1 Ce travail s’appuie sur la multiplicité des sources dépouillées lors de notre thèse : François Prigent, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, thèse, Rennes 2, 2011, 813 p.
2 La Bretagne, considérée ici, incorpore le département de la Loire-Atlantique.
3 Les victoires symboliques des législatives de mars 1973, confirmées par le démarrage rapide de l’implantation du PS lors des cantonales d’octobre 1973, ouvrent un cycle de succès électoraux, accélérés par la métropolisation du socialisme lors des municipales de mars 1977, qui connaît son apogée lors de la vague rose des législatives de juin 1981. La croissance du nombre d’élus PS participe de la domination socialiste dans les principales villes (dès 1977), dans les conseils généraux (1976 pour les Côtes-du-Nord, 1998 pour le Finistère, 2004 pour l’Ille-et-Vilaine et la Loire-Atlantique) et régionaux (depuis 2004).
4 François Prigent, « L’expérience de l’union de la gauche en Bretagne (1967-1978) », dans Alain Bergounioux, Danielle Tartakowsky (dir.), L’union sans l’unité. Le programme commun de la gauche (1963-1978), Rennes, PUR, 2012, p. 175-187 ; et « La mutation des milieux socialistes dans l’Ouest breton (1967-1973) : réseaux, trajectoires, identités », dans Christian Bougeard, Vincent Porhel, Gilles Richard, Jacqueline Sainclivier (dir.), L’Ouest dans les années 1968, Rennes, PUR, 2012, p. 211-223.
5 François Prigent, « Mondes laïques, mondes chrétiens », ch. 6, thèse, op. cit., p. 477-579.
6 Agent de maîtrise EDF, Maurice Charreteur, membre de la section SFIO de Saint-Marc-Brest, est secrétaire général de l’UD FO (1967-1978). Il fait partie de la direction nationale de son syndicat dès novembre 1965. Candidat FGDS à Brest 1 en 1967, il est élu RPR en 1983 sur la liste qui bat le maire PS sortant, Pierre Maille.
7 L’anticommunisme et l’anticléricalisme sont un ciment de l’identité socialiste de FO en Bretagne, avec une identification des appartenances syndicales et partisanes jusque dans les années 1970. La périodisation des relations entre FO et le milieu socialiste dévoile globalement trois phases : la stratégie partisane est au cœur des scissions syndicales en 1948 ; les liens organiques dominent les années 1950-1960 ; les décrochages de l’emprise socialiste sur FO s’inscrivent dans les divergences des nouvelles orientations et pratiques du milieu politique et du milieu syndical à partir des années 1970. Ce retournement des rapports PS-FO, fondé sur des dissonances générationnelles, précipite la dissolution de l’identité FO dans le milieu socialiste, tandis que les liens organisationnels et personnels s’amenuisent. À FO, la distance idéologique se tend avec le temps vis-à-vis du PS. Sous la pression des échecs d’un enracinement syndical aux origines socialistes, ces filières s’émancipent de la tutelle politique et se singularisent dans le paysage syndical.
8 Au milieu des années 1950, les débats internes à la CFTC montrent la domination de la tendance minoritaire en Bretagne, qui préfigure la déconfessionnalisation des réseaux syndicaux : le tournant national de 1957, qui porte les équipes du courant Reconstruction à la tête de la CFTC, paraît plus précoce dans la région.
9 Un quart des trajectoires des parlementaires socialistes bretons du XXe siècle a eu un passage par la CFDT (17), le SGEN-CFDT (3) ou la FEP-CFDT (2). À l’échelle des conseillers généraux, cette filière incontournable est fréquentée dans un cinquième des cas (71/359).
10 Les années 1960 marquent le passage définitif à gauche de l’essentiel de ces franges militantes des chrétiens de gauche, dont l’ossature est l’appartenance à la CFTC et à la JOC, au travers de l’expérience militante du PSU. Ce ralliement résulte d’un engagement partisan autour du projet politique de socialisme démocratique et des pratiques militantes autogestionnaires de la CFDT, porté par Edmond Maire au plan national. Le processus achevé par les Assises du socialisme en octobre 1974, avec l’adhésion de la composante CFDT, se prolonge par des prises de mandats municipaux jusque dans les années 1980. Le socialisme réinventé dans les années 1970 procède d’une refonte militante, par l’absorption de la composante CFDT, nouveau centre de gravité de la pyramide partisane (environ un tiers des militants PS sont aussi adhérents de la CFDT). L’intégration de ces matrices militantes déplaçant les frontières du milieu partisan survient après la clôture du renouvellement des élus PS.
11 Conseiller général (1973) et maire de Brest (1977), Francis Le Blé (1929-1982), ajusteur à l’Arsenal, est secrétaire de l’UL CFTC (1959-1962), de l’UD CFTC-CFDT (1962-1969). Fondateur en 1968 du Groupe d’Études et de Recherches Socialistes (GERS), ce militant JOC se positionne sur le courant CERES, passant plus tôt que ses collègues du terrain syndical au champ politique.
12 François Prigent, « Bernard Lambert, Bernard Thareau : portrait(s) croisé(s) », dans Recherche Socialiste, no 58-59, p. 131-142.
13 C’est aussi le cas de Bernard Poignant, conseiller politique influent de l’actuel Président de la République. Agrégé d’histoire, né en 1945, il est tête de liste aux municipales en 1977 et secrétaire fédéral (1978-1981), avant de devenir député (1981-1986, 1988-1993), conseiller municipal (1983-1989) puis maire de Quimper (1989-2001, 2008-2014), conseiller général (1988-1989) et député européen (1999-2009). Président du club Convaincre (1985-1988) et de la FNESR (1993-2000), c’est un rouage stratégique des réseaux d’élus, président de la délégation du PSE et du BREIS (Bureau Régional des Études et Informations Socialistes) depuis 2006.
14 Cela vaut aussi à l’échelle des dirigeants fédéraux de la JEC. Issu du scoutisme, Patrick Rimbert (né en 1944) est secrétaire fédéral de la JEC (1961-1964) et président de la MNEF à Nantes (1966-1968). Militant PCF (1966), sympathisant PSU (1967-1969), adhérent PS depuis 1978 (poperéniste), cet universitaire est candidat en 1983, puis adjoint (1989-2001). Secrétaire national du PS, il devient conseiller général de Nantes 7 (1992-2001), député (1997-2002), adjoint (1989-2001), 1er adjoint (2001-2012) et maire de Nantes (2012-2014). Une analyse comparable peut être menée concernant Daniel Delaveau (président national de la JEC en 1975), adjoint à Saint-Jacques-de-la-Lande (1983-1995) puis maire (1995-2007), conseiller général de Rennes 10 (1994-2008) et maire de Rennes (2008-2014).
15 En retour, ces engagements ont une influence sur le passage au socialisme de ses parents dans la période ultérieure : la libération catholique, dans le vote plus que dans l’adhésion au PS, est un phénomène décisif pour comprendre le processus de conversion de la Bretagne à gauche entre 1968 et 1981.
16 En 1992, Henri Nallet, fin connaisseur de la vie politique bretonne en raison de ses liens avec les organisations du syndicalisme paysan (dont Bernard Thareau), siège dans le même gouvernement que Jean-Yves Le Drian, tous deux anciens patrons de la JEC au plan national.
17 Député (1978-1993, 1997-2007) et maire de Lorient (1981-1998), Jean-Yves Le Drian, président du conseil régional (2004-2012), secrétaire d’État à la Mer (1992-1993) et ministre de la Défense depuis 2012. Pour un portrait politique, cf. Les socialistes à la conquête du Morbihan (1905-2005), disponible sur [http://www.ps56.fr].
18 Assistant d’université, il entame des recherches sur la JOC et l’univers ouvrier des Forges.
19 Les cantonales d’octobre 1973 constituent le point de départ de nombreuses carrières politiques, à l’instar de Jean-Louis Tourenne et Edmond Hervé qui font leur entrée au conseil général en Ille-et-Vilaine.
20 Premier ministre de la Mer en 1981, le leader rocardien conserve ce style régionaliste, sans parvenir à imposer les choix bretons en matière de décentralisation, de reconnaissance d’une spécificité linguistique.
21 Né en 1938, Charles Josselin est président du conseil général (1976-1997), député de Dinan (1973-1978, 1981-2002), député européen (1979-1981), sénateur (2006-2008), conseiller général de Ploubalay depuis 1973, maire (1977-1997), adjoint (depuis 2001) de Pleslin-Trigavou. Il appartient à plusieurs gouvernements : secrétaire d’État aux Transports (1985-1986), secrétaire d’État à la Mer (1992-1993), secrétaire d’État à la Coopération (1997-2002).
22 Professeur agrégé, Pierre Maille, né en 1947, responsable UNEF et adhérent SNES, est secrétaire de section du PS à Brest (1975) et animateur du courant Mauroy. Candidat aux cantonales (1976, 1982), 1er adjoint (1977-1982), maire de Brest (1982-1983 et 1989-2001), il est conseiller général (1985-2015) et président du conseil général (1998-2015). Fils d’institutrice, c’est un militant laïque (Libre-Pensée, LDH, FCPE). Adhérent SFIO, son père, inspecteur des impôts, investi dans les MUR avec l’espoir d’une fusion SFIO-PC, est maire de la délégation spéciale de Fréjus à la Libération avant d’avoir des responsabilités à FO et dans la franc-maçonnerie.
23 Maire (1977-1983) et député (1978-1988) de Nantes, Alain Chenard, né en 1937, anime un autre club, le Centre d’étude et de promotion (CEDEP).
24 Il occupe successivement les fonctions de conseiller général en 1973, secrétaire fédéral au moment clé après 1974, maire (1977-2008), député (1981-1993, 1997-2002) et sénateur (2008-2014).
25 Symbole du renouveau générationnel de 1977 et de la conquête des grandes villes de l’Ouest, il est ministre de la Santé en 1981, de l’Énergie (1981-1983), puis de la Santé (1983-1986). Le PS rennais est dominé par son association avec Jean-Michel Boucheron, dont la trajectoire est parallèle : vainqueur tonitruant d’Henri Fréville aux cantonales de 1976, inamovible parlementaire (1981-2012), il préside en 1988 la commission défense de l’Assemblée nationale, place forte des députés PS bretons.
26 Entré au PS en 1972 en compagnie de Bernard Hazo, fils d’un responsable FO, ancien maire SFIO de Trignac, il est membre du comité directeur dès 1977 et du bureau exécutif dès 1979, avant d’être président de la FNESR (1992-1993), poste occupé à tour de rôle par trois autres responsables du PS en Bretagne : Bernard Poignant (1993-2000), Claudy Lebreton (2003-2010), Marylise Lebranchu (2010-2012).
27 Plus jeune conseiller général de France (26 ans), Jean-Marc Ayrault arbore un pull rouge lors de la première session du conseil général, anecdote représentative de la rupture symbolique incarnée par le nouveau personnel politique du PS. Alain Besson, Jean-Marc Ayrault, une ambition nantaise, Nantes, Éd. Coiffard, 2004, 433 p.
28 En Loire-Atlantique, la majorité des militants PSU passe en bloc au PS lors des Assises du socialisme, et ce malgré la division des militants incarnée par leurs leaders. Claude Évin structure une force au profil militant proche, amalgamant les matrices JOC, CFDT, PSU, alors que François Autain choisit l’ancrage autogestionnaire du CERES, sacrifiant le brouillage des frontières de la laïcité (présence du groupe Guy Goureaux du Cercle Jean XXIII) aux impératifs d’un ancrage à gauche (stratégie unitaire aux côtés du PCF).