La poésie hébraïque médiévale dans la vie musicale des juifs à travers les siècles jusqu’à la chanson israélienne
p. 183-193
Texte intégral
1Avant d’aborder mon sujet, j’évoquerai en quelques mots Solange Corbin, dont j’ai eu le privilège de suivre les cours à l’Ecole pratique des hautes études, pendant la dernière année de sa vie. J’avais fait sa connaissance en août 1963, au Colloque international « Orient-Occident en musique » qui s’était tenu à l’université hébraïque de Jérusalem, sous l’égide du Conseil international de la musique de l’Unesco. La noblesse de son apparence et la profondeur de ses recherches m’avaient vivement impressionné : en l’écoutant m’était venue l’idée que si jamais j’arrivais un jour à faire des études universitaires, je les poursuivrais sous sa direction, rêve que j’ai pu réaliser à Paris en 1972.
2Elle nous a parfaitement enseigné le travail de recherche en musicologie. Avec elle, nous avons recherché des notations musicales dans des microfilms de manuscrits médiévaux à l’Institut de recherche et d’histoire des textes, avenue d’Iéna à Paris. En me proposant quelques microfilms de manuscrits de Blondel de Nesle, elle m’a incité à travailler sur l’ensemble des chansons de ce trouvère, dans toutes leurs versions, travail qui a abouti vingt ans plus tard au livre que nous avons publié, mon ami Gérard Le Vot et moi : L’œuvre lyrique de Blondel de Nesle1.
3Elle me conseilla de participer en août 1973 au cours d’été du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (Poitiers) où je suis revenu quelques années plus tard en tant que conférencier. Ces conférences ont abouti à un article, publié en 19802 : la présente étude en est un complément.
4Nos conversations, qui m’ont énormément enrichi, se déroulaient surtout dans ma voiture, car j’avais pris l’habitude de la ramener à son domicile, après ses cours à la Sorbonne. Quand elle est revenue subitement de Boston, très malade, nous lui avons rendu visite à l’hôpital de Nantes ; après son décès, nous avons assisté aux obsèques, où j’ai eu l’occasion unique, moi qui ne suis ni chrétien ni même croyant, de chanter à la cathédrale de Bourges prima vista le requiem grégorien, ce qui lui aurait causé une grande joie3.
5 La poésie hébraïque médiévale est le corpus poétique le plus important de la littérature hébraïque jusqu’à l’époque moderne. Elle fut créée en Espagne, en Provence et dans d’autres pays européens, du Xe au XIIIe siècle, époque surnommée « L’Age d’Or » de la poésie hébraïque. Synchroniquement, elle correspond à l’époque des troubadours en France4. Diachroniquement, elle continue celle des premiers Paytanim [poètes] d’Eretz-Israel (pays d’Israël) et de Babylone au Moyen Âge primitif.
6On peut diviser la poésie hébraïque en quatre grandes époques : l’époque biblique, l’époque des premiers paytanim, l’époque médiévale et l’époque moderne. La poésie hébraïque médiévale est donc la troisième5. Pour bien la situer, voici d’abord un bref relevé des procédés artistiques de la poésie hébraïque jusqu’à l’époque médiévale.
7La poésie biblique, surtout les Psaumes, nous a légué le parallélisme : chaque verset se compose de deux hémistiches. Rythmiquement, chacun d’eux consiste en deux à quatre mots accentués, mais il ne s’agit pas encore d’un vrai mètre. Cette construction rend possible le responsorium, où le deuxième hémistiche (nommé en hébreu soguer = fermeture) peut servir aussi de refrain, où le chœur ou la communauté répondent au soliste qui a chanté le premier hémistiche (appelé en hébreu delete = porte). Exemple : le Psaume 136. Quelques psaumes nous ont légué l’acrostiche alphabétique (voir les psaumes 34, 111, 112, 119, 145).
8La rime apparaît lors de la deuxième époque de la poésie hébraïque, celle des premiers paytanim au Moyen Âge primitif en Orient, surtout en Eretz-Israël. Ce procédé a été utilisé à partir du VIIe siècle par des poètes comme Yannay, Yosi ben Yosi et Hakalir, et plus tard a été transféré à la poésie chrétienne, ainsi qu’à d’autres poésies6.
9Au Xe siècle commence en Espagne, sous l’occupation arabe, l’Âge d’Or, qui est notre sujet. Les grands poètes hébreux de cet Âge d’Or sont : Dunash ben Labrat (920-990), Samuel Hanagid (993-1056), Solomon ibn Gabirol (1021-1058), Moïse ibn Ezra (1055-1135), Judah Halevi (1075-1141), Abraham ibn Ezra (1089-1164) et Judah Al-Harizi (1170-1235).
10La poésie hébraïque médiévale a été créée sous l’influence de la poésie arabe de l’époque, qui atteignait elle aussi son apogée. Cette influence s’exprimait dans tous les domaines : sujets, genres, formes, mètres, rimes et musique. Une partie des poèmes étaient chantés : ils sont signalés, en tête du texte, par la mention lahan (mélodie), suivie du nom d’une chanson populaire de l’époque, sur laquelle on pouvait chanter le poème7.
11Le répertoire de la poésie hébraïque médiévale consiste en trois couches qui correspondent à celles de la musique : liturgique, paraliturgique, profane.
12Notons d’abord que les poèmes profanes (amour, vin, jardin etc.), qui représentaient pour les juifs de l’époque une innovation, ne faisaient pas partie de la vie musicale traditionnelle, alors que de nos jours ils intéressent de jeunes musiciens. Nous allons nous occuper donc des deux autres couches : la liturgique et la paraliturgique.
13La grande nouveauté artistique de cet Âge d’Or est le mètre quantitatif, qui donne deux systèmes métriques : 1. un nombre fixe de syllabes dans chaque vers ; 2. un mètre basé sur la différence entre voyelles courtes et longues. Le premier système est utilisé dans les poèmes liturgiques, le deuxième dans les poèmes paraliturgiques.
14Bien que le texte liturgique des juifs fût déjà canonisé depuis longtemps, quelques poèmes liturgiques de l’Âge d’Or se sont infiltrés dans les prières, mais la plupart des poèmes chantés de cette époque sont paraliturgiques. Leur traitement musical diffère en conséquence : les textes liturgiques possèdent une mélodie fixe, reconnaissable malgré la présence de variantes, tandis que les textes paraliturgiques reçoivent des mélodies différentes selon les communautés, et même dans une seule communauté, en fonction de l’événement.
15Prenons un exemple musical caractéristique pour chaque couche. D’abord un poème liturgique. El NORA ALILA (Dieu puissant et redoutable) est un poème religieux chanté par les juifs de tradition séfarade (espagnole) au moment le plus sacré de l’année juive : la prière de clôture de Yom Kippour, le jour du Grand Pardon. L’auteur en est le poète Moïse ibn Ezra (1055-1135). Voici le premier couplet en hébreu :
El nora alila (x 2)
Hamtsi lanou mehila
Besha’at hane’ila (clôture)
16 Adapté de l’hébreu par Joseph D. Alhadeff
17Le poème entier consiste en neuf couplets, dont l’acrostiche à partir du deuxième couplet est , qui signifie « Moïse fort ingénu ». Le premier couplet sert de refrain. La forme du poème est le muwashshah, où chaque couplet commence par sa rime propre, mais se termine en rimant avec le premier couplet, qui sert de guide et de refrain (-la). Le mètre est de cinq syllabes, mais avec des exceptions ici et là (six ou même sept syllabes).
18Ce poème sacré est chanté dans toutes les communautés de tradition séfarade, qui se sont éparpillées sur quatre continents. Voici un court échantillon de quatre enregistrements de ces quatre continents, extraits de mon article8 de 2007. Cet article est fondé sur 89 versions écrites et enregistrées issues de vingt-cinq pays de la diaspora des juifs espagnols9.
19Commençons par le modèle le plus simple de cette mélodie, celui de la communauté séfarade de Hambourg, transcrite par Edwin Seroussi10 :
20Le refrain donne le squelette de la mélodie entière, dont la structure est A A B C. Les versions suivantes ne sont que des variantes de ce squelette de base.
21 1. Jérusalem. La version de Jérusalem est typique du style appelé Sefardi-Yerushalmi, c’est-à-dire de la communauté séfarade de la capitale, style très influencé par celui d’Alep en Syrie. Voici la mélodie transcrite par Isaac Levy d’après l’interprétation de Nissan Cohen Melamed (1906-1983), chantre et compositeur, né en Iran et formé à Jérusalem11.
22On peut y distinguer quelques variantes rythmiques et de tons, mais le moule reste le même, bien que la finale soit sur mi. La mélodie sert pour tous les couplets du poème. Les chanteurs choisissent librement les couplets à chanter. On chante rarement la totalité des neuf couplets du poème, sauf, bien entendu, lors de Yom Kippour. L’exemple que vous allez entendre présente une alternance du soliste et du groupe dans l’ordre suivant : soliste – refrain, groupe – réponse du refrain, puis le soliste encore chante les couplets – 1,7, 8, et 9 – et le groupe répond par le refrain.
23 2. New York. Cette version correspond à l’interprétation d’Abraham Lopes Cardozo12, célèbre chantre de la communauté séfarade de New York, laquelle est d’ailleurs la plus ancienne de l’Amérique, puisqu’elle remonte à 1654 (à l’époque : New Amsterdam).
24Après le début du soliste (A A), le groupe se joint pour B et C. Puis le soliste les répète. Le groupe chante le couplet 9 avec B et C seulement, puis le refrain tout entier.
25 3. Meknes (Maroc). Cette version est transcrite d’après des enregistrements réalisés par la radio israélienne à la synagogue de Kiryat Shemona (Galilée) en 1975. Un groupe de juifs du Maroc chante deux mélodies : tout d’abord le soliste chante le refrain et le premier verset, puis le groupe chante le couplet 8, le refrain, le couplet 9 et le refrain, mais avec une deuxième mélodie qui n’est qu’une variante de la première.
26Pour une oreille européenne, cela sonne comme une transition du majeur au mineur, ce qui n’est pas le cas, parce que ces termes sont étrangers aux chanteurs. Signalons que, pour eux, une mélodie est définie non par sa tonalité, mais seulement par son contour mélodique, situé sur un ton ou un autre.
27 4. Florence (Italie). La mélodie de la tradition florentine est plus vaste et assez proche de la musique d’opéra à l’italienne, mais le moule traditionnel est toujours conservé. La transcription ci-dessous reproduit la version du chantre et docteur Umberto Nitzani (1896-1981), collectée par le musicologue italien Leo Levi (1912-1982)13. Pédiatre florentin, Nitzani émigra en Israël en 1938, suite aux lois antisémites de Mussolini, et s’installa à Ramat-Gan.
28Nitzani chante : refrain, premier couplet, refrain, dernier couplet, refrain. On peut distinguer quelques petites variantes, mais le squelette de la mélodie est toujours bien reconnaissable.
29Ces quatre exemples représentent bien les 85 autres versions, qui montrent la constance de la tradition.
30Passons maintenant du domaine liturgique au paraliturgique : plus libre, car on chante en dehors de la synagogue. Nous trouvons donc différentes mélodies pour un seul poème. Prenons un chant de Shabbat, chanté à la maison, en famille, le samedi matin. Ce poème est l’un des plus anciens de l’Âge d’Or : il est de Dunash Ben Lavrat (920-990), le premier de nos poètes médiévaux. Dunash Ben Lavrat, né à Fez au Maroc, a été éduqué à Bagdad et a ensuite exercé son activité en Espagne, à Cordoue.
31Le poème que nous traitons est le chant de Shabbat le plus populaire. Le mètre du poème est composé de brèves et de longues selon le schéma suivant :
32Voici une traduction libre du premier couplet :
Qu’Il vous accorde la liberté, garçon et fille
Qu’Il vous protège, comme la prunelle de ses yeux
Haute soit votre renommée, quelle ne s’éteigne pas
Reposez-vous le jour du Shabbat.
33Voici le poème entier en hébreu :
34Quatre des six couplets (1, 2, 3, et 6) portent l’acrostiche du poète Dunash. Ce poème est chanté partout dans la diaspora juive, non seulement parmi les juifs séfarades, mais aussi chez les juifs d’Europe orientale, sur plusieurs mélodies bien différentes. Prenons le premier exemple emprunté précisément à la tradition hassidique de cette région14.
35On peut distinguer deux mélodies : la première (les deux premières portées) sert au premier couplet, qui va devenir refrain par la suite. La deuxième (les portées 3-4) sert pour les autres couplets (2, 4, 5, 6).
36Aux Indes, dans la région de Kunkan, autour de Mumbai (jadis Bombay), les juifs étaient très influencés par la tradition d’Irak d’ou était arrivée une grande vague d’émigration au XIXe siècle. Leurs versions du chant Deror Yikra sont multiples, car elles changent selon l’occasion : une mélodie sert pour les samedis réguliers ; lors des préparatifs de noces, on chante la chanson sur une mélodie de noces ; pendant les Selihot (avant les dix jours de pénitence), on chante une des mélodies liées à ces fêtes ; avant la fête de Purim (sorte de carnaval juif, où l’allégresse est de rigueur), on chante une mélodie de Purim, etc.
37Voici donc quelques exemples de ces mélodies, chantés par trois membres de la communauté des juifs de Bombay, venus en Israël dans les années 1960. D’abord, la mélodie régulière pour toute l’année15 :
38Puis la mélodie des noces :
39Celle des Selihot :
40Enfin celle de Purim :
41Pour terminer, parmi plusieurs des mélodies de ce chant chantées en Israël, prenons celles de trois traditions du Proche Orient : de Turquie, d’Aden (Yémen), de Jérusalem-Séfarade, toutes trois fusionnées en version chorale par le compositeur Yehezkel Braun et chantées par le groupe Cameran dirigé par Avner Itai16. Le compositeur a fusionné les trois mélodies d’une façon qui, en général, arrange tous les couplets du chant de la manière suivante : chaque tradition commence par le premier couplet qui ainsi servira partiellement de refrain. Les deux premiers couplets sont chantés sur la mélodie de Turquie. Le premier couplet et les couplets 3 et 4 (répété) sont chantés sur la mélodie d’Aden. Le premier couplet et les couplets 5 et 6 sont chantés sur celle de Jérusalem-séfarade.
*
42En conclusion, on peur affirmer que les poèmes médiévaux sont très vivants dans la culture juive et que toutes les traditions musicales juives s’intègrent dans la musique israélienne. La chanson israélienne a intégré plusieurs poèmes de l’Âge d’Or, soit en adoptant leurs musiques traditionnelles, soit en composant de nouvelles mélodies. Dernièrement a surgi en Israël un mouvement de jeunes chanteurs-compositeurs qui cherche à renouveler la vie de ces poèmes dans le style populaire de la jeunesse d’aujourd’hui. C’est ainsi qu’une tradition millénaire retrouve une vie nouvelle dans la jeune génération.
Notes de bas de page
1 Paris, Honoré Champion, 1996.
2 « La Poésie hébraïque médiévale dans les traditions musicales des Communautés juives orientales », Cahiers de Civilisation Médiévale, 92 (XXIIIe année), 1980, p. 297-322.
3 En 1976, trois ans après son décès, j’ai publié dans Orbis Musicae (III, p. 91-93) un article nécrologique : « In memoriam Solange Corbin on the third anniversary of her death ».
4 Notons que le poète de l’apogée de cet Âge d’Or, Judah Halevi, est né la même année que le premier troubadour, Guillaume de Poitiers (1075).
5 Haïm Zafrani, Poésie Juive en Occident musulman, Paris, Geuthner, 1977, p. 45-92.
6 Benjamin Hrushovski, « Note on the Systems of Hebrew Versification », The Penguin Book of Hebrew Verse, éd. Tcherni Carmi, London, Penguin Books, 1981, p. 57-72.
7 Cf. The Penguin Book of Hebrew Verse, op. cit., p. 13-50.
8 « El Nora Alila (God of Might, God of Awe) – From Spain to the Four Corners of the Earth », Inter-American Music Review, XVII, 2007, p. 77-90 (article écrit en l’honneur de mon ami Ismael Fernandez de la Cuesta).
9 Cf. Avner Bahat, Jewish Music, Introduction to its Treasures and Creators (en hébreu), Tel-Aviv, Hakubbutz Hameuchad, 2011, p. 53.
10 Edwin Seroussi, Spanish-Portuguese Synagogue Music in Nineteenth Century Reform Sources From Hambourg: Ancient Tradition in the Dawn of Modernity, Jerusalem, The Magnes Press, The Hebrew University, 1996, p. 77-78.
11 Isaac Levy, Antologia de Liturgia Judeo-Española/Antologiyah shel Hazanut Sephardit, Jerusalem, Divisiόn de Cultura del Ministerio de Educaciόn y Cultura [1965]-1980, vol. II, p. 204.
12 Abraham Lopes Cardozo, Sephardic Songs of Praise, New York, Tara Publications, 1987.
13 Italian Jewish Musical Traditions from the Leo Levi Collection, Jerusalem, Rome, Jewish Music Research Centre/Accademia Nazionale di Santa Cecilia, 2001.
14 Cf. Bahat, Jewish Music, op. cit., p. 67. Mélodie transcrite d’après le disque LP de Nira Rabinovich et Shlomo Nitzan, Chassidic Shabbat Songs, Hed-Arzi Nab 14078 (Israel).
15 Transcription d’après un enregistrement réalisé par Avner Bahat en 1981.
16 Transcriptions établies par Avner Bahat, d’après un disque réalisé par le ministère de l’Éducation nationale israélien dans les années 1970 (enregistrement non commercial).
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