Solange Corbin et les débuts du Département de musicologie de l’université de Poitiers (1961-1973)
p. 27-51
Texte intégral
Installation à Poitiers de Solange Corbin
1Le 16 janvier 1962 est enfin émis, avec plus de trois mois de retard, l’arrêté ministériel qui nomme Solange Corbin, et ce à partir du 1er octobre précédent ( !), maître de conférences de musicologie à la faculté des lettres et sciences humaines de Poitiers. Cet emploi, nous précise son procès-verbal d’installation, est créé, et il résulte des efforts de celle qui est récemment passée, en 1959, du statut de chargée de recherches au CNRS (qui l’employait depuis 1946) et chargée de conférences à l’École pratique des hautes études (statut occupé depuis 1950) à celui, plus enviable, de directeur d’études dans cette même institution.
2Depuis le conseil de faculté du 4 mai 1961 était pourtant confirmée la création d’une maîtrise de musicologie ; Solange Corbin annonce l’événement le jour même par courrier à son « Maître » :
Le poste de Poitiers vient d’être créé. Je fais l’autruche et ferme les yeux : il sera temps de regarder les difficultés à mesure quelles se présenteront […]1.
3La musicologue prend en effet au 1er octobre suivant les rênes de ce qu'elle appellera sa « classe », ouverte, selon les termes qu’emploiera le doyen lors de l’assemblée du 14 décembre suivant, « grâce à [sa propre] action ». Mais la nomination tarde à venir, et début novembre, Solange Corbin s’impatiente, considérant déjà comme vraisemblable – sans doute par méconnaissance des méandres universitaires – qu'elle ne sera pas nommée. Elle exprime alors par un courrier son intention d’aller « mettre le thermomètre dans les dossiers du ministère2 ». Des bruits lui parviennent également sur les menaces qui pèseraient sur la perspective de création d’une chaire, ce qui l’inquiète non pas pour des raisons de carrière personnelle, mais parce que « c’est un devoir de bagarrer pour que les élèvent aient plus tard des places où se caser3 ». Cette lettre semble montrer qu'elle envisage réellement, à ce stade pourtant avancé des décisions, un désengagement de l’université : si elle n’est pas nommée, elle conservera sans doute un petit séminaire au Centre Médiéval, ce qui réduira la fréquence de ses voyages depuis Paris et « simplifiera [sa] vie ». Mais on sent bien qu'elle ne se satisfait pas de cette hypothèse :
J’ai depuis deux ans remué tant de choses et de gens à Poitiers que j’ai des élèves, et même sérieux puisqu’ils désirent des sanctions et diplômes4.
4En réalité, ses craintes se révéleront sans objet, et si trois mois seront encore nécessaires, l’administration finira bien par lui confirmer sa place.
5Une création, donc : un poste, une « section » comme l’on disait alors, même si elle est certainement encore de proportions très modestes5. Mais pour autant, au-delà des six mois de retard qui affecteront son salaire (à cause de six mois de ratés entre Poitiers et l’EPHE, « l’affaire est donc cuite pour Mars », nous dit-elle), c’est surtout au plan pédagogique que la mise en route est loin d’être simple, comme le révèle après un semestre une autre lettre datée précisément de la mi-mars 1962 :
Cette création de Poitiers a été infernale (une création d’une discipline pareille, en ce moment, sans un livre et sans argent !). Les détails sont savoureux. Côté ministère pour l’administration, côté local… Et toute la faculté des lettres m’accueille gentiment. Qu’est ce que ce serait si j’avais trouvé visage de bois6.
6Quelques lignes plus loin, elle évoque dans la même lettre l’ouverture de la section, le 1er octobre, comme la « date où [elle] a commencé à [se] massacrer les méninges pour faire marcher [sa] classe ». Et elle poursuit, dans le style très personnel qui la caractérise :
Je commence à comprendre pourquoi les camarades restent tranquilles dans leurs planques de Paris. Moi qui suis imprudente et qui aime le métier… Le travail que je fais à Poitiers vaut la peine, je vous assure. Sans argent, sans un livre acheté pour eux, mes jeunes gens ont déjà fait des merveilles et créé, le mot n’est pas trop fort, tout autour d’eux. Le Samedi on fait Séminaires Hautes-Études7 ; on a des diplômes en route. Bien sûr, il faudra du temps et de la patience. Mais je possède tout cela.
Je possède aussi une terrible sinusite, qu’on vient d’opérer, j’ai pris froid sur le tout, je suis patraque et vexée de l’être. Je grogne à huis clos8.
7Un autre courrier de la même époque semble répondre à des plaintes du même type adressées auparavant par Solange Corbin à sa collègue Suzanne Clercx-Lejeune, de l’université de Liège, qui lui exprime sa solidarité devant les difficultés qu'elle rencontre :
Bien entendu, je vous envoie les publications qui vous seront utiles. Je suis moi-même partie de zéro à l’université de Liège et je sais ce qu’il en coûte d’années d’efforts pour constituer une petite bibliothèque de travail, si modeste soit-elle. Hélas, dans nos chers pays de vieille civilisation latine on n’a pas encore compris qu’il nous fallait assez bien d’argent pour nous mettre au travail et surtout pour aider les jeunes à faire dans l’avenir mieux que nous. Je vous envoie donc une collection complète de la Revue belge de musicologie en vous priant de souscrire à partir de maintenant, la publication sur l’Ars Nova (Colloque de Wégimont 1955) et mon Johannes Ciconia [1960]. Je vous en souhaite bonne réception9.
8Bien qu’assumé avec enthousiasme et sans restriction, ce statut de directeur d’études à l’EPHE cumulant avec un poste universitaire à Poitiers se révélera bien être la « surcharge » qu'elle pressentait dès 196110. Dix ans plus tard, en janvier 1971, Solange Corbin évoquera son récent départ en retraite comme une libération du poids que représentait la gestion de cette « classe », à laquelle entre-temps elle aura donné un élan incomparable.
La mise en place d’un cursus : maquettes, cours, certificats
9L’action de Solange Corbin à Poitiers ne couvre donc en somme qu’une décennie. Mais quelle décennie ! Partie en effet « de zéro », elle va mettre en place avec les faibles moyens dont elle dispose une maquette d’enseignement, un cursus cohérent destiné à mener tout d’abord à un simple certificat supplémentaire.
10Comment se sont noués ses premiers liens avec Poitiers ? Ils démarrent apparemment avec une première conférence lors de la session d’été 1958 du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (CESCM)11 ; concernant l’année 1959 – celle de son départ du CNRS pour l’Éducation nationale (poste de directeur d’études) –, on ne connaît pas précisément la nature de ces liens, qui vraisemblablement se maintiennent12. En 1960-1961 en revanche, elle vient à Poitiers une fois par mois pour diriger les recherches de deux étudiants polonais spécialisés en musicologie qui se trouvent au CESCM. Mais si toutes ces interventions et collaborations, qui ne sont encore que ponctuelles et informelles, marquent bien le besoin d’un enseignement dans la discipline, ce sont manifestement surtout sa personnalité et son dynamisme qui font rapidement apparaître ce besoin comme une évidence pour le long terme.
11Un texte dactylographié conservé dans ses archives déposées à Châtillon-sur-Indre13, texte correspondant visiblement à un cours donné à Poitiers le 26 octobre 1961, c’est-à-dire au moment de la rentrée, est particulièrement intéressant. Dans une introduction concernant différents points administratifs, elle y explique que :
M. le professeur Labande [directeur adjoint du CESCM] a bien voulu accepter qu’une question d’histoire de la musique figure au programme d’histoire du moyen âge. Il est probable qu’il s’agira de paléographie, ou d’histoire générale relative à la période en cause.
Lorsque j’ai présenté comme il se doit les fiches d’inscription, j’ai fait remarquer que déjà l’un d’entre vous a demandé à passer un C.E.S. musicologie comme quatrième certificat de licence. Que ceux qui s’intéresseraient à un tel certificat l’ajoutent à leur fiche, car j’ai désormais à réclamer la sanction administrative de notre enseignement, et évidemment la chose sera bien plus simple s’il existe par avance des candidats.
12La stratégie se révélera payante puisque la création de ce nouveau et quatrième certificat d’« Histoire de la musique », comme alternative à celui d’« Histoire de l’art du Moyen Âge », seul offert auparavant pour la Licence d’histoire de l’art et d’archéologie, est entérinée lors de l’assemblée de la faculté du 14 décembre suivant. En toute logique puisque sa rédaction est antérieure à cette innovation, le guide de l’étudiant de l’année 1961-1962 n’en fait pas encore état, mais celui de l’année suivante notifiera bien ce nouveau choix possible.
13Pour cette seconde année 1962-1963, le programme d’enseignement proposé pour obtenir ce certificat est apparemment assuré entièrement par Solange Corbin. Sans doute mis en place dès l’année précédente, il donne le choix entre quatre sujets de cours14 :
Le théâtre médiéval : sa disparition15, sa renaissance, le drame liturgique
Les polyphonistes du Moyen Âge jusqu’à 1400
La musique instrumentale de la Renaissance (XVIe siècle)
L'opéra du XVIIIe siècle
14Le guide de l’étudiant 1963-1964 précise légèrement les intitulés : le certificat d’Histoire de la musique devient un certificat d’Histoire de la musique et de musicologie, et les deux derniers des quatre cours changent d’intitulé :
L'évolution de la musique au XVe siècle
Les débuts du romantisme musical, 1780-1850
15Tout cela est reconduit en 1964-1965, année du changement de statut de Solange Corbin.
16En 1965-1966, celle-ci apparaît bien désormais comme « professeur » et non plus « maître de conférences » – il s’agit initialement d’un poste sans chaire, qui va rapidement se transformer en poste avec chaire16 ; un « M. X » est indiqué pour la seconder comme chargé de cours17. Les quatre sujets proposés connaissent de nouveaux changements :
Les grands manuscrits de l’Ars Antiqua
La musique de danse du XIIe au XVIe siècle et ses rapports avec la musique instrumentale et vocale
L'évolution de la musique au XVe siècle
Pré-romantisme et romantisme
17Tout cela est reconduit en 1966-1967.
18L’année 1967-1968 fait apparaître un nouveau diplôme : la Maîtrise spécialisée d’Histoire de la musique, avec ses deux certificats C1 et C2, l’un d’histoire de la musique, l’autre de musicologie.
19En 1968, l’année où Dominique Patier soutient sa thèse, est créé un poste d’assistant qui permet d’ouvrir un cours sur la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles18. Dès lors (1969-1970), les deux enseignantes sont présentées l’une comme professeur et responsable du Département de musicologie, l’autre comme assistante.
201970 est l’année du changement avec la mise en place d’une nouvelle Licence d’éducation musicale, assurée à Poitiers en collaboration avec l’université de Tours19. L’arrêté ministériel du 3 novembre 1969 prévoit en effet la création d’« enseignements d’éducation musicale […] dans les universités habilitées à les organiser par décision du ministre de l’Éducation nationale » (JO du 14 novembre 1969) : il s’agit d’un premier cycle de deux ans, sanctionné par un DUEL (Diplôme universitaire d’études littéraires), mention Éducation musicale.
211970 est aussi la dernière année universitaire de Solange Corbin, parvenue en automne à l’âge d’une retraite bien méritée. La maquette, bien plus précise cette année-là dans le guide de l’étudiant, indique les noms de plusieurs enseignants et chargés de cours :
22Attestation d’études de musicologie :
option bibliothèques musicales
option direction de musique ancienne
23Première année :
24UV Musique nationale
Musique Italie XVIe-XVIIe (S. Corbin)
Musique espagnole (D. Devoto)
Musique anglaise sous les Tudor (D. Patier)
Musique russe (M. Zourabichvili)
25UV Exposés d’histoire de la musique du XVIIe s. à nos jours (3 par étudiant et par an) Deuxième année :
26UV Organologie générale (Renaudin) ou Musique nationale (au choix cf. 1re année)
27UV Exposés histoire de la musique des origines au XVIIe s.
28Troisième année :
29Options libres
Ars nova (S. Corbin)
Théâtre et musique en France au XVIIe siècle (D. Patier)
Paléographie musicale aux XIVe-XVe siècles (D. Patier)
30Diplôme de musicologie (C1, C2 et maîtrise)
Initiation méthodique à l’histoire générale de la musique
Interprétation de la musique ancienne
Histoire de la notation
Séminaire de méthodologie
31En 1970-1971, les choses varient encore légèrement sur le même modèle, pour un diplôme nommé Attestation d’études de musicologie.
32L’équipe pédagogique – maintenant huit personnes – est ainsi présentée en détail :
Solange Corbin : professeur
Daniel Devoto : chargé de cours (Maître de recherche au CNRS)
Antoine Geoffroy-Dechaume : chargé de cours [clavecin]
Dominique Patier : assistante, responsable de la section
Jacqueline Ritchie : chargée de cours [flûte-à-bec]
Michel Sicard : chargé de cours [viole de gambe]
François Reynaud : assistant
Guy Robert : moniteur [luth, guitare]
33On observera les différentes situations statutaires, qui correspondent bien à la remarque formulée par Jean Gribenski en 1971 : « bien souvent, les chargés de cours représentent la règle et les titulaires l’exception20 ».
34Concernant l’organisation des enseignements, elle est la suivante :
35Première année :
36Deux cours au choix parmi :
La musique espagnole (Daniel Devoto)21
La musique en Angleterre sous les Tudor (Dominique Patier)
Théâtre et musique en France au XVIIe s. – Pastorale et comédie (Dominique Patier)
Cours d’Histoire générale de la musique (François Reynaud)
37Exposés d’étudiants (2 chacun par an) sur l’histoire de la musique du XVIIe siècle à nos jours Deuxième année : Deux cours au choix parmi :
La musique espagnole (Daniel Devoto)
L'Ars nova (Solange Corbin)
La musique en Angleterre au Moyen Âge (Dominique Patier)
La polyphonie au XVe siècle (François Reynaud)
Cours d’Histoire générale de la musique (François Reynaud)
38Exposés sur l’histoire de la musique des origines au XVIIe siècle
39Musicologie [3e année]
40Paléographie musicale (Dominique Patier)
41Deux cours au choix parmi :
Ars nova (Solange Corbin)
Théâtre et musique en France au XVIIe siècle (Dominique Patier)
La polyphonie au XVe siècle (François Reynaud)
Méthode et bibliographie (Solange Corbin)
42La structuration progressive de l’enseignement, appuyée notamment sur la mutualisation d’une partie des cours au choix, s’observe donc clairement au fil de ces guides de l’étudiant. S’ils ne répondent pas toujours clairement aux questions qui viennent à l’esprit de l’observateur d’aujourd’hui, ceux-ci donnent assurément l’image d’une construction permanente et en évolution rapide. La période de mutation de ces années 1960, période marquée notamment par les turbulences de mai 1968, est en effet particulièrement décisive pour l’enseignement de la musicologie.
43Pour cette année 1970-1971, la brochure de la faculté détaille pour la première fois, en huit pages22, le « Premier cycle d’enseignement » et ses deux options, l’une destinée aux futurs professeurs de l’Enseignement Secondaire (ES), l’autre aux historiens de la musique et musicologie (HM) :
Enseignement Secondaire (ES)
Première année :
3 UV fondamentales de 4 heures heures (=12 heures) + 2 UV d’option libre (= 6 heures) = Total 18 heures
Unités fondamentales :
1A : Solfège (5 clefs, dictée) et harmonie (jusqu’aux accords de 9e) : au conservatoire
1B : Histoire de la Musique (Reynaud) + TP pédagogiques (Patier) + technique vocale et direction de chœur (conservatoire)
1C : Culture et Civilisation (français + histoire ou histoire de l’art : à la fac de Lettres)
Unités d’option libre : deux au choix (parmi les quatre à suivre sur les deux ans, une obligatoirement Langue Vivante ; les autres conseillées sont Histoire, Histoire de l’Art, Littérature comparée, Littérature, Latin, Philologie, ou autre)
Deuxième année :
3 UV fondamentales de 4 heures (=12 heures) + 2 UV option libre (= 6 heures) = Total 18 heures
Unités fondamentales :
2A : Solfège (7 clefs, dictées 1-3 vx) et Harmonie (ensemble du traité) : au conservatoire
2B : Histoire de la Musique (au choix entre Reynaud, Devoto, Patier + TP + Direction de chœur et technique vocale au conservatoire)
2C : Culture et animation (français, acoustique et organologie, activité d’animation musicale)
Unités d’option libre : deux au choix (cf. supra)
Histoire de la musique et musicologie (HM)
Première année :
3 UV fondamentales de 4 heures (12 heures) + 2UV option libre (6 heures) = 18 heures
Unités fondamentales :
1A : Pratique musicale : Solfège (Geoffroy-Dechaume) + Harmonie (Sicard) + Instrument ancien (Robert ? et Ritchie) : au Département de musicologie
1B : Histoire de la Musique du XVIIe s. à nos jours (Reynaud) + exposés (Parier) + Initiation à la recherche (Corbin)
1C : Culture : français ou histoire + langue vivante (en faculté)
Unités d’option libre : deux à choisir (parmi les quatre à suivre sur les deux ans, une obligatoirement seconde langue vivante, et l’autre langue morte ou langue orientale)
Seconde année :
3UV fondamentales de 4 heures (12 heures) + 2UV option libre (6 heures) = 18 heures
2A : Pratique musicale : Harmonie, Acoustique et Organologie (au conservatoire) + instrument ancien (au Département de musicologie)
2B : Histoire de la musique des origines au XVIIe s. (Reynaud) + cours au choix parmi Musiques nationales (Corbin, Patier, Reynaud) + exposé + dossier de recherche supervisé par un des enseignants
2C : Culture : français ou histoire + langue vivante
Unités d’option libre : deux à choisir (cf. supra)
44Ces deux cursus d’enseignement se font donc en collaboration étroite avec le conservatoire d’une part et la faculté des lettres d’autre part.
La recherche
45Concernant le volet recherche des activités du Département, l’absence de structure de type « laboratoire » semble être pour Solange Corbin un point d’insatisfaction. Si les rapports du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (CESCM) indiquent bien chaque année la production de chaque discipline en matière de publications et de colloques (recherches personnelles listées par enseignant, puis recherches collectives, où ses nombreuses activités apparaissent), la musicologue souhaite apparemment aller au-delà puisque lors du conseil de faculté du 20 octobre 1967, le doyen évoque l’ouverture d’un centre spécialisé de recherche pour la musicologie (seule discipline concernée alors pour une éventuelle ouverture, avec les « Recherches latino-américaines ») ; apparemment, cette demande, qui émane nécessairement de Solange Corbin, butera rapidement (conseil du 14 décembre suivant) sur l’argument du « petit nombre des titulaires dans les sections considérées » [musicologie et recherches littéraires latino-américaines], et elle continuera à incarner à elle seule la recherche musicologique à Poitiers.
46On note toutefois qu’un an auparavant, lors du conseil de faculté du 15 décembre 1966, elle avait déjà présenté une demande pour que le célèbre musicologue Daniel Heartz, du Département de musicologie de l’université de Californie, devienne « professeur associé » à Poitiers ; cette demande est accueillie par un vote favorable, mais il reste à comprendre ce que recouvrait exactement cette démarche, et quelles ont pu en être, le cas échéant, les conséquences concrètes au-delà du statut honorifique.
47Les investigations poussées menées par Jean Gribenski sur les thèses soutenues à Poitiers sous la direction de Solange Corbin sont exposées ailleurs23 ; je me contenterai donc ici d’insister sur un bilan qui, vu les circonstances, paraît extrêmement satisfaisant, avec huit thèses de musicologie soutenues à Poitiers sous sa direction entre 1967 et 197324, sans compter la dizaine soutenue à l’EPHE entre 1960 et 1970.
La bibliothèque
48Comme on l’a perçu déjà au travers du courrier de sa collègue et amie de Liège (février 1962), manifestement, le support pédagogique indispensable que représente une bibliothèque digne de ce nom est très tôt pour Solange Corbin une préoccupation majeure. Dès son premier cours d’octobre 1961, dans un texte que l’on peut considérer comme un véritable état des lieux méthodologique concernant sa discipline25, elle fait le point sur « l’aspect matériel » des cours et « les documents écrits » à la disposition des étudiants. Elle leur signale alors les diverses bibliothèques de Poitiers (BU, BM, CESCM, conseil d’orientation pédagogique, IPES, Ligugé) avant d’évoquer « notre documentation à nous », se contentant alors de préciser :
J’achèterai autant de livres que notre budget le permettra, et mettrai un cahier de rêves à la disposition des étudiants […] La bibliothèque personnelle de votre chargé d’enseignement [elle-même] fera souvent le voyage, et l’on y adjoindra des prêts de la Sorbonne, consentis à la même personne.
49Soucieuse de constituer peu à peu une bibliothèque, l’enseignante se montre prête à tous les arrangements plus ou moins réguliers (par exemple emprunter des ouvrages à la Sorbonne pour les prêter aux étudiants poitevins) afin que sa « classe » bénéficie de conditions de travail convenables. Concernant les sources manuscrites, si importantes pour la médiéviste qu'elle est, elle précise :
Il arrive souvent que des bibliothèques municipales possèdent une grande collection de manuscrits contenant de la musique, ou relatifs à la musique (Tours, Angers, Orléans). Ces manuscrits proviennent en général de sécularisations effectuées depuis le XVIe siècle et de legs (le cas de Mazarin et de Colbert) mais Poitiers est une des plus pauvres. Il se trouve pourtant un ou deux textes utiles à la Municipale, et aux Archives des débris de livres ayant servi de brochage, et fort utilisables pour la paléo. En plus, certaines bibl de province ont accepté de nous prêter ici, pour un temps indéterminé, des manuscrits notés de telle ou telle époque. Nous les demanderons lorsqu’un travail précis, pour l’un de vous, l’exigera.
Nous travaillerons aussi à l’aide de microfilms. J’en possède moi-même une bonne collection, et il sera probablement possible d’en faire faire des répliques positives pour le travail. Il faut très vite nous accoutumer au maniement du microfilm et des agrandissements qui constitueront notre ressource principale.
50Le fonds Solange Corbin, actuellement conservé à la bibliothèque universitaire (magasin Sciences), témoigne de cette politique d’acquisition de microfilms, et plus généralement, le fonds musical ancien de factuelle bibliothèque universitaire Michel Foucault illustre le dynamisme de Solange Corbin pour sa section en matière de bibliographie. On est notamment frappé par les nombreux abonnements (aujourd’hui interrompus) à des périodiques musicaux en toutes langues, qui confirment la position cruciale qu'elle donne à ce type de littérature :
surtout, feuilletez des revues […] Pensez bien que là seulement, vous allez trouver le dernier état connu de telle question ; pensez aussi qu’il est indispensable de connaître vos collègues, vos aînés, et quand vous serez tout-à-fait des adultes en musicologie, vos cadets dangereux ou non26.
51Tant pour être « à jour » de l’état de la recherche que pour se mettre en réseau et connaître les travaux de leurs futurs collègues français ou étrangers, Solange Corbin insiste sur la nécessité, pour les étudiants, de suivre de près les parutions d’articles dans les divers périodiques de musicologie.
52Pour résumer le propos méthodologique de ce cours de rentrée qui a été conservé, elle préconise, dans l’immédiat, de faire au mieux avec le peu qu’ont les étudiants, de s’arranger de différentes façons en attendant des jours meilleurs, en faisant notamment usage du prêt inter-bibliothèques, qu'elle recommande.
La musicologie selon Solange Corbin : le témoignage de ses écrits et de ses étudiants
53Cette insistance sur les lectures, la fréquentation des bibliothèques et l’ouverture intellectuelle en général est véritablement un trait distinctif de la conception corbinienne de la musicologie, qui se révèle aujourd’hui extrêmement moderne.
54Retournons pour mieux l’approcher à ce cours de rentrée du 26 octobre 1961, où la musicologue exprime ses vues avec une grande clarté :
Je reprends cette idée de Chailley, dans la préface de notre Précis de musicologie27 [1958] : il n’y a musicologie que dans la recherche du nouveau, le reste est analyse musicale ou histoire de la musique.
[…] Chacun sa définition [de la musicologie] : en réalité, le goût de la recherche appliqué à la musique, à son histoire, et même à son environnement. Il est entendu qu’un musicologue doit avoir des connaissances de musique mieux que rudimentaires, et le rêve serait qu’il fût aussi bon musicien que bon érudit. Mais dans la réalité, on se contente de ce qu’on a : j’ai vu rendre des services signalés à la musicologie par des gens qui n’auraient pu dominer la plus simple dictée musicale (ex. la bibliographie, la paléographie, la philologie, etc.) et là encore il faut admettre qu’il y a autant de formes de curiosité que de formes d’esprit. On verra dès ce matin que des philologues pourraient aisément, une fois dûment prévenus, rendre les plus grands services à la philologie et même à la musique […]
Il se trouve que la musique, nous la connaissons actuellement comme une jouissance esthétique, une occupation gratuite de l’esprit.
Elle est cela en effet depuis quelques centaines d’années. Mais c’est là un fait récent. Auparavant, elle est procédé incantatoire, au sens très large du mot […].
55Solange Corbin consacre ensuite un chapitre assez original à ce qu'elle nomme le « dépaysement », essentiel pour que le musicologue ne reste pas enfermé dans son domaine de prédilection :
[…] nous n’avons pas à proposer des jugements, mais à comprendre. Aussi la réflexion de deux d’entre vous m’a-t-elle été droit au cœur l’autre jour : nous voulons comprendre. C’est le cœur de la question. Et pour comprendre il faut souvent chercher très loin dans le contexte historique ou littéraire ou religieux, chacun dans la sphère, pour le but qui vous seront propres. Dès qu’on s’éloigne du XIXe siècle, et dès qu’on s’éloigne de l’Europe occidentale, il semble que le musicologue ait affaire à des dialectes étrangers ; les juger, les utiliser sans comprendre leur sens profond, leur technique, c’est juger sans appel une langue qu’on ignore.
56Et d’insister sur le fait que le « facteur esthétique » (il faut sans doute comprendre ici le jugement qualitatif, en fonction de critères affectifs), qui règne sur notre musique, ne joue en réalité aucun rôle dans la véritable approche musicologique.
57Ces mises au point ne sont pas superflues aux yeux de Solange Corbin ; elle a beaucoup réfléchi sur la situation des études musicologiques en France. Dans sa leçon inaugurale du 17 novembre 1962, elle livre une analyse sans concession de la donne pédagogique quelque peu paradoxale de la musicologie, qui est d’ailleurs en train de subir des modifications auxquelles elle compte bien participer notamment par son action à Poitiers :
[…] la discipline que j’enseigne, la musicologie, est un peu nouvelle dans nos universités. Au surplus, elle traîne avec elle on ne sait quel relent de fantaisie qui ne serait pas sans éveiller tout d’abord une trace de suspicion. La musique proprement dite en effet reste en dehors des préoccupations officielles de nos universités françaises ; alors que dans plusieurs pays étrangers de grande culture elle fait partie de l’Enseignement Supérieur à l’égal de sa sœur érudite la musicologie, les deux disciplines sont, en France, l’une pratiquée dans les Conservatoires, en dehors de l’Université, et l’autre jusqu’ici réservée à un auditoire plus que restreint : une seule chaire de musicologie en Sorbonne [créée en 1903, l’année de sa naissance], une à l’université de Strasbourg [créée dès 1872, alors que l’Alsace est allemande28], une direction d’études dans chacune des quatrième et sixième sections de l’Ecole Pratique des Hautes Études (Sorbonne) constituaient l’ensemble de l’enseignement. C’est à POITIERS, l’une des plus dynamiques des universités de province, que fut adressée la première demande de création de poste ; l’accueil réservé à ces études nouvelles fait honneur à la largeur d’esprit de ceux qui l’ont admise à égalité avec les disciplines classiques.
Or la musicologie n’est pas une branche si récente de la connaissance ; avant même d’avoir acquis un nom, elle avait trouvé des serviteurs fidèles et désintéressés dont l’œuvre est encore indispensable et préfigure celle qui nous attend. C’est cette préhistoire de la musicologie, ce sont ses tâches que je voudrais évoquer devant vous [rapprochement progressif entre cantus et musica, au XVIe siècle, facteur décisif de l’impression musicale pour accumuler le matériau d’une recherche, émergence au XIXe siècle de la vision d’un passé musical] il est temps de procéder à la vision que les musicologues actuels prennent de leur métier et de leurs tâches.
Comment considérons-nous notre discipline ? Pour Jacques Chailley, la musicologie est essentiellement « un travail neuf et de première main ». Pour Paul-Marie Masson, elle est « la méthode scientifique normale appliquée aux manifestations de l’art musical » et cela, qu’on ait recours aux sciences exactes ou aux sciences humaines. Les travaux vont s’organiser comme en un diptyque : sciences exactes (acoustique, mesures de toute sorte) et humaines (histoire, philologie etc…). Les savants grecs déjà avaient connu cette ambivalence de la musica : tantôt ils la traitent en mathématiciens, tantôt ce sont des grammairiens qui considèreront le rythme. Il n’est pas jusqu’à la médecine qu’on ne questionne pour déceler le fonctionnement de la voix humaine et nos vues à ce sujet ont été récemment transformées. Pourtant, il semble que la musicologie ait surtout tenté les fervents des sciences humaines, pour ce que la musique contient, et qui ne s’explique souvent que par la connaissance de l’homme, de son histoire, de son langage.
Quelle que soit leur formation scientifique, nos collègues cherchent à éclairer l’origine, le rôle, l’évolution de la musique, ses rapports avec le langage et le comportement humain. On voit que nos ambitions sont immenses, d’autant plus quelles ne sont pas limitées à notre civilisation occidentale où la présence de l’écrit permet la recherche jusque dans un passé relativement lointain. Le musicologue moderne semble plus tenté par la musique des sociétés très éloignées de la nôtre, soit dans le temps, soit dans l’espace. À ce niveau, la musicologie prend ses modèles dans les techniques des autres sciences de l’homme et en particulier dans l’ethnologie. On peut paraphraser un titre connu, et dire que la musique commence à Sumer : en réalité, elle commence bien auparavant, avec les premières fresques pariétales représentant des embryons de harpes et de flûtes.
Les moyens d’action dont nous disposons seront donc ceux des autres disciplines, à un préalable près : la connaissance de la musique elle-même, et la formation de l’oreille. Condition qui retarde l’évolution de la musicologie en France, où l’éducation n’est pas encore distribuée au niveau du primaire avec la même constance par exemple qu’en Hollande ou en Allemagne. L’acquisition tardive des qualités de l’oreille est longue, onéreuse, imparfaite, alors qu'elle se fait sans peine à l’âge du sucre d’orge. Du moment que la musique est un langage, du moment que l’écriture musicale exprime ce langage, on conçoit mal que des éléments aussi banaux ne fassent pas partie de l’éducation enfantine, dont ils constituent un puissant ressort.
Enfin, nous devons indiquer la nature des documents que nous utilisons. Ce sont naturellement ceux de toutes les disciplines historiques : les notations écrites, l’iconographie, les textes littéraires où nous trouvons descriptions et commentaires. Comme dans toutes les autres disciplines, les témoins se raréfient à mesure qu’on remonte le cours du temps et l’on s’estime heureux, à la période préhistorique, de compter sur les découvertes récentes de fresques et sur les fragments d’instruments que nous livrent les sépultures. Les ethnomusicologues, qui s’adressent à des civilisations de tradition orale, profitent maintenant de la ressource du magnétophone qui leur permet d’enregistrer presque à l’infini […]29.
58Cette vision très large de la musicologie, au-delà de l’analyse musicale ou de l’histoire de la musique (ce qu'elle affirme clairement d’emblée), caractérisée par son ouverture vers les disciplines sœurs, est étonnamment moderne. Elle préfigure les tendances récentes de la « new musicology », et on ne peut que saluer ces intuitions et conceptions qui une fois de plus font de Solange Corbin une figure pionnière.
59Dans un de ses derniers courriers adressés à l’EPHE, trois mois avant sa mort, évoquant le fait que l’Abbaye de Solesmes, qui réclame un enseignement de grégorien pour chaque ville dotée d’un conservatoire, lui a demandé d’assurer certains cours, elle explique son acceptation (à Poitiers, Bourges, Paris, ce qui l’amène à soupirer entre parenthèses « et quoi encore ? »), en ajoutant comme un post scriptum :
Ces cours grégoriens sont intéressants car il faut insérer la discipline dans l’Hre Gle de la musique (Chailley y tient) et je ne fais que ça depuis 40 ans […]30.
60Sortir le chant grégorien, composante essentielle de la musique médiévale, du domaine réservé aux liturgistes et spécialistes de la religion catholique, voilà bien un des enjeux majeurs de son action d’enseignante.
Au-delà de l’Université : le Collegium Musicae Antiquae et l’action de Solange Corbin en faveur de la musique ancienne
61Mais le tour des activités de Solange Corbin à Poitiers ne saurait être complet sans l’évocation de l’aspect pratique de son enseignement. Dans son curriculum vitae (rédigé juste après sa retraite pour le joindre à un courrier de demande d’admission à la Société nationale des antiquaires), elle éprouve le besoin de préciser, comme un complément d’information, le regard rétrospectif qui est le sien sur son action en la matière :
Je pense qu’il faut mentionner la création à Poitiers, à côté de la classe de musicologie et pour la faire vivre pratiquement, d’un « Collegium musicae antiquae » groupant des étudiants et des professionnels (ville et Conservatoire de Poitiers) ; cette association a donné bon an mal an une moyenne d’une dizaine de concerts par an – uniquement de musique ancienne, et joués sur des instruments copiés, mais représentant à peu près la sonorité ancienne. Ce groupement constitue un petit bloc d’enseignement des instruments anciens au sein même de la classe de musicologie ; il sert de banc d’essai pour notre travail, fait connaître la classe par ses concerts et donne beaucoup de vie à tout l’ensemble31.
62Peu après sa mort, on trouvera des échos de ces propos sous la plume de ses proches collaborateurs, dans un discours d’hommage posthume :
L’attention de Solange Corbin avait été attirée par la distinction qui se faisait au Moyen Âge entre musica spéculative et cantus pratique. Elle ne voulait pas que pareille distinction subsistât dans le domaine de la musicologie, et souhaitait que le chercheur n’abandonnât point la pratique musicale. Aussi, au début de son enseignement, demanda-t-elle à chaque étudiant de travailler un instrument, ou tout au moins de faire partie de l’ensemble vocal de la section32.
63Ce qui ressort ici est un trait essentiel des conceptions de Solange Corbin, clairement exprimées dans sa leçon inaugurale, et confirmées par les maquettes des cursus d’enseignement précédemment exposés : pas de musicologie sans pratique.
64Il est vrai qu’à l’époque l’étude de la musique ancienne se heurte rapidement au manque de toutes les ressources nécessaires à son existence : peu d’instruments restitués selon la facture ancienne, peu de professeurs et de cours pour apprendre à jouer de ces instruments, peu d’éditions de répertoires anciens, peu d’interprètes de ces musiques, peu de concerts et d’enregistrements pour l’entendre… Cette évidence de la nécessité d’une pratique s’impose donc rapidement, et l’incite à pousser chaque étudiant vers l’étude d’un instrument ancien : flûte à bec, viole de gambe, clavecin ou épinette, harpe, luth… Dès 1962, de petits concerts de musique ancienne interprétée par des étudiants sont ainsi préparés dans le cadre des cours dispensés par l’université. En cette époque pionnière de redécouverte de la musique ancienne, Solange Corbin a alors l’intelligence de s’adjoindre le concours de professionnels de talent comme Antoine Geoffroy-Dechaume (qui restera l’un des plus fidèles), ou Michel Sanvoisin.
65Dès 1963, elle exprimait dans une correspondance une idée originale pour favoriser l’étude de la musique ancienne à Poitiers :
[…] Je pense depuis très longtemps à une « maison populaire de la musique ancienne », dont la formule serait propre à Poitiers : enseignement assez large des instruments anciens, histoire de la musique, récupération des bons sujets à l’Université et au Conservatoire, après séjour souvent nécessaire dans le secondaire. Voici comment j’ai manœuvré. J’ai commencé par me rendre compte que l’Université (ma classe de Faculté) et le Conservatoire (municipal) ne sont pas assez souples pour créer une pareille affaire. Je suis allée droit au primaire. J’ai rendu pas mal de menus services et constaté le vide des programmes officiels où la musique n’existe que sur le papier (à l’heure du loisir dirigé c’est fin !) et les instituteurs qui la pratiquent en réalité ont la vie rude. Je les ai réunis et, 1re démarche, nous avons tous ensemble élaboré un programme nouveau en demandant à être considérés comme département-pilote. Nos papiers seront examinés au conseil inter- ministériel d’Octobre.
Ceci fait, j’ai posé des fondations : on me demande des exécutants, à Paris ou ailleurs. J’ai profité des circonstances et fait créer dans le cadre du Centre régional de documentation pédagogique des cours d’instruments anciens : flûte à bec, guitare – guitare à double corde – luth – J’annonce pour l’an prochain la harpe médiévale. Mes enseignants ont trouvé bon accueil et vont probablement venir de Paris s’installer ici. Il y a donc un noyau solide, incrusté dans le Primaire. Mais c’est le primaire.
Comment organiser cela en « Maison » sous la protection de l’Ecole ? Ce serait un coup fumant. J’ai affaire à une Mairie un peu somnolente et méfiante, à des préventions contre la musique. Nous avons une Maison des Jeunes, mais la Maison de la Culture n’est prévue que pour plus tard. Juridiquement, pratiquement, il faut trouver une formule. On vivra sur l’affiche avant de réaliser la chose pratique.
En outre je ne puis assumer seule la direction. Le Conservatoire doit être associé à cette entreprise, et dans le comité de direction doivent figurer des gens tels que le directeur artistique de la Maison des Jeunes […]33.
66On est étonné par l’audace de l’idée ici développée : une « maison de la musique ancienne » créée à Poitiers et placée sous la protection de l’EPHE de Paris, mais aussi des démarches entreprises auprès du Centre régional de documentation pédagogique, afin de créer une « demande » de musique ancienne émanant des écoles primaires, de combler le vide des programmes officiels en matière de musique, et d’y répondre ensuite par des étudiants formés à l’Université et au Conservatoire… Solange Corbin se montre ici une redoutable politique, dont la vision à long terme dépasse largement la seule université et la seule ville de Poitiers, pour englober la donne régionale, voire nationale, en matière de musique ancienne.
67Qu’advient-il de ce beau projet ? Quelle est la réponse donnée par le conseil ministériel dont elle attend l’avis ? Sans doute une réponse mitigée qui, associée à la « somnolence » de la mairie, qu'elle déplore, achèvera de le mettre en sommeil. Mais Solange Corbin ne renonce pas pour autant.
68Le 15 mars 1965 est créée à Poitiers l’association Collegium Musicae Antiquae, qui a pour but « promouvoir le goût et l’étude de la musique ancienne » par les moyens d’action que sont « concerts, conférences et aide de toute sorte aux chercheurs et interprètes ». Les activités de cette association, qui va rester vivante jusqu’en 1986, c’est-à-dire treize ans après sa mort, ont été remarquablement consignées dans un registre conservé grâce aux bons soins de Jean-Claude Trichard, qui a en outre veillé sur deux cartons d’archives contenant notamment de nombreux programmes de concerts et pièces comptables de l’association34.
69Il semble que la création de cette association se fasse pour structurer et développer des activités de concerts déjà existantes. En mars 1965 déjà a lieu en effet un concert à Nouaillé avec l’ensemble Josquin des Prés, fondé l’année précédente par Jacques de Giafferri, et dont Solange Corbin est la « marraine »35. Dès le premier conseil d’administration du Collegium (2 avril 1965), outre des concerts réalisés, il est question d’un projet d’émissions radiodiffusées « sur proposition de M. Ravier, de la RTF36 », d’un voyage en Espagne pour que Solange Corbin se documente sur des danses liturgiques « qu’on pourrait ensuite monter à St Savin », d’un projet de demande au CRDP d’appareils enregistreurs ou magnétophones. La musicologue ne s’est donné dans l’association que le statut de « conseiller technique », mais on sent qu'elle en est alors comme la directrice artistique. Sa présence à chaque réunion de bureau, conseil d’administration ou assemblée générale est systématique, jusqu’à la date du 2 décembre 1971, c’est-à-dire après son départ en retraite à la fin de 1970. Mais entre-temps, les choses ont clairement changé avec le relais pris vers 1970 par Dominique Patier, qui lui a succédé au Département de musicologie. Officiellement trésorière de l’association, celle-ci semble en effet devenir la véritable animatrice des réunions. Lorsqu’elle retrace, avant le concert d’hommage déjà évoqué, la naissance du Collegium, elle explique bien qu’il est à l’origine une émanation du Département universitaire :
C’est de cette section de musicologie toute bourdonnante de musique que naquit le Collegium ; en effet, l’activité musicale des étudiants déborda bientôt du cadre de la classe, et Mademoiselle Corbin eut alors l’idée de constituer un ensemble instrumental et vocal qui ferait connaître la musique ancienne. C’est sous sa direction que nous avons travaillé pendant plusieurs années, encadrés par des maîtres tels que Antoine Geoffroy-Dechaume, Michel Sicard et bien d’autres37.
70Antoine Geoffroy-Dechaume, talentueux musicien de la même génération que Solange Corbin (de deux ans plus jeune qu'elle, il vivra jusqu’en 2000) joue en effet un rôle privilégié dans son entreprise, et sa fidélité aux activités poitevines est remarquable. Sans aucun doute, sa réputation et la récente publication en 1964 de son ouvrage pionnier Les Secrets de la musique ancienne38 attirent sur place de nombreux musiciens pour qui il représente comme une caution musicologique tout autant que musicale. Le charisme du musicien, sa position très particulière de pionnier en manque de reconnaissance institutionnelle, son statut très atypique alors d’interprète-musicologue expliquent sans doute la création de liens d’amitiés assez forts entre eux. Mais il convient également de signaler le lien qu’incarne Geoffroy-Dechaume avec le « modèle » parisien que constitue la Société de Musique d’Autrefois, fondée dès 1927 autour de Geneviève Thibault, exacte contemporaine de Solange Corbin39. Après une interruption de vingt ans, cette société reprend ses activités en 1952. C’est une société privée de concerts, une association « ayant pour objet l’exécution réservée à ses membres, dans des conditions aussi rapprochées que possible de leur conception originale, des œuvres rares de l’art musical jusqu’à la fin du XVIIIe siècle40 ». Dans la lignée des travaux d’Henry Expert, en lien avec la Société française de musicologie, cette société organise deux concerts par an, qui utilisent la collection d’instruments anciens du commandant Le Cerf et bénéficient également de la bibliothèque de musique ancienne de Geneviève Thibault. Ces concerts nécessitent la préparation de matériels d’orchestre inédits, auxquels contribue apparemment activement Antoine Geoffroy-Dechaume. Mais le musicien participe aussi aux concerts, comme continuiste à l’orgue ou au clavecin, notamment dans les années 195041.
71Les liens exacts de la section de musicologie avec le Conservatoire de Poitiers et le Collegium sont un peu difficiles à établir d’après le registre de l’association, mais celui-ci en témoigne clairement, de même qu’il mentionne de nouveau, dès la réunion de bureau du 12 novembre 1965, le projet de création à Poitiers d’une « Maison de la musique ancienne » auquel Solange Corbin souhaite que l’association donne « son appui et sa participation ». De fait, dans un courrier rédigé à Londres trois jours plus tard, elle explique :
J’ai pu créer dernièrement à Poitiers une association d’appui à ma classe : intitulé ci-dessus [Collegium Musicae Antiquae]. Tout marche bien. L’Université m’a offert un local assez généreux (3 pièces) et une installation sonore qui permet les disques. L’entrepreneur de disques [?] fournit un clavecin.
J’ai profité de cette euphorie pour relancer mon idée d’une « maison de la musique ancienne ». La municipalité avait été jadis très réticente. Elle s’est renouvelée, et la nouvelle équipe suit.
Seriez-vous disposé – ainsi que vous l’avez dit au début de mon séjour à Poitiers – à prendre sur le papier la responsabilité de ce « laboratoire » ? Affiches, annuaires, etc… nous feraient une large audience en dehors des frontières. Peut-être même obtiendrions-nous à ce titre un chargé de conférences temporaires.
J’ai suggéré cette idée à la municipalité – car côté Université un tel laboratoire ne peut être envisagé. Eux veulent bien payer et m’aider. Peut-être pouvons-nous trouver une formule42 ?
72On voit donc que la création de l’association et le changement d’équipe municipale lui redonnent l’espoir de mener à bien son projet : dans son idée, la création de la Maison de la musique ancienne pourrait se faire
à partir d’un laboratoire permettant un enseignement suivi de l’interprétation, de la flûte douce et d’autres instruments anciens comme le cromorne. Ce laboratoire pourrait être relié à la faculté des sciences, d’étroits rapports existant entre le travail du musicologue et celui du scientifique : analyses de bandes magnétiques, de microfilms, études acoustiques concernant les instruments et la mesure des intervalles. Pour organiser cela, il faudrait également acquérir d’autres instruments anciens.
73Mais ce dernier rappel du projet, en date du 4 mars 1966, sera sans écho. C’est sans doute sa nature trop hybride, à la fois laboratoire de recherche (impossible à créer à l’Université) et lieu d’enseignement (en « doublon » ou concurrence avec le conservatoire), dans une ville où précisément existent déjà une section de musicologie et un conservatoire, qui mènera à la disparition progressive de son évocation dans le registre de l’association. Le relais semble pris par des rapports réguliers du Collegium avec les divers interlocuteurs régionaux existants : l’association À Cœur Joie, le conservatoire, les centres musicaux ruraux, les écoles, collèges et lycées, l’abbaye de Ligugé, la maison des jeunes ou l’association Clicquot43… Mais les noms des « chargés de cours » d’instruments qui figurent dans les Guides de l’étudiant du Département de musicologie (cf. supra) semblent bien correspondre à des musiciens rémunérés au moins en partie par l’association, pour que les étudiants puissent avoir gratuitement accès aux cours obligatoires d’instruments anciens. Certains de ces cours ou « ateliers » ont lieu au Conservatoire, et certains enseignants (Michel Sicard, mais aussi Antoine Geoffroy-Dechaume, qu’en janvier 1967 Solange Corbin souhaite explicitement voir résider à Poitiers pour le Collegium et pour la classe de musicologie) sont des enseignants réguliers ou ponctuels au Conservatoire. Le Collegium fait venir à Poitiers d’autres Parisiens que ce grand spécialiste de la musique ancienne, comme le flûtiste-à-bec Michel Sanvoisin (quoique brièvement car il est nommé à Paris en 1969) puis Jacqueline Ritchie. Antoine Geoffroy-Dechaume est un partenaire-clé de l’association : son nom apparaît dans le registre dès le 4 mars 1966, il entre dans le conseil d’administration le 26 janvier 1967 et sera présent systématiquement aux réunions, à une exception près, jusqu’au 13 décembre 1972, date de la première assemblée sans Solange Corbin. Après son décès, il n’en reste pas moins actif, notamment au Conservatoire où le 28 octobre 1975, pour des raisons de santé, on lui cherche un remplaçant.
74À partir de 1973 est évoquée une session d’été de musique ancienne à laquelle il apporte une présence décisive ; apparemment, une telle session ne verra le jour que deux ans plus tard, mais se poursuivra régulièrement pendant dix ans.
75La question de ces liens organiques (qu’on peut voir aujourd’hui comme un peu « troubles ») entre le Collegium, la Faculté et le Conservatoire transparaît dans certaines remarques des comptes rendus de réunions : le 26 janvier 1967, Solange Corbin évoque les problèmes matériels que pose le cours de Michel Sanvoisin, et son souhait que « dans un proche avenir, ce cours de flûte soit rattaché au conservatoire pour permettre aux élèves une meilleure étude du solfège ». Lors de l’assemblée générale du 2 décembre 1971, on discute le projet d’une cotisation plus élevée « pour les étudiants qui bénéficient des cours d’interprétation et d’instruments dispensés dans le cadre du Collegium et de la classe de musicologie ». Par ailleurs, il est précisé que Mme Ritchie (flûte-à-bec) et MM. Trichard (luth), Sicard (viole) et Roger (chorale) « sont payés sur des heures de chargés de cours ou de vacations ». Le 6 mars 1979 encore, Dominique Patier déplore que l’association « ait dû financer les déplacements de chargés de cours de la section de musicologie » (chargés de cours apparemment sans lien cette fois avec la pratique d’instruments anciens44). En contrepartie, on relève cependant les avantages dont jouit le Collegium avec les locaux et les subventions de l’Université. Se pose le problème du « financement de l’atelier et de la section de musicologie, respectivement par la vente d’instruments [?] et de publications. L’Université, le CMA peuvent-ils faire acte de commerce ? ». Tous ces aspects restent à éclaircir en détail, et le témoignage complémentaire d’anciens élèves, de même que l’étude de l’histoire des enseignements du conservatoire, seraient ici certainement précieux pour appréhender l’ensemble de la situation de la musique ancienne à Poitiers.
76Concernant les comptes de l’association, très bien tenus, ils font apparaître principalement deux types de ressources : les recettes des concerts, et les subventions, d’abord demandées à la Faculté (de 350 à 600 F) puis aussi à la Mairie (de 1 000 à 3 000 F.), puis aussi au Département (de 1 500 à 1 800 F.) et aux Affaires culturelles (2 000 F), ces quatre instances étant des soutiens réguliers, surtout après la mort de Solange Corbin (voir annexe III, document H). Plus ponctuellement apparaissent des sommes versées par « Jeunesse et Sports » et par l’Éducation nationale. Il y aurait lieu d’étudier de plus près les raisons de la disparité de certaines de ces sommes d’une année sur l’autre, le cas échéant, mais ces investigations ne sont pas centrales pour mon propos ici. Les dépenses (voir annexe III, document I) se répartissent quant à elles entre frais divers, salaires pour les cours et achat d’instruments anciens.
77Les effectifs de l’association ne sont pas faciles à évaluer, sur la seule base des cotisations (aléatoires) et du nombre de présents, d’excusés ou de pouvoirs donnés lors des réunions. On note 17 présents à l’assemblée générale du 4 mars 1966, 36 membres à celle du 7 décembre 1967 (la moitié seulement sont présents), 25 membres à celle du 25 juin 1970 (9 présents et 16 pouvoirs). Fin 1970, il est question de 350 renouvellements de cotisations demandés (?) ; le 3 octobre 1973, soit immédiatement après la mort de Solange Corbin, 39 adhérents sont présents ou représentés (19 présents et 20 pouvoirs). Les AG de l’année 1975 mobilisent encore respectivement 36 et 35 membres, effectif qui certes diminuera lentement mais restera honorable (plus d’une vingtaine de membres) jusqu’à la fin de l’association en 1987, après la mort de Michel Sicard.
78C’est en 1975 qu’on trouve dans le registre les échos de ce qu’on peut voir comme un débat interne à l’association qui préfigure son déclin. Dès le 10 novembre 1969, il est question d’un concert « avec l’équipe des jeunes d’une part et les professionnels de l’autre », formule qui révèle des concerts de différents niveaux, et fin 1970, le problème du recrutement des concertistes, « des amateurs confrontés aux professionnels est une fois de plus abordé ». Mais c’est le 14 janvier 1975 qu’a lieu une importante discussion sur les buts du Collegium : « est-il un ensemble musical qui a pour mission de faire avancer la recherche musicologique, ou au contraire d’exécuter la musique sans lien avec la section de musicologie ? ». Le président, Maître Du Cluzeau, répond à cette question en rappelant les statuts de l’association, le but étant de favoriser la recherche et ses moyens d’action. Mais il semble qu’entre cette assemblée de janvier 1975 et la suivante en octobre se produise une « scission » au sein du Collegium, qui est évoquée clairement dans le compte rendu (elle correspond sans doute à la création de l’Ensemble baroque de Poitiers). Les projets du Collegium, qualifiés le 28 octobre 1975 de « vagues, du fait de l’instabilité de l’équipe », l’absence d’assemblée générale en 1976, l’évocation, début 1977, de défections (sur lesquelles sont demandés des éclaircissements) et de difficultés rencontrées pour organiser des concerts avec des professionnels (questions d’agenda et de disponibilité) semblent trahir une période de crise d’identité, certainement pas étrangère à la disparition de Solange Corbin, et à la distance consécutive prise par Antoine Geoffroy-Dechaume. Mais l’association y survit pourtant, même si le 1er mars 1983 est discuté le problème de la défaillance, « par saturation », du public poitevin aux concerts. Cependant, l’aspect « laboratoire de recherche » donné à l’origine au Collegium par sa fondatrice semble bien se diluer au fil du temps dans des activités de concerts plus ordinaires.
*
79Au terme de cette investigation sur Solange Corbin et les débuts de son Département de musicologie (sa « classe »), force est de conclure sur l’aspect pionnier et en quelque sorte visionnaire de sa démarche, de ses choix et de l’action développée à tous les niveaux en faveur de la musique ancienne à Poitiers et en région. La façon dont en moins de dix ans elle organise les choses, en tenant compte de tous les acteurs locaux, en dynamisant les institutions et en fédérant les énergies, ne peut que forcer l’admiration. Il paraît évident que les acteurs actuels de la musique ancienne, à Poitiers comme dans les environs, doivent une fière chandelle à Solange Corbin, laquelle a su avant l’heure préparer le terrain au goût et à la reconnaissance des répertoires et des instruments anciens qui sont maintenant largement répandus.
Notes de bas de page
1 Lettre du 4.5.61 à « Cher Maître », conservée aux archives de l’EPHE, Paris.
2 Lettre du 5.11.61 à « Cher Maître », conservée aux archives de l’EPHE. Voir ci-dessous annexe III, document A.
3 Ibid.
4 Ibid.
5 Les rapports du CESCM pour les années 1965-1966 et 1966-1967 donnent un effectif de dix étudiants.
6 Lettre du 15.3.62 à « Cher Maître », conservée aux archives de l’EPHE. Voir ci-dessous annexe III, document B.
7 Ce passage semble indiquer que ses séminaires de l’EPHE, « délocalisés », ont lieu à Poitiers.
8 Lettre du 15.3.62 à « Cher Maître », conservée aux archives de l’EPHE. Voir ci-dessous annexe III, document B.
9 Correspondance du 19 février 1962. Archives Solange Corbin, Centre François-Garnier, Châtillon-sur-Indre. Les ouvrages cités sont effectivement conservés à la bibliothèque Michel Foucault de l’université de Poitiers.
10 Cf. courrier cité du 5.11.61, annexe III, document A.
11 Il y en aura deux autres, pendant les sessions d’été 1965 et 1972 ; voir Dominique Patier, Gérard. Le Vot, Marie Gallais, « Solange Corbin, 1903-1973 », Cahiers de civilisation médiévale, XVII, 1974, note 47 p. 91.
12 C’est ce que semblent indiquer ses propos de novembre 1961, lorsqu’elle évoque les deux dernières années où elle a « remué tant de choses et de gens à Poitiers ».
13 Voir ci-dessous annexe III, document F.
14 Toute cette partie s’appuie sur les différents guides de l’étudiant conservés à l’UFR Sciences humaines et Arts de l’université de Poitiers. Le libellé des quatre questions est cité tel qu’il figure p. 384 du guide de la faculté des lettres et sciences humaines.
15 Les deux années suivantes, le terme « disparition » est changé en « disposition ».
16 Avant la réforme dite Savary de 1981, la chaire de professeur correspondait à un poste existant « en soi », inamovible, alors qu’un professeur sans chaire n’avait pas un poste fixe. Après la réforme, les deux statuts seront confondus et rien ne les distinguera plus.
17 Le conseil de faculté du 24.6.66 notamment réitère une demande de poste pour la musicologie en premier cycle.
18 Voir Patier, Le Vot et Gallais.
19 Voir Jean Gribenski, « L’enseignement de la musicologie dans les universités françaises », Revue de musicologie, 57, 1971, p. 218.
20 Ibid, p. 220.
21 Dans l’article cité de Jean Gribenski, il est précisé que ce cours traite de « Philologie musicale/étude des textes anciens espagnols » (p. 210).
22 P. 194 à 201.
23 Cf. infra, Annexe I, p. 197.
24 Smoje en 1967, Reynaud en 1968, Maciejewski en 1969, Renaudin en 1970, Gut, Dolan et Renon en 1972, Pattyn-Colette en 1973 ; pour l’EPHE : Adler en 1960, Charnassé et Madeleine Bernard en 1961, Riou et Shiloah en 1963, Jourdan en 1967, Patier en 1968, Sicard en 1969, Élisabeth Bernard, Hage et Bouquet en 1970.
25 Voir ci-dessous annexe III, document F.
26 Ibid.
27 On notera le pronom « notre » pour un ouvrage certes collectif mais signé du seul Jacques Chailley, dont Solange Corbin n’a rédigé qu’un seul chapitre.
28 Voir Jean Gribenski, « La recherche musicologique en France depuis 1958 : les institutions », Acta musicologica, LXIII, 1991, p. 211-223, ici p. 211.
29 « Discours de Mlle S. Corbin, Maître de conférences à la faculté des lettres et sciences humaines », Rentrée solennelle du samedi 17 novembre 1962, Rapport annuel du CESCM, Année 1961-1962, p. 16 et suivantes. Voir annexe III, document G.
30 C’est moi qui souligne. Lettre à Fleury, envoyée de l’hôpital Bellier à Nantes, 6 juin 1973. Voir ci-dessous annexe III, document E.
31 Lettre du 4 janvier 1971 adressée au président de la Société, conservée à Châtillon sur Indre.
32 D. Patier, G. Le Vot et M. Gallais, « Solange Corbin, 1903-1973 », Cahiers de Civilisation Médiévale XVII/1 (1974), p. 90-91.
33 Lettre du 5.10.63 adressée à son « collègue et ami », conservée dans les Archives de l’EPHE. Voir ci-dessous annexe III, document C.
34 Actuellement conservés au Département de musicologie de l’université de Poitiers.
35 Voir Legato, bulletin no 27 (2014) de l’ensemble Josquin des Prés, récapitulatif des saisons, p. 8. Dès l’été 1964, Solange Corbin fournit à ce nouvel ensemble ses transcriptions du maître portugais Dom Pedro de Christo, qu'elle a découvert à Coimbra, pour un concert au Doyenné Saint-Hilaire. Solange Corbin fait très vite profiter l’ensemble Josquin des Prés de ses réseaux portugais puisque sa seconde tournée d’été, en juillet 1966, s’accompagne de l’enregistrement de motets portugais de la Renaissance au monastère de Santa Cruz de Coimbra. De même, les deux ensembles Collegium Musicae Antiquae et Josquin des Prés partageront leurs liens avec Antoine Geoffroy-Dechaume qui participe à leurs concerts et joue pour eux un rôle de conseiller. Installé depuis 1986 au 10 rue Descartes, l’ensemble Josquin des Prés garde actuellement un voisinage étroit avec la faculté des Sciences humaines et arts (8 rue Descartes).
36 On trouve dans les archives de l’association le programme d’un « Concert de musique régionale » donné dès le 30 novembre 1962 par l’Ensemble Polyphonique de la Radio-Télévision Française (un quatuor vocal avec haute contre, deux violes, deux cromornes, une flûte à bec) dirigé par Charles Ravier dans l’Amphithéâtre Descartes de la faculté des lettres, « donné sous la présidence de Monsieur J. Masteau, maire de Poitiers, sénateur de la Vienne, et sous les auspices du Conservatoire municipal de musique de Poitiers et du Centre d’études régionales ». Ce programme présente « Quelques commentaires de Mademoiselle Solange Corbin » sur chacune des pièces du Moyen Âge et de la Renaissance qui le constituent.
37 Dominique Patier, discours prononcé avant le concert d’hommage à Solange Corbin du 12 décembre 1973, concert donné à l’Amphithéâtre Descartes et dirigé par Antoine Geoffroy-Dechaume.
38 Paris, Fasquelle, 1964.
39 Geneviève Thibault (1902-1975).
40 Voir Florence Gétreau, « Les archives de la Société de musique d’autrefois, 1926-1975, conservées au musée de la musique à Paris », Fontes artis musicae 54, 2007, p. 38-54.
41 Il conviendrait certainement de mener une étude plus poussée du rôle important d’Antoine Geoffroy-Dechaume entre Paris et Poitiers dans ce mouvement général de redécouverte de la musique ancienne.
42 Lettre du 15.11.65 adressée à « Cher ami » et conservée dans les archives de l’EPHE. Voir annexe III, document D.
43 Créée à Poitiers en 1949 pour mettre en valeur d’orgue de la cathédrale. Son secrétaire général fut Jean-Albert Villard, titulaire de l’orgue de 1950 à sa mort en 2000.
44 Il s’agit de « Pasquet et Noisette de Crauzat ».
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