Conclusion
p. 321-327
Texte intégral
1Se souvenir de la guerre permet-il d’en sortir ? Comme l’a rappelé Jean-François Sirinelli, les sorties de guerre sont des « ondes de chagrin et de deuil » qui semblent se propager sans fin. Mais la mémoire collective est sélective et toutes les guerres ne laissent pas les mêmes traces. Dans les pas d’Antoine Prost, de sa thèse consacrée aux anciens combattants dans la société française de l’entre-deux-guerres1 à son rôle dans la panthéonisation de Jean Zay, nous voulions interroger cette mémoire spécifique que constitue la mémoire de guerre.
2Cette entreprise collective reposait sur un double pari. D’une part, nous souhaitions, en nous focalisant sur le Centre-Val de Loire, contribuer à une réflexion sur le rôle et la place des mémoires des guerres dans les identités régionales, au moment même où l’on s’interroge à nouveau sur leur existence et leurs frontières. D’autre part, nous voulions comparer les mémoires plurielles des différentes guerres entre elles, pour saisir leurs processus d’érosion, de résurgence et de rejeux tout au long du temps. À cette fin, nous avons opté pour une démarche comparée et pluridisciplinaire en sollicitant, non seulement des historiens des différentes périodes du Moyen Âge à nos jours, mais aussi une anthropologue, une géographe, un historien du droit, et deux littéraires. Se sont ainsi croisées diverses grilles de lecture, relevant du politique, du culturel, des représentations, des rituels et des mots pour le dire. Le premier apport de ce livre est donc, selon nous, de montrer que l’échelle régionale autorise la longue durée et la diversité des approches, de sorte qu’il se veut une invitation à renouveler l’expérience dans d’autres territoires.
3Syndrome, gangrène, retour du refoulé, les emprunts à la pathologie et à la psychologie témoignent en soi de la complexité douloureuse des processus mémoriels collectifs. De ce fait, leur métabolisme est toujours en mouvement et provoque des trous de mémoire et des résurgences dont l’historien doit rendre compte. La transmission des événements marquants et marqueurs peut se perdre dans l’oubli et réapparaître, nourrie des milieux qu’elle a traversés entre-temps : la mémoire du génocide des Juifs de France en Centre-Val de Loire est ainsi particulièrement emblématique du passage du refoulé au « devoir de mémoire ». Les mémoires des guerres sont donc l’objet de rejeux, comme l’a encore crûment révélé l’annonce de l’entrée au Panthéon de Jean Zay : sur internet, elle a réactivé la haine de sites antisémites, régurgitant à foison le thème éculé du « Drapeau », le pastiche de jeunesse rédigé par Jean Zay à la manière de Gustave Hervé. Seul le support change, mais les pétitions sur la toile mettant en cause le patriotisme du grand ministre et du Résistant ne font que rejouer la caricature de Sennep et les éditoriaux vengeurs de L’Action Française et de Gringoire. De même, le travail du CERCIL et des historiens de la « mémoire désunie », selon la formule d’Olivier Wieviorka, doit contrer non seulement les négationnistes, mais aussi les nouveaux apôtres de la théorie de « l’épée et du bouclier », qui profitent du goût des médias pour la provocation.
4Or, l’échelle régionale permet de procéder à une coupe à travers ces strates mémorielles vives, et la diversité des approches de comparer, à la loupe, les processus pour souligner certaines spécificités.
5La focalisation sur le Centre-Val de Loire révèle, ainsi, des figures, ligériennes et/ou nationales, célèbres ou méconnues, collectives comme les maquisards et résistants du Berry, ou individuelles, tel Chanzy en 1870. L’échelle s’avère pertinente car la mémoire y est portée par des groupes humains, des acteurs et vecteurs enracinés dans les territoires, comme le CERCIL, qui connaissent les lieux et les buttes-témoins, les relais et les capteurs de souvenirs. Ainsi, la question des représailles et de la pertinence des actions de maquisards en 1944 dans le Berry suscite l’envie de comparer avec celles posées dans d’autres régions, comme la Normandie. La même démarche stimulante pourrait conduire à un vaste chantier mémoriel, dans le cadre de la préparation du cent cinquantenaire de la guerre de 1870, sur les traces régionales, voire départementales, de la perception de l’invasion, de l’occupation, et des rapports personnels entre les officiers, les soldats et leurs logeurs français. Les habitants du Loiret, de la Somme, de la Sarthe, de Paris ou de Villersexel n’ont partagé ni la même expérience, ni la même mémoire de cette première guerre industrielle.
6L’approche trans-périodique révèle que la mémoire immédiate par en haut joue un rôle décisif dans la mesure où, si elle réussit à se cristalliser d’emblée sur une figure, elle résiste mieux à l’érosion du temps. Le besoin de commémoration, lorsqu’il se traduit rapidement dans un rituel consensuel, voire civique, est un gage de pérennité, comme le montrent Colette Beaune et Christian Renoux avec les fêtes johanniques sous l’Ancien Régime, de même que Denis Pernot avec l’éloge funèbre de Charles Péguy qui fixe pour longtemps son enrégimentement patriotique. En revanche, la Libération apparaît incapable de répondre à la fois à ce « devoir de mémoire » avant la lettre et à l’urgent besoin de réconciliation nationale, d’où le refoulement de la mémoire du génocide des Juifs (Olivier Lalieu), des Tsiganes (Marie-Christine Hubert), de Jean Zay (Olivier Loubes), de Jacques Morane (Pierre Allorant), et des crimes de guerres dans le Berry (Jean-Louis Laubry), en dépit d’une mémoire par en bas à vif. Plus fragile et volatile, cette mémoire contribue, pourtant, à la perception de l’ennemi sur le long terme, comme le soulignent les regards croisés de Philippe Nivet sur les Français en 1870-1871 et en 1914-1918, et d’Anne Delouis sur les Prussiens en 1870-1871. Cette mémoire immédiate peut même, dans le cas d’une guerre lointaine et « sans nom », devenir le point de fixation de la mémoire collective ultérieure (Danielle Chevallier). Car « hors sol », la mémoire de la guerre d’Algérie ne peut s’arrimer qu’aux lieux de résistance à la mobilisation du contingent et à leur répression, avec des gares ou des hôtels de ville.
7L’approche pluridisciplinaire, quant à elle, s’est révélée féconde. Une résistance différentielle des vecteurs de mémoire est mise au jour : les rituels liturgiques ou festifs semblent plus durables (Colette Beaune, Christian Renoux, Gaël Rideau, Stéphane Tison, Yann Rigolet et Noëlline Castagnez), non seulement parce qu’ils marquent à la fois le calendrier et l’espace urbain, mais aussi parce qu’ils sont plus susceptibles de s’adapter aux besoins du temps présent. Cependant, l’histoire de ville ou le guide touristique (Gaël Rideau et Christine Romero) permettent de donner du sens aux lieux, et l’épigraphie (Olivier Loubes, Pierre Allorant et Jean-Louis Laubry), le monument aux morts (Stéphane Tison et Alexandre Niess), et le carré militaire (Philippe Tanchoux) de les occuper. Enfin, il apparaît que le poids culturel des mots et du silence détermine la transmission mémorielle. La montée en puissance des survivants du génocide des Juifs, par leurs témoignages écrits puis oraux (Olivier Lalieu), contraste avec l’oblitération volontaire des Tsiganes qui ne peuvent compenser le refoulement national à leur sujet, même à l’ombre de Jargeau (Marie-Christine Hubert). Les mots peuvent avoir un fort pouvoir d’irradiation de la mémoire collective : la correspondance des occupants prussiens fixa pour longtemps la ville de la Pucelle dans la mémoire allemande (Anne Delouis), de même que le discours nécrologique sur le patriote Charles Péguy fit encore écho sous Vichy (Denis Pernot).
8Au prisme de ces différentes analyses, le Centre-Val de Loire confirme sa centralité et sa relation bijective du local au national, laquelle participe sans doute au travail de deuil d’une région qui fut autrefois le domaine royal et d’une ville qui n’a jamais cessé de se vivre comme l’autre capitale de ce domaine royal, capitale virtuelle en uchronie, si le pouvoir s’était durablement fixé, non sur les rives de la Seine, mais sur les bords de la Loire, comme l’évoquait Braudel dans L’identité de la France.
9La géographie du tourisme, dans une démarche rétroactive chère à Marc Bloch, nous permet d’appréhender cette centralité de la région : elle fut touchée par toutes les guerres ou presque de l’Histoire de France (Christine Romero). Malheur qui lui vaut sans conteste de renforcer son inscription dans le roman national et – avouons-le – son intérêt pour la recherche comme observatoire de processus hexagonaux. Pour autant, il apparaît que la mémoire de la Guerre de Cent Ans résiste mieux à l’érosion du temps que celle des autres conflits sur la longue durée, et qu’elle contribue à cette nationalisation de la région, comme le montrent la fête de la Pucelle à Blois sous l’Ancien Régime (Colette Beaune), et le culte civique orléanais rendu à Jeanne à l’époque moderne (Christian Renoux). De même, les histoires de ville au XVIIIe siècle tendent à hisser la mémoire locale des guerres de religions dans une dynamique nationale (Gaël Rideau), même si aujourd’hui leur trace s’est en partie effacée. Même lorsque son territoire n’est pas directement touché par les combats ou l’invasion, le Centre-Val de Loire incarne ce « front de l’arrière » de la Grande Guerre, car il est la terre de Maurice Genevoix et de Charles Péguy dont la mort au champ d’honneur est d’emblée l’enjeu d’un combat de récupération mémorielle aux résonances nationales (Denis Pernot).
10Les mémoires de la mort de masse ou de l’occupation, quant à elles, ne singularisent pas réellement la région Centre-Val de Loire, mais confirment son intérêt heuristique. En dépit d’une mémoire immédiate vive, tant du côté des occupés (Philippe Nivet) que des occupants (Anne Delouis), le souvenir de la guerre de 1870-1871 et de l’armée de la Loire a failli s’effacer, mais, en ce début de XXIe siècle, les municipalités, les institutions militaires et le Souvenir français maintiennent des buttes témoins de sa mémoire, en particulier dans les départements les plus meurtris comme l’Eure-et-Loir et le Loiret (Stéphane Tison). Le monument aux morts matérialise ainsi le sacrifice collectif (Alexandre Niess), de même que le « carré militaire » instauré par le Souvenir français (Philippe Tanchoux). Dans tous les cas, il s’agit de valoriser la symbolique nationale et citoyenne. Dans ce processus de nationalisation de la mémoire de guerre, ces trois auteurs confirment que la Grande Guerre a joué un rôle décisif. Car, autant sur les monuments aux morts que pour la célébration de la victoire du 8 mai 1945, le souvenir de la Seconde Guerre mondiale peine à s’imposer (Noëlline Castagnez), échec qui traduit les réticences du général de Gaulle qui préféra la continuité d’une « guerre de Trente ans ».
11Or le resserrement de la focale permet d’apporter des pistes d’explication à cet enfouissement du souvenir, même traumatique, voire à son refoulement. L’étude de cas proposée par Jean-Louis Laubry sur les crimes de guerre dans le Berry, montre que comme pour les hauts-fonctionnaires de l’État français accusés de complicité dans les crimes contre l’humanité, c’est le procès qui installe la mémoire ; d’où l’impossibilité pour les massacres de Maillé ou de Guerry d’accéder au statut d’Oradour-sur-Glane. Pourtant, à Orléans comme dans le Berry à la Libération, l’instrumentalisation des cadavres mutilés des maquisards et des civils, victimes de crimes de guerre, était en phase avec le résistancialisme décomplexé du Parti communiste Français qui exhibait ses « 75 000 fusillés ». La mémoire immédiate des premières victimes des combats de la Libération s’accompagna de rites d’exposition des corps exhumés et la question se posa de savoir s’il fallait reconstruire les villages martyrs ou bien les conserver comme lieux de mémoire. Mais comme pour les villes ligériennes dévastées par les bombardements et comme pour les camps d’internement de Pithiviers, Beaune et Jargeau, le désir de reconstruire l’emporta. C’est pourquoi, face aux divisions de la Résistance orléanaise, tant à droite au sein du réseau « Vengeance » qu’à gauche avec l’éclatement de « Libération-nord », il fut nécessaire de mobiliser le souvenir de Jeanne en une nouvelle Union Sacrée, rejouant celle de 1914, pour reconstruire et réconcilier la ville (Noëlline Castagnez). La force et la durée de l’oubli d’après-guerre constituent, sans doute, un particularisme culturel régional. Dès 1944, Michel Debré comme le général de Gaulle relevaient ce paradoxe ligérien entre la force des destructions et le calme qui régnait dans des départements issus du domaine royal, marqués par la tradition de respect de l’autorité capitale et la recherche d’un consensus, dans « cette région qui, proche de Paris, retrouva rapidement, malgré l’indispensable épuration, sa sérénité2 ».
12Les chemins ligériens de la mémoire, imprégnés par la guerre de Cent Ans, font donc émerger la figure de Jeanne d’Arc et le souvenir de son épopée (Christine Romero). Ils sont au cœur de l’identité du Centre-Val de Loire et ce, du XVe siècle à la Révolution française au moins, comme le soulignent aussi bien Colette Beaune que Christian Renoux. Mais au-delà de la Jeanne qui délivra Orléans des Anglais en 1429, de la Jeanne du peuple de Michelet et de la Sainte, Jeanne fut aussi enrôlée comme figure de proue de l’Union Sacrée, tant à l’échelle locale que nationale, pendant la Grande Guerre (Yann Rigolet). Incarnation du patriotisme, du sentiment national, et au-delà, de la nation réconciliée en dépit de ses divisions, la fête johannique du 8 mai absorba même celle de la victoire sur les forces de l’Axe au lendemain de la Libération. En revanche, Jean Moulin, en dehors de Chartres, est singulièrement moins présent dans les guides touristiques que la reconstruction pionnière des villes ligériennes martyrisées entreprise par Jacques Morane dès 1941. Sans doute, l’œuvre des architectes comme Pol Abraham à Gien se voit et préfigure l’avenir des Trente Glorieuses et de « la vie mode d’emploi » des préfabriqués. Mais le résultat décrit par Pierre Allorant étonne. Le souvenir des projets de Morane va de pair avec l’oubli où a sombré ce préfet vichyste, alors que l’héroïsation de son collègue d’Eure-et-Loir, incarnation du préfet résistant depuis son entrée au Panthéon en 1964, a pour paradoxale conséquence un certain effacement local de sa mémoire. La sculpture précocement érigée au cœur de la ville de Chartres ne semble plus suffire à y associer Jean Moulin à la Seconde Guerre mondiale, et ce en dépit du renouveau historiographique et des relais médiatiques offerts par de récentes incarnations cinématographiques. Que dire alors de Jean Zay et des étapes successives d’exhumation de sa mémoire ? En épigraphe du contemporain, au travers des plaques des établissements scolaires et des rues à sa mémoire, Olivier Loubes nous montre que la logique antifasciste des textes de l’immédiat après-guerre, en attribuant l’assassinat à « la barbarie nazie », loin d’exonérer Vichy et sa milice, les y englobait aux yeux des porteurs de sa mémoire, y compris sa famille et ses amis. Elle dénonçait l’intelligence avec l’ennemi des élites et des agents de l’État français : comment comprendre autrement le « J’accuse » de Madeleine Zay, destiné à être lu au procès Pétain ? Si Jean Zay était bien, pour ceux qui le haïssaient comme finalement pour les siens, le nouveau Dreyfus, sa réhabilitation ne fut que posthume et ses amis radicaux, à l’inverse des Dreyfusards de la Belle Époque, furent marginalisés à la Libération. L’unanimité nationale autour de Jean Zay, en dépit de la forte mobilisation locale, souvent convergente, des associations et des historiens, a dû attendre les temps plus contemporains des combats antitotalitaires et de l’exaltation de l’œuvre de la République.
13L’analyse du tourisme patrimonial par Christine Romero montre bien, en effet, que certaines mémoires enfouies peuvent ressurgir sous l’impulsion d’acteurs qui invoquent le « devoir de mémoire », cette injonction morale à ne pas oublier. Les vecteurs des mémoires des guerres ne dépendent pas tous de la puissance publique et de sa volonté politique de commémorer en décrétant, par exemple, la panthéonisation de grandes figures régionales érigées en héros nationaux, tels Jean Moulin en 1964 ou Jean Zay en 2015. Le décryptage des politiques mémorielles, même s’il demeure nécessaire, ne suffit donc pas. Comme pour la politique et pour faire écho à Maurice Agulhon, la « descente vers les masses » de la mémoire des guerres se conjugue avec celle des acteurs locaux, des notables municipaux aux préfets, en passant par les associations d’anciens combattants ou de victimes, lesquels contribuent à la sélection des strates mémorielles et parfois à l’anamnèse.
14Ce livre croise l’analyse des acteurs du « devoir de mémoire » avec celle des « lieux de mémoire » qu’ils ont pu, ou non, ériger en Centre-Val de Loire. À ce jour, l’activité du CERCIL apparaît comme la plus remarquable : à côté de camps qui n’existent plus – mais l’on sait depuis Annette Wieviorka que, de toute façon, d’un lieu ne peut sourdre aucun savoir3 – le centre transmet mémoire vivante et savoir universitaire sur le génocide des Juifs de France aux élèves et au grand public. Les travaux d’Olivier Lalieu sur son aventure institutionnelle, locale et nationale, et ceux de Marie-Christine Hubert sur la mémoire de l’internement des Tsiganes s’éclairent mutuellement de leurs différences culturelles absolues. La culture du livre et de la mémoire de la communauté juive a porté sa revendication mémorielle et favorisé l’émergence de travaux historiques à partir des camps du Loiret, alors que les rituels funéraires d’oblitération des Tsiganes et l’obligation d’ignorer la séparation entre les vivants et les morts a encouragé un devoir d’oubli. En comparaison, la mémoire de la guerre d’Algérie apparaît, presque, en tout point, antinomique à celle des Tsiganes : cette « guerre sans nom » a suscité une mémoire immédiate qui, par ricochets, irrigue encore les associations d’anciens combattants et de Harkis aujourd’hui (Danielle Chevallier). Mais si cette mémoire, comme celle du génocide des Juifs, n’est pas froide, elle demeure conflictuelle dans la région comme en France, puisque ses porteurs ne s’accordent toujours pas sur la date de sa commémoration et préfèrent l’hommage individuel aux anciens combattants. Il s’agit plus de ne pas oublier leurs souffrances que de dénoncer « la sale guerre ».
15Davantage que dans des lieux matériels, en Centre-Val de Loire, les mémoires des guerres de Jeanne d’Arc à Jean Zay s’incarnent dans des figures qui revivent le sacrifice de la Pucelle. Comme en témoignent chaque année la ferveur des fêtes johanniques, ce souvenir de 1429, toujours réinterprété, est réellement constitutif de l’identité régionale dans une aspiration à incarner l’union et la réconciliation nationales. En entrant au Panthéon, il semble que Jean Zay puisse bientôt prendre place dans ce processus où interagissent mémoire par en haut et mémoire par en bas. Lui-même, ne déclarait-il pas, le 8 mai 1939 :
« Devant les périls qui les assaillent, tous les Français se rassemblent. Mais Orléans n’a pas attendu et, tous les ans, le 8 mai, depuis cinq siècles, elle connaît le miracle de la réconciliation […] Jeanne d’Arc s’inscrit première dans l’éblouissante lignée de ces jeunes héros, dont la grâce épique a sauvé la France dans toutes les grandes heures du péril4. »
16À l’heure où des relents de haine exhalent un poison bien connu, Jean Zay pourrait devenir un nouveau « lieu de mémoire » du vivre ensemble.
Notes de bas de page
1 Antoine Prost, Les Anciens combattants et la société française. 1914-1939, Paris, Presses de la FNSP, 1977.
2 André Mars sera le premier secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature. Michel Debré, Trois Républiques pour une France. Mémoires. Combattre, Albin Michel, 1984, p. 348-349.
3 Annette Wieviorka, Auschwitz, 60 ans après, Paris, Robert Laffont, 2005.
4 Jean Zay, Souvenirs et solitude, Talus d’Approche, 1987, p. 234.
Auteurs
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