Chapitre V. Dans l’ombre de Vichy, Jacques Dugé de Bernonville : France, Canada, Brésil 1940-1972
p. 219-261
Texte intégral
« Le biographe sait que l’énigme survit à sa tentative et il ne vise plus modestement qu’à créer un effet de vécu, à la manière dont Roland Barthes disait que l’historien créait un effet de réel1. »
1Tiraillée entre science et fiction, histoire et littérature, la biographie constitue un genre à part. Un objet hybride, qui, après avoir été longtemps négligé par les historiens français de l’école des Annales, a bénéficié du regain d’intérêt pour les acteurs de l’histoire2 et l’histoire des gens ordinaires3, au point de l’ériger parfois en terrain expérimental4. Un exercice exigeant et difficile qui a la particularité de rencontrer le grand public assez friand de ces « récits de vie ». Loin d’une reconstitution « du possible et du probable » d’un Pinagot réimplanté dans son environnement spatial, social, culturel ou politique, cet essai repose néanmoins au départ sur une même quête de traces5. Dès lors, ce que l’expérience d’un individu permet de saisir c’est une modulation particulière d’une histoire plus globale et la démarche de l’historien peut consister à analyser la façon dont cet individu s’articule à l’événement pour faire de la relation entre les deux un objet historique6. Ce faisant, avec humilité, je fais mien l’avertissement de la commission Touvier dans son rapport final : « Nous n’attendions pas de la consultation des archives qu’elles répondent à toutes les interrogations, les archives ne recèlent jamais que ce qu’on leur a confié […]. Mais dépouillées méthodiquement les archives nous ont apporté un ensemble appréciable d’informations7. »
2C’est la démarche qui préside à l’analyse de l’itinéraire singulier mais non atypique du milicien Bernonville. Une étude de cas qui, au-delà de la simple biographie, a également pour ambition de revisiter certains cercles vichystes pendant et après la guerre. S’atteler à cette tâche, c’est partir à la rencontre « d’un illustre inconnu ». En effet, si Jacques Dugé de Bernonville n’est pas ignoré des historiens, de nombreux ouvrages mentionnant son action8, il reste largement méconnu, beaucoup de références à son nom9 étant inexactes ou tout simplement erronées10. Sans doute cette situation tient-elle pour large partie au fait que nous ayons affaire à un homme de l’ombre. N’appartenant pas au premier cercle du pouvoir vichyste, il gravite toujours autour et on le retrouve dans le sillage ou l’entourage de personnages importants tels Abel Bonnard, Xavier Vallat, Bernard Ménétrel, Joseph Darnand… Un statut, parfois mal défini, source de difficulté pour l’historien, mais aussi d’intérêt particulier, car comme le dit Laurent Joly : « Il y a beaucoup à apprendre, on le sait, des activistes de l’ombre et des hommes de confiance11. »
Veni, Vidi… Vichy : une acculturation républicaine inachevée ?
3Jacques, Charles, Noël Dugé de Bernonville naît le 20 décembre 1897 à Paris (16e) au sein d’une famille aisée. Son père polytechnicien et chevalier de la Légion d’honneur est ingénieur de la Marine12. Les deux témoins de sa déclaration de naissance sont son oncle Emmanuel Ronin, lieutenant de Vaisseau, chevalier de la Légion d’honneur demeurant à Toulon et Ferdinand Heurtel, capitaine de Frégate de réserve, chevalier de la Légion d’honneur demeurant à Paris (Avenue Kléber13). Notons d’emblée que souvent présenté comme appartenant à la vieille aristocratie14, « le Comte de Bernonville », selon le titre qu’il revendique volontiers, cultive ici sa propre légende puisque sa noblesse et son titre sont « d’apparence15 ». Vrai-faux aristocrate, de Bernonville n’en est pas moins convaincu d’appartenir à une élite française d’Ancien régime à qui la guerre et surtout le régime de Vichy donnent l’occasion de reprendre du service. Placé sous le signe d’une certaine tradition militaire, Jacques Dugé de Bernonville embrasse très vite la carrière puisqu’il s’engage volontairement dès 1916 pour rejoindre le front. Toutes les sources consultées s’accordent à louer son courage physique et à reconnaître qu’il s’est conduit brillamment. À l’issue de la guerre, le jeune lieutenant de chasseur à pied Jacques Dugé de Bernonville est d’ailleurs promu officier de la Légion d’honneur, à la grande fierté de son père16. De nouveau mobilisé en 1939, il est affecté à une unité de chasseurs alpins qu’il quitte en octobre 1940 avec le grade de Chef d’escadron. Là encore, son comportement est considéré comme exemplaire. De cette double expérience du feu17, il conservera, outre de nombreuses citations ou décorations18, des stigmates physiques durables liés à plus de trente blessures19.
4De retour à la vie civile durant les années 192020, il se marie à Vannes le 4 novembre 1922 avec Isabelle R. et s’engage en politique. Son choix se porte d’emblée sur l’Action française, où il milite activement21 notamment au sein des Camelots du Roy. En 1926, il est arrêté une première fois pour « menées royalistes22 ». Suite à la victoire du Front Populaire, on le retrouve comme chef du 1er secteur de Paris (16e arrondissement) de l’union des comités d’action défensive (UCAD) du général Duseigneur23. Ces comités de quartier ont pour fonction de lutter contre le « péril d’extrême gauche ». Ils ont notamment pour mission de réunir des hommes « sûrs » et de stocker des armes contre un éventuel coup de force communiste. Une pratique qui sera réinvestie sous Vichy notamment dans le cadre de l’organisation dite « l’Équipe ». L’UCAD constituant la vitrine légale de la Cagoule24, Jacques de Bernonville est arrêté lors de son démantèlement de 27 janvier 1938 pour « association de malfaiteurs25 ». Une note de police ultérieure le désignera comme « chef de la 1re Brigade de l’organisation séditieuse dite du CSAR26 ». Niant toute implication dans un quelconque complot, il est relâché le 13 avril 193827. De fait, en 1948, il ne sera pas poursuivi lors du procès de la Cagoule28, mais il gardera de cette période des liens indéfectibles avec le milieu cagoulard. La suite de son parcours en témoigne largement. À peine libéré, il participe avec le duc Pozzo di Borgo29 à la création de l’Action Révolutionnaire Catholique (ARC), un avatar de l’UCAD.
5Ces engagements ne pouvant subvenir aux besoins de sa famille qui compte désormais quatre enfants30, il exerce dans le même temps la profession d’administrateur de sociétés. Il semble alors disposer d’une « belle situation de fortune31 » et a en 1939 des responsabilités ou intérêts dans la société AGINO (Publicité), les établissements MORYX (transport de charbon et pétrole) et la SAGA (société anonyme de gérances et d’armements). La politique n’est cependant jamais loin et « à cette époque, à l’occasion de diverses demandes qu’il faisait auprès des services de police, il indiquait comme référence Messieurs Eugène Masset, président de la SAGA, Abel Bonnard et Xavier Vallat32 ». Des recommandations dont il fera également bon usage sous Vichy.
6Activiste d’extrême droite, proche des milieux monarchistes, ancien combattant « héroïque » et catholique fervent33, Jacques de Bernonville ne pouvait qu’accueillir favorablement la chute de la République et l’avènement d’une Révolution nationale espérée de longue date. Pour lui, comme pour son maître à penser Charles Maurras, l’événement représente sans doute « une divine surprise34 ». Pas tant la défaite qui heurte certainement le patriote sincère qu’est le combattant de Bernonville mais l’opportunité historique qu’elle offre. Comme l’observe bien Julian Jackson, lorsque Maurras use de sa formule paradoxale :
« Il ne voulait pas dire qu’il se réjouissait de la défaite, mais que celle-ci avait eu un bénéfice inattendu avec l’arrivée de Pétain au pouvoir. La divine surprise, c’était Pétain, non pas l’Allemagne. […] Pour Maurras, cela signifiait une loyauté inconditionnelle envers Pétain sans qu’il fût nécessaire de prendre position sur la collaboration : il voulait faire semblant que l’Allemagne n’était pas là35. »
7Le problème, c’est qu’il est difficile de prendre l’un sans l’autre et c’est là que réside son erreur originelle. Adhérer sans concession ni condition à Vichy, tout en feignant d’ignorer la présence des Allemands représentait d’emblée un piège. Il va très vite se refermer sur des hommes comme de Bernonville. Une fois démobilisé, le 15 octobre 1940, ce dernier cesse d’ailleurs toutes ses activités professionnelles antérieures et se met « totalement » au service du nouveau régime. Avec lui, c’est bien une faction de l’extrême droite antirépublicaine, ligueuse voire factieuse qui arrive à Vichy. Des hommes tous nourris de Maurrassisme qui vont constituer ses premiers contacts et « employeurs » au sein du régime (Georges Groussard, Xavier Vallat, le docteur Ménétrel).
8Fin octobre 1940, il est nommé à Lyon chef régional des Groupes de protection (GP) du colonel Groussard. Branche militaire d’une organisation née à Vichy36, elle doit compléter mais aussi « doubler » l’armée d’armistice. Embryon « d’une armée secrète », les groupes de protections sont censés faire du renseignement, récupérer des armes et préparer des hommes. Les préparer à quoi ? À maintenir l’ordre contre les opposants au nouveau régime ? À reprendre les armes contre l’occupant ? À conquérir le pouvoir ? Sans doute, ces différentes options ont-elles existé ou plutôt coexisté au sein de cette structure fondamentalement anticommuniste et antigaulliste. Cette première expérience militaro-policière et la personnalité même du colonel Groussard37 incarnent parfaitement la part d’incertitude qui entoure les situations de transition politique38.
9Sans surprise au regard des objectifs mais aussi des pratiques des GP, on y croise de nombreux officiers démobilisés mais aussi d’ex-cagoulards39. De même, les futurs cadres de la Milice y sont déjà40. L’aventure tourne finalement court car mêlés au renvoi et à « l’arrestation » de Pierre Laval le 13 décembre 1940, les GP suscitent la méfiance des Allemands qui exigent leur dissolution avant la fin décembre41. De Bernonville gagne alors la Provence et notamment les Bouches-du-Rhône où il est chargé de la mise en place et de la formation de la Légion des Combattants42 mais aussi déjà du SOL. De fait, on aurait tort de dater la naissance du SOL de sa création officielle en janvier 194243. Jean-Paul Cointet l’explique bien, sa genèse remonte plus loin et repose d’abord sur des initiatives locales dont la plus aboutie sera celle de Joseph Darnand dans les Alpes Maritimes. Signe du volontarisme de ses cadres pionniers, avant la fin 1941, « des SOL existaient dans plusieurs villes : […] Nice, Annecy, Nîmes, Aix en Provence, Montpellier, Narbonne, Carcassonne et Valence44 ». Dans la continuité de son action, il est envoyé au Maroc pour y implanter le SOL mais aussi comme « chargé de mission du Commissariat général aux questions juives » dirigé à l’époque par Xavier Vallat45. Il embarque avec femme et enfants le 13 octobre 1941 à Marseille à bord du vapeur Lamoricière : destination Alger puis Casablanca le 17 octobre 1941. Installé à Rabat46, on sait finalement peu de chose de son action réelle en matière de « politique juive » en Afrique du Nord, lui-même dans sa correspondance ne parlant que du SOL.
« Avec l’aide de Dieu et du Directeur général de la LFC, j’espère en avoir terminé bientôt ici47. »
« Comme, je vous l’ai déjà écrit au début de ce mois, je termine ici un travail que j’avais commencé et finis de mettre sur pied le SOL du Maroc avec les quelques difficultés que vous pouvez penser48. »
10Une certitude, l’action lui manque et il vit cet « exil49 » comme un éloignement des choses sérieuses. En juillet 1942, il écrit à son « cher ami » le docteur Ménétrel : « Je suis dans l’enthousiasme de sortir enfin de cette léthargie marocaine pour me remettre à servir de toutes mes forces le Maréchal50. » Durant cette période, il intrigue d’ailleurs beaucoup pour obtenir un nouveau poste plus conforme à ses ambitions. Par l’intermédiaire du docteur Ménétrel, il rencontre même le Maréchal Pétain en personne à Vichy le 18 juin 1942 : « Je ne cesse de me remémorer les instants magnifiques que j’ai passés grâce à vous auprès du Maréchal le 18 dernier51. » Ces démarches finissent par aboutir et il est de retour en France le 27 septembre 194252.
L’homme des missions occultes
11Un retour en cour voire en grâce qui doit beaucoup à l’intervention directe de Ménétrel. Leur correspondance en témoigne :
3 juillet 1942 : « En attendant que je vienne vous retrouver pour servir le Maréchal dans le poste où je lui serais le plus utile, un ami vous remettra ces quelques lignes53. »
18 juillet 1942 : « Je suis prêt à aller à Paris pour accomplir la mission que vous savez, pourriez-vous dès à présent m’en préciser les conditions pour que je puisse prévoir mon retour et celui de ma famille : genre de mission, conditions matérielles, ausweis pour les miens54… »
11 septembre 1942 : « Me voici maintenant presque sur mon départ […]. Dès que j’aurais déposé les miens à Paris, je viendrais vous voir pour tout mettre au point. […] Je passerais voir votre collaborateur de Paris avant de rejoindre Vichy, si donc vous vouliez me faire dire quelque chose, ce serait par son intermédiaire. Veuillez agréer, Cher Docteur et Ami, l’assurance de mes sentiments fidèles et de ma joie à travailler bientôt à une cause si utile55. »
12Une implication du docteur Ménétrel qui confirme que ce dernier était plus que le médecin et le secrétaire personnels du Maréchal Pétain. Profitant de sa proximité au chef de l’État et de subsides aussi généreux que mystérieux pour les « œuvres du Maréchal », il joue un rôle politique indéniable même s’il fut parfois exagéré56. Trainant une réputation de conspirateur57, deux domaines l’intéressent particulièrement, la propagande et le renseignement. Un portrait qui, s’il n’est pas tout à fait conforme à la réalité pour Ménétrel, colle assez bien à la personnalité de Jacques de Bernonville.
De Bernonville, recherché sous Vichy ?
13Conservant de mauvaises habitudes58 ou simplement victime de liaisons dangereuses contractées avant-guerre, Jacques Dugé de Bernonville est au moins à deux reprises mêlé à des complots contre le régime. Une réalité qui montre bien que Vichy doit être pensé comme « un et pluriel59 ». Au singulier d’abord, parce que le régime repose sur un projet politique et idéologique original. Mais au pluriel également pour mieux souligner la diversité « des hommes de Vichy » et montrer « que le nouvel État ne se réduit pas à l’unité de son projet60 ». En effet, la pluralité de ses composantes laisse entrevoir la juxtaposition au sein même du régime de visions à la fois concurrentes et complémentaires.
14Preuve de ces influences diverses au point de devenir parfois interférences :
« Dans le courant du mois d’avril 1941, une information parvenait au Service central de police judiciaire de laquelle il ressortait que les anciens membres parmi les plus importants de l’ex-CSAR s’étaient regroupés à Paris sous la direction d’Eugène Deloncle et qu’ils préparaient une marche sur Vichy. C’est ainsi que Dugé de Bernonville a figuré sur la circulaire de recherches no 20692, en date du 2 mai 1941, diffusée à tous les services de police et de gendarmerie de la zone libre61. »
15Les projets de « marche sur Vichy » réels ou le plus souvent fantasmés constituent une rumeur récurrente sous Vichy, notamment au sein des milieux collaborationnistes parisiens. La date coïncide ici avec le rapprochement de Deloncle, fondateur du Mouvement social révolutionnaire (MSR) avec Déat et le lancement conjoint en mars 1941 du Rassemblement national populaire (RNP). Une dynamique unitaire qui durera peu puisque quelques mois plus tard, Deloncle sera fortement soupçonné d’avoir commandité le double attentat contre Déat et Laval (27 août 1941). Né à Brest, polytechnicien, ingénieur naval, militant de l’Action française et des Camelots du Roy (17e section), puis fondateur du CSAR (ou Cagoule), Deloncle offre beaucoup de points communs avec l’itinéraire familial et personnel de Jacques de Bernonville. Ce dernier a-t-il vraiment comploté ? C’est difficile à savoir, mais il semble se sortir de ce mauvais pas en acceptant une mission au Maroc62 qui l’éloigne un temps de la métropole et du microcosme Vichysso-parisien. Il profite alors visiblement de la protection de Xavier Vallat, car une note de police de juin 1942 relative à cette affaire précise : « D’une vérification faite au Commissariat général aux questions juives, il ressortait que le susnommé était bien chargé de mission, aussi, par circulaire no 1340, en date du 24 octobre 1941, il fit l’objet d’une cessation de recherches63. »
16À l’été 1943, le nom de Jacques de Bernonville est de nouveau cité dans la tentative « tragicomique » de coup de force du directeur de l’école des cadres de la Milice d’Uriage, Pierre-Louis de la Ney du Vaïr. Épisode assez confus au demeurant durant lequel De la Ney du Vaïr, catholique mystique et monarchiste convaincu, envisage à son tour « de marcher sur Vichy » pour y « faire place nette de Laval et des républicains déguisés » qui se sont introduits jusque dans l’entourage de Pétain et de Darnand64. Relevé de ses fonctions par Darnand qui se déplace en personne à Uriage pour mettre fin à l’insubordination, De la Ney du Vaïr est remplacé par Jean de Vaugelas et s’engage dans la LVF. Quant à de Bernonville, rattrapé par son passé ou ses relations cagoulardes et monarchistes, il va devoir à partir de cette date donner de plus en plus de gages à Darnand de sa loyauté sans faille, d’autant que quelques mois plus tard il sera de nouveau soupçonné par le même Darnand d’avoir voulu le « doubler » en zone nord65. Laurent Joly cite d’ailleurs un témoignage indiquant que Darnand se méfiait de lui66. Une chose est sûre, l’année 1944 sera pour de Bernonville celle de son engagement de plus en plus radical au sein de la Milice.
Chargé de « missions » au cabinet d’Abel Bonnard : un ultra de la collaboration d’État, septembre 1942-février 1944
17De retour du Maroc, Jacques Dugé de Bernonville intègre le cabinet d’Abel Bonnard au ministère de l’Éducation nationale. S’il dispose bien d’un bureau au 110 rue de Grenelle, il ne semble n’y avoir jamais exercé la moindre fonction en lien avec l’éducation. Il y bénéficie en revanche d’un nouveau protecteur et d’une bonne couverture pour des missions plus discrètes voire secrètes. À la Libération, les enquêteurs ne cacheront d’ailleurs pas leur perplexité face à la réalité de son travail près de Bonnard : « Le rôle que Dugé de Bernonville a joué au Cabinet d’Abel Bonnard n’a pu être défini. Il occupait un bureau personnel au Ministère de l’Éducation nationale, 110 rue de Grenelle et y faisait de très fréquentes apparitions. On peut penser que ce poste officiel […] avait pour but soit de masquer sa véritable activité, soit de lui conférer plus d’autorité67. » Une certitude, il ne reste pas inactif et multiplie même les initiatives. Une activité intense que révélera pour partie la perquisition de ses bureaux à la Libération. En effet, deux rapports consécutifs du 2 et 7 septembre 194468, attirent l’attention des autorités judiciaires sur l’importante saisie de documents opérée dans son ancien bureau au ministère. Le commissaire de police signale notamment un code secret, une correspondance abondante avec de nombreuses personnalités dont le Comte de Paris mais aussi « un volume assez considérable » de pièces relatives à la Légion tricolore, la Phalange africaine, le Corps des volontaires français (CVF), la Milice… Des papiers qui traduisent bien ses fonctions réelles. Sauf que par la suite et ajoutant au mystère qui entoure le personnage, lorsqu’on recherchera à la fin des années 1940 cette « très importante saisie de documents » dont certains « présentant un grand intérêt », on constatera qu’ils se sont tout simplement volatilisés.
« Or, malgré les minutieuses investigations faites auprès des services et archives de la 1re Brigade de police judiciaire, aux directions de Police judiciaire, Renseignements généraux, Surveillance du territoire, des services archives de la préfecture de police, des greffes de la Cour de Justice et du parquet général, il n’a été trouvé aucune trace de ces documents69. »
18Avec Abel Bonnard70, dont l’arrivée au gouvernement coïncide avec le retour aux affaires de Pierre Laval, Jacques de Bernonville entre dans le sillage d’un ultra de la collaboration d’État, partisan du rapprochement avec les milieux collaborationnistes et d’un engagement total aux côtés des Allemands. Une évolution conforme à sa propre trajectoire au moment où précisément la conjoncture de la guerre commence à se renverser. Ces deux premières missions s’inscrivent pleinement dans cette perspective. Ainsi, sur proposition de Ménétrel, il est d’abord associé à la création de la Légion tricolore71. Dans certains documents, il est même désigné comme le chef d’État-major72. L’idée de la Légion tricolore73 revient à Jacques Benoist-Méchin, en charge des relations franco-allemandes au gouvernement depuis février 1941. Ce dernier souhaite en juin 194274, avec le soutien du général Bridoux, secrétaire d’État à la Guerre mais aussi d’éléments du SOL comme Bernonville ou Darnand, créer une troupe « gouvernementale75 » apte à combattre sur le front de l’Est. La levée de ce corps de volontaires visait clairement à concurrencer et même à terme à remplacer la LVF, lancée un an plus tôt par les milieux collaborationnistes parisiens76. Il faut donc voir dans cette initiative l’expression d’une volonté gouvernementale de reprise en main d’une opération qui leur a échappé au départ. Une compétition potentiellement lourde de conséquences, puisqu’elle engageait directement le gouvernement sur la voie de la co-belligérance aux côtés de l’Allemagne, d’autant qu’il était entendu que la nouvelle formation pourrait être appelée à servir sur tous les fronts et donc contre tous les alliés77. Le projet fait long feu, en raison de l’opposition des Allemands, qui y voient une manœuvre du gouvernement de Vichy pour sortir d’une relation de vainqueur à vaincu. Ils estiment donc que la LVF, qui n’a jamais cessé d’exister, se suffit à elle-même. Face à cette hostilité du commandement allemand, le projet est abandonné dès l’automne 1942 et la Légion tricolore, morte-née est officiellement dissoute le 28 décembre 1942. Dans la foulée, son promoteur quitte le gouvernement fin septembre 1942. Son principal avatar est l’éphémère Phalange Africaine78. De Bernonville en est le « secrétaire général79 ». Inspirée, dès l’été 1942, là encore par Jacques Benoist-Méchin, au nom d’une collaboration militaire toujours plus poussée, sa création est accélérée par le débarquement allié en Afrique du Nord et l’intervention italo-allemande en Tunisie. Sur une base comparable à la Légion tricolore, il s’agit de créer un corps mixte dépendant à la fois de la Wehrmacht et du gouvernement français pour résister à « l’invasion » alliée ou reconquérir « les territoires perdus ». Lancée le 14 novembre 1942, la Phalange Africaine pour ses cadres80, comme de Bernonville, recycle des officiers et sous-officiers qui étaient déjà de l’aventure de la Légion tricolore. Pour le reste, elle recrute localement en particulier des militants du PPF81 et des soldats indigènes. L’ensemble ne dépassera pas les 400 hommes qui finiront incorporés dans l’Afrikakorps (754e régiment) et seront décimés face aux Anglais en avril 1943.
19Même si ces structures sont restées insignifiantes sur le plan strictement militaire, à l’heure des choix décisifs Jacques Dugé de Bernonville opte résolument pour l’Allemagne face aux Russes comme aux Anglo-Américains82. Il est alors clairement associé à deux initiatives gouvernementales qui, poussées au bout de leur logique, espéraient faire de la France un partenaire à part entière de l’Allemagne y compris au prix d’un renversement des alliances de 1939-1940. Jamais à court de missions, qui ont au moins le mérite de la constance, début 1943, Jacques de Bernonville participe aussi à la constitution d’un Corps de volontaires français (CVF). L’initiative revient cette fois à l’Amiral Platon, secrétaire d’État auprès du chef du Gouvernement, Pierre Laval, d’avril 1942 à mars 1943. De Bernonville est donc de nouveau associé à un projet qui émane des cercles les plus engagés dans la collaboration d’État. Platon est en effet un partisan de la reconquête des colonies passées à la France libre et de la résistance armée à « l’agression alliée » de novembre 1942. Il est écarté du pouvoir courant mars 1943 en raison de son zèle excessif. En juillet 1944 son ultimatum lancé à Pétain, sur la nécessité de faire des choix clairs, le fait tomber en disgrâce. Placé en résidence surveillée, il sera exécuté par la Résistance en août 194483. Le projet de CVF est une déclinaison des plans antérieurs (Légion tricolore, Phalange Africaine) appliquée au front intérieur. Il s’agit, en effet de former en zone nord, dépourvue de Milice à cette date, des « corps francs » aptes à lutter de manière plus efficace contre la Résistance armée et à s’opposer le cas échéant à un débarquement allié. Au-delà de cette vitrine « officielle », il semblerait que certains membres dirigeants aient cultivé l’espoir de constituer au moment de la Libération des « maquis blancs » dans une stratégie de conquête du pouvoir84. Bien entendu, une telle organisation ne peut se mettre en place sans l’autorisation des Allemands. Celle-ci est obtenue grâce aux soutiens apportés à ce projet par l’Amiral Platon, le docteur Ménétrel et Maurice Gaït85, directeur de cabinet d’Abel Bonnard. Jacques Dugé de Bernonville se voit confier le recrutement et la formation du CVF en liaison avec le Major SS Best [ou Betz selon certaines sources]. Ce faisant, le temps de réunir toutes les conditions, le projet ne prend véritablement forme que fin 1943. Début 1944, un rapport de la direction des Renseignements généraux estime les effectifs recrutés ou en cours d’instruction à 500 hommes. La formation militaire de ces hommes se déroule à Taverny (Seine-et-Oise) dans plusieurs châteaux réquisitionnés à cet effet86. Elle débute en janvier 1944 : « Les stages, d’une durée de 15 jours, ont commencé il y a un mois environ et les “miliciens” se trouvant en ce moment à Taverny, au nombre de 200 à 250 environ, sont toujours placés sous l’autorité d’instructeurs allemands. Ils font notamment des exercices militaires et s’exercent au tir à la mitrailleuse et à la mitraillette. Leur armement étant celui d’une troupe légère moderne87. » Un camp d’entraînement similaire fut envisagé dans le Sud-Ouest à Pessac (Gironde). Dans son audition par la Surveillance du territoire le 4 janvier 1945, un certain Richard, condamné à mort par la Cour de Justice de la Seine, « relate qu’il accompagna de Bernonville dans une mission au camp des CVF à Pessac dont le dirigeant était un Allemand88 ». Le rapport de cette mission, établi par le même Richard le 26 octobre 1943, sera d’ailleurs ultérieurement retrouvé dans les archives de l’Abwehr. Un détail qui a son importance car, au-delà de la création de ce corps auxiliaire aux forces allemandes89, il tend à montrer que Jacques de Bernonville était en relation étroite avec les services du contre-espionnage allemand et notamment la sous-section III-F en charge de la lutte contre les services de renseignement ennemis90. Une mission « secrète », à tel point qu’on ignore si elle fut menée à terme, atteste de contacts avec cette organisation sans doute antérieurs au débarquement en Afrique du Nord. Plusieurs sources indiquent en effet qu’une demande de visa fut déposée en janvier 1943, au nom de Jacques Dugé de Bernonville, en vue d’un voyage à destination de l’Espagne et du Maroc espagnol, comme « chargé de mission par le chef du gouvernement91 ». Cette demande considérée de la plus haute importance reçoit un appui du cabinet de Pétain. Mieux, le consul général Allemand Krug intervient directement près du ministère des affaires étrangères à Berlin pour favoriser son départ. À le lire, de Bernonville bénéficie de sa totale confiance, notamment en raison de l’antériorité des services rendus. Dans un rapport du 23 janvier 1943, Krug relate : « De Bernonville jouera franc jeu avec les Allemands ainsi que cela résulte de sa prise de position bien connue et surtout de ses activités déployées en accord avec l’amiral Canaris déjà avant les événements de novembre 194292. » Des allusions qui soulèvent de légitimes questions sur la nature exacte des missions accomplies, notamment en Afrique du Nord, par de Bernonville.
20De même, il semblerait que l’une des contreparties à cette collaboration militaire toujours plus poussée avec les Allemands ait été son propre enrôlement dans la Waffen SS. C’est en effet au moment de l’ouverture du camp CVF de Taverny, sous double commandement français et allemand, que Bernonville contracte son engagement. Une réalité qui, au regard des pièces versées à son dossier, y compris manuscrites et signées de sa main93, ne souffre d’aucune contestation possible94. L’officier Jacques Dugé de Bernonville, résidant 149 rue de la Pompe à Paris (16e), s’engage bien comme SS-Freiwillige (volontaire) avec date d’entrée en service (Einberufen am) au 1er décembre 1943. Autre élément établi, du moins en l’état de la documentation consultée, il y reste peu de temps puisque son contrat d’engagement versé à son dossier précise qu’il aurait appartenu à la Waffen SS de décembre 1943 à fin février 1944. Un départ qui coïnciderait avec le moment où Darnand met fin à l’expérience du CVF tout en exigeant que Bernonville rentre dans le rang et surtout activement dans la Milice. Autant d’éléments qui incitent à penser que cet engagement réel mais éphémère dans la Waffen SS était attaché à l’entreprise des camps CVF de Taverny et Pessac.
De Bernonville dit « Le Sage », « pontife » de l’Équipe95
21Parallèlement à la mise en place du CVF dont l’expérience prend fin au premier trimestre 1944, lorsque Darnand réussit à obtenir l’implantation de « sa » Milice en zone nord, de Bernonville est aussi associé à une curieuse officine appelée l’Équipe. Entre service de renseignement et police parallèle, cet organisme naît d’une initiative de Ménétrel toujours avide d’informations de première main à transmettre au Maréchal. Pour être plus précis, l’Équipe se constitue à partir de deux autres structures : « Les Amis du Maréchal » et le « Centre d’études politiques ».
22Groupement implanté par Ménétrel en zone occupée à compter de début 1941, Les Amis du Maréchal doivent d’abord « servir de relais à la propagande de Pétain96 ». Soutenus matériellement97 par le secrétariat particulier du Maréchal, ces maréchalistes convaincus ne doivent pas seulement suivre le Maréchal mais être prêt à « se compromettre pour lui98 ». Dans un même mouvement, Ménétrel ressuscite le Centre d’études politiques, une association loi 1901 antérieure à la guerre et issue de la mouvance monarchiste. Fondée en 1933 sous l’égide de l’Action royaliste populaire, elle visait par ses travaux et ses publications à développer la culture politique des Français et à susciter la formation d’une élite apte à diriger ou gouverner99. Réactivée par Ménétrel, cette association inaugure un nouveau siège parisien le 8 juillet 1943 et se dote d’une section « police » au sein de laquelle on retrouve Richard et Pelletier, les deux principaux animateurs de l’Équipe. Autant d’éléments qui font dire aux Renseignements généraux en février 1944 : « Il n’est donc pas impossible, dans ces conditions, que la police du Maréchal ou l’Équipe ait son origine dans la section de la police du Centre d’études politiques100. » Sans doute peut-on également imaginer que la vitrine légale et respectable des Amis du Maréchal comme du Centre d’études politiques permettait à l’Équipe de se financer. Bénédicte Vergez-Chaignon développe aussi l’idée que cette structure ait pu échapper à son initiateur Ménétrel, au profit principal de Richard et des Allemands.
« Ménétrel fut probablement piégé par son goût du secret et des intrigues. Dans son effort constant pour jouer un rôle dans la promotion de Pétain et de sa politique, il s’est allié à plus fort et à plus retors que lui, allant jusqu’à servir de caution – selon toutes apparences à son insu – à un agent ennemi, doublé d’un tortionnaire101. »
23Police maréchaliste pour les uns, monarchiste pour les autres102, elle agit contre « les communistes et les terroristes » et elle finit par devenir surtout une annexe de la police « allemande ». Une structure qui, tant par les objectifs poursuivis que par les hommes qui la composent, n’est pas sans rappeler la culture cagoularde ou encore les méthodes du Centre d’information et d’études (CIE) mis en place par le colonel Groussard en 1940. En définitive, l’Équipe est « un organisme non officiel mais toléré103 » au fonctionnement en grande partie secret ou clandestin. Une sorte de police officieuse, d’initiative publique au départ, mais qui recrute largement en dehors des policiers de métier. Ici le zèle idéologique prime et compense le manque d’expérience policière. Un statut qui confirme l’extraordinaire complexité du monde des polices sous Vichy104, entre police officielle, polices parallèles105 et « polices d’occasion106 » qui prolifèrent à compter de l’été 1941. Organe semi-officiel, au fonctionnement informel, l’Équipe relève de cette dernière catégorie de police créée par et pour les circonstances.
24Pensée durant l’été 1942, elle se met en place fin 1942-début 1943107 et, en dehors de Vichy où elle dispose d’un représentant permanent, elle limite son action à la zone nord108. Elle est domiciliée, dans un premier temps, au 35 rue Godot de Mauroy à Paris. Sans doute cette implantation est-elle conditionnée par une volonté initiale de ne pas concurrencer la Milice de Darnand. Il est d’ailleurs intéressant de constater combien l’Équipe dans son recrutement comme son fonctionnement ressemble beaucoup au 2e service de la Milice109. Raymond Richard et Marcel Pelletier sont les deux principaux responsables de l’Équipe, mais le premier en fut sans nul doute le grand bénéficiaire. Raymond Richard (alias Rocher ou Mederie) est régulièrement présenté comme le directeur de l’Équipe110. Âgé de 37 ans en 1940, c’est un ancien journaliste et publiciste qui dispose néanmoins de certaines « habitudes policières » cultivées au sein du service de renseignement de l’Action française. Il embrasse officiellement la carrière par le biais du cadre latéral des polices auxiliaires, lorsqu’il est nommé, par arrêté du 9 novembre 1941, commissaire de police adjoint et affecté au service de police anti-communiste (SPAC) à Paris. Nommé le 4 août 1942 à la délégation du service central de la police de Sûreté à Paris, il est licencié le 22 décembre 1942. Entre-temps, il a également été désigné comme président de la délégation spéciale de sa commune de résidence, Margency (Seine-et-Oise). Si les motifs de son licenciement restent inconnus111 dans les sources consultées, l’intéressé reste « à sa façon » dans la police et surtout y conserve des contacts précieux112. Son adjoint est Marcel Pelletier. Âgé de 35 ans en 1939, il est alors commissaire spécial adjoint à Versailles et s’occupe plus spécialement de la surveillance de l’activité communiste. Affecté au service central de la police judiciaire, il est nommé sous Vichy commissaire principal et chef de la 1re brigade de police de sûreté à Paris113. Un poste qu’il occupe toujours en février 1944 lorsque les RG notent à son sujet : « Ce fonctionnaire est considéré à juste titre, par ses collègues, comme très intelligent mais ambitieux et sans grands scrupules114. » Les deux commissaires sont entourés à Paris d’une dizaine d’inspecteurs, tous issus du SPAC, service qu’ils auraient quitté au moment où Richard en fut exclu115. Ces « hommes » de Richard, encadrés par Briquet, pour Paris, et Poncin en charge des enquêtes en province sont a priori « les seuls équipiers appointés à termes fixes116 ». L’organisation disposait par ailleurs d’un secrétaire permanent, Henri Ponchelet (alias Fontaine), originaire de Courbevoie et passé au SPAC également117. Un bureau central parisien de l’Équipe peuplé de « policiers révoqués ou venant du cadre latéral » comme ce sera le cas du futur 2e service parisien de la Milice en 1944118.
25Dans cette organisation, Jacques de Bernonville exerce des fonctions de coordination entre Vichy et Paris mais aussi entre Paris et les « équipiers » de province, recrutés parmi des gens « politiquement sûrs119 ». De même, il semblerait qu’un lien direct existe entre le projet de CVF et l’Équipe, un peu sur le modèle du CIE et des GP du colonel Groussard. Une chose est sûre également, il était proche de Richard120 et est considéré comme l’un « des dirigeants » ou des « cadres supérieurs » de l’Équipe121. En février 1944, les RG décrivent son rôle comme suit : « M. Dugé de Bernonville dit “Le Sage” ami intime de M. Richard, qui aurait été chargé d’établir la liaison entre l’Équipe centrale de Vichy et les équipes de zone occupée122. » Une autre source, sans doute postérieure à la Libération, parle de lui comme « le pontife de l’Équipe » et précise « qu’il allait très souvent voir Richard », confirmant ainsi leurs relations personnelles et ses fonctions de liaison123. Enfin, le témoignage d’Henri Ponchelet précise qu’au printemps 1943, « Richard, Pelletier, de Bernonville, De Planard, Chezlepretre, Ingrand, Durame, Poncin et Sarrazin, tous hommes influents de l’Équipe ont été invités à rendre visite au Maréchal à Vichy124 ». Une rencontre, sous le couvert des Amis du Maréchal, que confirme Bénédicte Vergez-Chaignon en la situant en avril 1943125.
26Pour son secrétaire Ponchelet, « il est indiscutable que l’Équipe disposait de fonds importants126 ». Des fonds qui, selon lui, provenaient de quatre sources majeures : 1./le docteur Ménétrel127, 2./de généreux « donateurs128 », 3./» des prises et saisies de biens appartenant à la Résistance », 4./des subsides allemands même si cette réalité a pu être ignorée, au moins un temps, par certains membres de l’Équipe129. En effet, il ne fait aucun doute que l’Équipe était en relation avec les Allemands et notamment avec un officier répondant au nom de Pierre Wagner. Parlant parfaitement le français, « toujours vu en civil » selon divers témoins, il fournissait à l’Équipe, non seulement de l’argent mais aussi des papiers (ports d’armes, ausweis, autorisations diverses…) et des armes130. En fait, Pierre Wagner, si tant est que ce nom soit exact131, pourrait bien être l’officier traitant de Richard. Le dossier de Cour de Justice de Richard suggère même que Wagner aurait été son recruteur au sein de l’Abwehr, dès 1940 et peut-être même avant132. Son procès révélera enfin qu’à compter de novembre 1943, Richard et son « Équipe » sont « officiellement » au service d’Alexander Von Kreutz du contre-espionnage (III-F) de l’Abwehr133. Une césure chronologique confirmée par Ponchelet qui déclare avoir ignoré « jusqu’en novembre 1943 que Richard était un agent allemand134 ». À partir de cette date, le doute n’est plus permis et l’Équipe est désormais largement pourvue en biens immobiliers réquisitionnés (appartements, hôtel particulier avenue Mac Mahon…), armes, voitures et argent135. Bref, c’est la grande vie pour une police « du Maréchal » transformée en police « allemande ». Une évolution qui suscite néanmoins des réactions contrastées au sein de l’organisation, ainsi Pelletier devient « hésitant » et est même « accusé de gaullisme » par Richard136. A contrario, « Richard, Litt et de Bernonville se jetèrent dans les bras des Allemands137 ».
27Le résultat fut redoutablement efficace et lors de son procès, on portera à l’actif de Richard et de son « équipe » pour les 8 derniers mois d’occupation la responsabilité d’une centaine d’arrestations souvent accompagnées de violences voire d’exécutions138. Dressant une liste non exhaustive139 des opérations de l’Équipe contre la Résistance, Henri Ponchelet citera à la Libération : en janvier 1944 l’arrestation d’agents de transmission (Grange, Urbain) à Paris, le démantèlement en janvier 1944 à Paris et banlieue des groupes de Résistance « Vengeance » et « Libération » (une trentaine d’arrestations), l’affaire Faillant en février-mars 1944, l’affaire Eugène en mars-avril 1944, l’affaire de la rue Lecourbe en avril-mai 1944140 … Affecté à des fonctions, a priori non opérationnelles, il reste difficile d’évaluer la contribution personnelle de Jacques de Bernonville à ces actions répressives. Mais même avec la prudence nécessaire, l’historien, au regard du niveau de responsabilité de Bernonville au sein de l’Équipe, ne peut qu’être interpellé par sa double proximité à Richard et surtout à l’Abwehr.
Milice et maintien de l’ordre : une dérive répressive
28Secrétaire général au maintien de l’ordre à compter de janvier 1944, Joseph Darnand « découvre » rapidement le projet de CVF en même temps que les premiers contingents se forment à Taverny. Un rapport du service de répression des menées anti-nationales (SRMAN, nouveau nom du SPAC), l’en informe directement.
« Un stage d’instruction de 15 jours vient d’avoir lieu au camp de Taverny. Il s’est terminé le 29 janvier. Le camp de Taverny est destiné à recevoir des jeunes gens venant de différents partis politiques aux fins de leur donner une formation anti-communiste, anti-terroriste, de les familiariser avec un armement et de les entrainer à la mission qui peut incomber à ces formations issues des divers partis. Ce camp est sous contrôle des autorités d’occupation en particulier du commandant Betz de la SD dont les bureaux sont situés à Paris, 48 rue de Villejust. La direction effective des stages est confiée au commandant Dugé de Bernonville […]. Si nos renseignements sont exacts, les organisateurs français reçoivent des autorités d’occupation une somme par stagiaire recruté. La qualité de ces derniers est d’ailleurs très discutable. Certaines formations politiques ont même jugé bon de présenter des Nord-Africains141. »
29Au moment même où la Milice vient enfin d’obtenir l’autorisation de s’implanter en zone nord (27 janvier 1944), il voit dans cette aventure une concurrence inutile voire dangereuse. Aussi, fort de sa nouvelle autorité gouvernementale, il exige la dissolution du CVF142. Dans la foulée, Darnand oblige de Bernonville à quitter le cabinet d’Abel Bonnard, pour se mettre entièrement à disposition de la Milice143. Un engagement désormais total qui s’inscrit dans la phase de radicalisation d’un régime de Vichy de plus en plus policier et obsédé par le maintien de l’ordre. Même si tous les miliciens ne furent pas des soudards ou des reitres dignes des « grandes compagnies », il est difficile de garder les mains propres dans ces conditions144. De fait, la spirale répressive et l’inévitable escalade des violences qui lui était attachée contenaient en germe « le danger moral qui guette une troupe engagée dans la guerre civile145 ». Jacques Dugé de Bernonville n’échappe pas à cette dérive.
Sur le front des maquis146
30Dès février-mars 1944, il prend un commandement au sein de la deuxième unité de la Franc Garde147 engagée en Haute-Savoie autour du plateau des Glières. Sous les ordres de Jean de Vaugelas, il fait partie des quatre officiers supérieurs en charge de l’opération, aux côtés de Dagostini, De Bourmont et Di Costanzo. Son aptitude au combat doit certainement beaucoup à sa désignation, puisque Darnand disait de lui : « Il est beaucoup mieux qu’un combattant… C’est un attaquant né148. » Dans la réalité, le commandant de Bernonville participe à l’encerclement puis surtout au « nettoyage » du réduit haut-savoyard149, après une attaque menée de manière décisive par des unités allemandes. Une réalité dérangeante passée sous silence par la presse française, notamment militante, qui préfère louer l’héroïsme des forces de maintien de l’ordre (Milice, GMR, gendarmes150). Dans le feu de l’action militaire stricto sensu, Bernonville et ses hommes ne brillent pourtant pas par leur efficacité puisque leur engagement sur le col de Spee se solde par un échec151. À partir de la mi-avril 1944, Jacques de Bernonville et son état-major s’installent à la Chapelle-en-Vercors dans la Drôme152. Autre haut-lieu de maquis, il y applique les mêmes méthodes qu’aux Glières. Il participe ici à la 2nde période de l’histoire du maquis du Vercors153. Après les premières incursions allemandes (22 janvier, 18 mars 1944), l’intervention de la Milice en avril 1944 s’inscrit dans une volonté assumée de créer un sentiment d’insécurité au cœur du maquis comme de la population locale, pour briser toute osmose entre les deux. Les méthodes employées sous les ordres de Bernonville sont des plus brutales154. En dehors des escarmouches ou accrochages avec des éléments armés du maquis, elles consistent surtout à « terroriser » la population locale pour la dissuader d’apporter son soutien aux maquisards. Dès lors, arrestations155, exactions156, pillages, incendies157… se multiplient. De Bernonville ordonne même de désarmer des brigades de gendarmerie158, peu « fiables », dans son périmètre d’action. Ces méthodes159 soulèvent la réprobation officielle du préfet de la Drôme, Robert Cousin, qui sera arrêté le mois suivant par les Allemands160. À son retour de déportation, il affirmera que c’est sur la base d’un rapport de Jacques Dugé de Bernonville dénonçant ses opinions et actions « antiallemandes » qu’il a été arrêté.
Commandant des forces du maintien de l’ordre
31De début mai au 20 juin 1944, de Bernonville est nommé « commandant des forces de maintien de l’ordre en Bourgogne ». Il établit son quartier général à l’hôtel Moderne à Chalon-sur-Saône. Outre ses miliciens, il a alors sous ses ordres le groupe de GMR Brie, deux ou trois pelotons de gardes mobiles, un groupe de gardes des voies et communications, le peloton spécial de gendarmerie de Saône-et-Loire… À la tête d’effectifs importants161, son périmètre d’action se concentre principalement dans un quadrilatère compris entre Chalon, Montceau-les-Mines, Mâcon et Louhans, c’est-à-dire sur un espace à cheval sur les deux zones. Ses prérogatives sont alors très importantes, non sans frictions et conflits fréquents avec d’autres autorités françaises comme en témoigne le sous-préfet de l’époque à Chalon :
« Au cours de la visite que me fit, en ma qualité de sous-préfet, le commandant de Bernonville, ce dernier m’expliqua qu’il avait la charge d’un large secteur, qu’il entendait avec les forces dont il disposait, miliciens, gardes mobiles, groupe Paris Mobile mener une lutte vigoureuse contre les maquis, qu’il était entièrement autonome ne dépendant que de Vichy, qu’il avait toute la confiance et l’amitié de Darnand, qu’il avait le droit de requérir les éléments dépendant des intendants de police auxquels il n’était nullement subordonné. En fait, ses formations agissaient le plus souvent comme des troupes en pays ennemi. Elles établissaient des barrages sur les routes, cernaient des villages, faisaient des perquisitions massives, comme à Givry […] et commettaient nombre exactions. […] En très bons termes avec la Gestapo (SD) de Bernonville finit par s’arroger des droits dont les Allemands avaient seuls le monopole. […] En dehors de toute procédure régulière, des arrestations étaient faites et des personnes incarcérées à la maison d’arrêt sans qu’il en fût rendu compte aux autorités administratives ou judiciaires même dans certains cas162. »
32Il est alors responsable de nombreuses arrestations dans les milieux « patriotes » ou susceptibles de l’être. Le seul registre d’écrou de la prison de Chalon-sur-Saône, retrouvé à la Libération, comptabilise une quarantaine de détenus qui « firent l’objet de bulletins d’écrou signés de Dugé de Bernonville163 ». Une évaluation certainement a minima du nombre total des arrestations réalisées sous ses ordres dans la région. D’autant qu’il faudrait y ajouter les nombreuses détentions illégales opérées dans des locaux de la Milice, y compris à l’hôtel Moderne. Certaines de ces arrestations ou détentions s’accompagnent de tortures, mais l’implication personnelle de Bernonville lors de ces séances n’est pas clairement établie par les sources. Le principal témoin à charge dans le domaine, un certain Maurice Nedey164, ayant été « interrogé » le 21 juin dans les locaux de la milice, soit a priori le lendemain du départ de Bernonville de la région. Sur ce point crucial, le dossier judiciaire de la Cour de Justice de Dijon souligne plutôt le rôle de ses subordonnés, comme pour la destruction du buste de la République de la mairie de Chalon. Le réquisitoire définitif du commissaire du gouvernement ne retient d’ailleurs pas ce chef d’inculpation à son encontre, préférant les expéditions contre les maquis, les arrestations arbitraires, la pratique d’otages, en particulier parmi des personnalités de Chalon… Une certitude néanmoins « pendant deux mois, de Bernonville et ses troupes firent régner la terreur dans l’agglomération chalonnaise, se conduisant absolument comme s’ils s’étaient trouvés en pays ennemi165 ». Des mesures de « pacification » dont il se félicite au lendemain du débarquement : « Jusqu’à présent, la région est calme en ce sens que l’insurrection des groupes de Résistance ne s’est pas déclenchée en même temps que commençait l’invasion de la France par les Anglo-saxons. […] Les unités ont reçu l’ordre de redoubler les barrages, les embuscades et les patrouilles. Les contacts sont très fréquents et satisfaisants avec les autorités d’occupation166. » Un mois plus tard, son action « particulièrement énergique » est récompensée et il est cité à l’ordre de la Nation pour l’ensemble de son œuvre en Haute-Savoie, Vercors et Saône-et-Loire.
« Le Gouvernement cite à l’ordre de la Nation :
M. de Bernonville (Charles-Jacques-Marie-Noël), chef de corps de la Franc-Garde, pour les motifs suivants : chef milicien particulièrement énergique. A fait preuve dans les nombreuses opérations du Maintien de l’Ordre auxquelles il a participé, en Haute-Savoie, dans le Vercors et en Saône-et-Loire, d’un courage calme et réfléchi qui lui avait déjà valu pendant les deux dernières guerres les plus élogieuses citations. S’est particulièrement distingué en Saône-et-Loire où, se trouvant isolé avec de faibles forces, il est parvenu grâce à son énergie, à contenir des éléments rebelles très supérieurs en nombre et à rester maître de la situation.
Fait à Vichy, le 6 juillet 1944, Pierre Laval167. »
33Entre-temps, il a été muté à Lyon où il occupe des fonctions similaires comme « directeur des opérations de maintien de l’ordre pour la région lyonnaise ». Il retrouve donc la ville de ses débuts sous Vichy et s’installe le 20 juin 1944 au 19 rue Duquesne. Curieusement, il reprend aussitôt à son service comme secrétaire particulier un certain Louis Macé168. Ce dernier désormais membre du cabinet de l’Intendant au maintien de l’ordre avait déjà été son secrétaire à l’époque où il était responsable de la mise en place du CIE et des GP de Groussard. Ce faisant, une confusion s’est installée de manière durable après-guerre169 autour de ce dernier poste à travers lequel de Bernonville est souvent présenté comme Intendant au maintien de l’ordre170. Un statut qu’il n’a jamais eu à ma connaissance. Son titre, fluctuant au demeurant selon les sources, est toujours celui de chef ou de directeur des opérations ou des forces du maintien de l’ordre pour la région lyonnaise. Il est et reste donc, comme le mentionne sa citation à l’ordre de la nation, un « chef de corps » de la Milice qui, à l’instar de sa mission en Bourgogne, coordonne sur le terrain un ensemble des forces opérationnelles de maintien de l’ordre. Dans cette dernière région, lorsqu’il transmettait ses rapports à ses supérieurs hiérarchiques, il les envoyait d’ailleurs à l’Intendant général au maintien de l’ordre de Dijon et à l’intendant général du maintien de l’ordre de Lyon. Notons cependant que la loi du 15 avril 1944 transformait les intendants régionaux de police en intendants du maintien de l’ordre et dépossédait largement l’autorité préfectorale de ses prérogatives171. De ce fait, les nouveaux intendants du maintien de l’ordre, parmi lesquels des miliciens parfois172, avaient la faculté de déléguer une partie de leur pouvoir, notamment pour des fonctions de commandement, à caractère plus opérationnel, des forces de maintien de l’ordre sur le terrain. C’est visiblement le cas de Jacques de Bernonville. Un peu comme Paul Touvier, pourtant officiellement chef régional du 2e service de la Milice à Lyon, fut nommé au printemps 1944 « chargé de mission au maintien de l’ordre173 ».
34Du reste, on ne sait pas grand chose du passage de Bernonville à Lyon entre le 20 juin et le 23 août 1944. Le seul événement marquant dont les archives consultées semblent avoir conservé la trace, c’est l’affaire des exécutions sommaires de Mâcon le 28 juin 1944, en représailles à l’assassinat de Philippe Henriot, tué par la Résistance. Ce jour-là, à l’annonce de la mort d’Henriot à la radio, les miliciens de Mâcon sur ordre de leurs chefs, Clavier et Terrel, décident d’exécuter immédiatement 7 personnes en plein jour, chez elles ou dans la rue174. Un temps soupçonné d’avoir couvert ces crimes, de Bernonville est disculpé sur ce premier volet de l’affaire, comme le prouve le témoignage, plutôt à décharge, de l’ex-maire de Mâcon, Monsieur Poulachon :
« Le préfet Thoumas partit à Vichy pour rendre compte de ces faits. Une commission d’enquête vint de Vichy quelques jours après, elle m’entendit à la préfecture ainsi que les parents des victimes. Peu après, M. Thoumas, décidé à obtenir des sanctions exemplaires contre les miliciens coupables me demande de l’accompagner à Lyon auprès de Bernonville, chef régional de la Milice. Nous nous rendons auprès de celui-ci, rue Duquesne. De Bernonville promet de faire passer Clavier et Terrel en cour martiale pour assassinat et pillage. Devant nous, il téléphone et leur donne l’ordre de venir à Lyon où, nous dit-il, il les fera arrêter aussitôt. Nous apprenons à quelques jours de là qu’ils sont écroués à Saint Paul175. »
35Il est vrai que cette initiative de Clavier, ajoutée à l’exécution de Mandel, suscita de très vives réactions dans l’opinion comme au gouvernement. Darnand lui-même piqua une grosse colère contre ces actions intempestives : « Vous ne faites tous que des conneries ! Il faudrait être sans cesse sur votre dos. Le président Laval est fou furieux. Si cela continue, je vais dissoudre la Milice. Qu’est-ce que c’est que ces conneries répétées ? Clavier à Mâcon bousille sept personnes en représailles à l’assassinat de Philippe Henriot… Knipping fait abattre Mandel… Vous êtes tous fous176 ! » Dans un premier temps, de Bernonville ne fait donc vraisemblablement qu’exécuter les consignes de fermeté de Darnand. D’ailleurs, pour Jacques Delperrié de Bayac, c’est sur l’ordre direct de Darnand que Clavier est incarcéré à Lyon177. Pour autant, cela n’empêchera pas Bernonville d’être mis en cause quelques semaines plus tard pour complicité d’évasion des fameux Clavier et Terrel. En effet conjointement à Pierre Lacomme, ex-directeur régional de l’administration pénitentiaire à Lyon, il est reconnu coupable de connivence d’évasion « des détenus Clavier et Terrel (miliciens détenus à la prison Saint Joseph) et de Biuso (écroué à Saint Paul) le 21 août 1944178 ». La justice milicienne atteint vite ses limites lorsqu’elle s’exerce contre les siens : « Clavier sera finalement extrait de sa cellule grâce à une levée d’écrou parfaitement illégale signée par le chef Bernonville. Avec lui, un comparse François Terrel et le secrétaire général de l’Union française, un certain Michel Biuso, haut personnage arrêté pour vol et escroquerie, accusé d’avoir rançonné un israélite179. » Pour être complet, signalons qu’en dehors de cette affaire, on ne connaît rien de ces activités réelles et quotidiennes à Lyon. Une enquête de la Libération précisera même : « Il est à noter que de Bernonville ne s’est pas fait connaître sous son vrai jour à Lyon où aucun acte de violence et aucune atrocité n’est à lui imputer180. » Certaines indications laissent cependant supposer que de Bernonville, de retour à Lyon en juin-juillet 1944, y travaillait régulièrement avec l’Abwehr, en particulier le colonel Dernbach et le capitaine Evans (de l’Ast de Lyon181). Si l’on en croit le témoignage suivant, il s’agirait un peu d’un retour aux sources :
« J’ai eu l’occasion de connaître de Bernonville à Lyon où il était chef des gardes de Pétain (GP), sorte de police auxiliaire spéciale qui n’eut qu’une durée éphémère. Cela se passait en mars-avril 1941, mais au mois d’octobre ou novembre je recevais une cinquantaine de photos anthropométriques de de Bernonville recherché parce qu’il circulait indûment dans une voiture faussement immatriculée à l’Armée et était soupçonné de faire du renseignement pour les services allemands182. »
36Au moment où s’achève la carrière du milicien de Bernonville, on ne peut être que frappé par la convergence de son profil idéologique et sociologique avec celui de nombreux cadres de la Milice : « Des anciens combattants qui ont fait une belle guerre 14-18 […], des individus issus de l’extrême droite ligueuse, souvent imprégnés de maurrassisme […], nombre d’entre eux sont des catholiques convaincus et pratiquants183. » Des hommes que l’anticommunisme de combat fait basculer dans la collaboration la plus radicale jusqu’à accepter la logique de guerre civile. Des militants qui, forts de leur culture politique antérieure d’essence réactionnaire, optent d’abord pour un pétainisme pur et dur puis évoluent vers le collaborationnisme d’État quand ils ne finissent pas sous l’uniforme allemand… un comble pour des « patriotes » souvent peu ou pas germanophiles au départ. Jacques Dugé de Bernonville est clairement de cette catégorie sachant que le portrait qui se dégage de son action est très différent de celui brossé après-guerre au Canada par ses défenseurs. On est très loin du patriote idéaliste, exalté, héroïque et chevaleresque vanté par Rumilly et ses partisans. À la veille de la Libération, « le preux défenseur de la civilisation chrétienne et occidentale » de Bernonville est un homme qui, de toute évidence, a « du sang sur les mains » et s’est profondément compromis avec les Allemands. Une trajectoire qui en rappelle d’autres et notamment celle de son chef Darnand avec qui il partage un dernier repas à Lyon, au 19 rue Duquesne, le 6 août 1944184. Bien entendu, tout cela est d’abord affaire de choix et il n’existe dans le domaine ni déterminisme absolu, ni fatalité : d’autres hommes issus de la même mouvance et confrontés aux mêmes événements ont pris des options différentes voire strictement inverses185.
L’impossible sortie de guerre
La fuite
37Tous les témoignages convergent pour affirmer que de Bernonville quitte Lyon le 23 août 1944 dans le convoi de l’antenne lyonnaise de l’Abwehr : « Dans l’audition du nommé Pennors Robert, alias Trebor, agent de l’Ast de Lyon, équipe du capitaine Evans entendu par la ST de Lyon le 17.12.1944, on relève que de Bernonville a quitté Lyon avec l’Ast le 23.8.1944, à destination de l’Allemagne en compagnie du colonel Dernbach, du major Kopf et du capitaine Evans186. »
38En fait, il gagne en leur compagnie Klimbach, une localité près de Wissembourg (Bas-Rhin, Alsace). De Bernonville ne participe donc pas au repli massif de la Milice vers l’est via Nancy et Belfort187. Il n’ira pas davantage à Sigmaringen, peut-être parce que « sa » guerre n’est pas terminée. En effet, des sources concordantes188 indiquent qu’à Klimbach, il suit un stage « radio et chiffre » de 3 à 4 semaines, à l’issue duquel il aurait été parachuté en France dans la région de Chartres avec un poste émetteur et 3 millions de Francs en poche189. Si ces « écoles de sabotage », sous le contrôle de l’Abwehr notamment, sont bien attestées, leur échec apparaît patent et « selon les dires de Darnand, seuls quatre ou cinq miliciens ont été effectivement parachutés en France190 ». De Bernonville fut-il du lot ? Impossible à savoir puisqu’à partir de cette date, on perd sa trace pour ne la retrouver qu’au Canada. Selon toute vraisemblance, de Bernonville ne franchit pas la frontière allemande devant l’avancée des alliés et reste en France. Seule manifestation tangible de son existence, la justice constatera qu’il « a émis le 24 juin 1946, un chèque de 26 000 francs sur un compte de la BNCI à Paris, à l’ordre de son épouse qui l’a encaissé immédiatement191 ». Un signe d’une vie clandestine en France, qui passe pour partie par des établissements religieux, jusqu’à son départ pour le Canada en novembre 1946192. Durant cette période, il se forge également une nouvelle identité au nom de Jacques Benoît. Un état civil qui va susciter beaucoup d’interrogations au Canada après son arrestation. Dans un premier temps, il fut suspecté d’avoir usurpé l’identité d’un officier canadien arrêté et exécuté par ses soins lors des opérations de la Milice dans le Vercors193. Une grave accusation, démentie par plusieurs ex-miliciens incarcérés194 et qui se révélera totalement fantaisiste. Lui-même, une fois au Québec et toujours fidèle à sa légende, laissera entendre qu’il a choisi ce pseudonyme en hommage à un Saint particulièrement vénéré, qui a guidé ses pas vers le Canada195. Une allusion, à peine voilée, à l’hospitalité religieuse dont il a effectivement bénéficié en France en 1945-1946, en particulier dans des maisons bénédictines. Mais, comme souvent avec lui, la réalité est plus pragmatique et in fine moins glorieuse puisque selon l’enquête des services consulaires français, il semblerait que le passeport de Jacques Benoît, lieutenant de l’armée canadienne tué devant Falaise le 20 août 1944, « ait été vendu par la veuve de celui-ci, une femme de moralité douteuse qui se trouvait en France en 1946196 ».
Les poursuites judiciaires
39À la Libération, au regard de ses différentes fonctions exercées sous l’Occupation, Jacques Dugé de Bernonville tombe sous le coup d’au moins cinq mandats d’arrêts197 :
mandat d’arrêt du 18 octobre 1944 de Monsieur Berry, juge d’instruction près de la Cour de Justice de la Seine pour Atteinte à la sûreté extérieure de l’État (ASEE).
mandat d’arrêt du 25 janvier 1945 de Monsieur Dupré, juge d’instruction près de la Cour de Justice de la Drôme, pour ASEE : séquestration arbitraire, incendies volontaires, violences, vols.
mandat d’arrêt du 28 mai 1945 de Monsieur Blot, juge d’instruction près de la Section départementale de Chalon-sur-Saône de la Cour de Justice de Dijon pour ASEE.
mandat d’arrêt du 26 février 1946 de Monsieur Kerflik [Kuflik], juge d’instruction près de la Cour de Justice de Lyon, pour trahison (ce mandat remplace et annule, un précédent mandat d’arrêt de septembre 1944 de Monsieur Hébrard, juge d’instruction près de la Cour de Justice de Lyon, pour « connivence d’évasion de détenus »)
40L’ensemble débouche sur une double condamnation à mort par contumace :
Arrêt de contumace de la 2e sous-section de la Cour de Justice de Côte d’Or198 en date du 4 juin 1946 pour ASEE.
Arrêt de contumace de la Cour de Justice de Toulouse en date du 8 octobre 1947 pour trahison.
41En fait, comme souvent, le fonctionnement de la justice de la Libération va s’avérer plus cohérent qu’il n’y paraît et les principales incriminations ont été scindées en deux procédures différentes mais complémentaires. D’une part, son action en matière de maintien de l’ordre, en Bourgogne au titre de la Milice a été instruite et jugée par la Cour de Justice de la Côte d’Or. D’autre part, ses autres missions « spéciales » (Phalange Africaine, CVF-Équipe) lorsqu’il était en poste à Paris, Lyon ou Afrique du Nord et plus encore ses relations privilégiées avec les Allemands (Waffen SS, SD, Abwehr), ont été, dans un premier temps, assez logiquement déférées devant la Cour de Justice de la Seine. C’est seulement dans un second temps et sans doute pour désengorger un trop grand nombre de dossiers encore à l’instruction ou en attente de jugement, que la Cour de Justice de la Seine s’est dessaisie de ses inculpations contre Bernonville en faveur de la Cour de Justice de Toulouse. Une pratique somme toute assez fréquente à l’époque en fonction de la chronologie et du volume d’affaires à traiter dans les différents districts judiciaires. En tout cas, rien qui ne puisse justifier les railleries ou pire la suspicion en illégitimité voire illégalité du jugement de Toulouse, au prétexte que Bernonville n’y a jamais résidé ou exercé sous l’Occupation. C’est bien au titre de griefs reprochés et instruits à Paris qu’il est jugé à Toulouse en vertu d’une procédure de dessaisissement in fine assez ordinaire, y compris en ces temps de « justice d’exception ». Les fréquentes critiques émises au Canada après-guerre à ce sujet par les défenseurs et partisans de Bernonville ne sont donc nullement fondées.
42Même si Jacques de Bernonville a choisi l’exil, il est utile de rappeler que son retour en France aurait été juridiquement possible dès 1967. En effet, ses deux peines principales – à savoir les condamnations à mort de Dijon du 4 juin 1946 et de Toulouse du 8 octobre 1947 – avaient été respectivement prescrites à échéance du délai légal de 20 ans, soit le 4 juin 1966 et le 8 octobre 1967. À compter de cette date, il restait seulement sous le coup d’incapacités subsidiaires199 et était notamment frappé d’interdiction de séjour pour 5 ans dans les lieux suivants : ville de Paris et les départements Hauts-de-Seine, Seine-St-Denis, Val de Marne, Essonne, Yvelines, Val-d’Oise, Seine-et-Marne, Saône-et-Loire, Rhône, Ain, Isère, Loire, Allier, Nièvre, Côte-d’Or, Jura200. Visiblement, Jacques de Bernonville en avait décidé autrement ou avait refait sa vie ailleurs… et il décédera au Brésil de manière brutale le 27 avril 1972, juste avant que ses ultimes mesures d’interdiction de séjour n’expirent définitivement à l’issue des cinq ans légaux.
L’exil
43Malgré l’usage du singulier, il semble bien que de Bernonville ait finalement connu deux exils assez différents. Un premier, dont il a été largement question dans les parties précédentes, au Canada entre 1946 et 1951201 et un second au Brésil de 1951 à 1972 : l’un plutôt court mais très agité et de ce fait très bien documenté, l’autre plus long mais discret et pour cette raison moins renseigné202. Autre différence de nature, si le premier exil est clairement familial, le second semble plus solitaire. C’est en effet seul que Jacques de Bernonville embarque à bord d’un avion KLM à destination du Brésil le 17 août 1951. La presse indique alors que sa famille doit l’y rejoindre prochainement et Camillien Houde, le mois suivant, en formule également le vœu : « Je souhaite que le jour soit proche où vous serez réuni à votre famille de façon définitive et dans un pays qui vous accueillera avec plus d’empressement que le mien203. » Est-ce que ce fut le cas ? Ce n’est pas certain, du moins pour l’ensemble de la famille. Il est vrai, par exemple, que les conditions même de son assassinat et de la découverte a posteriori de son corps incitent à penser qu’il vivait désormais seul204. De plus, dans sa correspondance avec Jean Bruchési, il indique en 1959 « qu’il rencontre sa famille une fois l’an en Espagne205 ». Différente aussi est l’attitude de la France. Au Canada, on l’a vu, elle hésite et finalement renonce à demander l’extradition de son ressortissant. Cette fois, s’agissant du Brésil, le gouvernement français n’a pas cette prévention et réclame dès mars 1952 son retour en France pour y être jugé. Une sorte d’affaire Bernonville-bis à la brésilienne sur laquelle je ne sais rien sinon son issue définitivement favorable à l’intéressé en octobre 1956, sur décision de la cour fédérale du Brésil.
44Entre-temps, Jacques de Bernonville a de nouveau été sévèrement mis en cause dans la presse et l’opinion brésiliennes. Il s’en émeut d’ailleurs près de son protecteur de toujours Robert Rumilly :
« Ici, cela a dépassé toutes les limites de l’abjection : gauleiter des plus cruels dans l’histoire du nazi-fascisme, bandit, assassin de centaines de “patriotes”, incendiaire, pillard, tortureur, homme dont le cœur n’a aucun sentiment français et chrétien… tellement cruel que les occupants eux-mêmes ont demandé sa substitution, a reçu des millions pour trahir. Voilà quelques informations “officielles” données par l’ambassade de France206. »
45Yves Lavertu suggère que l’offensive contre Bernonville, menée par l’ambassade de France, fut en grande partie orchestrée par un certain Maurice Duclos, alias Saint Jacques. Issu de l’extrême droite cagoularde, ce dernier a rejoint de Gaulle dès l’été 1940. Membre du BCRA et compagnon de la Libération, il incarne donc l’option diamétralement opposée à celle choisie par Bernonville : « Duclos est en fait représentatif de ces patriotes intransigeants qui se sont séparés de l’extrême droite maurassienne après la défaite, en faisant passer leur désir de continuer à se battre avant leur allergie à la IIIe République207. » Existait-il, pour cette raison ou une autre, une animosité particulière entre les deux hommes ? Dans tous les cas, Maurice Duclos s’installe également après-guerre en Amérique latine où il anime les réseaux des Français libres. Petite réserve cependant à la théorie séduisante d’Yves Lavertu, Duclos vivait plutôt en Argentine qu’au Brésil208.
46Que fait Jacques de Bernonville au Brésil ? Dans un premier temps il trouve refuge, une fois encore, dans un couvent à Rio de Janeiro, le « Convento San Antonio, Largo da Carioca ». Une situation qui fait dire à son ami Houde : « Je vois que vous vous êtes réfugié dans un couvent à Rio de Janeiro. Si ce n’est pas un mousquetaire au couvent, c’est sûrement un grand chevalier209 ! » Quelques semaines plus tard, il gagne l’État de São Paulo et s’installe à la Fazenda Rio Corrente à Porto Ferreira210. En 1968, il envoie à Robert Rumilly sa « nouvelle adresse » à Rio : Creations Rochet de Papel de Parede Ltda, Lojas 306e 307-Centro Commercial, Avenida N. S. de Copacabana, 581211. Enfin, le récit de sa mort précise qu’il vivait dans un appartement à Lupa, un quartier populaire de Rio. Au moment de sa mort, il travaillait pour un organisme paragouvernemental l’Institut économique de Rio. On le voit, le bilan est maigre pour résumer près de 20 ans d’une vie.
47On relève cependant qu’il reste en contact épistolaire régulier avec ses amis canadiens : Houde, Rumilly, Bruchési. Par ce biais, on peut au moins constater que son état d’esprit n’a pas changé et que globalement il ne regrette rien. Non seulement, il proteste toujours de son innocence et de son patriotisme « dont personne n’a le monopole », mais il persiste à considérer qu’il n’a fait qu’obéir « au gouvernement légitime et légal de France […] au service d’un chef prestigieux212 ». Il est vrai que l’intéressé a parfois la mémoire courte. Ainsi, il s’est toujours montré très évasif sur la période « chargé de mission au ministère de l’Éducation nationale » à Paris en 1942-1943. Au Canada déjà, il livrait à son avocat, Maître Bourdon, une version volontairement très aseptisée de cette période parisienne « sans aucune mission particulière, rien d’officiel. Comme beaucoup d’officiers, on attendait. Étant officier sans emploi, je me suis occupé à organiser ma vie sans mission officielle, comme dans la vie civile, comme un grand nombre d’officiers militaires qui n’avaient plus d’emploi sous l’Occupation. En 1944, j’ai eu quelques missions213 ». En 1968, interrogé par Robert Aron qui travaille à son histoire de l’épuration, il apporte des réponses lapidaires. À la question sur ses activités sous l’Occupation, il résume : « 1943 Milice – 1944 Maintien de l’ordre. » Quant aux conditions de sa fuite, il daigne préciser : « Jusqu’en 1947, clandestinité. Arrivée au Canada avec un passeport remis par quelqu’un qui me voulait du bien214. » Mieux, il continue à se poser en victime « d’une machination antichrétienne, communiste et… juive215 ». En mars 1968, vingt ans après la déclaration précédente, il écrit toujours « dans un temps d’imposture, je trouve d’ailleurs tout à fait normal qu’un Français de vieille souche soit dénoncé par un fils de juif balte fraîchement naturalisé. C’est tout216 ».
48D’ailleurs il se sent ou se dira à plusieurs reprises menacé par les communistes mais aussi plus tardivement par les nazis ou leurs amis217. Lors de son assassinat, une rumeur persistante suggérera que, rédigeant ses mémoires, de Bernonville aurait été éliminé par ses anciens « amis ». Certains journalistes brésiliens y verront même la main de Klaus Barbie, tout récemment démasqué en Bolivie sous la fausse identité d’Altmann218, et qui aurait craint des révélations à son sujet par un homme ayant « travaillé » comme lui à Lyon. Ainsi, Dirceu Aives du Diaro Da Noite ne croit pas au crime crapuleux d’un homme étranglé avec sa propre cravate par le fils de sa domestique sous l’emprise de l’alcool et du haschisch219. Il n’adhère pas davantage au mobile du vol. Il soupçonne au contraire la présence d’un complice ou d’un commanditaire. Il se demande alors si l’assassin n’était pas à la solde de Klaus Barbie présenté comme une « vieille connaissance » de Bernonville à Lyon220. Une hypothèse qui montre que dès cette époque le destin des deux hommes est lié. On a déjà souligné précédemment combien cette image de collaborateur direct voire de véritable bras droit de Barbie va coller ensuite à la peau de Bernonville pendant toutes les années 1980-1990221. De manière plus discrète mais néanmoins perceptible, on assiste au même phénomène avec Touvier. Il est vrai que la réapparition de Barbie-Altmann, la mort brutale de Dugé de Bernonville et le début de l’affaire Touvier constituent en mai-juin 1972 une convergence remarquable apte à raviver « les pires souvenirs de l’Occupation dans la région lyonnaise222 ». Pour autant, la relation entre Touvier et Bernonville reste difficile à établir. Certes, au regard de leur commune appartenance à la Milice et de leurs fonctions respectives à Lyon à la fin de l’Occupation, il est possible et même plausible qu’ils se soient rencontrés. De même, il est probable qu’ils aient fréquenté des refuges religieux identiques après-guerre (Solesmes par exemple) sans que l’on sache s’ils s’y sont croisés. Ce faisant, ils incarnent deux profils miliciens différents l’un plus « politique » (Touvier) et l’autre plus militaire (Bernonville). Il est symptomatique aussi de constater que le rapport Touvier ne mentionne jamais Bernonville. L’inverse est également vrai, et le nom de Touvier n’apparaît nulle part dans les sources consultées autour de Bernonville. Ces éléments objectifs n’empêchent pas la mémoire collective canadienne de confondre leurs trajectoires de manière assez systématique à compter des années 1990223. Certains verront même Touvier au Québec en 1993. Sous le titre « Paul Touvier recueilli dans un monastère québécois ? », on peut lire dans Le Devoir du samedi 12 juin 1993 :
« “Les services d’immigration canadiens sont prévenus du possible départ de Paul Touvier de la France vers le Canada”, a déclaré dans une interview à Reuter le chasseur de nazis canadien Sol Littman, directeur de l’antenne canadienne du centre Simon Wiesenthal. “Notre directeur parisien a été informé par un haut fonctionnaire français, qui s’est montré digne de confiance dans le passé, que Touvier avait peut-être discrètement quitté la France, et que l’un des endroits où il pourrait avoir trouvé refuge serait le Québec”, a ajouté Sol Littman. “La province du Québec semble un lieu d’élection logique, car de nombreux hauts représentants de Vichy y ont trouvé refuge […] Touvier pourrait être recueilli dans un monastère” précise-t-il. Jacques de Bernonville, un proche de Touvier durant la guerre, avait fui au Québec déguisé en prêtre avant d’être découvert dans les années 1950224. »
49Une hypothèse, fantaisiste dans le cas présent mais néanmoins tout à fait crédible si l’on en croit François Bédarida qui, dans un entretien accordé au journal québécois La Presse en 1995, indiquait qu’« après 1972, on a offert à Touvier de partir au Québec, où tout avait été arrangé pour son refuge. Mais, il a refusé car il ne s’est jamais repenti et ne voyait aucune raison de fuir225 ». Toujours est-il que cette forme de réminiscence Touvier-Bernonville ne cessera plus, d’autant que la presse québécoise assurera un suivi attentif du procès Touvier en France. Il est vrai que, sur le plan du raisonnement théorique, les similitudes ne manquent pas entre leurs deux parcours (culture politique et religieuse initiale, Milice après un passage au SOL, rôle de l’Église dans la fuite) jusqu’à leurs deux « protecteurs » respectifs qui sont parfois comparés. John Hellman établit ainsi un parallèle tentant entre le combat inlassable de Robert Rumilly pour Bernonville et celui de Mgr Duquaire au service de Touvier226.
50Sans accréditer la théorie du complot d’ex-nazis qui auraient fait exécuter Bernonville pour se débarrasser d’un témoin gênant, Yves Lavertu avance néanmoins l’idée, qu’au cours de son séjour en Amérique latine, il serait entré en contact avec « d’anciens nazis réfugiés au Brésil ou dans les pays environnants227 ». Il est vrai qu’ils y étaient particulièrement nombreux et que Bernonville a pu trouver un environnement a priori favorable en arrivant dans le Brésil de Vargas228. Les archives diplomatiques françaises de l’époque soulignent bien comment certaines colonies étrangères sont agitées par une propagande « nostalgique » de régimes déchus ou « révisionniste » dans sa lecture de la guerre.
51C’est vrai des Allemands de l’État de Santa Catarina :
« Descendants de pionniers allemands ou de suisse alémanique, ces “Allemands” forment la majorité de la population des cités les plus industrielles. […] Avant-guerre ils appartenaient majoritairement au parti des “intégralistes”, un parti qui s’inspirait des doctrines et méthodes hitlériennes. […] Aujourd’hui maints d’entre eux éprouvent la nostalgie d’une époque où ils dominaient et cherchent à se regrouper sans tenter pour autant de reconstituer les clubs, les groupements de jeunesse et le parti nazi229. »
52Mais aussi de la communauté hongroise de São Paulo :
« Il s’agit d’une colonie constituée au lendemain du traité de Trianon par des paysans venus des provinces annexées à la Roumanie et à la Yougoslavie, renforcée ces dernières années par des membres de l’aristocratie et des professions libérales ou par d’anciens “croix fléchées” fuyant au même titre le régime bolchevique. […] Bien que divisée politiquement entre conservateurs catholiques et libéraux protestants […] elle avait suivi spontanément jusqu’ici les directives de l’ancien régent Horthy qui lui avait demandé dans un message assez récent de rester uni et de travailler à la restauration de Othon de Habsbourg dans un État fédéral Austro-hongrois. […] Cette unité vient d’être mise à l’épreuve par un groupe d’anciens Croix fléchées dirigé par Csuros Zoltan et Hollosi Varga dit Gal, qui via des réunions publiques et leur périodique Magyar Egysèg incitent désormais leurs compatriotes à rejeter la politique de Horthy230. »
53Sans oublier les Japonais, particulièrement nombreux dans le pays :
« C’est que le japonais garde les yeux tournés vers sa patrie. D’une façon générale, comme beaucoup d’Allemands du Brésil, il ne saisit pas l’ampleur de la défaite. Nombreux sont ceux qui tiennent pour une fable la capitulation sur le Missouri : notre empereur ne gouverne-t-il pas toujours ? disent-ils231. »
54Les mêmes rapports indiquent, qu’au sortir de la guerre, la communauté était travaillée par des sectes ultranationalistes, surveillées par la police brésilienne.
« Pendant la période 1942-1952, la colonie japonaise connut des tiraillements et une grande agitation, qui atteignit son paroxysme à l’issue de la guerre avec l’apparition de sociétés secrètes. Constituées de fanatiques qui n’acceptaient pas la défaite de leur pays, ces sociétés firent régner pendant plusieurs années un climat de terrorisme au sein de la colonie japonaise232. »
55Mieux, et preuve de leur influence grandissante en ces temps de guerre froide, certaines associations de réfugiés politiques ayant fui l’Europe de l’Est communiste obtiennent une quasi « reconnaissance diplomatique » au Brésil à compter de 1954.
« Des réfugiés politiques venus des pays d’Europe centrale tombés dans l’obédience communiste – tout spécialement des Tchèques, Hongrois et Roumains-avaient fondé depuis longtemps au Brésil diverses associations. […] Le rôle de ces associations vient de se trouver profondément modifié, les autorités brésiliennes ayant décidé de les considérer, à divers titres, comme de véritables établissements consulaires. C’est ainsi que le ministère des relations extérieures s’est engagé à prendre leur avis chaque fois que lui sera soumise une demande de visa intéressant un ressortissant de l’un de ces pays situé derrière le rideau de fer233. »
56Lorsque l’on sait que certaines organisations italiennes bénéficiaient également dans ce pays de relais importants fournissant « travail et assistance à un grand nombre d’ex-fascistes234 », le Brésil était finalement un bon choix pour le « réprouvé » Bernonville235.
57D’ailleurs en 1968, il s’en félicitait plutôt : « Je suis maintenant Brésilien, à part entière et je m’en réjouis. Le jugement par le Supremo Tribunal Federal il y a quelques années, en ma faveur, à l’unanimité est sans recours et personne ne peut me toucher. Comme me disait un Bénédictin de mes amis : en somme, la Providence a bien conduit vos pas236… »
*
58« Chef milicien particulièrement énergique237 », « monarchiste dont le fanatisme n’a d’équivalent que celui de son chef », « combattant dans l’âme238 », « mystique à vous glacer les os239 » : sans doute Jacques Dugé de Bernonville fut-il tout cela et bien autre chose encore que ce modeste essai biographique n’a pas été en mesure de restituer. Comme on pouvait s’y attendre, bien des zones d’ombre demeurent qui empêchent l’historien de saisir l’unité ou la vérité du personnage historique qu’il fut vraiment. Chemin faisant, l’accompagner dans son parcours sinueux et parfois mystérieux n’a pas été inutile. Grâce à lui, on accède à des créations Vichystes, peu renseignées jusqu’alors (La Légion tricolore, La Phalange Africaine, le Corps des volontaires français, l’Équipe). Des structures moins importantes par leurs résultats immédiats (souvent limités voire inexistants) que par leur projet initial. En effet, ces initiatives ont la particularité de naître dans les allées mêmes du pouvoir voire dans l’entourage immédiat du Maréchal (Ménétrel) et ce, contrairement à bon nombre de propositions équivalentes fruits des élucubrations des collaborationnistes parisiens. Dès lors, suivre de Bernonville, c’est plonger au cœur de la pluralité des oppositions qui traversent l’État français pour aller à la rencontre des ultras de la collaboration d’État. Des hommes comme Dugé de Bernonville, Platon, Bonnard, Darnand qui très tôt240 plaident pour une collaboration totale et radicale avec les Allemands au risque d’un renversement des alliances. Abel Bonnard, mentor de Bernonville avant-guerre puis de septembre 1942 à février 1944, est l’archétype de cette option hybride entre collaborationnisme et collaboration d’État. Marc Olivier Baruch nous explique d’ailleurs qu’il fut sans doute l’un des ministres de Vichy qui s’employa le plus à faire pénétrer la Milice dans son administration241. Des positions extrêmes qui conduisirent le « patriote242 » Dugé de Bernonville à s’enrôler dans la Waffen SS et sans doute plus durablement à travailler au service de l’Abwehr. Cotoyer de Bernonville, c’est aussi pénétrer le monde des polices à l’œuvre sous Vichy et confirmer l’idée de Jean-Marc Berlière selon laquelle le CIE et le GP du colonel Groussard (été 1940) ont constitué à la fois le prototype et le vivier des nombreuses officines policières qui vont fleurir sous l’Occupation. Enfin, et ce n’est pas la facette la moins surprenante du personnage, il entretient une relation régulière et a priori privilégiée avec le Comte de Paris243. Un prince qui comme Bernonville et certains de ses amis a sans doute caressé des espoirs ou velléités de Restauration. Un héritier royal que non seulement Bernonville a pu côtoyer en toute quiétude lors de son séjour au Maroc entre octobre 1941 et septembre 1942 mais qui apparaît aussi dans l’Équipe. Un homme avec qui il correspond à plusieurs reprises au cabinet d’Abel Bonnard et qui lui apporte son fidèle concours pour entrer au Brésil en 1951. Une version défendue, on l’a vu précédemment par les diplomates français, mais également confirmé indirectement par le principal intéressé à son ami Jean Bruchési244.
59À la lumière de cet épisode « princier », force est d’admettre que marchant le plus souvent hors des sentiers battus, Jacques Dugé de Bernonville, au risque de se perdre parfois, avait sans doute choisi de se construire un destin hors du commun.
Notes de bas de page
1 François Dosse, « Biographie, prosopographie », dans Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Nicolas Offenstadt (dir.), Historiographies. Concepts et débats, tome I, Paris, Gallimard, Folio histoire, 2010, p. 85.
2 La place de l’acteur en histoire et son interaction à l’événement mais aussi sa capacité à s’y singulariser ou autonomiser sont autant de perspectives et de clés de compréhension de la réalité historique. Christian Delacroix, « Acteur », dans Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Nicolas Offenstadt (dir.), Historiographies. Concepts et débats, op. cit., p. 651-663.
3 « L’histoire des gens ordinaires », dans Jean-Claude Ruano-Borbalan, L’Histoire aujourd’hui, Auxerre, Sciences Humaines éditions, 1999, p. 237-269. Notons néanmoins qu’au sein des collections spécialisées en biographie, une surreprésentation des « élites » ou des « personnages célèbres » demeure nettement perceptible.
4 Alain Corbin, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu 1798-1876, Paris, Flammarion, 1998.
5 Outre les sources diplomatiques (MAE, CADN) assez riches, on l’a vu précédemment, sur l’affaire Bernonville, le présent essai biographique s’appuie principalement sur deux types de fonds : 1./les dossiers de procédure judicaire contre l’intéressé devant les cours de justice de Dijon (ADCO) puis Toulouse (ADHG), 2./un important dossier à son nom conservé aux archives nationales’, dans les dossiers, dits « du coffre », relevant du fichier central de la Direction générale de la Sûreté nationale.
6 Arlette Farge, « L’histoire sociale », dans François Bédarida (dir.), L’histoire et le métier d’historien en France 1945-1995, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1995, p. 297.
7 René Rémond (dir.), Touvier et l’Église. Rapport de la Commission historique, Paris, Fayard, 1992, p. 21.
8 De manière rapide voire allusive le plus souvent. À l’exception notable de l’ouvrage canadien d’Yves Lavertu (qui ne traite pas des sources françaises), en France, le portrait le plus complet est l’article de Laurent Joly, « Jacques de Bernonville : de la Cagoule à la Waffen SS », dans Les Collabos, Paris, Éditions Les Echappés, 2011, p. 102-109. Ce livre reprend 13 portraits originaux de collaborateurs initialement publiés par l’auteur dans Charlie Hebdo. Sans prétendre à l’exhaustivité, Jacques de Bernonville est aussi référencé dans : Pascal Ory, Les collaborateurs 1940-1945, Paris, Le Seuil, 1976 ; Dominique Venner, Histoire de la collaboration, Paris, Pygmalion, 2000 (Il importe ici de souligner le caractère singulier de cette « somme » qui n’échappe pas aux convictions de l’auteur mais bénéficie inversement d’une information assez complète sur un milieu que l’auteur connaît bien « de l’intérieur ») ; Philippe Bourdrel, Les cagoulards dans la guerre, Paris, Albin Michel, 2009 ; Gérard Chauvy, Histoire sombre de la Milice, Ixelles éditions, 2012 ; Jean-Marc Berlière, François Le Goarant de Tromelin, Liaisons dangereuses. Miliciens, truands, Résistants Paris 1944, Paris, Perrin, 2013 ; Philippe Valode, Le destin des hommes de Pétain de 1945 à nos jours, Paris, Nouveau monde éditions, 2014.
9 J’use par commodité indifféremment de son nom complet de Jacques Dugé de Bernonville ou de sa version réduite à la seule mention Jacques de Bernonville, sachant que lui-même signe souvent sa correspondance ainsi.
10 Il dispose ainsi de deux entrées en index dans Jacques Delperrié de Bayac, Histoire de la Milice 1918-1945, Paris, Fayard, rééd 2004, (1re édition 1969), alors qu’en y regardant de plus près Charles de Bernonville et Jacques Dugé de Bernonville ne font bien qu’un seul et même personnage (Charles est son second prénom). Pierre Giolitto dans son Histoire de la Milice, Paris, Perrin, 1997 reproduit la même confusion. Même chose dans Philippe Bourdrel, La grande débâcle de la collaboration, Paris, Le Cherche midi, 2007, on y retrouve un Charles Dugé de Bernonville qui, après-guerre, « part en Amérique du Sud et sera assassiné à Rio de Janeiro en 1965 » (sic ?), p. 250. Chez Fred Kupferman, Le procès de Vichy : Pucheu, Pétain, Laval, Bruxelles, Complexe, 1980, le chef milicien devient Charles de Beurnonville, p. 166 et 185. Enfin, dans Jean-Marc Berlière et Laurent Chabrun, Les policiers français sous l’Occupation, Paris, Perrin, 2001, le commandant « fanatique » de la Milice en Saône-et-Loire au printemps 1944 se transforme en De Bernouville, p. 184 et 379. Erreur factuelle également sur sa fuite du Canada vers le Brésil Philippe Valode, op. cit., p. 29. En 2004, Jeanne Gillot-Voisin, dans son ouvrage La Saône-et-Loire sous Vichy : la Milice française 1943-1944 (Dijon, éd. Clea), regrette « l’inaboutissement de ses recherches » le concernant, p. 184-185.
11 Laurent Joly, Les collabos, op. cit., p. 15.
12 Brestois de naissance, René Louis Alexandre Dugé de Bernonville est bachelier et ancien élève de l’école Polytechnique (1883-1885). Ingénieur en chef de la Marine, il devient directeur de la maison pour laquelle il travaillait comme associé depuis 1898. Il collabore à la création de navires en Allemagne, Russie, Angleterre et États-Unis d’Amérique. Fournisseur de la Marine de l’État et de la Marine de guerre, il a organisé la participation à toutes les expositions depuis 1898. C’est en raison de ces services rendus qu’il est proposé par le Ministère du Commerce et de l’Industrie au grade de chevalier de la Légion d’honneur en juin 1909. Archives Nationales (AN), Base Léonore, dossier 19800035/393/52735.
13 Ville de Paris, extrait des minutes des actes de naissance du 16e arrondissement, copie certifiée conforme à l’original, en date du 7 juillet 1981, conservée dans les dossiers dits du « coffre » à Fontainebleau. CAC, 19980221, dossier 350 B, art. 45.
14 Y compris dans de nombreux ouvrages. Un titre de noblesse qui ne sera pas sans lui offrir une certaine notoriété au Québec après-guerre.
15 Le dictionnaire des familles nobles ou notables de Chaix est formel, les Dugé de Bernonville n’ont pas participé aux assemblées de noblesse de 1789 et ne semblent pas avoir eu de titres postérieurs. En revanche, ce nom de famille apparaît dans les dictionnaires de la fausse noblesse comme « vieille famille bourgeoise d’Angoumois et d’Aunis ». Voir Pierre-Marie Dioudonnat, Encyclopédie de la fausse noblesse, Paris, Sedopols, 1976, p. 133 ; et du même Le simili-nobiliaire français, Paris, Sédopols, 2002, p. 77 (Bernonville [de] : voir Dugé) et p. 191 (Dugé de Bernonville). Il s’agit donc selon toute vraisemblance d’une noblesse d’apparence typique du XIXe -début XXe. Empruntant d’autres canaux, John Hellman aboutit à la même conclusion « According to George Tombs of The Gazette of Montréal, who has enquired of experts on French noble lineage, the title was spurious », John Hellman, « Monasteries, Miliciens, War Criminals: Vichy France/Québec 1940-1950 », Journal of Contemporary History, vol 32, no 4, 1997, p. 541.
16 Ce dernier écrit à la Chancellerie de la Légion d’honneur en février 1921, pour savoir si son fils Jacques qui « a eu 23 ans le 20 décembre 1920 » et qui « vient d’être nommé officier de la Légion d’honneur » est « le plus jeune dans son grade ». Lettre parvenue à la Chancellerie le 9 février 1921 et conservée dans le dossier de Légionnaire de son père, AN, Base Léonore, dossier 19800035/393/52735. Le dossier de Légionnaire de Jacques Dugé de Bernonville n’est en revanche pas disponible sur la base Léonore.
17 Yves Lavertu mentionne également une possible participation à la campagne de Syrie lors de l’insurrection Druze (1925-1926). Yves Lavertu, L’affaire Bernonville, op. cit., p. 21. Je n’ai pas trouvé trace de ce fait d’armes mais la piste reste plausible car Jacques de Bernonville est titulaire de la médaille du Levant.
18 Officier de la Légion d’honneur, il est aussi titulaire de 8 citations et des Croix de guerre 1914-1918 et 1939-1940.
19 Certaines fiches signalétiques indiquent « cicatrices aux visages et aux jambes, bras droit paralysé par suite de blessures de guerre », CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38.
20 Soit à la sortie de la Grande Guerre, soit à l’issue de la campagne du Levant : sur ce point une incertitude demeure.
21 Selon Esther Delisle il est un temps responsable de l’Action française à Vannes. Esther Delisle, Mythes, mémoire et mensonges, op. cit., p. 58.
22 À Vannes ou déjà à Paris, c’est un point qui reste à éclaircir. Cette arrestation est cependant mentionnée par Esther Delisle, Yves Lavertu, op. cit., p. 22 et John Hellman, op. cit., p. 541.
23 Général d’aviation et as de la Grande Guerre, il fait partie des rares officiers supérieurs qui se laisseront séduire par le discours de Deloncle.
24 Fondée et animée par Eugène Deloncle (1890-1944, polytechnicien et ingénieur), la Cagoule regroupe également sous ce nom, le Comité secret d’action révolutionnaire (CSAR) et l’Organisme spécial d’action régulatrice nationale (OSARN). Il s’agit en fait d’une nébuleuse activiste et terroriste d’extrême droite créée en réaction à la victoire du Front Populaire.
25 Rapport d’enquête relatif « aux activités de Jacques Dugé de Bernonville » et rédigé le 5 avril 1949 par l’inspecteur de police R. Colon. CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 109. C’est le rapport le plus complet (13 pages) sur ses activités durant l’entre-deux-guerres, la période la moins bien informée dans les sources consultées.
26 Note de police du 16 juin 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 24. Les dates de son arrestation et de sa libération dans le cadre de cette affaire figurent également dans la même note.
27 A priori son cas ne fut pas isolé : le général Duseigneur partage d’ailleurs le même sort, d’abord arrêté pour « association de malfaiteurs et détention d’armes » il est assez vite remis en liberté. En fait, il semblerait que des consignes de clémence aient été données pour les militaires ou ex-militaires aux brillants états de service compromis avec la Cagoule. Édouard Daladier notamment « estima que l’armée devait être mise à l’abri d’une enquête au moment où elle traversait une grave crise morale ». Philippe Bourdrel, Les cagoulards dans la guerre, op. cit., p. 47.
28 Un procès devant la cour d’Assises de la Seine en octobre-novembre 1948, sachant que 13 prévenus étaient jugés par contumace. Philippe Bourdrel, Les cagoulards dans la guerre, op. cit., p. 236-259.
29 Lui aussi vient de l’Action française et il était avec le général Duseigneur l’un des fondateurs de l’UCAD. Philippe Bourdrel, Les cagoulards dans la guerre, op. cit., p. 46 et 263.
30 4 filles nées respectivement en 1924, 1926, 1928 et 1930.
31 ADHG, 2807 W 10, Cour de Justice de Toulouse, dossier de procédure contre Jacques Dugé de Bernonville.
32 Note de police du 5 avril 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 109.
33 Ce point est toujours souligné et lui servira souvent de précieux sésame dans sa cavale, notamment au Canada. Ainsi, Dom Renaud de Bentzmann et Dom Paul Barazer de Lannurien, moines bénédictins de Solesmes pourront déclarer à son sujet en 1948 : « [Le] connaître depuis assez longtemps » et attester de « sa pratique très sérieuse de la religion catholique ». CADN, Fonds de l’ambassade de France à Ottawa, carton 92, pièces du dossier canadien, attestation du 25 octobre 1948. Laurent Joly le qualifie même de « fou de Dieu », dans Les Collabos, op. cit., p. 102. Il précise à l’instar d’Yves Lavertu (op. cit., p. 21) qu’il assistait à la messe tous les jours.
34 L’expression figure dans son livre d’avril 1941, La seule France.
35 Julian Jackson, La France sous l’Occupation, Paris, Flammarion, 2004, p. 175.
36 Le Centre d’information et d’études, né sous les auspices du docteur Ménétrel mais aussi d’anciens cagoulards comme François Métenier et le docteur Martin, un « spécialiste » du renseignement.
37 Commandant en second de l’École militaire de Saint Cyr en 1939, il évoluera lui-même vers une Résistance antiallemande et antigaulliste tout en conservant des liens durables à Vichy, y compris parmi les « collaborationnistes » (Darnand, Doriot).
38 De fait, des témoignages indiquent que des jeunes gens sensibles au projet de constitution d’une armée « clandestine » à vocation patriotique se sont présentés pour rejoindre les GP avant de déchanter. En effet, dans la réalité, les notes et circulaires internes sont surtout orientées contre les communistes, les traîtres de Londres et les Juifs. Selon le colonel Groussard, il s’agissait de simples mesures de « camouflage » visant à endormir la vigilance des Allemands afin de mieux dissimuler le vrai objectif, à savoir la préparation d’une armée de libération. Des justifications données a posteriori pour expliquer un constant et complexe double jeu : sur tous ces points, voir la notice consacrée au colonel Groussard par Jean-Marc Berlière, François Le Goarant de Tromelin, Liaisons dangereuses, op. cit., p. 311-313.
39 D’ailleurs, renouant avec les méthodes et les cibles de la Cagoule, ce sont d’« ex-GP qui [seront] les auteurs de l’attentat mortel contre Max Dormoy, ex-ministre de l’Intérieur du Front Populaire ». Ministre dans les cabinets Chautemps 1937-1938 et Blum 1938, il est victime d’un attentat à la bombe dans son hôtel la nuit du 25 au 26 juillet 1941. Jean-Marc Berlière, François Le Goarant de Tromelin, Liaisons dangereuses, op. cit., p. 311-313.
40 Jean Degans à Montpellier, Joseph Lecussan à Toulouse, de Bernonville à Lyon, Darnand à Marseille… Jacques Delperrié de Bayac, op. cit., p. 79.
41 Sur ce point, Bénédicte Vergez-Chaignon, Le Docteur Ménétrel, op. cit., p. 134-137.
42 Une création en zone Sud de Xavier Vallat, secrétaire général aux Anciens combattants en août 1940, « gueule cassée » de la Grande Guerre, ancien avocat de l’Action française et… connaissance de Jacques de Bernonville avant-guerre.
43 Instruction officielle du 12 janvier 1942 avec Joseph Darnand comme Inspecteur général.
44 Jean-Paul Cointet, La Légion française des combattants, op. cit., p. 180. Selon Jacques Delperrié de Bayac, une impulsion décisive est donnée lorsque Darnand est nommé chef régional dans le Sud Est et il note dans les Bouches du Rhône, le rôle « d’un ancien officier d’active Jacques Dugé de Bernonville secondé par De Gassovski, un officier de réserve », op. cit., p. 105. À cette date, de Bernonville et sa famille résident à Marseille.
45 Son ordre de mission daté du 20 septembre 1941 précise que Jacques de Bernonville « se rend au Maroc rejoindre son poste de chargé de mission au Commissariat général aux questions juives ». Note de police du 16 juin 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 24.
46 Sa correspondance porte l’adresse suivante : 12 place de Satriano, Rabat.
47 Lettre de Jacques de Bernonville au docteur Ménétrel, le 3 juillet 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 53.
48 Lettre de Jacques de Bernonville au docteur Ménétrel, le 18 juillet 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 26.
49 Car cela y ressemble un peu, j’y reviendrai dans la partie suivante.
50 Lettre de Jacques de Bernonville au docteur Ménétrel, le 18 juillet 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 26.
51 Idem.
52 Le passeport no 24649 de son épouse Isabelle délivré à Marseille le 3 octobre 1941 est conservé aux Archives départementales de Toulouse (ADHG). Il indique un embarquement de la famille à Casablanca le 22 septembre 1942 et un débarquement à Marseille le 27 septembre 1942, ADHG, 2807 W 10, Cour de Justice de Toulouse, dossier de procédure contre Jacques Dugé de Bernonville.
53 Lettre de Jacques de Bernonville au docteur Ménétrel, le 3 juillet 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 53.
54 Lettre de Jacques de Bernonville au docteur Ménétrel, le 18 juillet 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 26. Le passage est souligné dans la lettre.
55 Lettre de Jacques de Bernonville au docteur Ménétrel, le 11 septembre 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 53.
56 La biographie de Bénédicte Vergez-Chaignon reste la plus complète sur ce personnage mal connu : Le Docteur Ménétrel Éminence grise et confident du Maréchal Pétain, Paris, Perrin, 2001. Dans les faits, j’ignore dans quelles circonstances les deux hommes se sont rencontrés. Leur proximité n’est cependant guère surprenante : ils ont fréquenté les mêmes cercles avant-guerre (Action française, ligues, Cagoule) et ils partagent certainement a minima des amis communs.
57 Le docteur Ménétrel sera souvent accusé d’être le lien direct entre Pétain et la Cagoule. D’une manière générale, il endosse souvent, y compris parmi les partisans du Maréchal, le rôle d’intrigant et de « mauvais conseiller ». Bénédicte Vergez-Chaignon, op. cit., p. 64.
58 Philippe Bourdrel donne pour titre à son chapitre sur la période 1941-1942, « Où l’on ne perd pas facilement les mauvaises habitudes », Philippe Bourdrel, Les cagoulards dans la guerre, op. cit., p. 89-176.
59 Denis Peschanski, « Vichy, un et pluriel » dans La France sous Vichy. Autour de Robert O. Paxton, Bruxelles, Complexe, 2004, p. 121-137.
60 Idem, p. 121.
61 Note de police du 16 juin 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 24.
62 On l’a vu précédemment il y est en charge du SOL et du commissariat aux questions juives entre octobre 1941 et septembre 1942.
63 Note de police du 16 juin 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 24.
64 Jacques Delperrié de Bayac rapporte cet épisode sans en préciser la date exacte. Il présente néanmoins de Bernonville comme « un des fidèles du chef de l’école ». Jacques Delperrié de Bayac, op. cit., p. 193-195. John Hellman prête à De la Ney du Vaïr, qui était en correspondance régulière avec le Comte de Paris, des projets de restauration monarchique et situe l’événement en juillet 1943, John Hellman, op. cit., p. 541-542. De manière plus allusive, mais toujours en juillet 1943, Jean-Pierre Azéma évoque la volonté de certains lieutenants de Darnand de « marcher sur Vichy » pour « débarquer Laval » et tous ceux dont le passé politique est trop éloigné de leur idéal révolutionnaire. Jean-Pierre Azéma, « La Milice », Vingtième Siècle Revue d’histoire, op. cit., p. 94.
65 Notamment lors de sa tentative de mise en place d’un Corps des volontaires français (CVF) en zone nord, vécu comme une concurrence directe et déloyale de sa Milice par Darnand : cf. la partie suivante à ce sujet.
66 Laurent Joly, Les Collabos, op. cit., p. 105.
67 Note de police du 5 avril 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 109.
68 Note de police du 2 septembre 1944 et rapport de police du 7 septembre 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièces no 40 et 41. Il y est question de documents « d’une assez grande importance […] datant des années 1942-1943 ».
69 Note de police du 2 février 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 100. La 1re brigade de police judiciaire est celle qui avait opéré la perquisition du bureau.
70 Académicien (il est élu à l’Académie française depuis 1932), ami d’Otto Abetz, membre du PPF et du groupe Collaboration, il sera l’un des quatre ministres (avec De Brinon, Déat et Bichelonne) à signer le 5 juillet 1944 « une déclaration sur la situation politique ». Cette dernière dénonçait « la tiédeur » du gouvernement, demandait son élargissement « à des éléments indiscutables » et son retour à Paris. À l’heure des choix décisifs, ils optaient donc pour la lutte contre les Alliés et la Résistance, réclamant même la peine capitale contre « les fauteurs de guerre civile ». Sur cette déclaration, Henry Rousso, Un château à Sigmaringen, op. cit., p. 108-110.
71 Dans une lettre du 18 juillet 1942, Jacques de Bernonville répond à Ménétrel : « La Légion tricolore m’attire d’autant plus que je remarque que le SOL et cette légion ont des points communs. » Lettre de Jacques de Bernonville au docteur Ménétrel, le 18 juillet 1942, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 26.
72 Note de police du 5 avril 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 109.
73 Plus virtuelle que réelle, comme de nombreuses initiatives de Vichy, elle reste assez peu documentée. Voir cependant les articles « Légion tricolore », Henry Rousso, La Collaboration, Paris, MA éditions, 1987, p. 117 ; « Français sous uniforme allemand », Jean-Paul Cointet, Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, Paris, Tallandier, 2000, p. 317-319 ; « Légion tricolore », Dominique Venner, Histoire de la collaboration, op. cit., p. 682-683.
74 Annoncée le 22 juin 1942, jour anniversaire de l’entrée en guerre du Reich contre l’URSS, elle est officiellement créée aux JO le 8 août 1942.
75 Le projet visait à enrôler prioritairement des « soldats » issus de l’armée d’armistice, de l’armée d’Afrique ou du Levant.
76 Annoncée le 22 juin 1941 et officiellement lancée le 5 août à Paris, elle est une création des principaux chefs collaborationnistes parisiens : Doriot, Déat, Deloncle, Bucard, Costantini.
77 Pascal Ory souligne que cette unité vichyssoise avait été pensée lors de sa création « contre le bolchevisme et ses alliés… partout où l’intérêt de la nation est en jeu ». Pascal Ory, Les collaborateurs, op. cit., p. 245.
78 Là aussi, elle est assez peu documentée, voir cependant les articles « Phalange Africaine », de Rousso, La Collaboration, op. cit., p. 144-145 et Dominique Venner, Histoire de la collaboration, op. cit., p. 693-694.
79 Son siège est 12 place Malesherbes à Paris : note de police du 5 avril 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 109.
80 On y retrouve notamment, Henry Charbonneau (alias Porthos), militant de l’Action française, membre de la Cagoule, proche de Deloncle et du MSR, futur dirigeant de la Milice (en particulier dans le Limousin).
81 Par l’intermédiaire de Georges Guilbaud, représentant de Paul Marion en Tunisie.
82 Une réalité largement occultée après-guerre au Canada, par lui-même comme par ses partisans, au profit de la seule lutte contre le communisme.
83 Voir sa notice biographique rédigée par Jean-Paul Cointet, dans Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, p. 573.
84 Y compris cette fois en s’associant si besoin aux Alliés pour mieux barrer la route aux communistes et aux gaullistes. Certains caressaient même le secret espoir d’une restauration monarchique possible comme troisième voie d’union nationale. L’hypothèse est plausible au regard du pedigree de Bernonville et de son second dans cette affaire, le commandant de Planard : ex-membre de l’aile monarchiste de la Cagoule, employé au commissariat aux questions juives, membre du MSR et de la 1re LVF avant son retour en France début 1942. Rapport de la direction des RG, classé « Très secret », 12 février 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 31.
85 Maurice Gaït (1909-1983) : Ancien élève de l’ENS, premier directeur en 1941 de l’école des cadres du service de la propagande de Marion (Mayet de Montagne), il dirige ensuite le cabinet d’Abel Bonnard avant d’être nommé commissaire général à la Jeunesse (décret du 1/1/1944). Comme Dugé de Bernonville, c’est un ancien chasseur-alpin. Traduit en Haute cour, il bénéficiera d’un non-lieu. Cf. sa biographie dans Dominique Venner, Histoire de la collaboration, op. cit., p. 594.
86 Les châteaux Vauxcelles, Jaeger et de Belvédère, Rapport de la direction des RG, classé « Très secret », 12 février 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 31.
87 Rapport de la direction des RG, classé « Très secret », 12 février 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 31. Le même rapport précise que le responsable de ce camp est « du côté allemand le commandant Betz appartenant au SS, avenue Foch Paris et du côté français, M. Dugé de Bernonville ».
88 « Renseignements d’archives » relatifs à de Bernonville, rapport de la Sûreté nationale à destination de la présidence du Conseil, le 24 janvier 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 99. Précisons que Richard (alias Mederie), que nous retrouverons dans la partie suivante, était lui-même un agent de l’Abwehr en France au titre de l’Ast Paris III F.
89 Sur ce point, le rapport de la direction des RG en février 1944 est formel : « Il a été récemment signalé que M. Dugé de Bernonville avait constitué dans la banlieue parisienne et dans la région de Bordeaux des camps d’entraînement où des jeunes gens seraient groupés dans des formations paramilitaires. […] Il est exact d’autre part qu’il est chargé de recruter des jeunes gens pour leur faire subir une période d’instruction de caractère militaire dans un camp situé à Taverny. » CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 31. Philippe Burrin voit dans l’expérience de Taverny la mise en place, avec l’assentiment des Allemands, d’une force d’autoprotection (Selbstschutz) composée de membres des groupements collaborationnistes. Ces hommes avaient, selon lui, comme vocation première d’être mis à la disposition de la police allemande. En revanche, il attribue la paternité de cette intiative aux partis parisiens. Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, 1940-1944, Paris, Le Seuil, 1995, p. 451.
90 L’Abwehr ou service de renseignement de l’armée allemande est dirigée par l’amiral Canaris. Elle prépare dès 1938 l’infiltration de ses services à l’Ouest. Pour une présentation synthétique de son organisation en France, voir l’article de Jean-Luc Leleu et Laurent Thiery dans La France pendant la Seconde Guerre mondiale Atlas historique, Paris, Fayard, 2010, p. 64-65.
91 CAC, 19980221, dossier 283/A, art 38, pièces no 99 et 109. Un extrait de cette demande est conservé au CAC. Il précise : « M. Dugé de Bernonville est chargé de mission officielle par le gouvernement français en Espagne et au Maroc Espagnol. C’est à ce titre qu’il sollicite son passeport. » CAC, 19980221, dossier 350 B, art. 45. La mission aurait pu consister à former ou encadrer « un commando français destiné à opérer en Afrique du Nord ».
92 « Renseignements d’archives », CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 99. Selon le même rapport : « Il est intéressant de signaler à ce sujet que dans un compte rendu établi par le Consul général allemand Krug le 23 janvier 1943, il est question d’une mission éventuellement confiée au Maroc à de Bernonville, à la suite d’un rapport parvenu sur la situation en Afrique du Nord. »
93 En particulier une petite liasse de documents (10), pour l’essentiel en allemand en rapport avec son contrat d’engagement, sa solde et une allocation versée à son épouse : CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 113, décembre 1943-avril 1944.
94 Malgré ses démentis constants après-guerre sur ce point.
95 Cette structure policière officieuse est quasi ignorée des historiens. Bénédicte Vergez-Chaignon est l’une des rares à lui consacrer un développement significatif dans sa biographie de Ménétrel, op. cit., p. 121-124, 231-243. Le paradoxe, c’est que cette organisation est en revanche plutôt bien documentée dans les sources. Au CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièces no 2, 7, 31, 38. Aux ADHG, 2807 W 10, on trouve un gros dossier portant sur la couverture les mentions « L’Équipe » « Le Maquis blanc », daté du 23 mai 1945 comprenant : Annexe 1, renseignements fournis par Henri Ponchelet sur l’Équipe (13 pages) ; Annexe 2, Liste des personnes appartenant à l’Équipe (22 pages et 104 noms) ; Annexe 3, adresses des boîtes ou contacts de l’Équipe (6 pages et 88 références de contacts/dépôts réels ou le plus souvent projetés) ; Annexe 4, Renseignements sur l’Équipe (7 pages).
96 Bénédicte Vergez-Chaignon, op. cit., p. 233.
97 Les responsables locaux reçoivent brochures et subsides de Ménétrel.
98 Bénédicte Vergez-Chaignon, op. cit., p. 234.
99 Cette association fait l’objet d’un historique intéressant dans une note des RG du 12 février 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 31.
100 Idem.
101 Bénédicte Vergez-Chaignon, op. cit., p. 243.
102 « L’Équipe se proposait officiellement de soutenir la politique du Maréchal et de lutter contre le communisme. Elle coordonnait, en réalité, les efforts d’un certain nombre de personnalités pour s’attribuer les leviers de commande de l’État », note intitulée « Création et but de l’Équipe », ss date, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 7. « À l’origine, cet organisme secret se proposait de restaurer la monarchie après un coup d’État fait par le Maréchal […] », note des RG du 12 février 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 31. Un rapport des RG du 28 août 1944, parle d’une « police occulte » qui demeure « l’instrument du groupe monarchique (Comte de Paris) », CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 38.
103 Note intitulée « Création et but de l’Équipe », ss date, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 7.
104 Une réalité bien mise en évidence par Jean-Marc Berlière, notamment de manière synthétique dans « Les polices », La France pendant la Seconde Guerre mondiale Atlas historique, Paris, Fayard, 2010, p. 86-89.
105 Jean-Marc Berlière explique : « C’est pour pallier l’incapacité de la police officielle à remplir les missions spéciales qu’on lui confie, aggravée par la difficulté de mise en œuvre et le retard des réformes prévues par la législation du printemps 1941, que Vichy procéda à la mise en place d’un triptyque de “polices auxiliaires” spécialisées dans la lutte contre “l’antiFrance” : le service de police anti-communiste (SPAC), le service de police des sociétés secrètes (SSS) et la police aux questions juives (PQJ) », Jean-Marc Berlière, Les policiers français sous l’Occupation, Paris, Perrin, 2001, p. 30-31. Dans l’atlas de la Seconde Guerre mondiale, Jean-Marc Berlière, parle au sujet de ces polices parallèles de la « concurrence des polices latérales », op. cit., p. 88-89. De fait, statutairement, elles constituent ce que l’on appelle « le cadre latéral de la police nationale ».
106 Jean-Marc Berlière, Les policiers français sous l’Occupation, op. cit., p. 27. « Polices d’occasion » dont témoignent déjà les polices parallèles mais aussi des structures semi-officielles comme le CIE de Groussard, le 2e service de la Milice, L’Équipe… une certaine confusion policière caractéristique du régime de Vichy, véritable « pépinière de ces polices d’occasion ».
107 Là encore, on peut penser que l’évolution de la situation en France et en Afrique du Nord à compter de novembre 1942 a accéléré sa mise en place.
108 Les rapports de l’époque ou postérieurs sont formels sur ce point « L’Équipe n’avait aucune activité en zone libre », Note intitulée « Création et but de l’Équipe », ss date, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 7.
109 Un deuxième service et son service de sécurité issus, pour partie, de la mouvance cagoularde (Jean Degans). Jean-Marc Berlière donne une description intéressante de sa genèse et de son organisation, en particulier à l’échelle du 2e service parisien en 1944, Jean-Marc Berlière, François Le Goarant de Tromelin, Liaisons dangereuses, op. cit., p. 76-81.
110 Sauf mention contraire, les informations biographiques le concernant sont tirées de la source suivante : Rapport de la direction des RG, classé « Très secret », 12 février 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 31.
111 Est-ce en lien avec la création de l’Équipe ou avec le fait qu’il est déjà soupçonné de travailler pour les Allemands (Abwehr) ?
112 En particulier avec l’amiral Bard, ex-préfet de police mais aussi au sein de la préfecture de police de Paris et avec d’anciens collègues du SPAC.
113 Selon Bénédicte Vergez-Chaignon, il aurait également fait un bref passage au SPAC (3 mois). Bénédicte Vergez-Chaignon, op. cit., p. 233.
114 Rapport de la direction des RG, classé « Très secret », 12 février 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 31.
115 « Ils abandonnèrent ce service lorsque Richard en fut exclu. Il semble que, membres de l’Équipe avant tout, ils ne considéraient le SPAC que comme une couverture et un excellent poste d’observation », note intitulée « Création et but de l’Équipe », ss date, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 7.
116 Idem.
117 Arrêté à la Libération, ce dernier se montrera très bavard sur cet organisme qu’il connaissait de l’intérieur. Bien entendu, dans la logique d’une instruction judiciaire au titre de l’épuration, il ne faut pas prendre pour argent comptant un témoignage qui s’apparente aussi à une stratégie de défense. Certaines pièces conservées à Fontainebleau (CAC) ou à Toulouse (ADHG) s’appuient principalement sur son témoignage : CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 7 ; ADHG, 2807 W 10, dossier L’Équipe, Annexe 1 : renseignements fournis par Henri Ponchelet sur l’Équipe (13 pages).
118 Jean-Marc Berlière, François Le Goarant de Tromelin, Liaisons dangereuses, op. cit., p. 80.
119 Ces derniers de toutes conditions n’étaient pas rémunérés mais pouvaient toucher des primes ponctuelles selon le travail fourni. Parmi eux, on retrouve « un certain nombre d’anciens cagoulards ». De même, il n’y avait pas d’organisation provinciale systématique correspondant au découpage administratif. La couverture de la zone nord s’effectuait selon les « zones d’influence des chefs de l’Équipe » au niveau local.
120 Une note précise : « De Bernonville connaissait dès avant-guerre Richard avec lequel il avait milité en compagnie de Darnand à l’Action française et à l’UCAD », « Renseignements d’archives », CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 99.
121 Rapport de la direction des RG, classé « Très secret », 12 février 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 31.
122 Idem.
123 ADHG, 2807 W 10, dossier L’Équipe, Annexe 2 : Liste des personnes appartenant à l’Équipe.
124 ADHG, 2807 W 10, dossier L’Équipe, Annexe 1 : renseignements fournis par Henri Ponchelet sur l’Équipe.
125 Bénédicte Vergez-Chaignon, op. cit., p. 235-236.
126 ADHG, 2807 W 10, dossier L’Équipe, Annexe 1 : renseignements fournis par Henri Ponchelet sur l’Équipe.
127 Selon le témoignage de Raymond Richard cité par Bénédicte Vergez-Chaignon : « Les sommes versées en 1943 [par le secrétariat particulier de Pétain] à Pelletier pour l’Équipe, au CEP et aux Amis [du Maréchal] représentent 880 000 francs en moins d’un an. » Sur cette somme 20 000 à 25 000 francs/par mois lui revenaient directement pour salaire et selon lui pour rétribuer des informateurs. Bénédicte Vergez-Chaignon, op. cit., p. 236. Si l’on en croit Bénédicte Vergez-Chaignon, Ménétrel aurait pris ses distances et même tenté de liquider l’Équipe courant 1943, op. cit., p. 235.
128 Parmi les noms qui reviennent le plus souvent, on retrouve des industriels (Ingrand, Sarrazin directeur de la Télémécanique de Courbevoie, Gérard Litt, ancien pourvoyeur de fonds du PPF), la Banque d’Indochine et un certain Chezlepretre, haut fonctionnaire au Ministère des finances.
129 En effet, c’était Richard qui recevait directement cet argent allemand.
130 ADHG, 2807 W 10, dossier « L’Équipe », Annexe 2 : Liste des personnes appartenant à l’Équipe.
131 Ainsi, à la Libération, on procédera à la vérification suivante : « Le numéro d’appel Élysées 25.25 que nous savons, d’après Ponchelet, être celui de l’Allemand Pierre Wagner était attribué avant la Libération à un service allemand installé 33 rue Montaigne à Paris depuis le 2 avril 1941. À cette adresse, où les Allemands avaient réquisitionné 18 logements, on ne connaît pas le dit Pierre Wagner », ADHG, 2807 W 10, Annexe 4 : Renseignements sur l’Équipe. On retrouve la même pièce d’enquête (sans date, mais postérieure à la Libération) au CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 2.
132 Bénédicte Vergez-Chaignon, op. cit., p. 239-240.
133 Ibid, p. 238.
134 ADHG, 2807 W 10, dossier L’Équipe, Annexe 1 : renseignements fournis par Henri Ponchelet sur l’Équipe.
135 Gérard Litt semble alors jouer un rôle important dans toutes ces transactions. De même, les sommes en jeu sont importantes sous réserve que les témoignages dans le domaine soient fiables. Ainsi Jean Mamy (alias Paul Riche, condamné à mort par la Cour de Justice de la Seine et exécuté le 29 mars 1949) affirme lors d’une audition le 23 septembre 1944 que le 10 ou 11 août 1944 lorsque les Allemands prennent congé de Richard, ils lui remettent « une somme de plus de 100 000 francs venant s’ajouter au million déjà perçu au cours du mois précédent. » Renseignements sur l’Équipe, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 2.
136 Renseignements sur l’Équipe, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 2.
137 Idem, selon le témoignage de Jean Mamy.
138 Bénédicte Vergez-Chaignon, op. cit., p. 238. Raymond Richard sera condamné à mort par la Cour de Justice de la Seine en mars 1948 et exécuté le 22 juillet 1948. Inversement, Marcel Pelletier ne sera condamné qu’à un an de prison le 13 juillet 1946 essentiellement pour sa contribution au SPAC. Son dossier sera classé sans suite dans l’affaire de l’Équipe le 29 octobre 1947. Note de police du 5 avril 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 109. Notons que Richard fut même un temps soupçonné d’un triple jeu, par une tentative de rapprochement (ou d’infiltration ?) avec des éléments de la Résistance antigaulliste issus comme lui de l’activisme de droite. Sa responsabilité éventuelle dans l’affaire de Caluire sera même évoquée, une hypothèse explorée, sans résultat probant, par Bénédicte Vergez-Chaignon.
139 Car il n’avait pas connaissance de tout.
140 ADHG, 2807 W 10, dossier L’Équipe, Annexe 1 : renseignements fournis par Henri Ponchelet sur l’Équipe.
141 Note d’information du SRMAN no 996, 2 février 1944, CAC, 19980221, dossier 350 B, art. 45. Cette note avec pour objet, « Camp d’instruction de Taverny (Seine-et-Oise) » était destinée à Monsieur de délégué du Secrétaire général au maintien de l’ordre.
142 Les stagiaires déjà formés « furent versés soit à des unités de Waffen SS, soit dans des services de police auxiliaire allemande », Note de police du 5 avril 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art 38, pièce no 109.
143 Idem. La même source précise qu’à cette occasion Darnand « désapprouva son ami et eut avec lui une violente altercation ».
144 Jean-Pierre Azéma, « La Milice », op. cit., p. 100-101.
145 Selon l’amer constat d’Henry Charbonneau (alias Porthos, déjà croisé avec la Phalange africaine), extrait cité par Jean-Pierre Azéma, « La Milice », op. cit., p. 101.
146 De Bernonville a fait partie d’un petit groupe d’officiers supérieurs de la Milice (De Bernonville, Vaugelas, De Bourmont, Raybaud) qui, au sein de l’Inspection générale de la Franc-Garde, a préparé « des plans d’opérations contre les maquis ». Gérard Chauvy, Histoire sombre de la milice, op. cit., p. 223-224.
147 Cette unité était composée de 800 francs-gardes permanents ou bénévoles mobilisés localement (Annecy) mais aussi en provenance de Lyon, Nice, Toulouse, Montpellier, Limoges et Clermont-Ferrand. On a vu précédemment que Julien Labedan (autre réfugié au Canada) était également présent sur ce théâtre d’opérations.
148 Pierre Giolitto, Histoire de la Milice, op. cit., 427. Laurent Joly publie également une « belle photo » du commandant de Bernonville, chef de corps des Francs-Gardes aux Glières. Il s’agit sans doute d’une photographie postérieure aux combats lorsque les miliciens « prennent la pose » sur le plateau repris aux « bandes rebelles », cf. annexe no 5.
149 Une opération qui intervient pour l’essentiel entre le 23 et le 27 mars, après des bombardements allemands depuis le 12 mars. Dès le 27 mars, le nouveau chef du maquis (Anjot) ordonne la dispersion des maquisards. L’enjeu des forces de maintien de l’ordre est désormais de les traquer dans les vallées avoisinantes. Environ 150 maquisards seront tués durant les combats. Au moins autant sont arrêtés et vont subir la torture, la déportation ou les cours martiales de la Milice. Cf. les articles « Glières » d’Olivier Vallade, dans François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, R. Laffont, 2006, p. 723-724 ; Jean-François Muracciole, dans le Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, op. cit., p. 350-351.
150 Une « fiction gouvernementale » que l’on retrouve dans Le Matin, Combats, Je suis partout…
151 Philippe Bourdrel, Les cagoulards dans la guerre, op. cit., p. 194.
152 Il arrive avec une vingtaine de véhicules (voitures, cars) et s’établit à l’hôtel Bellier.
153 Sur ces trois « Vercors », lire l’article de Gilles Vergnon, dans François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, op. cit., p. 766-768. De Bernonville n’est en revanche plus présent dans la région lors de la phase active de mobilisation puis de destruction du maquis (juin-juillet 1944, le 3e Vercors).
154 Elles sont assez bien documentées dans les sources [toutes postérieures aux faits néanmoins] : Lettre du bureau central des pionniers du Vercors en date du 22 novembre 1948, notes de police judiciaire du 29 novembre 1948 et du 5 avril 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièces no 82, 96 et 109. Sauf mention contraire, les informations suivantes sont issues de ces sources.
155 Une quarantaine à la Chapelle-en-Vercors dès le 16 avril 1944.
156 Des tortures sont pratiquées sur plusieurs personnes arrêtées, et le 23 avril 1944, au moins trois sont exécutées sommairement : André Doucin, Paul Mially (ou Miammy), et Casimir Ezingeard.
157 Des fermes et chalets sont détruits ou pillés en nombre dans les communes de La Chapelle-en-Vercors, Sainte-Eulalie-en-Royans, Saint-Agnan-en-Vercors et Vassieux.
158 Fait relaté par Pierre Giolitto, Histoire de la Milice, op. cit., p. 394-395.
159 Appliquées pour l’essentiel entre le 16 et le 24 avril 1944. De Bernonville était secondé par Dagostini et appuyé par des GMR. Jacques Delperrié de Bayac, op. cit., p. 356, 480-481.
160 Il est déporté par les Allemands le 25 mai 1944. Marc Olivier Baruch cite une note, en date du 17 avril 1944, parvenue au BCRA : « J’ai assisté dans le cabinet du préfet de la Drôme à une conversation téléphonique entre celui-ci et le commandant Lebrat, des forces du maintien de l’ordre à Lyon. Le préfet a reproché véhémentement à l’intendant de police de Lyon de ne pas l’avoir avisé des opérations de police qui se déroulaient dans son département. Il a refusé de se tenir à l’avenir à la disposition de la police ou de lui fournir des renforts si on ne l’avait pas averti au préalable de ces opérations et de leur but », Marc Olivier Baruch, Servir l’État français, Paris, Fayard, 1997, p. 542.
161 Certaines sources parlent de plus de 2000 hommes, dont un millier de miliciens. ADCO, 29 U 58/466, PV d’information sur de Bernonville, Brigade de gendarmerie de Frohnau, détachement de Berlin, gendarmerie française d’occupation, le 2 février 1946, PV no 78, audition de Pierre Mauléon, ex sous-préfet de Chalon début mai 1944.
162 ADCO, 29 U 58/466,_ PV d’information sur de Bernonville, Brigade de gendarmerie de Baden Baden, le 13 février 1946, PV no 955 bis, audition de Emile Tournier, sous-préfet hors classe, ex sous-préfet de Chalon à partir de fin mai 1944. Notons que l’un des adjoints de Bernonville était le commandant Curnier, ex-officier de la LVF et de la Phalange Africaine.
163 Note de police du 5 avril 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 109.
164 « J’ai été arrêté le 20 juin 1944 sur la route de Chagny par un groupe de miliciens. […] J’ai été aussitôt amené à l’hôtel moderne et fouillé. Le lendemain, j’ai été interrogé en présence de De Bernonville. C’était ce dernier qui dirigeait les tortures qui m’étaient infligées. Mon interrogatoire a duré toute la journée. De Bernonville m’a déclaré entre autres : “Nous sommes des patriotes, vous êtes un traître”. » Un de ses compagnons de cellule à Chalon, témoigne également : « Je puis dire que Nédey était absolument méconnaissable. Nédey avait été brûlé par le courant électrique sur de grandes étendues du corps. » Remis aux Allemands le 22 juin, il est déporté à Buchenwald en juillet 1944. ADCO, 29 U 58/466, Cour de Justice de Dijon, section de Chalon, PV d’audition de témoin : Maurice Nedey, garagiste à Chalon, 20 mars 1946 et PV d’audition de témoin : Émile Darnand, employé de la ville, 26 mars 1946. Déposé sous serment à la Libération, le témoignage circonstancié de Nedey (6 pages) figure aussi dans un courrier du ministre de la Justice au ministre de l’Intérieur, en date du 15 novembre 1948, avec la mention manuscrite « Affaire signalée et urgente : répercussions au Canada », CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 77.
165 ADCO, 29 U 58/466, Réquisitoire définitif du commissaire du gouvernement près de la section départementale de la Côte d’Or contre le nommé Dugé de Bernonville, ancien chef des forces de maintien de l’ordre à Chalon sur Saône, inculpé de trahison, le 15 avril 1946.
166 Compte-rendu d’opérations no 54, de Jacques de Bernonville, commandant des forces de maintien de l’ordre en Bourgogne, le 7 juin 1944. CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 33. La même pièce est conservée aux ADHG en 2807 W 10. Un calme relatif cependant car en lisant son rapport on dénombre 13 attentats contre des voies ferrées dans son secteur dans les jours précédents.
167 Citation à l’ordre de la Nation publiée au JO de l’État français le 8 juillet 1944, p. 1742. On en retrouve des extraits au CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 109 et au CADN, Fonds de l’ambassade de France au Canada, carton 92. Elle est également reproduite in extenso dans Jacques Delperrié de Bayac, op. cit., p. 518. Jacques de Bernonville est en bonne compagnie puisque la citation concerne aussi deux autres chefs miliciens : Jean de Vaugelas et Raoul Dagostini.
168 Il a alors 33 ans, cf. son PV d’audition en date du 26 novembre 1948, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 95. Il déclare lors de cette audition avoir été un temps « directeur du cabinet de l’intendant au maintien de l’ordre ».
169 Y compris dans des publications d’historiens, Jacques Delperrié de Bayac, op. cit., p. 362 ; Gérard Chauvy, Histoire sombre de la milice, op. cit., p. 256.
170 De manière assez systématique au Canada après-guerre.
171 Marc Olivier Baruch, Servir l’État français, op. cit., p. 540-541.
172 En particulier à Dijon et à Laon mais pas à Lyon où le poste d’intendant de police était occupé par René Cussonac, un homme qu’on ne peut suspecter de faiblesse. Il fut d’ailleurs condamné à mort et exécuté après la Libération. Peter Novick, L’épuration française, op. cit., p. 132 et 267.
173 Avec une fonction d’inspection, René Rémond (dir.), Rapport Touvier, op. cit., p. 73.
174 Sur le déroulement précis des faits, voir le témoignage de l’un des protagonistes, l’ex-milicien Roger Lorrain, PV de la police de Mâcon, 13 novembre 1944, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 35 et le rapport de police de Dijon du 10 janvier 1948, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 150.
175 Rapport de la police de Dijon, 10 janvier 1948, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 150.
176 Jean-Marc Berlière, François Le Goarant de Tromelin relatent cet épisode dans, Liaisons dangereuses, op. cit., p. 144-145.
177 Jacques Delperrié de Bayac, op. cit., p. 504. Il indique « Darnand fait interner Clavies (Clavier) au fort Montluc à Lyon ».
178 ADHG, 2807 W 10, dossier de procédure contre Jacques de Bernonville.
179 Gérard Chauvy, Histoire sombre de la milice, op. cit., p. 282.
180 Note de police a/s de Dugé de Bernonville, ex-chef du maintien de l’ordre de la région de Lyon, 26 juin 1950, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 119.
181 « Renseignements d’archives », CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 99.
182 ADCO, 29 U 58/466, PV d’information sur de Bernonville, Brigade de gendarmerie de Frohnau, détachement de Berlin, gendarmerie française d’occupation, le 2 février 1946, PV no 78, audition de Pierre Mauléon, ex sous-préfet de Chalon début mai 1944. Suite à l’arrivée de De Bernonville le sous-préfet Mauleon est relevé de ses fonctions et muté à la demande du chef milicien.
183 Je reprends ici certaines conclusions du rapport Touvier, René Rémond (dir.), op. cit., p. 69-70.
184 Fantaisie des archives, un menu de ce repas est même conservé à Toulouse dans le dossier de procédure contre de Bernonville. ADHG, 2807 W 10.
185 Parmi ceux que de Bernonville a pu connaître ou fréquenter, on peut penser au colonel Groussard, à Maurice Duclos, alias Saint Jacques ou encore à son presque homonyme Pierre (Guillain de) Bénouville. Une diversité qui tend à montrer, y compris dans les périodes d’exception, qu’il existe toujours des marges de manœuvre.
186 « Renseignements d’archives », CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 99. Pour mémoire la ville de Lyon sera libérée les 2 et 3 septembre 1944.
187 Selon Jacques Delperrié de Bayac, la milice lyonnaise accompagnée d’éléments de Saint Étienne quitte Lyon vers le 20 août via Dijon puis Nancy. Jacques Delperrié de Bayac, op. cit., p. 549.
188 En particulier les témoignages de deux agents de l’Ast de Lyon. « Suivant les déclarations du sieur Moglia Antonio, agent du SRA écroué le 6 mai 1945 à la prison Montluc à Lyon, de Bernonville, alias Jacques II avait été parachuté en France par les Allemands en compagnie de trois autres individus, fin novembre 1944. Pennors Robert, agent du SRA arrêté à Lyon le 11 décembre 1944 a déclaré que deux mois environ auparavant. De Bernonville avait été parachuté par un avion du Reich, dans les environs de Chartres », Note de police du 2 janvier 1945, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 49.
189 « Renseignements d’archives », CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 99. Sur la date effective de son parachutage, les sources divergent entre fin septembre et fin novembre 1944. De même, John Hellman défend également cette idée mais situe la scène près de Melun et à l’automne 1944. John Hellman, op. cit., p. 543.
190 Henry Rousso, Un château en Allemagne, op. cit., p. 288-289. Le cas le plus connu de ces éléments de la 5e colonne envoyés en France est celui du milicien Rouchouze parachuté en Corrèze en janvier 1945.
191 Note de police du 5 avril 1949, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 109.
192 Cf. le chapitre 3, 1re partie.
193 La mémoire « Résistante » locale contribue à diffuser cette fausse rumeur, en particulier dans le journal Les Allobroges du 1er septembre 1948, via un article intitulé « L’ancien lieutenant de Darnand sera-t-il extradé ? », CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 82.
194 Cf. les auditions de Louis Macé et Francis Denier, CAC, 19980221, dossier 283/A, art. 38, pièce no 95. Ils déclarent notamment n’avoir jamais entendu parler d’un officier canadien arrêté lors des opérations dans le Vercors.
195 « Jusqu’au nom du grand patriarche des Moines de l’Occident que j’avais pris en arrivant ici, qui fait l’objet de suppositions ignominieuses », Lettre de Jacques de Bernonville à Camillien Houde, maire de Montréal, le 8 septembre 1948, BANQ, Montréal, Fonds Robert Rumilly, P 303 S6 SS9 D1/10.
196 CADN, Fonds de l’ambassade de France au Canada, carton 92, télégramme de l’ambassadeur de France au MAE, 9 septembre 1948 et rapport de l’ambassadeur de France Francisque Gay le 25 septembre 1948.
197 De même, il apparaît la mention, sans date, d’un mandat d’arrêt de Monsieur Grandboulan, juge d’instruction près du tribunal militaire de Paris pour Intelligences avec l’ennemi (IE) : une piste qui resterait à explorer.
198 En l’état, seule la procédure judiciaire toulousaine a fait l’objet d’une analyse approfondie.
199 Notamment en lien avec les mesures de confiscation des biens présents et à venir.
200 Arrêté d’interdiction de séjour à l’encontre de Jacques Dugé de Bernonville, Ministère de l’Intérieur, le 24 mai 1968 (effet à compter du 8 octobre 1967), CAC, 19980221, dossier 350 B, art. 45.
201 Sur lequel, je ne reviens donc pas ici.
202 Du moins, en l’absence de recherches sur place dans le cadre d’un livre centré sur le Canada au départ. Ce faisant, force est de constater que le recours aux archives diplomatiques, précieux pour la séquence canadienne, est resté plus décevant ici. À Nantes (CADN) les archives de l’ambassade de France au Brésil sont manquantes. Quant à Paris (MAE), la sous-série Brésil [Série(s) Amérique 1944-1975] et notamment les articles « colonies françaises et étrangères » ont été systématiquement étudiés sur le temps de sa présence dans le pays (1951-1972). L’ensemble s’est néanmoins révélé soit lacunaire [la période août 1951-avril 1952 qui coïncide à son arrivée dans le pays est manquante], soit fermé au chercheur [le carton 82 QO/211 relatif à des « Affaires concernant des ressortissants français au Brésil de mars 1970 à décembre 1975 » incluant la date de l’assassinat de Bernonville, m’a été refusé. Refus de dérogation en date du 21 décembre 2011 « au nom de la protection de la vie privée » et au motif que l’article demandé « contenait des informations sur des prisonniers de droit commun français inculpés au Brésil »]. Pour les périodes intermédiaires, les documents consultés ne mentionnaient pas sa présence. En revanche, ils permettent de reconstituer un certain environnement dans lequel il évoluait.
203 Camillien Houde à Jacques Dugé de Bernonville, 7 septembre 1951. BANQ, Montréal, Fonds Robert Rumilly, P 303 S6 SS9 D1/13.
204 Sur les circonstances de sa mort : « Jacques de Bernonville est assassiné à Rio-de-Janeiro », Le Monde, 6 mai 1972. ; Yves Lavertu, op. cit., p. 179. Il est vrai que ses filles, désormais en âge de se marier, ont pu rentrer en France pour faire leur vie.
205 Lettre du 1er décembre 1959, Fonds Jean Bruchési, archives de l’université de Montréal, extrait cité par Esther Delisle, Mythes, mémoire et mensonges, op. cit., p. 109. La même source indique au début des années 1960 que « ces rencontres familiales ont pour cadre la Forêt noire et le Tyrol ».
206 Lettre de Jacques de Bernonville à Robert Rumilly, le 7 février 1955, extrait cité par Yves Lavertu, op. cit., p. 177.
207 Bruno Leroux, « Maurice Duclos, alias Saint-Jacques, 1906-1981 », dans François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, op. cit., p. 411.
208 Yves Lavertu, op. cit., p. 176. D’après Bruno Leroux, il vit à Buenos Aires jusqu’à sa mort et y préside la section argentine de l’association des Français libres. Bruno Leroux, op. cit., p. 411.
209 Camillien Houde à Jacques Dugé de Bernonville, 7 septembre 1951. BANQ, Montréal, Fonds Robert Rumilly, P 303 S6 SS9 D1/13. Une remarque qui, au-delà de l’anecdote, traduit une représentation récurrente de Dugé de Bernonville au Québec après-guerre, celle d’un grand français porteur d’un nom et de traditions. On a vu précédemment que la réalité de ses fonctions et de son action sous l’Occupation est restée très éloignée de cette fréquente vision « chevaleresque » véhiculée ou fantasmée par ses protecteurs au Québec.
210 CADN, Fonds de l’ambassade de France à Ottawa, Carton 92, courrier de l’ambassadeur de France Hubert Guérin à Claude de Boisanger, directeur du département Amérique, le 4 avril 1952.
211 Jacques de Bernonville (alias Tiago) à Robert Rumilly, le 8 mars 1968, BANQ, Montréal, Fonds Robert Rumilly, P 303 S6 SS9 D1/13.
212 Extrait d’une lettre de protestation qu’il adresse du Brésil à l’ambassade de France à Ottawa, suite à la publication d’un article le concernant dans le MacLean’s Magazine (revue bimensuelle de Toronto), le 15 novembre 1951. Un article de McKenzie Porter que l’ambassadeur de France au Canada trouve « fort bien documenté » ajoutant « nous ne pouvons que nous féliciter de la parution de cet article ». CADN, Fonds de l’ambassade de France à Ottawa, Carton 92, lettre jointe à un courrier de l’ambassadeur de France Hubert Guérin à Claude de Boisanger, directeur du département Amérique, le 4 avril 1952. Déjà en juillet 1951, il avait exercé un droit de réponse dans le journal français Le Monde suite à deux articles des mois précédents le mettant en cause. Là encore, il affirmait « je n’ai de leçon de patriotisme à recevoir de personne. Et partout où je me trouverai, je continuerai à servir mon pays », Le Monde, 18 juillet 1951, p. 5.
213 Notes confidentielles du 21 septembre 1950 à destination de son avocat, extrait cité par Esther Delisle, Mythes, mémoire et mensonges, op. cit., p. 101.
214 Il est en contact avec Robert Aron par le biais de Robert Rumilly qui échange régulièrement avec l’historien français et le reçoit même au Canada à différentes reprises. Jacques de Bernonville (alias Tiago) à Robert Rumilly, le 8 mars 1968, BANQ, Montréal, Fonds Robert Rumilly, P 303 S6 SS9 D1/13.
215 Lettre de Jacques de Bernonville à Camillien Houde, le 8 septembre 1948, BANQ, Montréal, Fonds Robert Rumilly, P 303 S6 SS9 D1/10.
216 Jacques de Bernonville (alias Tiago) à Robert Rumilly, le 8 mars 1968, BANQ, Montréal, Fonds Robert Rumilly, P 303 S6 SS9 D1/13.
217 Le Monde, dans son article nécrologique, indique que Bernonville se disait « menacé tantôt par les nazis, tantôt par les communistes ». Le Monde, 6 mai 1972.
218 Il avait accordé peu de temps auparavant une interview-feuilleton à un journal brésilien : un entretien dont le journal France Soir (courant mai 1972 ?) s’était fait l’écho. Il accorde également un entretien à Ladislas de Hoyos le 4 février 1972.
219 Un certain Wilson Francisco de Oliveira dont Le Monde nous dit « qu’il a avoué le crime », Le Monde, 6 mai 1972. D’autres articles mentionnent le fait qu’il a été retrouvé étranglé et ligoté dans une pièce où figurait un portrait du maréchal Pétain.
220 Sur cette analyse de presse brésilienne, voir Esther Delisle, Mythes, mémoire et mensonges, op. cit., p. 109.
221 Du moins au Canada, voir les références de presse citées au chapitre iv.
222 Le Monde, 6 mai 1972.
223 Des chercheurs établissent également le parallèle, notamment Yves Lavertu, John Hellman.
224 Le Devoir, samedi 12 juin 1993, P. A6.
225 « Historien du présent : entretien avec François Bédarida », Gérard Leblanc, La Presse, 2 septembre 1995, P. B6.
226 John Hellman, op. cit., p. 553. Tout à la fois « protecteur, enquêteur et stratège », ils exercent en effet des rôles comparables. Du reste, le rapprochement apparaît également manifeste à la lecture de la rubrique « Méthode d’action et argumentation de Mgr Duquaire » dans le rapport Touvier, René Rémond (dir.), op. cit., p. 253-259.
227 Yves Lavertu, op. cit., p. 179. Il précise que cette théorie est défendue par un certain William Stevenson, dans La confrérie Bormann, Paris, éd. France Empire, 1975. De fait, ce dernier avance l’hypothèse selon laquelle son épouse revenue à Paris [dès 1956], De Bernonville aurait noué des liens auprès de groupes d’extrême-droite au Pérou et en Bolivie. Sans apporter de preuve, il fait aussi de de Bernonville un « ancien collaborateur et ami de Barbie », William Stevenson, op. cit., p 181-182.
228 Vargas est président du pays de 1951 à 1954.
229 MAE, Série Amérique, 1952-1963, 82 QO/103, M. Paul Le Mintier de Lehelec, Consul général de France à São Paulo à son excellence M. Bernard Hardion ambassadeur de France au Brésil, le 23 juin 1955, a/s des Allemands de l’État de Santa Catarina.
230 MAE, Série Amérique, 1952-1963, 82 QO/103, M. Paul Le Mintier de Lehelec, Consul général de France à São Paulo à son excellence M. Bernard Hardion ambassadeur de France au Brésil, le 2 mai 1955. Horthy (1868-1957) se réfugia au Portugal après-guerre.
231 MAE, Série Amérique, 1952-1963, 82 QO/103, M. Pierre Bouffanais, Consul général de France à São Paulo à son excellence R. Schuman, MAE, le 2 mai 1952.
232 MAE, Série Amérique, 1964-1970, 82 QO/161, Jehan de Latour, consul général à São Paulo à son excellence Monsieur Jean Binoche ambassadeur de France à Rio, le 6 juin 1967, a/s de la colonie japonaise et de la visite du prince héritier Aki Hito. La reprise massive de l’immigration japonaise à compter de 1952, estompa progressivement le phénomène.
233 MAE, Série Amérique, 1952-1963, 82 QO/103, Télégramme AMB Rio au MAE en date du 28 décembre 1954.
234 Luc Van Dongen évoque notamment le Movimento italiano femminible (MIF) de Maria Pignatelli. Il précise à son sujet : « créée pour défendre les intérêts des détenus fascistes en Italie, l’association fonctionne également comme canal de sauvetage et d’émigration outre-Atlantique », Luc Van Dongen, op. cit., p. 23.
235 Même si, à l’instar du Canada, le Brésil apparaît plutôt comme une terre d’exil secondaire pour les collaborateurs français assez loin derrière l’Espagne, l’Argentine ou encore la Suisse. Les Français constituent d’ailleurs une petite communauté dans le pays. Ainsi en 1956 et à l’échelle de l’État de São Paulo, sur les 900 000 étrangers répertoriés, les Français n’étaient que 4 386 dont 3 421 dans la capitale, loin derrière et par ordre décroissant les Portugais, les Italiens, les Japonais, les Espagnols, les Allemands (37 000) et les ressortissants de l’Est (Hongrois, Roumains, Polonais). MAE, Série Amérique, 1952-1963, 82 QO/103, tableau du Consulat général de France à São Paulo, 14 mars 1956.
236 Jacques de Bernonville (alias Tiago) à Robert Rumilly, le 8 mars 1968, BANQ, Montréal, Fonds Robert Rumilly, P 303 S6 SS9 D1/13.
237 Selon l’expression de sa citation à l’ordre de la Nation, JO du 8 juillet 1944.
238 Philippe Bourdrel, Les cagoulards dans la guerre, op. cit., p. 181.
239 Pierre Giolitto, Histoire de la Milice, op. cit., p. 427.
240 Bien avant le virage policier et collaborationniste du régime de Vichy que l’on situe habituellement à partir de janvier 1944 et même pour nombre d’initiatives présentées ici antérieurement au débarquement en Afrique du Nord.
241 Marc Olivier Baruch, Servir l’État français, op. cit., p. 537.
242 Qu’il fut aussi notamment lors des guerres 1914-1918 et 1939-1940.
243 Le Comte de Paris (Henri de France), qui a aussi connu l’influence de l’Action française, avait épousé en 1931 la princesse Isabelle d’Orléans et de Bragance, membre de la famille royale du Brésil. Après la défaite de 1940, il regagne le Maroc où il a déjà passé la plus grande partie de son enfance. À deux reprises (en août 1942 à Vichy puis en décembre 1942 à Alger), il cultive sans doute le secret espoir de jouer un rôle politique et d’incarner (avec ou sans Restauration d’ailleurs) un recours possible pour réconcilier les Français déchirés entre Pétain, de Gaulle et Giraud.
244 Dans une lettre du 12 septembre 1951, il raconte le bon accueil reçu au Brésil par un groupe d’amis dévoués dont le Comte de Paris et il ajoute : « J’ai parlé de vous au Prince qui m’a prié de transmettre ses souvenirs les plus amicaux au cher Jean. Voilà qu’en fait grâce à lui, je suis entré en relation avec quelques personnes fort sympathiques et je me sens un peu moins perdu. » Extrait cité par Esther Delisle, Mythes, mémoire et mensonges, op. cit., p. 108.
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