Des cadavres dans le placard de la nation arc-en-ciel : quatre figures sacrificielles aux corps meurtris de l’Afrique du Sud post-apartheid
p. 277-291
Texte intégral
1Avant ou après la fin de l’apartheid, la société sud-africaine semble ne pas pouvoir se départir de pratiques violentes dont les corps sont le malheureux réceptacle. Médiatisés, les corps brutalisés ou saccagés en viennent à chaque époque de la turbulente histoire contemporaine sud-africaine, à figurer toute la souffrance d’un peuple confronté à des violences endémiques. Les corps sud-africains souffrants ne sont pas tous les corps sud-africains mais ceux qui sont transpercés, tuméfiés, découpés sont particulièrement mis en avant et acquièrent rapidement un statut représentatif de la division, de la douleur et de la désorientation d’un corps social et citoyen qui a lui-même beaucoup de mal à se remettre du démembrement géographique et social subi à l’époque de l’apartheid.
Les corps sud-africains au temps de l’apartheid
2Le corps humain a été la base de l’idéologie politique de la ségrégation sud-africaine pendant des décennies, fixé comme la frontière indépassable et taboue de l’élan civilisateur des européens. Le corps fut longtemps considéré comme le siège visible des tares communes supposées des uns (les Noirs) ou du génie national proclamé des autres (les Blancs). Les caractères physiques différenciant les habitants de l’Afrique du Sud sont donc devenus la base de l’établissement de critères raciaux complexes fixant les droits de chacun, noirs, métis, indiens, blancs.
3Les représentations comme la science de l’apartheid faisaient du corps des Africains un organisme par nature inférieur ou débile. Les travaux durs qui leur étaient confiés (mines, travaux agricoles…), leurs conditions de vie, leur dénuement en matière vestimentaire, l’alcoolisme fréquent (parfois entretenu par une rémunération en nature de vin dans les exploitations viticoles) renforçaient l’aspect physique grossier des employés noirs, légitimant aux yeux de nombreux détenteurs de l’autorité (le fermier blanc, le chef de mine, le policier, le militaire…) des traitements brutaux et des rudoiements dont la dureté n’avait pas de limites.
4Au temps de l’apartheid, la domination violente et les meurtrissures imposées aux corps des Noirs, notamment par la répression policière1, allait de pair avec le démembrement géographique du pays coupé en morceaux. Les corps étaient catalogués selon des règles précises qui permettaient de déterminer si les individus à qui ils appartenaient relevaient de telle ou telle catégorie raciale. Une fois déterminée leur race, les corps étaient « rangés » dans les zones du pays auxquelles les lois de l’apartheid les assignaient : bantoustans et townships africains pour les Noirs, townships métis ou indiens pour les autres catégories raciales défavorisées, l’essentiel de l’Afrique du Sud, sa partie riche, visible et paisible pour le reste : les Blancs. Ainsi donc, la mise en pièce des corps non-blancs, repoussés dans les recoins marginaux du pays, était liée au découpage géographique minutieux que constituait la création des townships et des bantoustans, autant de zones d’exclusion progressivement externalisées du pays des Blancs. Les Africains, n’étaient tolérés dans les villes et quartiers blancs – pour y assurer un travail – que jusqu’au couvre-feu de 18 heures, moment où, revenus au township ou au bantoustan, leurs corps, dans la pénombre presque fantomatiques, reprenaient leurs fonctions de balises paysagères entre deux zones de « monoculture » forcée : le pays des Blancs à l’heure du jogging, des barbecues et du sommeil tranquille et celui des Noirs à l’heure des longues marches du retour à la maison, des repas à la chandelle et de l’agitation nocturne.
5Dans ces deux contextes profondément divisés, le pouvoir de l’apartheid tentait donc d’imposer une grammaire corporelle normalisée fondée sur plusieurs piliers :
- la contrainte légale des comportements2 ;
- la contrainte spatiale des corps3 ;
- la tolérance assez commune chez les Blancs de la brutalité imposée aux corps des Noirs, notamment dans les relations de travail
- bien que celle-ci fut illégale ;
- la science officielle qui cherchait à prouver la supériorité naturelle et génétique du corps des Blancs4 ;
- des pratiques sportives et récréatives réservées ou du moins séparées ;
- des modèles esthétiques dont les différences étaient souvent cultivées à l’extrême et les mélanges réprouvés5.
6Dans ce contexte particulièrement contraint existe pourtant une véritable culture corporelle alternative. Celle-ci est fondée sur des référents traditionnels africains clairement définis : ceux que fournissent les guerriers adroits, au corps musclé, vif et élancé. Quand les jeunes hommes étaient soumis au rite initiatique de la circoncision, c’est à ces modèles guerriers qu’ils se référaient pour devenir des hommes aussi prestigieux qu’eux6.
7Avec le développement rapide d’une civilisation urbaine (fin XIXe-début XXe siècle) à laquelle viennent participer des mineurs et travailleurs noirs de toute l’Afrique australe, un nouveau modèle corporel se développe : celui de l’Africain moderne, portant volontiers une tenue européenne et dansant au son du jazz. Le tsotsi, ce voyou des townships, avec son argot, sa gouaille et sa prestance de caïd devient, entre autres, un modèle corporel qui permet aux corps africains de se redresser malgré la posture courbée et acceptante que veut leur imposer le système ségrégatif et les impératifs du développement de l’économie nationale.
8Dans la nouvelle Afrique du Sud7, les modèles corporels, bien que toujours dépendants des structures anciennes de la société ségrégée, continuent d’évoluer à grande vitesse mais souvent dans la douleur.
9Le corps est toujours l’indicateur de l’état de la société post-apartheid et en l’occurrence de sa division, de ses malaises et surtout de sa violence. Avec les saccages récurrents des corps citoyens – blancs ou noirs, il semble que ce soit l’unité du corps social qui soit en jeu.
10Le malaise et la désorientation de ce corps social semblent aujourd’hui représentés par quatre figures sacrificielles aux corps meurtris qui occupent le champ médiatique sud-africain depuis l’établissement d’une démocratie multiraciale dans le pays : le corps mythifié du héros révolutionnaire : icône d’un passé en voie de réappropriation ; le corps brutalisé du fermier blanc : borne terrienne d’ancien régime en délitement ; le corps exutoire de l’étranger : un bouc émissaire martyrisé ; le corps proie des sorciers : un ingrédient consommé par morceaux.
Le corps mythifié du héros révolutionnaire : icône d’un passé en voie de réappropriation
11La lutte contre l’apartheid, et la résistance à son système répressif a coûté particulièrement cher en vies humaines. Ce sont ces vies humaines – et surtout les plus emblématiques d’entre elles – qui sont célébrées comme les figures tutélaires de la nouvelle Afrique du Sud, remplaçant dans le panthéon officiel celles des grands ancêtres du peuple afrikaner.
Un corps sacrifié « ressuscité » : celui de Mandela et des prisonniers politiques libérés
12Quand le 11 février 1990 Nelson Mandela est libéré de la prison Victor Verster à Paarl, le héros du peuple apparaît dans un autre corps que celui que lui connaissaient les sud-africains. Depuis 25 ans plus aucune photo de lui n’avait été diffusée. Le retour à la liberté du leader de l’African National Congress8 emprisonné depuis 27 ans constitue une véritable réincarnation même si ce n’est pas le jeune homme arrêté en 1962 qui revient mais un homme de 72 ans. Ce corps, parce qu’il a vieilli loin des siens, qu’il a subi les mauvais traitements de la prison, est aussi un corps meurtri dans lequel, malgré cela mais aussi à cause de cela, les sud-africains continuent à voir le modèle du héros révolutionnaire9 tant attendu et quasi parousique10.
13L’apparition sur la scène médiatique sud-africaine de la figure du héros révolutionnaire correspond au moment où, avec le développement de la politique d’apartheid à partir de 1948, la ségrégation se fait systématique, radicale et particulièrement brutale. En même temps que se mettait en place l’apartheid, arrivait dans les grandes villes et surtout Johannesburg, une génération de jeunes africains éduqués à l’européenne et parfois passés par l’université pour noirs de Fort Hare dans le Transkei. Le jeune Nelson Mandela devient alors rapidement la figure emblématique de cette génération. Il est celui dont « la prestance physique, un mélange d’autorité naturelle et de modernité révolutionnaire, feront le leader incontesté de la lutte contre l’apartheid11 » dès les années 1950.
14Ce n’est qu’avec la sentence d’emprisonnement à vie reçue en 1963 que Mandela, héros révolutionnaire sacrifié sur l’autel de la résistance, parvient à incarner non seulement la lutte militante contre l’oppression mais également la détresse anonyme face au déclassement et à la brutalité. Mandela passe ses années de pleine maturité en prison et c’est là qu’il devient malgré lui une icône vivante du peuple noir d’Afrique du Sud. Cela d’autant plus que la connaissance assez commune des mauvais traitements qu’il subit va de pair avec l’image restée fraîche du jeune militant.
Les photographies des corps de Hector Petersen et Steve Biko : figures sacrificielles de la jeunesse révoltée des années de lutte contre l’apartheid
15Dans les années 1990, alors que les héros révolutionnaires sortis de prison à la fin des années 1980 sont devenus les principaux dirigeants de la nouvelle Afrique du Sud aux côtés des militants revenus d’exil et de ceux issus de la lutte interne, la nouvelle nation sud-africaine en construction se constitue un panthéon de figures tutélaires au premier rang desquelles sont placées les deux icônes de la jeunesse sud-africaine fauchées parmi tant d’autres par la police du régime d’apartheid au moment des émeutes de Soweto et de la répression qui s’ensuivit12.
16En effet, c’est avec le renouveau de la lutte et d’une répression encore plus violente au milieu des années 1970, que de nouveaux héros, cette fois-ci aux corps sacrifiés, apparaissent.
17Le premier d’entre-eux est Hector Pieterson13, écolier de 12 ans qui manifestait le 16 juin 1976 à Soweto14 contre l’enseignement obligatoire dans toutes les écoles15 en langue Afrikaans – langue perçue comme étant celle du colonisateur16. La photo de son corps porté par un aîné et accompagné par sa sœur a fait le tour du monde et a déclenché des protestations qui ont touché tant l’Afrique du Sud que le monde entier.
18Durant la vague répressive qui a suivi les émeutes de Soweto, un autre personnage, cette fois-ci trentenaire devient une figure sacrifiée de la jeunesse révoltée : il s’agit de Steve Biko, leader du Mouvement de la conscience noire. Le 20 septembre 1977, les photographies de son corps tuméfié et sans vie étaient révélées au monde grâce à Donald Woods, rédacteur en chef du journal sud-africain Daily Dispatch17. Le jeune leader dissident placé en détention le 18 août 1977 à Port Elizabeth avait été transporté à Pretoria où il fut déclaré mort dans sa cellule le 12 septembre18. Durant les années suivantes, les photos du corps martyrisé de Steve Biko ont été très souvent reproduites dans la presse pour appuyer les arguments dénonçant la violence aveugle du régime d’apartheid19.
19Les photos des corps sans vie de Hector Pieterson et de Steve Biko ont marqué toute une génération : celle dite des émeutes de Soweto. Diffusées dans le monde entier, elles ont largement servi à diaboliser et isoler le régime d’apartheid dont la propension à massacrer sa jeunesse devenait insupportable.
20Depuis 1994, la date du 16 juin est un jour férié, le jour de la jeunesse à laquelle Pieterson et Biko servent d’emblèmes. Un certain nombre de lieux de mémoire mettant en valeur le sacrifice des deux jeunes gens ont été construits depuis 1994 : pour Hector Pieterson, un mémorial20 et un musée à Soweto ; pour Steve Biko, un jardin du souvenir portant son nom a été aménagé près d’East London, de même, sa maison maternelle à King william’s town a été élevée au rang de monument national en 199721, etc. Dans chacun de ces lieux comme dans les sites internets et les ouvrages qui sont consacrés à ces deux héros, les photos post-mortem qui ont figé leurs corps sacrifiés sont largement utilisées.
21Les mises en scène nombreuses de ces deux corps sans vie ont permis de lier le sort de la nouvelle Afrique du Sud à une relecture de l’histoire s’opposant radicalement à l’histoire officielle du régime d’apartheid pour laquelle n’émergeaient aux côtés des grandes figures Afrikaners22, que Shaka, le guerrier zoulou. Les figures tutélaires de la nouvelle Afrique du Sud autour desquels s’organisent des rites annuels sont clairement les héros révolutionnaires aux corps sacrifiés, particulièrement Steve Biko et Hector Pieterson.
Le corps brutalisé du fermier blanc : borne terrienne d’ancien régime en délitement
22Mais dans l’Afrique du Sud post-apartheid, les corps meurtris qui font socialement sens ne sont pas que les victimes de l’ancien régime. Il s’agit aussi et peut-être surtout des victimes de la criminalité importante qui touche le pays. La plus grande partie d’entre elles relève de la population noire mais par un effet de nouveauté (les Blancs étaient très protégés et peu victimes de violences avant la fin de l’apartheid) et de médiatisation plus importante, ce sont souvent des victimes blanches dont il est fait état.
Le contexte : la domination des corps blancs symboliquement et brutalement mise à bas
23Au début des années 1990, alors que la violence se généralisait, la naissance progressive d’un corps citoyen réunifié fut concomitante avec un redoublement des violences politiques qui eut pour effet la mise en pièce des corps politisés : ceux des militants de tous bords, des collaborateurs du régime dans les townships, etc.
24Malgré les violences récurrentes depuis la révolte de Soweto en 1976, celles-ci étaient surtout contenues dans les Townships par la police et l’armée. Les Blancs étaient très protégés et économiquement, géographiquement comme socialement favorisés par le système.
25Si 1994, marque les premières élections multiraciales du pays (le 27 avril) et l’inauguration d’un nouveau corps citoyen, cette année est aussi marquée par la mise à bas à la fois brutale et symbolique de la supériorité et de la sacralité du corps des Blancs.
26Dans les faits, les violences pré-électorales redoublent et le 11 mars 1994, à Mmabatho, capitale du bantoustan du Bophutatswana, au cours de heurts faisant 50 morts, trois militants blancs du mouvement d’extrême droite AWB23 sont froidement exécutés par des policiers locaux alors qu’ils demandaient pitié. La scène filmée et diffusée à la télévision sud-africaine déstabilise profondément la population blanche du pays.
27Si les corps de blancs sont effectivement mis en pièce, leurs représentations héritées du passé volent également en éclat notamment avec le travail du photographe Roger Ballen Platteland : images of rural South Africa24. Les images qu’il a alors publiées ont joué un rôle détonnant : ces photos de blancs pauvres, laids ou tarés sont en totale contradiction avec l’image du blanc véhiculée par le régime d’apartheid notamment par le biais des sports dominées par les blancs : rugby, golf, etc. Les photos de Roger Ballen25 remirent de fait en cause la prétendue supériorité naturelle des corps blancs. Elles furent d’ailleurs vivement critiquées en Afrique du Sud au sein de la communauté blanche et attirèrent à leur auteur des menaces de mort.
28Le sommet de la destitution symbolique du corps blanc intervint sans doute avec le meurtre de Marike De Klerk, ex-épouse de l’ancien président Frederik De Klerk qui était frappée au visage, poignardée dans le dos et étranglée dans son appartement du Cap le 4 décembre 2001. Son corps était retrouvé quelques heures plus tard et la nouvelle de cet assassinat brutal provoqua un émoi gigantesque dans toute l’Afrique du Sud. Morte, Marike De Klerk, l’ancienne première dame du pays, devenait le symbole de toutes les victimes blanches de la recrudescence d’une criminalité galopante que l’État d’apartheid empêchait autrefois de se développer dans les quartiers blancs.
29Mais, au-delà du cas personnel et symbolique de Marike De Klerk, la figure dominante du corps blanc meurtri dans l’Afrique du Sud post-apartheid, est bien celui du fermier blanc.
Huis-clos sanglants dans les fermes blanches d’Afrique du Sud
30De 1994 à 2006, quelque 1 700 fermiers blancs ont été assassinés dans leurs fermes26. Ces attaques ne correspondent qu’à une très faible part de tous les meurtres commis en Afrique du Sud durant cette période puisque rien qu’entre avril 2007 et mars 2008, 18 487 meurtres ont été commis dans le pays et c’est là le chiffre le plus bas depuis l’année 2002-2003 durant laquelle 21 533 meurtres avaient été répertoriés27.
31De même, il faut souligner que d’après le rapport réalisé en 2003 sur les attaques de fermes, « seulement » 12 à 20 % de celles alors répertoriées se sont soldées par un ou plusieurs meurtres28.
32Si le meurtre de fermiers prend une place médiatique importante en Afrique du Sud c’est d’abord parce que ce problème – bien réel au demeurant – a été placé au devant de la scène médiatique par les organisations professionnelles des fermiers « commerciaux » blancs29 et que les partis politiques représentant les intérêts de la minorité blanche30 s’en sont par la suite saisis. Les attaques de fermes permettent de rejouer, à chaque fois que la presse se saisit de l’une d’entre elles, le drame qui oppose depuis des décennies les blancs et les noirs, de prétendus civilisés à des soi-disant barbares, possédants et possédés, dominants et dominés.
33La domination blanche s’est traduite par une prise de possession massive de la terre par les colons blancs et cela dès le début de la colonisation au milieu du XVIIe siècle31. Depuis lors, les Afrikaners – principalement eux, plus que les colons anglophones – lient fortement leur identité à la terre qu’ils ont conquise et mise en valeur dans la perspective d’une agriculture devenue commerciale. Leur identité est d’autant plus fortement liée à la possession de la terre que le terme de « boer » qui les désigne collectivement signifie également paysan ou fermier en langue afrikaans. La propriété terrienne est donc un enjeu économique mais également identitaire car ces possédants, dont l’histoire de l’Afrique du Sud a fait des emblèmes du peuple afrikaner mais également des symboles de l’ordre colonial, s’ils sont tués, le sont pour eux, pour ce qu’ils ont à voler mais aussi sans doute pour ce qu’ils représentent.
34Une ferme de blancs, en tant que « lieu du crime », acquiert donc naturellement le statut symbolique d’un autel sacrificiel où se joue l’inversion des valeurs, des pouvoirs, la violence révolutionnaire renouvelée de la chute du régime d’apartheid qui semble ne vouloir tomber qu’une pièce après l’autre.
35Les attaques de fermes choquent par la violence qui se déchaîne contre les corps de fermiers souvent âgés, isolés et que leurs bourreaux prennent souvent des heures à martyriser sans raison apparente. D’après le rapport de 2003 déjà cité32, 56 % des attaques ont eu lieu le week end et particulièrement le dimanche : les criminels attendent souvent dans la ferme que leurs victimes reviennent de l’office religieux. Même si les violences ne sont pas toujours avérées ou graves, ce sont ces cas, amplement décris dans la presse qui marquent le plus les esprits. Ils sont souvent racontés par les enfants des victimes : ici un couple âgé de 88 et 83 ans battus à morts dans leur ferme en 200533 ; ailleurs « une orgie de violence » qui pendant 7 heures a fait agoniser des septuagénaires dont la femme, les genoux d’abord transpercés de balles, a été par la suite ébouillantée avant de mourir en se vidant de son sang suite à des blessures par balles dans le dos ; ou encore une femme brûlée avec un fer à repasser après avoir été arrosée d’essence34, etc.
36Comme il est souvent souligné dans les témoignages, la gravité des sévices que certaines victimes subissent n’est pas en rapport avec la faible valeur des objets volés. Ainsi, quelles que soient les motivations des attaques de fermiers blancs, leur brutalité fréquente semble relever d’un autre phénomène qui est plus lié au besoin, rendu nécessaire parce que soudain possible, d’assouvir une haine sociale latente, de s’approprier le corps de l’Autre, de dominer le dominant, de posséder le possédant, de faire bouger les limites en arrachant à la terre le corps des individus qui la possèdent et qui lui donnent une identité, qui la marquent comme autant de bornes vivantes jugées souvent illégitimes35.
Le corps exutoire de l’étranger : un bouc émissaire martyrisé
37Ainsi, dans la nouvelle Afrique du Sud, le corps de l’Autre est évidemment encore celui du noir pour le blanc et du blanc pour le noir, tous deux sud-africains et partenaires d’une intrigue raciale séculaire. Mais en mai et juin 2008 des « flammes de haine36 » se sont allumées dans toutes les grandes villes sud-africaines contre les étrangers rappelant que dans ce pays de forte immigration, l’Autre n’est pas seulement ce vieil ennemi intime d’une autre couleur.
Une immigration ancienne mais peu maîtrisée
38L’Afrique du Sud a toujours été un pays d’immigration. Celle des colons européens qui n’a pas cessé du XVIIe au XXe siècle mais aussi immigration africaine surtout depuis le développement de l’industrie minière fin XIXe siècle.
39Les mines d’or, de diamant, de charbon et les autres industries de l’Afrique du Sud ont nécessité des apports de main-d’œuvre importants qui ont drainé des cohortes de travailleurs de toutes les parties du pays mais plus largement de toute l’Afrique australe. Pendant toute la période de l’apartheid, la plupart de ces travailleurs immigrés temporaires, restaient, le temps de leur séjour, confinés entre hommes dans les baraquements – les hostels – qui leur étaient assignés au plus près de leur lieu de travail.
40Les immigrants ont donc toujours été présents en Afrique du Sud mais depuis la fin de l’apartheid ils ne sont plus canalisés de la frontière à la mine : ils se fondent dans la population du pays mais se regroupent aussi parfois dans certaines zones. C’est le cas du quartier autrefois branché de Hilbrow près du centre de Johannesburg, où vivent des populations en majorité immigrées de la République démocratique du Congo dans les années 1990. Beaucoup de ces immigrants sont illégaux – il y en aurait 9,84 millions en Afrique du Sud selon des expertises de 200637.
41La violence est fréquente envers les immigrés venus de pays voisins et qui s’attendaient parfois à recevoir un meilleur accueil du fait que leur pays (la Zambie, le Mozambique…) avait aidé à la lutte contre l’apartheid, abritant notamment des bases arrières de l’ANC. Le choc est parfois rude quand ils sont confrontés à la violence endémique et victimes de violences dès leur arrivée38. Mais la violence est fréquente aussi entre immigrés comme l’indique encore Harris qui insiste notamment sur les rivalités entre nigérians et zimbabwéens à Johannesburg : les premiers jouissant d’une mauvaise réputation parmi les autres étrangers ; mauvaise réputation qui serait en partie construite par les seconds, culturellement proches des sud-africains et capables de parler facilement le zoulou, se faisant ainsi passer pour des autochtones et désignant les autres à la vindicte populaire en les traitant d’étrangers (kwerekwere)39.
42Comme le notait déjà Harris en 200140, la xénophobie s’exerce contre l’ensemble des étrangers mais également contre certains d’entre eux en particulier en fonction de leur nationalité et des mauvaises réputations qui peuvent leur être attribuées. C’est un phénomène qui est également apparu lors des émeutes xénophobes de mai 2008 où parmi les étrangers qui étaient dans leur ensemble l’objet de la violence populaire, c’étaient particulièrement les Zimbabwéens qui semblaient les plus visés. Ce fut le cas notamment en janvier 2006 à Pretoria, dans une de ces nombreuses bagarres entre sud-africains et étrangers qui surviennent souvent au cœur des quartiers les plus pauvres aboutissant régulièrement au lynchage d’immigrés : un homme était alors retrouvé mort poignardé dans un quartier pauvre de Pretoria. Immédiatement la population accusa un groupe d’étrangers zimbabwéens résidant là. Des émeutes s’ensuivirent qui aboutirent à la mort de deux zimbabwéens41.
Les événements de 2008 : la brutalité d’une fièvre sociale morbide
43Quand, le 12 mai 2008, des violences ont lieu dans le township d’Alexandra au nord de Johannesburg contre des étrangers d’origine zimbabwéenne, malawite et mozambicaine, faisant 3 morts parmi ces derniers, cet accès de fièvre xénophobe paraît être du même ordre que ceux qui agitent régulièrement de manière isolée, les quartiers pauvres du pays42.
44Mais cette fois-ci la fièvre xénophobe gagne rapidement à partir du 15 mai d’autres townships de la banlieue de Johannesburg et même le centre de la métropole (le 20 mai) puis le KwaZulu Natal à partir du 21 mai, la région du Cap le 23 mai… Quasiment tout le pays est donc touché par ces chasses aux étrangers.
45Une apparence, la réputation d’être étranger, un accent différent suffisent à faire d’un individu la victime de ces opérations punitives qui en une dizaine de jours firent au total quelque 62 morts dans tout le pays.
46Les événements xénophobes de mai ont permis de se rendre compte à quel point les townships sud-africains sont le lieu d’une violence collective qui ne demande qu’à se rallumer. Les troupes armées de bâtons, de pelles, de lances et de machettes qui se sont organisées dans ces quartiers et dont les photographies ont été largement présentées dans la presse43 semblent fonctionner sur le même modèle punitif que celles qui dans les années 1980 partaient à la recherche des collaborateurs du régime d’apartheid pour leur faire subir le supplice du necklace (collier)44. Plusieurs étrangers ont d’ailleurs été brûlés vifs dont l’un dans le township d’Atteridgeville près de Pretoria le 14 juin45 et un autre dans le bidonville de Ramaphosa dans la banlieue de Johannesburg le 19 mai.
47Contrairement aux meurtres de fermiers blancs qui relèvent de processus isolés et répétitifs de mise en scène de la violence dans un cadre confiné, les violences xénophobes de mai 2008 forment un grand mouvement collectif où le corps de l’étranger est l’objet de toutes les violences, sous toutes les formes possibles (par balle, coups divers, feu…). Ce corps que les foules disent alors vouloir extraire de la société, est investi de tous les maux dont souffrent collectivement les habitants des quartiers pauvres : le chômage car les immigrés prennent le travail des sud-africains disent-ils, la violence dont ils expliquent qu’elle est surtout le fait des gangs criminels étrangers, etc.
Le corps proie des sorciers : un ingrédient consommé par morceaux
48C’est également à des processus de guérison non pas collectifs mais individuels que sont destinés certains corps méthodiquement chassés et soigneusement disséqués pour leur valeur supposée magique et curative.
Épidémie de meurtres rituels et faim de corps-médicaments
49En 2002, un article estimait déjà à 300 le nombre de personnes tuées en Afrique du Sud pour l’utilisation de parties de leurs corps dans des rites de sorcellerie46. Reprenant les mêmes chiffres en 2008, Louise Vincent évoque l’idée d’une « épidémie de crimes violents à caractère occulte47 » qui toucherait l’Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid : il y est fréquemment question de la recrudescence de ces « muti murders48 »
50Contrairement aux cas exposés précédemment pour lesquels les corps brutalisés le sont parce qu’ils sont justement différents, opposés, étrangers ; ici, le sacrifice du corps n’est pas lié à sa différence. Au contraire, il s’agit souvent du corps d’un proche comme dans le cas de Fulufhuwani Mabuda, un jeune garçon sacrifié par son père dans la province de Limpopo au nord du pays : dans son témoignage à la BBC, la mère de l’enfant raconte comment le père l’a obligée à tenir ses jambes pendant qu’il lui tranchait la gorge et le laissait mourir avant de « le découper en morceaux, les mains, les jambes et même les organes sexuels49 ». Louise Vincent cite un autre cas où une jeune mère de 20 ans a été découpée vivante, notamment son visage, soigneusement détaché au sclapel, ses seins et ses organes génitaux, par un groupe d’hommes dont faisaient partie son mari et son oncle50.
51Dans les meurtres liés à des rituels de sorcellerie, tout semble important aux yeux des sorciers : le lien avec celui qui doit être guéri ou aidé mais aussi les conditions dans lesquelles sont « récoltées » les parties du corps recherchées. Il peut donc être jugé important que les parties du corps « y compris des organes internes51 » soient récoltées quand la victime est encore vivante, pour donner plus de force vitale à leur réutilisation – notamment s’il s’agit d’organes sexuels chargés de redonner de la vigueur à celui qui va les consommer. Car c’est à une véritable récolte qu’il s’agit de procéder une fois « l’arbre » adéquat (un corps humain) identifié. Les parties qui sont prélevées sont très variables : organes sexuels, langue, oreilles, yeux, seins, mains, bras, jambes etc. Il arrive que les victimes survivent à des prélèvements quand ceux-ci restent superficiels – les lèvres par exemple52.
52Les usages de ce type de pratiques sont variés : puissance sexuelle, retour d’amour, richesse, etc. Louise Vincent note également qu’il peut être recommandé par des sorciers d’enterrer des restes humains dans les fondations de nouveaux immeubles pour dynamiser les activités qui s’y tiendront ou encore de sacrifier la tête d’un jeune garçon ou d’une jeune fille (« quelqu’un qui a un futur ») pour donner de l’avenir à une entreprise53.
Un marché des corps humains en tant qu’ingrédients de sorcellerie
53D’après le nombre important de cas rapportés par la presse sud-africaine et d’après les témoignages des bourreaux entendus par la justice du pays54, il existe un véritable marché des ingrédients humains de sorcellerie en Afrique du Sud. C’est ce que confirme L. Vincent s’appuyant sur les révélations du tueur en série Sipho Dube qui, devant la haute cour de justice de Johannesburg, a expliqué qu’il avait « été payé 50 rands pour étrangler un garçon de 5 ans et lui couper les oreilles […], 150 rands pour tuer un garçon dont il a récupéré le sang55 ».
54Il s’agit donc d’un véritable commerce rémunérateur tant pour celui qui « fait la récolte » – le tueur qui découpe également les parties du corps, que pour le sorcier lui-même (c’est parfois le même) qui utilise les différents ingrédients. Dans ce sens les meurtres de sorcellerie dont l’importance croît, ne sont pas une résurgence ponctuelle de quelque tradition. Ils représentent plutôt une adaptation à la modernité sud-africaine qui, comme le remarque encore Louise Vincent, se distingue avant tout par la réussite économique signant l’avènement d’une nouvelle classe moyenne noire mais aussi d’entrepreneurs noirs que le gouvernement encourage sur cette voie. Comme le secteur de la banque, des mines, de l’agroalimentaire, celui de la sorcellerie est aux mains d’hommes d’affaires (les sorciers) cherchant à développer leurs produits dans un environnement propice puisqu’ils vendent « de l’ordonné, du prévisible56 » dans un monde où les repères comme les remèdes manquent. Le développement de l’épidémie du Sida constitue à cet égard une manne importante pour les sorciers qui, dans certains cas, promettent de guérir la maladie en utilisant des corps vierges d’enfants.
55La mise en pièces de corps humains aux fins d’une économie occulte n’est donc pas à mettre sur le même plan que la martyrisation des corps de fermiers noirs ou celui des étrangers. Pour ces deux dernières figures, il s’agit tout au plus de tentatives démonstratives mais désordonnées de contestation, soit d’un ordre économique subsistant – celui de la possession de la terre et des richesses par les Blancs –, soit d’un désordre social qui s’instaure – et dont les étrangers sont perçus comme responsables. L’économie occulte à laquelle participent les sorciers, propose au contraire un autre ordre du monde d’autant plus puissant qu’il se donne comme étant certes parallèle mais aussi compatible avec celui de la nouvelle Afrique du Sud. Car les corps sacrifiés par les sorciers ne le sont pas par haine mais par besoin. Du point de vue des sorciers, les sacrifiés « servent » en donnant bien involontairement leur corps ; comme ont servi auparavant les héros sacrifiés de la lutte contre l’apartheid. À la différence que ces derniers sont devenus les symboles des progrès collectifs qu’ils revendiquaient ; tandis que les seconds, eux, ne sont sacrifiés qu’à l’usage d’un individu dont le souci est limité à son propre avancement.
Le nouveau corps sud-africain : mort ou vif ?
56Images du corps de héros révolutionnaires exhibées, fermiers blancs martyrisés chez eux, étrangers immolés en pleine rue, enfants chassés et découpés pour des soins : la lente transformation sociale de l’Afrique du Sud et les violences qui lui sont liées consomment un nombre important de corps humains. Car tous ces cas ne sont pas fortuits : ils dépendent d’un contexte social qui est propre à la société sud-africaine post-apartheid et à son régime de violence endémique. Cette consommation de chair humaine est certes seulement symbolique quand il s’agit de ritualiser les hommages aux corps mutilés des figures tutélaires de la lutte anti-apartheid dont l’exhibition des photos permet peut-être d’exorciser une partie des pulsions destructrices d’une société désorientée. Mais c’est d’une consommation bien réelle de corps dont il s’agit également quand des milliers de sud-africains perdent chaque année la vie, victimes d’une criminalité rampante. Parmi tous ces sacrifiés, ceux qui correspondent aux modèles des figures sacrificielles dont les médias, meurtre par meurtre, un récit après l’autre, ne cessent de retoucher les contours, ceux-là mêmes, par le surgissement perpétuel de leurs corps sanguinolents dans l’actualité nationale, sont autant de « cadavres dans le placard » de la nation arc-en-ciel.
Notes de bas de page
1 Notamment lors du massacre de Sharpeville en 1960 ou des émeutes de Soweto en 1976. Les travaux de la Commission vérité et réconciliation ont permis de mettre à jour les circonstances atroces de beaucoup de décès imputés à la police du régime d’apartheid.
2 Principalement par le prohibition of mixed marriages act (1949), et l’immorality act (1950). La première loi interdisait les mariages inter-raciaux tandis que la seconde, allant plus loin, rendait criminelle toute relation sexuelle entre personnes de « races » différentes. Ces deux lois abrogées en 1985 sont emblématiques de la partie purement ségrégative et souvent qualifiée de mesquine de l’apartheid : le petty apartheid. Celui-ci s’oppose à la politique du grand apartheid (maintenue jusqu’en 1991) qui désigne la politique de séparation géographique des groupes raciaux et particulièrement la partition de l’Afrique du Sud en différents homelands ou bantoustans qui sont autant d’entités autonomes ou pseudo indépendantes séparées en fonction de l’identité raciale ou ethnique attribuée à leurs résidents.
3 Depuis 1923 (Native urban Areas Act) mais surtout depuis 1952 (Pass laws Act), tous les individus de plus de 18 ans identifiés comme étant de « race noire » devaient porter sur eux un passeport intérieur les identifiant et indiquant leurs possibilités de déplacement dans le pays.
4 Voir à ce sujet l’ouvrage de Saul Dubow., Scientific racism in Modern South Africa, Johannesburg, Witswatersrand University Press, 1995.
5 Les cheveux d’un blanc coiffés en dreadlocks pouvaient être très mal perçus au sein de son « groupe racial » par exemple.
6 Voir notamment le récit de la circoncision de Nelson Mandela dans son autobiographie, Un long chemin vers la liberté, Paris, Fayard, p. 35-42. Mandela explique que dans son peuple (les Xhosas), « un Xhosa non circoncis est une contradiction dans les termes car il n’est pas du tout considéré comme un homme mais comme un enfant » (p. 35).
7 L’expression « nouvelle Afrique du Sud » désigne l’Afrique du Sud après l’apartheid et particulièrement après les premières élections multiraciales du pays en 1994.
8 Le Congrès national africain (African National Congress – ANC) actuellement au pouvoir en Afrique du Sud, fut le principal parti d’opposition au régime d’apartheid.
9 Les autres chefs de l’ANC condamnés à vie au procès de Rivonia en 1964 sortent également de prison tardivement : notamment Dennis Goldberg en 1985, Govan Mbeki en 1987, Walter Sisulu, Elias Motsoaledi, Raymond Mhlaba et Ahmed Kathrada en 1989
10 Dès les années 1980, Desmond Tutu annonçait de manière prophétique : « Nous aurons un président noir en Afrique du Sud dans cinq ou dix ans […] et c’est Mandela qu’il nous faut parce que ce sera lui, évidemment, ce premier président. » Cité dans A. Bosch, Nelson Mandela. Le dernier titan, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 139.
11 Dupin B., « Mandela (Nelson) », Encyclopaedia Universalis (Corpus), 2008.
12 Commencées le 16 juin 1976 et se répandant très vite à l’ensemble des townships du pays, les émeutes dites « de Soweto » firent, jusqu’à leur épuisement fin 1977, selon le gouvernement de l’époque, 575 morts et 2 389 blessés.
13 Sur la construction d’une mémoire liée aux émeutes de Soweto et particulièrement sur la personne de Hector Pieterson, voir B. Dupin, « La mémoire et ses rapports à l’histoire au temps de la mondialisation médiatique : le cas des émeutes de Soweto », document audio disponible dans l’audiothèque (« Mémoires historiques d’ici et d’ailleurs ») du site internet de la chaire de recherche du Canada en histoire comparée de la mémoire : [http://www.anamnesis.fl.ulaval.ca/andromeda].
14 Le grand quartier noir – township – du sud-ouest de Johannesburg ; Soweto est un acronyme de SOuth West Township.
15 Un décret de 1974 (The Afrikaans Medium Decree) imposait à toutes les écoles de l’Afrique du Sud légale de l’époque (ce qui excluait les bantoustans où régnaient les différentes langues africaines) un enseignement en Anglais et en Afrikaans, les deux langues de la population blanche d’Afrique du Sud.
16 C’est aussi la langue des « coloured », les métis du Cap, qui ont également été victimes de l’apartheid.
17 Donald Woods, ami de Steve Biko et militant anti-apartheid a, peu après, dû fuir l’Afrique du Sud : il a écrit un récit paru en français sous le titre Vie et mort de Steve Biko, Paris, Stock, 1978.
18 Malgré l’évidence des coups violents qu’avait subi Steve Biko en détention, le gouvernement de l’époque déclara qu’il était mort des suites d’une grève de la faim. Ce n’est qu’en 1997 que cinq membres des anciennes forces de sécurité du régime d’apartheid avouèrent avoir tué Steve Biko.
19 On peut voir à ce sujet les travaux de Shannen Hill (Université du Maryland) et notamment son article « Iconic autopsy : postmodern portraits of Bantu Stephen Biko », African Arts, septembre 2005, p. 8.
20 Voir notamment la présentation du monument à Hector Pieterson sur le site internet [http://www.soweto.co.za].
21 La fondation Steve Biko donne une liste complète des lieux et monuments qui sont dédiés au leader du Mouvement de la conscience noire : [http://www.sbf.org.za/].
22 Jan Van Riebeeck, fondateur de la colonie du Cap, les chefs Voortrekkers, Paul Kruger, président de la république du Transvaal ou encore les généraux et hommes politiques Louis Botha et Jan Smuts.
23 L’AWB – Afrikaner Weerstandsbeweging – (Mouvement de résistance afrikaner) est une organisation politique et paramilitaire d’inspiration national-socialiste fondée par Eugène Terre’blanche.
24 William Waterman Publications, Londres 1994.
25 Certaines images sont visibles sur le site internet personnel de Roger Ballen : [http://www.rogerballen.com].
26 B. Moynahan, « Farms of fear », The Sunday times (Londres), 2 avril 2006.
27 Les statistiques pour l’année 2007-2008 comme celles des années précédentes sont accessibles sur le site internet de la police sud-africaine : [http://www.saps.gov.za/statistics/reports/crimestats/2008/crime_stats.htm].
28 D’après le Report of the committee of inquiry into the farm attacks rendu public le 31 juillet 2003 et qui est consultable sur le site de l’Institute for security studies : [http://www.issafrica.org/CJM/farmrep/index.htm]. L’établissement du comité qui a réalisé ce rapport a été décidé après les demandes répétées des organisations professionnelles des fermiers « commerciaux » (c’est-à-dire principalement blancs) et surtout de la South African Agricultural Union. Les chiffres permettant d’évaluer le nombre et les caractéristiques des attaques de fermes (avec ou sans meurtres…) diffèrent en fonction des organisations qui les ont récoltés (organisations professionnelles, institutions étatiques… : chap. 2, p. 3).
29 Cela même si certains cas répertoriés dans le Report of the committee of inquiry into the farm attacks de 2003 concernent des fermiers noirs.
30 Principalement le Freedom Front +, parti qui se veut le porte parole de la minorité afrikaner, mais également la Democratic Alliance, principale force d’opposition, qui, surtout sous la direction de Tony Leon (jusqu’en 2007), a également porté ce problème sur la scène politique.
31 Ce n’est toutefois qu’en 1913, par le Native’s land Act que fut fixée dans la loi la domination territoriale des blancs en assignant aux populations africaines des zones réservées marginales du pays qui étaient les seules où ils pouvaient posséder des terres.
32 Report…, op. cit., chap. 6, p. 3.
33 B. Moynahan, op. cit.
34 Cas cités dans le documentaire « A bloody harvest » de l’émission Carte blanche (29-06-2003) sur la chaîne télévisée sud-africaine M-Net : [http://www.mnet.co.za/Mnet/Shows/carteblanche/].
35 L’analyse va plus loin pour certains extrémistes afrikaners qui parlent de génocide des blancs d’Afrique du Sud, se servant particulièrement des meurtres de fermiers comme argument pour tenter – en vain – de démontrer qu’il existe un plan pour les exterminer : voir notamment à ce sujet l’article « Whites are facing genocide, says Jani Allan », dans le Sunday Independant du 20 juin 2004.
36 Flammes de haine (Flames of hate) est le nom d’un dossier spécial de photographies publié par le site internet du journal sud-africain The times, à propos de la vague de violence xénophobes de 2008 : [ http://multimedia.thetimes.co.za/photos/2008/05/flames-of-hate].
37 The Star, 28 août 2008.
38 B. Harris, A Foreign experience. Violence, crime and xenophobia during South Africa’s transition, Violence and transition Series (CSVR), vol. 5, août 2001. Dans cette étude, B. Harris donne des exemples d’agressions par arme à feu avec des blessures graves qui atteignent certains immigrés dès leur arrivée dans le pays, à la sortie de l’aéroport (un étudiant angolais, un réfugié rwandais, p. 106).
39 B. Harris, ibidem, p. 108-109.
40 B. Harris, ibid., p. 99.
41 The Cape Argus, 5 janvier 2006.
42 Mail and Guardian online, 13 mai 2008.
43 Voir notamment le dossier de presse du Times, « Flames of hate », op. cit.
44 Ce supplice consistait à brûler vif ceux qui étaient considérés comme des traîtres, en leur plaçant un pneu enflammé autour du cou.
45 AFP, Johannesburg, 14 mai 2008.
46 « I was forced to kill my baby », article paru sur le site de la chaîne anglaise BBC, en parallèle à la diffusion d’un documentaire télévisé faisant suite à la découverte dans la Tamise du torse d’un enfant sans doute victime d’un meurtre rituel tel qu’il se pratique en Afrique australe : [http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/1899609.stm].
47 L. Vincent, « New magic for new times : Muti murder in Democratic South Africa », Tribes and Tribals, Special Volume, no 2, 2008, p. 43.
48 En langue zouloue, muti signifie médicament ou médecine.
49 [http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/1899609.stm].
50 L. Vincent, op. cit., p. 43.
51 L. Vincent, ibidem, p. 43.
52 « Report from muti murder team », News24. com, 4 août 2006 : un jeune couple a été victime de ce type de rituel, la jeune femme à qui seules les lèvres ont été enlevées, a survécu.
53 L. Vincent, op. cit., p. 44.
54 « Muti murder cas postponed », News24. com, 4 août 2006.
55 L. Vincent, op. cit., p. 45.
56 L. Vincent, ibid., p. 52.
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