1 Nous ne confondons pas pour autant l’analphabétisme et l’illettrisme. Car l’illettrisme décrit des situations et des rapports très variés à l’écrit. Illettré n’est pas opposable à lettré. Être lettré c’est savoir la langue de l’écrit, tandis que l’illettré désigne celui qui entretient un certain commerce avec les lettres, l’écrit. À côté de l’écrit scolaire ou littéraire il existe un ensemble de pratiques d’écriture « ordinaire », pratiques domestiques, artisanales et magiques qui permet de situer le phénomène de l’illettrisme sans le confondre à l’analphabétisme. Le lettré (qui sait lire, écrire et parler la langue écrite), et l’illettré (celui qui ne sait pas suffisamment lire et écrire, dont le mode de communication est essentiellement vernaculaire et orale, fondé sur la mémoire et le rituel, les symboles visuels) se distinguent tous deux de l’analphabète (qui ne sait ni lire, ni écrire). Selon B. Fraenkel, « L’illettrisme est par nature perpétuellement redéfini. En fait, la notion se déplace à mesure que se transforme la relation entre les savoirs considérés comme techniques et les savoirs culturels. » Cf. « La recherche d’un point de vue sur l’illettrisme », B. Fraenkel (dir.), Illettrismes. Variations historiques et anthropologiques, p. 7-16.
2 M. Houis, Anthropologie linguistique de l’Afrique noire, p. 9.
3 F. Waquet, Parler comme un livre. L’oralité et le savoir (XVIe-XXe siècle), p. 71-72.
4 M. Houis, Anthropologie linguistique de l’Afrique noire, p. 47.
5 Cf. M. Diagne, Critique de la raison orale, p. 16.
6 W. Ong, « Writing is a technology that restructures thought », The written word. Literacy in transition. Wolfson College lecture 1985, p. 23-24.
7 F. Waquet, Parler comme un livre, p. 133.
8 G. Niangoran-Bouah, L’univers akan des poids à peser l’or.
9 Les Akan sont un groupe communautaire subdivisé en plusieurs sous-groupes dont les Baoulé, les Ashanti, les Agni, les Fanti, les Ebrié vivent dans le Sud-Est de la Côte d’Ivoire. On retrouve cette communauté ethnique dans le Sud-Ouest du Ghana et le Sud du Togo.
10 Cf. M. Griaule, Dieu d’eau. Entretiens avec Ogotemmêli (1948).
11 L. -J. Calvet, La tradition orale, p. 5.
12 Ibid., p. 7.
13 F. -A. Yates parle des Arts de la mémoire (Ars memoriae), empruntant le titre de son livre à l’anecdote que raconte Cicéron dans son grand traité sur la rhétorique, le De oratore, à propos du poète grec Simonide de Céos. En effet, à une époque où les supports de l’écrit étaient peu répandus, coûteux et peu maniables, où à plus forte raison, n’existaient pas les possibilités si pratiques d’enregistrer et de conserver le son, la voie, la parole, ni de dupliquer les écrits et de constituer des bases de données organisées, la mémoire humaine a joué un rôle vital. D’où le développement de méthodes transmises et enseignées pour faciliter l’exercice de cette faculté. La plus constante de ces méthodes a consisté, comme l’évoque Cicéron, à construire mentalement une architecture, d’attribuer à chaque idée, à chaque texte à mémoriser un objet qui l’évoque. On procède à une mise en images du texte par figuration directe ou symbolique, par association, jeu de mots, etc.
14 Néologisme utilisé par Calvet pour désigner ce qu’on appelle en anglais tongue-twister, en allemand zugenbrecher, en espagnol trabalengua, et que la langue française ne nomme pas. Il s’agit de phrases que l’on retrouve dans la plupart des civilisations et qui participent d’exercices oraux.
15 L. -J. Calvet, La tradition orale, p. 11.
16 Ibid., p. 19-20.
17 D. Noye, Un cas d’apprentissage linguistique : l’acquisition de la langue par les jeunes Peuls du Diamaré (Nord-Cameroun), cité par L. -J. Calvet, op. cit., p. 23.
18 L. -J. Calvet, La tradition orale, p. 23-24.
19 Ibid., p. 24-25.
20 C. A. Diop, Nations nègres et culture, p. 407.
21 Ibid., p. 407.
22 L. -J. Calvet, La tradition orale, p. 35.
23 M. Houis, Anthropologie linguistique de l’Afrique noire, p. 46.
24 A. H. Bâ, Kaydara, p. 7, cité par L. -J. Calvet, op. cit., p. 42.
25 L. -J. Calvet, La tradition orale, p. 41-43.
26 Ibid., p. 50.
27 Ibid., p. 51.
28 Ibid., p. 52-53.
29 Pratique divinatoire très connue dans les pays de l’Afrique de l’Ouest.
30 B. Akoha, « Les systèmes graphiques de l’Afrique précoloniale », P. J. Hountondji, Les savoirs endogènes…, p. 291.
31 Ibid., p. 292.
32 On retrouve cette idée que l’Afrique précoloniale a connu elle aussi l’écriture chez le linguiste Th. Obenga, L’Afrique dans l’Antiquité ; l’historien I. Baba Kaké, La vie privée des hommes. Au temps des grands empires africains ; L. Maes Diop, Afrique noire : démographie, sol et histoire ; l’historien Pathé Diagne, Histoire générale de l’Afrique ; et Ch. A. Diop, L’Afrique noire précoloniale.
33 Les fouilles menées à 400 km au sud du Caire à Abydos en 1998 par Gütner Dreyer, directeur de l’Institut d’archéologie d’Allemagne, ont dévoilé que l’écriture est bien née en Afrique noire vers 3 400 av. J. -C., donc bien avant la Mésopotamie. Selon cet Institut « L’écriture égyptienne était bien plus avancée que celle de la Mésopotamie qui à l’époque n’était pas encore habitée par les sumériens », Dépêche agence Reuters du 15 décembre 1998. John Chadwick révèle « qu’on tient généralement l’écriture alphabétique pour une invention sémitique (i. e. phénicienne), mais l’écriture égyptienne ouvrait la voie à ce système », Aux origines de la langue grecque, p. 70-71. Dans sa Grammaire de l’égyptien classique, p. 34, Gustave Lefebvre atteste qu’en Égypte, l’écriture syl labique est apparue à la XIe dynastie, mais n’est devenue d’un emploi fréquent qu’à partir de la XVIIIe dynastie. Selon lui « cette écriture a pour objet de faire passer en égyptien, avec leur valeur phonétique au moins approximative, des noms étrangers de lieux et de personnes, ainsi que des noms égyptiens d’origine étrangère. […] C’est en elle qu’il faut chercher le principe des innovations que comportent les écritures de l’époque phénicienne, grecque et romaine […]. Ses principales caractéristiques : Un emploi extraordinairement développé des signes alphabétiques, dont la liste s’accroît démesurément au gré des scribes, les nouveaux phonogrammes utilitaires étant dus au procédé bien connu de l’acraphonie ».
34 On lira avec intérêt l’approche d’une responsabilité assumée et partagée de la traite négrière entre les négriers européens et africains dans le livre de A. F. Iroko, La côte des esclaves et la traite atlantique. Les faits et le jugement de l’histoire. L’historien béninois y soutient : « Il est temps que les Africains comprennent que leurs ancêtres se sont, en toute complicité, entendus avec les Européens pour le démarrage et la bonne santé de cette œuvre commune qui n’est rien d’autre qu’un crime contre l’humanité : la traite atlantique » (p. 9). Plus loin dans le texte on peut lire : « Les marchands noirs pratiquaient la traite sans le moindre état d’âme ; comme s’ils ne vendaient que de simples objets, dans une totale indifférence, au même titre que leurs partenaires blancs » (p. 119). L’historien montre que « les Africains avaient baigné dans la traite jusqu’aux cheveux » (p. 143), « puisqu’il a fallu sa suppression officielle pour que les rois du Danhomè par exemple commençassent par se plaindre de leurs difficultés de trésorerie, les produits de remplacement, huile et palmistes issus du palmier à huile, n’arrivant pas au début à compenser avantageusement le manque à gagner de la traite compromise par son abolition » (p. 139-140).
35 A. B. Akoha, op. cit., p. 301-302.
36 On se souvient que certains rois se sont débarrassés des princes capricieux en les livrant comme esclaves. C’est le cas d’un prince du royaume d’Allada au sud de la République du Bénin déporté sur l’île de Saint-Domingue dont le fils fut Toussaint Louverture.
37 A. Leroi-Gourhan, Le geste et la parole. Technique et langage, p. 268.
38 Ibid., p. 269.
39 Selon les paléontologues, techniques et outils ont permis et permettent aux hominidés d’accroître presque indéfiniment la maîtrise de leur environnement, d’envahir des niches écologiques de plus en plus nombreuses et d’en expulser ou soumettre les êtres vivants qui les occupaient.
40 A. Leroi-Gourhan, Le geste et la parole. La mémoire et les rythmes, p. 9.
41 E. Souchier, « Lorsque les écrits de réseaux cristallisent la mémoire des outils, des médias et des pratiques » (http://www.interdisciplines.org).
42 L. -J. Calvet, op. cit., p. 81.
43 A. Ben Naoum, « Toponymie, politique et société », séminaire sur la toponymie organisé par le Cnrpah/Alger du 20 au 22 avril 2002 (http://unstats.un.org/unsd/geoinfo/INF.%2034.pdf).
44 M. Houis, Anthropologie linguistique de l’Afrique noire, p. 57.
45 E. Bonvini, « Un exemple de communication linguistique : les noms de chien chez les Kasina de Haute-Volta », communication au colloque : La pratique de l’anthropologie aujourd’hui, Sèvres, 1981. Cité par Calvet, op. cit., p. 82.
46 Cl. Lévi-Strauss, Tristes tropiques, p. 341-342.
47 Cf. P. -Ph. Rey, « Sur l’articulation des modes de production », Les alliances de classes, p. 11.
48 Seuls les diplômés de l’école accédaient aux fonctions de la nouvelle division du travail : interprètes, soldats, instituteurs, commis subalternes auprès de l’administration coloniale ; par la suite à l’indépendance, ils devenaient fonctionnaires de leur État. Statut qui faisait d’eux des salariés.
49 L. -J. Calvet, op. cit., p. 122.
50 Remarquons que même la connaissance scientifique reçoit sa noblesse en faisant usage de la communication orale à un certain niveau. La science doit être écrite pour acquérir une autorité, mais en même temps, son enseignement par transmission orale lui procure une grande notoriété. Les cours magistraux, les communications au cours des colloques ont un rôle central dans la diffusion des savoirs.
51 En raison du phénomène de régression historique certaines civilisations très lettrées sont devenues illettrées ; de brillantes civilisations lettrées Inca, Aztèque et Égyptienne du passé ont perdu en cours de route l’usage de l’écriture. Des facteurs variables internes et externes à ces sociétés tels l’esclavage, les guerres et les épidémies sont parfois avancés comme responsables de la stagnation des systèmes graphiques. On pourrait ajouter à ces causes la culture du secret.
52 A. H. Bâ, Amkoullel, p. 31.
53 Ibid., p. 26.
54 A. H. BÂ, Kaïdara, récit initiatique peul, p. 85, note 2.
55 A. H. BÂ, Oui, mon commandant ! Mémoires II, p. 466-467.
56 A. H. BÂ, L’étrange destin de Wangrin ou les roueries d’un interprète africain, p. 186.
57 Ibid., p. 18.
58 Ibid., p. 22.
59 B. Beridogo, « La tradition comme mode de connaissance et de système de pensée », A. Toure et N. I. Mariko (dir.), Amadou Hampaté Bâ homme de science et de sagesse, p. 33.
60 A. H. Bâ, L’éclat de la grande étoile, p. 99.
61 A. H. Bâ, Amkoullel, p. 290.
62 Ibid., p. 409.
63 A. H. Bâ, « Préface », Notre librairie, La littérature malienne : au carrefour de l’oral et de l’écrit, n ° 75-76, juillet-octobre 1984, p. 8.
64 H. Aguessy, Essai sur le mythe de Lẹgba, tome III.
65 I. A. Akinjogbin, « Le concept de pouvoir dans l’Afrique traditionnelle : l’aire culturelle yoruba », UNESCO, Le concept de pouvoir en Afrique, p. 23.
66 H. Aguessy, Essai sur le mythe de Lẹgba, tome III, p. 222.
67 La culture adja-fon couvre le sud du territoire géographique qui va du Bénin au Togo.
68 Personnage du panthéon des dieux dans les cultures Aja-fon.
69 Ibid., p. 9.
70 Ibid., p. 174.
71 Ibid., p. 175-176.
72 Ibid., p. 189.
73 Ibid., p. 220.
74 Ibid., p. 236.
75 H. Aguessy, Essai sur le mythe de Lẹgba, tome III, p. 310-311.
76 Ibid., p. 311.
77 Ibid., p. 313.
78 Ibid., p. 311-312.
79 Ibid., p. 399-310.
80 Ibid., p. 251.
81 J. Goody et I. Watt, « Les conséquences de la littératie », Pratiques, n ° 131-132, p. 32.
82 E. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, 1915.