« Et tenuerunt eum1.» Les représentations de l’Arrestation du Christ en Occident du XIIe au XVe siècle
p. 175-196
Texte intégral
1S’il est une arrestation fameuse au Moyen Âge, c’est bien celle du Christ au jardin des oliviers. Son étude peut sembler néanmoins inappropriée dans un ouvrage consacré aux pratiques judiciaires2. Ce premier épisode de la Passion est en effet en général interprété comme la scène du « baiser de Judas » ou de « la trahison » et ses aspects juridiques négligés au profit de l’interprétation exégétique, pastorale ou mystique. Cette contribution s’efforcera de développer une approche globale du motif, mais également de faire interagir ce même motif avec l’iconographie judiciaire qui lui est contemporaine.
2Les représentations de l’arrestation du Christ en Occident du XIIe au XVe siècle sont extrêmement nombreuses et figurent sur des supports variés. L’Index of Christian Art en propose 570 occurrences3, dont 258 images tirées de manuscrits enluminés. C’est l’épisode de la vie du Christ le plus représenté dans l’Index, avant la Cène et même la Crucifixion. Notre corpus est ici constitué de 232 images tirées de 198 manuscrits occidentaux, pour l’essentiel des psautiers et des livres d’Heures. Les manuscrits des XIIe -XVe siècles représentent 84 % de l’ensemble (soit 197 images sur 166 manuscrits).
3Les représentations s’appuient sur Matthieu 26 :47-56, Marc 14 :43-52, Luc 22 :47-53 et Jean 18 :1-12 ; elles combinent en général plusieurs scènes qui se juxtaposent et parfois fusionnent : la trahison de Judas ; l’arrivée des soldats au jardin des oliviers ; le baiser de Judas ; l’arrestation proprement dite ; l’essorillage de Malchus avec le miracle qui s’ensuit et, plus rarement, la chute des soldats tombant à la renverse (Jean, 18 :6), ainsi que la fuite des/du disciple(s) (Mat 26 :56/Mc 14 :50-52). Voici le récit qu’en propose Matthieu :
« 47. Comme il parlait encore, voici Judas, l’un des Douze, et avec lui une bande nombreuse armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple. 48. Or le traître leur avait donné ce signe : « Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui ; arrêtez-le. » 49. Et aussitôt il s’approcha de Jésus en disant : “Salut, Rabbi”, et il lui donna un baiser. 50. Mais Jésus lui dit : “Ami, fais ta besogne.” Alors, s’avançant, ils mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. 51. Et voilà qu’un des compagnons de Jésus, portant la main à son glaive, le dégaina, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui enleva l’oreille. 52. Alors Jésus lui dit : “Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. 53. Penses-tu donc que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges ? 54. Comment alors s’accompliraient les Écritures d’après lesquelles il doit en être ainsi ?” 55. À ce moment-là Jésus dit aux foules : “Suis-je un brigand, que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons pour me saisir ? Chaque jour j’étais assis dans le Temple, à enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté.” 56. Or tout ceci advint pour que s’accomplissent les Écritures des prophètes. Alors les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite. »
4Les évangiles synoptiques comme souvent proposent des versions divergentes de l’événement : Jean est le seul à mentionner la chute des soldats (Jean 18 :6) et à préciser que le disciple qui s’est attaqué à Malchus est Simon-Pierre (Jean 18 :10) ; Luc la guérison de l’oreille tranchée (Luc 22 :51) ; Marc la fuite du disciple tout nu (Marc 14 :51-52). Le mode opératoire de l’arrestation varie de même : Jean indique la présence de torches mais pas le type d’armes utilisées, alors que les autres évangélistes précisent qu’il s’agit de glaives et de bâtons ; la troupe venue arrêter Jésus a des dimensions variables, des commanditaires et une composition assez flous ; le baiser comme signe de reconnaissance n’est expliqué que par Matthieu et est absent chez Jean ; seul ce dernier précise que Jésus est attaché.
5L’iconographie de l’arrestation du Christ n’est donc pas répétitive. S’il existe une continuité des représentations du XIIe au XVe siècle, certains détails ou motifs révèlent une évolution et une approche différente. La variété des représentations iconographiques s’explique entre autres par les divergences scripturaires mais aussi par l’apport de traditions ultérieures : l’exégèse patristique et médiévale, la Glossa ordinaria, les Mystères de la Passion, le Speculum Humanae Salvationis et bien entendu l’héritage iconographique lui-même. L’évolution des pratiques judiciaires ont-elles aussi été une source d’inspiration pour les artistes ?
Une arrestation agitée et « musclée »
6Les synoptiques s’accordent à dire que la troupe venue arrêter Jésus était fournie. Matthieu et Marc parlent d’une foule nombreuse (turba multa) ; Luc mentionne une foule composée des grands prêtres, des chefs des gardes du Temple (magistrati) et des anciens. Dans les deux cas, la troupe semble composée de gardes et de civils. Jean est le seul peut-être à distinguer deux autorités différentes à l’origine de l’arrestation du Christ : la cohorte (cohors) se compose en effet de gardes détachés par les grands prêtres et les Pharisiens, mais il mentionne aussi la présence du tribun (tribunus) représentant de l’autorité romaine4. L’importance de la troupe et la menace qu’elle représente expliquent en tout cas les protestations de Jésus chez Matthieu, Marc et Luc : « Suis-je un brigand (latro), que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons pour me saisir ? » La nature des armes est donc précisée chez les trois évangélistes – les glaives (gladii) et les bâtons (fustes) – tandis que Jean utilise le terme plus générique d’armes (arma).
7Les miniatures médiévales ajoutent dès le XIIe siècle des armes nouvelles : lances, haches, masses d’arme, hallebardes, gourdins plutôt que bâtons. Les Heures de Jeanne d’Évreux, réalisées à Paris vers 1325, figurent même un arbalétrier5. Certaines miniatures de la fin du Moyen Âge, dans un souci de véracité géographique si ce n’est historique, orientalisent les tenues et font porter aux soldats, coiffés de turbans ou autres coiffes pseudo-byzantines, des lames courtes et courbées6.
8La foule venue arrêter Jésus est toujours armée, au moins de bâtons, mais elle n’est pas toujours constituée de soldats, du moins jusqu’au XIVe siècle où leur présence devient systématique. Cette absence de sergents clairement identifiables dans de nombreuses représentations des XIIe et XIIIe siècles peut correspondre à une certaine réalité juridique : il arrivait en effet que le larron fut arrêté par sa victime, par des témoins voire des passants, ou traqué par la foule à cris de « haro7 ! ». On constate une foule plus importante sur la fin du Moyen Âge et de plus en plus de soldats, en armure et portant des casques ; au XVe siècle, la troupe venue arrêter Jésus est essentiellement constituée de soldats. Pour les représentations plus anciennes, la troupe oscille entre 6 et 10, parfois 13, peut-être en réponse symbolique au nombre des apôtres et du Christ (figure 1)8. L’importance de cette troupe dépend aussi des choix iconographiques et de la taille de l’enluminure : quand l’artiste a voulu mettre en valeur le baiser ou l’essorillage, ou quand l’arrestation figure dans une lettre historiée, la troupe peut se réduire à un ou deux gardes. Quel que soit le nombre des protagonistes, l’image est toujours dense, traversée de lignes qui se croisent (les bras et les armes) pouvant donner un caractère de désordre, voire de chaos. La violence de cette scène est accentuée par les expressions des visages ou des détails réalistes comme sur le livre d’Heures M. 241 de la Morgan Library où la clôture du jardin est tombée et est littéralement piétinée par la troupe9. De plus, qu’elle soit le fait de soldats et/ou du peuple (plebs), l’arrestation, parce qu’elle était plus rare qu’aujourd’hui et qu’elle est publique, revêt pour l’homme du Moyen Âge un caractère infamant et sacrilège qui plus est dans le cas du Christ.
9La cohorte peut être très solidement armée. Ainsi, dans le manuscrit 44 conservé à la Morgan Library (1175)10 (figure 2), la troupe prend l’allure d’une expédition militaire : les soldats portent tous casque (avec nasal pour certains), cotte de maille jusqu’aux pieds et lances (qui est à partir du XIe siècle l’arme du cavalier). On ne distingue même plus leur visage : ce sont les exécutants anonymes de la justice humaine. L’un d’entre eux se distingue pourtant, qui se saisit de Jésus : il porte souvent une épée au fourreau et semble être le lieutenant de la troupe (il apparaît parfois comme le pendant de Pierre dans l’image). On peut l’assimiler dans les images judiciaires au sergent, « officier public, royal ou seigneurial dont la fonction était apparue au long des XIIe et XIIIe siècles pour soutenir, au besoin par la force, l’action de la justice11 ». Tout comme lui, il brandit ou tient parfois un bâton dont Robert Jacob a montré qu’il était, avec l’habit rayé, l’attribut du sergent12. Mais ce bâton peut aussi prendre des allures de gourdin se rapportant à la figuration traditionnelle de l’Insipiens du psaume 52 qui dit « il n’y a pas de Dieu ». Dans le psautier Huntingfield, on distingue nettement les Pharisiens, aux cheveux sombres et crépus, tenant des bâtons ou gourdins, et le représentant de la force publique, l’épée au côté (figure 6)13. Cette distinction pose une nouvelle fois la question des commanditaires de l’arrestation car les enlumineurs du Moyen Âge n’apportent pas de réponse. L’évangéliaire de Matilde de Canossa suggère par exemple que l’inscription S.P.Q.R. souligne la responsabilité des Romains qui sont venus arrêter le Christ tandis que le codex d’Augsbourg, avec l’inscription « judes », dénonce les Juifs14.
10Cette arrestation musclée, même si elle a des origines scripturaires, peut surprendre : elle tient peut-être aux difficultés particulières de l’arrestation au Moyen Âge que décrit Valérie Toureille15. L’ampleur de cette troupe armée à la fin du Moyen Âge est aussi révélatrice du renforcement des procédures judiciaires et en particulier des forces de police des prévôtés à partir de la moitié du XVe siècle16. Ce déploiement de force rend vraisemblablement compte de l’affermissement des institutions juridiques sur toute notre période.
11La scène décrite par Jean, la sidération et la chute des soldats venus arrêter Jésus (Jean 18 :6), est assez rare mais récurrente dans tout le corpus, souvent en amont ou dans les marges du manuscrit. Jésus est alors représenté seul, debout, encadré parfois d’un phylactère portant la citation « c’est moi » (ego sum), face à un groupe de soldats tombés à la renverse. Certains ont les yeux fermés comme s’ils s’étaient évanouis17. Cette scène, tout comme l’attitude impassible de Jésus pendant son arrestation, montre à quel point il maîtrise la situation et accepte son destin. Elle peut aussi indiquer, tout comme l’animalisation et l’enlaidissement des soldats dans des manuscrits qui ne sont pas juridiques, le médiocre prestige des officiers de police, accusés pendant toute notre période de sottise, d’impuissance ou de corruption comme l’ont montré Nicole Gonthier18 ou Marie-Thérèse Lorcin19. Les abus des officiers de justice20 comme de police21 sont dénoncés à la fin du Moyen Âge et les arrestations souvent vécues comme des « prises d’otage » et des abus de pouvoir22 : l’arrestation du Christ est une opportunité pour les artistes de montrer ce que les ouvrages juridiques ne montrent pas, l’envers de la justice. Certaines de ces images pourraient donc paraître proches de la satire. Mais elles ne dénoncent pas la justice du temps comme le ferait le Roman de Renart23. Les enluminures attestent certes d’une réprobation partagée par beaucoup, sans doute d’une réalité, mais sans que l’image soit subversive pour autant : en effet, le modèle qui y est proposé est celui de l’acceptation et du sacrifice, celui du Christ. L’image reste donc au service de la norme.
12Contrairement au groupe de soldats, relativement disciplinés, rangés derrière leur capitaine (ou sergent), le peuple apparaît dans l’émotion, gesticulant, grimaçant la bouche ouverte, proférant sans doute quelques injures24. Dans le livre d’Heures Harley 9928 (1280-1290), la troupe apparaît ainsi très agitée : six personnages et Judas entourent le Christ. L’un d’eux portant un capuchon le tient par le bras droit, un autre tient la lampe en hauteur pour l’identifier, un troisième brandit un bâton au-dessus de sa tête à deux mains, tandis qu’un quatrième, à droite de l’image, dos tourné au lecteur, semble vouloir lancer une pierre qu’il tient dans sa main droite. Jésus, le visage triste, ouvre les bras en signe de renoncement et d’acceptation, tandis que Judas, la main posée sur son épaule droite, approche son visage pour l’embrasser. Dans le psautier Ramsey (1300-1310) (figure 3)25, les soldats semblent même en retrait et bousculés par l’agitation autour du Christ. Celui qui se saisit de lui en tirant son vêtement, le corps désaxé, dans une position en spirale, n’est pas un soldat mais un manant portant sur la tête un foulard noué. Les visages sont enlaidis, voire grotesques. Les soldats en retrait ne sont pas non plus épargnés par l’artiste, l’un d’entre eux arborant un nez de cochon.
13Dans un certain nombre de manuscrits, l’hostilité de la foule se traduit par des visages déformés par la haine, animalisés26, noirs comme des diables (figure 5)27, la bouche ouverte28. Au Moyen Âge, l’extériorité révèle en effet l’intériorité ; le laid est la représentation du mal. À propos des hommes noirs, Robert Jacob signale plusieurs images de criminels suppliciés29 représentés ainsi ; les codes sont donc ici inversés. Sur le psautier de Robert de Lindesey30, où la troupe apparaît là encore menaçante, un homme au chapeau pointu et portant une hache, serre les dents dans un rictus haineux. Ce type de représentation anticipe la figuration des outrages où, à la fin du Moyen Âge, d’après Christine Bellanger, 30 % des bourreaux ont la bouche ouverte et 14 % les dents visibles31. Cette scène de la Dérision est d’ailleurs souvent associée à celle de l’Arrestation ou parfois représentée dans ses marges32 et contribue alors à renforcer son caractère infamant. En effet, « dans le rituel judiciaire l’infamie se manifeste souvent par la dérision, qui se traduit par l’usage d’invectives33 ». L’image se fait donc aussi sonore laissant imaginer les insultes et les vociférations d’un peuple en quête de bouc émissaire34. Ces rituels infra-judiciaires ne sont pas étrangers au fonctionnement de la justice médiévale comme l’a montré Pierre Prétou pour la Gascogne35. La foule venue arrêter Jésus est donc frénétique, violente, haineuse mais de plus en plus encadrée dans le temps par la troupe36, l’émotion collective cédant le pas à la violence légale. La justice est du côté de la maîtrise des émotions ; il n’est pas étonnant que son renforcement ait eu comme conséquence la régulation des émotions collectives dans la pratique comme dans nos images37.
14Dans certaines miniatures du XIIIe siècle, les persécuteurs sont revêtus comme des paysans : chemise déchirée et bonnet sur la tête – peut-être celui du bourreau38. Dans les Heures de Yolande de Soissons, un des assaillants porte même une fourche39. Les catégories du beau et du laid rejoignent sans doute ici les catégories sociales du noble et de l’ignoble. Les ennemis du Christ, animés d’une méchanceté foncière, doivent être laids mais aussi grossiers et barbares face à l’attitude aristocratique du Christ.
15De nombreuses représentations les montrent aussi avec le chapeau pointu porté, puis imposé aux Juifs40 à partir de 1317 sous Philippe V en France (figures 4 et 7). Les manuscrits concernés proviennent des régions outre-Rhin (écoles d’Ausburg, Würzburg, Bamberg) mais aussi mosanes, d’Angleterre, du Nord de la France et de l’Île-de-France, où la répression contre les communautés juives a été importante. La présence des Juifs rappelle bien sûr leur responsabilité dans la mort du Christ, mais l’actualisation de l’image (les Juifs portant des signes distinctifs contemporains) réitère, réactive le drame de la Passion dans un temps chrétien qui n’est pas linéaire. Ces imageries vont contribuer entre autres à la montée de l’antijudaïsme, puis de l’antisémitisme dont Alain Boureau et d’autres ont montré qu’il se mettait en place à l’époque des croisades41. De nombreux ouvrages à la suite de celui de Bernhard Blumenkrantz soulignent l’importance de cette scène de l’Arrestation dans son émergence42. Sa mise en scène, ainsi que celle de la Passion en général pendant la période pascale, est l’occasion de débordements réguliers, violence rituelle ou émotion populaire, comme le rapporte Claire Soussen-Max dans son étude sur l’espace aragonais43. Les formes et les ressorts de la violence qu’elle décrit rencontrent un étrange écho dans notre corpus : invectives, gestes violents, lapidation. Comment s’articulent alors la violence représentée par certaines images, celle mise en scène dans les Passions et les Mystères et la violence réelle à l’encontre des communautés juives ? Cette iconographie anti-judaïque permet aussi, par ailleurs, du point de vue juridique, de rendre illégitime une violence somme toute légale, qui est celle de la justice. Néanmoins, on doit se poser la question de sa fonction et de sa portée. Ces images ont-elles comme but de représenter ou du moins stigmatiser réellement les Juifs contemporains et sont-elles des catalyseurs de haine ? Ou bien visent-elles plus généralement à l’enseignement moral du chrétien contre le Péché, incarné par un Juif imaginaire ? La figure de Judas, « celui qui l’a livré », est en ce sens assez symptomatique.
Tradere : livrer et trahir
16Dans les évangiles, Judas est celui « qui tradidit ». L’ambiguïté du verbe tradere, qui signifie à la fois livrer et trahir, a fait couler beaucoup d’encre surtout parmi les exégètes modernes et depuis la parution en 2006 de l’évangile copte de Judas44. Cet apocryphe présente en effet le disciple comme le meilleur d’entre eux, le seul à avoir compris que le Christ devait être livré ; il le fait à la demande de Jésus qui lui annonce d’ailleurs que son geste ne sera pas compris. Cette thèse a bien évidemment complètement disparu au Moyen Âge où Judas devient le Traître. Sa trahison est d’autant plus odieuse et paradigmatique qu’elle est celle d’un fidèle et qu’elle est accomplie par un geste d’amour : un baiser45.
17Judas est le seul que Jésus appelle « ami » (Mt, 26 :50). Les Pères de l’Église ainsi que les auteurs du Moyen Âge ne disent jamais en revanche que Judas aimait Jésus, mais, au contraire, qu’il avait le cœur rempli de haine (odium46) et d’injustice (iniquitas47) ; on l’accuse d’hypocrisie : « de bénir [Jésus] de bouche, mais de le maudire de cœur48 », d’avoir le cœur félon49 et faux50. Judas est parfois qualifié de faux frère (frater fictus51) et son baiser fratricide est souvent comparé au meurtre d’Abel par Caïn ou à la vente de Joseph par ses frères52. Le baiser scélérat marque tellement les esprits qu’on l’attribue à Caïn dans les Bibles moralisées des XIIIe -XVe siècles53.
18Les plus anciennes scènes de la trahison n’ont pas oublié de rappeler ce lien d’amour qui unissait Judas à Jésus. On les voit souvent enlacés et s’embrassant, yeux dans les yeux. C’est Judas qui enserre Jésus, par l’épaule le plus souvent, mais parfois plus étroitement (figure 6) (à tel point que leurs vêtements et leur corps semblent se confondre54) et il est assez rare que Jésus se détourne55, ou le sermonne comme le voudraient les écritures (« Judas, c’est par un baiser [osculo] que tu livres [tradis] le fils de l’Homme », Luc 22 :8)56.
19Chez Matthieu, le baiser sert à distinguer Jésus parmi les disciples, sans doute parce qu’il faisait nuit (« Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui », Mt 26 :48-5). Parmi la troupe, un soldat au moins tient une lanterne, à la main, parfois ou au bout d’une pique ; il s’agit parfois de torchères ou de flambeaux. Souvent il la soulève au-dessus de la tête du Christ ou l’approche de son visage comme pour vérifier l’identité du suspect57. Cette lampe, de même que les armes, font partie des instruments de la Passion ou Arma Christi58. Une autre tradition, inspirée d’apocryphes, de traditions docètes et véhiculée par Origène, rapporte que la raison de ce signe était de distinguer Jésus de l’apôtre Jacques (le Mineur) qui se ressemblaient grandement. Au Moyen Âge, on retrouve cette idée chez de nombreux auteurs dont Jacques de Voragine59, Vincent de Beauvais, Jean Mansel, Vincent Ferrier60, le dramaturge de la Passion de Semur (vers 6166-6167) ou chez Guillaume de Digulleville61.
20Le baiser, originellement signe de reconnaissance pour la piétaille venue arrêter Jésus, prend donc, paradoxalement, les apparences de l’amour et de la compassion. D’autant plus que, bien souvent, Judas embrasse son maître au moment où celui-ci est déjà emmené par les soldats62. Cette scène est d’autant plus ambiguë dans les manuscrits des XIIe et XIIIe siècles que Judas est peu connoté négativement. C’est à la fin du Moyen Âge surtout qu’on lui attribuera des cheveux roux, une robe jaune et un profil de plus en plus marqué racialement63.
21Certaines représentations néanmoins soulignent sa duplicité : Judas enserre d’un bras son maître, mais attire les ennemis de l’autre, comme dans le Psautier de Blanche de Castille conservé à la bibliothèque de l’Arsenal à Paris (1220-1226) (figure 8)64. Jésus a déjà été attrapé par Malchus qui le tire par la main ; Judas, prêt à l’embrasser, lui enserre l’épaule du bras gauche mais tient de la main droite la jambe de Malchus comme pour l’inviter à se saisir de Jésus ; Pierre, à droite du médaillon, étend le bras pour trancher de son épée l’oreille du serviteur. Son épée traverse toute la composition comme pour marquer la violence paradoxale de cette scène du baiser et créer une rupture : entre Jésus et Judas, entre les persécuteurs et l’Agneau, entre les Juifs/les Gentils et les Chrétiens. Dans la Bible de Pampelune65, son manteau vert enveloppe déjà Jésus comme dans une prison (figure 1). Dans le codex d’Ausburg, sans doute réalisé en même temps que la précédente et offert à un proche de Sancho el Fuerte, Judas tire par la main un soldat et regarde en arrière (le regard fuyant du traître) ; il salue Jésus non pas par « Ave Rabbi », mais par « Ave rex iudeorum », formule de dérision qui accompagnera le Christ de la scène des outrages jusqu’à sa mort. Dans le psautier de Bonmont (figure 4), Judas reçoit même les trente deniers en même temps qu’il embrasse son maître66. Ce motif peut être le résultat de la syntaxe particulière des images au Moyen Âge, c’est-à-dire d’une narration concentrée qui ferait fusionner la scène de la trahison de Judas auprès du Sanhédrin et la scène de l’Arrestation. Il interroge aussi sur les pratiques judiciaires en particulier la dénonciation, encouragée et encadrée par l’Église, surtout à partir de 1198 où elle devient l’un des trois modes d’introduction de l’instance67. Elle semble être assortie d’un recours à la récompense à la fin du Moyen Âge68. Dans les miniatures anciennes, la scène de l’arrestation peut être précédée de celle du marché avec les Juifs ; celle-ci peut encore apparaître dans les marges comme dans le psautier de Lambert le Bèque où elle figure sous l’Arrestation incluse dans un D enluminé69. À droite, Judas, portant encore l’auréole, négocie avec les prêtres juifs ; à gauche, l’apôtre qui a perdu son nimbe mais tient fermement une bourse de ses deux mains, guide la troupe vers le jardin des oliviers. De fait, à la fin du Moyen Âge, Judas est souvent représenté avec la bourse à la taille70. Là encore, il est difficile de déterminer ce qui relève du raccourci narratif, d’une condamnation plus grande de la cupidité (ce qui est peu vraisemblable) et de Judas en général, ou du passage d’une justice « accusatoire » à une justice « inquisitoire71 ».
22Le baiser est donc au cœur des relations entre Judas et Jésus, mais aussi au cœur de la société féodale, comme l’a montré Yannick Carré dans son étude sur le baiser sur la bouche au Moyen Âge72. Les formes que prend ce baiser varient selon les auteurs et les artistes : Judas est en général de profil (signe de dissimulation) et Jésus de trois quarts ; le baiser est toujours fait au visage, voire « en la buche73 », détail que les Évangiles ne rapportent pas et que les antiquisants contestent74. Cette précision accentue le caractère passionnel et odieux du geste. Ce « baiser semble alors prendre un sens totalement opposé à la fidélité, notion souvent symbolisée par cet acte, dans les relations “d’homme à homme” (le baiser vassalique)75 ». La traîtrise, hantise de la société féodale fondée sur le lien, devient un véritable péché avec la montée des Royautés et la sacralisation du pouvoir qui va de pair. Peu d’artistes représentent ce baiser par un véritable face-à-face et c’est sans doute une des grandes forces de la célèbre interprétation de cette scène par Giotto à Padoue76. Les deux profils juxtaposés dégagent une tension particulièrement expressive et dramatique. Le Christ au beau visage aristocratique (front haut, cheveux longs, barbe fournie) contraste avec les traits « néanderthaliens » de Judas (crâne aux cheveux courts, front bas, yeux petits et enfoncés). Ces canons traditionnels de la beauté et de la laideur servent encore ici un discours naturaliste et social. Le noble, par nature, incarne la droiture et l’élévation spirituelle ; le peuple quant à lui, laid et de petite âme, est toujours prêt à trahir. On ne trahit pas pour des raisons particulières, on trahit par nature parce qu’on naît et qu’on est traître.
23Le baiser (osculum), signe de la trahison, est donc un des attributs de Judas ; il accompagne souvent au XVe siècle les instruments de la Passion (les bustes des deux protagonistes s’embrassant sont alors représentés), au même titre que Judas lui-même ou la bourse. Ce baiser deviendra dans toutes les langues l’expression hypocrite de l’amitié (Judaskuss, Judaskyss, beso de Judas, bacio di Giuda, baiser de Judas77). La scène du baiser est la plus courante des représentations de Judas78. Elle a tellement frappé l’imaginaire occidental que même si le Moyen Âge préfère l’Évangile de Jean, cette scène, qui en est absente, est quasi systématiquement représentée dans l’iconographie et expliquée dans l’exégèse79.
24L’expression « baiser de Judas » apparaît pour la première fois dans une hymne sur la Passion du Christ datée du Ve siècle. C’est, pour Wayland D. Hand, la première fois qu’une expression imagée est construite sur le nom de Judas80. On peut l’expliquer, comme dans le Speculum humanae Salvatoris (vers 1325), par le fait que le baiser « qui avait toujours été signe d’amour, l’inique Judas l’a transformé en signe de trahison81 ». À la fin du XIIIe siècle, apparaît pour la première fois l’expression dans une langue vernaculaire au sud de l’Angleterre82. C’est aussi en Angleterre que « Judas » sera pour la première fois utilisé comme nom commun pour qualifier un traître. Comble de l’ironie, le néologisme vient d’un hérétique, Wyclif (1320-1384), qui pourfend les mauvais confesseurs83. De nombreux commentateurs ont opposé le baiser de Judas au geste sacré du baiser de paix, conseillant de s’en abstenir pendant Pâques. Ainsi, pendant l’Office des morts, qui symbolisait la mise au tombeau du Christ, on ne recevait pas le baiser de paix, parce qu’il rappelait celui de Judas, comme en témoigne Jean Beleth84. Guillaume Durand menace ceux qui ne respecteraient pas le rituel : « Ceux qui s’embrassent en se haïssant imitent le baiser du traître Judas85. » Ce baiser est doublement mortifère : parce qu’il conduit le Christ à la mort mais aussi Judas à sa damnation. Un psautier conservé à la Morgan Library (1220-1230) confronte cette scène du baiser avec la tentation du Christ, à l’occasion de laquelle le Diable l’incite à se jeter d’une hauteur86. Cette composition suggère-t-elle que Judas, ayant cédé à la tentation diabolique, n’a pas d’autre alternative que le suicide ? Il est intéressant de remarquer à cet égard l’absence complète de l’Ennemi dans notre corpus. Si ce dernier est souvent convoqué au moment de la Cène ou du suicide de Judas, parfois à l’occasion du marché passé avec le Sanhédrin, force est de constater que les artistes ont préféré une approche réaliste à une interprétation métaphysique. Ce n’est pas tant une lutte entre le Bien et le Mal qui se joue ici que le théâtre des petites passions humaines (trahison, cupidité, envie, colère).
25Ce baiser enfin n’est pas sans rapport avec la mort de Judas lui-même. En effet, pris de remords, il « rapporta les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens […] il se retira et alla se pendre » (Mt 27 :3-5). Judas a donc voulu se rendre justice lui-même. Par ailleurs, l’explication la plus courante des circonstances de la mort de Judas dans les Actes des Apôtres, à savoir son éviscération87, châtiment plus que suicide, est que l’âme souillée de Judas ne pouvait s’échapper par sa bouche qui avait embrassé le Christ88. Cette correspondance est bien illustrée dans le Psautier de Boisleux89 (figure 5) où se succède en pleine page la scène de l’arrivée de la troupe, l’arrestation proprement dite, le suicide de Judas et le jugement de Pilate. L’arrestation et le suicide sont placés en chiasme dans la composition ; Jésus est saisi à l’épaule gauche par un homme qui brandit un bâton et par le bras droit par un personnage noir qui brandit une lanterne. Il ne semble pourtant pas se préoccuper de ses assaillants mais regarde vers le bas Judas, pendu à un arbre, la tunique et le ventre fendus, laissant voir au grand jour la matrice de la trahison. Outre la présence d’Africains dans la scène de l’arrestation, l’absence fort rare du baiser de Judas, un autre détail donne à cette enluminure un caractère exceptionnel : Judas a un couteau planté dans l’abdomen. Cette interprétation du suicide comme homicide, comme crime contre soi-même et contre Dieu, auteur de toute vie, met d’autant plus en valeur la résignation du Christ à la volonté de son père. Confronté au jugement de Pilate qui s’en lave les mains, le suicide est aussi interprété comme une injustice. Le suicide est en effet considéré comme felony dans la Common Law anglaise90, rappelant que nul ne s’appartient au Moyen Âge. Depuis la réception de la Politique d’Aristote dans la seconde moitié du XIIIe siècle par le monde occidental, l’homme est considéré comme un animal politicum. Dès lors, la trahison prend une dimension plus large, car elle n’est plus seulement une rupture avec la figure du Père qu’incarne un monarque sacralisé, mais une rupture avec la communauté tout entière. C’est ainsi que Thomas d’Aquin présente le suicide dans sa Somme théologique : « Chaque homme est dans la société comme une partie dans un tout, ce qu’il est appartient donc à la société. Par le suicide l’homme se rend donc coupable d’injustice envers la société à laquelle il appartient91. » Judas commet donc une double injustice, en livrant le Christ, puis en se livrant à la mort.
26Mais ce à quoi Judas livre Jésus n’est pas tant la mort que l’accomplissement des Écritures. Le Christ lui-même avait dit du traître : « J’ai gardé ceux que vous m’avez donnés, hormis le fils de perdition, afin que l’Écriture fut accomplie [ut scriptura impleatur]. » (Jn 17 :12.) Judas est l’instrument de la providence qui, à travers la « prise de corps » c’est-à-dire l’arrestation, permet au Christ de se réaliser pleinement en tant que Dieu fait homme.
« Prise de corps », incarnation et transcendance
27Contrairement à l’image juridique, en particulier celle du châtiment, qui ne semble guère créer l’émoi autour de lui92, tout dans la représentation de l’arrestation du Christ doit éveiller l’émotion : la menace d’une troupe de plus en plus armée, la violence et la haine du peuple contre une victime innocente, l’hypocrisie du baiser, la trahison de l’« ami », la fuite des disciples et la solitude de Jésus. Ainsi, si l’iconographie judiciaire va mettre en valeur les instruments de la justice et éventuellement l’accent sur le repentir du coupable93, ici, l’iconographie souligne la victimisation du Christ. L’insistance sur ses souffrances, plus psychologiques que physiques, qui annoncent les épisodes de la Dérision puis de la Crucifixion, doit être replacée dans le contexte du « réveil évangélique » et de la dévotion à l’humanité du Christ qui se met en place dès le XIIe siècle94. Les enluminures médiévales enrichissent de ce point de vue considérablement le texte évangélique et celui des commentaires. Elles figurent avec beaucoup de réalisme ce que les sources scripturaires et l’exégèse ne font que suggérer et permettent réellement au Christ et à ses souffrances de s’incarner. Cette incarnation passe par une interpellation particulièrement physique qui exalte la corporéité du Dieu fait homme. Au cours de son arrestation en effet, Jésus est touché, saisi, empoigné, tiré de droite et de gauche et embrassé, donnant tout son sens à l’expression juridique : « prise de corps ».
28La grande majorité des miniatures figure ainsi l’interpellation et seuls 15 % du corpus (une trentaine d’images) respectent finalement la chronologie scripturaire qui voudrait que le baiser la précède (puisqu’il est signe de reconnaissance). En ce cas, Jésus est solidement encadré, sans aucune échappatoire possible, d’autant plus qu’il est enlacé par Judas et que les soldats s’apprêtent en général à le saisir, tendant la main vers lui.
29Dans les images judiciaires, le sergent n’a qu’à poser sa main sur le coupable pour que son arrestation soit effective ; ce dernier le saisit souvent au col95 ou encore par l’épaule. Mais les circonstances particulières de l’arrestation du Christ rendent ce simple geste difficile. En effet une foule compacte entoure Jésus et Judas qui l’embrasse. De ce fait, les gestes de l’arrestation sont particulièrement variés : Jésus est tantôt saisi par le bras, droit ou gauche indistinctement, très souvent par le poignet, tantôt par l’épaule, ou par le manteau, au niveau du torse96, de la ceinture ou bien par un pan. Il est aussi souvent attrapé par le col ce qui, dans les miniatures du XIIIe siècle, entraîne des contorsions de la part de ses ennemis : le corps, comme désarticulé, semble tordu à l’image de l’âme97. On observe alors un renversement par rapport aux images judiciaires où, au contraire, c’est le corps du coupable (parfois du supplicié) qui l’est98. Au XVe siècle, ce particularisme a disparu avec le réalisme croissant des représentations.
30Jésus peut être empoigné sur plusieurs parties du corps en même temps : par le poignet gauche et la nuque99, ou le manteau100 ; par l’épaule gauche et le manteau101 ; par le poignet droit et poussé dans le dos102. Il peut être aussi empoigné par plusieurs protagonistes103 auxquels il faut ajouter Judas. Il est même parfois tiré par les cheveux104. Dans la Bible historiée M. 268 de la Morgan Library par exemple, tandis que Judas embrasse Jésus sur la bouche, deux soldats, à droite et à gauche, le tirent par les cheveux. Cette scène est suivie des trois « procès » devant Pilate, Annas et Hérode Antipas. Ce geste est particulièrement infamant et sacrilège car comme Claude Gauvard le souligne : « Les gestes plus injurieux sont ceux portés au visage105. »
31Un autre détail particulièrement sacrilège et qui apparaît dans les représentations les plus tardives de notre corpus est celui des entraves. Le fait d’entraver au Moyen Âge était extrêmement grave106 ; la vision de Jésus, les mains attachées ou la corde au cou était donc particulièrement blasphématoire. Ce détail, rapporté par Jean, est parfois représenté dans l’iconographie tardive (voire en dehors de notre corpus) : elle apparente là encore l’épisode de l’Arrestation à celui de la Dérision (ou flagellation). Le Christ a parfois les mains croisées, sans qu’on distingue nettement le lien107 ; parfois un soldat s’apprête à lui passer un nœud coulant autour du cou108, détail que l’on retrouve aussi dans les images judiciaires109.
32Cette prise de corps, signe de l’incarnation, annonce la mort du Christ. De nombreux manuscrits, aux XIVe et XVe siècles110, figurent d’ailleurs la Crucifixion encadrée du cycle de la Passion, dont l’Arrestation est la première étape. Les flambeaux qui éclairent la troupe prennent parfois les allures de cierges pascals. Le lien entre ces deux épisodes, ainsi que ceux des procès, comme le rappelle Robert Jacob, tient aussi à l’affinité de l’axe cosmique que représentent la croix et l’arbre de justice111. « Rien d’étonnant qu’au cœur du prétoire, le crucifix fût devenu [son] successeur naturel112. » Il rappelle bien entendu que le fondement de la Justice est divin et qu’elle triomphe toujours. De fait, la composition axiale est récurrente dans ces images centrées sur le couple Judas/Jésus. Le corps du Christ sépare parfois les apôtres (à droite) de la troupe (à gauche), quoique la distinction symbolique gauche/droite ne soit pas systématique ; il est alors l’axe qui distingue le bien du mal. Les corps des persécuteurs sont le plus souvent en mouvement, penchés, courbés, tordus ; seul Jésus reste droit et impassible, tel l’arbre de justice. Tiraillé de droite et de gauche, tiré d’un côté et recollant l’oreille de Malchus de l’autre, son corps écartelé préfigure même parfois celui du crucifié113.
33L’attitude du Christ, indifférent à la violence et à l’agitation qui l’entoure, est d’ailleurs sans doute très éloignée de la réalité juridique. Si les artistes représentent parfois la souffrance du Christ et son humanité, le plus souvent Jésus montre des traits sereins, une attitude droite et digne, hiératique, contrastant avec le chaos qui l’environne ; il accepte en effet son destin et laisse « s’accomplir les Écritures ». C’est ainsi qu’il faut comprendre le fait que très souvent, dès le début de notre période114 (figure 1), il porte un livre, la Bible, dans une main. Parfois, l’Écriture peut se manifester aussi sous la forme de phylactères comme dans le missel d’Henri de Chichester (1250) où Jésus, regardant Judas et Pierre, laisse glisser de sa main droite un rouleau où est inscrit « Mitte gladium [tuum] i[n] vaginam (John 18 :11) ». Cette invitation à ranger son glaive au fourreau est suivie dans l’évangile de Jean comme dans celui de Matthieu, par l’avertissement : « Car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » et par la question toute rhétorique, puisque Jésus a déjà accepté sa Passion : « Comment alors s’accompliraient les Écritures d’après lesquelles il doit en être ainsi115 ? »
34D’une certaine manière, l’image accomplit le texte, tout comme le Christ accomplit les écritures. Il est intéressant de noter qu’à partir du XIIIe siècle, cette Bible devient obligatoire dans les prétoires, bible sur laquelle on prête serment. Les instruments de la justice sont donc dans les mains du Christ et son ordre est ainsi rétabli : le condamné est la source de toute justice et ses ennemis, agités de gesticulations grotesques – marque du dérèglement et de la damnation – sont ceux qui seront jugés. Sa passion commence, mais il est déjà dans la transcendance. C’est ce que semble démontrer le Psautier Lansdowne 420 de la British Library116 où sous l’Arrestation figure un Christ aux outrages, vêtu de blanc, en position d’orant, indifférent aux moqueries et aux persécutions. Au registre du dessus, Pierre, auréolé, reconnaissable à son épée, porte une tonsure de moine ainsi que la Bible : l’Église a elle aussi pour mission d’accomplir l’Écriture et de combattre les ennemis du Christ, y compris par la violence.
35Jésus accomplit à cette occasion son dernier miracle terrestre. La juxtaposition de la trahison, de la prise de corps et du miracle de l’oreille recollée rend d’autant plus scandaleuse l’arrestation, car ce miracle aurait dû ébranler les présents ; il permet donc de souligner l’incrédulité des ennemis du Christ. Les disciples ont souvent déjà disparu et seuls restent Pierre et Malchus, serviteur du grand prêtre Caïphe. Cet épisode secondaire mais présent dans les trois synoptiques est quasi systématiquement représenté dans les enluminures et souvent au premier plan. Pierre, le bras droit levé au-dessus de la tête, tient une épée (parfois un glaive, plus rarement un couteau) et s’apprête à l’abattre sur l’oreille de Malchus qu’il a saisi par les cheveux ; l’épisode donne lieu parfois à un corps à corps extrêmement physique ; parfois le mal est déjà fait et tandis que Jésus guérit miraculeusement Malchus, Pierre rengaine sa lame au fourreau. Malchus est à genoux, jambes fléchies, ou à terre ; il est toujours plus petit que Pierre et surtout que Jésus. Il se défend avec un geste de protection, allant jusqu’à cacher son visage dans son bras117, crie de douleur ou se lamente de façon grotesque, les tempes couvertes de sang, et a parfois les cheveux en flammes (signe des damnés) ou roux118. Jésus tend la main vers lui pour lui remettre l’oreille. Malchus représente les ennemis du Christ terrassés par son bras droit (Pierre ou l’Église), sa miséricorde (Malchus a parfois une position d’orant119), mais aussi le jugement de Dieu. Car Malchus est représenté comme un condamné, coupable pour le coup. Pour les hommes du Moyen Âge, l’essorillage était d’ailleurs un châtiment120. Sur le psautier français, dit Psautier de Catherine, daté de la seconde moitié du XIIIe siècle, Malchus, agenouillé devant le Christ, tient un long bâton (le bâton du sergent) dans sa main gauche sur lequel Jésus a posé son pied droit121. La Justice reprend donc ici ses droits et les méchants sont punis. Mais cette justice est d’un autre monde et c’est pourquoi Jésus demande à Pierre de rengainer son épée (l’épée de la Justice).
36Dans cette étude, si le religieux prévaut clairement sur le judiciaire, les images renvoient aussi à un système et à une réalité juridique qui se met en place et s’affirme du XIIe au XVe siècle. Les déclinaisons des formes de la justice populaire, l’encadrement de plus en plus important de la force publique, le mode opératoire de la prise de corps, sont autant d’indices de cette contagion des images par le juridique. Accompagnant, dans des ouvrages à caractère religieux, le texte évangélique, elles n’en sont pas une simple illustration, mais dialoguent avec lui, le prolongent et surtout l’actualisent.
37Elles mettent en scène, tout comme les images judiciaires, une confrontation : celle d’un coupable et de la Justice. Mais ici, les rôles et les codes sont inversés, l’arrestation du Christ répondant à une vision antinomique de la justice : Jésus est la victime, l’Innocent, l’agneau sacrifié122. Il est la source même de la justice, bientôt victime d’une erreur judiciaire123. Ces images posent donc la question de la légitimité de la justice humaine, corrompue et faillible tout en proclamant la supériorité d’une autre, vouant les ennemis de Dieu, et de la Justice, à de terribles châtiments : « Comme vous jugez, vous serez jugés » (Mt 7 :2).
Notes de bas de page
1 Evang. Sec. Mattheum, XXVI, 50, Versio Antiqua, in Bibliorum sacrorum latinae versiones antiquae seu vetus italica, éd. D. Petri Sabatier, t. 3, Paris, Didot, 1751. L’expression « et tenuerunt » est commune aussi à Marc 14 :46 et est reprise dans la Nova Vulgata. Le texte latin de la Vetus latina est tiré de cette édition.
2 Christine Bellanger dans son article sur les représentations du Christ aux Outrages exprimait les mêmes réserves. Voir Bellanger Christine, « Le Christ outragé : une iconographie judiciaire ? Autour des images de la Dérision du Christ en Occident à la fin du Moyen Âge », in Gauvard Claude et Jacob Robert (dir.), Les rites de la justice. Gestes et rituels judiciaires au Moyen Âge, Paris, 2000, p. 145-171.
3 Voir [http://ica.princeton.edu].
4 Les exégètes modernes suggèrent plutôt que Jésus a été appréhendé par une partie de la garde du Temple suivie par des « adjoints » juifs, de sorte que le terme grec « khiliarkhos » (tribunus en latin) ne désigne pas le tribun romain, mais plutôt les hommes armés « attachés » à la garde comme auxiliaires, sous le commandement d’un chef juif.
5 New York, The Metropolitan Museum of Art, The Cloisters collection, Acc. 54.1.2, fol. 15 v°, 1325, in Hamel Christopher de, A History of Illuminated Manuscripts, Londres, Phaidon, 1986, p. 183, figure 162. Les armes de l’arrestation appartiennent pour la plupart à la catégorie des « armures » (équipements défensifs), et « bâtons » (armes offensives) mais pas de l’« artillerie » (entre autre les machines ou armes de jet). La présence d’une arbalète est donc plutôt rare et mérite d’être signalée.
6 Dublin, Chester Beatly Library, W. 82, Heures de Coëtivy, fol. 41 r° et fol. 181 r°, 1443; New York, The Metropolitan Museum of Art, The Cloisters collection, Acc. 54.1.2, fol. 15 v°, 1325; New York, Morgan Library, M. 945, Heures de Catherine de Clèves, no 21/fol. 47 r°, 1440.
7 Cette pratique qui « autorisait la foule à se déployer en force de police licite » (Prétou Pierre, « Introduction. Éléments pour une histoire de la clameur publique », in Chauvaud Frédéric et Prétou Pierre [dir.], Clameur publique et émotions judiciaires de l’Antiquité à nos jours, Rennes, PUR, 2013, p. 13-18) a fait l’objet d’études érudites comme celles de Glasson Ernest-Désiré, Étude historique sur la clameur de haro, Paris, L. Larose et Forcel, 1882, ou de Pissard Hippolyte, La clameur de haro dans le droit normand, Caen, Jouan, coll. « Bibliothèque d’histoire du droit normand », 1911. La question a été revisitée récemment par un article décisif de Angers Denise, « Voir, entendre, écrire : les procédures d’enquête dans la Normandie rurale », in Gauvard Claude (dir.), L’enquête au Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2009, p. 169-183.
8 Amiens, Bibliothèque de la ville, 108, Bible de Pampelune, fol. 184 r°, 1197 (figure 1).
9 New York, Morgan Library, M. 241, Livre d’Heures, fol. 70 r°, 1435.
10 New York, Morgan Library, M. 44, Vita Christi, fol. 7 v°, 1175 (figure 2).
11 Jacob Robert, Images de la justice. Essai sur l’iconographie judiciaire du Moyen Âge à l’âge classique, Paris, Le léopard d’or, 1994, p. 112 et suiv.
12 Bâton dans lequel il faut voir le bâton de justice, idem. Par exemple: Baltimore, Walters Art Gallery, W. 165, Loftie Hours, fol. 13 v°, milieu du XVe siècle.
13 New York, Morgan Library, M. 43, fol. 22 v°, 1210-1220 (figure 6). Autres exemples: Londres, British Library, Cott. Nero. C. IV., Psautier Winchester, fol. 21 r°, 1150-1160; Londres, British Library, Add. 17687, Psautier de Würzburg, no 10, 1246-1250; Londres, British Library, Egerton 1151, Heures Egerton, fol. 95 v°, 1260-1270. Pour les représentations de l’insipiens, voir : Laharie Muriel, La folie au Moyen Âge : XIe-XIIIe siècles, Paris, Le léopard d’or, 1991, figures 23, 24, 27, 28, 29, 30.
14 Respectivement : New York, Morgan Library, M. 492, fol. 100 v°, fin du XIe siècle/Augsburg, Universitätsbibliothek, I. 2. qu. 15, Bible de Pampelune, 204 r°, 1197-1200.
15 « Si la population sollicite régulièrement la force des sergents de la prévôté et l’autorité qu’ils représentent, cette coopération n’est pas toujours de mise. Certains sergents sont conspués par la foule, parfois même blessés… En fait, la rébellion à la force publique existe à tous les niveaux dès que celle-ci apparaît comme le résultat d’une décision privée et arbitraire. » Toureille Valérie, « Les sergents du Châtelet ou la naissance de la police parisienne à la fin du Moyen Âge », in Dolan Claire (dir.), Entre justice et justiciables : les auxiliaires de la justice du Moyen Âge au XIXe siècle, Québec, Presses de l’université Laval, 2005, p. 79.
16 Nicole Gonthier relève qu’à Lyon par exemple : « Le nombre des officiers de police a connu une sensible inflation dans la seconde moitié du XVe siècle. » Gonthier Nicole, Délinquance, justice et société dans le Lyonnais médiéval de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle, Paris, Arguments, 1993, p. 40.
17 Hanovre, Museum Kestner, WM Ü 22, Livre de prières, fol. 28 v°, 1330 ; New York, Morgan Library, M. 769, Chronique du Seigneur Christ, fol. 287 v°, 1360 ; New York, Morgan Library, M. 263, Livre d’Heures, fol. 1 ro, 1470 (marge de droite) ; New York, Morgan Library, M. 158, Speculum Humanae salvationnis, fol. 34 v°, 1476.
18 Gonthier Nicole, op. cit., p. 262-265.
19 Lorcin Marie-Thérèse, « Les paysans et la justice dans la région lyonnaise aux XIVe et XVe siècles », Le Moyen Âge, no 2, 1968, p. 292.
20 Morel Barbara, Une iconographie de la répression judiciaire ; le châtiment dans l’enluminure en France du XIVe au XVe siècle, Paris, éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2007, p. 25.
21 « Les sergents […] étaient de redoutables auxiliaires de la justice, premiers éléments d’une police urbaine nécessaire à la régulation des violences dans la ville, recrutés pour leur force physique, mais redoutés par la population qui craignaient leurs débordements. Comme ils vivaient aux marges du monde qu’ils combattaient, il n’était d’ailleurs pas rare qu’ils succombent eux-mêmes à la tentation du mal. » Toureille Valérie, Crime et châtiment au Moyen Âge. V-XVe siècles, Paris, éditions du Seuil, 2013, p. 237.
22 Gonthier Nicole, op. cit., p. 264.
23 Morel Barbara, op. cit., p. 371-377.
24 « L’émotion relève du registre du mouvement – qu’elle en résulte ou qu’elle le produise, elle est dans le mouvement. » Rimé Bernard, Le partage social des émotions, Paris, PUF, 2005, p. 54.
25 New York, Morgan Library, M. 302, Psautier Ramsey, fol. 2 v°, 1300-1310 (figure 3).
26 « Dans les illustrations des psautiers, les sbires qui arrêtent le Christ ont des têtes de chiens, par allusion aux psaumes 22 :17 : « une meute de chiens m’a entouré », Réau Louis, Iconographie de l’Art chrétien, Nouveau testament, vol. 2, New York, Kraus-Reprint, 1988, p. 434.
27 Manchester, John Rylands University of Manchester, lat. 24, Missel d’Henri de Chichester, fol. 150 v°, 1250; Londres, British Library, Roy. 1. D.X., Psautier, fol. 5 v°, 1210; New York, Morgan Library, M. 43, Psautier, Huntingfield, fol. 22 v°, 1210-1220 (figure 6); New York, Morgan Library, M. 756, Psautier Cuerden, fol. 7 v°, 1270; New York, Morgan Library, M. 730, Psautier/heures de Boisleux et Neuville-Vitasse, fol. 14 v°, après 1246 (figure 5); New York, Morgan Library, M. 729, Psautier de Yolande de Soissons, fol. 323 v°, dernier quart du XIIIe siècle.
28 Hague, Koniklijke Bibliotheek, 76 F 13, Psautier de Fécamp, fol. 21 v°, 1180; Manchester, John Rylands University of Manchester, lat. 24, Missel d’Henri de Chichester, fol. 150 v°, 1250; New York, Morgan Library, M. 756, Psautier Cuerden, fol. 7 v°, 1270.
29 Jacob Robert, op. cit., figure 96 : illustration du livre IV des Institutes ; figure 97 : BM, Avignon, ms. 749, fol. 33 V° (XIVe siècle). Voir aussi : Devisse Jean et Mollat Michel, L’image du noir dans l’art occidental, Fribourg, Office du livre, 1979.
30 Cambridge, St John College, D. 6, fol. 30 v°, 1210-1220.
31 Bellanger Christine, op. cit., p. 151, note 15.
32 Par exemple dans la miniature du folio 119 décorant le manuscrit de Yates Thomson 13 commentée ibid., p. 155-156, figure 153.
33 Ibid., p. 150.
34 Ce motif a toute sa place dans le nouveau chantier de l’histoire auditive ouverte par les historiens allemands et mériterait un traitement plus approfondi et systématique, Offenstadt Nicolas, « L’histoire auditive, un nouveau chantier, quelques remarques », in Chauvaud Frédéric et Prétou Pierre (dir.), Clameur publique…, op. cit., p. 29-34.
35 Prétou Pierre, « Le cri de justice », in Prétou Pierre, Crime et justice en Gascogne, Rennes, PUR, 2010.
36 « Encadrée par la norme, la mobilisation de voisins adopte une forme judiciaire parfaitement enchâssée dans la procédure pénale : la clameur de biafore. » Ibid., p. 86.
37 Ce rôle de régulateur de la justice a clairement été mis en évidence par Claude Denjean dans son article « Identités et jeu des émotions devant la justice du Roi d’Aragon. Prêteurs juifs et courtiers chrétiens », in Boquet Damien et Nagy Piroska (dir.), Politiques des émotions au Moyen Âge, Florence, SISMEL/Edizioni del Galluzzo, 2010, p. 275-305.
38 Hague, Koninklijke Bibliotheek, 76 F 13, Psautier de Fécamp, fol. 21, 1180; Londres, British Library, Add. 17687, no 10, 1246-1250; Londres, British Library, Egerton 1151, fol. 95 v°, 1260-1270; Londres, British Library, Add. 49999, fol. 1 r°, 1240-1250; Manchester, John Rylands University Library of Manchester, lat. 24, fol. 150 v°, 1250; New York, Morgan Library, M. 756, fol. 7 v°, 1270; New York, Morgan Library, M. 101, fol. 19 r°, 1260-1270; New York, Morgan Library, M. 3, fol. 79 r°, fin XIVe-début XVe siècle (Judas porte une capuche); New York, Morgan Library, M. 46, fol. 64 v°, 1420; New York, Morgan Library, M. 866, fol. 64 r°, 1415-1420; Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 1186, fol. 23 v°, 1220-1226; Princeton, University Library, Garrett 35, fol. 6r, 1300; Princeton, University Library, Garrett 48, fol. 20 r°, 1415.
39 New York, Morgan Library, M. 729, Heures de Yolande de Soissons, fol. 323 v°, dernier quart du XIIIe siècle.
40 Besançon, Bibliothèque municipale 54, Psautier de Bonmont, fol. 11v, 1260 (figure 4) ; Cambridge, Museum Fitzwilliam, 300, Psautier/Heures, fol. 177 v°, 1260-1275 ; Cambridge, Museum Fitzwilliam, 288, Psautier/Heures, fol. 140 v°, 1280-1290 ; Liverpool, Museum Mayer 12004, Psautier, fol. 8 v°/p. 16, 1225-1235 ; Londres, British Library, Add. 17687, Psautier de Würzburg, no 10, 1246-1250 ; Londres, British Library, Lansdowne 420, Psautier, fol. 11 v°, 1220-1230 ; New York, Morgan Library, M. 280, Psautier, fol. 3 r°, 1235-1250 ; New York, Morgan Library, M. 275, Psautier, fol. 3 v°, 1225-1249 ; New York, Morgan Library, M. 440, Psautier/heures, fol. 12 v°, 1261 (figure 7) ; New York, Morgan Library, M. 101, Psautier de Beauvais, fol. 19 r°, 1260-1270 ; New York, Morgan Library, M. 183, Psautier/Heures de Lambert le Bèque, fol. 213 r°, 1280-1290 ; New York, Morgan Library, M. 97, Psautier, fol. 15 v°, 1260-1270 ; New York, Morgan Library, M. 739, Livre de prières, fol. 23 r°, 1204-1219 ; New York, Morgan Library, M. 113, Psautier, fol. 36 v°, seconde moitié du XIIIe siècle ; Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum, 56632, Psautier, fol. 44 v°, 1250-1275.
41 La question de l’antijudaïsme ou de l’antisémitisme au Moyen Âge est vaste et complexe. Le Moyen Âge a-t-il été antisémite ? La question n’a toujours pas trouvé de réponse unanime, du moins en ce qui concerne l’hypothétique césure entre l’antijudaïsme, constitutif au christianisme et élaboré intellectuellement à l’époque patristique et l’antisémitisme proprement dit. Robert I. Moore parle d’« apparition de l’antisémitisme » dès le XIe siècle, où un changement général d’atmosphère est perceptible, Moore Robert I., La persécution, sa formation en Europe Xe -XIIIe siècles, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 37 et 40. Alain Boureau montre en quoi, à la fin du XIIe siècle, la légende de Judas a été un catalyseur des germes antisémites : Boureau Alain, « L’inceste de Judas. Essai sur la genèse de la haine antisémite au XIIe siècle », in Collectif, L’amour de la haine, Paris, Gallimard, 1986, p. 41-67.
42 Blumenkranz Bernhard, Le Juif médiéval au miroir de l’art chrétien, Paris, Études augustiniennes, 1966 ; Zafran Eric, The Iconography of Antismitism. A study of the representation of the Jews in the Visual Arts of 1400-1600, Ph. D. Thesis, New York, New York University, 1973; Camille Michael, The gothic Idol, Ideology and Image Making in Medieval Art, Cambridge, Cambridge University Press, 1989; Mellinkoff Ruth, Outcasts: signs of Otherness in Northern European Art of the late Middle Ages, 2 vol., Los Angeles, Berkeley, 1993; Lipton Sara, Images of Intolerance. The representation of Jews and Judaim in the Bible moralisée, Berkeley/Los Angeles/Londres, University of California Press, 1999; Mellinkoff Ruth et Lipton Sara, « The Root of All Evil: Jews, Money and Metaphor in the Bible moralisée », Medieval Encounters, no 1, 1995, p. 301-322.
43 Soussen-Max Claire, « Violence rituelle ou émotion populaire ? Les explosions de violence antijuive à l’occasion des fêtes de Pâques dans l’espace aragonais », in Boquet Damien et Nagy Piroska (dir.), op. cit., p. 149-168.
44 Kasser Rodolphe, Meyer Marvin et Wurst Gregor (dir.), The Gospel of Judas, Washington, National Geographic, 2006.
45 Au IIe siècle après J.-C., Celse l’exploite d’ailleurs comme argument anti-chrétien : comment le fils de Dieu aurait-il pu être trahi par un de ses propres disciples. Origène, Contre Celse, S.C. 132 [M. Bonet, 1968], p. 337.
46 «Sed Ioannem amor sui contemptus sindonis profugum denudauit Iudam magistri odium morbus auaritiae reatus sceleris eneruauit», Haruengt Philippus de, Commentaria in Cantica canticorum lib. 3, lin. 50, P.L. 203 (1855), col. 316; «Denique Iudas proditor qui magistrum aliquandiu inter apostolos est secutus ad ultimum usque ad proditionem et odium insanabile persecutus», ibid., lib. 3, lin. 35, col. 320.
47 « Nec potuit iniquitas nisi quantum permisit caritas. Judas Christum, vel Judaeus, morti tradidit, et hoc ex maligna iniquitate. Tradidit Pater Filium, tradidit et se Filius, et hoc ex caritate. » Forda Balduinus de (Balduinus Cantuariensis), Tractatus de sacramento altaris, S.C. 93 (J. Leclercq/J. Morson/H. de Solms, 1963), pars. 2, cap. 1, p. 170.
48 «Ore suo benedicebant, et corde suo maledicebant», Meditatio in passionem et resurrectionem Domini (attribué à Bernard de Clairvaux), cap. VII, P.L. 184 (1879), col. 752.
49 « Son felon quier ne pot celer », La Passion des Jongleurs, texte établi d’après la Bible des sept estaz du monde de Geufroi de Paris, édition critique par Anne Joubert et Amari Perry, Paris, Beauchesne, 1981, vers 86-87.
50 « A ficto eius corde Christus vel Christi spiritus fugit », Tuitiensis Rupertus, De sancta trinitate et operibus eius, lib. 23, In libros Regum II, CM 22 (R. Haacke, 1971-1972), p. 1286.
51 « Utique peccabat in eum Iudas frater fictus, quia festinabat tradere eum », Tuitiensis Rupertus, De gloria et honore filii hominis super Mattaheum, lib. 10, C.M. 29 (R. Haacke, 1979), lin. 672.
52 Bible moralisée de Vienne, codex 1179, fol. 14b reproduit in Lipton S., Images of Intolerance, op. cit., p. 25, figure 7.
53 Bible moralisée d’Oxford, fol. 8a ; Bible moralisée de Vienne, codex 2554, fol. 2v ; Paris, BnF, lat. 9471, fol. 16 v° -17, cité in Carré Yannick, Le baiser sur la bouche au Moyen Âge. Rites, symboles, mentalités, Paris, Le léopard d’or, 1992.
54 New York, Morgan Library, M. 43, fol. 22 v°, 1210-1220 (figure 6); New York, Morgan Library, M. 360, no 6, 1325-1335; New York, Morgan Library, M. 739, fol. 23 r°, 1204-1219.
55 Cambridge, Mus. Fitzwiliam, ms. 288, fol. 140 v°, Psautier, 1280-1290.
56 Londres, Palace Lambeth, ms. 1370, fol. 116, évangile de Macdurnam, 3e quart du XIIIe siècle.
57 Par exemple: New York, Morgan Library, M. 44, fol. 7 v°, 1175 (figure 2); New York, Morgan Library, M. 44, fol. 7 v°, 1175; New York, Morgan Library, M. 302, fol. 2 v°, 1300-1310 (figure 3); New York, Morgan Library, M. 730, fol. 14 v°, après 1246 (figure 5); New York, Morgan Library, M. 43, fol. 22 v°, 1210-1220 (figure 6).
58 Sous les trente deniers apparaissent la lanterne et les armes (une hallebarde et une masse d’arme) accompagnées du texte en moyen anglais : « The lanterne that they bare in lyght whan Cryst was taken in the nyght. » (Princeton, Library University, Taylor 17, fol. 3 v°, 1500.)
59 « Le nom de “frère du Seigneur” vient de ce qu’il passait pour lui ressembler tellement, que beaucoup les confondaient en les voyant. Aussi, lorsque les Juifs vinrent pour se saisir du Christ, pour éviter qu’ils ne prennent Jacques à la place du Christ, Judas qui, comme tous leurs familiers, savait distinguer les deux hommes, donna aux Juifs un signal par son baiser. » Voragine Jacques de, La Légende dorée, édition sous la direction d’Alain Boureau, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2004, p. 354.
60 Beauvais Vincent de, Speculum historiale, L. VIII, chap. 12 ; Mansel Jean, La fleur des histoires ; Ferrier Vincent, In die parasceves, fol. H 2, cité par Terwangne M.-C. de, Le personnage de Judas dans les mystères français, mémoire de l’université de Louvain, section de philologie romane, 1949, p. 59, notes 5-7.
61 Digulleville Guillaume de, Le pèlerinage de Jésus-Christ, in Digulleville Guillaume de, Trois romans-poème du XIVe siècle. Les pèlerinages et la Divine Comédie, Paris, Desclée de Brower et Cie, 1932, p. 249.
62 Hague, Koninklijke Bibbliothek, 76F13, fol. 21 v°, Psautier de Fécamp, 1180 ; Hague, Koninklijke Bibliotheek, 76 F 5, fol. 18 v°, début XIIIe siècle ; New York, Morgan Library, M. 302, fol. 2 v°, 1300-1310 ; New York, Morgan Lib., G. 50, fol. 28 v°, Heures, XIVe siècle ; New York, Morgan Library, M. 101, fol. 19, 1260-1270. Mais aussi : Londres, Society of Antiquaries, ms. 59, fol. 33 v° ; sculpture de la cathédrale de Chartres (façade ouest, embrasure) (1145-1155).
63 C’est à partir du XIIIe siècle que la couleur rousse entre « dans la panoplie emblématique de Judas » selon Michel Pastoureau, particulièrement en Allemagne : Pastoureau Michel, « L’homme roux. Iconographie médiévale de Judas », in Pastoureau Michel, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, éditions du Seuil, 2004, p. 197. De fait, les exemples existent depuis l’époque carolingienne, voire byzantine, et ils sont certes plus nombreux à partir du XIIIe siècle, mais je partage plutôt l’avis de Ruth Melinkoffqui date plus tardivement cette convention iconographique (op. cit., p. 50).
64 Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 1186, fol. 23 v°, 1220-1226 (figure 8). On retrouve ce même geste de Judas attirant un comparse, le regard glissant vers l’arrière, dans le Missel d’Henri de Chichester (Manchester, John Rylands University Library of Manchester, lat. 24, fol. 150 v°, 1250).
65 Amiens, Bibliothèque de la ville, 108, fol. 184 r°, 1197 (figure 1).
66 Besançon, Bibliothèque municipale, 54, fol. 11 v°, 1260 (figure 4). On retrouve ce même geste dans un livre de prières allemand du XIIIe siècle (New York, Morgan Library, M. 739, fol. 23 r°, 1204-1219).
67 Lemesle Bruno, « Dénoncer le crime aux XIIe-XIIIe siècles », in Charageat Martine et Soula Mathieu (dir.), Dénoncer le crime du Moyen Âge au XIXe siècle, Pessac, Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 2014.
68 Élisabeth Crouzet Pavan évoque le réseau d’informateurs qui, à Venise à la fin du XVe siècle, informe la magistrature chargée de la santé publique dans l’espoir d’une récompense (Crouzet-Pavan Élisabeth, La circulation des nouvelles au Moyen Âge, Rome/Paris, École française de Rome/Publication de la Sorbonne, 1994).
69 New-York, Morgan Library, M. 183, Psautier de Lambert le Bèque, fol. 213 r°, 1280-1290.
70 New York, Morgan Library, M. 199, fol. 143 v°, 1450-1560; New York, Morgan Library, M. 230, fol. 11r, 1435; New York, Morgan Library, H. 3, fol. 7 r°, fin XVe -début XVIe siècle; New York, Morgan Library, M. 263, fol. 1 r°, 1470.
71 C’est-à-dire de procédures judiciaires non plus basées sur l’accusation d’une supposée victime mais sur une enquête où les délateurs, informateurs, jouent un rôle important. Judas, en plus d’être un traditor, serait-il devenu l’accusator, delator, calumniator de Jésus ? Cette interprétation de l’homme à la bourse nécessiterait, pour être confirmée, une étude sérielle des images de la fin du Moyen Âge et une étude approfondie de la pratique de la récompense dans le cadre judiciaire dans les régions productrices des manuscrits.
72 Il a sa place, entre autres, dans le rituel des contrats (chap. vii), dans les rituels de paix (chap. viii), dans le rituel de l’hommage féodo-vassalique (chap. ix), dans le rite de la messe (chap. x), dans les rituels d’ordination (chap. xi), dans le rituel du sacre royal (chap. xii) et dans les rituels de l’adoubement chevaleresque (chap. xiii) (Carré Yannick, ibid.).
73 La Passion des Jongleurs, op. cit., vers 478. On retrouve ce baiser en : New York, Morgan Library, M. 739, fol. 23, Livre de prières, 1204-1219 ; New York, Morgan Library, M. 729, fol. 323 v°, Psautier de Yolande de Soissons, dernier quart du XIIIe siècle ; New York, Morgan Library, M. 360, no 6, Légendier hongro-angevin, seconde moitié du XIVe siècle ; Liverpool, Museum Mayer, 12004, fol. 8 v°, 1225-1235 ; Vienne, Nationalbibliothek, ser. Nov. 2596, fol. 73, Heures-psautier, début XIVe siècle ; New York, Morgan Library, M. 643, fol. 17 ; fol. 9 v°, 1315-1325.
74 Daniel Rops remarque qu’il est plus probable que le disciple ait embrassé la main de son maître comme le recommandait le Talmud (Rops Daniel, Jésus et son temps, t. II, Liège, Soledi, 1944, p. 187).
75 Carré Yannick, op. cit., p. 404.
76 Yannick Carré insiste sur le fait que Giotto s’écarte de la tradition médiévale dans la figuration du baiser de Judas. « Giotto fait du baiser l’élément central de la scène, mais Jésus et le traître sont figurés tous deux de profil : cette position, ainsi que la très forte expressivité des visages démarque l’œuvre italienne des conventions, alors en usage en France, dans les manuscrits. Chez Giotto, le regard du Christ exprime à la fois reproche, connaissance et compréhension. Le regard de Judas montre ses tourments intérieurs : une agressivité mêlée de peur et de respect, et la conscience du sacrilège. Les traits torturés de Judas opposés à ceux presque sereins du Christ renforcent cette impression. » Ibid., p. 405-406.
77 Hand Wayland Debs, A Dictionnary of words and idioms associated with Judas Iscariot, Berkeley, University of California publications, 1942, p. 333-334.
78 Rappel : elle correspond à près de la moitié du corpus de l’Index of Christian Art (47 %), tandis que la Cène ne représente que 27 % et le suicide 7,5 %.
79 Il est même représenté au côté de la sidération des soldats dans un livre de prières allemands du XIVe siècle (Hannover, Museum Kestner, WM Ü 22, fol. 28 v°, 1330).
80 Hand Wayland D., op. cit., p. 296.
81 « Osculum enim semper esse signum delectionis: hoc iniquus Judas permutavit in signum traditionis. » Speculum humanae Salvationis, I, 18, Mulhouse, éd. Lutz et Perdrizet, 1907, p. 38 (ibid., p. 333).
82 « And custe him Judases cos; and sore him there as love », South England Legendary, 1290 (ibid., p. 333-334). Shakespeare pérennise l’expression en Angleterre (« Mairy, his hisses are Juda’s own children », ibid.).
83 « And thus the Lord or the Lady hireth costly a false Judas to his confessor. » Matthew F. D., The English Works of Wyclif Hitherto Unprinted (EETS, orig. ser., LXXIV, Londres, 1880, p. 65), ibid., p. 309. En France, Molière l’utilise dans Le Bourgeois gentilhomme, mais l’expression est déjà désuète : « Que cela est Judas ! » (III, 10) (ibid.).
84 « Quare ad missam mortuorum pax non datur, triplex assignatur ratio. Prima est, quoniam hoc officium, ut dictum est, triduanam Christi sepulturam significat, ubi pax non datur propter osculum Jude. » Beleth Iohannis, Summa de ecclesiasticis Officiis, cap. 161, g, C.M. 41A (H. Douteil, 1976), p. 316.
85 Durand Guillaume, Rational, IV, chap. 53, 6, trad. Barthélémy, Paris, L. Vivès, 1854. Jean Golein (1372) traduit : « Et ceulx qui s’entrebaisent en ceste paix et s’entreheent faignent le baiser de Judas et s’y proporcionnent et l’ensuivent », cité par Carré Yannick, op. cit., p. 231.
86 Londres, British Library, Lansdowne 420, fol. 11v, Psautier, 1220-1230.
87 « Et voilà que s’étant acquis un domaine avec le salaire de son forfait, cet homme est tombé la tête la première et a éclaté par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues. » (Ac I, 18.)
88 « Merito autem per sedem doli viscera funduntur, non per locum osculi, id est os quo osculatus est Jesum. » Strabon, Glosa ordinaria, Actus Apostolarum, pl. 114, col. 429.
89 New York, Morgan Library, M. 730, Psautier de Boisleux-Neuville Vitasse, après 1246 (figure 5).
90 Boureau Alain, op. cit., p. 274.
91 Aquin Thomas d’, Somme théologique, II. II, quaest. 64, De homicidio, art. 5, Paris, éditions du Cerf, 1984-1986, p. 428.
92 Morel Barbara, op. cit., p. 19.
93 Ibid., p. 14. La comparaison avec l’iconographie judiciaire exigerait une étude comparative approfondie des manuscrits juridiques, coutumiers ou manuscrits de droit romain, mais aussi des chroniques.
94 Chenu Marie-Dominique, « Le réveil évangélique ». La théologie au XIIe siècle, Paris, Vrin, 1966, p. 252-273.
95 Morel Barbara, op. cit., p. 30.
96 François Garnier indique que c’est ce geste qui désigne qu’on a fait de quelqu’un son prisonnier, la main sur l’épaule suggérant davantage une invitation, mais pouvant aussi exprimer la contrainte : Garnier François, Le langage de l’image au Moyen Âge. Signification et Symbolique, t. I, Paris, Le léopard d’or, 1982, p. 191-190.
97 Londres, British Library, Egerton 1151, fol. 95 v°, Livres d’Heures, 1260-1270; New York, Morgan Library, M. 302, fol. 2 v°, Psautier Ramsey, 1300-1310; New York, Morgan Library, M. 756, fol. 7 v°, 1270; New York, Morgan Library, M. 101, fol. 19 r°, Psautier de Beauvais, 1260-1270; New York, Morgan Library, M. 730, fol. 14 v°, après 1246.
98 Jacob Robert, op. cit., p. 140.
99 Londres, British Libray, Roy. 2. B. VII, fol. 244 v°, Psautier de la reine Mary, 1310-1320.
100 New York, Morgan Library, M. 44, fol. 7 v°, Psautier, 1175 (figure 2).
101 Amiens, Bibliothèque de la ville, 108, fol. 184 r°, Bible de Pampelune, 1197 (figure 1).
102 Bamberg, Staatsbibliothek, Bibl. 48, fol. 62 v°, Psautier de Bamberg, 1225-1240.
103 Dublin, Chester Beatly Library, W. 82, fol. 41 r°, Livre d’Heures, 1443; Hague, Koninklijke Bibliotheek, 76 F 13, fol. 21 v°, 1180; New York, Morgan Library, M. 259, fol. 18 v°, Livre d’Heures, 1400-1415; New York, Morgan Library, M. 84, fol. 34 v°, Livre d’Heures, 1465; New York, Morgan Library, M. 97, fol. 15 v°, Psautier, 1260-1270.
104 Liverpool, Museum Mayer 12004, fol. 8 v°, Psautier, 1225-1235; New York, Morgan Library, M. 268, fol. 30 v°, fin XIVe siècle; New York, Morgan Library, M. 88, fol. 175 v°, Psautier-Heures, 1370-1380; Princeton, University Library, Garett 35, fol. 6 r°, Psautier, 1300; New York, Morgan Library, M. 945, fol. 47 r°, Heures de Catherine de Clèves, 1440.
105 Gauvard Claude, « De grace especial ». Crime, état et société en France à la fin du Moyen Âge, t. II, Paris, Publications de la Sorbonne, 1991, p. 726-727.
106 « Entraver une personne était un fait grave et la force des liens employés allait avec la gravité que le cas supposait. » Prétou Pierre, Crime et justice en Gascogne…, op. cit., p. 97.
107 New York, Morgan Library, M. 283, fol. 16 v°, Psautier, 1228-1247; New York, Morgan Library, M. 179, fol. 27 v°, Livre d’Heures, 1480-1500; New York, Morgan Library, M. 166, fol. 31 r°, Livre d’Heures, 1500-1510.
108 New York, Morgan Library, M. 230, fol. 11 r°, Biblia pauperum, 1435; New York, Morgan Library, M. 156, fol. 7 v°, Livre d’Heures, 1500; Princeton, University Library, Garett 57, Livre d’Heures, 1500; New York, Morgan Library, M. 385, fol. 20 v°, Speculum Humanae salvationis, milieu XVe siècle (la corde semble passée autour de la poitrine du Christ).
109 Pratique judiciaire à l’usage d’Auvergne, Bibliothèque nationale, ms. fr. 4367, fol. 55 v°, vers 1483 (Jacob Robert, op. cit., figure XVI).
110 Arras, Bibliothèque de la ville, 38, fol. 105 v°, 1250 ; Arras, Bibliothèque de la ville, 49, fol. 82 v°, 1225-1249 ; Londres, Westminster Abbey, 37, fol. 157 v°, 1383-1384 ; New York, Morgan Library, M. 131, fol. 67 r°, 1480.
111 Jacob Robert, « La colonne du monde », in Jacob Robert, Image de la justice…, op. cit., p. 39-58.
112 Ibid., p. 50.
113 New York, Morgan Library, M. 44, fol. 7 v°, 1175, figure 2; New York, Morgan Library, M. 97, fol. 15 v°, 1260-1270; Liverpool, Museum Mayer, 12004, fol. 8 v°, 1225-1235. Un panneau d’autel en bois peint (Sargàs) conservé au musée diocésain de Solsana et daté de la fin du XIIe siècle juxtapose l’Arrestation et la Crucifixion. Le parallélisme des bras ouverts y est saisissant.
114 ° Amiens, Bibliothèque de la ville, 108, fol. 184 ro, 1197.
115 Manchester, John Rylands University Library, lat. 24, fol. 150 v°, 1250. Un autre exemple antérieur à notre corpus, l’évangéliaire de Mathilde de Canossa, comtesse de Toscane, figure le Christ tenant un rouleau dans chacune des mains. à droite : « Tan[] qu[am] ad latr[o] nem existis cu[m] gladiis e [t] fustib[us] c [om] pre[n] dere me » (Mt 26 :55) et « Si ergo m [e] q [ue] ritis sinite hos abire » (Jn 18 :7) ; à gauche : « Amice ad qu[i] venisti » (Mt 26 :50) et « Osculo Filium Hominis tradis » (Luc 22 :48) (New York, Morgan Library, M. 492, fol. 100 V°, fin XIe siècle).
116 Londres, British Library, Lansdowne 420, Psautier, fol. 11 v°, 1220-1230.
117 New York, Morgan Library, M. 769, fol. 287 v°, 1360; New York, Morgan Library, M. 87, fol. 198 r°, 1440.
118 À la fin du Moyen Âge surtout. Melinkoff Ruth, Outcasts: Signs of Oherness in Northern European Art of Late Middle Ages, vol. 1, Oxford, University of California Press, 1993, p. 154-155.
119 Amiens, Bibliothèque de la ville, 108, fol. 184 r°, 1197; New York, Morgan Library, M. 43, fol. 22 v°, 1210-1220; New York, Morgan Library, M. 521, no 3 v°, 1155-1160; New York, Morgan Library, M. 153, fol. 119 r°, 1228-1234; Princeton, University, Garrett 35, fol. 6 r°, 1300.
120 « L’essorillage sanctionne au Moyen Âge le vol de faible importance. » Il est attesté dans différentes coutumes. « Il semble donc que cette pratique ait été largement répandue dans la majeure partie du pays et durant l’ensemble de la période qui nous intéresse (XIIIe-XVe siècles). » Le Bail Marie-Laure, « Le droit et l’image : sur un cas d’essorillage », Médiévales, vol. 4, no 9, 1985, p. 103.
121 New York, Morgan Library, M. 97, fol. 15 v°, 1260-1270.
122 En dehors de notre corpus, un manuscrit carolingien d’origine mosane représente allégoriquement l’arrestation/trahison par la confrontation d’un agneau derrière lequel se trouvent douze hommes (les apôtres) et d’un loup, suivi de six hommes portant des bâtons (la troupe) (Antwerp, Museum Plantin-Moretus, M. 17.4, Sedulius, Carmen paschale, fol. 33 r°, IXe siècle).
123 Jacob Robert, op. cit., p. 56.
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