La « maison » noble : pistes de recherches concernant les contraintes de la transmission dans la noblesse française des XVIe et XVIIe siècles
p. 203-218
Texte intégral
1La question de la transmission dans la noblesse, essentielle pour la compréhension d’un groupe qui fondait une grande part de sa légitimité sur elle, a fait l’objet de nombreux travaux, renouvelés par l’utilisation des apports de l’anthropologie de la parenté1. Cet article se situe dans la continuité de ces travaux2. Il s’agit d’une tentative pour proposer des pistes de recherches sur la manière dont s’exercent les contraintes de la transmission dans la noblesse française en articulant l’individuel et le collectif (le familial), tout en prenant en compte les temporalités dans lesquelles ces familles se situent et la mobilité dans laquelle elles se trouvent. Comme il s’agit d’hypothèses élaborées à partir d’un cas, ces pistes devront être confirmées par des travaux ultérieurs.
2La démarche se situe à l’articulation de l’anthropologie de la parenté et de l’histoire sociale. Elle tente de tenir compte des critiques qui ont été formulées contre l’une et l’autre, d’abord en prenant en compte le « travail d’institution » dont la famille fait l’objet3 et en faisant travailler les concepts de l’anthropologie, ensuite en refusant de plaquer des outils d’analyse sans prendre en compte les valeurs et les conceptions indigènes4. Mais pour cette même raison, elle refuse également une approche fondée sur l’individualisme méthodologique – dominant en histoire actuellement – pour étudier des sociétés qui ne raisonnent pas en terme d’individu5.
3Le point de départ est une étude de cas, à savoir l’analyse d’une famille, les comtes de Belin, depuis la fondation de la « maison6 » en 1582 jusqu’à sa disparition en 1706. Elle faisait partie des principales familles nobiliaires du Maine et vivait entre ses terres, Paris et la cour. L’analyse de la parenté, des alliances et de la transmission s’est faite en réinsérant les comtes de Belin dans le corpus plus vaste des familles alliées et en remontant en amont dans le temps par rapport à la date de fondation de la « maison ». Si l’événementiel est important pour comprendre le devenir spécifique des comtes de Belin, je vais m’attacher surtout ici à ce qui relève des mécanismes généraux qui exercent des contraintes sur la transmission, en procédant en cinq points : je vais d’abord montrer que la parenté fonctionne comme un système à « maison ». À partir de là, je regarderai quelles sont les contraintes que la « maison » exerce sur ses membres dans la transmission, comment il est possible de jouer des normes juridiques pour essayer de perpétuer la « maison », quelles sont les contraintes économiques spécifiques de la transmission dans un tel système, et enfin je m’attacherai à repérer quelques évolutions au XVIIe siècle en posant l’hypothèse qu’un renforcement des contraintes a pu en résulter.
Un fonctionnement à « maison »
4La fondation de la « maison » Belin a pour origine le mariage de Renée d’Averton, riche héritière de son lignage, avec un cadet de Gascogne, François de Faudoas dit de Sérillac, à l’été 15827. Il s’agissait pour les deux époux d’un remariage. François de Faudoas avait épousé en 1578 Françoise de Warty8, issue d’un important lignage picard, décédée peu de temps après. Renée d’Averton avait pour sa part été mariée le 10 décembre 1564 avec Jacques d’Humières9, chevalier de l’ordre du roi, son chambellan ordinaire, gouverneur de Péronne, Montdidier et Roye, et lieutenant général en Picardie, mort en 1579. L’alliance était considérable, les d’Humières étant une famille importante de la noblesse picarde, bien installée à la cour. Le remariage de Renée en 1582 se faisait avec quelqu’un de bien moins considérable, un capitaine d’environ 32 ans qui pouvait être promis à un brillant avenir mais sans fortune. De ce fait, le patrimoine des Belin est largement issu d’une femme. L’importance de la transmission matérielle féminine est un premier élément qui permet de formuler l’hypothèse que la parenté nobiliaire fonctionne comme un système à « maison ». Le second élément, que nous verrons dans un deuxième temps, concerne la transmission du nom et du blason, c’est-à-dire des signes de la parenté.
L’importance de la transmission par les femmes
5L’idéologie patrilinéaire sous-tendant la construction des généalogies nobiliaires a longtemps conduit à négliger les apports féminins dans la construction des lignages du second ordre, d’autant plus que la documentation sur les femmes est souvent difficile à recueillir. Ces apports pouvaient pourtant être considérables, ce que montre l’exemple des comtes de Belin. Le point de départ de leur fortune est évidemment le mariage avec une héritière. Le partage de la succession de François Ier d’Averton effectué le 19 mars 161010 concerne en très grande partie les biens de sa femme, décédée avant lui, en 1603. L’ensemble des biens fonciers était estimé à plus d’un million de livres tournois. Sur cet ensemble, les terres et bois appartenant en propres à Renée d’Averton montaient à la somme de 829 050 livres, auxquelles s’ajoutaient les rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris, ainsi que les biens meubles. Les propres de son mari et les biens de la communauté étaient loin du compte : environ 177 750 livres, dont la plus grande partie provenait de l’achat fait par le couple de la seigneurie de Milly, qui valait 144 000 livres. On voit par là combien la chasse aux héritières pouvait être une activité rentable.
6L’exemple de la génération suivante prouve cependant que la transmission par les femmes ne passait pas seulement par le mariage avec une héritière. François II d’Averton épousa en 1602 Catherine de Thomassin, issue d’une famille de la bourgeoisie lyonnaise passée à la noblesse11. La dot de 100 000 livres était déjà considérable. S’y ajoutèrent par la suite les biens transmis par la sœur de Catherine, Éléonore, veuve d’Emmanuel-Philibert Desprez de Montpezat, marquis de Villars, morte sans postérité en 1623. Dans son testament12, elle léguait à Emmanuel d’Averton, son neveu, second fils de François II d’Averton et de Catherine de Thomassin, ses terres en Bourgogne avec leurs biens meubles, ainsi que ses maisons à Lyon, sa vaisselle d’argent et une grande enseigne de diamant. Elle léguait ensuite à sa filleule, Léonore d’Averton, au choix, soit 100 000 livres, soit la seigneurie de Gayette d’une valeur de 66 000 livres avec les meubles qui s’y trouvaient et 34 000 livres comptant. Elle lui faisait également donation de ses bagues et joyaux, et de ses habits de noces et meubles de chambre13. Enfin, elle instituait comme héritière universelle sa « tres aymée seur » à la charge qu’elle paie les frais funéraires et les dettes et rentes constituées sans que ses enfants en soient chargés.
7Au total, un mémoire général des biens laissés par François II d’Averton à sa mort en 1638 permet de synthétiser la part des apports respectifs de l’époux et de sa femme. Les biens propres du défunt comte de Belin étaient estimés à 832 000 livres, dont la plus grande partie venait de sa mère. Les biens provenant de sa femme (avec ceux de sa sœur dont elle était héritière) se montaient à plus de 950 000 livres14. Il faudrait pour être complet ajouter à ces chiffres les dettes qui faisaient partie des successions. L’essentiel n’est pas là. Dans la fortune des comtes de Belin, l’immense majorité des biens fut transmise par les femmes. Elle ne se concentra d’ailleurs pas uniquement sur les aînés mâles. Les dons d’Éléonore de Thomassin et les substitutions qu’elle instaurait étaient largement indifférenciés. En favorisant le cadet parmi ses neveux, elle atténuait l’inégalité de la transmission du patrimoine des Belin qui, portant sur des fiefs de dignité et des biens nobles, échoyaient aux deux tiers à l’aîné. Il serait ainsi possible aux Belin, si les circonstances étaient favorables, de fabriquer deux héritiers, sans compter Léonore d’Averton, c’est-à-dire de créer deux lignées.
8Bien entendu, une telle transmission par les femmes signifie que les seigneuries avaient tendance à circuler par elles d’une génération à l’autre, malgré l’inégalité du partage des biens nobiliaires. De nombreux exemples pourraient être pris. Retenons-en un : la seigneurie de Gayette, qui appartenait au milieu du XVIe siècle à Françoise de Boucé, passa à son fils aîné René de Thomassin qui la transmit à sa fille aînée Éléonore. Celle-ci la légua à sa nièce Léonore d’Averton. De là, elle passa à la fille de cette dernière, Éléonore de Rochechouart qui à son tour la légua à sa fille, Éléonore de Mesgrigny. Une seigneurie pouvait ainsi être transmise en ligne maternelle sur plusieurs générations. La seigneurie étant un des fondements de la domination sociale, c’était bien du pouvoir que les femmes transmettaient en même temps qu’un patrimoine matériel.
9Bien sûr, ces phénomènes d’indifférenciation de la transmission, et la place importante qu’y prenaient les femmes, ne remettent pas en cause l’existence d’une inflexion patrilinéaire favorisant l’aîné. Celle-ci était fondée sur un ensemble de processus sociaux liés d’abord au droit féodal et au partage noble, et à la volonté de créer des « lignées d’héritiers » qu’Anita Guerreau-Jalabert a appelé « topolignées » parce qu’elles visaient à reproduire ou à accroître une position sociale dont le substrat était la domination conjointe des terres et des hommes par l’intermédiaire des seigneuries15. Cependant, seul un noyau dur était transmis préférentiellement de père en fils, qui correspondait le plus souvent à la terre sur laquelle l’investissement symbolique était le plus fort parce qu’elle conférait son nom à la lignée.
Transmission du blason et du nom
10Le blason et le nom – il serait plus exact de dire les noms – constituaient des signes de la parenté, un langage social cohérent16 sujet à des usages et à des manipulations qui répondaient aux nécessités de la légitimation sociale indispensable aux prétentions nobiliaires.
11Une clause du contrat de mariage entre Renée d’Averton et Jean-François de Faudoas en donne un aperçu :
« A esté accordé que ledict sieur de Sérillac, du jour de la solempnisation et consommation dudict futur mariage, sera tenu et promect porter a perpetuité, comme seront tenuz les enfans qui ysieront dudict futur mariage et leur posterité, le nom armes et cry de la maison d’Averton, dont est yssue ladicte dame et en la personne de laquelle elle est a present finye, et que pour ce faire ledict seigneur futur espoux sera tenu obtenir et faire entheriner toutes lectres et provisions à ce requises et necessaires17… »
12On trouve de nombreux exemples de telles clauses au XVIe siècle, et encore parfois jusqu’au XVIIIe siècle. François de Faudoas s’engageait, pour lui et ses enfants, à porter le nom de sa femme, afin d’établir la continuité du lignage. Le blason se conformait à cette logique et présentait lui aussi les rapports de parenté instaurés. François de Faudoas porta un « écartelé au 1 & 4 de gueules, à 3 jumelles d’argent, qui est Averton, au 2 et 3 d’azur à la croix d’or, qui est Faudoas, parti d’argent au lion de gueules [Sérillac]18 ». L’écartelé signifiait l’alliance et permettait au nouveau comte de Belin, issu d’une des familles nobles les plus anciennes de Gascogne, de rendre visible son lignage d’appartenance et d’en conserver le nom tout en reprenant les armes de sa femme. En revanche, son fils se conforma strictement aux vœux de sa mère et ne porta que les armoiries et le nom d’Averton. On peut dire que la patrilignée des comtes de Belin fut en fait véritablement fondée par une femme qui apporta à la fois le patrimoine matériel et le nom. La filiation matrilinéaire l’emportait dans ce cas précis19 – pas complètement cependant puisque le nom de d’Averton fut moins utilisé que celui sous lequel fut connu François de Faudoas : M. de Belin20. Par la suite, la lignée fut désignée comme celle des comtes de Belin. Nom et blason étaient bien des signes exprimant des filiations et des alliances, capables, dès lors qu’ils étaient transmis, de désigner des lignées ; mais ils ne correspondaient pas toujours l’un l’autre, ce qui est un moyen pour l’historien d’évaluer des rapports de force au sein de la parenté ainsi que des manipulations de l’alliance et de la filiation, des revendications aussi, correspondant à des projets sociaux.
Un système à « maison »
13Résumons-nous : les phénomènes d’alliance et de transmission des biens et des noms chez les comtes de Belin sont tantôt indifférenciés, tantôt à inflexion patrilinéaire, toujours soumis à des manipulations des discours symboliques qui affirment la continuité des biens et du nom. Cet exemple n’est pas isolé. D’autres semblables existent à la même époque. Aussi sommes-nous fondés à poser comme hypothèse que le système de la parenté à l’œuvre dans la noblesse d’Ancien Régime était un système à « maison », au sens anthropologique du terme, dont la définition a été donnée pour la première fois par Claude Lévi-Strauss dans un article fondamental intitulé « Nobles sauvages21 ». Dans ce texte, Lévi-Strauss, à partir notamment de ses discussions avec Georges Duby et de sa lecture des travaux de Karl Schmid, prenait dans l’Europe médiévale les éléments permettant de résoudre les difficultés auxquelles Franz Boas s’était heurté pour interpréter l’organisation sociale des Kwakiutl, un peuple d’Indiens installé dans la partie nord-est de l’île de Vancouver et sur la côte qui lui fait face. La définition proposée par Lévi-Strauss était la suivante : la « maison » est une « personne morale détentrice d’un domaine composé à la fois de biens matériels et immatériels, qui se perpétue par la transmission de son nom, de sa fortune et de ses titres en ligne réelle ou fictive, tenue pour légitime à la seule condition que cette continuité puisse s’exprimer dans le langage de la parenté ou de l’alliance, et, le plus souvent, des deux ensemble ».
14Les « maisons » sont donc constituées à la fois de leur patrimoine, de leur nom, de leurs titres et de biens symboliques et surnaturels. Dans la noblesse d’épée d’Ancien Régime, le patrimoine reposait d’abord sur les seigneuries qui fonctionnaient comme « un instrument politique et un moyen de gouvernement22 ». Le nom de la « maison » était la plupart du temps un nom de seigneurie, d’où le lien que les contemporains établissaient entre ce dernier et le nom de lignage, et la tentation d’ajouter au patronyme une particule. Le nom de la « maison » était illustré par les hauts faits de ses membres, aussi était-il porteur à la fois d’une histoire continue et d’un honneur. L’héritage de la « maison » était aussi celui des biens relationnels et sociaux acquis au cours du temps. C’est ce qui permit par exemple à François de Faudoas de récupérer les relations sociales des d’Averton, qu’elles soient de parenté, d’amitié, de vassalité ou de clientèle. Ces relations évoluaient en fonction du capital économique et social de la « maison » et de la position des individus en son sein. Une attention particulière était attachée à la transmission de certains biens symboliques, comme les joyaux de famille. Les chapelles des seigneurs, les blasons et les tombeaux des ancêtres dans les églises paroissiales, venaient rappeler le lien entre la domination seigneuriale, la « topolignée » et le sacré, dans le cadre de la communion des vivants et des morts.
15Certes, les mécanismes de la transmission des seigneuries rendaient délicate la constitution de « topolignées » en créant souvent une inadéquation entre les lignées et les lieux ; mais le nom renvoyait fictivement à un lieu originel. De même, il rappelait l’origine commune des lignées cadettes qui avaient pu se constituer et se détacher de la lignée aînée. Enfin, si la démographie de l’Ancien Régime conduisait de nombreuses lignées à tomber en quenouille, la confusion entre les signes de la parenté et les signes de la seigneurie permettait de recouvrir des manipulations de la parenté qui établissaient la continuité de la « maison ».
16Le concept de « maison » a été critiqué, à la fois en raison de ses incertitudes et parce qu’il objective un concept anthropologique comme institution sociale23. Les utilisations diverses dont il a fait l’objet par la suite, chez les anthropologues et les historiens, n’ont pas contribué à clarifier les choses24. La question se pose également de savoir quel est le rapport entre le terme utilisé dans diverses sociétés et la notion anthropologique de Lévi-Strauss, si leurs sens se recouvrent vraiment. Tout le problème tient au fait que les sociétés, dans une telle approche taxinomique, sont présumées être structurées par des unités constituantes exclusives les unes des autres et qui forment autant de types essentialisés – clan, tribu, famille, lignage, « maison ». Cependant, l’une des forces de la notion proposée par Lévi-Strauss repose sur le lien effectué entre une institution caractérisée comme personne morale, les rapports de parenté et les relations entretenues entre des personnes et des biens matériels et symboliques constituant un patrimoine. D’où le plaidoyer récent de R. Joyce et de S. Gillepsie pour un retour à la stricte définition de Lévi-Strauss, mais en abandonnant l’optique classificatoire qui faisait de la « maison » un type structural25. L’approfondissement de la notion de Lévi-Strauss passe par une analyse des évolutions des « maisons », afin d’insister sur les actions permettant d’acquérir, de conserver et de transmettre les fondements des statuts et du pouvoir, par l’attention à la dimension matérielle, spatiale et temporelle du phénomène – une des fonctions clés des « maisons » étant d’ancrer les personnes dans l’espace et de les lier dans le temps par une idéologie fondée sur la valorisation du passé, entretenue par des biens hérités qui incarnent une mémoire collective, ou renvoient à une origine.
17Si on utilise la définition de Lévi-Strauss, on est amené à insister sur ce qui lie la question des relations de parenté à tout un ensemble de processus sociaux, économiques, à la hiérarchie des statuts, au prestige, au pouvoir, aux droits sur la terre, etc. Bref, on est amené à s’intéresser à des interactions permettant d’aboutir à une compréhension de phénomènes sociologiques dans leurs évolutions et non à en rester à une simple description structurale de formes de la parenté. C’est bien à la jonction entre un système de pouvoir et des mécanismes de la parenté qui règlent la transmission du pouvoir que se situe la « maison ». Ce concept, à partir du moment où ses grandes caractéristiques sont reconnues, est un outil qui doit être mis en relation avec le matériau empirique afin de faire émerger des phénomènes sociaux particuliers à la société étudiée. Cette mise en relation conduira en retour à faire travailler le concept qui ne doit pas être considéré comme la description d’une essence donnée et stable26.
La « maison » et ses membres : des contraintes de transmission spécifiques
18L’exemple des comtes de Belin montre que toutes les familles de la noblesse n’étaient pas capables d’agréger un patrimoine matériel et symbolique à un nom, et de le perpétuer, donc de constituer une « maison ». Les « maisons » n’avaient rien de stable, elles évoluaient sans cesse au gré des alliances, des apports et des pertes de patrimoine, du nombre d’individus qui les formaient, des capacités d’enracinement dans des seigneuries, des charges possédées par ses membres, des réussites ou des échecs des transmissions. L’analyse du phénomène des « maisons » nobiliaires doit donc s’attacher aux projets sociaux individuels et collectifs, à la façon dont ils s’articulent et aux différentes contraintes qui s’exercent dans ce cadre.
19Penser les phénomènes de transmission dans ces termes suppose de bien voir leur effet social sur les individus qui sont dans une double temporalité – la leur et celle de la « maison » –, à la fois lorsqu’on envisage la dévolution des biens matériels mais aussi lorsqu’on s’attache à celle des places et des rôles sociaux. Il faut en effet, comme l’invite G. Augustins, distinguer, dans la transmission, héritage et succession, le premier concernant la dévolution des biens et le second la transmission du statut27. Le cas des Belin fournit là encore un exemple éclairant. En juillet 1633, après son mariage, Emmanuel d’Averton, désormais l’aîné des fils de François II, fut appelé comte de Belin dans tous les actes notariés tandis que son père ne se fit plus désigner que comme « seigneur de Belin ». Le fils aîné entrait donc en possession de la dignité de comte et succédait à son père avant même d’avoir hérité de l’ensemble de ses biens. Il devenait le chef de la « maison » avant la mort de son père. Il existe du point de vue de la succession un champ des possibles plus large que celui qu’on envisage habituellement : une femme, par exemple, pouvait très bien se retrouver à la tête d’une « maison » lorsqu’elle en était l’unique héritière.
20Il faut distinguer également entre les actions destinées à faire vivre la « maison » et d’éventuels projets d’ascension sociale qui, s’ils étaient portés par un groupe28, passaient également par la mise en avant d’un de ses membres. Le devenir d’une « maison » se faisait à l’articulation de solidarités, portées par cette construction familiale que l’on peut qualifier de crypto-corporative, et de projets individuels29. Ces projets étaient fragiles, liés à un environnement économique et politique ainsi qu’à des réalités démographiques ne laissant que peu de place au déploiement de formes d’actions durables, capables de franchir les générations. La constitution d’une « maison » nécessitait un investissement matériel et symbolique permanent, une solidarité entre ses membres et un effort continué qui seuls permettaient à la « maison » de se perpétuer et de jouer son rôle de reproduction – voire d’accroissement – des positions sociales et des formes de domination. Elle imposait donc une discipline collective.
21Ces contraintes étaient créatrices de conflits qui pouvaient menacer la reproduction de la « maison ». Cela était d’autant plus vrai que la délimitation de celle-ci et la possession du nom étaient des enjeux. Contrairement à ce qui se passait dans les sociétés paysannes pyrénéennes, par exemple, il n’existait pas d’ancrage absolu autour d’un bâtiment. Au contraire, la possession des seigneuries par des lignées pouvait faire l’objet de contestations et de revendications s’appuyant sur les ambiguïtés du rapport entre patronymes et noms de terres, et sur les manipulations dont ces noms faisaient l’objet. Ainsi, il ne faut pas considérer les noms, les blasons, les écrits autour d’une « maison » comme de simples descriptifs d’une réalité constituée préexistante. Ils étaient aussi des instruments d’action et de revendication. On peut prendre l’exemple des Mesgrigny qui récupérèrent le comté de Belin lors d’un partage en 165630 dont la validité fut contestée par les d’Averton dans les décennies suivantes. Un compromis entre les parties fut néanmoins trouvé sur un point en octobre 1660 et ne fut jamais remis en cause : les Mesgrigny acceptaient qu’Emmanuel-René d’Averton et ses descendants mâles puissent prendre la qualité de comtes de Belin, même si l’accord reconnaissait également ce titre à Mesgrigny et à ses successeurs31. Le nom de la seigneurie s’était tellement identifié à la lignée qui l’avait détenue qu’il était dissocié de la possession réelle de la terre. Par la suite, Jacques de Mesgrigny utilisa un blason qui écartelait les armes de Rochechouart et d’Averton, le tout sur celles de Mesgrigny32. En épousant une héritière, il avait adopté ses armes tout en les liant aux siennes propres, ce qui lui permettait à la fois d’affirmer son nom prestigieux de Rochechouart et celui d’Averton alors qu’il récupérait, non sans conflits et difficultés, par l’intermédiaire de sa femme, une partie des biens qui appartenaient à ce lignage depuis des décennies. Le blason fonctionnait à la fois comme légitimation et comme revendication. Lorsque sa femme, Éléonore de Rochechouart, fut inhumée dans l’église de Saint-Gervais en Belin en 1707, les armes qui furent gravées sur son tombeau étaient un parti d’Averton et de Rochechouart33. La légitimation de la possession du comté de Belin passait par un discours de la double filiation (le parti) avec les d’Averton et les Rochechouart, discours qui vient témoigner a contrario du succès des Belin dans la constitution d’une « topolignée » associant par connotation la désignation de la lignée et le nom de la seigneurie.
22Il ne faut donc pas voir la « maison » comme une entité en soi : elle ne se perpétuait que parce que des possessions la soutenaient, que des personnes jouaient le jeu qu’elle imposait, et que le capital symbolique qui la constituait était reconnu par les autres. Une forte volonté de maîtrise de la transmission sous-tendait ces pratiques qui passaient par une utilisation des normes juridiques.
Les contraintes juridiques
23G. Augustins et B. Derouet ont bien montré que le système à « maison » n’était pas nécessairement lié au régime dotal excluant les enfants de l’héritage34. Dans les contrats de mariage des pays coutumiers, les apports de l’épouse pouvaient, au moment de la mort de ses parents et sauf clauses spécifiques dans le contrat de mariage, être rapportés en échange de la part d’héritage.
24Les actes passés devant notaire spécifiaient donc un ensemble d’accords qui, dans le cas des Belin, se firent toujours selon la coutume de Paris. Les contrats de mariage étaient, d’un point de vue juridique, des actes favorables, qui permettaient de déroger à la coutume. Ainsi, le contrat de mariage entre Renée d’Averton et Jacques d’Humières mentionnait que, puisque la future n’apportait aucun denier comptant à la communauté, son mari serait autorisé, si elle décédait avant lui, à prendre 30 000 livres, de laquelle somme serait déduite la moitié du montant des meubles et acquêts demeurés communs. De même, si le futur décédait sans enfant, Renée d’Averton serait tenue de payer les 30 000 livres à ses héritiers ou de s’acquitter de sa part des meubles35. Le douaire, 3 000 livres de rente, soit un capital de 36 000 livres suivant le denier du roi, était supérieur au montant de ce que le mari pouvait prélever des biens propres de sa femme. Ces clauses particulières étaient dues au statut d’héritière principale de Renée d’Averton qui en faisait un beau parti et l’amenait à protéger ses biens propres. Dans d’autres cas, au contraire, le contrat de mariage formait une véritable communauté de biens.
25De la même façon, il était possible, dans certaines limites, d’utiliser le droit pour orienter la transmission. Ainsi, à la différence des clauses de son mariage avec François Ier d’Averton, qui amenaient à concentrer le patrimoine des deux lignées sur l’aîné – ce que M. Nassiet appelle l’« option chaude » de la transmission36 –, les clauses du premier contrat de mariage de Renée organisaient la dévolution des biens de la lignée féminine au cadet – l’« option froide ». Étant donné que la coutume du Maine ne permettait pas de léser l’aîné, la solution trouvée par l’héritière était de faire donation au cadet d’une rente de 4 000 livres assignée sur la seigneurie de Belin, donc sur les propres maternels, en pleine propriété, c’est-à-dire transmissible à ses héritiers. La somme n’était évidemment pas choisie au hasard : la terre de Belin était affermée dans les années 1570 aux alentours de 3 000 livres par an. Compte tenu de l’inflation de cette période, il s’agissait certainement pour la mariée d’assurer à son fils cadet au moins la jouissance de cette seigneurie, donc de faire deux véritables héritiers. Il était en effet fort probable qu’une transaction se fît par la suite entre les deux fils souhaités, l’aîné cédant au cadet et à ses descendants la ou les seigneuries assignée(s) au paiement de la rente. Pour que ce schéma de transmission réussît, il fallait néanmoins que l’entente règne au sein de la fratrie et que chacun se conformât au rôle qui lui était dévolu.
26Il était aussi possible de jouer sur les coutumes en choisissant celle qui convenait le mieux aux intérêts défendus. Les comtes de Belin, s’ils se marièrent toujours sous le régime de la communauté de biens et la coutume de Paris, usèrent en revanche de la coutume du Maine dans les règlements des successions pour tous les biens situés dans cette province. Cette coutume d’aînesse forte37 prévoyait la transmission des deux tiers des propres à l’aîné des mâles qui, en outre, avait le droit de prendre par préciput la totalité du manoir principal. Le contrat de mariage entre François II d’Averton et Catherine de Thomassin en 1602 fut l’occasion pour les parents du futur époux de faire les donations correspondant à ce que prescrivait la coutume38. Le système à « maison » n’était donc pas lié à un système juridique précis et contraignant.
« Maison » et contraintes économiques de la transmission
27Une des contraintes fortes imposée par la constitution d’une famille en « maison » était économique et concernait la nécessité de transmettre intact le cœur du patrimoine qui la constituait. En effet, dans un système à « maison », l’aîné est « celui qui appartient à la terre et à qui la terre appartient39 ».
28Mais si, dans les systèmes à « maison » paysans, la reproduction sociale est pensée en fonction d’un critère de communauté de résidence, de travail et de patrimoine, et non en fonction d’un critère d’unifiliation40, dans le cas de la noblesse, la multiplicité des possessions foncières amenait les pratiques de transmission à ressortir à la fois d’une logique de filiation et d’une logique de résidence, en fonction de l’importance accordée à la seigneurie possédée. Ce qui signifie que la transmission ne s’organisait autour de la notion de bien inaliénable, immobilisé, que pour un certain nombre de terres auxquelles la « maison » était attachée et sur lesquelles se concentrait l’investissement symbolique. Les seigneuries principales qui donnaient leur nom aux familles de la noblesse étaient de ce point de vue l’objet de toutes les attentions. C’est là que les nobles venaient résider. L’investissement symbolique y était fort et multiple, et passait notamment par la construction de châteaux et de chapelles. L’enjeu matériel, par les revenus conférés, n’était évidemment pas absent non plus. Cette partie du patrimoine devait donc rester stable, alors même que le capital d’une « maison » était en perpétuelle évolution – les autres seigneuries, par exemple, connaissaient une grande mobilité.
29C’est également dans ce cadre que l’on peut comprendre l’importance que pouvait revêtir la transmission des biens meubles symboliques, c’est-à-dire de biens dont la valeur financière pouvait être variable mais qui matérialisaient la continuité de la « maison » par leur transmission. La « maison » devait toucher au passé pour vivre : la valeur des biens symboliques était donc éminemment subjective. Un bon exemple de ces sortes de biens est fourni par les habits de chevalier de l’ordre du Saint-Esprit qui avaient appartenu à François Ier d’Averton. Le manteau de velours violetbrun et le manteau de soie noire de Florence qui allait avec, utilisés tous les deux dans les cérémonies de l’ordre, étaient conservés dans un coffre de bois au château de Milly. Lors de l’inventaire après décès de son petit-fils Emmanuel, les parties furent d’accord pour ne pas priser ces vêtements, symboles de la réussite du fondateur de la « maison » : ils devaient rester dans celle-ci, attachés au nom qui les avait portés41. En revanche, dans le même inventaire, Louise-Henriette Potier insistait sur le fait que quelques bijoux et quelques objets prisés lui avaient été donnés par sa mère et sa tante, et qu’ils n’entraient donc pas dans la communauté. La somme à laquelle se montait ces objets n’étaient pas exceptionnelle : 1 391 livres selon l’inventaire. Mais leur valeur symbolique était plus importante et les attachait à la « maison » d’origine de Louise-Henriette Potier, et non à celle de son mari.
30Ces contraintes inhérentes à une famille voulant se constituer en « maison » pesaient sur les choix économiques effectués et sur les choix de transmission. En cas de désaccords dans les successions, les seigneuries concentrant le capital symbolique et donnant le nom de ce que nous reconnaissons comme « maison » étaient celles qui faisaient l’objet des plus âpres disputes : le conflit entre les d’Averton et les Mesgrigny pour la possession du comté de Belin dura près de quarante ans.
Les évolutions : un renforcement des contraintes au XVIIe siècle ?
31Il est possible d’analyser quelques mutations dans le fonctionnement général de la parenté au XVIIe siècle. L’étude des généalogies des Belin et de leurs alliés laisse à penser qu’il y eut une transformation dans les pratiques matrimoniales de nombre de familles nobiliaires au cours du XVIIe siècle42. Alors que ces lignages mariaient la plupart de leurs fils et de leurs filles au XVIe siècle, ils eurent tendance à ne plus marier que deux ou trois enfants au XVIIe siècle, un ou deux garçons et le plus souvent une seule fille. De ce changement de comportements, il résulta un rétrécissement des possibilités d’alliances croisées entre différentes lignées. Les figures de renchaînement d’alliances semblent moins nombreuses à mesure que le temps passe. La primogéniture et la restriction du nombre d’enfants mariés rendaient impossible la constitution de lignages, laissant les lignées isolées et fragiles43.
32Dans le même temps, les pratiques tendant à relever les noms des « maisons » en épousant une héritière se raréfièrent. Il faut sans doute mettre cette évolution en relation avec le triomphe de l’idéologie patriarcale et des représentations patrilinéaires de la transmission de la noblesse, sanctionnées par la définition juridique du second ordre imposée par la monarchie à partir des grandes enquêtes de Colbert dans les années 1660. Les changements dans les pratiques posent la question de l’intégration des biens des femmes dans la « maison ». Le renforcement de l’inflexion patrilinéaire et donc du poids des patrilignées se traduisit juridiquement de deux manières : d’abord par la protection accrue des apports des épouses. Les clauses dans les contrats de mariage tendirent à les protéger davantage, ce qui put entraîner une fragilisation des patrimoines de certaines « maisons » qui mariaient leurs fils au-dessus de leur condition, en cas de décès de ces derniers et de nécessité de remboursement intégral de la dot. Ensuite par l’usage des substitutions et des donations entre vifs. Les substitutions existaient avant le XVIIe siècle et étaient une pratique courante. Comme les donations entre vifs, elles permettaient de mettre le noyau dur du patrimoine à l’abri des créanciers en le rendant indisponible. Elles contribuaient fortement à la construction de lignées dynastiques44. Mais en utilisant de plus en plus ces substitutions pour favoriser l’aînesse mâle, les familles nobles contribuèrent à accentuer l’inflexion patrilinéaire de la transmission. La fragilisation des patrimoines due au renforcement de la protection des biens propres de l’épouse put contribuer au développement de ces pratiques.
33La fragilisation biologique des lignées induite par les mutations des comportements matrimoniaux put, dans certains cas, être encore accentuée par des comportements risqués pour éviter la dispersion d’un patrimoine amoindri. Là encore, les comtes de Belin fournissent un bon exemple avec le mariage entre les deux cousins germains qu’étaient Antoinette et Emmanuel-René d’Averton, les deux derniers représentants de la « maison » Belin. Un tel mariage augmentait le risque d’extinction de la lignée en privilégiant la concentration du patrimoine.
34Il est possible que se constituer en « maison » dans la noblesse au XVIIe siècle ait alors nécessité de jouer le jeu, sinon de l’ascension sociale, du moins de l’obtention de charges curiales ou militaires de la part du roi, qui s’accompagnaient de pensions et qui étaient non négligeables dans la possibilité pour une « maison » de se perpétuer. Un ensemble de contraintes sociales supplémentaires s’exerçaient donc sur les familles de la noblesse qui souhaitaient contrôler leur transmission dans l’espoir de pérenniser l’existence collective familiale. Ces contraintes étaient suffisamment fortes pour menacer parfois la condition de possibilité même de toute transmission : une descendance.
35Le degré de validité de l’hypothèse d’un fonctionnement à « maison » d’une partie de la noblesse d’Ancien Régime devra être éprouvé par une extension des recherches à la fois géographique et temporelle. Cependant, parce que cette hypothèse rend compte de la pensée vernaculaire qui fait de la famille une substance, parce qu’elle permet de comprendre le rapport fondamental entre les biens et les personnes dans l’optique de la transmission, parce qu’elle permet de comprendre à la fois des phénomènes sociologiques, des phénomènes d’alliances, de filiation et de parenté, parce qu’elle rend compte du cognatisme de la noblesse d’Ancien Régime tout autant que de la prééminence masculine, parce qu’elle est dotée d’un contenu sociologique, qu’elle permet de comprendre les liens entre l’individuel et le collectif au niveau de la famille, et enfin parce qu’elle permet d’articuler la parenté nobiliaire à l’espace du pouvoir et à la production de la domination sociale, sa pertinence heuristique pour décrire les contraintes de la transmission et pour envisager la mobilité sociale au sein du second ordre paraît forte.
Annexe
ANNEXE. Généalogie simplifiée des d’Averton de belin

Notes de bas de page
1 Je pense en particulier aux travaux de Michel Nassiet, notamment Parenté, noblesse et États dynastiques XVe-XVIe siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 2000 ; à ceux de Robert Descimon sur la haute noblesse de robe, notamment « La haute noblesse parlementaire parisienne : la production d’une aristocratie d’État aux XVIe et XVIIe siècles », Philippe Contamine (dir.), L’État et les aristocraties XIIe-XVIIe siècle. France. Angleterre. Écosse, Paris, Presses de l’ENS, 1989, p. 357-384 ; et à Claire Chatelain, Chronique d’une ascension sociale. Exercice de la parenté chez de grands officiers (XVIe-XVIIe siècles), Paris, Éditions de l’EHESS, 2008. Mais bien d’autres ouvrages et articles sont parus sur ces questions concernant les différentes noblesses européennes.
2 Cet article reprend quelques éléments de mon propre travail de thèse. Je me permets d’y renvoyer pour plus de détails : Élie Haddad, Fondation et ruine d’une « maison ». Histoire sociale des comtes de Belin (1582-1706), à paraître aux PULIM en 2009.
3 L’expression est de Pierre Bourdieu, « L’esprit de famille », Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1996 (1994), p. 135-145.
4 C’est un des reproches formulés à l’histoire sociale des années 1960, notamment par la microstoria.
5 Ce qui ne signifie pas, bien sûr, que les hommes de ces sociétés n’ont pas conscience de leur individualité physique et psychologique. La question ne concerne pas l’existence de la perception du « moi », mais les formes de cette perception et leur articulation avec la société. Voir les remarques éclairantes de Marcel Mauss, « Une catégorie de l’esprit humain : la notion de personne, celle de “moi” », Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. LXVIII, 1938, repris dans Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1999, p. 331-361.
6 Le sens exact de ce terme sera explicité plus loin. Il s’agit de la notion anthropologique, chaque fois mise entre guillemets pour la distinguer à la fois du sens commun et de la notion de maison nobiliaire employée à l’époque moderne.
7 Voir la généalogie en annexe. François de Faudoas-Sérillac se fera appeler, après son mariage, François d’Averton, comte de Belin.
8 AN, Y 119, f° 433, 18 septembre 1578, insinuation du contrat de mariage du 24 juillet.
9 AD Sarthe, 111 AC 157/6.
10 AN, MC, VI 281. François Ier d’Averton était mort l’année précédente.
11 AN, Y 141, f° 99, 26 juin 1602, insinuation du contrat de mariage du 18 mars.
12 AN, MC, LVII 49, 5 juillet 1633, dépôt du testament de la marquise de Villars du 15 février 1623 (dans l’étude notariale de Belin à Paris).
13 Ces deux derniers articles étaient estimés à 8 000 livres.
14 Mémoire cité par Henri Roquet, Recherches historiques sur Laigné-en-Belin et le comté de Belin et Vaux, Le Mans, 1889 et 1890, vol. 1, p. 79-83.
15 Anita Guerreau-Jalabert, « El sistema de parentesco medieval : sis formas (real/spiritual) y su dependencia con respecto a la organización del espacio », Reyna Pastor (dir.), Relaciones de Poder, de Produccion y Parentesco en la Edad Media y Moderna, Madrid, CSIC, 1990, p. 85-105. La tenue en propre des seigneuries constitue une forme de structuration linéaire mais dont l’origine ne se trouve pas dans la parenté : ce sont des mécanismes sociaux qui s’imposent à cette dernière. Les « topolignées » diffèrent donc du lignage tel qu’il est pensé par les anthropologues. Pour la seigneurie comme domination conjointe sur les terres et les hommes, Alain Guerreau, Le Féodalisme. Un horizon théorique, Paris, Le Sycomore, 1980, et du même auteur « Féodalité », Jacques Le Goffet Jean-Claude Schmitt (dir.), Dictionnaire Raisonné de l’Occident médiéval, Paris, Fayard, 1999, p. 387-406.
16 Michel Nassiet, « Nom et blason. Un discours de la filiation et de l’alliance (XIVe-XVIIIe siècle) », L’Homme, 129, janvier-mars 1994, p. 5-30 ; « Signes de parenté, signes de seigneurie : un système idéologique (XVe-XVIe siècle) », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. LXVIII, 1991, p. 175-232.
17 AN, MC, VIII 111, 14 août 1582.
18 BNF, Ms. fr. N.A. 9674, f° 24.
19 Il n’y a aucune raison de dire que la continuité ainsi établie du lignage d’Averton était fictive, sauf à reprendre à notre propre compte l’idéologie patrilinéaire qui sous-tend les représentations de la transmission nobiliaire, dont la domination a largement été entérinée par le travail législatif de la monarchie pour délimiter et définir le second ordre au XVIIe siècle, notamment par les grandes enquêtes de noblesse et l’activité des généalogistes du roi. Il s’agit bien d’une transmission matrilinéaire du nom.
20 Le contrat de mariage avec Renée d’Averton lui laissait en effet en usufruit la seigneurie de Belin, désignée comme comté quoiqu’elle n’eût jamais été érigée par le roi.
21 Claude Lévi-Strauss, « Nobles sauvages », Culture, science et développement : contribution à une histoire de l’homme : mélanges en l’honneur de Charles Morazé, Toulouse, Privat, 1979, p. 40-55, republié dans La Voie des masques sous le titre « L’organisation sociale des Kwakiutl », Paris, Presses Pocket, « Agora », 1988, p. 141-164.
22 Ibid., p. 48.
23 C’est la critique portée par Pierre Bourdieu contre le structuralisme et le réemploi par les anthropologues de termes qui sont censés décrire une réalité, sans tenir compte du fait que ces derniers construisent la réalité sociale, sont des « mots d’ordre ». « À propos de la famille comme catégorie réalisée », Actes de la recherche en sciences sociales, 100, décembre 1993, p. 32-36.
24 Voir par exemple Charles MacDonald (dir.), De la hutte au palais. Sociétés « à maison » en Asie du Sud-Est insulaire, Paris, CNRS Éditions, 1987 ; Georges Augustins, Comment se perpétuer ? Devenir des lignées et destins des patrimoines dans les paysanneries européennes, Nanterre, Société d’ethnologie, 1989 ; Bernard Derouet, « Territoire et parenté. Pour une mise en perspective de la communauté rurale et des formes de reproduction familiale », Annales HSS, 50, 1995-3, p. 645-686 ; une synthèse critique dans Maurice Godelier, Métamorphoses de la parenté, Paris, Fayard, 2004, p. 107-108.
25 Voir Rosemary A. Joyce et Susan D. Gillespie (dir.), Beyond Kinship. Social and Material Reproduction in House Societies, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2000.
26 La reconnaissance d’un fonctionnement à « maison » conduit nécessairement à appliquer la notion et à reconnaître des « maisons » – ici dans la noblesse d’Ancien Régime – pour rendre intelligibleset visibles un certain nombre de fonctionnements sociaux. Il s’agit donc bien d’un outil, non d’une simple description d’une réalité. Mais la question se pose alors de savoir quel est le rapport à établir entre la conception indigène de la famille et de la transmission (notamment le vocable indigène de maison, et plus généralement les termes employés pour évoquer la parenté), et la notion anthropologique. Pour des précisions sur ce point, je me permets de renvoyer de nouveau à la publication prochaine de ma thèse.
27 Georges Augustins, « La position des femmes dans trois types d’organisation sociale : la lignée, la parentèle et la maison », Georges Ravis-Giordani (dir.), Femmes et patrimoine dans les sociétés rurales de l’Europe méditerranéenne, Paris, CNRS Éditions, 1987, p. 25-37.
28 Voir l’exemple désormais classique des Colbert tels qu’ils ont été analysés par Jean-Louis Bourgeon, Les Colbert avant Colbert. Destin d’une famille marchande, Paris, PUF, 1973.
29 Bernard Derouet, « Parenté et marché foncier à l’époque moderne : une réinterprétation », Annales HSS, 56, 2001-2, p. 340.
30 AD Sarthe, 111 AC 635.
31 AN, MC, CX 140, 1er octobre 1660.
32 H. Roquet, « Saint-Gervais-en-Belin », Revue historique et archéologique du Maine, t. 45, 1er semestre 1899, p. 73.
33 Ibid., p. 72.
34 Georges Augustins, Comment se perpétuer ?…, op. cit. ; Bernard Derouet, « Les pratiques familiales, le droit et la construction des différences (15e-19e siècles) », Annales HSS, 52, 1997-2, p. 369-391.
35 AD Sarthe, 111 AC 157/6.
36 Michel Nassiet, Parenté…, op. cit., p. 218-230.
37 Pour reprendre le terme proposé par Laurent Bourquin, « Partage noble et droit d’aînesse dans les coutumes nobiliaires du royaume de France à l’époque moderne », Jean-Marie Constant (dir.) L’Identité nobiliaire. Dix siècles de métamorphoses (IXe-XIXe siècles), université du Maine, Publication du Laboratoire d’histoire anthropologique du Mans, 1997, p. 136-165. L’expression est à la page 137.
38 AN, Y 141, f° 99.
39 P. Bourdieu, « La terre et les stratégies matrimoniales », Le Sens pratique, Paris, Minuit, 1980, p. 257.
40 Bernard Derouet, « Territoire et parenté… », art. cit.
41 AN, MC, LVII 54, 22 mars 1638, inventaire après décès d’Emmanuel d’Averton.
42 Pour la démonstration, je me permets de renvoyer à nouveau à ma thèse.
43 Voir Gérard Delille, « Échanges matrimoniaux entre lignées alternées et système européen de l’alliance : une première approche », Jean-Luc Jamard, Emmanuel Terray et Margarita Xanthakou (dir.), En substances. Textes pour Françoise Héritier, Paris, Fayard, 2000, p. 219-252, ainsi que Le maire et le prieur. Pouvoir central et pouvoir local en Méditerranée occidentale (XVe-XVIIIe siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, 2003, et « Réflexions sur le “système” européen de la parenté et de l’alliance (note critique) », Annales HSS, 56, 2001-2, p. 369-380.
44 Claire Chatelain, op. cit., p. 313-314.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008