Favart, Laruette, Trial et Dugazon : chanteuses à la Comédie-Italienne, mariées à des artistes
p. 93-106
Résumé
Au XVIIIe siècle, les chanteuses de la Comédie Italienne furent fréquemment mariées à des artistes de leur milieu professionnel. Sont ici étudiés les destins croisés de quatre d’entre elles : Justine Favart (1727-1772), mariée à un dramaturge, Marie-Thérèse Laruette (1744-1837) et Marie-Jeanne Trial (1746-1818), épouses de chanteurs de la même troupe, enfin Rose Dugazon (1755-1821), brièvement unie à un acteur de la Comédie-Française. Une telle étude comparative permet de dégager quelques constantes dans leur vie professionnelle mais également des stratégies personnelles par rapport aux représentations contradictoires attachées à leur statut de chanteuses d’opéra-comique, vertueuses ou libertines. L’accent est mis enfin sur les processus d’effacement historiographique qui ont touché à des degrés divers ces musiciennes célèbres en leur temps.
Texte intégral
1Dans l’Europe moderne, les instrumentistes féminines, tout comme les compositrices, étaient moins rares qu’on ne le croit ordinairement1. Ce furent néanmoins les chanteuses qui composèrent le groupe le plus visible de musiciennes professionnelles à cette époque, notamment à partir de l’invention de l’opéra2. Leurs talents étaient appréciés à l’égal de ceux des hommes et leurs salaires se révélaient bien souvent identiques. Bénéficiant d’une véritable indépendance financière, les chanteuses solistes les plus réputées semblaient avoir davantage le choix entre le mariage et le célibat que nombre de leurs contemporaines. Dans le monde de l’opéra italien, alors diffusé dans toute l’Europe hormis la France, les chanteuses étaient fréquemment mariées. Mues notamment par un souci de respectabilité dans une profession moralement stigmatisée, elles choisissaient souvent un époux dans leur propre milieu professionnel3.
2En France, cependant, l’excommunication qui frappait les acteurs et les actrices s’étendait également aux artistes lyriques4. Tandis que bien des chanteuses mariées renonçaient à se produire sur la scène5, les « filles d’opéra » menaient généralement leur vie de célibataires dans le cadre d’un libertinage6 qui fascinait et repoussait tout à la fois leur public, nourrissant les nouvelles clandestines, les rapports de police et les conversations7. Le mariage pour les chanteuses en activité dans les théâtres n’était cependant pas impossible : un certain nombre de stratégies pouvaient être mises en œuvre pour tourner l’interdiction et l’Église tendait, surtout au XVIIIe siècle, à fermer les yeux8.
3À la Comédie-Italienne, comme sur les scènes foraines, les chanteuses mariées à des artistes du monde du théâtre furent assez nombreuses. Parmi elles figurent certaines des chanteuses les plus appréciées par le public de la seconde moitié du XVIIIe siècle : c’est sous leur nom d’épouses que Justine Favart (1727-1772), Marie-Thérèse Laruette (1744-1837), Marie-Jeanne Trial (1746-1818) et Rose Dugazon (1755-1821) ont triomphé sur cette scène. Si ce n’est pas le lieu ici de retracer en détail la carrière de ces quatre actrices-chanteuses9, une rapide esquisse de leur activité semble néanmoins nécessaire afin d’en souligner d’emblée l’importance : celle-ci en effet est trop souvent oubliée au profit de leur vie amoureuse10. Se posera ensuite la question de leur situation matrimoniale : a-t-elle eu quelque incidence sur leur vie professionnelle ? Comment ont-elles collaboré, si c’est le cas, avec leurs maris artistes ?
Quatre carrières exemplaires
4Parmi ces quatre artistes, deux seulement étaient de véritables enfants de la balle. Marie-Justine Duronceray, future Madame Favart, était née en Avignon, d’un père musicien et d’une mère cantatrice. Elle fut formée à la musique et à la danse à la cour de Stanislas Leszczinski à Lunéville où exerçaient ses parents. Louise-Rosalie Lefèvre, future Madame Dugazon, avait vu le jour à Berlin, fille d’un danseur et maître de ballet français qui lui enseigna son art ainsi qu’à ses trois sœurs.
5Sans appartenir à des dynasties théâtrales, les deux autres n’étaient pas éloignées de ce milieu. Employé aux fermes royales, le tuteur de Marie-Jeanne Milon, future Madame Trial, était sans doute apparenté à un acteur de la Comédie-Italienne, le Scapin Ciavarelli, ce qui lui suggéra le projet de donner à sa pupille une éducation musicale propre à la faire débuter sur ce théâtre. Marie-Thérèse Villette, enfin, future Madame Laruette, était la fille d’un maître tailleur parisien logeant près de l’Opéra et de la Comédie-Italienne et qui, lui voyant « du penchant pour le théâtre », lui fit assurer l’enseignement nécessaire pour entrer dans cette profession11.
6Toutes débutèrent fort jeunes. Louise-Rosalie, dite Rose Lefèvre, se produisit sur la scène de la Comédie-Italienne dès 12 ans, d’abord comme danseuse aux côtés de ses sœurs, puis comme chanteuse sept ans plus tard. Marie-Thérèse Villette n’avait que 14 ans lorsqu’elle chanta pour la première fois à l’Opéra-Comique, puis à l’Opéra, avant d’être admise à la Comédie-Italienne trois ans plus tard. Marie-Justine Duronceray, dite Mlle Chantilly, débuta à 18 ans à l’Opéra-Comique12, puis suivit Favart qu’elle venait d’épouser dans la troupe qu’il dirigea à Bruxelles, et parut enfin à la Comédie-Italienne à 22 ans, pour ne plus quitter ce théâtre. C’est à 19 ans enfin que Marie-Jeanne Milon chanta son premier rôle à la Comédie-Italienne, sous le nom de Félicité Mandeville.
7Justine, Marie-Thérèse, Marie-Jeanne et Rose accédèrent rapidement aux premiers emplois d’amoureuses où elles brillèrent successivement, formées chacune par sa devancière. Cette transmission féminine du métier sauta même les générations puisque la très jeune Rose Lefèvre put recueillir les conseils de Justine Favart. Les débutantes commençaient par doubler l’actrice principale, intériorisant ainsi les traditions de jeu, et par interpréter les pièces du répertoire avant de participer à des créations. Elles s’appropriaient ainsi progressivement les rôles de leurs aînées tout en se constituant parallèlement leur propre collection de personnages.
8Justine Favart triompha dans les comédies en vaudeville et les parodies de son mari, comme dans les siennes propres (Bastien et Bastienne, 1753), avant de participer à la naissance de la comédie mêlée d’ariettes. Son talent très polyvalent lui permettait de jouer avec beaucoup de gaieté toutes sortes de personnages, dont les travestis, de danser, chanter aussi bien en style français qu’en style italien ou encore de jouer de la harpe sur la scène (par exemple dans Les Trois Sultanes de Ch.-S. Favart, 1761). Elle fut également une pionnière dans la réforme du costume de théâtre en vue de plus de réalisme. Marie-Thérèse Laruette et Marie-Jeanne Trial créèrent les opéras-comiques de Duni, Monsigny, Philidor et Grétry, l’une appréciée pour son jeu, moins malicieux et plus émouvant que celui de Justine (Le Déserteur, Sedaine et Monsigny, 1769 ; Le Magnifique, Sedaine et Grétry, 1773), l’autre pour sa virtuosité vocale (La Belle Arsène, Favart, Monsigny, 1773 ; L’Amant jaloux, d’Hèle et Grétry, 1778). Le public de Rose Dugazon fut moins subjugué par sa voix que par ses qualités d’actrice, la finesse du ton, la justesse du geste, la puissance de l’incarnation qu’elle produisait en scène comme dans Nina ou la Folle par amour de Marsollier et Dalayrac (1786). Grétry note dans ses Mémoires qu’il appréhendait de lui faire travailler ses rôles, craignant de gâter son inspiration13.
9Comme beaucoup de chanteuses de leur époque, ayant tôt débuté, Marie-Thérèse Laruette et Marie-Jeanne Trial prirent tôt leur retraite, la première à 33 ans, la seconde à 40. Les raisons invoquées sont souvent la santé précaire de femmes ayant fourni un effort constant durant des saisons théâtrales extrêmement lourdes (plusieurs représentations par semaine, sauf durant la vacance des théâtres précédant Pâques, sans compter les concerts et spectacles privés), tout en mettant au monde et élevant leurs enfants. Il est vrai que les théâtres offraient souvent une pension de retraite après une vingtaine d’années de services assidus, ce qui pouvait inciter ces artistes à se retirer à une époque où elles devenaient physiquement moins crédibles dans les personnages d’amoureuses. Une seconde vie s’ouvrait alors pour ces femmes, retirées dans la sphère privée après avoir brillé sur la scène publique tandis que leurs maris poursuivaient leur carrière théâtrale dans des emplois où ils pouvaient vieillir. Marie-Thérèse Laruette vécut jusqu’à l’âge avancé de 93 ans et Marie-Jeanne Trial mourut vers 70 ans14.
10Les deux enfants de la balle qu’étaient Justine Favart et Rose Dugazon, en revanche, préférèrent rester sur les planches, quitte à changer d’emploi et incarner pour un temps des rôles de jeunes mères spécialement conçus pour elles (Isabelle et Gertrude de Ch.-S. Favart et Blaise, 1765 ; Camille ou le Souterrain de Marsollier et Dalayrac, 1791). Justine Favart opéra cette reconversion à 37 ans et mourut brutalement huit ans plus tard, encore très active à la Comédie-Italienne. Rose Dugazon changea d’emploi à 35 ans, ne se retira du théâtre qu’à 49 ans, sa santé ne lui permettant plus de soutenir le rythme éprouvant du théâtre. Après quoi, elle vécut encore 17 ans.
11Les carrières de ces artistes furent donc extrêmement stables, comme la vie théâtrale parisienne régie par le système des privilèges l’induisait, du moins pour les scènes autorisées15. Rose Dugazon exerça pendant 37 ans à la Comédie-Italienne, Justine Favart 23 ans, Marie-Jeanne Trial et Marie-Thérèse Laruette respectivement 21 et 16 ans. Durant ces années laborieuses, tout en assurant la pérennité du répertoire ancien, elles participèrent à des dizaines de créations, engrangeant autant de rôles qui leur appartenaient en propre et qu’elles marquèrent de leur personnalité voire de leur nom (les emplois « Dugazon »16). Une grande familiarité put s’instaurer entre ces artistes et leur public, notamment avec le groupe exclusivement masculin du parterre, enthousiaste mais turbulent17, et qu’il fallait se concilier par le rituel des compliments ou des prologues18.
Histoires conjugales singulières
12Parallèlement à ces carrières à la fois proches et individualisées, Justine, Marie-Thérèse, Marie-Jeanne et Rose vécurent des histoires conjugales contrastées, sans doute assez représentatives des heurs et malheurs des femmes mariées à cette époque. Toutes les quatre épousèrent des hommes de leur milieu professionnel : Justine le dramaturge Charles-Simon Favart (1710-1792), Marie-Thérèse et Marie-Jeanne les acteurs-chanteurs de la Comédie-Italienne Jean-Louis Laruette (1731-1792), également compositeur, et Antoine Trial (1737-1795), perpétuant ainsi la tradition d’endogamie de cette troupe, Rose, enfin, l’acteur de la Comédie-Française Jean-Henri Gourgaud dit Dugazon19 (1746-1809). Toutes les quatre se rendirent célèbres sous le nom de leur époux, leurs prénoms disparaissant, dans les comptes rendus de spectacle, derrière les simples dénominations de Madame Favart, Laruette, Trial ou Dugazon.
13La différence des âges était importante entre les époux : lors de leur mariage, Rose avait 21 ans et Jean-Henri 30, Marie-Jeanne 23 ans et Antoine 32, Marie-Thérèse 17 ans et Jean-Louis 30, Justine 18 ans et Charles-Simon 35. De ce fait, le mariage intervenait dans la vie des jeunes femmes alors qu’elles étaient débutantes ou du moins encore peu célèbres. Les hommes au contraire se trouvaient généralement déjà bien lancés dans la carrière. Charles-Simon Favart pouvait ainsi se donner des allures de Pygmalion en conseillant Justine20 tandis qu’Antoine Trial était crédité d’avoir donné des cours de chant à sa jeune épouse21. Les quatre chanteuses conquirent cependant rapidement une notoriété toute personnelle, éclipsant même dans le cas de Marie-Thérèse Laruette et de Marie-Jeanne Trial, la carrière moins brillante de leurs conjoints, cantonnés dans les seconds rôles.
14En l’absence de recherches biographiques plus approfondies, qui restent à mener, la vie amoureuse de ces femmes transparaît à travers des documents hétérogènes : quelque part entre la sécheresse des documents juridiques et des procès-verbaux, le voyeurisme suspect des mémoires secrets et anecdotes galantes, voire des rapports de police, la bienséance convenue de la presse autorisée ou des nécrologies et les rares vestiges de leur correspondance. À travers cette polyphonie, il n’est pas aisé d’entendre leur voix propre. Il en ressort néanmoins qu’après une jeunesse marquée, à des titres divers, par la violence masculine, ces femmes surent trouver, au sein ou en dehors du couple, une forme d’équilibre sentimental propice à leur vie laborieuse d’artistes de la scène.
Justine ou le calme après la tempête
15Les persécutions subies, de la part du maréchal de Saxe, par Justine Duronceray, alors toute jeune épouse de Charles-Simon Favart, ont produit une abondante littérature22 et même des vaudevilles et un opéra-comique23. Alors que Charles-Simon dirigeait à Bruxelles et dans les Flandres la troupe de théâtre aux armées du maréchal, ce dernier poursuivit la jeune actrice de ses assiduités avec le plus grand acharnement. Lettres de cachet contre les époux en fuite, chacun de son côté, enfermement de Justine dans des couvents avec la complicité de son propre père : le harcèlement dura quatre ans, la mort du vainqueur de Fontenoy permettant finalement aux Favart de vivre ensemble sans angoisse.
16C’est dans ce contexte difficile que Justine fit ses débuts à la Comédie-Italienne, sous l’égide de la célèbre actrice Silvia et chaperonnée par sa belle-mère et sa belle-sœur, tandis que Charles-Simon se terrait à Strasbourg pour échapper aux sbires du maréchal de Saxe. Alors que tout Paris s’empressait de venir l’applaudir, Justine écrivait à son mari : « Si tu veux, j’enverrai mon début à tous les diables, et je pars sur-le-champ pour t’aller retrouver. [...] On me menace qu’on va me faire beaucoup de mal, mais je m’en moque ; j’irai de grand cœur demander l’aumône avec toi. [...] S’il ne nous est pas possible de rester ici, nous nous en irons finir nos jours tranquillement à l’étranger, unis par l’amour et l’amitié24. »
17Jusqu’à la disparition prématurée de Justine, le couple donna l’image d’une collaboration étroite, entièrement dédiée au théâtre :
« Isolée, retirée dans le sein de sa famille, elle ne cherchoit point à faire sa cour, elle s’occupoit de sa profession ; sa harpe, son clavecin, la lecture, étoient ses seuls amusemens : tout au plus cinq ou six personnes recommandables par leurs mœurs, formoit sa société. Telle fut Madame Favart25. »
Marie-Jeanne et ses trois maris
18Marie-Jeanne Milon, future Mme Trial, quant à elle, se vit d’abord destinée à épouser le vieux tuteur qui l’avait élevée, Jean-Gabriel Comolet. Contrairement aux intrigues de comédies qu’elle jouait sur la scène, le mariage eut bien lieu, trois mois après les débuts de la jeune femme à la Comédie-Italienne sous le nom de Félicité Mandeville, ainsi que le relate la Correspondance littéraire :
« Un vieux commis aux fermes, appelé Comolet, l’avait fait élever, lui avait fait apprendre la musique, l’avait ensuite épousée et fait débuter à la Comédie-Italienne. Le parterre lui trouvait la voix jolie, un goût de chant très-bon, mais le jeu un peu triste : c’est que sa vie l’était. M. Comolet tenait Mme Comolet enfermée sous la clef et ne la relâchait que pour le temps où Mlle Mandeville avait à jouer en public. Mais M. Comolet a eu le bon esprit de mourir, et sa veuve est devenue en peu de temps une autre personne ; sa figure est embellie, sa physionomie s’est éclaircie ; elle a joué le rôle de Louise dans le Déserteur avec tant de succès que Mme Laruette n’a plus osé le reprendre26. »
19Veuve moins de deux ans après son premier mariage, Marie-Jeanne épousa quelques mois plus tard, en 1769, le bel Antoine Trial qui, de médiocre double des emplois d’amoureux qu’il était à ses débuts, trouvait alors la voie du succès en interprétant de façon très personnelle les valets et paysans comiques. Cette union semble avoir été harmonieuse et, à la retraite de Marie-Jeanne, les comptes rendus de la presse ne tarirent pas d’éloges sur ses bonnes mœurs27. Le mariage dura jusqu’à la disparition tragique d’Antoine en 179528. Marie-Jeanne se remaria alors avec M. de Montron29.
Rose en solo
20Plus indépendante, Rose Lefèvre ne supporta pas longtemps un mariage malheureux avec Jean-Henri Dugazon. Il était brutal et jaloux, elle n’était guère fidèle, et Rose demanda la séparation de corps trois ans après leurs noces. Dans ce but, elle déposa plainte à la suite de violences de son époux qui menaçait de la tuer, et ne se privait d’ailleurs pas de rosser ses rivaux, fussent-ils nobles :
« Lorsqu’ils ont été dans l’appartement, le sieur Dugazon a employé les propos les plus vils et les plus humilians et a poussé l’excès jusqu’à dire qu’il étoit déterminé à faire un mauvais coup, dût-il en mourir à la Grève et qu’il iroit avec la même fermeté qu’il monte sur le théâtre. Après cette scène scandaleuse, le sieur Dugazon a quitté la plaignante en la prévenant qu’il viendroit de tems à autre lui rendre de pareilles visites. Et comme ces entreprises du sieur son mari, jointes aux menaces par lui employées, ôtent entièrement la tranquillité de la plaignante et lui empêchent l’exercice de son emploi, elle est venue nous rendre plainte30. »
21La séparation des époux ne fut entérinée par un divorce qu’en 1794 mais Rose Dugazon vécut toute sa vie l’existence galante des « filles d’opéra » : elle collectionna des aventures qui défrayaient la chronique mais ne l’entravaient pas, et c’était là le principal, dans « l’exercice de son emploi ».
Marie-Thérèse entre deux modèles
22À mi-chemin entre l’idéal du mariage bourgeois des Favart et des Trial et la liberté conquise à travers le libertinage par Rose Dugazon, Marie-Thérèse Villette, future épouse Laruette, offre un parcours de vie contrasté. Débutant à 15 ans à l’Académie royale de musique, elle fut séduite et enlevée par un receveur général des finances. Dans la plainte déposée par Jacques et Marie-Claude Villette contre le corrupteur de leur fille (lequel riposta en faisant incarcérer arbitrairement plusieurs jours le père encombrant), on comprend que la jeune chanteuse était consentante, prête à s’engager dans la vie ordinaire des filles d’opéra, pour beaucoup entretenues par de riches protecteurs.
« Ladite Villette, séduite par ledit Millet, trouvoit mauvais que les plaignans le reçussent mal et se prêtoit à des rendez-vous et à se laisser conduire par ledit Millet lorsqu’elle alloit et revenoit de l’Opéra ; que les plaignans, mécontens des fréquentes visites et assiduités dudit Millet qui étoient au point de lui faire manquer son service à l’Opéra, lui ont notifié clairement qu’ils n’entendoient plus qu’il vint chez eux davantage, et c’est là que ledit Millet a pris le parti d’enlever la fille des plaignans de chez eux le jour d’hier ; [...] l’ont trouvée logée dans une chambre garnie au quatrième étage ; qu’ils ont trouvé aussi ledit Millet ; qu’ils ont emmené, malgré elle et ledit Millet, ladite Villette à l’aide de plusieurs amis dont ils s’étoient fait accompagner [...]31. »
23Débutant une nouvelle fois deux ans plus tard à la Comédie-Italienne, Marie-Thérèse Villette prit rapidement le parti d’épouser un acteur et compositeur de la troupe, Jean-Louis Laruette, de 13 ans son aîné, se conformant ainsi aux habitudes de cette institution théâtrale où le mariage entre sociétaires était courant. Cependant, si l’on en croit l’inspecteur de police Marais, elle était battue par son époux, trois ans après son mariage, pour ses liaisons extraconjugales :
« Tout le monde sait que lorsque Laruette s’aperçut, il y a quelques mois, que sa femme répondait aux agaceries de ce financier [le marquis de Cramayel], il la frotta d’importance. Mais une pluie d’or, tombée à propos, lui a rendu le caractère liant. Il se contente présentement de trouver toutes les nuits sa femme empressée à lui plaire, et s’embarrasse peu, à ce qu’on dit, des plaisirs qu’elle procure à d’autres dans la journée, pourvu que sa table soit toujours bien servie et qu’il ne lui en coûte pas d’argent32. »
24À la retraite de cette artiste, en revanche, la presse autorisée offre d’elle l’image d’une épouse vertueuse et d’une sœur attentionnée, soucieuse d’éviter à sa cadette les aléas de la vie d’actrice :
« Elle a conservé au Théâtre les principes de la plus grande honnêteté. Née avec une fortune très médiocre, elle s’est cru obligée de ne rien épargner pour l’éducation de sa sœur cadette : mais elle s’est maintenue dans la constante résolution de ne point lui faire apprendre la musique, de peur qu’elle ne fut tentée de suivre la carrière du Théâtre33. »
25Il n’est pas inutile d’ajouter à ces témoignages divergents quelques éléments sur le jeu de Marie-Thérèse Laruette, créditée d’avoir orienté le style des héroïnes d’opéra-comique vers plus de sensibilité et de décence, notamment dans les années 1770. La déclaration d’amour muette du Magnifique de Sedaine et Grétry (1773) faisait son triomphe. Selon la Correspondance dramatique :
« La délicieuse scène de la Rose, dans le Magnifique, est tout entière son ouvrage ; elle y répandait un mélange de décence et d’intérêt dont la magie est inexplicable. C’est un mot très singulier, peut-être, mais plein de vérité, que celui de Mme d’Houdetot, qui disait que dans ce moment Mme Laruette avait de la pudeur jusque dans son dos34. »
26Marmontel trouvait même que cette actrice jouait avec trop de « pruderie » et de « réserve » le rôle d’Agathe dans l’Ami de la maison (Marmontel, Grétry, 1772)35. Elle avait ainsi progressivement construit à la scène, et peut-être également à la ville, une représentation d’elle-même comme femme honorable, bien éloignée de celles des « filles d’opéra ».
27À travers les images fragmentaires et contradictoires laissées par la vie amoureuse de Marie-Thérèse Laruette transparaissent en filigrane à la fois les représentations stigmatisantes attachées aux femmes de théâtre et les stratégies individuelles des actrices qui, tout en intériorisant ces représentations, les aménageaient à leur façon. En effet, ni le libertinage ni le mariage bourgeois ne présentaient pour elles des options sans risque. Le premier n’était liberté que s’il était choisi, le second finissait par menacer la profession artistique elle-même, considérée comme incompatible avec ses valeurs (la jeune sœur de Madame Laruette n’eut pas l’opportunité de l’exercer).
28Naviguant à vue à travers les écueils de la condition féminine de leur époque, Justine, Marie-Jeanne, Rose et Marie-Thérèse surent néanmoins avec talent faire carrière de la musique et du théâtre. Nul doute à l’inverse que l’aisance financière procurée par leurs succès professionnels ne leur ait fourni une marge de manœuvre dont leurs consœurs moins rémunérées ne pouvaient bénéficier.
Duos à la ville et à la scène
29À quel point ces couples d’artistes formaient-ils des duos sur le plan professionnel ? Dans le cas des Dugazon, la séparation de corps des deux époux et leur activité sur des théâtres distincts, l’une à la Comédie-Italienne, l’autre à la Comédie-Française, réduisit leur collaboration à peu de chose : de son mari, Rose ne garda que le surnom et c’est elle qui en assura la pérennité sous la forme d’un type d’emploi lyrique36.
30Formé d’un dramaturge et d’une actrice, le couple Favart semblait en revanche fonctionner sur le mode de la complémentarité : le partage des tâches fut souvent souligné par les contemporains, comme par Gabriel-Charles de Lattaignant, à l’occasion des Trois Sultanes :
« Le joli couple à mon avis,
Que Favart et sa femme !
Quel auteur met dans ses écrits
Plus d’esprit et plus d’âme ?
Est-il pour l’exécution
Actrice plus jolie ?
On prendrait l’un pour Apollon
Et l’autre pour Thalie37. »
31L’un est un dieu, l’autre sa muse, le premier est plein d’esprit, la seconde est surtout jolie : dans ce petit poème qui semble mettre les deux artistes en parallèle, l’égalité n’est pas de mise. L’abbé de Lattaignant, qui avait collaboré avec Justine pour La Fille mal gardée – une des six pièces publiées sous le nom de Madame Favart dans le volume V du Théâtre de M. Favart38 – savait pourtant que l’actrice était aussi autrice à ses heures. Tout en reconnaissant qu’elle se faisait aider par des collaborateurs, Justine revendiqua fermement pour ces six pièces une auctorialité qui, à l’époque, lui était généralement reconnue39. En réalité, de même que Charles-Simon prêtait la main à beaucoup plus de vaudevilles qu’il n’en signait, l’écriture en société40 étant une pratique courante dans ce répertoire, il semble bien que Justine ait participé à cette forme de création collective, au-delà même des pièces dont elle a assumé la principale responsabilité41. On sait par ailleurs qu’elle composait de la musique et des traces de cette activité subsistent également dans le Théâtre de M. Favart42. Justine Favart ne bornait donc pas son rôle à celui d’une interprète docile mais collaborait de multiples façons à l’entreprise théâtrale.
32Les couples Laruette et Trial présentaient un autre cas de figure, unissant des personnes de la même profession. Mais si Marie-Thérèse et Jean-Louis Laruette, puis Marie-Jeanne et Antoine Trial travaillèrent quotidiennement ensemble sur les planches de la Comédie-Italienne, leurs duos à la ville n’étaient que rarement reproduits à la scène. Incarnant les amoureuses, Marie-Thérèse et Marie-Jeanne épousaient généralement à la fin de la pièce l’acteur chargé des premiers emplois masculins, Joseph Caillot, Clairval ou Louis Michu. Pendant ce temps, Jean-Louis Laruette43 jouait les vieux tuteurs bernés et Antoine Trial les paysans niais ou les valets poltrons. Ces actrices appréciées par le public pour leurs mœurs honorables délivraient donc en scène une double performance : celle du personnage, de l’amoureuse de Caillot ou de Clairval, et celle de la personne, dont on savait qu’elle était l’épouse de celui dont elle se moquait.
33Cette situation soulevait sans doute quelques difficultés et Marie-Thérèse Laruette essaya à plusieurs reprises d’user de son influence pour pousser son mari vers les premiers rôles. Marmontel se repentit de l’avoir écoutée, indiquant que « le bon Laruette, avec sa figure vieillotte et sa voix tremblante et cassée » fit manquer les scènes de L’Ami de la maison, écrites initialement pour Caillot44.
34Des tournées en province pouvaient rompre la rigidité dans l’attribution des rôles qui avait cours à la Comédie-Italienne. Ainsi, Marie-Jeanne et Antoine Trial, accompagnés de leur collègue Pierre-Marie Narbonne, se produisirent en 1773 pour cinq soirées à l’opéra de Nancy, interprétant notamment Lucile de Marmontel et Grétry et L’Amoureux de quinze ans de Laujon et Martini45. On peut imaginer qu’Antoine se chargea alors des rôles de Clairval, interprétant l’amant heureux dans la première pièce et le père noble dans la deuxième, où son épouse en travesti triomphait dans le rôle-titre.
35À Paris cependant, Marie-Thérèse et Marie-Jeanne primaient sur leurs époux, du moins sur les planches. Jusqu’à quel point ces couples de sociétaires étaient-ils également engagés dans l’administration de la Comédie-Italienne ? Jean-Louis Laruette et Antoine Trial firent l’un et l’autre partie des comités, exclusivement masculins, chargés de gérer le théâtre. Selon Marmontel, pourtant, Marie-Thérèse Laruette prenait vers 1770 une part importante dans le choix du répertoire :
« Mes acteurs de prédilection, Clairval, Caillot, Mme La Ruette, étaient les maîtres de leur théâtre. Mme La Ruette nous donnait à dîner. Là je lisais mon poème, et Grétry chantait sa musique. L’un et l’autre étant approuvés dans ce petit conseil, tout se préparait pour mettre l’ouvrage au théâtre46. »
36Madame Laruette ne se contentait pas de s’occuper du dîner. Ainsi Marmontel rapporte, à propos d’une de ses pièces qu’il jeta au feu sur les conseils de Caillot : « J’en fis lecture au petit comité. Grétry en fut charmé, Mme La Ruette et Clairval applaudirent ; mais Caillot fut froid et muet47. » L’avis de l’actrice est donc cité parmi les autres, sans distinction.
37On sait que Rose Dugazon jouait un rôle non négligeable dans le choix du répertoire, en dépit de règlements de plus en plus restrictifs quant aux décisions de l’assemblée des comédiens, mixte, au profit du comité restreint masculin48. La collaboration entre les couples Laruette et Trial, en ce qui concerne la gestion du théâtre, a été sans doute plus étroite que ce que les textes officiels laissent entendre.
Les silences sélectifs de l’histoire
38On peut conclure de ces approches croisées de nos quatre comédiennes que, sauf durant certaines périodes de crise, leur mariage avec des artistes n’eut pas d’incidence majeure sur leur carrière. Elles ne leur furent pas redevables de leurs premiers succès, puisque leurs unions furent postérieures à de brillants débuts. Contrairement aux chanteuses ayant convolé avec des personnes d’une plus haute condition sociale, elles ne durent pas quitter les planches après le mariage. Enfin, le travail en commun dans un même théâtre ne créait pas des conditions de rivalité telles qu’elles les auraient empêchées de mener des carrières parfois plus brillantes que celles de leurs époux.
39C’est en revanche dans l’historiographie que leurs maris leur font de l’ombre. Les actrices, comme les acteurs d’ailleurs, de la Comédie-Italienne étant fort peu mentionnés dans les dictionnaires et encyclopédies spécialisés, seuls apparaissent celles et ceux qui ont laissé leur nom à un emploi (Rose Dugazon, Antoine Trial), ou qui ont réalisé une œuvre de compositeur (Jean-Louis Laruette). Marie-Thérèse Laruette et Marie-Jeanne Trial se voient ainsi souvent attribuer à peine quelques lignes à la fin des notices consacrées à leurs maris49, ce qui biaise fortement l’appréhension actuelle de leur carrière50.
40Mieux connues aujourd’hui, Rose Dugazon et Justine Favart ont fait l’objet de monographies qui, à côté des inévitables chapitres détaillant leur vie amoureuse, ont fourni des informations utiles sur leur art. Dans le cas de Justine Favart, en revanche, c’est l’autrice qui est invisibilisée par son mari dramaturge. Au XIXe siècle, fréquemment, et encore aujourd’hui, ses opéras-comiques sont attribués à son mari, soit par négligence, soit par incrédulité. Le tricentenaire de la naissance de Charles-Simon Favart n’a-til pas été célébré à l’Opéra-Comique, en 2010, par la représentation de la Fille mal gardée51, une pièce publiée sous le nom de Madame Favart dans le recueil du Théâtre de M. Favart ? La machine à sécréter les « silences de l’histoire52 » est toujours en action.
Notes de bas de page
1 Voir notamment Sadie Julie Anne, « Musiciennes of the Ancien Régime », J.-M. Bowers et J. Tick (dir.), Women Making Music, The Western Art Tradition, 1150-1950, Urbana and Chicago, University of Illinois Press, 1986, 409 p., p. 191-223 ; Letzter Jacqueline, et Adelson Robert, Women Writing Opera, Creativity and Controversy in the Age of the French Revolution, Berkeley, Los Angeles, University of California Press, 2001, 339 p., Ravet, Hyacinthe, Musiciennes, Enquête sur les femmes et la musique, Paris, Autrement, 2011, 336 p. Voir également les articles de Catherine Cessac et de Sylvie Granger dans ce volume.
2 Launay Florence, « Les musiciennes : de la pionnière adulée à la concurrente redoutée. Bref historique d’une longue professionnalisation », Travail, genre et sociétés, no 19, 2008, p. 41-63.
3 Pour citer quelques célèbres cantatrices du XVIIIe siècle, en dehors de la France, mariées à des artistes : Faustina Bordoni (1697-1781), épouse du compositeur Johann Adolf Hasse, connue sous le nom de Faustina ; Francesca Cuzzoni (1696-1778), mariée au compositeur et claveciniste Pietro Giuseppe Sandoni, gardant pour la scène son nom de naissance ; ou encore Luísa de Aguiar (1753-1833), ayant fait carrière sous le nom de son mari, le chef d’orchestre Francesco Saverio Todi. Voir également l’article de Caroline Bec dans ce volume.
4 Sur la vie théâtrale dans la France du XVIIIe siècle, voir Lagrave Henri, Le Théâtre et le public à Paris de 1715 à 1750, Paris, Klincksieck, 1972, 717 p., Rougemont, Martine de, La Vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1988, 314 p., Lever Maurice, Théâtre et Lumières, Les spectacles de Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2001, 394 p.
5 Par exemple Cristina Somis (1704-1785), épouse du peintre Carle Van Loo, choisissant de se consacrer à l’enseignement ou encore Marie-Louise Mangot (1707-1785), femme de Jean-Philippe Rameau, qui interpréta les premiers rôles des opéras de son mari en concert à la cour mais ne se produisit pas sur une scène.
6 Benabou Erica-Marie, La prostitution et la police des mœurs au XVIIIe siècle, Paris, Perrin, 1987, 547 p., Blanc Olivier, Les Libertines, Plaisir et liberté au temps des Lumières, Paris, Perrin, 1997, 279 p., L’amour à Paris au temps de Louis XVI, Paris, Perrin, 2002, 356 p.
7 Legrand Raphaëlle, « Libertines et femmes vertueuses : l’image des chanteuses d’opéra et d’opéra-comique en France au XVIIIe siècle », H. Marquié et N. Burch (dir.), Émancipation sexuelle ou contrainte des corps ?, Paris, L’Harmattan, 2006, 175 p., p. 157-175 ; Bisaro Xavier, « Des voix sous surveillance : l’Académie royale de musique et la police parisienne au XVIIIe siècle », X. Bisaro et B. Louvat-Molozay (dir.), Les Sons du théâtre, Angleterre et France (XVIe-XVIIIe siècles). Éléments d’une histoire de l’écoute, Rennes, PUR, 2013, 358 p., p. 53-69.
8 Voir par exemple Grimm, Diderot, Raynal, Meister, Correspondance littéraire, philosophique et critique, Paris, Garnier, 1882, t. VIII, p. 346-347 [1er octobre 1769].
9 Le genre de l’opéra-comique en cours à la Comédie-Italienne exigeait d’elles une égale pratique du dialogue parlé et du chant. Je les désignerai indifféremment dans cet article en tant qu’actrices et comédiennes (les termes employés à l’époque) ou en tant que chanteuses (telles que nous les définissons aujourd’hui).
10 Concernant Justine Favart et Rose Dugazon, les ouvrages les plus utiles pour cette étude ont été : Pougin Arthur, Madame Favart, Etude théâtrale, 1727-1772, Paris, Fischbacher, 1912, 62 p., Mouzin Alexis, Madame Justine Favart, Artiste et Femme de Lettres, Sa famille, ses amis, son entourage, Avignon, Seguin, 1922, 20 p., Pougin Arthur, Figures d’opéra-comique, Madame Dugazon, Elleviou, les Gavaudan, Paris, Tresse, 1875, reprint Lyon, Symétrie, 2012, 214 p., Olivier Jean-Jacques, Mme Dugazon, de la Comédie-Italienne (1755-1821), Paris, Société française d’imprimerie et de librairie, 1917, 129 p., Le Roux Hugues et Alfred, La Dugazon, Paris, Alcan, 1926, 139 p. Marie-Thérèse Laruette et Marie-Jeanne Trial n’ont pas fait l’objet d’articles ou de monographies. Elles sont évoquées dans Legrand R., « Libertines et femmes vertueuses », art. cité. Pour l’ensemble des interprètes de la Comédie-Italienne, voir les biographies et documents d’archives réunis par Campardon, Émile, Les Comédiens du roi de la troupe italienne pendant les deux derniers siècles, Documents inédits recueillis aux archives nationales, Paris, Berger-Levrault, 1880, 2 vol., 382 p.
11 Campardon É., Les Comédiens du roi de la troupe italienne…, op. cit., t. I, p. 278 et 280.
12 Voir l’article de Bertrand Porot dans le présent ouvrage.
13 Gretry André Ernest Modeste, Mémoires ou essais sur la musique, Paris, Imprimerie de la République, [1797], t. I, 441 p., p. 416.
14 Campardon propose deux dates pour sa mort : 1814 et 1818 (Les Comédiens du roi de la troupe italienne, op. cit., t. I, p. 175).
15 Dans les théâtres forains, au contraire, les fermetures et interdictions répétées générèrent des carrières plus mouvementées. Voir l’article de Bertrand Porot dans le présent ouvrage.
16 Sur la notion d’emploi (rôles-types associés à des caractéristiques vocales) voir notamment Bara, Olivier, Le Théâtre de l’Opéra-Comique sous la Restauration : Enquête autour d’un genre moyen, Hildesheim, Olms, 2001, 630 p., « The Company at the Heart of the Operatic Institution, Chollet and the Changing Nature of Comic-Opera Roles Types during the July Monarchy », A. Fauser et M. Everist (dir.), Music, Theater and Cultural Transfert, Paris, 1830-1814, Chicago, University of Chicago Press, 2009, 439 p., p. 11-28. Sur l’emploi Dugazon, voir infra, note 36.
17 Legrand Raphaëlle, « La scène et le public de l’Opéra-Comique de 1762 à 1789 », P. Vendrix (dir.) L’Opéra-Comique en France au XVIIIe siècle, Liège, Mardaga, 1992, 377 p., p. 179-212.
18 Legrand Raphaëlle, « “Voici le réveil de nos âmes” : le rituel des compliments à la Comédie-Italienne », Cahiers du CIREM, Musique et rites, no 44-46, 1999, p. 123-131.
19 Nom de scène hérité de son père, Pierre-Antoine Gourgaud (1706-1774), également comédien.
20 Favart Charles-Simon, Mémoires et correspondance littéraires, dramatiques et anecdotiques, Paris, Léopold Collin, 1808, t. I, p. XXIX.
21 Grimm Correspondance littéraire, op. cit., t. VIII, p. 346-347 [1er octobre 1769].
22 Ajoutons aux ouvrages déjà cités ceux, fort misogynes, de Font, Auguste, Favart, l’opéra-comique et la comédie-vaudeville aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Fischbacher, 1894, reprint Genève, Slatkine, 1970, 355 p., bien informé mais partial ; et Hulot Frédéric, Le Maréchal de Saxe, Paris, Pygmalion, 1989, 311 p., un modèle du genre.
23 Madame Favart de Chivot et Duru, musique de Jacques Offenbach, opéra-comique créé aux Folies Dramatiques en 1878.
24 Favart, Mémoires, op. cit., t. I, p. L-LJ [lettre du 1er septembre 1749].
25 Ibid., P. LXXXJ-LXXXIJ.
26 Grimm, Correspondance littéraire, t. VIII, p. 346-347.
27 Le Mercure de France, 29 avril 1786, p. 255-257 ; Le Journal de Paris, 23 avril 1786.
28 Sifflé en scène et destitué des fonctions municipales qu’il avait exercées, ce jacobin engagé mourut peu après Thermidor, peut-être de sa propre main. Sur Antoine Trial, voir Legrand, Raphaëlle, « La fortune de Bertrand : un portrait d’Antoine Trial (1737-1795) », actes du colloque Rire et sourire dans l’opéra-comique, Paris, mars 2010, à paraître chez Symétrie.
29 Campardon É., Les Comédiens du roi de la troupe italienne…, op. cit., t. II, p. 172.
30 Campardon É., Les Comédiens du roi de la troupe française pendant les deux derniers siècles, Documents inédits recueillis aux archives nationales, Paris, Champion, 1879, p. 98.
31 Campardon É, Les Comédiens du roi de la troupe italienne…, op. cit., t. I, p. 280-281.
32 Cité par Labouïsse-Rochefort L. Auguste (de), Souvenirs et mélanges littéraires, politiques et biographiques, Paris, Bossange, 1826, t. II, p. 331-332 [24 août 1764].
33 Journal de Paris, 17 mars 1777.
34 Grimm, Correspondance littéraire, op. cit., t. XI, p. 443 [mars 1777].
35 Marmontel, Jean-François, Mémoires, Paris, Mercure de France, 1999, 586 p., p. 312-313.
36 Au début du XIXe siècle, on distinguait même plusieurs emplois Dugazon se référant aux différentes étapes de la carrière de Rose : jeunes Dugazon, Dugazon-corsets (pour les soubrettes), fortes Dugazon, mères Dugazon… Aujourd’hui, le terme désigne une tessiture vocale intermédiaire entre le soprano et le mezzo-soprano, attachée à des types de rôles secondaires mais nécessitant du jeu, parfois travestis, comme le Cherubino des Nozze di Figaro de Mozart (que Rose Dugazon n’a d’ailleurs jamais interprété). Voir Gilot Christelle, L’Itinéraire du rôle Dugazon au Théâtre des Arts de Rouen (1787-1821), Mémoire de maîtrise en musicologie, P. Taiëb (dir.), université de Mont-Saint-Aignan, 1998, 156 p., Legrand Raphaëlle, « L’Emploi Dugazon », communication au colloque La Notion d’emploi à l’Opéra-Comique, Paris, Opéra-Comique, 20-21 février 2013.
37 Cité par Pougin A., Madame Favart, op. cit., p. 43.
38 Théâtre de M. Favart ou Recueil des Comédies, Parodies & Opéras-Comiques qu’il a donnés jusqu’à ce jour, t. V, Paris, Duchesne, 1763.
39 Voir Legrand Raphaëlle : « Justine Favart parodiste », actes du colloque Parodier l’opéra, Nantes, mars 2012, à paraître.
40 Quéro Dominique, « Favart et l’écriture en société », actes du colloque Favart 2010, à paraître ; Mele Flora, Le Théâtre de Charles-Simon Favart, Histoire et inventaire des manuscrits, Paris, Champion, 2010, 258 p.
41 Communication orale de Flora Mele, « Le théâtre de la Foire et les manuscrits oubliés de Madame Favart », au colloque Genre et création dans l’histoire des arts vivants, Paris, Inha, 14 décembre 2013.
42 Legrand Raphaëlle, « Justine Favart compositrice : sur deux airs publiés dans le Théâtre de M. Favart », J. Élart, É. Jardin, P. Taïeb (dir.), Quatre siècles d’édition musicale, Mélanges offerts à Jean Gribenski, Berne, Peter Lang, 2014, 362 p., p. 63-70.
43 Voir Letailleur Paulette, « Jean-Louis Laruette, chanteur et compositeur », Recherches sur la Musique Française classique, no VIII, 1968, p. 161-189, noix, 1969, p. 145-161, no X, 1970, p. 57-86. Les compositions de Laruette étant antérieures à son mariage avec Marie-Thérèse, on ne peut parler de collaboration sur ce plan.
44 Marmontel J.-F., Mémoires, op. cit., p. 313. Ce soutien intervient dès les premières années de son mariage : « Lombard, de l’Opéra, a débuté ces jours passés à la Comédie-Italienne ; il paroît qu’il ne prend point ; il y a d’ailleurs une cabale affreuse contre lui ; & Mlle Villette, qu’il a soutenue jadis au théâtre lyrique, se ligue aujourd’hui contre lui & voudroit le faire échouer, à cause de son mari La Ruette, qu’il effaceroit facilement. » [Bachaumont, Louis Petit de], Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la république des lettres, Londres, Adamson, t. 16, 1781, p. 207 [24 décembre 1763].
45 Depoutot René, La vie musicale en Lorraine (Metz, Nancy et Toul, 1770-1810), De l’originalité provinciale à l’uniformité française, Doctorat de musicologie, sous la dir. de P. Prévost, université de Metz, 1997, t. i, p. 540 ; t. II, p. 188. Je remercie Sylvie Granger pour avoir attiré mon attention sur cette référence. La presse nationale relaie l’information, en s’étendant principalement sur les qualités de Madame Trial (Le Mercure de France, juin 1773, p. 158).
46 Marmontel, J.-F., Mémoires, op. cit., p. 313.
47 Ibid.
48 Rose Dugazon fut en outre chargée de certaines tâches, comme la supervision des costumes du chœur. Voir Charlton, David, Grétry and the Growth of the Opéra-Comique, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, 371 p., p. 13.
49 Par exemple Benoit Marcelle (dir.), Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 1992 et Grove Music Online (consulté le 9 janvier 2014). En revanche, des notices séparées et d’égale importance apparaissent dans Kutsch, Karl-Josef, et Riemens, Leo, Großes Sängerlexikon, Bern-München, Saur, 1997.
50 Ainsi René Depoutot cite en annexe de sa thèse le journal de Durival, lieutenant de police de Nancy, mentionnant en 1773 « Mad. Trial son mari et Narbonne », une énumération hiérarchisant les personnes selon les critères de l’époque, mais dans le texte de son travail il reprend l’information en la modifiant selon les critères du XXe siècle : « Antoine Trial, sa femme et Pierre Marie Narbonne », Depoutot R., La vie musicale en Lorraine…, op. cit, t. I, p. 540, t. II, p. 188.
51 Selon le très informé Gueulette Thomas-Simon, Notes et souvenirs sur le théâtre-italien au XVIIIe siècle, Paris, Droz, 1938, 319 p., p. 170, le plan de la pièce serait de Charles-Simon Favart, qui l’aurait abandonnée. Justine l’aurait reprise et complétée en collaboration avec l’abbé Lattaignant.
52 Perrot Michelle, Les Femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998, 493 p.
Auteur
Co-fondatrice du CReIM (Cercle de Recherche Interdisciplinaire sur les Musiciennes), elle est membre du Comité de direction de l’Institut Émilie du Châtelet et accordéoniste du groupe de chant féministe Les Voix rebelles.
Contact : raphaelle.legrand@wanadoo.fr
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