29 octobre 2004.
73 Sauzay L., op. cit., p. 131.
74 Waldmann R., entretien du 3 mai 2005 (nous soulignons).
75 La SEMALY incite les élus à opter pour un tracé dit en « H » qui présentait, à leurs yeux, l’avantage de limiter à terme le nombre de franchissements du Rhône. Selon M. Gallet, « à l’époque toute la technostructure était partisane d’un tracé de métro en H » (entretien du 16 novembre 2004). Plusieurs explications du choix de Louis Pradel ont été avancées entre lesquelles il est toutefois difficile d’arbitrer à ce stade de notre enquête (telles que l’importance sur le plan symbolique de desservir la mairie de Lyon ou la volonté de mieux desservir les commerçants de la presqu’île).
76 Crozier M. et Thœnig J. -C., art. cit., p. 19-21.
77 Worms J. -P., « Le préfet et ses notables », Sociologie du travail, n° 3, 1966, p. 249-265.
78 Borraz O., « Le gouvernement municipal en France. Un modèle d’intégration en recomposition », Pôle Sud, n° 13, novembre 2000, p. 14.
79 Nizard L., « Administration et société : planification et régulations bureaucratiques », Revue française de science politique, vol. 23, n° 2, avril 1973, p. 226.
Auteur
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