« Ne me dites pas que je suis venu ici pour des prunes ! » Relations familiales et cultures élitaires dans les choix professionnels à Neuchâtel au cours de la première moitié du XIXe siècle
p. 123-133
Texte intégral
1Dès le premier tiers du XVIIIe siècle, l’apprentissage a toujours été le lieu d’intenses débats au sein de la société neuchâteloise. Prôné en valeur d’éducation au même titre que l’acquisition de langues et de connaissances, il jouit d’une considération particulière. Sa nécessité n’est pas remise en cause parce qu’elle est garante d’une vie professionnelle acceptable et décente à un moment où les bouleversements sociaux et économiques sont nombreux1. Comment apprendre, chez qui se former, quels lieux fréquenter ? Ces questions sont lancinantes et troublent la paix de beaucoup de familles confrontées à des choix douloureux. Le passage de l’adolescence à l’âge adulte, dans les milieux qui peuvent l’affronter en toute conscience, devient conditionné par des acquisitions et des préalables. La notion n’est pas nouvelle : le système du compagnonnage qui puise ses origines dès le Moyen Âge offre l’exemple d’une codification d’apprentissage très connue et très répandue2. Enserré dans les contraintes étroites des corporations, il ne se comprend cependant que dans les limites réglementaires de métiers bien circonscrits.
2L’ouverture de marchés transcontinentaux issue des grandes découvertes et la complexification croissante des pratiques professionnelles dont la première révolution industrielle accélère le mouvement ouvrent cependant des perspectives inédites et inattendues. Elles participent à la prise de conscience d’un monde fondé sur de nouvelles configurations. Si, dans le Pays de Neuchâtel, l’horlogerie en donne précocement des exemples nombreux, d’autres activités ont été happées par la nécessité d’assurer une transition par la transmission ou l’acquisition de connaissances3.
3Poussée encore par l’émergence du libéralisme comme doctrine économique qui conduit à ouvrir la voie à des ambitions réglées sur des registres rénovés et qui institue le profit personnel comme un droit, cette globalisation rampante requiert des compétences aptes à la maîtriser et en profiter. Ces principes libéraux qui commencent à gagner les esprits accréditent aussi l’idée des vertus de la mobilité sociale. La reconnaissance de la compétence, comme critère de réussite, assure une nouvelle donne qui, à terme, postule une forme de société garantissant à chacun la liberté de ses choix et les possibilités d’ascension. Elle accélère la mise en place de nouvelles stratégies. Si les anciennes hiérarchies peuvent sembler aussi tenaces qu’hermétiques, elles sont, aux yeux de beaucoup, contournables si l’on sait jouer de ces opportunités. Les compteurs ne sont pas remis à zéro pour autant et les antécédents socioprofessionnels comptent encore beaucoup dans les perspectives d’acquérir une formation susceptible d’établir une carrière : soit le père, établi professionnellement, en apporte concrètement et sur place la substance, soit le fils s’éloigne pour un temps de la maison et, au gré de placements et de ce que l’on appelle aujourd’hui des stages, enrichit son bagage de ses propres expériences. Cette dernière possibilité implique des relations préalables qui facilitent le placement ou trouvent des engagements. Dans maintes familles du Pays de Neuchâtel, les réseaux sont au cœur de stratégies d’acquisition de savoir et de savoir-faire. Si l’on prend l’exemple de la carrière de David de Pury, son avancement social et professionnel relève d’une politique judicieusement élaborée par son entourage familial qui, de rencontres en rencontres et de recommandations en recommandations, trouve les mots justes pour placer son rejeton à la juste place : à Marseille, puis à Londres, le jeune de Pury acquiert capital social, financier et symbolique qui lui permet de s’établir enfin à Lisbonne pour y mener une existence riche et prospère4. Il n’est pas seul dans son cas. Les exemples sont même nombreux qui nourrissent ce modèle et qui participent à leur mesure à cette « économie-monde5 ». Un examen des registres des passeports indique l’ampleur de ce phénomène : les départs concernent le monde entier et ne cessent de croître au cours de la première moitié du XIXe siècle6.
4Le cas qui nous occupera ici s’inscrit dans ce schéma classique qui, à force d’être répété et reconduit, assure au Pays de Neuchâtel un essor économique qui le place rapidement dans les espaces considérés comme « en développement7 ». Il repose sur une correspondance familiale entretenue entre un jeune Neuchâtelois, Alexandre Mentha, qui se rend à Manchester en 1835, à l’âge de 21 ans, et sa famille restée à Neuchâtel. Cette correspondance, formée de 53 lettres, est intéressante parce qu’elle dévoile les ingrédients qui permettent à ce jeune homme d’assouvir ses ambitions professionnelles, matérielles, sociales et symboliques en terme de reconnaissance et d’appartenance à l’élite8. En d’autres termes, les liens entre jeunesse et élite sont abordées sous l’angle des stratégies de carrière professionnelle telles qu’elles sont envisagées dans le cadre d’une famille de la bourgeoise neuchâteloise dans la première moitié du XIXe siècle.
Les trois raisons de partir…
5Le choix de la ville mancunienne repose sur un triple calcul.
6Manchester est, aux yeux de Alexandre Mentha, le lieu judicieux d’un apprentissage parce qu’elle connaît au moment où il y s’installe un essor prodigieux9. Ville symbole de la révolution industrielle, elle attire une foule cosmopolite d’acheteurs, de fabricants, de négociants en tous genres qui lui donnent les aspects d’un centre manufacturier de première importance. Basée sur le coton, cette réussite ne peut qu’attirer un jeune homme prêt à mordre dans la vie à pleines dents et à gagner sa place dans un monde intraitable où les perdants sont plus nombreux que les gagnants. Il ne semble pas que l’installation à Manchester soit facilitée par la présence sur place d’une connaissance qui prépare la venue d’Alexandre. Une information trouvée dans une lettre à sa sœur précise le fait qu’il a entrepris lui-même toutes les démarches depuis la Suisse. Il signale qu’il a « une place en Angleterre pour le printemps […]. On ne me donne que 130 louis de gage pour la 1re année en sorte que la 2e sera naturellement mieux payée10 ». À la suite d’un premier séjour en Suisse alémanique, la connaissance de l’allemand lui facilite certainement les choses. Les firmes désireuses de participer à cette croissance prolifèrent à Manchester, anglaises pour la plupart, mais aussi européennes. La moitié des firmes étrangères qui s’y sont établies sont notamment allemandes dont celle connue du père de Friedrich Engels, apprenti célèbre dont la présence à Manchester est attestée en 184111. Mais ce ne sera pas celle qui engage Alexandre dont le curriculum vitae témoignant de ces connaissances linguistiques a dû être décisif. Tout porte donc à croire que le choix du lieu et de l’employeur ainsi que les démarches pour trouver un emploi formateur aient été le fait d’Alexandre Mentha seul, muni déjà d’un bagage linguistique et professionnel non négligeable.
7En choisissant Manchester, Alexandre ne s’est pas trompé sur la qualité de la formation qu’il pouvait espérer recevoir même si la vie n’a pas été tout rose.
« Vous aurez été tous surpris de ce que je n’ai pas accepté l’offre de papa de retourner au milieu de vous. Certainement, je l’aurais fait avec plaisir et ç’aurait été pour moi une grande satisfaction de vous revoir, mais pensant que j’aurais dû quitter pour cela Manchester et peut-être ne plus y revenir, j’ai cru convenable d’y passer encore un an pour me préparer (illisible) de tous les genres d’articles et me former davantage à des affaires qui offrent des avantages si précieux pour un négociant. Une fois en Suisse, je travaillerai à mettre en pratique les leçons que je reçois ici et en même temps soulagerai Papa autant qu’il me sera possible et lui aiderai à porter le joug sous lequel il est passé depuis si longtemps. – voilà ma raison12. »
8Il est certain que ce mobile, tout honorable qu’il puisse être, est lié à des circonstances familiales plus délicates. Cela nous amène à évoquer la deuxième raison au départ d’Alexandre, raison qu’il faut chercher dans le caractère conflictuel des relations qu’il entretient avec son père, Jean-Henri Mentha. Actif dans le négoce des indiennes et de la laine près de Neuchâtel, Jean-Henri Mentha est certainement acquis à l’idée que l’éloignement de son fils aîné est à même de le faire progresser et d’acquérir les ficelles du métier de commerçant. Si éloignement il y a, il ne peut être que de courte durée, un an au maximum, car tout indique que le père est aussi acquis à l’idée que son fils reprendra ses affaires. Or, la situation de ce père n’est pas aussi brillante qu’on pourrait le croire. Ses affaires s’inscrivent dans une situation conjoncturelle mauvaise. Le commerce des indiennes notamment connaît de graves vicissitudes qui annoncent un déclin définitif13. La célèbre Fabrique-Neuve de Cortaillod, puissante entreprise d’indiennes qui a inondé pendant de nombreuses années le marchés mondiaux de ses toiles peintes voit son assise commerciale se réduire considérablement et perdre finalement toutes perspectives faute aussi d’une adaptation au progrès technique14. Jean-Henri Mentha subit de plein fouet le contrecoup de ces replis successifs. Pour son fils aîné, la solution ne peut être trouvée que dans l’implication dans d’autres commerces et surtout dans d’autres lieux. Les allusions sont claires dans les correspondances échangées entre eux. En septembre 1839, Alexandre ne peut être plus franc :
« Le commerce de la Suisse est ruineux, ce serait folie de le continuer, eh bien, on le quitte et il n’y a rien là qui doive étonner le monde et puis s’inquiéter du qu’en dira-t-on ? Les autres gens ne viendront pas à ton secours, il faut absolument chercher en soi-même ses propres ressources et changer de commerce si celui que l’on poussait cesse d’être productif de bons résultats. Je ferai toujours mon possible pour toi et ma famille et je tiendrai la promesse que je t’ai faite en te quittant de travailler pour tous ; c’est pourquoi je me suis expatrié avec plaisir ; voyant que je n’avais pas d’avenir dans mon pays tandis que l’étranger m’offrait et à vous tous plus de chances de succès que je n’ai pas balancé et je suis prêt à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aller de l’avant : aidons-nous donc réciproquement15. »
9La lettre ne devait certainement pas être reçue avec plaisir à Neuchâtel. Car la leçon donnée par un fils est adressée à un père, Jean-Henri Mentha, qui n’est pas n’importe qui. Il est intégré, reconnu et apprécié dans la société neuchâteloise. Sa famille est liée à d’autres familles tout aussi bien considérées. L’aveu d’un échec économique doit siffler à ses oreilles comme une humiliation propre à lui faire perdre toute considération à ses proches. Dans tous les cas, aux yeux d’Alexandre, Manchester est vue aussi comme un lieu d’éloignement, gage d’une émancipation qu’il ne peut acquérir que loin des siens, à l’abri des sollicitations familiales et des conseils paternels.
10C’est dire qu’une troisième raison vient encore se greffer sur celles qui l’ont déjà convaincu d’un engagement à Manchester. La formation et l’éloignement ne peuvent trouver une pleine justification que dans l’acte de réussite, c’est-à-dire dans un enrichissement personnel qui serait la preuve ultime de la justesse de ses décisions et d’une adhésion sans faille à ce qu’il recherche aussi, la reconnaissance et la respectabilité. Réussir apporterait la pleine justification à son acte et bouclerait ainsi la boucle. Où donc trouver les meilleures chances, si ce n’est à Manchester, ville nouvelle, ville symbole d’un nouvel âge ? En s’enrichissant personnellement, il enrichirait par la même occasion ses proches restés à Neuchâtel. Sauveur de la famille, il en laverait l’honneur perdu d’un père en proie aux tourments de l’échec.
« Ne dîtes donc pas que je suis venu en Angleterre simplement pour des prunes et surtout que je ne m’inquiète pas de vous, comme j’ai eu lieu de le voir et de supposer que vous le croyiez, car je suis venu en Angleterre simplement pour le bien de toute la famille et je ne serai content que quand j’aurai atteint mon but. Vous avez tous attribué mon départ pour Manchester à un but d’égoïsme, mais je saurai bien vous prouver le contraire en dépit de vous mêmes16. »
Les quatre piliers de la réussite
11En s’établissant à Manchester, Alexandre Mentha a en tête un projet concret et cohérent qui suppose une intégration rapide dans un univers impitoyable qu’il présente sous des traits contrastés. Il y a dans la vision édulcorée qu’il donne parfois la volonté de rassurer autant ses parents que lui-même. Mais il y a aussi des propos qui ne laissent planer aucun doute sur la dureté de la vie qu’il mène.
12Faire de l’éloignement une source de formation, d’émancipation et d’enrichissement n’est pas dissociable d’un ensemble d’éléments qui sinon en facilitent l’accomplissement, tout au moins en déterminent les principes d’action. Si elle s’ajoute à ce qui a déjà été évoqué dans l’introduction, cette matrice explicatrice ne peut se résumer à des déterminations conjoncturelles et techniques. Elle prend aussi appui sur un environnement local et un socle mental qui lui donnent leur pleine mesure et dont on peut dégager quatre aspects : la famille, la religion, le travail et l’adaptation. On touche là au cœur du modèle de reproduction des élites neuchâteloises au XIXe siècle ou tout au moins à ses clés d’accès.
La famille
13Le pilier familial est le fondement de tout l’échafaudage social qui mène Alexandre à Manchester. L’insistance qu’il met à démontrer que, s’il se trouve à Manchester, c’est non seulement pour son bien, mais pour toute la famille restée à Neuchâtel, est frappante. La famille est la cellule de base à laquelle on reste lié et de laquelle on est redevable. L’unité économique qu’elle forme est à soutenir quel que soit le prix à payer.
« Je suis un nouvel homme qui ne demanderait que de vous avoir tous avec lui ici pour être parfaitement heureux. Cela viendra peut-être une fois quand Maman se décidera à confier sa vie à une machine à vapeur… Si on avait l’espoir de fonder une maison ici, qu’est-ce qu’un voyage maintenant ? Une partie de plaisir, rien de plus17. »
14Cette ritournelle se retrouve dans plusieurs lettres, surtout dans celles qui suivent son arrivée et son établissement. Ces sentiments filiaux ne reproduisent pas simplement le désir de plaire à ses parents. Ceux-ci font l’objet de tractations. Alexandre Mentha intègre son père dans un véritable plan d’action propre à assurer l’enrichissement de toute la famille. Écoutons-le décrire ce plan à son père :
« Je te fais donc ici la proposition de m’associer avec M. Skelton dans la ferme persuasion où je suis que c’est une occasion que la Providence a mis devant moi pour notre tranquillité temporelle à tous. M. Skelton étant consentant à ce que j’entre immédiatement en association, ou pour mieux dire aussitôt que les choix qui doivent être antérieurement seront faits, sans se presser, en avançant 500 £ avant Noël et 500 après, je te prie donc au lieu de t’enfoncer de nouveau dans les indiennes ce printemps, d’employer tes fonds dans cette affaire, qui te sera plus avantageuse sois en sûr et qui pour mille livres de capital te laissera une part de 400 £ par an…
Voici le plan à suivre. Mon association date du jour où je pourrai fournir 500 £ que tu me feras toucher chez Desgrand Fordati (?), comme d’ordinaire, 500 £ après le 1er janvier ou à cette époque.
Tu liquideras ton commerce de Suisse à ton aise et Henry [second frère d’Alexandre] fera du voyage pour vendre aussi bien que possible le solde.
Je m’engage à partager ma part des profits avec toi, une fois mes dépenses payées ici pour moitié égale. Tu auras aussi l’intérêt de tes fonds bonifié à 5 1/2 % l’an18. […]
J’ai confiance dans l’avenir, tout ce que je désire est que tu partages cette confiance ; sors de ton dédale de la Suisse et alors avec des idées claires engageons nous dans d’autres affaires plus sures19. »
15Le pilier familial se comprend avant tout comme la défense de ses intérêts et de sa pérennité. On est ici en présence de cette lame de fond qui donne au capitalisme naissant du XVIIIe siècle ses caractéristiques. Le capitalisme tel qu’il prend forme est surtout une affaire de familles. Un engagement du père, à cet égard, n’est que la manifestation de la prise de conscience d’une globalisation de l’économie à laquelle il faut participer, mais sans remettre en cause les fondements et les cadres d’action.
« Dans le cas de réussite, Papa pourra mettre de côté les affaires de la Suisse, moi Alexandre Mentha garantissant de lui faire gagner sa vie honorablement en faisant des rouges mérinos. Il pourra donner la suite des affaires de la Suisse à Henry ou à qui il voudra parce qu’il ne pourra tout faire et tout bien faire. Une fois les affaires en rouge emmanchées, je lui garantis 4 à 500 livres sterling de profit par an, mais il faut que rien ne soit épargné dans le commencement pour inspirer de la confiance aux Anglais qui se lassent facilement des gens qui font les affaires à demi. Si je suis bien secondé en Suisse notre fortune est faite20. »
16Alexandre porte à la connaissance de son père que le monde change et que ne pas s’adapter à ce changement équivaut à périr. Cet élément est notamment mis en évidence dans la description des innovations techniques qu’il découvre à Manchester, innovations qu’il juge comme tout autant de preuves des transformations fondamentales qui font passer Manchester et l’Angleterre à l’état de capital technique et économique du monde et, a contrario, qui montrent que Neuchâtel devient une ville du… passé. On reproduit ici l’extrait d’une lettre où Alexandre décrit à sa mère le fonctionnement du chemin de fer.
« Je t’avais promis de te donner quelques détails sur les voitures à vapeur… C’est une longue suite de voitures aussi grandes que les diligences de Lausanne à Neuchâtel, dans lesquelles 18 personnes ont aisément place, ces voitures peuvent être multipliées suivant la quantité de voyageurs, ce qui est très commode, en sorte que par ces voitures on est toujours sûr de trouver de la place. Cette quirielle (sic) de voitures est traînée par une autre voiture qui est la machine et qui prend la place de deux autres voitures. Voici à peu près l’esquisse… [suit un croquis] La première partie est la machine et la seconde le réservoir d’eau. D’autres voitures sont attachées ensuite et malgré le poids énorme de ces voitures, une machine traîne 40 à 50 wagons… [trous dans la lettre]. Lorsque je fus à Liverpool, je vis Melle Lousche (?) qui se portait bien, nous mîmes 5 minutes pour faire 1 1/2 lieue de chemin, soit 4 1/2 milles, pense donc avec quelle vitesse ça marche, rien de plus singulier que cela, on quitte Liverpool, à peine quitté qu’on arrive à Manchester, sans qu’il paraisse on a fait 13 lieues de chemin, on est frais, léger, pas du tout incommodé de la route21. »
17D’autres propos du même type sont tout aussi éloquents. Si la famille reste au centre de l’action d’Alexandre à Manchester, elle doit néanmoins admettre l’idée des transformations qui s’opèrent dans le monde.
La religion
18Cette vision d’Alexandre trouve dans la religion un puissant ferment. C’est le socle sur lequel est bâtie sa vision22. Le monde luthérien dans lequel il a grandi à Neuchâtel trouve à Manchester beaucoup de résonance. S’il ne déroge pas chaque dimanche au rituel du culte, il y trouve un climat qui décuple encore les ambitions. L’Église anglicane offre une liberté d’action qui tranche, là encore, avec le puritanisme neuchâtelois trop peu enclin à pardonner. Elle donne à la religion une impulsion au laissez-faire-laissez-aller qui sous-tend cette explosion économique.
« [J]’ai le bonheur d’entendre un ministère qui prêche l’Évangile à la Dupasquier, qui vous rend la religion facile, qui vous parle d’un Dieu de miséricorde et prompt à pardonner et non un Dieu implacable et dont la justice est si sévère qu’il rejette tous ceux qui pêchent, comme il y a beaucoup de Ministres qui le font23. »
19Tout au long de son existence à Manchester, Alexandre reste très discret sur cet aspect des choses. Il n’y a pas de longues tirades retraçant sa vie religieuse. On sent qu’elle est constamment présente et qu’elle fonde toute sa façon de vivre. L’austérité dans laquelle il vit s’en explique. La liberté de faire n’implique pas la liberté de vivre.
« Un homme qui veut passer pour respectable ne se fait jamais voir à la rue qu’en affaires, ne va jamais aux billars (sic) qui sont le ressort des débauchés ici. Quant au théâtre, cela fatigue tout de suite24. »
20Cette impression de solitude se réduit à mesure que son installation à Manchester s’opère. Au fil du temps et à mesure que son intégration devient réelle, la vie sociale prend des airs moins sombres. On se voit, on se rend visite, mais on ne se disperse pas en vains loisirs qui ne manquent pourtant pas.
« De toute la semaine, je ne bois pas un verre de vin que lorsque (sic) je vais passer la soirée chez Dorrington. Quant aux liqueurs fortes, je ne crois pas que j’en ai bu plus de 3 fois encore avec force d’eau et de sucre. Lorsque je suis chez M. Dorrington et que les liqueurs sont apportées sur table le soir avant de se retirer ou après le dîner ; M. Dorrington ne veut jamais me permettre de prendre un verre autre que du vin, me disant que comme mes parents sont très éloignés de moi, il doit prendre soin de moi et me conseille en ami de ne jamais prendre de liqueurs – que c’est la mort d’un jeune homme et jamais je n’en ai touché, persuadé qu’il a raison. Je reste donc à ma bonne bière qui me paraît maintenant aussi bonne que mon vin ordinaire25. »
21Cette vie est exclusivement tournée vers ce qui la justifie : le travail.
Le travail
« Les affaires sont ma seule occupation. Si le bureau ne demande pas mon temps, je vais dans le marché, je vois de nouveaux dessins, je donne des idées aux imprimeurs, en un mot, je me fais connaître et bientôt tout Manchester ne jugera que par moi. J’ai envie de pratiquer un peu le dessin pour les impressions et pendant mes moments de liberté mettre sur le papier des idées qui peuvent me venir. Je crois que ce sera une bonne manière d’employer mon temps26. »
22On touche là une autre grande dimension de ce capitalisme européen qui se met en place et dont Alexandre nous en rappelle toute l’importance. Le travail est la condition de réussite, la voie vers l’élection au paradis. S’en détacher rime avec défaite. Mais le contexte mancusien a ceci de positif qu’il favorise une émulation qui cadre avec le sentiment que l’acquisition de connaissances est la condition nécessaire à la réussite. Avant d’être source d’enrichissement, le travail est source d’apprentissage, condition sine qua non à l’acquisition du premier.
« Mes occupations du bureau se sont considérablement augmentées. J’ai à signer l’avis de toutes nos marchandises, ce qui me donne occasion d’écrire tous les jours des lettres anglaises ; en outre, j’ai toutes les factures à faire, puis toujours comme auparavant les lettres et l’expédition du courrier, ce qui n’est pas peu de choses. En sorte que mon temps est assez bien employé.
M. Sennhauser qui n’a été à Manchester que quelques jours n’a pas eu lieu de se féliciter, au moins, je suis tenté de le croire de son séjour ici. Je ne pouvais être avec lui que dans mes heures de loisir parce que dans ce moment nous avions beaucoup d’ouvrage et ne pouvions pas quitter parce que mes chefs ne font pas attention à toutes ces affaires particulières de leurs commis, il faut que l’ouvrage se fasse, voilà leur première maxime27. »
23Les modalités d’apprentissage reposent sur la forme classique de ce que les historiens anglo-saxons appellent « learning by doing », soit un apprentissage basée sur la répétition de l’effort qui, par accumulation, débouche sur une amélioration des connaissances et un perfectionnement personnel.
24Mais le revers de la médaille à cette situation est la dureté de l’existence. Les lettres d’Alexandre laissent souvent percevoir une fatigue face à ce monde tout entier tourné vers l’activité.
« Combien vous êtes plus heureux que moi qui suis ici dans un pays de fumée, au milieu d’une population d’ouvriers, qui vous heurtent de tous côtés lorsqu’on passe au milieu d’eux. Tous les jours, je suis à la bourse, achetant et vendant, et le soir les soucis des affaires viennent occuper mes idées et m’empêchent de rechercher le délassement d’esprit qu’une société d’amis offre. Je suis un vrai esclave comme tout homme d’affaire doit être, et je ne puis m’empêcher de dire que les noirs qui labourent les terres du Brésil sont plus heureux que les Blancs d’Europe ; lorsqu’ils ont fini leurs travaux du jour, ils dorment tranquilles tandis que nous autres esclaves blancs, personne ne nous donne à manger si nous manquons de pain ; il est vrai que le produit de nos sueurs est à nous tandis qu’eux travaillent au profit d’un autre ; est-ce en cela que consiste le mot si cher liberté28 ? »
25Ce passage est extrêmement significatif : la liberté dont on croit jouir par la possibilité de s’épanouir et de s’enrichir ne va de pair avec qu’avec une perte de liberté dans l’usage de son temps. Le travail est source d’aliénation, notion que Friedrich Engels théorisera quelques années plus tard à travers ses observations de Manchester29. Le prix à payer est élevé, mais Alexandre, même dans les moments de grande lassitude, n’oublie pas qu’un repli serait vécu comme une terrible défaite.
L’adaptation
26Le dernier aspect qui concourt à garantir le succès d’Alexandre à Manchester relève d’un haut degré d’adaptation. Le jeune Neuchâtelois se meut dans la société anglaise avec la seule envie d’être accepté. Son intégration passe par une totale assimilation des us et coutumes du lieu. Nul désir de rester Neuchâtelois et de vivre en Neuchâtelois. La réussite s’accompagne d’une mue personnelle dont l’aboutissement est le rejet de ses origines.
« Tu dira (sic) que je suis toujours le même fou qu’à Neuchâtel… ma lettre finie, je redeviens anglomane ; un abord sérieux, un œil sévère sont les airs que je me donne, ce qui me donnerait le nom de fier à Neuchâtel est justement ce qui fait qu’on me respecte ici, et pour être ce qu’on appelle Gentleman, il faut se donner du ton. Tu vois Lise que je suis ici un Gentleman, ce n’est pas peu de chose, car un Gentleman peut être introduit dans toutes les sociétés ; c’est ce qui m’arrive ; il n’est presque pas de semaine où je ne suis présenté à une famille respectable, qui me prie de fréquenter leur maison30. »
27Cette lettre qu’il adresse à sa sœur montre bien la capacité d’Alexandre à répondre aux exigences d’une société qui donne aux apparences les critères de sélection. Sa propre apparence change aussi. Il va jusqu’à couper sa « magnifique » barbe. « Combien je la regrette, combien ma figure paraît plate maintenant ! Mais il fallait céder aux circonstances ; je ne pouvais plus aller dans le marché acheter des marchandises tranquillement tellement une barbe est contraire aux mœurs anglaises31. »
28Il s’habille à la mode anglaise pour se fondre totalement à la société ambiante. Il reste très perméable au qu’en dira-t-on et ne veut rien entendre à une quelconque fausse note de goût qu’il corrige immédiatement.
« Arrivé ici, je me suis fait faire une petite [illisible], à la mode anglaise, un gilet de satin brun, et un pantalon de côton à côte. Enfin, je te dis je ressemble (à) un Anglais. La semaine, je m’habille à peu près comme à Neuchâtel, sauf que je porte un chapeau. Les bonnets ici sont tellement méprisés que nos domestiques se moqueraient de moi si je partais le mien, je le mets à la maison32. »
29Quatre ans après son installation, il juge le bilan positif et se croît autorisé à s’auto-proclamer un Gentleman. Son train de vie, sans être somptueux, a atteint un niveau tout à fait respectable qui le classe dans la bourgeoisie moyenne anglaise.
« Maintenant que je suis parfaitement au courant de la vie anglaise et parle assez bien, ce qui me rend plus à l’aise que je ne l’étais auparavant. Je gagne 10 Louis par mois et j’en dépense 5 ou 6 pour ma vie, blanchissage, menus frais, etc. (?). Le reste est mis de côté et sert à payer mes comptes de tailleur, cordonniers etc. (?), en sorte qu’avec 120 Livres, je m’en tire parfaitement et vis d’une manière respectable ce qu’on appelle en anglais en Gentleman33. »
30Cette adaptation se perçoit encore dans les liens de sociabilité qu’il parvient à construire. Ses fréquentations sont bien choisies et il participe avec beaucoup de facilité à la vie quotidienne de respectables Anglais. Nulle critique n’est émise sur les mœurs qu’il observe et les descriptions qu’il en donne à sa famille sont toutes très respectueuses et s’accommodent rarement d’un jugement de valeur.
« J’ai aujourd’hui à prendre le thé chez moi un jeune médecin de mes amis ; je le vois fort souvent et il m’a offert ses services lorsque j’en aurai besoin en sorte que vous ne craindrez pas pour ma santé, elle est bien soignée. Je connais aussi un jeune Dorrington, son père a un des plus grands magasins de détail de St. Ann’s Square près de la Bourse. J’étais invité chez lui hier avec mon médecin qui s’appelle M. Bryien. On ne fait pas tant de compliments en Angleterre pour les dîners. Il n’y a pas de potage. On arrive tout d’abord au premier service qui se compose de mouton, de veau ou de bœuf, mais jamais qu’un des trois accompagné d’un légume de saison et des pommes de terre qui ne manquent jamais de figurer à table, le second couvert est un pudding ou un gâteau aux fruits, ensuite vient le fromage qu’on accompagne d’un verre de vin de Porto ou de Xérès et d’un cigare de Havanne34. »
31La correspondance d’Alexandre Mentha à sa famille nous montre l’exemple réussi de l’intégration d’un jeune homme dans la société d’accueil et son accès à une élite libérale qui donne tout leur sens aux transformations sociales et économiques qui secouent l’Angleterre dans la première moitié du XIXe siècle. Les raisons qui le poussent à s’installer à Manchester n’ont pas toutes l’assentiment de ses parents. En ce sens, Alexandre nous donne à voir un fils insoumis qui croît atteindre l’élite par ses propres choix. Mais l’insoumission à Neuchâtel se transforme en une totale soumission aux règles et aux codes de conduite de la société anglaise. Sa volonté de réussite passe par une totale adaptation à ce qui fait la prospérité anglaise et son accommodement illustre sa capacité à véritablement se fondre dans son nouvel environnement. L’adaptation porte autant sur les règles de fonctionnement de la société (travail, religion, famille), que sur les apparences qui donnent à Alexandre un « look » très anglais. En ce sens, Alexandre est totalement avalé par la Révolution industrielle dont il sent qu’elle est porteuse de nouvelles opportunités économiques qu’on ne peut saisir qu’en respectant les règles de ceux qui l’ont portée sur les fonts baptismaux de l’histoire. Le jeune Neuchâtelois devient l’Anglais respectable, sûr de son bon droit et de ses prérogatives.
32Sur le plan de la réussite professionnelle, Alexandre a certainement gagné son pari et son intégration à une élite mancusienne doit être relevée. Il n’en reste pas moins que le fils prodigue n’a pas réussi à entraîner le reste de sa famille dans ce qu’il croît être un nouveau paradis économique. Son père surtout n’entre pas dans les plans d’action de son fils. C’est dire que la distance ne cessera de s’allonger entre Alexandre et Neuchâtel. La mort de son père en 1862 marque la fin de cette correspondance. Malgré son mariage avec la fille d’un grand négociant de Manchester et son installation définitive dans cette capitale économique, l’existence d’Alexandre semble dès lors devenir plus difficile sur le plan professionnel.
Notes de bas de page
1 Pierre Caspard, « Les changes linguistiques d’adolescents : une pratique éducative, XVIIe-XIXe siècles », in Revue historique neuchâteloise, Neuchâtel, 2000, p. 5-85 ; id. « Pourquoi on a envie d’apprendre : l’autodidaxie ordinaire à Neuchâtel (XVIIIe siècle) », in Histoire de l’éducation, no 70, Paris, 1996, p. 65-110.
2 Abel Poitrineau, Histoire du compagnonnage, Horvath, 1992, 133 p.
3 Estelle Fallet et Alain Cortat, Apprendre l’horlogerie dans les Montagnes neuchâteloises 1740-1810, La Chauxde-Fonds, 2001, 176 p.
4 Carina Pinto Joliat, David de Pury : sur le chemin de la fortune, Mémoire de licence, Institut d’histoire, Université de Neuchâtel, 2008.
5 Hughes Scheurer, « Émigrations : stratégies familiales d’horlogers neuchâtelois (seconde moitié du XVIIIe siècle-début XIXe siècle) », in Revue historique neuchâteloise, Neuchâtel, 2001, no 1-2, p. 21-33.
6 Archives de l’État de Neuchâtel (AEN). Cartons bleus. Registre des passeports.
7 Hughes Scheurer, « Tissus relationnels et stratégies entrepreneuriales : le commerce colonial a-t-il été un apport important pour les industries neuchâteloises de la seconde moitié du XVIIIe siècle et du début du XIXe ? », in Traverse : revue d’histoire, Zurich, 1998, no 2, p. 29-40.
8 Une première exploitation de cette correspondance a paru sous la forme d’une communication publiée dans Philippe Henry et Jean-Pierre Jelmini (éd.). La correspondance familiale en Suisse romande aux XVIIIe et XIXe siècles. Affectivité, sociabilité, réseaux. Neuchâtel, Alphil, 2006, p. 322-323 et intitulée : « Faire fortune et devenir respectable à Manchester au XIXe siècle. Une correspondance neuchâteloise pour savoir comment. »
9 François Vigier, Change and apathy : Liverpool and Manchester during the industrial revolution, Cambridge, 1970.
10 AEN. FDP, Alexandre Mentha. Lettre à sa sœur, 29 décembre 1834.
11 Malcolm Bee, Industrial Revolution and Social Reform in the Manchester Region, Manchester, 1997, p. 7.
12 AEN. FDP, Alexandre Mentha. Lettre à sa mère, 7 mars 1837.
13 Jean-Marc Barrelet, « Conjoncture et structures économiques, 1815-1848 », in Philippe Henry et Jean-Marc Barrelet (dir.), Sujets ou citoyens ? Neuchâtel avant la Révolution de 1848, Genève, 2005, p. 294.
14 Pierre Caspard, La Fabrique-Neuve de Cortaillod : entreprise et profit pendant la révolution industrielle : 1752-1854, Paris, Publications de la Sorbonne ; Fribourg, Éd. Universitaires de Fribourg, 1979.
15 AEN. FDP Alexandre Mentha, lettre à son père, 18 septembre 1839.
16 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à sa mère, 19 juillet 1839.
17 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à sa sœur, 22 juin 1839.
18 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à son père, 23 octobre 1839.
19 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à son père, 18 septembre 1839.
20 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à sa mère, 19 juillet 1839.
21 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à sa mère, 22 juin 1835.
22 Pierre Caspard, « Du ciel des idées aux pratiques culturelles : la religion dans les écoles neuchâteloises entre réforme et lois de laïcisation du XIXe siècle », in Pädagogische Modernisierung : Säkularität und Sakralität in der modernen Pädagogik, Bern, 2006, p. 13-26.
23 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à sa sœur, 29 mars 1841.
24 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à sa sœur, 29 mars 1841.
25 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à sa mère, 9 décembre 1836.
26 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à sa mère, 22 juin 1839.
27 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à son père, 7 septembre 1836.
28 AEN. FDP Alexandre Mentha. Lettre à sa sœur, 29 mars 1841.
29 Friedrich Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, 1845, rééd. Paris, Éditions sociales, 1960.
30 AEN. FDP Alexandre Mentha, lettre à sa sœur, 20 juillet 1855.
31 AEN. FDP Alexandre Mentha, lettre à sa sœur, 22 juin 1839.
32 AEN. FDP Alexandre Mentha, lettre à sa mère, s. d mais probablement 1839.
33 AEN. FDP Alexandre Mentha, lettre à sa mère, 9 décembre 1836.
34 AEN. FDP Alexandre Mentha, lettre à sa mère, 20 juillet 1835.
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