2 Jusqu’en 1914, l’attribution du prix Nobel de la paix n’intéresse en effet qu’un milieu relativement restreint. Elle ne trouve que progressivement un écho plus large.
3 Dasque I., « Une élite en mutation : les diplomates de la République (1871-1914) », Histoire, économie & société, 4/2007 (26e année), p. 81-98.
4 Les diplomates « présentent des caractéristiques communes : appartenance à l’aristocratie ou à la bonne bourgeoisie, forte culture classique, réseaux de relations. Au Parlement, les Républicains les accusent d’être des nostalgiques de la monarchie ou de l’empire ; en fait ils se sont accommodés d’une république de plus en conservatrice et la servent loyalement avec efficacité, bien qu’ils montrent peu de tendresse pour la classe politique » (Guillen P. et Allain J.-Cl., Histoire de la diplomatie française, t. 2, De 1815 à nos jours, Perrin, Tempus, 2006, p. 186).
5 L’équipe chargée de mettre en place l’organisation du Protectorat est dans son ensemble jeune : Cambon a 39 ans, son directeur de cabinet 27 ans. Elle est l’expression du renouvellement du personnel politique qui a accompagné l’accession des Républicains au pouvoir en même temps qu’elle témoigne d’une volonté d’instaurer des pratiques nouvelles, en rupture avec les habitudes prises en Algérie.
6 De Broglie G., Histoire politique de la Revue des deux mondes : de 1829 à 1979, Paris, Perrin, 1979, chap. VII, et Loué Th., La « Revue des Deux Mondes » de Buloz à Brunetière. De la belle époque à la revue à la revue de la Belle Époque, Lille, Presses du Septentrion, 1999, 3 vol.
7 La personnalité de sa grand-mère paternelle, demi-sœur de Benjamin Constant et femme de lettres, a vraisemblablement marqué l’enfance de Paul : il a 7 ans révolus quand, trois mois après qu’il est devenu orphelin de père, elle meurt en février 1860.
8 Alors que les aînés des enfants de Paul d’Estournelles de Constant, Arnaud et Jacqueline, sont élevés dans la religion catholique, les cadets, Marguerite, Paul et Henriette, l’auront été dans la religion protestante. Selon Jacques Le Guillard, se fondant sur le témoignage de sa mère, Marguerite, née en 1893, d’Estournelles aurait réagi ainsi à l’attitude insultante de l’église catholique à son égard. Ce choix rappelle les conversions au protestantisme de plusieurs notables républicains, dont en 1878 Eugène Réveillaud (Petit P., « Républicain et protestant : Eugène Réveillaud (1851-1935) », Revue d’histoire et de philosophie religieuses (Faculté de théologie protestante de Strasbourg), 1984, vol. 64, no 3, p. 237-254).
9 L’occupation militaire de la Tunisie et la signature du traité du Bardo entre le bey et le gouvernement français laissaient en suspens l’organisation de l’administration du pays et le statut des ressortissants étranger, réglé depuis le XVIe siècle par des traités, les capitulations, leur octroyant des droits particuliers. L’organisation du protectorat français ne prend forme qu’après la signature de la convention de La Marsa en juin 1883.
10 Archives du ministère des Affaires étrangères, Personnel, 1re série, 3945 (Tissot).
11 Gran-Aymerich È., Dictionnaire biographique d’archéologie, 1798-1945, Paris, CNRS Éd., 2001, entrée « Charles Joseph Tissot », p. 663-665 et Gran-Aymerich È. et J., « C. J. Tissot », Préhistoire et archéologie. Archeologia, no 209, janvier 1986, p. 70.
12 De la colonisation chez les peuples modernes, publié en 1874 par Paul Leroy-Beaulieu, avait fait date. On remarque que le frère aîné de ce dernier, Anatole, spécialiste du monde russe, présentait en 1876-1877 ses travaux dans la Revue des deux mondes en même temps que Paul d’Estournelles.
13 Bénéficiaires d’un système institué sous Louis XIV, généralement fils de familles consulaires en poste dans les échelles du Levant, les Jeunes de langue sont destinés à y devenir interprètes. Leurs études sont prises en charge par le gouvernement français. En plus de l’enseignement délivré aux élèves de Louis-le-Grand où ils sont internes, ils reçoivent une formation spécifique en arabe, en turc et en persan. Gaston Maspero, interne au lycée après le mariage de sa mère (il est né de père inconnu), raconte avoir profité de leur présence pour apprendre l’arabe en vue d’aller au Caire (David É., Gaston Maspero (1846-1916). Le gentleman égyptologue, Paris, Pygmalion, 1999, p. 21).
14 On remarquera que ce livre, comme deux ans plus tard celui d’Estournelles, a été publié par Hachette. Faut-il en inférer que Maspero a pu servir d’intermédiaire entre d’Estournelles et l’éditeur ?
15 Sur ce salon, voir Martin-Fugier A., Les Salons de la IIIe république, art, littérature, politique, Paris, Perrin, 2003, p. 113.
16 C’est le cas de Tissot (Bendana K., « Être archéologue à Tunis dans la deuxième moitié du XIXe siècle : l’exemple de Charles-Joseph Tissot (1828-1884) », in Alexandropoulos J. et Cabanel P. (dir.), La Tunisie mosaïque. Diasporas, cosmopolitisme, archéologies de l’identité, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2000, p. 514), de Paul Cambon (lettre à Anna Cambon, 8 juillet 1882, cité par Villate L., La République des diplomates. Paul et Jules Cambon, 1843-1935, Paris, Science infuse, p. 73) et de Jules Jusserand (1855-1932), rédacteur à la direction des affaires politiques et chef du bureau des affaires tunisiennes depuis juillet 1882. Avant de partir pour Tunis, Paul Cambon va voir les vues que Jusserand y a faites (« C’est l’Orient. Les vues du jardin de la Résidence sont délicieuses »), y compris un portrait de Mme Élias Mussalli (à Mme Paul Cambon, 1er mars 1882, in Correspondance (1870-1924), avec un commentaire et des notes par Henri Cambon, Paris, Grasset, 1940, t. 1, p. 162).
17 Agenda, 20 février 1882 (Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73).
18 « La Méditerranée petite, dure, laide, ce bleu ! Un seul ton, cru » (id., 1er avril 1882, ibid.).
19 Barcelo L., Paul d’Estournelles de Constant (prix Nobel de la Paix 1909). L’expression d’une idée européenne, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 29 et 37. Le mariage d’Estournelles sera célébré à Paris un an après son retour de Tunisie, en 1885.
20 Les liens entre d’Estournelles et Renan tenaient sans doute aussi à l’épouse de ce dernier, Cornélie (protestante comme son père, le peintre Ary Scheffer), et à leur fille Noémie (élevée elle aussi dans le protestantisme, elle se marie en 1882 avec l’helléniste Jean Psichari, qui a des intérêts communs avec Paul d’Estournelles, de deux ans son aîné).
21 Les frais nécessaires pour y tenir son rang dissuadent bon nombre de secrétaires d’ambassade de demander ce poste. Or, Paul d’Estournelles n’a pas de fortune personnelle. Je remercie Isabelle Dasque pour avoir attiré mon attention sur ce facteur. Les notes intimes que consigne épisodiquement d’Estournelles sur de petits agendas qu’il a pris soin de conserver témoignent en tout cas d’un certain spleen : « Isolement profond. Je suis sorti pour aller échanger avec mes nombreux amis des vœux de nouvel an. Mais peu à peu le courage m’a manqué, la banalité de ces relations, le sentiment de l’indifférence générale m’a envahi et je suis rentré chez moi à deux heures, m’enfermer » (agenda, Londres, 1er janvier 1882, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73).
22 Id., 1er mars 1882, ibid.
23 Villate L., La République des diplomates. Paul et Jules Cambon, 1843-1935, Paris, Science infuse, 2002, p. 73. De son côté, Paul d’Estournelles parle favorablement du comportement de Bompard à son égard, comprenant qu’il ait dû provoquer en duel un militaire indiscret dont les propos avaient porté atteinte à son honneur (agenda, 2 sept. 1883, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73).
24 Id., mercredi 17 mai 1882, ibid.
25 Id., vendredi 7 juillet 1882, ibid.
26 Cambon à d’Estournelles, Pau, 6 nov. 1893 (Cambon P., Correspondance, op. cit., t. 1, p. 362-363).
27 Villate L., La République…, op. cit., p. 223.
28 Cambon à d’Estournelles, 12 mai 1909 (Cambon P., Correspondance, op. cit., t. 2, p. 285).
29 Agenda, 2 avril 1882, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73.
30 Id., 1er oct. 1882, ibid.
31 Renault F., Le cardinal Lavigerie, Paris, Fayard, 1992, p. 429.
32 Agenda, 6 avril 1882, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73.
33 Id., 1er mai 1882, ibid.
34 Ainsi dans « Les Sociétés secrètes chez les Arabes et la conquête de l’Afrique du Nord », Revue des deux mondes, 1er mars 1886, p. 126. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1930 que le terme est peu à peu proscrit du vocabulaire politique officiel.
35 Ainsi à propos de Mohammed Senoussi qui aurait « aurait voulu organiser l’émigration des Algériens vers le sud » à la manière des Russes faisant le vide devant les armées napoléoniennes pour faire du pays un désert (Id., p. 119). Or, dans le dernier tiers du XIXe siècle, le terme Algériens tend à être spécifiquement utilisé pour qualifier les Européens d’Algérie.
36 « Commencé ma première leçon d’arabe » (agenda, 25 avril 1882, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73).
37 « J’achète un vocabulaire arabe : je commence pour de bon cette fois j’espère » (id., 9 avril 1883, ibid.).
38 « Le bey est également gagné et sourit : enfin réussite complète » (id., vendredi 28 avril 1882, ibid.).
39 « Les Sociétés secrètes… », op. cit., p. 100-128.
40 Les congrégations religieuses chez les Arabes et la conquête de l’Afrique du Nord, Paris, Maisonneuve et Ch. Leclerc, Bibliothèque ethnographique, VIII, 1887. Inaugurée en 1885 par Léon de Rosny avec ses Premières notions d’ethnographie générale, cette collection a accueilli l’année suivante l’Ethnographie de l’Algérie de Houdas.
41 Id., p. 71. Sur l’inquiétude que suscitent alors les confréries, voir Jean-Louis Triaud, La légende noire de la Sanoussiyya, Paris, Éd. de la MSH, 1995.
42 VIII : Hammam-Lif (sortir de Tunis), notes pour le tome II des Promenades et excursions et Tunisie avant les réformes du Protectorat, ou Souvenirs de Tunisie. La Tunisie pittoresque, projet d’ouvrage, novembre 1886, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 423.
43 Agenda, 2 avril 1882, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73.
44 La phrase se trouve dans une lettre écrite à Alger le 15 août 1845, peu avant son retour vers la France, à destination de ses « chers parents de tout sexe et de tout âge ». Elle a été publiée le 21 novembre 1882 dans L’Événement (Spoelberch de Lovenjoul Ch. de, Histoire des œuvres de Théophile Gautier, Genève, Slatkine reprints, 1968, t. 2, p. 537).
45 Grec catholique entré en 1847 au service du bey pour servir d’interprète, Élias Mussali (Le Caire, 1829-Tunis, 1892) a joué un rôle important dans la définition de sa politique étrangère.
46 Agenda, mercredi 1er nov. 1882, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73.
47 Id., 7 déc. 1883, ibid.
48 Id., 3 oct. 1884, ibid. L’enfant, prénommée Florence Marie-Pauline Françoise, est issue du mariage dix ans plus tôt de Férida, fille aînée de l’ancien consul d’Angleterre Richard Wood, et de Joseph Giuseppe Maria Gian Battista Raffo (né à Londres en 1847), petit-fils de Giuseppe Raffo (1795-1862), longtemps chargé des relations de la cour beylicale avec les puissances chrétiennes. La sœur aînée de ce dernier, Elena-Grazia, convertie à l’islam avant d’épouser Mustapha bey, avait donné naissance au futur Ahmed bey (Planel A.-M., De la nation à la colonie. La communauté française de Tunisie au XIXe siècle d’après les archives civiles et notariées du consulat général de France à Tunis, thèse d’histoire sous la dir. de Lucette Valensi, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 2000, p. 28). Sur la cour beylicale et les alliances matrimoniales à Tunis, voir Blili Temime L., Histoire de familles : mariages, répudiations et vie quotidienne à Tunis, 1875-1930, Tunis, Script, 1999.
49 Après être entré au service du bey comme médecin militaire, G. Nachtigal (1834-1885) a entrepris entre 1869 et 1875 un long voyage qui l’a conduit via le Fezzan vers le lac Tchad et Kouka, capitale du chaykh Omar du Bornou, avant de traverser le Darfour et de remonter par le Nil jusqu’au Caire. Des extraits de l’ouvrage qu’il a tiré de ce voyage ont été publiés en français dans Le Tour du monde (notice par Walter Reichhold, in Hommes et destins. Dictionnaire biographique d’outre-mer, Paris, Publications de l’Académie des sciences d’outre mer, t. VII, 1986, p. 378-379).
50 Agenda, 15 septembre 1882 (Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73).
51 Id., 19 décembre 1882 (ibid.).
52 Le lien de parenté de Mary avec Féridah Raffo est confirmé par une notation de l’agenda, à la date du samedi 21 juillet 1883 (ibid.). Sur les Raffo, voir Ganiage J., Les Origines du Protectorat français en Tunisie, 1861-1881, Paris, Presses universitaires de France, 1959, p. 486, n. 132.
53 Il ne semble pas que le baron Visconti ait été apparenté avec le marquis Emilio Visconti-Venosta (1829-1914), qui, de 1864 à 1896, a eu à traiter à plusieurs reprises de la question tunisienne comme ministre des Affaires étrangères du Royaume d’Italie. Peut-être a-t-il un lien avec l’officier napolitain Luigi Visconti, appelé à Tunis pour instruire les cavaliers du régiment d’infanterie légère formé par Ahmed bey (A.-M. Planel, De la nation…, op. cit., p. 101-102).
54 Cette Commission financière internationale, où l’Angleterre et l’Italie étaient représentées aux côtés de la France, avait été instituée en 1869 pour assurer le règlement des dettes de l’État tunisien.
55 Ganiage J., « Une affaire tunisienne, l’affaire de l’Enfida (1880-1882) », Revue africaine, 3e et 4e trimestres 1955, p. 341-378.
56 Les archives départementales de la Sarthe contiennent une copie de l’accord conclu à Tunis le 26 mai 1882 par Reade et d’Estournelles, Broadley et Joseph Lévy, et par les représentants la Société franco-africaine, le comte François-Auguste Sautter de Beauregard et H. Chevallier-Rufigny (Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 116, dossier 116). Broadley avait alerté l’opinion publique britannique en publiant des articles dans le Times, articles publiés ensuite sous la forme d’un volume intitulé The Last Punic War).
57 Agenda, 15 juillet 1882, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73 : « j’écris à Tissot pour me mettre en règle vis-à-vis de lui ».
58 Id., vendredi 20 oct. 1882, ibid.
59 Id., mercredi 28 mai et dimanche 2 juillet 1882, ibid. La cérémonie est évoquée favorablement par le Corriere della sera du 5-6 juillet (cité par Jérôme Grévy, Garibaldi, Paris, Presses de Sciences Po, 2001, p. 131).
60 À Mme Paul Cambon, 28 déc. 1883, in Correspondance (1870-1924), op. cit., p. 212.
61 Armand Fallières, successeur en janvier 1883 de Charles Duclerc, malade, à la présidence du conseil, obtient le vote par la chambre d’un projet « autorisant » le ministère à expulser de France par décret tout « prétendant », c’est-à-dire tout membre d’une famille royale « dont la présence serait de nature à compromettre la sûreté de l’État ». Démissionnaire en février après le refus du Sénat de voter la loi, il deviendra en novembre ministre de l’Instruction publique dans le cabinet Ferry.
62 Agenda, note inscrite à la page correspondant aux 16-17 janvier 1883, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 73.
63 « Je ne puis pas, bien que ce changement ne tienne qu’à moi, partir sans émotion et quitter ce pays sans regret. » (id., 11 juin 1884, ibid.).
64 Id., 14 juin 1884, ibid.
65 D’Estournelles ne se bat pas contre Chabrillan [ ?], son ami et rival auprès de Mary, mais contre le supérieur de ce dernier, le colonel chef d’état-major du corps d’occupation Serrault [ ?], à la suite d’insinuations (id., août-septembre 1883, passim, ibid.).
66 Lavigerie s’entretient avec Paul Cambon de ce qui est à ses yeux un « scandale épouvantable », poussant ce dernier à envisager le départ d’Estournelles : il « n’a pas l’intelligence administrative et, du reste, avec son affaire Visconti, il a perdu toute autorité morale » (Paul Cambon à Anna Cambon, 8 nov. 1883, cité par L. Villate, op. cit., p. 80).
67 Distel A., « Edward Berend (1860-1897), un élève de Manet et un ami de Signac », Mélanges offerts à Françoise Cachin, Paris, Gallimard/Réunion des musées nationaux, 2002, p. 140-145. C’est par l’intermédiaire d’un autre collectionneur, Charles Deudon, qui tire sa fortune de sa mère, anglaise, que d’Estournelles invite Claude Monet à venir peindre en sa compagnie à La Haye (Anne Distel, « Charles Deudon [1832-1914] collectionneur », Revue de l’art, 1989, vol. 86-1, p. 58-65 et « Un ami de Claude Monet, le baron d’Estournelles de Constant [1852-1924], Prix Nobel de la Paix », in Monet. Atti del Convegno, Treviso, Casa del Carraresi, 16 e 17 gennaio 2002, Conegliano, Linea d’ombra Libri, 2003, p. 249-256 – je remercie Monsieur Jacques Le Guillard de m’avoir fait connaître ce texte).
68 D’Estournelles a cependant travaillé à donner une forme littéraire à ses impressions : en témoigne le texte qu’il publie en juillet 1887, dans une élégante revue illustrée éditée à Paris par Boussod, Valadon et Cie, à l’usage du monde (« Une promenade autour de Tunis avant les embellissements du protectorat », Les lettres et les arts, revue illustrée, t. III, 1887, p. 90-108). Il devait semble-t-il s’intégrer dans un ensemble plus vaste, alliant forme du récit de voyage et solide documentation. Il demande ainsi à un interprète au service de la résidence générale, Grech, de lui faire parvenir des fables locales (Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 423, notes pour « Promenades et excursions et Tunisie avant les réformes du Protectorat, ou Souvenirs de Tunisie », La Tunisie pittoresque, t. II, novembre 1886).
69 L’histoire immédiate s’est développée au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 pour tenter d’expliquer la défaite : au sein de cette production de qualité médiocre, se détache Allemands et Français, souvenirs de campagne, 1871, où Gabriel Monod argue de sa « connaissance assez intime de l’Allemagne pour être à l’abri des préjugés patriotiques et de la haine nationale » (cité par Carbonell Ch.-O., Histoire et historiens. Une mutation idéologique des historiens français, 1865-1885, Toulouse, Privat, 1976, p. 467). Plus tard, Gabriel Hanotaux illustrera à son tour le genre avec son Histoire de la France contemporaine (1871-1900), publiée chez Furne entre 1903 et 1908.
70 La Tunisie et la Tripolitaine, publié en 1883 chez Calmann Lévy par Gabriel Charmes, en fournit un exemple. Charmes y rassemble des articles rédigés en avril-mai 1882 à son retour d’Egypte lors d’une tournée dans le sud de la Tunisie en compagnie de Cambon. Parus dans le Journal des débats, ces articles militaient explicitement en faveur de la politique menée par Cambon : liquidation des capitulations et de la Commission financière, et protectorat plutôt qu’annexion.
71 À la direction politique des Affaires étrangères, Gabriel Hanotaux exige d’Estournelles qu’il garde l’anonymat : « Je ne crois pas sincèrement que vous puissiez signer ce volume » (Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 427, s. d. [1890]). Malgré ce devoir de réserve, les diplomates du temps, bien qu’absents de la sociologie des historiens qu’a dressée Charles-Olivier Carbonell (Histoire…, op. cit.), sont nombreux à s’être livrés à des travaux historiques. On peut parler d’une génération de diplomates-historiens (Dasque I., « Écriture et usages de l’histoire chez les diplomates de la Troisième République », in Badel L., Gilles Ferragu G., Jeannesson St. et Meltz R. (dir.), Écrivains et diplomates : l’invention d’une tradition. XIXe-XXIe siècles, Paris, Armand Colin, 2012, p. 166-180).
72 D’Estournelles au Ministre des Affaires étrangères, 27 oct. 1887, Archives du MAE, Personnel, 2e série, 1291.
73 Ces témoins sollicités par d’Estournelles ne sont pas seulement des fonctionnaires. On peut citer parmi eux le peintre Édouard Detaille qui a participé à l’expédition de 1881, attaché à l’état-major de la brigade Vincendon.
74 La Politique…, op. cit., p. 326. D’Estournelles relate cependant parfois ce qu’il a vu à la première personne, ce qui est peut-être la trace d’une première rédaction (La Politique…, op. cit., p. 370, à propos d’un meurtrier réfugié dans un asile pour échapper à la justice).
75 Delacroix C., Dosse F. et Garcia P., Les courants historiques en France, XIXe-XXe siècles, Paris, A. Colin, 2e éd., 2005, chap. 2, « Le moment méthodique », p. 53-111 et Lévy-Dumoulin O., « École méthodique, histoire », Encyclopædia universalis, 2008.
76 La politique française…, op. cit., p. ii.
77 Id., p. I.
78 Id., p. VIII.
79 Ibid.
80 Id., p. 24.
81 Voir supra, n. 29 et 35. Un premier état du texte de la troisième partie a aussi été l’objet d’une publication dans la Revue des deux mondes : « Les débuts d’un Protectorat : la France en Tunisie », t. 79, 15 fév. 1887, p. 785-814 (correspondant à ses chapitres II et III) et « Les réformes accomplies, les perspectives d’avenir », t. 80, 15 mars 1887, p. 338-377 (correspondant à ses chapitres IV, V et à la conclusion).
82 Dans la conclusion des Congrégations religieuses chez les Arabes et la conquête et l’Afrique du Nord, d’Estournelles considère que « le rêve d’un officier qui, [pénétrant au sein des congrégations,] entreprendrait ainsi la désagrégation des forces de l’islam, serait un des plus nobles et des plus utiles qu’un homme puisse remplir pour son pays » (p. 70).
83 La politique française…, op. cit., p. 153-154.
84 Id., p. X.
85 « And, indeed, our author himself, in concluding, is fain to admit that whenever the Arabs discover what it really meant by the policy of Africa for the Africans, so nobly proclaimed by the French in Tunis, they will be considerably disappointed [notre auteur lui-même est obligé d’admettre que si jamais les Arabes découvraient ce que signifie réellement la politique de l’Afrique pour les Africains si noblement proclamée par les Français en Tunisie, ils seraient considérablement désappointés] » (The Anti-jacobin, a review of politics, literature and society, 25 juin 1891, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 426).
86 « Vous avez désiré que L’Estafette gardât le silence. Elle s’est tue, à grand regret. Elle trouve que le silence a assez duré, et si vous voulez bien prier M. Plon de lui adresser un exemplaire de votre livre… » (Jules Ferry à d’Estournelles, 26 mars 1891, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 427).
87 A. Sorel traite de l’ouvrage d’Estournelles en même temps que de l’Histoire de la question coloniale en France de Louis Deschamps dans une rubrique de « Lectures historiques » consacrée aux « Colonies et protectorats » (Le Temps, 19 avril 1892, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 426). Il présente le protectorat comme un cadre adapté au nouvel esprit d’association qui caractérise le présent – la question est d’actualité alors qu’une commission sénatoriale présidée par Jules Ferry enquête en Algérie.
88 Le contrat prévoyait à l’origine 1 000 exemplaires seulement. Or, Plon a jugé que l’opération se serait difficilement équilibrée avec seulement 1000 exemplaires, « en raison de l’étendue de la matière » (ibid.).
89 Il s’en est vendu 970, 225 ayant été remis à la presse et 40 à l’auteur (Pingaud à d’Estournelles, 3 mars 1907, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 428).
90 Barthélemy Saint-Hilaire à d’Estournelles, Paris, 4 avril 1891 (Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 427).
91 Le colonel commandant le prytanée militaire de La Flèche à d’Estournelles, La Flèche, 22 mai 1891, ibid.
92 Paul Cambon, à qui d’Estournelles a fait lire les épreuves de son livre, corrige cependant une formulation qui aurait pu laisser croire qu’il aurait été forcé par Boulanger de quitter la Tunisie (Cambon à d’Estournelles, s. d., Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 427).
93 William Waddington à d’Estournelles, Londres, 21 janvier 1891, ibid.
94 Recension anonyme due à Gaston Maspero, Revue française de l’étranger et des colonies et Exploration gazette géographique, t. XVIII, no 117, 1er mai 1891, p. 632-633 (Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 426).
95 Les inquiétudes qu’a manifestées Pingaud concernant les possibles effets de leur projet de publication qui risque d’être un obstacle plutôt qu’un tremplin pour sa carrière, une « tare » plutôt qu’un « titre » (Pingaud à d’Estournelles, s. d. [déc. 1907], Archi. départ. de la Sarthe, 12 J 428) déplaisent à d’Estournelles pour qui l’action doit répondre à des convictions profondes : en répondant sèchement, il met fin à leur correspondance.
96 Cambon H., Histoire de la Régence de Tunis, Paris, Berger-Levrault, 1948, p. 170.
97 Ganiage J., Les Origines du protectorat français en Tunisie, 1861-1881, Paris, Presses universitaires de France, 1959, p. 711. L’ouvrage de Ganiage fait autorité en France et en Tunisie – éditée à Paris, elle est rééditée à Tunis aux frais de l’État par la Société tunisienne d’édition.
98 Kassab A., Histoire de Tunisie. L’époque contemporaine, Tunis, société tunisienne de diffusion, 1976, p. 20 et 24.
99 Mahjoubi A., L’Établissement du protectorat en Tunisie, Tunis, université de Tunis, 1977, p. 94.
100 On pense à Bachîr Sfar (1856-1917), célèbre pour un discours prononcé en 1906 à l’occasion de l’inauguration d’un asile, dâr at-takiyya, et, dans une autre branche de la famille, à Tahar Sfar (1903-1942), avocat et membre du Néo-Destour, et à son fils Rachid Sfar (né en 1933), premier ministre de Bourguiba en 1986-1987. Né en 1950, Mondher Sfar s’est exilé en France en 1974 alors qu’il était encore étudiant, après avoir été l’objet de poursuites pour son action contestataire
101 Présentation de M. Sfar à P. d’Estournelles de Constant, La Conquête de la Tunisie. Récit contemporain, Paris, Les Éditions Sfar, 2002, p. 7.
102 J. Ganiage confère quant à lui un statut comparable à Broadley, d’Estournelles et Chiala : ce sont des sources fiables plutôt que des références historiographiques.
103 « I have endeavoured to tell the story of recent events in Tunis essentialy from an English point of view, and to mete out impartially the share of praise and blame ascribable to the different coutending parties. » [Je me suis efforcé de raconter l’histoire des récents événements qui se sont déroulés à Tunis à partir d’un point de vue avant tout anglais, et de distribuer d’une façon impartiale la part d’éloge et de blâme assignable aux différentes parties.] » (W. Broadley, The Last Punic War. Tunis, past and present, with a narrative of the French conquest of the Regency, Édimbourg et Londres, William Blackwood and Sons, t. 1, 1882, p. xi).
104 L’importance pour le bey de voir son pouvoir reconnu par un envoyé du sultan apportant avec lui firman et robe d’investiture est par exemple rappelée à l’occasion du récit de l’investiture de Mahmoud bey en 1816 (id., t. 2, p. 86-87). (les classiques des sciences sociales, site de l’Université du Québec à Chicoutimi : http://classiques.uqac.ca/contemporains/sfar_mondher/sfar_mondher_photo/sfar_mondher_photo.html).
105 Cette mission lui est confiée en janvier 1888 (Archives du ministère des Affaires étrangères, Personnel, 2e série, 1291).
106 Cette action lui vaut d’être promu au grade d’officier de la Légion d’honneur (ibid.).
107 Notes du chef de poste, Londres, 30 août 1891 (ibid.).
108 Un numéro de la Dépêche tunisienne (26-27 oct. 1891) fait état de la fausse nouvelle colportée entre autres par le Petit Marseillais selon laquelle d’Estournelles aurait été nommé Résident général. En août 1892, à Rome, La Reforma indique à nouveau d’Estournelles comme possible successeur de Massicault. Ces coupures sont conservées aux archives départementales de la Sarthe (12 J 426).
109 D’Estournelles au Ministre des Affaires étrangères, Londres, 6 novembre 1892 (Archives du Ministère des Affaires étrangères, Personnel, 2e série, 1291).
110 Charles Rouvier et sa politique en Tunisie n’ont à ma connaissance suscité aucun commentaire de la part d’Estournelles qui juge en revanche sévèrement son successeur René Millet, résident général entre 1894 et 1900 : « tout ce qui sera désagréable à dire sera de moi, le reste de vous. Par exemple il est impossible de ne pas dire à mots couverts que Millet est un imbécile, etc., etc. » (d’Estournelles à Pingaud, 22 fév. 1907, Arch. départ. de la Sarthe, 12 J 428).
111 D’Estournelles abordera cette question dans une conférence intitulée « Le parlementaire et le diplomate » (conciliation internationale, janvier 1920, p. 19-42).
112 Introduction à la Petite histoire de la Tunisie de Mlle L. Métivier, 1910, La Flèche, Charrier-Beulay, p. 4.
113 Id., p. 5.
114 Hannemann T., « Brême et la lutte anti-pirate (1814-1819) : un prélude à l’action coloniale contre les Barbaresques », in Abdelfettah A., Messaoudi A. et Nordman D. (dir.), Savoirs d’Allemagne en Afrique du Nord : XVIIIe-XXe siècle, Saint-Denis, Éd. Bouchène, 2012, p. 73-95. La notion d’Européen s’est imposée dans l’Algérie coloniale comme catégorie juridique.
115 D’Estournelles à Théodore Roosevelt, président des États-Unis, New York, 28 avril 1907, lettre confiée aux bons soins de Nicholas Murray Butler (Archives du ministère des Affaires étrangères, Personnel, 2e série, 1291). Président de la Columbia University, Butler, chargé en 1910 de la direction de la division des relations internationales et de l’éducation de la nouvelle Dotation Carnegie pour la paix, demandera à d’Estournelles d’en diriger le centre européen (Barcelo L., Paul d’Estournelles…, op. cit., p. 324-325 et Grossi V., Le pacifisme européen, 1889-1914, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 129-131 et 153).
116 Pressentant une « ère douloureuse et tourmentée des conflits sociaux et des prodigieux bouleversements de classes », et conscient de la nécessité d’une reconstruction de l’organisation du travail historique, Lucien Febvre considère ainsi dès 1917 que priorité doit être donnée au développement de l’histoire sociale (lettre à Henri Berr, 5 nov. 1917, in Lettres à Henri Berr, présentées et annotées par Jacqueline Pluet et Gilles Candar, Paris, Fayard, 1997, p. 40, cité par Bertrand Müller, Lucien Febvre, lecteur et critique, Paris, Albin Michel, 2003, p. 60).