20 L’initiative est en effet proposée par le tsar Nicolas II et les buts de la conférence sont définis au fil des réponses des puissances européennes par le Ministre des Affaires étrangères, le comte Mouraviev. Le tsar, dont l’aversion pour la guerre est manifeste, accomplit ici un vœu personnel, l’idée de la conférence en faveur de l’arbitrage revenant au ministre des Finances, Serge de Witte, qui cherche à changer l’image de la Russie pour obtenir des capitaux et renflouer le trésor.
21 Entre les circulaires Mouraviev et l’ouverture de la conférence eut lieu en effet la crise de Fachoda.
22 Le sénateur fait allusion à la seconde guerre des Boers qui oppose depuis octobre 1899 les Britanniques aux Boers, descendants des colons néerlandais, hollandais et huguenots français, des États d’Orange et du Transvaal au Sud de l’Afrique. La Grande-Bretagne cherche à s’emparer de ces États peuplés d’Européens et riches en minerais, notamment en or. En 1902, ce conflit a dégénéré en guérilla d’une rare violence, illustrée par la politique de terre brûlée menée par Lord Kitchener, tandis que les populations boers déplacées sont confinées dans des camps de concentration. Jusqu’à 450 000 soldats britanniques sont engagés dans ce conflit colonial.
23 L’Allemagne est présente en Chine à partir de 1895. Elle obtient une concession à Tientsin puis deux ans plus tard, après l’assassinat de deux missionnaires, étend son influence sur la baie de Jiaozhou (Kiao-Tchéou), dans la province de Chan-Toung (Shandong), qui devient rapidement un protectorat. Dans le Pacifique, la présence coloniale germanique est plus ancienne : Samoa et les îles Marshall sont occupées en 1885. À la fin du siècle, cette emprise s’étend par l’achat aux Espagnols des Mariannes partagées avec les États-Unis, des îles Palaos, et des îles Carolines. Cf. Porte R., La conquête des colonies allemandes. Naissance et mort d’un rêve impérial, Saint-Cloud, 14-18 éd., 2006.
24 Cf. Barcelo L., Paul d’Estournelles de Constant. L’expression d’une idée européenne, Paris, l’Harmattan, p. 323-324. Texte publié in extenso en annexe.
25 Voir le texte 10, « Un exemple de désarmement ».
26 Des accords bilatéraux qui ouvrent le temps de « l’entente cordiale » sont alors en cours de négociation. Ils sont signés le 8 avril 1904, soit quelques semaines après la publication de cet article.
27 En fait, le traité de Shimonoseki, mettant fin à la guerre sino-japonaise en 1895 prévoyait que le Japon dispose de la presqu’île de Liaodong, territoire chinois situé au sud de la Mandchourie. Le gouvernement russe refuse cette extension de la zone d’influence japonaise et après des pressions diplomatiques et le soutien de la France et de l’Allemagne, obtient la rétrocession contre une indemnité de ce territoire à la Chine. Dès 1898, la Russie profite de son avantage pour obtenir une concession sur Liaodong, puis arrache à la dynastie Qing affaiblie par la révolte des Boxers le protectorat sur la Mandchourie. La tension monte entre la Russie et le Japon quand les Russes refusent d’évacuer progressivement les contingents militaires présents en Mandchourie.
28 Le gouvernement britannique a signé un premier traité d’alliance avec le Japon à Londres le 30 janvier 1902.
29 Le Comité de conciliation internationale fut fondé en 1905. Voir la première partie de l’ouvrage.
30 Si les expéditions du Tonkin ont suscité la chute du second ministère Ferry le 30 mars 1885, après le désastre de Lang Son, du fait de l’opposition des radicaux, il faut considérer toutefois que celle-ci s’est atténuée à la fin du siècle. La conquête de Madagascar n’empêche pas certains radicaux critiques envers la colonisation, tels Camille Chautemps ou Gaston Doumergue, de s’y rallier en entrant au gouvernement, respectivement en 1895 et 1902. Cf. Liauzu C., Histoire de l’anticolonialisme en France du XVIe siècle à nos jours, Paris, A. Colin, 2007.
31 D’Estournelles fait ici allusion à un incident militaire qui eut lieu les 21 et 22 octobre 1904. La flotte russe de la Baltique, commandée par l’amiral Rojdestvenski, faisait mouvement vers l’Extrême-Orient pour participer à la guerre russo-japonaise. Par erreur, elle ouvrit le feu sur des chalutiers anglais dans le Dogger Bank (mer du Nord). La tension monta entre la Russie et la Grande-Bretagne qui, depuis 1902, était alliée aux Japonais. Les deux gouvernements recoururent en novembre suivant à l’arbitrage et acceptent par convention la création d’une commission internationale d’enquête chargée d’établir les faits.
32 Le 8 juin 1905, le président américain invite les deux nations belligérantes à négocier. Le Japon accepte deux jours plus tard, puis c’est au tour de la Russie qui a subi défaite sur défaite, de répondre favorablement le 14 juin. Les discussions aboutissent au traité de Portsmouth signé le 5 septembre 1905. L’action de Theodore Roosevelt pour clore le conflit russo-japonais lui vaut le prix Nobel de la paix en 1906.
33 Allusion à la crise de Tanger, consécutive au déplacement dans cette ville marocaine de Guillaume II qui y prononça un discours soutenant les aspirations à l’indépendance du sultanat du Maroc au moment où la France envisageait d’y établir un protectorat. Si le gouvernement allemand a sous-estimé d’une part l’intérêt de la France pour le royaume chérifien, d’autre part la cohésion de vue entre Londres et Paris pendant la crise, il est clair que Guillaume II, comme le chancelier von Bülow, s’opposa à engager le Reich dans la guerre lors de l’Affaire de Tanger. Sur ces tensions nouvelles, voir la synthèse des travaux récents réalisée par J.-J. Becker et G. Krumeich dans La Grande Guerre. Une histoire franco-allemande, Paris, Tallandier, 2008, p. 27 sq. Voir aussi P. Guillen, L’Allemagne et le Maroc de 1870 à 1905, Paris, PUF, 1967.
34 La fixation de la frontière entre l’Argentine et le Chili court du traité de 1881 à celui de 1998, suscitant bien des tensions entre les deux États. D’Estournelles évoque ici l’arbitrage réalisé par la Grande-Bretagne entre 1896 et 1902 pour la partie méridionale de cette frontière, située sur la Cordillère des Andes dont la topographie est encore mal maîtrisée à l’époque. Cf. Gallois L., « La frontière argentino-chilienne », Annales de Géographie. 1903, t. 12, no 61. p. 47-53 ; Velut S., « Argentine-Chili : une si longue frontière », Confins, 7 | 2009, [En ligne], http://confins.revues.org/index6095.html.
35 Les États-Unis sont les premiers à saisir la Cour permanente d’arbitrage le 22 mai 1902. Paul d’Estournelles n’est pas étranger à cette proposition, obtenue lors de son voyage aux États-Unis la même année. Le litige concerne les relations avec le Mexique, qui s’est emparé des biens de l’Église en Californie pour renflouer son budget. La nationalité des arbitres diffère des États en litige. Cette affaire des fonds pieux de Californie est réglée le 14 octobre suivant au bénéfice des Américains.
36 À la suite de la découverte d’or dans le Klondike en 1897, la définition de la frontière en Alaska entre les États-Unis et le Canada fut de nouveau discutée (dans le Yukon et la Colombie britannique). Le gouvernement américain disposait d’atouts certains pour que la question soit réglée dans son intérêt, mais ils imposèrent la composition de la commission d’arbitrage en 1899 : trois Américains, deux Canadiens et un Britannique. L’affaire fut réglée en 1903 au profit des Américains, quand l’arbitre anglais se rangea à leur position. La Grande-Bretagne, défaite dans la guerre des Boers, espérait ainsi approfondir ses relations avec la puissance américaine. Cette décision suscita une flambée nationaliste au Canada et une suspicion envers les États-Unis qui ne sont pas étrangères au refus du traité de libre-échange envisagé lors des élections de 1911 par Wilfrid Laurier, le premier ministre canadien aux affaires en 1903.
37 Sans vouloir développer une tutelle de type colonial sur les pays d’Amérique latine où l’immigration allemande était importante, Guillaume II renforce les liens entre l’Allemagne et ces États (Argentine, Chili, Bolivie, Pérou). Il y envoie notamment de nombreuses missions militaires qui jouent un rôle important dans la formation des officiers des armées chiliennes et boliviennes notamment. Sur l’exemple argentin, voir Foy G., L’influence de la communauté allemande sur la géopolitique argentine, de 1850 à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2011.
38 La guerre du Pacifique (1879-1883) opposa le Chili, la Bolivie et le Pérou. Par le traité d’Ancón, le Chili vainqueur s’étend au Nord en recevant la région du Tarapacá (Pérou), une région riche en nitrate et en salpêtre, utiles pour fabriquer des explosifs. Plusieurs autres territoires (Arica, Tacna) sont également occupés par le Chili. La paix entre ce dernier et la Bolivie n’est signée qu’en 1904.
39 Charles Fournier-Carville, avocat au barreau du Mans, directeur politique du journal conservateur La Sarthe depuis 1882.