1 Nous reprenons l’expression de Patrick Cardon : Cardon P., Discours littéraires et scientifiques fin de siècle, Paris, Orizons, 2008, p. 135-80.
2 Le choix de ce pseudonyme est une référence explicite à Numa Numantius, pseudonyme du juriste allemand Karl-Heinrch Ulrichs, considéré comme le père fondateur du mouvement d’émancipation homosexuel.
3 D’un point de vue méthodologique, nos sources sont de trois ordres. À commencer par le Journal inédit d’Eugène Wilhelm (1885-1951), puis les articles publiés par les auteurs qui sont au cœur de l’Affaire : articles scientifiques publiés par Wilhelm (ainsi que sous son pseudonyme « Dr Numa Praetorius ») dans diverses revues francophones et germanophones ; articles publiés par le publiciste et écrivain Marc-André Raffalovich, le neurologue genevois Paul-Louis Ladame, le médecin Georges Saint Paul (alias Dr Laupts) et le psychiatre et criminologue Paul Näcke. La plupart des articles ont été publiés dans les Archives d’anthropologie criminelle, revue co-fondée par Gabriel Tarde et par le médecin légiste Alexandre Lacassagne. À ces sources primaires, s’adjoignent quelques ouvrages de référence qui traitent de l’« Affaire Paris-Berlin », tels que Discours littéraires et scientifiques fin de siècle, op. cit. ; Murat L., La loi du genre : une histoire culturelle du troisième sexe, Paris, Fayard, 2006 ; Tamagne F., Histoire de l’homosexualité en Europe. 1919-1939, Paris, Le Seuil, 2000.
4 Raffalovich M.-A., « Les groupes uranistes à Paris et Berlin », Archives d’anthropologie criminelle, 19, 1904, p. 926-936.
5 Le terme d’uraniste (Urning en allemand) a été forgé en 1864 par le juriste allemand Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895), plus connu sous le pseudonyme de « Numa Numantius » et considéré comme le père fondateur du mouvement d’émancipation homosexuelle.
6 Fournies à Raffalovich par J.-K. Husymans par l’intermédiaire de Jean Lorrain.
7 Huysmans J.-K., À propos. Interviews, réponses et opinions, présentation par René-Pierre Colin, Rezé, Séquences, 2000, p. 96.
8 Raffalovich M.-A., « Les groupes uranistes à Paris et Berlin », op. cit., p. 927.
9 Näcke P., « Ein besuch bei den Homosexuellen in Berlin. Mit Bemerkungen über Homosexualität », Archiv für Kriminalanthropologie und Kriminalistik, 15, 1904, p. 244-263.
10 Laupts, « Dégénérescence ou pléthore », Archives d’anthropologie criminelle, 23, 1908, p. 732-749.
11 Ibid.
12 Ibid.
13 Corbin A., Les filles de noce : misère sexuelle et prostitution, XIXe et XXe siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1978.
14 Laupts, « Dégénérescence ou pléthore », op. cit., p. 741.
15 Näcke P., « Le monde homosexuel de Paris », Archives d’anthropologie criminelle, 20, 1905, p. 182-185.
16 Ibid., p. 183.
17 Naecke P., « Quelques détails supplémentaires sur les homosexuels de Paris », Archives d’anthropologie criminelle, 20, 1905, p. 411-414.
18 Il convient de noter que Wilhelm avait déjà procédé de la sorte en 1891 avec Richard von Krafft-Ebing : « Fini la lettre à Krafft. La possibilité de pouvoir agir pour les Urnings me contente également ; mon activité y voit un but qui lui plaît. Mon ardeur à défendre les Urnings est pour moi la seule manière d’agir pour les autres que j’entreprends avec conviction et plaisir en même temps, par elle je comprends l’ardeur qui enflamme d’autres pour telle ou telle réforme à produire » (8 mai 1891 : Carnet 11, f° 4). Cet engagement trouve son issue concrète à travers la publication d’un article de nature juridique, plaidoyer pro domo en faveur de la dépénalisation des relations homosexuelles (Dr jur. *** et Richard von Krafft-Ebing, « § 175 Des deutschen Strafgesetzbuches und die Urningsliebe », Zeitschrift für die gesamte Strafrechtswissenschaft, 12, 1892, p. 34-54).
19 « Lu dans Le Temps le scandale des bains de Penthièvre où 18 homosexuels […] furent arrêtés. J’écris une lettre anonyme à l’un des avocats pour la compréhension et la défense des homosexuels » (28 sept. 1890 : Carnet 9, f° 55).
20 Naecke P., « Quelques détails supplémentaires sur les homosexuels de Paris », Archives d’anthropologie criminelle, 20, 1905, p. 411-14. Les éléments sur lesquels s’appuie Wilhelm dans sa « lettre » transparaissent dans le Journal : « Les amusements homosexuels ne manquent guère. Très commode un hôtel où l’on trouve des voyous, puis un bain de vapeur où de petits ouvriers sans travail attendent les clients » (22 avril 1903 : Carnet 20, f° 84). Mais la plupart des indications fournies par Wilhelm dans sa lettre font en fait référence à une autre expérience parisienne, son séjour du 27 mars au 19 avril 1899 : « Sur les boulevards, la même prostitution qu’à Berlin, mais plus discrète. On y trouve tout : voyous et tapettes […]. J’ai encore parlé à toute une série de prostitués sur les boulevards, qui tous semblaient convenables et ne justifiaient pas mes craintes exagérées » (Carnet 19, f° 7). « Dans le Grand café [bld des Capucines], rendez-vous des Urnings [i. e. des uranistes] ; revu de petits prostitués élégants » (ibid.).
21 Dr fait référence à son titre de Dr Iur., c’est-à-dire docteur en droit. Dans les pays de langue allemande, le titre fait partie intégrante du nom de famille. S’agissant des articles relatifs, il s’agit de : Praetorius N., « Die Homosexualität in den romanischen Ländern », Sexual-Probleme, 1909, p. 183-203 ; « Homosexuelle Ereignisse in Frankreich und in Italien aus den Jahren 1908 und 1909 », Vierteljahresberichte des wissenschaftlich-humanitären Komitees, 1 (2), 1909, p. 173-94 ; « Die homosexualität in den romanischen Ländern », Sexual-Probleme, 1909, p. 183-203 ; « Zur Frage der Homosexualität in Frankreich. Erwiderung auf den Aufsatz von Herm. Fernau in der Dezembernummer 1909 dieser Zeitschrift », Sexual-Probleme, 6, 1910, p. 254-256 ; « Homosexuelle Pissoirinschriften aus Paris », Anthropophyteia, 8, 1911, p. 410-422 ; « À propos de l’homosexualité en Allemagne », Revue d’anthropologie criminelle, 1912, p. 114-116.
22 Cardon P., Discours littéraires et scientifiques…, op. cit., p. 86.
23 Wilhelm fut juge jusqu’en 1908. Il démissionna de ses fonctions afin d’éviter un scandale homosexuel au moment même où l’affaire Harden-Eulenburg défrayait la chronique (à ce propos, voir par ex. : Le Moigne N. « L’affaire Eulenburg : homosexualité, pouvoir monarchique et dénonciation publique dans l’Allemagne impériale [1906-1908] », Politix, 71, 2005, p. 83-106). Cette bifurcation dans sa trajectoire est mentionnée de la manière suivante dans son Journal : « Je fus appelé chez le Président [du Tribunal]. Un ancien policier, arrêté pour proxénétisme, a dit : lui on l’arrêtait et H *** (un des individus qui a écrit la lettre de chantage du mois de novembre) on le relâchait parce qu’il m’avait enculé ! Je devais porter plainte : J’ai refusé […]. Il ne me restera que de démissionner » (11 avril 1908 : Carnet 22, f° 9 sq.).
24 Praetorius N., « À propos de l’article du Dr Laupts sur l’Homosexualité dans les “Archives” du 15 avril 1908 », Archives d’anthropologie criminelle, 24, 1909, p. 198-208. Wilhelm, qui est alors juge au pénal, relate dans son Journal intime un cas de ce type : « Ce matin à la séance la première affaire ce fut : délit contre nature : mon émotion vive, le choc dure encore […]. Je dis d’une voix tremblante à faire exprimer au médecin son avis sur le psychique de l’accusé […] dire que rien, rien n’est possible en sa faveur. Et dire que moi aussi je puis venir dans la même situation » (13 novembre 1894 : Carnet 16, f° 22).
25 Praetorius N., « À propos de l’article du Dr Laupts sur l’Homosexualité… », op. cit., p. 200. À ce propos, lors d’un voyage dans le Sud-Est de la France en 1902, Wilhelm écrit : à Marseille « En fait d’amour ai eu mon compte. Le soir entre 6 et 9 place Masséna choix très-grand de soldats. Il s’y offrent une trentaine [sic.]. Possédé 3, puis 3 petits jeunes gens, deux extérieurement affreux voyous, mais très-bons d’honneur et de caractère. Tous militaires et civils, très-gentils. Du reste grande facilité et tranquillité car à deux pas de la place Masséna, un hôtel ad hoc où pour 3 francs on trouve chambre et où le patron connaît la chose. J’en profite six fois » (26 mars-9 avril 1902 : Carnet 20, f° 66). S’agissant de la rencontre relatée dans l’article, il la décrit en ces termes : « À Pau, sexuellement rien, je parle à un gros et gras commissionnaire, il connaît la chose, est prêt à tout, excité aux baisers, du reste brave garçon, nature vraiment franche, naïve, simple et honnête » (Carnet 21, f° 27). De même, s’agissant de Nîmes : « Depuis 15 jours, la première fois fait l’amour avec un petit agriculteur des environs » (Carnet 21, f° 31).
26 Le Journal, 28 novembre 1907. Cité par Praetorius N., « Die Homosexualität in den romanischen Ländern », op. cit., p. 188.
27 « À propos de l’article du Dr Laupts… », op. cit., p. 203-204.
28 Ibid., p. 204.
29 Ibid.
30 Mccormak J. H., The Man who was Dorian Gray, New York, St Martin’s Press, 2000.
31 Saint-Simon, Mémoires, t. 1, Paris, Gallimard, coll. « Pléiade », 1983, p 575 ; Wald Lasowski P., L’amour au temps des libertins, Paris, First, 2011.
32 « Die homosexualität in den romanischen Ländern », op. cit., p. 196 et suiv.
33 Extraits d’articles de journaux servant de preuve présentés dans « Die Homosexualität in den romanischen Ländern », op. cit., p. 202-203.
34 « À propos de l’article du Dr Laupts… », op. cit., p. 205.
35 Praetorius N., « Ueber gleichgeschlechtlichen Verkehr in Algerien und Tunis », Antropophyteia, 7, 1910, p. 179-88.
36 « À propos de l’article du Dr Laupts… », op. cit., p. 203.
37 Ibid., p. 207.
38 Ibid.
39 Cette question s’inscrit dans les nombreux débats qui ont traversé l’Alsace à l’époque : Laugel A., L’origine de la tradition alsacienne, Strasbourg, Treuttel & Würtz, 1910.
40 Extrait du Carnet 10 d’Eugène Wilhelm (29 sept. 1890-3 mai 1891).
41 Si Wilhelm ne fait référence à son identité bisexuelle explicitement qu’en 1913 (« Possédé une femme dans un bordel chic devant Hirschfeld. L’ai convaincu maintenant de ma bisexualité », 1er juin 1913 : Carnet 26, f ° 21), la question de sa double attirance, pour les hommes et les femmes, le taraude depuis ses 19 ans au moins.
42 Boltanski L., « Pouvoir et impuissance », Actes de la recherche en sciences sociales, 1, 1975, p. 80-108.
43 Archives nationales : AJ9/3216 – 1 : Haute Commission Interalliée des Territoires Rhénans, Paul Tirard à Aristide Briand, lettre et aide-mémoire « maladies contagieuses », octobre 1927. Je remercie Fabrice Virgili pour l’indication de cette source.
44 Tamagne F., Histoire de l’homosexualité en Europe. Berlin, Paris, Londres (1919-1939), Paris, Le Seuil, 2000, p. 402 sq.