Prologue. Aux sources d’une enquête
p. 9-24
Texte intégral
1Ce livre est issu d’un mémoire inédit d’habilitation à diriger des recherches1. Son sujet est né d’une double découverte lors d’un séjour au Canada en 20072. D’une part, il est avéré que certains individus compromis en France sous l’Occupation, et notamment des miliciens, se sont réfugiés au Québec après la guerre. D’autre part, il apparaît que, moins que leur importance numérique (quelques poignées), c’est l’écho significatif de leur présence et les soutiens non négligeables dont ils ont pu bénéficier au sein de la société québécoise qui interrogent. En effet, l’ampleur de la mobilisation politique et sociale suscitée par leur présence fut telle que l’essayiste Yves Lavertu a pu, à juste titre, parler d’une « affaire Bernonville3 » entre 1948 et 1951, pour désigner ce qui s’apparente, de fait, à une véritable « affaire d’État ».
Une invitation à revisiter le régime de Vichy hors de ses murs
2Analyser le Québec durant la Seconde Guerre mondiale et à sa sortie, c’est découvrir qu’il a pu y exister un Vichy sans les Allemands ou selon l’expression de Marc Ferro « du pétainisme sans l’Occupation4 ». Une formule utilement précisée par Éric Amyot qui préfère parler « d’un pétainisme sans collaboration5 ». Esther Delisle évoquant, quant à elle, les rêves de certains au Québec pour y développer « une sorte de Vichy sur Saint-Laurent6 », même si l’on sait aujourd’hui que ce soutien lointain mais réel au régime de Vichy, au moins un temps et dans certains milieux, ne fut ni total ni linéaire. En effet, depuis les années 1990, les travaux les plus récents7 ont tous montré que le Canada français ne fut ni monolithique, ni figé dans son attitude face à Vichy et à la France Libre, n’en déplaise aux tenants d’une mémoire hémiplégique. De même, une chronologie fine s’impose pour appréhender l’adhésion initiale assez large à Vichy en 1940, puis les premiers infléchissements de 1941-1942 et le retournement majoritaire du côté gaulliste de l’opinion québécoise courant 1943. Ce basculement de l’opinion n’empêche pas la persistance, y compris après guerre, dans certains cercles politiques, sociaux ou religieux, d’un courant de sympathie ou de nostalgie marqué pour Pétain et dans une moindre mesure pour son régime. Un certain nombre des membres des comités de défense des réfugiés politiques français, constitués au Québec au début des années cinquante, se recrute dans ces milieux, dont il importe d’établir l’influence réelle. En effet, l’une des questions de fond est celle de l’ampleur et plus encore de la signification de ce mouvement de soutien qui s’organise lorsque les collaborateurs français sont démasqués à compter de 1948-1949. Cette campagne bruyante (pétitions, presse, interpellations nombreuses et houleuses à la Chambre des communes…) est-elle représentative de l’opinion dominante au Québec ?
3À rebours de certaines idées reçues, ma réponse incline plutôt vers la négative et donne surtout à voir l’action déterminée d’une minorité d’activistes de droite essentiellement montréalais en décalage croissant avec la réalité de la France mais aussi avec la situation de leur propre société. En effet, au regard des sources consultées et de l’historiographie disponible, il semblerait que la guerre ait été l’occasion d’un début de clarification dans la relation du Québec et des Québécois à eux-mêmes et à la France, en même temps qu’elle inaugurait un nouveau rapport à une certaine modernité8. Sous cet angle, la mobilisation en faveur des « réfugiés français » ne serait donc pas la preuve d’une influence persistante du pétainisme au Québec, mais bel et bien un marqueur qui témoignerait plutôt de son érosion, non sans crispation dans certains milieux. Aussi est-on, à mon sens, davantage confronté à un épiphénomène significatif de certains groupes sociaux, politiques ou religieux très actifs, qui refusent d’évoluer dans un pays et une société qui ont changé ou changent sans eux. Des hypothèses que le présent travail doit affiner et étayer.
4Des hésitations entre Vichy et la France Libre pendant la guerre qui, par ailleurs, ne sont pas l’apanage du Québec, ni même du Canada. À cet égard, il y a un intérêt manifeste à inscrire cette réflexion dans la dynamique, encore assez neuve, des études sur les relations et relais extérieurs de Vichy. Dans le prolongement des travaux sur l’enracinement social du régime9, les années 2000 ont vu notamment des historiens sortir du tropisme métropolitain pour ériger l’Empire en observatoire de l’expérience vichyste. Ce déplacement du centre vers les périphéries a permis de poser la question « d’un vichysme colonial » et de son impact dans l’événement comme après guerre. Dès lors, les recherches de Jacques Cantier10, Éric Jennings11 ou encore Vincent Joly12 ont permis de couvrir l’Afrique du Nord et de l’Ouest, l’Asie du Sud Est, l’Océan Indien et les Antilles13. On y constate partout que, malgré la volonté initiale du régime de Vichy d’un clonage systématique de la Révolution nationale, les réalités de sa diffusion sont restées très diverses. Ainsi, nous mesurons mieux aujourd’hui « l’enracinement de l’idéologie pétainiste outre-mer et les avatars de celle-ci d’un territoire à l’autre14 ». De même, sa réception par les colons comme par les populations locales est mieux connue. Éric Jennings démontre par exemple que la société coloniale malgache est plus perméable à la Révolution nationale qu’en Guadeloupe où l’acculturation républicaine semble plus forte. À une autre échelle, on peut également observer « l’accommodement empressé d’une Église d’Afrique qui se retrouve dans bien des points de la philosophie de la Révolution nationale15 ». Témoin de la pluralité des attitudes, Vincent Joly souligne pour le Soudan Français (le Mali actuel) : « À l’intérieur même des colonies demeurées fidèles au Maréchal, il n’y a jamais d’unanimité non seulement entre Français mais encore entre Français et Africains, ce qui devait lourdement peser sur l’avenir16. » Ce faisant, il opère une distinction nette entre Africains et Européens, Vichy visant, malgré son discours d’unité, à creuser et figer davantage ce clivage. Cela a d’ailleurs pu constituer, au moins au départ, un vecteur d’acceptation du régime : « Beaucoup de Français des colonies qu’ils soient pour ou contre le gouvernement de Pétain adhèrent au nouveau régime dans la mesure où il semble revenir à un ordre que le timide libéralisme du Front Populaire avait un moment remis en cause17. » En revanche, les débats et querelles entre Vichystes et Français libres restent largement perçus comme étant d’abord l’affaire des Européens. Pour cette raison, ils restent ignorés de la masse mais aussi largement des élites locales africaines. Des élites ou des « évolués », selon le jargon colonial de d’époque, qui apparaissent comme les grands perdants du nouveau régime, Vichy accélérant sans doute le divorce entre eux et la France18.
5En dehors de l’Empire, les études restent plus rares mais nous disposons néanmoins d’éclairages de qualité en particulier à l’échelle américaine. Y insérer notre propos permettrait sans doute de décrisper certains débats et de sortir des polémiques parfois vaines autour d’une singularité québécoise. L’analyse du Mexique face à Vichy et à la France Libre19 offre par exemple bien des points de convergences possibles, notamment par la présence d’une forte colonie française et francophone (la plus nombreuse d’Amérique latine) même si elle est de nature différente de celle du Canada. On y enregistre également des relations complexes entre plusieurs acteurs (gouvernement Mexicain, opinion mexicaine, colonie française…) et au sein de ces diverses composantes. De même, au Mexique, il est difficile de ne pas tenir compte du jeu diplomatique du puissant voisin américain, tout comme au Canada il est impensable de ne pas considérer la relation aux États-Unis et plus encore à l’époque aux Anglais. Bien entendu, le projet de Denis Rolland20 n’est pas le mien, mais il ouvre d’indéniables perspectives en particulier autour du concept de latinité au sein d’un pays à la filiation culturelle au moins double. Plus proche de notre réalité, l’étude d’Émmanuelle Loyer sur Paris à New York démontre combien l’ambassade de Vichy à Washington fut, du moins jusqu’en novembre 1942, « le centre d’une propagande Vichyste extrêmement dynamique sur le continent nord-américain21 » par le biais notamment des chambres de commerce, des associations d’anciens combattants ou de l’Alliance française. Plus significative encore, elle souligne, même une fois l’hypothèque Vichy levée après le débarquement en Afrique du Nord, une empathie persistante pour le Maréchal au sein des populations francophones et inversement une réticence marquée à l’égard de la personnalité du général de Gaulle. Finalement, elle considère que « la singularité de l’Amérique repose sur la persistance, jusqu’à la fin de la guerre, de cette dissidence antigaulliste22 ». Elle confirme ainsi l’ambivalence désormais bien connue de la politique des États-Unis à l’égard du régime de Vichy mais aussi de la France Libre. Ambiguïté qu’incarne parfaitement le président Roosevelt, au départ « manifestement impressionné par le mythe Pétain23 » et très longtemps favorable à toute solution alternative à de Gaulle.
6Autant de cas et de miroirs qui éclairent des logiques, des réalités, des dynamiques profondes et encore largement méconnues du Vichysme et du monde pluriel de ses soutiens. Pour toutes ces raisons, la scène québécoise constitue donc un observatoire précieux pour analyser ces vichystes ou maréchalistes « hors les murs », c’est-à-dire hors de métropole, sachant que je ne suis ni le premier, ni le seul sur ce front qui reste néanmoins pionnier24.
Pour une histoire de l’exil des « réprouvés » de la collaboration
7Objet transnational par excellence, l’histoire de ces « réprouvés » ou « proscrits » de la collaboration poursuivis dans leurs pays, et qui ont pris le chemin de l’exil politique pour cette raison, est d’abord une histoire d’itinéraires et de réseaux (d’exfiltration ou d’accueil notamment). Pour autant, doit-on parler de population exilée, de population réfugiée ou de simples immigrants ? Cette question de vocabulaire n’est évidemment pas neutre selon le locuteur25. Ainsi, les collaborateurs français présents au Québec sont clairement perçus outre-Atlantique comme des réfugiés politiques. C’est pourquoi, j’adopte aussi cette catégorie d’analyse même si ce statut est parfois plus difficile à admettre en France. Dans ce pays, où Libération rime avec transition démocratique, « l’équation exil-trahison a longtemps fonctionné », condamnant souvent ces exilés/émigrés à rester « hors de l’histoire nationale et des mémoires dominantes26 ».
8Longtemps objet de littérature à sensation et de presse à scandale, ce sujet intègre désormais le territoire des historiens. Il y participe du renouveau en cours dans l’analyse des sorties de guerre et des démobilisations mais aussi de la transition entre Seconde Guerre mondiale et guerre froide27. Au regard de la production existante, on constate, de manière assez logique, un surinvestissement historiographique dans l’étude des Italiens ou des Allemands comme groupes d’exilés et de l’Espagne ou de l’Amérique latine (en particulier l’Argentine) comme territoires d’accueil28. Reste qu’il y a encore relativement peu de travaux sur les seuls Français29 ou sur les autres espaces, notamment l’Europe centrale et orientale, l’Amérique du Nord30 voire le Proche ou le Moyen Orient.
9Ce cadre problématique est d’autant plus central pour le Canada que ce pays, pourtant peu remarqué comme tel jusqu’ici, semble avoir accueilli après-guerre un nombre significatif de criminels de guerre ou de collaborateurs des régimes autoritaires européens. C’est ainsi que l’arrestation en juillet 2012 en Hongrie de Laszlo Csatary, ex-responsable de la police hongroise pendant la guerre, a révélé que ce dernier avait d’abord trouvé refuge au Canada au sortir de la guerre. De fait, il y avait fait l’objet de poursuites civiles en 1997 visant à lui retirer la citoyenneté canadienne au motif qu’il avait alors caché sa participation « à l’emprisonnement de milliers de juifs ainsi qu’à leur déportation subséquente vers les camps de la mort en 194431 ». Il avait alors décidé de ne pas contester la perte de sa citoyenneté et avait quitté volontairement le pays avant même que ne débute son procès. Il s’était depuis installé à Budapest jusqu’à son arrestation32. Plus surprenante encore, la publication en avril 2012 par le Centre Simon Wiesenthal de la liste des dix criminels de guerre ou nazis les plus recherchés33 montrait également que, parmi ces dix nonagénaires, trois vivaient ou étaient passés par le Canada. Outre Csatary, on y découvrait Helmut Oberlander accusé d’avoir participé à l’exécution de civils en Ukraine alors qu’il était membre d’un Einsatzkommando allemand et Vladimir Katriuk suspecté d’actes criminels contre des partisans et des civils en Biélorussie sous l’occupation allemande. Bien entendu, ces « révélations médiatiques » de 2012 ne constituent en rien un scoop pour les autorités et la société canadiennes. D’ailleurs, des procédures de dénaturalisation sont déjà engagées contre les trois intéressés depuis la fin des années 1990. En effet, bien que longtemps occultée, cette question très sensible est l’objet au Canada depuis la fin des années 1980 de débats importants34 mais aussi d’enquêtes35 et de poursuites36. La prise en compte de cet arrière-plan historique37 paraît d’autant plus souhaitable pour notre sujet que, selon Alti Rodal, l’affaire des collaborateurs français est tout à fait représentative de la façon dont la question des criminels de guerre fut traitée au Canada dans l’immédiat après-guerre38. Mieux encore, elle constituerait un exemple particulièrement marquant de la politique suivie alors.
10Il s’agit donc d’approfondir l’analyse de l’épuration en France en clarifiant l’itinéraire de ces collaborateurs‑exilés, tout en tentant de saisir comment le gouvernement canadien et les Québécois ont, à l’époque, pensé l’événement « épuration » lointain et proche à la fois par le biais de ces « Français réfugiés » qui divisent la société canadienne, non sans des retours sur sa propre guerre.
« Un Québec malade de sa mémoire39 » : des convergences mémorielles avec la France ?
11Le syndrome de Vichy, à savoir non pas l’histoire de l’événement ou du régime du même nom, mais plutôt celle de sa postérité et de sa mémoire dans la société française, constitue un objet scientifique dont la réalité n’est plus à démontrer en France depuis qu’Henry Rousso40 l’a érigé en sujet d’étude. Sans doute, la transposition de la notion outre-Atlantique peut sembler périlleuse, mais elle apparaît néanmoins légitime au regard des débats qui entourent, depuis le milieu des années 1990, la question de la perméabilité du Canada français au Vichysme ou fascisme.
12Il suffit pour s’en convaincre d’observer les très vives polémiques qui ont secoué la presse québécoise en 1994 puis en novembre et décembre 199641, autour des échos mémoriels de la Seconde Guerre mondiale. Cette même période coïncide d’ailleurs avec « un moment historiographique » particulier qui voit la publication concomitante de plusieurs ouvrages de référence sur le sujet42. On pourrait ici presque reprendre ce que l’on a coutume de dire au sujet de la réception de l’ouvrage de Paxton en France en 1973 : il ne suffit pas d’écrire de bons livres, encore faut-il les écrire au bon moment. De fait, on assiste à une coïncidence remarquable entre mémoire savante et demande sociale dans un contexte politique exacerbé par la question nationale et référendaire43. Pour autant, le sujet n’était pas neuf et il était déjà connu, au moins dans les grandes lignes, du petit monde des historiens44. Dès lors, avec les Cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle :
« Ne faut-il pas plutôt s’interroger sur la raison pour laquelle cette connaissance, disponible à qui voulait la lire, n’a pas été avant aujourd’hui perçue comme socialement pertinente ? Cela nous ramène aux enjeux de mémoire du temps présent45. »
13Un point de vue partagé par Éric Amyot :
« En 1994, un article publié dans Le Devoir et un ouvrage d’Yves Lavertu révélaient aux Québécois, stupéfaits, que des collaborateurs français trouvèrent, après la guerre, refuge et asile au Québec. Du même souffle, on apprenait que le maréchal Pétain et la Révolution nationale avaient bénéficié d’importantes sympathies au Canada français. Un épisode oublié de notre histoire collective se retrouvait soudainement au cœur de l’actualité. Les révélations de l’été 1994 n’ont pourtant que confirmé ce que plusieurs chercheurs connaissaient déjà46. »
14Les historiens s’emploient alors à pacifier cette mémoire empoisonnée. Ainsi, Claude Beauregard en 1997 dans sa préface de La presse canadienne et la Deuxième Guerre mondiale :
« En ces temps troublés de difficiles rappels, où l’on déterre à grands coups de polémiques le passé fasciste du Québec, il est bon de se retremper dans ce que les journaux canadiens disaient de la Deuxième Guerre mondiale et de la participation du Canada à ce conflit47. »
15Éric Amyot, en 1999, tout en présentant un solide bilan historiographique sur Vichy, La France Libre et le Canada français, regrette d’ailleurs « l’odeur de soufre associée à la période48 ».
16Certes, il n’est pas question de considérer que les deux phénomènes mémoriels, français et québécois, sont de même nature, ni d’intensité identique. Ils n’en demeurent pas moins comparables d’autant que cette sensibilité du Québec, à l’égard de ce passé qui ne passe pas ou passe mal, a de quoi surprendre et faire sens, a fortiori chez un chercheur français. Un rapport à l’histoire qui constitue aujourd’hui l’un des éléments les plus problématiques de la question identitaire québécoise, y compris sous l’angle de l’écriture de l’Histoire ou de son enseignement49. Le dernier rebondissement de « l’affaire Bernonville » en témoigne via la publication d’un nouvel opus d’Yves Lavertu. Un livre plutôt polémique, où l’auteur dénonce « la gestion biaisée de la mémoire québécoise face à un criminel de guerre », non sans des attaques virulentes contre le « monde des historiens québécois50 ». La mémoire de l’événement Seconde Guerre mondiale, en particulier à partir de son réveil au Québec à compter des années 1990, offre donc d’intéressantes perspectives comparées avec la situation française ou européenne. Ainsi, le tournant des années 1990, marqué en France par le retour quasi obsessionnel de Vichy, l’ouverture « d’une seconde épuration » (procès Barbie, Touvier, Papon51) et l’importance de la mémoire de la Shoah, coïncide au Québec avec un moment historiographique particulier et la même centralité accordée à la question de l’antisémitisme. Une séquence qui ouvre également sur la relance active des recherches52 relatives aux criminels de guerre entrés au Canada.
17De manière complémentaire, on ne peut être que frappé, de part et d’autre de l’Atlantique, par la multiplication des « affaires53 » en lien avec la remémoration de ce passé. En s’appuyant sur les travaux de Luc Boltanski qui a notamment théorisé la « forme affaire », il y a matière ici à analyser ces épisodes, en comparant les mécanismes sociaux à l’œuvre mais aussi les conditions de la saisie de l’espace public et les dynamiques de mobilisations54.
Quelles sources ?
18Partant d’un sujet qui souffrait d’un déséquilibre marqué dans l’historiographie et dans le traitement des sources au bénéfice quasi exclusif du Canada, mon objectif premier a été de corriger cette dissymétrie en apportant à ce dossier l’éclairage de sources françaises ignorées jusqu’alors. De même, j’ai opté pour un élargissement de la séquence chronologique étudiée : de l’événement dans l’immédiat après-guerre jusqu’aux conditions de sa remémoration postérieure en particulier depuis les années 1990. Une complémentarité et une linéarité entre l’événement et sa postérité qui n’avaient pas encore été proposées : les spécialistes canadiens de l’objet se focalisant toujours plutôt sur l’une ou sur l’autre de ces deux temporalités. En définitive, un projet de recherche qui, partant de « l’affaire des réfugiés politiques français au Québec » au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, analyse aussi les réminiscences et les usages de ce passé dans des temps ultérieurs entre histoire, mémoire et écriture de l’histoire.
19Pour ce faire, j’ai d’emblée constaté que les débats immédiats autour de l’épuration française et en particulier des procès Pétain et Laval très suivis au Québec55 mais aussi la vive querelle qui éclate entre certains milieux littéraires québécois et français56 sont, entre 1945 et 1947, l’occasion des premières clarifications sur les rapports des Canadiens français à Vichy (chapitre i). Dans un second temps, l’entrée illégale sur le sol canadien de miliciens français recherchés dans leur pays pour des faits de collaboration prend très vite la tournure d’une affaire d’État(s) (chapitre II). État(s) au pluriel pour mieux signifier les deux échelles politiques à considérer : interne et externe. En effet, de sa révélation en 1948 à son épilogue provisoire en 1951, cette affaire pèse inévitablement sur les relations franco-canadiennes mais aussi grandement sur les rapports entre autorités fédérales et provinciales. Sous cet angle, les sources diplomatiques françaises encore inédites57 mais abondantes sur le sujet58 ont été croisées avec les archives publiques du gouvernement canadien déjà plus et mieux connues59. Une attention particulière a été accordée aux sources parlementaires canadiennes60 comme reflet des tensions du moment. L’un des enjeux consistait également à mesurer l’implication exacte des autorités provinciales au cœur d’une affaire qui, de par sa nature profonde (immigration), relevait plutôt du fédéral. C’est dans cette optique que j’ai consulté les débats de l’Assemblée législative du Québec61 mais aussi et surtout le très important fonds Maurice Duplessis62, du nom du premier ministre québécois de l’époque (1944/1959). Archives d’autant plus importantes à appréhender que le phénomène Duplessis pèse lourd au niveau mémoriel à l’échelle de l’histoire politique et sociale du second XXe siècle québécois. En effet, on y oppose communément la période dite de la « Grande noirceur » des années de pouvoir de Duplessis avec celle de la « Révolution tranquille » à compter de 1960 et du retour des libéraux au pouvoir. Une lecture manichéenne que les progrès de l’historiographie tendent aujourd’hui à nuancer63. Ce faisant, encensé ou diabolisé, le « chef » comme il se faisait appeler au sein de son parti, laisse rarement indifférent. Fondateur du parti de l’Union nationale à compter de 1935, Maurice Duplessis est tout à la fois charismatique et autoritaire. Il cultive en effet les paradoxes d’un avenir qui ne rompt pas avec le passé et d’un progrès qui se nourrit de tradition. Il assume ainsi après-guerre l’entrée du Québec dans une réelle modernité économique avec la persistance d’un modèle politique, social et moral très conservateur. Malgré ces caractères qui ne sont pas sans offrir une certaine porosité aux programmes et valeurs de Vichy, on verra néanmoins, au risque de surprendre, que sans doute par calcul ou prudence politique, il incarne plutôt ici la « figure de l’absent ». Une position d’autant plus remarquable que certains de ses proches (en particulier Camillien Houde, maire de Montréal) étaient très engagés dans le combat en faveur des collaborateurs français64.
20Bien entendu, une analyse exclusivement politique ou diplomatique de cette affaire ne pouvait prétendre en restituer toute l’épaisseur sociale nécessaire à sa totale compréhension (chapitre 3). Le fonds Rumilly65 a ainsi permis de mieux appréhender les contours exacts de la nébuleuse vichyste qui se mobilise au Québec au service de la cause des collaborateurs français. De fait, Robert Rumilly est le personnage clé de cette bataille « idéologique », au point qu’elle se confond souvent avec lui. Chez cet intellectuel66, militant ardent de l’Action française67, arrivé au Canada en 1928, convaincu du déclin de la France et inversement persuadé d’avoir trouvé au Canada français une « nouvelle France » plus conforme à son idéal, la cause des miliciens est clairement d’essence passéiste et d’ordre réactionnaire, même s’il tente, par ailleurs assez habilement, d’instrumentaliser le climat de guerre froide ambiant à son profit68. Pour Rumilly et certains activistes de droite qui gravitent autour de lui, il est certain que Bernonville et consorts ont pu incarner la figure « du migrant idéal » : francophone, catholique et anticommuniste. De même, dans une histoire sociale de ce dossier, je me suis attaché à mieux connaître ce petit groupe de miliciens français69 réfugiés au Québec. Qui étaient-ils vraiment ? Lors de cette quête/enquête, le cas de Jacques Dugé de Bernonville s’est vite imposé comme « extraordinaire » au regard de l’ampleur des traces conservées à son sujet dans les archives70 mais aussi des fonctions officielles et officieuses occupées durant la période. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une approche biographique spécifique le concernant (chapitre v). De fait, en creusant son parcours « singulier », mais non atypique à l’échelle de la Milice, j’ai rapidement constaté qu’il était en mesure d’éclairer, sous un jour parfois nouveau, certaines sphères et réalités du régime de Vichy dans l’événement comme après.
21Enfin, la partie relative à la postérité de l’événement (chapitre iv) s’est construite à l’interface de la presse71 et du « moment historiographique » des années 1990 évoqué précédemment. Elle reste aussi indissociable de la gestion nouvelle de la question des criminels de guerre entrés au Canada après-guerre qui se met en place au même moment. Cette opération, par les sources produites72 et les forces sociales mobilisées73, apporte indiscutablement à notre propos tout en lui offrant de précieux points de comparaison. Une articulation à cette problématique d’autant plus « naturelle » que les arrestations puis inculpations en France de Barbie et Touvier rencontrent un large écho au Canada et jouent d’un effet d’entraînement indiscutable sur la demande sociale comme sur les politiques publiques suivies dans le domaine.
Pour quelle histoire ?
22Plus qu’une approche comparée qui conduit souvent à la confrontation, certes raisonnée et problématisée, de deux entités distinctes sans toujours éviter l’écueil d’une opposition binaire, je souhaite promouvoir ici une histoire croisée c’est-à-dire plus relationnelle des deux sociétés étudiées. Faisant mienne la remarque de Bénédicte Zimmermann, mon but est : « De décaler l’analyse, par rapport à des monographies comparées centrées sur des entités territorialement délimitées vers les relations qui traversent ces dernières et les interactions qui les constituent74. » De fait, les « blessures de guerre » relevées sur la scène québécoise depuis 1945 reposent fondamentalement sur une histoire de transferts75 et de circulations d’hommes ou d’idées entre le Québec et la France voire plus globalement entre le Canada et l’Europe.
23C’est ainsi qu’Olivier Dard définit Robert Rumilly comme un « passeur des droites nationalistes entre la France et le Canada français76 ». Une démarche voisine de celle proposée par Catherine Pomeyrols et Claude Hauser dans L’Action française à l’étranger, à savoir : « Poursuivre les recherches tant sur la réorientation du maurrassisme […] que sur les changements de pôles d’influence nationaux dans la diffusion de l’idéologie d’Action française consécutifs à l’exil et au refuge hors de France de nombreux intellectuels maurrassiens77 » au XXe siècle. Ceci étant, je ne me revendique d’aucune école dans le domaine et faire de l’histoire croisée relève d’abord pour moi d’une pratique de recherche née du choix empirique d’un objet transnational. Cette démarche impose en revanche de réelles contraintes méthodologiques. D’une part, elle suppose une réflexion sur le choix d’échelles78 compatibles de manière à garantir sinon une symétrie, du moins une cohérence à l’analyse. Sous cet angle, la structure fédérale canadienne et les différences de statuts qu’elle induit entre la France et la province du Québec ne peuvent ni ne doivent être ignorées. Ce travail suppose une quête d’équilibre constante entre l’échelon québécois comme espace d’étude privilégié et des problématiques qui sont parfois canadiennes. Pour cela, il importera, dès que nécessaire, de prendre la mesure du cadre canadien, sans jamais perdre de vue que cette étude est centrée sur le Canada français et en particulier le Québec79. D’autre part, il y a toujours nécessité à s’approprier l’historiographie de « l’autre espace » qui nous est le moins familier au départ, sauf à porter un regard ethnocentré et déséquilibré sur l’objet étudié. Une première étape consiste alors à faire dialoguer des historiographies parallèles et qui souvent s’ignorent. Le postulat initial est donc de « reconnecter » entre elles des histoires séparées, en raison notamment du cloisonnement induit par le développement d’historiographies d’abord nationales. Au-delà, cette exigence doit aller si besoin jusqu’à se défaire d’un « nationalisme méthodologique », souvent tentant et parfois même inconscient, pour accepter d’interroger son sujet à l’aune de questionnements et d’enjeux qui lui sont propres. Il faut accepter d’emblée la pluralité des points de vue possibles et les décalages produits par l’appartenance à une autre aire culturelle. Aussi, quand bien même il y est question de collaborateurs français, ce qui se joue au Québec après 1945 n’est pas le simple reflet ou prolongement de ce qui se passe ou se dit en France au même moment. A contrario, le regard porté sur l’épuration française au Québec est d’abord le fruit de préoccupations spécifiques à ce territoire. Ainsi, une partie de la mobilisation en faveur des exilés politiques français repose sur la confrontation de cultures juridiques et de traditions pénales très différentes d’un pays à l’autre, particulièrement en matière de justice politique. Nul doute que ces divergences ont été sources d’incompréhensions mutuelles et de malentendus au risque parfois de brouiller le fond du dossier. De la même manière, faire le pari d’une histoire connectée entre la France et le Québec, c’est une façon de s’extraire du cadre parfois rigide des histoire(s) nationale(s) pour construire un objet hybride qui appartient un peu aux deux. Dès lors, il s’agit d’écrire une histoire franco-québécoise qui soit, tout à la fois, une histoire mixte, une histoire française et une histoire québécoise. Selon la belle expression reprise par Romain Bertrand, c’est « faire un pas de côté80 », non pas pour produire une histoire « hors sol », mais au contraire pour révéler des lieux et milieux de rencontres. En ce sens, et au-delà de son volet diplomatique stricto sensu, ce travail participe aussi des efforts récents en matière d’histoire des relations internationales « pour ne pas limiter la recherche aux études statocentrées [et] pour privilégier l’analyse de relations intersociétales [voire interpersonnelles] indépendantes des relations interétatiques […]81 ». Enfin, ce livre, dans son chapitre 582, emprunte également aux codes de la biographie, pour mieux articuler la singularité d’une trajectoire avec les dynamiques politiques, sociales ou culturelles du temps dans lequel elle s’inscrit.
24Interactions et interrelations qui ne feront sens que si elles contribuent à faire émerger sinon un sujet nouveau, du moins une nouvelle façon de le penser. C’est toute l’ambition de cette approche décentrée qui, si elle est menée avec prudence et méthode, doit apporter autant à l’histoire de la France de Vichy qu’à l’histoire du Québec contemporain.
Notes de bas de page
1 Sous le titre La postérité de Vichy au Québec. L’affaire des « réfugiés politiques français » au Canada après1945 : retour sur l’événement, sa mémoire et l’écriture de son histoire. Cette habilitation a été soutenue le 28 novembre 2013 à l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne, sous la direction de Denis Peschanski (CNRS CHS-Paris 1) devant un jury composé des professeur(e)s Robert Frank (Paris 1), Donald Fyson (université Laval, Québec, Canada), Hélène Harter (Rennes 2), Emmanuelle Loyer (IEP Paris) et Jacqueline Sainclivier (Rennes 2). Je tiens ici à remercier l’ensemble du jury pour ses conseils et en particulier mon garant Denis Peschanski. Enfin, et même si cette version finale n’engage que moi, entre compétence et amitié, je n’oublie pas Hervé Kerrien et Donald Fyson pour leur patient et précieux travail de relecture.
2 Ce projet a été amorcé grâce à une bourse de recherche du gouvernement canadien et je tiens ici à remercier Madame Orietta Doucet Mugnier en poste à l’Ambassade du Canada à Paris en 2008-2009. Par la suite, il a été réalisé grâce au soutien constant du CIEQ (Centre interuniversitaire d’études québécoises) qui m’a offert à plusieurs reprises des conditions d’accueil et de travail remarquables. Que ses deux codirecteurs, Yvan Rousseau (UQTR) et Donald Fyson (université Laval), et leurs équipes trouvent ici l’expression de ma profonde gratitude.
3 Du nom du plus célèbre d’entre eux. Yves Lavertu, L’affaire Bernonville. Le Québec face à Pétain et à la collaboration, Montréal, VLB éditeur, coll. « Études québécoises », 1994.
4 Marc Ferro, Pétain, Paris, Fayard, 1987, p. 687-688.
5 Éric Amyot, Le Québec entre Pétain et De Gaulle, Montréal, Fides, 1999, p. 328.
6 Esther Delisle, Mythes, mémoire et mensonges : l’intelligentsia du Québec devant la tentation fasciste 1939-1960, Montréal, Robert Davies éditeur, 1998, 4e de couverture.
7 À l’orée des années 2000, Éric Amyot a dressé un solide état critique de ce renouvellement dans : « Vichy, La France Libre et le Canada français : bilan historiographique », Bulletin d’histoire politique, 7,2 (hiver 1999), p. 9-17. Dans la continuité, signalons également : Olivier Courteaux, Les relations franco-canadiennes entre 1940 et 1946 : les relations oubliées, Thèse de doctorat d’Histoire, université Paris 4-Sorbonne, 2000, en version publiée Canada between Vichy and Free France 1940-1945, Toronto, University of Toronto Press, 2013, et Frédéric Smith, « La France appelle votre secours » Québec et la France libre 1940-1945, Montréal, VLB éditeur, 2012.
8 C’est une évolution qui, à l’époque, semble sinon commune, du moins partagée avec le Mexique. Denis Rolland explique notamment combien la guerre fut pour le Mexique l’occasion de rééquilibrer ses relations avec la France. Selon lui, « La mano en la mano » de De Gaulle en 1964 trouve même ses racines dans la période 1939-1942. Dans un registre voisin, la guerre accélère l’entrée du Mexique dans une phase postrévolutionnaire tout en le faisant accéder à une certaine modernité politique (unité nationale, image démocratique), Denis Rolland, Vichy et la France Libre au Mexique, Paris, L’Harmattan, 1990, p. 327.
9 À compter des années 1990, l’historiographie de Vichy connaît un glissement dans l’analyse de la France de Vichy à celle de la France et surtout des Français(e)s sous Vichy. La publication du colloque Vichy et les Français, [Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), Paris, Fayard, 1992] marque une étape majeure de cette évolution qui s’est approfondie par la suite.
10 Jacques Cantier, L’Algérie sous le régime de Vichy, Paris, Odile Jacob, 2002.
11 Éric Jennings, Vichy sous les tropiques La Révolution nationale à Madagascar en Guadeloupe et en Indochine, Paris, Grasset, 2004, (1e édition, Stanford, 2001).
12 Vincent Joly, Le Soudan français de 1939 à 1945, Paris, Karthala, 2006. Voir notamment, la partie « Le Soudan de Vichy ».
13 Des espaces qui ont fait l’objet d’une première tentative de synthèse, Éric Jennings, Jacques Cantier (dir.), L’Empire colonial sous Vichy, Paris, Odile Jacob, 2004.
14 Éric Jennings, Jacques Cantier (dir.), op. cit., p. 8.
15 Ibid., p. 10.
16 Vincent Joly, op. cit., p. 333.
17 Ibid., p. 336.
18 C’est l’une des conclusions de Vincent Joly, op. cit., p. 363.
19 Denis Rolland, Vichy et la France Libre au Mexique, op. cit.
20 L’image de la France et de ses représentations y occupe une place centrale au sein de l’approche surtout politique et culturelle d’une relation bilatérale ou plutôt triangulaire entre le Mexique et les deux France du moment.
21 Emmanuelle Loyer, Paris à New York. Intellectuels et artistes français en exil 1940-1947, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 2007, p. 175 (1re édition, Grasset, 2005).
22 Ibid., p. 179.
23 Ibid., p. 172.
24 La toute récente publication de la thèse de Sébastien Verney (Michel Depeyre et Éric Jennings [dir.]) en témoigne : L’Indochine sous Vichy. Entre Révolution Nationale, collaboration et identités nationales 1940-1945, Paris, Riveneuve éditions, 2012.
25 Rappelons que de manière « usuelle » et classique, l’exil s’applique au pays de départ alors que le terme réfugié relève davantage du pays d’arrivée. Ce faisant le mot exil, même limité à sa seule acception politique, demeure polysémique et échappe le plus souvent à toute typologie simple. Ainsi, il convient de distinguer exil volontaire et exil forcé mais aussi exil individuel et exil collectif, même si, y compris dans ce dernier cas, l’exil reste toujours d’abord une expérience individuelle et singulière. Dans le même esprit, il existe un critérium entre l’exil comme « catégorie ressentie » ou comme « catégorie juridique », sachant que la frontière entre les deux est parfois ténue. Ainsi nos miliciens ne sont pas « juridiquement » condamnés à l’exil mais ils ont pu vivre leurs condamnations parfois lourdes (en particulier la peine d’indignité nationale, parfois comparée à une « mort civique ») comme une forme d’ostracisme. Voir sur ces questions de définition, Janine Ponty, « Réfugiés, exilés, des catégories problématiques », Matériaux pour l’Histoire de notre temps, 44, 1996, p. 9-13.
26 Emmanuelle Loyer, Paris à New York…, op. cit., p. 15. Sur les dynamiques et problématiques de l’exil, en particulier des français et en Amérique du Nord, voir également les numéros 60 (2000) et 67 (2002), de la revue Matériaux pour l’Histoire de notre temps.
27 À titre de bon exemple, voir Luc Van Dongen, Un purgatoire très discret. La transition helvétique d’anciens nazis, fascistes et collaborateurs après 1945, Paris, Perrin, 2008.
28 Pour s’en tenir aux seuls Français, voir Éric Conan, « La cavale des maudits », L’Express, 12 août 1993, p. 38-47 ; Alain Clavien, « Les intellectuels collaborateurs exilés en Suisse », Matériaux pour l’Histoire de notre temps, no 67, 2002, p. 84-89 ; Anne Dulphy, « Les exilés français en Espagne depuis la Seconde Guerre mondiale : des vaincus de la Libération aux combattants de l’Algérie française 1944-1970 », Matériaux pour l’Histoire de notre temps, 67, 2002, p. 96-101 ; ou encore Diana Quattrocchi-Woisson sur les collaborateurs français et belges en Argentine entre 1940 et 1960, Relaciones con la Argentina de funcionarios de Vichy y de colaboradores franceses y belgas, 1940-1960, Rapport de la Comision para el Esclrarecimiento de las Actividades del Nazismo en Argentina (CEANA), Buenos Aires, Ministerio de Relaciones Exteriores de la Republica Argentine, 1999.
29 En complément de la note précédente, signalons Luc Van Dongen sur le microcosme « collabo » français en Suisse (l’auteur parle de « Vichy-sur-Léman », op. cit., 67-99) ; Henry Rousso, Un château en Allemagne : La France de Pétain en exil, Sigmaringen 1944-1945 (Paris, Ramsay, 1980), rééditions Pétain et la fin de la collaboration, Sigmaringen 1944-1945, Bruxelles, Complexe, 1984 ; Un château en Allemagne, Sigmaringen 1944-1945, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2012 (avec préface inédite) et Jean-Paul Cointet, Sigmaringen – Une France en Allemagne 1944-1945, Paris, Perrin, 2003.
30 Outre les travaux d’Emmanuelle Loyer ou de Yves Lavertu déjà cités, signalons l’article précurseur de John Hellman, « Monasteries, Miliciens, War Criminals : Vichy-France/Québec 1940-1950 », Journal of Contemporary History, 32,4, 1997, p. 539-554.
31 GIS, 87-3E/3F, Grant Purves, War Criminals : The Deschênes Commission, Library of Parliament, 1987-1998. 87-3F, p. 8.
32 Il y est mort le 12 août 2013 à 98 ans et sans jugement.
33 Liste reprise dans le dossier « La chasse aux derniers nazis », Le nouvel Observateur, 2/8/2012, no 2491, p. 55.
34 La presse anglophone comme francophone en témoigne.
35 Notamment la Commission d’enquête Deschènes diligentée par le gouvernement Canadien : Jules Deschênes, (dir.), Rapport de la Commission d’enquête sur les criminels de guerre, Ottawa, 1986.
36 Une vingtaine en l’état.
37 Sur lequel, il existe désormais des travaux universitaires. L’étude la plus aboutie à ce jour demeure celle d’Howard Margolian, Unauthorized Entry : The Truth About Nazi War Criminals in Canada, 1946-1956, Toronto, University of Toronto Press, 2000. Voir également le travail de Maryse Trudel, Le paradoxe de la politique canadienne visant l’impunité des criminels de guerre, Mémoire de maîtrise de Droit, université de Montréal, juin 2005.
38 Alti Rodal, « The admission to Canada of Vichy French collaborators was perhaps, after the Meyer case, the most prominent domestic aspect of the war crimes issue during the immédiate postwar period », dans Nazi War Criminals in Canada: The Historical and Policy Setting from the 1940s to the Present, Prepared for the Commission of Inquiry on War Criminals, by Alti Rodal, septembre 1986, p. 343.
39 Benoît Lacroix, « Un Québec malade de sa mémoire », Cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle, no 2, 1994, p. 3-7. L’article porte précisément sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale au Québec. Sur cet aspect, voir également Marc Bergère, « Réminiscences du passé de la Seconde Guerre mondiale au Québec depuis 1945. Apports et limites d’une approche historiographique croisée France-Québec », Revue d’histoire de l’Amérique Française (RHAF), vol. 64, no 2, automne 2010, p. 99-111.
40 Au sein d’une historiographie de Vichy déjà bien installée, il contribue à en modifier la focale : Henry Rousso, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Le Seuil, [1987], 1990, 2e édition ; Henry Rousso, Éric Conan, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994 ; Henry Rousso, La hantise du passé, Paris, éditions textuel, 1998 ; Henry Rousso, Vichy : l’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 2001.
41 Cf. le chapitre 4 et le corpus d’articles de la presse québécoise des années 1990-2000 présenté dans les sources.
42 Éric Amyot, Le Québec entre Pétain et De Gaulle…, op. cit. ; Yves Lavertu, L’affaire Bernonville, op. cit. ; Esther Delisle, Le traître et le juif. Lionel Groulx, Le Devoir et le délire du nationalisme d’extrême droite dans la province de Québec 1929-1939, Montréal, Étincelle, 1992 ; Actes du colloque « La participation des Canadiens français à la Deuxième Guerre mondiale : mythes et réalités », Bulletin d’histoire politique, 3,3-4, printemps-été 1995, p. 13-396. Des ouvrages parfois polémiques, notamment autour de la question de la perméabilité, réelle ou supposée, des élites « nationalistes » québécoises au fascisme, cf. Esther Delisle, Mythes, mémoire et mensonges. L’intelligentsia du Québec devant la tentation fasciste 1939-1960, Montréal, Robert Davies éditeur, 1998.
43 L’année 1995 voit l’organisation du second référendum relatif à la souveraineté du Québec.
44 Notamment grâce à des travaux des années 1970 : Pierre Savard, « L’ambassade de Francisque Gay au Canada en 1948-1949 », Revue de l’Université d’Ottawa, 44, 1974, p. 5-31 ; Sylvie Guillaume, Les Québécois et la vie politique française 1914-1969 : parenté et dissemblances, Thèse de doctorat de IIIe cycle, université Bordeaux 3, 1975, p. 83-145 pour la période 1939-1945.
45 Rubrique « Carrefour », Cahiers d’Histoire du Québec au XXe siècle, « Les Canadiens français et la Seconde Guerre mondiale », no 3, 1995, p. 115-116.
46 Éric Amyot, « Bilan historiographique », loc. cit., p. 9.
47 Claude Beauregard, Serge Bernier, Edwidge Munn, La presse canadienne et la Deuxième Guerre mondiale, Ottawa, Institut Canadien des affaires internationales, 1997, p. 5.
48 Éric Amyot, « Bilan historiographique », numéro spécial « Vichy, La France Libre et le Canada français », Bulletin d’histoire politique, 7,2, hiver 1999, p. 15.
49 Les travaux de Jocelyn Létourneau en témoignent parfaitement (voir bibliographie).
50 Yves Lavertu, La Découverte. Les déboires d’un chercheur dans le dossier d’un criminel de guerre, Montréal, autoédition, 2010.
51 Ce qu’elle n’est pas et ne saurait être. Il s’agit davantage de procès liés à l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. Néanmoins, corriger les imperfections de la « première épuration » de la Libération constitue bien l’ambition avouée de certains acteurs, non sans confusion et sans un glissement d’une justice « transitionnelle » vers une justice « mémorielle ». Voir sur ce point, H. Rousso, Vichy : l’événement, la mémoire, l’histoire…, op. cit., p. 487 sq.
52 Au sens historique comme judiciaire.
53 En France, au-delà des procès évoqués précédemment, on peut penser aux affaires Bousquet et Mitterrand. Au Québec, peuvent entrer dans ce cadre d’analyse les affaires Bernonville (d’abord dans l’événement en 1948-1951, puis lors de sa remémoration durant les années 1990) mais aussi Roux ou Delisle. Sur ce contexte, voir Martin Pâquet (dir.), Faute et réparation au Canada et au Québec contemporains, Québec, éditions Nota Bene, coll. « Études historiques », 2006, et Régine Robin « Spectres et fantômes des années trente et 40 » dans, Nous autres, les autres, Montréal, Boréal, 2011, p. 161-211.
54 Luc Boltanski et al., Affaires, scandales et grandes causes, Paris, Stock, 2007.
55 Archives diplomatiques du ministère des affaires étrangères à La Courneuve (MAE), 28CPCOM/5 et 6 : analyses des réactions de la presse étrangère aux procès Pétain et Laval.
56 Sur ce sujet, voir l’ouvrage à valeur de source de Robert Charbonneau, La France et Nous, Journal d’une querelle, Montréal, éd. de l’Arbre, 1947.
57 La thèse de Nathalie François-Richard, La France et le Québec 1945-1967 dans les archives du MAE, Doctorat d’Histoire, université de Paris 8, 1998 porte exclusivement sur des fonds du MAE en lien avec sa problématique, à savoir l’évolution des relations culturelles entre la France et le Québec entre 1945 et 1967.
58 À Nantes, aux archives des postes diplomatiques français à l’étranger (CADN), j’ai d’abord consulté le fonds de l’Ambassade de France à Ottawa qui consacre deux volumineux dossiers à cette épineuse affaire. Ensuite, j’ai joué la complémentarité avec les archives de La Courneuve (MAE) pour les postes consulaires mais aussi pour des articles et entrées plus thématiques ou techniques : extradition, passeports, immigration, suivi et surveillance des français vivant au Canada…
59 J’ai néanmoins complété ces fonds souvent cités par la consultation des recueils annuels de documents des affaires extérieures (DEA) pour la période 1946/1952 (volumes XII à XVIII).
60 En particulier aux débats de la Chambre des Communes du Canada lors des sessions de 1945 à 1952. Notons que la retranscription des débats à la chambre des Communes est continue et ininterrompue depuis 1867. Ils sont désormais accessibles en ligne [http://parl.canadiana.ca].
61 Service de la Bibliothèque et des Archives de l’Assemblée Nationale, Québec (BAAN). J’ai examiné les années entre 1945 et 1952, sachant qu’il s’agit pour cette période des débats reconstitués de l’Assemblée législative. En effet, jusqu’en 1963, aucun recueil des débats parlementaires n’existait au Québec. Pour combler ce retard (notamment par rapport aux Communes) l’Assemblée nationale a décidé à compter de 1974 de procéder à la reconstitution des débats antérieurs à 1964 à partir, notamment, de ses archives et des chroniques parlementaires des grands quotidiens. Sur cette vaste opération, voir Jocelyn Saint-Pierre, « La reconstitution des débats de l’Assemblée législative du Québec, une entreprise gigantesque de rattrapage historique », Bulletin d’histoire politique, 11,3, printemps 2003, p. 11-22.
62 Ce fonds est conservé aux Archives du Séminaire Saint Joseph (ASSJ), Fonds Maurice Duplessis, Trois Rivières (Il s’agit de la ville et du fief électoral de Maurice Duplessis).
63 Pour une mise au point récente, voir Xavier Gélinas et Lucia Ferretti (dir.), Duplessis, son milieu, son époque, Québec, Le Septentrion, 2010.
64 Cf. la photographie de Maurice Duplessis et Camillien Houde à Montréal en 1948 reproduite en annexe 10.
65 Bibliothèque et Archives Nationales du Québec (BANQ), Centre de Montréal, Fonds Robert Rumilly, en particulier P 303 S6.
66 Notamment historien du Québec.
67 Jean-François Nadeau, « La divine surprise de Robert Rumilly », dans Michel Sarra-Bournet et Jocelyn Saint-Pierre (dir.), Les nationalismes au Québec du XIXe au XXIe siècle, Québec, Les Presses de l’université Laval, 2001, p. 105-116, et Jean-François Nadeau, Robert Rumilly, l’homme de Duplessis, Montréal, Lux, 2009.
68 Comme l’observait un de ses amis, sans doute n’est-il pas très éloigné (du moins dans son esprit) de la situation de l’émigré au sens Contre-révolutionnaire du terme. Yves Lavertu, L’affaire Bernonville, op. cit., p. 55.
69 Pour reconstituer leurs itinéraires, j’ai « retracé » leurs parcours judiciaires dans la France libérée. Cf. les apports des archives départementales de la Côte d’Or (ADCO), de Haute Garonne (ADHG), du Lot et Garonne (ADLG), de Savoie (ADS), de Haute Savoie (ADHS) et de la Vienne (ADV). Cela m’a conduit également jusqu’au fils de l’un d’entre eux (témoignage recueilli au Canada).
70 Des dossiers à son nom, souvent assez volumineux, sont conservés au CADN (Nantes), aux Archives nationales (Centre des archives contemporaines, CAC) de Fontainebleau (Pierrefitte-sur-Seine désormais), aux ADCO (Dijon) et ADHG (Toulouse).
71 Elle est utilisée ici comme marqueur social d’une certaine présence du passé au présent. En vertu des outils de recherche utilisés (en particulier la base Eureka. cc, BUL) la presse francophone a fait l’objet d’un dépouillement analytique systématique alors que j’ai procédé de manière plus aléatoire ou ciblée pour la presse anglophone.
72 Le rapport officiel de la commission Deschènes (Jules Deschênes, [dir.], Rapport de la Commission d’enquête sur les criminels de guerre, Ottawa, 1986. BUL) mais aussi le rapport d’expertise qu’elle a commandé à l’historien, Alti Rodal, Nazi War Criminals in Canada: The Historical and Policy Setting from the 1940s to the Present, Prepared for the Commission of Inquiry on War Criminals, by Alti Rodal, septembre 1986.
73 Je pense notamment aux contributions et apports des archives du Congrès Juif Canadien (CJC, Montréal) et du Centre Simon Wiesenthal (SWC, Toronto).
74 Bénédicte Zimmermann, « Histoire comparée, histoire croisée », dans Delacroix C., Dosse F., Garcia P., Offenstadt N. (dir.), Historiographies. Concepts et débats, Paris, Le Seuil, coll. « Folio Histoire », 2010, tome 1, p 171 ; Marcel Detienne, Comparer l’incomparable, Paris, Le Seuil, 2000 ; Michael Werner, Bénédicte Zimemrmann (dir.), De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Le Seuil, « Le genre humain », 2004.
75 Michel Espagne, Michael Werner (dir.), Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand (XVIIe-XIXe siècles), Paris, éd Recherche sur les civilisations, 1988.
76 Oivier Dard, « Robert Rumilly, passeur des droites nationalistes entre la France et le Canada français », Mens, vol XI, no 2, 2011, p. 7-36. Sous la direction du même auteur, voir Doctrinaires, vulgarisateurs et passeurs des droites radicales au XXe siècle (Europe-Amériques), Berne, Peter Lang, 2012.
77 Catherine Pomeyrols, Claude Hauser (dir.), L’Action française à l’étranger. Usages, réseaux et représentations de la droite nationaliste française, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 11. Voir également Olivier Dard, Michel Grunevald (dir.), Charles Maurras et l’étranger. L’étranger et Charles Maurras, Berne, Peter Lang, 2009.
78 Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’échelle de l’expérience, Paris, Gallimard/Le Seuil, coll. « Hautes Études », 1996.
79 À un moment où, précisément, la province, tout en respectant le pouvoir fédéral, multiplie les gestes politiques et symboliques à caractère autonomiste : adoption du drapeau québécois en 1948, instauration d’un impôt provincial sur le revenu en 1954.
80 Romain Bertrand, « Histoire globale, histoire connectée », dans Delacroix C., Dosse F., Garcia P., Offenstadt N. (dir.), Historiographies. Concepts et débats, Paris, Le Seuil, Folio Histoire, 2010, tome 1, p 374 ; Caroline Douki, Philippe Minard (dir.), « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelles historiographiques ? », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 2007, 54-4 bis.
81 Robert Frank, « Histoire des relations internationales », dans Delacroix C., Dosse F., Garcia P., Offenstadt N. (dir.), Historiographies. Concepts et débats, Paris, Le Seuil, Folio Histoire, 2010, tome 1, p. 237.
82 Le chapitre v constitue une étude de cas. Pour cette raison, il est volontairement placé en dernière position, pour ne pas rompre la dynamique, notamment chronologique, de l’enquête initiale sur « l’affaire des réfugiés politiques » (chapitres i à iv).
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