Chapitre VII. Ministre des finances du gouvernement provisoire et engagement politique (septembre 1944-janvier 1946)
p. 137-159
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Texte intégral
1Dans le Gouvernement Provisoire de la République Française, ce GPRF qui siège à Paris pour la première fois le 2 septembre 1944, le plus “gaulliste” des commissaires, le “fidèle parmi les fidèles” est appelé à poursuivre sa tâche auprès du général de Gaulle. Mais à quel poste ? Un premier remaniement ministériel annoncé le 5 septembre élargit le cercle gouvernemental à des résistants de l'intérieur, mais c'est le 9 septembre que le nouveau gouvernement d'“unanimité nationale” est définitivement constitué. René Pleven y conserve le ministère des Colonies, puis est nommé deux mois après au ministère des Finances, auquel s'ajoute celui de l'Économie au printemps 1945. Pendant cette période, un débat devenu célèbre sur la meilleure politique économique à mener pour rebâtir le pays l'oppose à Pierre Mendès France. René Pleven s'affirme déjà à cette occasion comme un homme politique avec lequel il va falloir compter.
Quel portefeuille ministériel pour le “londonien” Pleven ?
2La première réunion du GPRF à l'hôtel Matignon rassemble autour du général de Gaulle, des “anciens” comme René Pleven et des “nouveaux”, sortant souvent de la clandestinité, comme le communiste Charles Tillon (ministre de l'Air) ou les démocrates populaires Georges Bidault (aux Affaires étrangères) et Pierre-Henri Teitgen (à l'Information)1.
3Évoquant ce gouvernement enfin installé dans la capitale, Charles de Gaulle a écrit : “Autour de moi, 21 ministres se mettent à l'œuvre avec le sentiment que celle-ci n'a pas de limites”2. Et effectivement, le pays ruiné par quatre années d'occupation et déchiré par la guerre franco-française et les aspirations légitimes à l'épuration est à reconstruire.
4Ces journées, chacun le sait, sont décisives pour le retour à la légalité républicaine et la constitution d'un pouvoir central restauré. Dans un pays éclaté, les pouvoirs locaux issus de la lutte (les Comités départementaux et locaux de la Libération), aspirent à jouer un rôle politique dans de nombreuses régions à côté des autorités de l'État (préfets et commissaires de la République). Les exigences de l'épuration, les difficultés économiques, le poids du parti communiste et de ses nombreuses organisations dans les milieux résistants rendent la tâche ardue pour général de Gaulle. Une tâche d'autant plus ardue que le nouveau pouvoir n'est pas encore reconnu par les Alliés qui se battent toujours pour libérer le pays.
5Aussi durant ces premiers jours de septembre, le président du GPRF opère- t-il un savant dosage entre résistants de l'intérieur et ceux de l'extérieur, entre anciens parlementaires et hommes nouveaux, et entre représentants des diverses forces politiques. En effet, sur 21 ministres, huit étaient issus de la Résistance intérieure, mais surtout le général faisait la part belle aux socialistes (quatre), aux radicaux (trois), aux démocrates chrétiens qui recevaient aussi trois portefeuilles tout en minorant celle des communistes à deux postes. Le parti communiste était sous-représenté eu égard à son rôle dans la Résistance intérieure. Comment alors situer politiquement le ”technicien”, l'homme venant du privé René Pleven ?
6Curieusement, dans un brouillon ébauchant l'équipe gouvernementale du 8 septembre, de Gaulle a attribué l'étiquette démocrate chrétienne à René Pleven qui n'avait pas d'engagement politique connu avant la guerre3. Le choix politique bientôt opéré par ce futur ”Bleu” de Bretagne allait en fait être tout autre. Pour l'heure, l'homme qui conservait son ministère des Colonies et s'installait, passait pour “gaulliste” aux yeux de l'opinion.
7Mais, une telle annotation peut surprendre sous la plume du général qui semble mal connaître les idées de l'un de ses plus proches collaborateurs. Il voyait plus le lecteur de L'Aube démocrate chrétienne d'avant-guerre, que le républicain de tradition laïque dont René Pleven s'est réclamé par la suite. En fait Charles de Gaulle qui voyait la fondation du Mouvement Républicain Populaire d'un bon œil, aurait souhaité que Pleven prît la tête du MRP fondé par Georges Bidault, Pierre-Henri Teitgen et Maurice Schumann le 26 novembre 19444. Mais bien que catholique, le républicain “bleu” Pleven se défiait de l'influence trop grande de l'Église et de la hiérarchie catholique sur ce nouveau parti. De fait, dans l'Ouest de la France, le MRP allait rapidement drainer un électoral souvent conservateur malgré les vues progressistes de ses dirigeants résistants. Et en Bretagne, René Pleven allait en avoir confirmation à ses dépens aux élections de juin 19465Incidemment peut-être, une première fissure n'était-elle pas en train d'apparaître entre le chef du gouvernement provisoire et son fidèle collaborateur qui voulait voler de ses propres ailes ?
8De toute façon, dans les tous premiers jours de septembre, Charles de Gaulle avait proposé le prestigieux ministère des Affaires étrangères à celui qui avait déployé tant de talents de négociateur, de Londres à Washington tout au long de la guerre. C'était aussi un moyen pour le général, qui attachait une grande importance au rétablissement du rang de la France, de garder la haute main sur la diplomatie dans une période où il allait falloir jouer très serré avec les Alliés. Mais René Pleven déclina cette offre, préférant poursuivre la tâche entreprise à l'Outre-Mer et insuffler “l'esprit de Brazzaville” au ministère de la rue d'Oudinot6.
9René Pleven suggéra au chef du gouvernement provisoire de choisir Georges Bidault à qui de Gaulle songeait plutôt confier la Justice et l'épuration. Le Breton développa à l'appui de sa thèse une longue argumentation : “Votre problème, lui dis-je, est d'être rapidement reconnu par l'ensemble des Alliés... J'ai été constamment à vos côtés. J'ai de bonnes relations avec nombre de gouvernements alliés, mais il me semble que, politiquement, le fait que Georges Bidault, président du CNR, devienne votre premier ministre des Affaires étrangères aura une énorme signification... contrairement à tout ce qui a été souvent avancé, particulièrement à Washington, ce serait la preuve que vous avez bien. autour de vous toute la France et que vous avez pleinement le droit de parler en son nom!7. L’ambition légitime de René Pleven qui aspirait à mener désormais une carrière politique, laissait la place à une analyse de l'intérêt national. Il s'effaçait devant l'étudiant catholique qu'il avait connu à Paris au début des années 1920 lors des conférences Olivaint, l'agrégé d'histoire et journaliste au journal L'Aube avant guerre, le successeur de Jean Moulin à la tête du CNR.
10En 1980, évoquant ce souvenir devant des historiens, René Pleven, ne regrettait rien : “Après cet échange de vues avec le Général qui, contrairement à ce que certains ont dit, était accessible à des arguments, il a renoncé à me nommer ministre des Affaires étrangères ; j'ai été très satisfait de pouvoir continuer au ministère de la France d'Outre-Mer de la rue Oudinot ce que j'avais entrepris de faire pendant toute la période de juillet 1940-1944”8. Cependant, deux mois plus tard, un dramatique hasard permit au ministre des Colonies de changer d'affectation et de prendre en charge le ministère des Finances.
Ministre des Finances dans une période difficile (novembre 1944-janvier 1946)
11Celui qui, une vingtaine d'années auparavant, avait tenté de devenir inspecteur des Finances, se retrouva propulsé à la tête du puissant ministère de la rue de Rivoli, sans en avoir jamais eu l'ambition, même si son expérience professionnelle et surtout ses responsabilités dans la France libre lui avaient permis d'engranger une précieuse expérience. Mais organiser la reconstruction de la France n'avait rien à voir avec la gestion du petit groupe d'exilés londoniens de 1940-1942, même en tenant compte des morceaux d'Empire ralliés à l'homme du 18 Juin.
12Dans le gouvernement provisoire, de Gaulle avait scindé en deux les responsabilités économiques essentielles. Pierre Mendès France qui s'occupait des Finances à Alger, recevait le ministère de l'Économie nationale tandis que celui des Finances était confié à un industriel, résistant de l'intérieur, commandant supérieur de l'Hôtel de ville dans l'insurrection parisienne, à savoir Aimé Lepercq.
13Or, dans la soirée du 9 novembre 1944, Aimé Lepercq trouvait la mort dans un accident de voiture à Harnes (Pas-de-Calais). En rentrant d'une visite officielle à Lille, consacrée au lancement de l'emprunt 3 % dit de la Libération, la voiture du ministre des Finances était tombée dans un canal en s'engageant sur un pont coupé mais non signalé. Le 14 novembre, René Pleven était nommé par le général de Gaulle aux Finances ; il était remplacé aux Colonies par le ministre du Ravitaillement, le radical Paul Giacobbi9.
14Mais René Pleven n'accepta pas spontanément cette nouvelle responsabilité. Selon son témoignage, cette nomination éventuelle avait été soufflée au général de Gaulle par Lepercq lui-même quelques jours avant sa mort. Lors d'une discussion à bâtons rompus entre les deux hommes, de Gaulle aurait demandé : “S'il vous arrivait un malheur, qui serait à votre avis le meilleur de vos successeurs ? ”. Lepercq aurait désigné Pleven. Étrange prémonition ?
15Sollicité, René Pleven fit d'abord des difficultés pour accepter, car il était conscient des divergences existantes entre Pierre Mendès France et lui-même quant à la politique économique et monétaire à conduire. Il fit observer au chef du gouvernement que sa nomination allait introduire un “élément de désaccord au sein du conseil. Vous allez m'opposer à M. Mendès France. Nous avons toujours été d'excellents camarades et amis. Je préfère que vous me laissiez au ministère de la France d'Outre-Mer”10. Quelques heures plus tard, le général de Gaulle tranchait les états d'âme de son ministre, militairement : “C'est vous que je choisis. Quand un homme est tombé comme est tombé Lepercq, c'est à moi de désigner qui le remplace”. Et René Pleven s'installa sous les lambris de la rue de Rivoli alors que les dépouilles mortelles de son prédécesseur et de ses collaborateurs reposaient encore dans le bureau du ministre.
16Toutefois, cette nomination due à un accident n'était pas accidentelle. En effet, dans les semaines précédentes, des divergences étaient apparues sur la politique financière lors des délibérations du conseil des ministres. À une époque où, selon la tradition républicaine, les ministres pouvaient donner leur avis sur des affaires ne relevant pas de leur ministère, René Pleven avait soutenu les propositions de Lepercq contre celles de Mendès France, partisan d'une politique de rigueur notamment sur le plan salarial. Le choix de Pleven était aussi celui de la continuité et d'un effort mesuré demandé aux Français. De toute façon, en prenant en charge les Finances, Pleven allait pour l'histoire incarner une certaine politique économique et financière en opposition avec celle préconisée par Mendès France.
Pleven contre Mendès : deux politiques économiques pour reconstruire la France
17Les historiens ont fait du conflit qui opposa les deux politiques débattues à la fin de 1944 et au début de 1945, un des enjeux fondamentaux de l'analyse et de l'explication du développement de l'économie française dans les années d'après-guerre. Deux problématiques sont posées pour l'étude de ces questions complexes. Pour l'historien Jean Bouvier, la première approche analysée en termes de modernisation du pays, de passage du “malthusianisme” économique et démographique de l'entre-deux-guerres à la “croissance” des fameuses trente “glorieuses” ne pose pas problème. En revanche, l'analyse des politiques économiques et financières de l'après-guerre en terme de “restauration” (Claude Bourdet) ou pour le moins de “récupération” (François Bloch-Laine), c'est-à- dire de remise en place d'un capitalisme rénové en enterrant les espoirs de “révolution” et de transformations sociales de la Résistance est davantage controversée11.
18Dans ce débat qui s'est soldé par la victoire de la politique de René Pleven et du puissant ministère des Finances sur celle préconisée par Pierre Mendès France, les choix opérés lors des premiers mois de la Libération ont été décisifs. Mais en janvier 1945, une politique alternative en matière financière était- elle réellement possible ?
19Avant de présenter les différents points de vue, quelques remarques s'imposent. D'abord, quand Pleven arrive rue de Rivoli certains choix ont déjà été faits comme l'augmentation de 40 % des salaires dès le mois de septembre pour tenter de rattraper l'importante perte de pouvoir d'achat des salariés durant l'Occupation, des augmentations qui vont générer la spirale inflationniste dans une économie de guerre à reconvertir, doublée d'une économie de pénurie. En second lieu, Pleven qui approuve la politique de Lepercq, la poursuit en assumant immédiatement la réalisation de l'emprunt par de nombreuses tournées en province auprès des commissaires de la République. Il lui faut assurer le succès d'une opération décidée par son prédécesseur. En troisième lieu, l'opposition Pleven-Mendès ne relève pas d'un conflit de personnes ou de pouvoir car les deux hommes étaient liés d'amitié — ce sont surtout leurs entourages respectifs qui cherchèrent à les opposer 12 — mais bien d'un désaccord sur les moyens de reconstruire au plus vite le pays. Enfin, si Mendès France avait élaboré à Alger les grandes lignes de sa politique, René Pleven prit le train en marche, sans a priori (en particulier sur la question de l'échange des billets), en s'entourant de nombreux avis des plus hautes institutions financières du pays et aussi des représentants des principales forces politiques et sociales. Comme toujours, la prudence et la modération furent sa ligne de conduite. De ce point de vue, René Pleven fut sans doute sensible aux arguments des partisans des mesures classiques ayant lui-même une expérience de dirigeant d'entreprise. Peut-être fut-il réceptif à certaines pressions intéressées ? Mais le nouveau ministre des Finances héritait d'un problème posé de longue date et qui allait se transformer en querelle feutrée au sein des cercles d'initiés du pouvoir à la fin de 1944 et au début de 1945.
20En effet, le plan économique d'Alger élaboré par Pierre Mendès France n'avait guère emballé ses collègues du CFLN à l'époque. Ils étaient majoritairement en désaccord. Aussi, dès la fin de mars 1944, le commissaire des Finances avait- il présenté sa démission, refusée par un général de Gaulle encore neutre, c'est- à-dire hésitant, selon l'historien Jean Bouvier 13. En outre, dans les milieux de la Résistance intérieure proche de De Gaulle (au Comité général d'études et dans un comité officieux d'études financières composé de banquiers et de hauts fonctionnaires), on s'opposait déjà à “une ponction monétaire qui pourrait entraîner une nationalisation générale des industries”, c'est-à-dire au noyau central du plan Mendès France.
21En effet, ce plan d'Alger comportait quatre volets : une augmentation limitée et équitablement modulée des revenus, un échange des billets de banque avec blocage temporaire des avoirs en compte, un recensement et une taxation de toutes les catégories de patrimoine, une nationalisation du crédit 14. Pour casser l'énorme inflation prévisible à la Libération, Mendès France proposait en premier lieu une “drastique déflation monétaire par l'amputation de la masse des moyens de paiements”15. Puis, les mois passant, le commissaire aux Finances d'Alger approfondit un programme de réformes de structure de plus en plus ambitieux dans un combat solitaire qui souleva de plus en plus d'oppositions.
22Cette évolution fut la suivante selon l'historien Philippe Mioche : “Au printemps 1944, son programme comporte deux volets : la politique financière et monétaire et, d'une façon moins précise la planification. À l'automne 1944, le volet financier est inchangé, le projet de planification est plus détaillé, et le programme intègre une liste limitée de nationalisations considérées comme des “réformes de structure”. Au printemps 1945, sa politique est devenue un triptyque : rigueur financière, planification centralisée, politique industrielle diversifiée et nationalisations nombreuses“. Dès lors, ”les trois axes de sa politique sont intégrés en un ensemble indissociable16 “\ Au printemps 1945, Pierre Mendès France envisageait donc la reconstruction-modernisation de la France à partir d'un vaste programme de nationalisations considérées comme des réformes de stucture essentielles. Mais il devait faire face à de nombreuses oppositions, depuis le ministère de la Production industrielle jusqu'à celui des Finances en passant par la Banque de France tout-à-fait hostile à la ponction monétaire.
23Dans l'esprit du ministre de l'Économie nationale, socialement et politiquement, il s'agissait d'exiger des plus riches (par une politique fiscale visant les hauts revenus et la détection des enrichissements) des efforts financiers compensant les sacrifices demandés aux travailleurs (comme la discipline salariale et le non-retour aux quarante heures). Mais le parti communiste lui-même était hostile à une ponction monétaire socialement discriminatoire et encore méfiant (jusqu'en février 1945) à l'égard de réformes de structure comme les nationalisations qui tendaient à consolider un capitalisme rénové.
24Mendès France était bien seul à l'automne 1944, d'autant plus que les hésitations d'Aimé Lepercq, entouré d'un petit groupe d'experts dont François Bloch-Lainé, avaient commencé à faire pencher “le fléau de la balance” à l'inverse des solutions préconisées par le ministre de l'Économie17. En acteur et en témoin privilégié de cette querelle feutrée qui engageait l'économie française, François Bloch-Lainé qui était passé du cabinet de Mönick devenu Gouverneur de la Banque de France à celui de Lepercq, puis à celui de Pleven avant de rejoindre la direction du Trésor, nous apporte un témoignage irremplaçable18. Avec le recul du temps comme à l'époque, ce haut-fonctionnaire qui pensait que Mendès France avait plutôt raison, reconnaît qu’Aimer Lepercq réagit “peu à peu à ce qu'il y avait, malheureusement, d'irréaliste, d'excessif dans la juste doctrine, dans le bon programme de son collègue. Mais sans aller jusqu'à le rejeter définitivement”. Ainsi, en lançant son emprunt de la Libération au début novembre 1944, Aimé Lepercq s'engageait-il dans une bifurcation qui tournait le dos à la solution Mendès et à l'exemple belge.
25Là-bas, dans une situation différente, le ministre des Finances Camille Gutt avait procédé grâce à une opération bien préparée et à un stock suffisant de coupures à un échange rapide des billets. Or, en France, alors que l'économie encore profondément désorganisée tournait au ralenti, il était matériellement très difficile d'échanger rapidement les billets quand le problème de la fabrication de nouvelles coupures n'était pas réglé. René Pleven a insisté sur ces difficultés techniques qui pesèrent sur sa décision parmi d'autres raisons. Connaissant bien Gutt à Londres et son opération en Belgique, il rappelle qu'il n'avait aucun a priori doctrinal sur l'échange des billets, mais que comme Roosevelt et Churchill ne voulaient pas reconnaître de Gaulle comme seul représentant légitime des Français avant l'arrivée du GPRF en France, “il nous avait été interdit de préparer une circulation de billets de remplacement19 On objectera à cette argumentation technique que si la décision avait été prise à Alger, de Gaulle aurait assurément pu faire préparer l'opération, sans, ou même, contre l'avis de ses Alliés ; et cela n'aurait pas été la première fois ! En réalité, à l'automne 1944, la question n'était pas encore tranchée.
26Il allait donc appartenir à René Pleven de poursuivre la politique entamée et de pousser les feux contre les propositions de Mendès France. La divergence de fond était en fait la suivante : à la politique interventionniste de Mendès France répondait une nette propension au laissez-faire chez ses nombreux opposants ; un débat simplifié en un affrontement entre “dirigistes” et “néo-libéraux” lorsque l'affaire sera mise sur la place publique après la démission de Mendès France en avril 1945. Une telle présentation des choses était réductrice car l'utilisation par un journaliste du Figaro de “ce langage approximatif était trompeur” selon François Bloch-Lainé lui-même20. Quant à l'historien américain Richard F. Kuisel, tout en qualifiant la politique financière suivie par Lepercq et par son successeur de libérale, il souligne le pragmatisme de René Pleven : “inclinant à traiter chaque problème à mesure qu'il se présentait, tout l'opposait à l'agressivité et à l'esprit de croisade du ministre de l'Économie nationale”21. En 1978, Pierre Mendès France interrogé par Philippe Mioche, a donné sa propre vision des choses : “Avec Pleven, le désaccord était général, et il était rare que la contradiction apparaisse sur un objet déterminé. Il était persuadé qu'il n'y avait pas grand chose à faire pour s'opposer à l'inflation. Il pensait qu'avec l'aide américaine et le démarrage, on retrouverait peu à peu l'équilibre. Dans l'intervalle, on pouvait se laisser glisser un peu”22. Et le prêt-bail de février 1945 arriva à point nommé.
27En 1980, René Pleven interrogé par les historiens sur un possible alternatif a répondu indirectement à Pierre Mendès France23. Selon lui, il n'y avait pas alors compte tenu de l'état économique, politique et psychologique du pays d'autre politique possible, soulignant que ce n'était pas la politique financière d'ensemble qui le séparait de Mendès mais les modalités d'application. Notamment il y avait accord sur les objectifs politiques : taxer les profits de guerre, demander à tous les contribuables français un effort aussi équitable que possible, mais ces objectifs étaient à concilier avec la remise en route du pays. De plus, ils devaient être compatibles avec la politique de réconciliation nationale du général de Gaulle — le choix de Pleven aux Finances allait aussi dans ce sens — et donc ne pas trop effrayer les classes possédantes par des réformes trop hardies. Pour l'historien américain S. Kramer, la volonté de réconciliation nationale par delà la nécessaire épuration, explique les décisions économiques et sociales du chef du gouvernement provisoire et son renoncement dans l'hiver 1944-1945 “à tout programme audacieux de réforme économique et sociale”, un avis partagé par une grande partie de l'opinion et du gouvernement24. Dans cette optique, René Pleven nommé rue de Rivoli, était sans doute le mieux à même d'appliquer de tels choix.
28Sur quoi portaient les divergences dans le débat gouvernemental ouvert à la mi-décembre après le retour d'URSS du général de Gaulle ? René Pleven était d'accord pour l'échange des billets, mais pas pour le blocage des comptes au-delà de la courte période nécessaire au recensement, alors que Mendès France y voyait un moyen de maîtriser la circulation monétaire et de frapper les profits et fortunes illicites. En théorie, ces mesures de blocage pouvaient être bonnes mais elles présentaient des risques. “Ces risques, selon René Pleven, c'était dans la situation économique, psychologique, militaire du pays, que le blocage provoque une “rétention” générale de ce qui pouvait rester de matières premières ou des stocks de ravitaillement”, des risques donc de blocage du système économique.
29Après avoir étudié, une fois le succès de l'emprunt assuré, les solutions proposées par Mendès, René Pleven défendit politiquement ses propres propositions beaucoup moins draconiennes. Avec beaucoup d'experts, il estima que “certains remèdes peuvent tuer un cheval. Et le cheval français était alors très affaibli”. En d'autres termes, que les Français qui sortaient de cinq années de guerre, d'occupation et de privations n'étaient pas prêts à consentir des sacrifices supplémentaires. Mais cette décision qui conduisit à la démission de Mendès France, ne fut prise qu'après de nombreuses consultations. Plusieurs facteurs penchèrent en faveur d'une politique refusant la rigueur mendésiste. Selon François Bloch- Lainé, il y eut la convergence de l'attitude de la Banque de France, habituellement chargée de défendre la monnaie, qui choisit délibérément l'inflation et des milieux de la banque “orthodoxes” qui préconisèrent des mesures plus douces (l'emprunt et un impôt exceptionnel comme moyen de ponction monétaire) par crainte d'une intervention de l'État faisant l'inventaire des fortunes. Le jugement de ce haut fonctionnaire est aujourd'hui sévère et net à la fois : “Ils ont donc sacrifié la défense de la monnaie à la protection des possédants, gros ou petits, fautifs ou innocents”. Ces hommes de l'establishment aussi patriotes et résistants fussent-ils, en définitive “regardaient Mendès comme une sorte d'apprenti-sorcier”25.
30Alors René Pleven défendit-il une politique économique de “droite” contre une politique de “gauche” ? Rien n'est moins sûr. En effet, il eut l'appui des communistes, mais les socialistes uniquement favorables à la nationalisation du crédit gardèrent le silence craignant les effets électoraux de la rigueur. Dès le mois de février 1945, Mendès France se plaignit de ce manque de soutien auprès de son collègue Adrien Tixier, ministre de l'Intérieur. Et René Pleven qui songeait lui aussi à une carrière politique n'avait guère envie d'endosser la responsabilité de mesures impopulaires. Tels étaient les enjeux du débat des premiers mois de 1945 quand il s'agissait de finir la guerre, de préparer le retour des centaines de milliers d'hommes détenus en Allemagne et de faire repartir les usines.
La victoire de la solution Pleven
31Se sentant isolé, le ministre de l'Économie nationale présenta par lettre sa démission au général de Gaulle le 18 janvier 1945 précisant : “Je ne puis être solidaire de mesures que je juge néfastes” 26. Le chef du gouvernement provisoire refusa cette démission et convoqua les deux protagonistes le dimanche suivant dans sa villa du bois de Boulogne pour les entendre. Pleven parla vingt minutes. Mendès France plaida sa cause pendant plus de deux heures, au grand déplaisir du général qui n'était guère passionné par “l'intendance”, c'est-à-dire par l'économie et la gestion quotidienne au moment où se dessinait la nouvelle donne mondiale, quelques jours avant la conférence de Yalta27. Le ministre des Finances ayant accepté d'avancer la date de l'échange des billets tout en refusant le blocage, Mendès France accepta de rester au gouvernement provisoirement.
32Mais le 2 avril 1945, constatant que sa politique était totalement écartée, même si les nationalisations (Houillères, Renault...) avaient commencé, Mendès France confirma une démission acceptée cette fois par de Gaulle et rendue publique le 5 avril.
33C'est que le débat avait été tranché en conseil des ministres après un débat à l'Assemblée consultative. De Gaulle avait choisi Pleven contre Mendès France comme il le confirme dans ses Mémoires de guerre en rendant un hommage appuyé au partant.
34René Pleven a témoigné de ce conseil des ministres décisif du 29 mars 1945 : il présenta d'abord sa thèse, puis ce fut au tour de Pierre Mendès France ; alors le ministre des Finances demanda à sortir pendant que ses collègues discutaient des deux plans, pour n'influer en rien sur les débats28. Mais, sans doute n'igno- rait-il pas que de nombreux ministres penchaient en sa faveur, d'autant plus qu'il avait précisé qu'il souhaitait que son “ami Mendès France” appliquât lui- même sa politique si on la choisissait. En revanche, selon ses dires, René Pleven ne “savait pas” avant la réunion, pour qui le général de Gaulle se prononcerait. Mais il avait derrière lui le bastion de la rue de Rivoli, la Banque de France et la majeure partie du corps de l'inspection des Finances face à un ministère de l'Économie nationale peu structuré et aux pouvoirs restreints.
35Après une “assez longue délibération”, à une très forte majorité, le conseil des ministres écarta la solution Mendès France qui démissionna. Deux ministres socialistes seulement (Augustin Laurent et Adrien Tixier) l'avaient soutenu ; le rapport des forces avait été à peu près identique à l'Assemblée consultative29. La politique de “facilité” déjà dénoncée par Mendès France dans sa lettre du 18 janvier l'emportait. Sans doute correspondait-elle mieux aux rapports des forces politiques et à la situation psychologique et morale du pays.
36Pour le vainqueur du “duel” : “la solution Mendès France présente un énorme avantage pour elle, c'est qu'elle n'a pas été essayée... ”. René Pleven avait aussi l'appui des responsables des régions, les commissaires de la République qu'il avait rencontrés lors de ces voyages pour assurer le succès de l'emprunt de la Libération, ce qui lui avait permis de dresser une véritable radioscopie de l'état d'une économie nationale exsangue.
37Pour beaucoup d'historiens, cette solution “qui n'est pas sans force et sans réalisme” (Jean Bouvier), “c'était une légende de croire à l'alternative” (René Rémond), était sans doute la seule possible car la moins douloureuse30. En outre, selon son défenseur, elle tenait compte “exclusivement” de la situation du pays qui vivait sous un régime politique provisoire et était partagé entre des aspirations contradictoires. En face, la solution Mendès proposait des mesures cohérentes, “probablement difficilement applicables au plan matériel, mais, à coup, sûr politiquement inacceptables” (Jean Bouvier). En dernière analyse, pour l'historien économiste, cette “restauration” des élites financières à la Libération, plus qu'un choix de classe délibéré “doit se lire comme le poids des continuités”.
38Et contrairement à ce qu'écrit Jean Lacouture qui fait de René Pleven “le seul héritier présomptif du Connétable”, celui à qui il avait remis deux fois en cinq ans son testament, le choix de De Gaulle n'était pas seulement entre deux hommes, ni même entre deux politiques31. Il tenait compte d'un rapport des forces politiques et sociales qui rendait inapplicables les propositions de Mendès France même si elles étaient souhaitables.
39En conséquence, le 5 avril 1945, René Pleven se voyait confier le ministère de l'Économie nationale en plus des Finances, c'est-à-dire l'un des principaux postes ministériels dans une situation difficile. Ce mini-remaniement nous vaut du général de Gaulle un portrait de son fidèle collaborateur : “Compagnon d'un esprit brillant et étendu, qui s'applique à être modeste, commis voué aux tâches compliquées qui les embrasse d'une souple étreinte, il s'acquitte de ses fonctions sans que notre misère lui permette de spectaculaires succès, mais de telle façon que le pays progresse en fait de ressources et de crédit. Bien que, parfois, je juge ses détours superflus, sa plasticité excessive, je lui accorde ma confiance et ne cesse de le soutenir”32. René Pleven avait bien besoin de cette confiance à un moment où les difficultés commençaient à émousser l'unanimité nationale et où les joutes politiques retrouvaient leurs droits.
Les contraintes de la gestion du pays
40Les débats économico-financiers de la Libération revêtaient certes une grande importance pour l'avenir, mais il fallait en même temps administrer le pays et répondre à l'urgence.
41Prenant le relais d'Aimé Lepercq, René Pleven annonça à la presse le 15 novembre 1944 qu'il poursuivrait sa politique. Sillonnant la France pour rencontrer les commissaires de la République, il s'efforça d'assurer le succès de l'emprunt 3 % (émis du 6 au 20 novembre) qui rassurait les possédants tout en apportant de l'argent frais à un État confronté à des difficultés de trésorerie. Le 4 janvier 1945, le ministre des Finances put annoncer que l'emprunt avait rapporté 164,4 millions de francs dont 37,2 millions en bons du Trésor33 C'était un beau résultat, — “un triomphe de la confiance que les Français ont dans la France” selon de Gaulle34 — permettant de restreindre la circulation fiduciaire (qui avait triplé pendant la guerre) de 632 à 572 milliards de francs. En même temps, le gouvernement avait décrété le blocage des prix pour tenter d'enrayer l'inflation, sans grands résultats.
42De même, en janvier 1945, le gouvernement décréta par ordonnances le recensement des avoirs des Français à l'étranger afin de prélever des taxes qui devaient financer les importations indispensables35. En revanche, on s'en remettait aux commissions d'épuration et aux commissions de confiscation des profits illicites pour régler la question des profits de guerre.
43Pour résoudre les difficultés financières du pays, le ministre des Finances se rendit à Londres au début février 1945, pour y rencontrer le chancelier de l'Échiquier, afin d'aboutir à un accord financier signé le 27 mars suivant.
44En même temps, le 7 février commença à l'Assemblée consultative provisoire la difficile discussion du budget de 1945, où René Pleven se fit remarquer par ses talents de débatteur, demandant qu'on l'aide à faire “une chasse impitoyable aux doubles emplois, à l'inflation sous toutes ses formes : inflation du nombre des fonctionnaires, inflation des dépenses inutiles, inflation des abus”36. Répondant aux critiques du socialiste Jules Moch reprenant les arguments de Mendès France, il récusa la politique de “facilité” au profit d'une politique de péréquation nationale partageant les efforts.
45Les 29 et 30 mars 1945, un grand débat sur- la loi de finances s'engagea : le socialiste André Philip, rapporteur général du budget, défendit la nécessité de créer un impôt de solidarité nationale en liaison avec l'établissement d'un cadastre des fortunes, reprenant des propositions de Mendès. Le ministre des Finances lui répondit par “un grand discours qui fit une vive impression sur l'Assemblée”37 Il dressa d'abord un sombre tableau de la situation budgétaire nationale (une dette publique multipliée par quatre depuis 1939, des dépenses multipliées par 4,7 en 1945 dont 44,8 % pour les dépenses militaires...). Il fallait donc réduire les dépenses de l'État, supprimer des subventions y compris sur des produits de première nécessité comme sur le pain et le charbon. Quant aux recettes normales, elles ne pouvaient guère atteindre plus de 50 % des dépenses, “proportion remarquable dans un pays qui a subi les dévastations et les pillages de ces cinq années ”. Puis René Pleven exposa sa politique monétaire, objet du débat avec Pierre Mendès France, annonçant “le moment venu”, un échange des billets “sans aucune retenue ni blocage”, ainsi qu'un “impôt de solidarité nationale” sur 4 ans, sorte d'impôt sur le capital. Il conclut sur un appel à la confiance des épargnants.
46Le ministre reprenait donc les propositions socialistes mais en les atténuant. Il avait gagné la partie avec la présentation réussie de ce premier budget de la Libération qui coïncidait avec la démission du ministre de l'Économie.
47Et le 31 mars, on apprenait que le ministre des Finances devait faire partie de la délégation française à la conférence de San-Francisco pour l'Organisation des Nations Unies. C'était une belle réussite pour l'ancien militant étudiant de la SDN.
48Dans ces mois de retour à la démocratie, l'ancien homme d'affaires prenait goût aux joutes parlementaires. Selon son entourage : “On le voyait aller flirter avec l'Assemblée consultative, plus qu'il n'était nécessaire à l'exercice de sa fonction et en revenir heureux, comme de rendez-vous galants”. Du moins tel est l'avis de François Bloch-Lainé qui passa rapidement à son cabinet38. René Pleven comptait parmi ses collaborateurs un jeune inspecteur des Finances résistant, Paul Delouvrier, directeur de son cabinet qui rejoignit Jean Monnet au Plan en 194639. Le Français libre était entouré d'une équipe de jeunes technocrates brillants promis aux plus hautes responsabilités de l'État.
49Ce fut après les élections municipales et un mois après la capitulation du Reich que l'échange des billets fut effectué entre le 4 et le 15 juin. Pour éviter la fraude, le patron de la rue de Rivoli ne l'annonça à la radio que le 2 juin. Les nouveaux billets, commandés chez nos alliés anglo-saxons, devaient remplacer en quelques jours plus de 2,5 milliards de coupures en circulation. L'opération bien préparée se déroula convenablement ; on fit la queue devant les guichets comme devant les boulangeries, sans arrêter la vie économique40.
50Mais les pressions politiques et sociales sur les questions du ravitaillement (relâchement des restrictions le 29 août), sur les salaires et les prix, provoquèrent le dérapage inflationniste prévu par Mendès France malgré les rappels à l'ordre du gouvernement. À l'approche des élections, on avait rassuré les paysans, et bon nombre de ceux qui craignaient pour leurs avoirs en consentant des majorations de prix aux producteurs pour tenter de lutter contre le marché noir et le marché gris (discours Pleven du 4 juillet). Le 24 août, le gouvernement accorda des hausses importantes des prix du blé, des produits laitiers et du vin. Mais qui allait payer les 22,2 milliards de francs qu'allaient coûter ces mesures : l'État, c'est-à-dire le contribuable ou le consommateur ? Le 14 septembre, René Pleven dans un communiqué, annonça qu'il avait fait accepter en conseil des ministres que l'État prît en charge ce financement pour “stabiliser les prix des denrées fondamentales nécessaires à l'alimentation” et le 17 septembre, il expliqua sa politique dans une allocution radiodiffusée. Ces augmentations accordées aux producteurs s'inscrivaient dans cette “bataille de la production” chère au PCF et à la CGT. L'objectif dans une économie de pénurie consistait à retrouver en un an une certaine indépendance alimentaire, voire de recommencer à exporter. Aussi entre le maintien de prix trop bas à la production et la répercussion intégrale des hausses à la consommation alimentant la spirale inflationniste, le gouvernement avait-il choisi une voie moyenne, celle d'une subvention financière exceptionnelle permettant de stabiliser les prix des denrées de première nécessité. Par pragmatisme, René Pleven qui s'était opposé au principe des subventions lors de la discussion du budget, s'y ralliait, comme son discours du 4 juillet l'avait laissé prévoir41. Pour l'État, il s'agissait donc de trouver de nouveaux moyens financiers, ce qui avait été obtenu au cours de l'été.
51Ce fut après les élections municipales qui avaient traduit un certain glissement à gauche que l'Assemblée consultative discuta le 25 juillet 1945 de l'impôt de solidarité nationale, sur le capital et l'enrichissement, annoncé le 29 mars par le ministre des Finances en particulier pour réduire la circulation monétaire et combattre l'inflation. Le projet gouvernemental approuvé par André Philip pour la commission des Finances, fut critiqué à droite par Joseph Laniel pour son inefficacité économique, et à gauche par Jacques Duclos pour sa timidité. René Pleven défendit son projet qui devait rapporter 80 milliards de francs à l'État dès la première année, expliquant sous les applaudissements que “peu de gouvernements” avaient osé “atteindre si nettement et si courageusement la richesse là où elle est”, mais qu'il valait mieux “pécher par défaut que parexcès” (avec des taux trop élevés) si on voulait faire aboutir cet impôt sur le capital. Finalement, le 30 juillet, le projet amendé et étendu était adopté à l'Assemblée par 230 voix contre une ; un beau succès pour le ministre qui avait tenu sur l'essentiel42.
52Au delà des difficultés de la gestion quotidienne d'une France en reconstruction, la grande affaire de l'automne 1945 concernait les élections générales. Dès son retour en France, le Breton Pleven avait jeté son dévolu sur les Côtes- du-Nord, un département dans lequel il avait des attaches familiales mais où il était totalement inconnu. En campagne pour la députation dans les Côtes-du- Nord, le ministre des Finances dressa à Saint-Brieuc le 19 octobre 1945 le “bilan d'un an d'efforts financiers” insistant sur des acquis comme la reprise de la production et la réduction de la circulation monétaire ; il annonça aussi la nationalisation du crédit avant la fin de l'année43. Quelques jours plus tôt, une lettre du chef du gouvernement du 15 octobre insistait pour que son ministre des Finances participât “au dernier Conseil de notre gouvernement” car l'activité ministérielle devait passer avant “les soucis électoraux”44.
Toujours aux côtés du général de Gaulle
53Les élections à l'Assemblée constituante furent marquées par la victoire des trois futurs partenaires du tripartisme, le PCF, le MRP et la SFIO. Ces deux derniers partis obtinrent le maintien du général de Gaulle réélu à l'unanimité à la tête du nouveau gouvernement provisoire. René Pleven qui n'appartenait pas à l'un des trois grands partis mais avait choisi la petite UDSR, risquait de faire les frais du nouveau rapport de forces politiques.
54Pourtant, le général n'oublia pas son fidèle collaborateur. D'importantes négociations économiques avec les Américains étaient en cours sous l'égide de Jean Monnet. En rentrant à Paris, le nouveau député trouva cette injonction du général : “Je veux voir M. Pleven sans aucun délai et à n'importe quelle heure”45.
55Avant d'accepter de rester au pouvoir, le général de Gaulle consulta beaucoup dans sa villa de Neuilly recevant chefs de parti et ministres dont Pleven le 15 novembre. Une crise politique éclata lorsque les communistes exigèrent l'un des trois grands ministères (Intérieur, Affaires étrangères, Guerre) mais au bout de quelques jours la tempête s'apaisa ; le PC avait accepté un compromis.
56Et le 21 novembre, un nouveau gouvernement était formé puis investi le 23 à l'unanimité. René Pleven (UDSR) conservait le portefeuille des Finances tandis que celui de l'Économie était attribué au communiste François Billoux. Les trois grands partis avaient chacun cinq ministères. L'UDSR qui s'était rapprochée de la SFIO durant la campagne électorale en obtenait trois pour des proches du général : Jacques Soustelle, André Malraux et René Pleven. Les modérés et les radicaux-socialistes avaient un poste chacun46.
57René Pleven était explicitement chargé de poursuivre sa tâche rue de Rivoli en menant à bien la nationalisation du crédit (inscrite au programme du CNR) et en présentant un budget avant le 31 décembre. Comme le général de Gaulle avait repris à son compte l'engagement de nationaliser des grands partis, ce fut l'une des premières actions du gouvernement. Dès le 27 novembre, le conseil des ministres adopta les grandes lignes du projet proposé par Pleven mais il ne fut rendu public que le vendredi soir du 30 novembre après la clôture de la Bourse pour éviter la spéculation. La Banque de France serait nationalisée à partir du 1“ janvier 1946 ainsi que les quatre grandes banques de dépôt nationales. Cependant, les banques d'affaires et les banques régionales échappaient à la nationalisation. Toutefois, dans l'exposé des motifs, René Pleven précisait bien que ”la nationalisation ne peut jamais être considérée comme une sanction, notamment d'une mauvaise gestion, d'ailleurs les actionnaires seraient indemnisés. Au contraire, l'ancien PDG rendait hommage aux banquiers, dont le “caractère timoré” parfois dénoncé avait comme contrepartie “des méthodes sévères et prudentes”. Il s'agissait donc d'appliquer un programme politique “de rénovation de la Nation” afin de “dégager l'État de toute emprise des grands intérêts privés”. Au cours de la discussion, René Pleven justifia la non-nationalisation de Paribas et de l'Union Parisienne par les répercussions sur leurs activités extérieures et la mise en cause de leur “esprit d'initiative”47. Il sauvait ainsi ces banques privées jusqu'en 1981... La loi fut rapidement votée le dimanche 2 décembre 1945 sans véritable débat sur le nombre d'établissements touchés et sur le contrôle des banques nationalisées non pas par les Finances mais par le ministre de l'Économie nationale. L'intervention du général de Gaulle fit adopter le projet du gouvernement par 517 voix contre 35 (après réduction de l'indemnisation des actionnaires et extension des pouvoirs du ministre de l'Économie dans le nouveau Conseil National du crédit) ; le sort des deux banques d'affaires restant en suspens. René Pleven avait mené à bien sa tâche mais avait dû consentir que le puissant ministère des Finances fît quelques concessions 48. Il acceptait les réformes de structure à condition de ne pas mettre en cause la reconstruction de l'économie capitaliste.
58Dans le même ordre d'idées, une autre réforme de structure importante fut décidée par le gouvernement le 21 décembre avec la création du commissariat général chargé du premier Plan de modernisation et d'équipement du pays. Jean Monnet, le mentor de René Pleven, en aurait la charge. A Alger comme à Paris, les deux hommes en avaient souvent discuté.
59Le mois de décembre 1945 fut particulièrement chargé pour le ministre des Finances : liquidation du système du prêt-bail dont les avantages se sont achevés le 21 août et signature d'une convention relais avec les Américains pour un emprunt de 550 millions de francs, approbation des accords de Bretton Woods à l'unanimité par l'Assemblée le 26 décembre en même temps qu'une dévaluation du franc de 58 % décidée en conseil des ministres pour tenir compte de la dépréciation de notre monnaie vis-à-vis du dollar durant la guerre49. Le franc Pleven (7,46 mg d'or, trois fois moins qu'en 1940) établissait un nouveau taux de change par rapport au dollar (1 dollar = 119 F). Pour le ministre des Finances, la mise en place du nouveau système monétaire international et du FMI était le moment propice à la dévaluation afin de relancer les exportations et d'alléger l'endettement de l'État. Il ne cachait pas pour autant les enjeux à long terme pour l'économie française. Il soulignait qu'en faisant ce choix, la France perdait une partie de sa souveraineté monétaire : “La France doit-elle se relever par ses propres moyens ou doit-elle entrer dans le circuit international ? ”. La seconde solution fut ratifiée sans problème y compris par les communistes au lendemain de Noël 1945. L'historien Robert Frank en conclut qu“'il existe bien dans la France de 1945 un consensus contre toute forme d'héroïsme financier et économique, tant à l'intérieur que dans ses relations avec les autres pays”50. Et René Pleven tant par inclination personnelle que parce que le pays aspirait à l'aide américaine pour se reconstruire, sut faire passer cette politique décidée par le gouvernement provisoire.
60Avant le vote de la dévaluation du franc, le ministre avait clairement fixé les priorités de 1946 orientant les choix budgétaires : “Produire, reconstruire, importer, exporter, observer une discipline rigoureuse dans tous les domaines, dans le domaine du budget, dans le domaine du crédit, dans le domaine des prix et des salaires sont les conditions de la valeur intérieure de notre monnaie51
61Déjà, quelques jours plus tôt, le gouvernement voulant appliquer cette politique avait dû faire face le 12 décembre à une “grève d'avertissement” des fonctionnaires, après le refus des revendications salariales. Pourtant, la hausse des prix officiels (sans parler deteux du marché noir) atteignait 69 % depuis le mois de mars. Lorsque René Pleven ouvrit des négociations avec les syndicats, les parlementaires de gauche avaient déjà pris le relais. Le 18 décembre, le ministre expliqua devant l'Assemblée les améliorations consenties sous forme d'indemnités, en partie financées par la hausse des tabacs, car pour répondre à ses détracteurs et indirectement aux critiques de Mendès France, il se refusait à payer ces nouvelles dépenses par “l'impression de billets”. La demande d'interpellation socialiste fut alors retirée, remplacée par une motion de confiance au gouvernement votée à mains levées, au grand mécontement du Cartel des services publics. L'habileté parlementaire du ministre, encore une fois appuyée par le général, et la volonté d'union nationale des partis de gauche, l'emportaient sur les intérêts catégoriels dans une économie très affaiblie52
62Les derniers jours de l'année 1945 furent consacrés à la discussion et au vote du second budget défendu par René Pleven dans un long discours du 30 décembre. Soulignant les améliorations, il ne cachait pas les difficultés de sa tâche dans “une époque de misère nationale” pour ajouter aussitôt : “C'est aussi ma fierté et ma difficulté d'être le ministre des Finances d'un gouvernement de gauche qui désire à la fois faire la reconstruction et réaliser de profondes réformes de structure”, sous les applaudissements allant du centre à l'extrême gauche,53. Ce budget fut adopté par une large majorité de 525 députés contre 32 de droite et 13 abstentions. Le gouvernement avait remporté un beau succès mais la question de la diminution des crédits militaires allait le condamner quelques jours plus tard avec le départ du général de Gaulle.
La question des crédits militaires : la démission du général de Gaulle et le départ de Pleven du gouvernement
63Avant même la capitulation du Reich, la question de la réorganisation militaire du pays et de la diminution d'une armée de 1,5 million d'hommes était posée. Les contraintes économiques d'un pays ruiné exigeaient des coupes sombres au plus vite, entrant en contradiction avec la volonté du général de Gaulle de rendre à la France son rang parmi les puissances.
64Or, dans la querelle Pleven-Mendès France, le ministre démissionnaire critiqua le manque de mesures pour réduire les dépenses notamment militaires54. Si bien que René Pleven pour ne pas être en reste proposa dès le 20 avril 1945 des économies budgétaires sur la Défense nationale, “une pause” dans les dépenses car les armées absorbaient une grande partie de la production industrielle du pays et le prêt-bail américain fut rapidement interrompu. Le ministre exerça de nombreuses pressions en ce sens pendant plusieurs mois sur le général de Gaulle et au sein du Comité de défense.
65Le chef du gouvernement provisoire, tout en acceptant des réductions, voulait conserver au pays une armée puissante. Néanmoins, il accepta plusieurs plans (le 4 juin, le 6 septembre, le 22 décembre) prévoyant de réduire fortement les effectifs (de 21 à 14 divisions).
66La tension gouvernementale avait monté. Des rumeurs de démission du ministre des Finances à la suite de frictions avec Diethelm, son collègue de la Guerre furent même rapportées par la presse en septembre. Mais un communiqué de Pleven du 15 septembre y mit fin. Le général de Gaulle accepta globalement des crédits de 125 milliards de francs pour 1946, c'est-à-dire un chiffre proche de la proposition de son ministre. On s'aperçut vite que le programme du 6 septembre coûterait beaucoup plus cher, d'où la mise en œuvre d'un nouveau plan de réduction en décembre. Pour gagner du temps, on proposa de voter seulement les crédits militaires pour le premier trimestre 1946, des crédits qui en moyenne annuelle s'élevaient en réalité à 160 milliards de francs.
67Mais le 6 décembre, la commission des Finances de l'Assemblée trouva ces 125 milliards encore trop élevés comparés aux 62 milliards de crédits consacrés à la Reconstruction. René Pleven défendit bien son budget, soulignant une baisse de 50 % sur 1945 en disant : “Tout le monde sait que depuis des mois, je lutte sur cette question des crédits militaires”. Cependant, à la commission des Finances du 30 décembre un grave conflit éclata lorsqu'un amendement socialiste demanda une réduction de 20 % des crédits du ministère des Armées. Pour les socialistes, il s'agissait de relever la puissance française d'abord sur le plan économique tandis que le général de Gaulle voulait préserver les moyens de sa politique étrangère au moment où la France voulait reprendre pied en Indochine contre la République démocratique du Vietnam proclamée par Ho Chi Minh.
68Le 31 décembre, de budgétaire la querelle devint institutionnelle. André Philip maintint l'amendement socialiste, soutenu cette fois par les communistes, contre les ministres Vincent Auriol (SFIO) et Charles Tillon (PCF) qui défendirent la politique du gouvernement, acceptant au plus une diminution de 5 % des crédits militaires. Le 1er janvier 1946, le général de Gaulle en personne dut intervenir, menaçant de démissionner. En pleine crise, un sous- amendement de deux députés de l'UDSR, le parti de René Pleven, permit de sauver la face en proposant un compromis (des crédits acceptés en l'état jusqu'au 15 février). Mais cet incident du nouvel an 1946 pesa lourd : vingt jours plus tard le général de Gaulle quittait le pouvoir. Et finalement, le nouveau gouvernement Félix Gouin, formé le 26 janvier 1946 imposa aux militaires une politique de réduction des effectifs d'autant plus forte qu'André Philip était désormais ministre de l'Économie nationale et des Finances. Quant à René Pleven qui s'était battu discrètement pour cette politique contre de Gaulle, il ne faisait plus partie du gouvernement.
69En effet, au retour d'un séjour de réflexion et de repos en famille au Cap d'Antibes, le général de Gaulle adressa à Félix Gouin sa lettre de démission le 20 janvier 1946. Il se refusait à gouverner plus longtemps “avec” c'est-à-dire sous la pression “des partis”55. Le jour de son retour à Paris (le 14 décembre), le général en informa son ministre Jules Moch qui l'attendait à la descente du train, puis dans la semaine suivante plusieurs proches dont René Pleven. Le ministre des Finances apprit la décision de celui dont il était l'un des principaux collaborateurs depuis cinq ans et demi dans la soirée du 19 janvier à l'issue d'une réunion budgétaire ; il confiera plus tard : “Je me souviens à quel point je me suis senti démuni et combien j'ai regretté de ne pas avoir été informé plus tôt”56. Le lendemain midi, le général convoqua au ministère de la Guerre dans la salle des Armures son gouvernement, pour annoncer à des ministres debout, son départ du pouvoir et dénoncer “le régime exclusif des partis”. Puis de Gaulle quitta la salle, laissant ses anciens ministres discuter des nouvelles combinaisons politiques du tripartisme.
70Plusieurs versions de l'événement existent selon les récits des témoins. Pour les uns, René Pleven désolé aurait reproché aux chefs des trois grands partis de porter la responsabilité “par leurs dissensions” de cette démission ; pour d'autres dont Tanguy-Prigent, il aurait expliqué que la situation financière de la France était très sérieuse, prêchant implicitement l'entente entre les partis57. De toute façon, n'appartenant pas à l'un des trois partis dominants, ayant assumé un poste ministériel exposé depuis quinze mois et surtout ayant lié son sort trop étroitement à celui du partant, René Pleven avait bien peu de chances de rester au pouvoir. Les radicaux et les UDSR gaullistes étaient écartés de la nouvelle équipe gouvernementale.
71Le bilan du passage de René Pleven rue de Rivoli est en demi-teinte : s'il avait paré au plus pressé et engagé des réformes de structure notamment par des nationalisations “ambiguës” (Jean Bouvier), les choix opérés au printemps puis en décembre 1945 engageaient l'économie française pour longtemps. Ils ne permettaient pas de juguler efficacement l'inflation, ni de réduire un déficit budgétaire très sous-estimé. Mais plus que ceux d'un seul homme, ces choix avaient été ceux de la majorité du gouvernement et ils correspondaient sans doute aux attentes de l'opinion. Son successeur André Philip tenta bien d'appliquer la rigueur mendésienne — Mendès France ayant décliné l'offre sur les injonctions du parti radical — mais son passage fut trop bref pour inverser le courant inflationniste. Désormais, député des Côtes-du-Nord depuis octobre 1945, René Pleven allait se replier sur sa Bretagne natale. Pour lui aussi, une première “traversée du désert” commençait.
Notes de bas de page
1 L'Année politique (1944-1945) (L'AP), p. 31-33.
2 De Gaulle (Charles), Mémoires de guerre. Le salut 1944-1946, iii, Presses Pocket, 1980, p. 12.
3 De Gaulle (Charles), Lettres... iv, p. 308-309.
4 Lacouture (Jean), De Gaulle 2. Le politique, p. 56. Ce point nous a été confirmé dans un entretien avec René Pleven le 22 août 1989
5 Bougeard (Christian), ”Naissance et développement du MRP en Bretagne”, Colloque IHTP- CNRS, Paris, décembre 1989. À paraître dans Les Cahiers de l'IHTP.
6 Interview de René Pleven, Bulletin du Centre d'histoire de la France contemporaine, n° 1 -1981, Paris x Nanterre, p. 16-19.
7 .Ibid.
8 Ibid.
9 L'AP(1944-1945), p. 55.
10 Interview citée, p. 17. René Pleven a confirmé toutes ces informations dans une autre interview avec Mme Odile Rudelle en 1984. IHTP-CNRS.
11 Bloch-Laine (François) / Bouvier (Jean), La France restaurée 1944-1954, Fayard, 1986, chap. 1, p. 33-56.
12 Interview de R. Pleven par O. Rudelle.
13 Bloch-Laine (F.) / Bouvier (J-). ”p. cit., p. 67.
14 Ibid., p. 77.
15 Ibid, p. 66-67.
16 Mioche (Philippe), “La planification comme ”réforme de structure“, l'action de Pierre Mendès France de 1943 à 1945”, Histoire, économie, société, 3' trimestre 1982, cité par Jean Bouvier, p. 67-68.
17 Bloch-Laine (F.), op. cit., p. 77-78.
18 Ibid., p. 72-84.
19 Bulletin de Paris X Nanterre, op. cit., p. 18.
20 Bloch-Laine (F.)., op. cit., p. 76.
21 Kuisel (Richard F.), Le capitalisme et l'État en France. Modernisation et dirigisme au xxe siècle, Gallimard, 1984, p. 329.
22 Bouvier (J.), op. cit., p. 69.
23 Bulletin de Paris X Nanterre, op. cit., p. 15-16.
24 Kramer (s.), “La crise économique de la Libération”, Revue d'histoire de la 2e guerre mondiale, n° 111, juillet 1978, p. 25-41.
25 Bloch-Laine (F.), op. cit., p. 79.
26 Mendes France (Pierre), Œuvres complètes, T. ii.
27 Lacouture Jean), De Gaulle 2, op. cit., p. 124-127.
28 Bulletin de Paris X Nanterre, op. cit., p. 18.
29 Kuisel (R.-F.), op. cit., p. 330-332.
30 Bouvier 0.), op. cit., p. 70 et Bulletin de Paris X Nanterre, p. 19.
31 Lacouture 0.), op. cit., p. 125.
32 De Gaulle (Ch.), Mémoires de guerre, iii, p. 149
33 L'AP 1944-1945, p. 62.
34 De Gaulle (Ch.), op. cit., p. 49.
35 L'AP' 1944-1945, p. 96-98.
36 Ibid., p. 109-112.
37 Ibid., p. 161-171.
38 Bloch-Laine (F.), op. cit., p. 81 et 73.
39 Delouvrier (Paul), “Jean Monnet, le magicien de l'Europe”, Le Monde, 9 novembre 1988.
40 L'AP, op. cit., p. 236-241.
41 Ibid., p. 295-297.
42 Ibid., p. 260-297.
43 Arch. Départ, des Côtes-d'Armor, Ouest-France, 22 octobre 1945.
44 De Gaulle (Ch.), Lettres, Notes et Carnets, T. V, p. 100.
45 Ibid., p. 104.
46 L'AP 1944-1945, p. 346-355.
47 Bouvier (J.), op. cit., p. 118-119.
48 L'AP 1944-1945, p. 365-380.
49 Ibid., p. 388-397 et Frank (Robert), “Les crédits militaires : contraintes budgétaires et choix politiques, mai 1945-avril 1946”, in De Gaulle et la Nation face aux problèmes de défense (45-46), Pion, 1983, p. 174-185. L'auteur a travaillé sur les papiers Pleven du ministère des Finances et sur les Archives du Palais-Bourbon.
50 Frank (R.), op. cit., p. 177.
51 L'AP 1944-1945, p. 395.
52 Ibid., p. 373-380.
53 Ibid., p. 408-421.
54 Frank (R.), op. cit.
55 Lacouture (J.), op. cit., chap. 10.
56 Elgey (Georgette), La République des illusions (1945-1951), 1, p. 87-90.
57 La première version est rapportée par Georgette Elgey, la seconde par Jean Lacouture.
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