Introduction
p. 17-18
Texte intégral
1La mémoire des guerres est parfois encalminée en « passé qui ne passe pas », voire en « gangrène et oubli », singulièrement lorsque la mémoire collective se désunit entre les injonctions morales de communautés qui en appellent à ne pas oublier. Dans cette première partie, il s’agit de repérer quels sont les principaux acteurs du « devoir de mémoire » dans la région Centre-Val de Loire, en commençant par étudier quel décor est planté et quels chemins sont tracés pour les touristes.
2Les guides touristiques régionaux publiés depuis une trentaine d’années, par leurs choix de certaines grandes figures, lieux remarquables et itinéraires à privilégier, témoignent de la valorisation de certains « chemins de la mémoire », bornés de lieux jugés emblématiques des guerres passées. Or leur cartographie interroge la manière dont ces lieux sont représentés aux visiteurs dans le cadre d’une promotion touristique de la région. La prédominance des « lieux de mémoire » de la guerre de Cent Ans, avec l’omniprésence de Jeanne d’Arc, contraste avec la difficulté à donner à voir les traces des conflits contemporains et donc à les inscrire dans un cheminement touristique.
3Parmi les acteurs institutionnels qui revendiquent un « devoir de mémoire » contre l’oubli, le CERCIL émerge au devant de la scène, depuis les années 1990, en Centre-Val de Loire. Installé à Orléans, il a exhumé du refoulement collectif, tant local que national, les camps d’internement du Loiret : Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Jargeau. Son action est tout à la fois militante, porteuse de revendications mémorielles propres à la Shoah, et scientifique, institutionnalisé en centre de recherche reconnu sur les génocides, grâce à des personnalités locales et nationales, des deux filles de Jean Zay à Serge Klarsfeld et Simone Veil.
4Quant à la guerre d’Algérie, la « guerre sans nom » est abordée par une monographie départementale en Loir-et-Cher, sur le rôle de ses associations d’anciens combattants, acteurs dont on sait l’importance depuis la thèse pionnière d’Antoine Prost. Le creuset des manifestations de 1956, sévèrement réprimées par des peines d’emprisonnement, fait rejouer la mémoire de l’occupation allemande de la vallée du Cher, terre traditionnellement frondeuse et de gauche. Le comité d’action pour la paix en Algérie combat le rappel des conscrits et le mouvement de protestation s’élargit au Vendômois sous l’onde de choc du « drame de Palestro », lequel révèle à l’opinion publique que la France est bien en « guerre » contre « les rebelles ». Les obsèques des soldats tués en Algérie instaurent un véritable rituel qui met en scène, face à face, les familles et les autorités préfectorales et municipales. Aujourd’hui encore, la division des associations fait écho à cette mémoire douloureuse avec un débat sur la date à laquelle il convient de commémorer la guerre d’Algérie, 19 mars ou 5 décembre, qui se traduit dans les noms de rues ou de places.
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