Chapitre 8. De nouveaux militants et de nouvelles pratiques syndicales (1947-1958)
p. 347-386
Texte intégral
1Pendant la IVe République, l’ensemble du système politique fait rejouer des clivages anciens ; l’Occupation elle-même n’est une référence que dans la mesure où elle permet de renforcer les failles antérieures et non quand elle aurait pu contribuer à les faire disparaître. En même temps, apparaissent des hésitations, des tensions entre permanence et rupture ; tout le champ social est traversé par cet écartèlement, en particulier le monde des militants.
2L’Occupation avec les prises de position qu’elle a entraînées dans la collaboration ou dans la résistance, fait ressortir la nécessité impérieuse de s’engager. Certes, cela ne concerne toujours qu’une minorité, mais ce qui est nouveau c’est que de nouvelles catégories se sentent concernées. En effet, avant la guerre, les militants sont des ouvriers, des enseignants, parfois quelques employés et pratiquement jamais de femmes. Le militantisme d’extrême-droite, quant à lui, touche une autre clientèle et est marginal dans son propre milieu.
3Après la guerre, s’engager1, participer à la vie de la cité sous toutes ses formes devient essentiel. Les anciens résistants plus que d’autres sont peut- être désireux de prolonger leur engagement volontaire du temps de guerre ; s’ils y sont plus sensibles, cela ne veut pas dire qu’ils s’engagent tous dans une action militante après la guerre2. Sans que l’on puisse faire la moindre estimation chiffrée, il est certain que nombre de dirigeants de partis, de syndicats ou de divers mouvements sont d’anciens résistants.
4Ce militantisme concerne désormais non seulement le monde ouvrier et enseignant et la gauche en général, mais aussi les étudiants, les classes moyennes, les agriculteurs et le monde catholique qui renouvelle profondément son engagement dans le monde laïque sous la double influence de l’Action catholique spécialisée et du personnalisme d’E. Mounier s’exprimant dans la revue Esprit. Désormais, les catholiques entendent vivre et dire leur foi non pas dans le milieu protégé de l’Église et de ses institutions satellites, mais dans le monde c’est-à-dire un monde laïque dont les références, les comportements sont différents et les contraignent à s’interroger, à se remettre en question. L’extension du militantisme à de nouvelles couches sociales se produit dans une société qui est identique à celle d’avant- guerre et différente. Identique parce que dans les années cinquante, on ne constate guère encore de changement dans les rapports entre les classes sociales, on ne voit guère apparaître de nouveaux métiers. Mais elle est différente parce que l’État intervient de plus en plus dans la société (les nationalisations, la Sécurité sociale) ce qui transforme les relations avec cette nouvelle autorité de tutelle. De plus, ces catégories sociales sont aussi celles qui voient leur environnement changer. Les agriculteurs découvrent un nouveau syndicalisme et un nouveau marché après 1949 ; les étudiants dont les effectifs ne cessent d’augmenter prennent conscience de leur poids intellectuel en cherchant des modèles auprès de leurs aînés. Quant aux classes moyennes, elles se rendent compte peu à peu de leur poids spécifique dans la société française, en particulier, les cadres moyens, rouages essentiels de la modernisation. Les uns et les autres se prennent en charge eux- mêmes, de plus en plus conscients que leur bien-être, l’amélioration de leur condition de vie dépendent aussi d’eux, tout comme les progrès de la démocratie dont la dernière guerre vient de rappeler l’importance.
5Est-ce à dire que toute forme ancienne d’investissement personnel disparaît ? Non, mais il se laisse peu à peu envahir et transformer par un « militantisme nouveau ». Cela se traduit dans les conflits sociaux mais plus encore dans les organisations syndicales elles-mêmes.
Les conflits sociaux dans un département sous-industrialisé
6En 1946 et plus encore en 1947, naissent les premiers conflits sociaux importants de l’après-guerre provoquant une nouvelle scission syndicale, tandis que les années cinquante connaissent certes des crises sociales aiguës mais avec un début de détente dans certains secteurs économiques grâce aux premières retombées de la croissance économique.
1947 : la crise sociale, syndicale et politique
7Dans le monde, 1947 marque la naissance de la guerre froide avec toutes ses répercussions tant extérieures qu’intérieures ; en France, cette année-là est la première année de la IVe République, celle de la rupture du tripartisme, du développement de la guerre d’Indochine et des émeutes à Madagascar. L’Ille-et-Vilaine subit naturellement le contre-coup de cette évolution générale, mais ce département réagit souvent avec plus de modération qu’ailleurs. Il ressent cependant cette triple crise sociale, syndicale et politique.
8— Les prémisses
9Le rationnement est toujours de rigueur et l’inflation persiste ce qui amène le gouvernement à prendre des mesures pour abaisser autoritairement les prix. Elles ne suffisent pas provoquant une multiplication des grèves. En même temps, la reconstruction est loin d’être achevée non seulement à Saint-Malo, mais aussi à Rennes et à Fougères. Tout reste difficile dans la vie quotidienne, économique et sociale. Si l’expression du mécontentement peut être à peu près jugulée en 1946 en invoquant la nécessité de produire pour reconstruire le pays3, ce mécontentement latent explose à la première occasion en 1947. Rappelons qu’au début de l’année 1947, le syndicalisme atteint 30 000 membres pour la CGT et 7 000 pour la CFTC.
10Les trois premiers mois de l’année 1947, les revendications concernent aussi bien les prix que les stocks illégaux ou l’absence de certains produits (huile, beurre, lait, café, thé, savon, poisson, charbon, viande). À l’énumération de cette liste, certains paradoxes apparaissent et expliquent l’exaspération de la population ; comment pourrait-elle accepter qu’un département producteur de produits d’élevage bovin puisse manquer de beurre, de lait et de viande !, qu’un pays maritime n’ait pas de poisson, alors qu’il peut sembler plus logique de manquer de thé ou de café.
11La persistance de ces difficultés provoque la multiplication des revendications salariales4. De ce fait, toutes les catégories de travailleurs à tour de rôle se mettent en grève et protestent contre tel ou tel aspect de leur situation qui leur est particulièrement pénible à supporter. Successivement déclenchent des grèves ou font des démarches multiples auprès des autorités : les ouvriers des Cuirs et Peaux de Fougères, les fonctionnaires PTT, ceux des Anciens Combattants5, l’ensemble des fonctionnaires, les personnels communaux, les transporteurs routiers, les détaillants de carburants, les étudiants en chirurgie-dentaire, les médecins et les vétérinaires, les maréchaux-ferrants, les bouilleurs de crû, les instituteurs, les invalides du travail, les retraités de l’État, etc. Ces revendications et ces grèves de courte durée le plus souvent sont plutôt des avertissements ; toutes les villes du département s’embrasent et pas seulement la préfecture6. On peut préciser les motifs et la chronologie de ces mouvements sociaux7. On compte onze manifestations ou grèves en trois mois soit environ une par semaine. La cause la plus fréquente est l’insuffisance des salaires par rapport à la hausse des prix; le pouvoir d’achat est le point central de tous ces mouvements sociaux. Dans d’autres secteurs, des revendications plus spécifiques existent, liées à une économie très fragile où le rationnement est nécessaire. Dans ce cadre, toute mesure gouvernementale vient bousculer ce fragile équilibre telle que la création d’un secteur libre à côté du secteur réglementaire dans le domaine des carburants ou la lenteur de l’attribution des automobiles aux « prioritaires » que sont les médecins et les vétérinaires. Ce mécontentement, ces grèves témoignent d’une exaspération croissante de la population devant la prolongation d’une situation économique désastreuse qui se répercute sur la vie quotidienne et est de plus en plus mal supportée.
12— Un printemps agité
13La lourde atmosphère sociale des trois premiers mois de 1947 s’aggrave encore dans les mois suivants. La politique de baisse des prix commencée par le gouvernement échoue et le pouvoir d’achat ne cesse de diminuer depuis 19458. Le ravitaillement alimentaire est toujours aussi aléatoire pour des produits de première nécessité comme la viande, le beurre, l’huile, le blé. Le manque de blé est général dans la région et le problème de la soudure se pose avec acuité dans toutes les villes. Mais les produits industriels eux aussi manquent gravement et sont chers. Dans ce contexte de mécontentement avec en même temps sur le plan national le début des grèves chez Renault (fin avril), se déroule le premier mai. Celui-ci est marqué par d’importantes manifestations organisées par la CGT qui est alors le principal syndicat même si la CFTC la concurrence de plus en plus, accroissant son audience. Rennes et Saint-Malo connaissent des manifestations9, tandis que des meetings sont organisés à Redon, à Vitré, à Montfort, à Fougères. Les ordres du jour exigent un salaire minimum vital, la généralisation des primes au rendement pour « restituer aux travailleurs une part légitime du revenu des entreprises » ; ils réclament aussi une lutte plus sévère contre les hausses illicites, contre les spéculateurs et contre les intermédiaires inutiles.
14En mai et juin, à plusieurs reprises, la population s’empare dans des moulins de la farine qu’elle distribue aux boulangeries (à Saint-Briac, dans la région de Montfort) ; bien que le contexte économique et social soit différent, on ne peut s’empêcher de penser aux émeutes du xviie et du xviiie siècles dues à la disette. En 1947, le pain est toujours l’aliment de base de l’alimentation populaire. Peu à peu, les risques de troubles ne se cantonnent plus aux ouvriers et s’étendent aussi aux classes moyennes.
15Trois jours après la fête du Travail, intervient le renvoi des ministres communistes du gouvernement. Si l’agitation sociale n’a jamais cessé depuis le début de l’année, elle s’intensifie nettement à partir de cette date y compris en Ille-et-Vilaine. Les secteurs touchés sont ceux de la pêche fraîche (pêcheurs, détaillants), et de l’EDF-GDF pour le seul mois de mai. En juin, seize secteurs se mettent en grève : petits commerçants, marchands de bois, service administratif et commercial des entreprises industrielles, l’industrie hôtelière, les ouvriers du bâtiment, du bois, les sinistrés, les cheminots (roulants et sédentaires), les services municipaux et hospitaliers, les Anciens Combattants, les employés de banque, les ouvriers charbonniers, les employés de commerce, l’enseignement technique, les métallurgistes du département. Cette énumération reflète l’ampleur de la colère, du mécontentement de la population. Ces grèves les unes nationales, les autres locales concernent aussi bien le secteur privé que le secteur public, les salariés que le petit patronat. Toutes les villes sont concernées par ces manifestations et ces grèves. Leur durée est très variable de 24 heures à un mois et demi. Le paroxysme est atteint entre le 20 juin et la fin du mois. Les deux mêmes thèmes reviennent constamment : la hausse des salaires ou des pensions, la législation concernant le rationnement.
16À l’origine de ces actions, se trouvent aussi bien des organisations purement corporatives comme pour les commerçants ou les marchands de bois que des syndicats, principalement la CGT. Mais chez les cheminots par exemple, la CGT, la CFTC et la CGC (créée en octobre 1944) ont ensemble appelé à la grève10. Si l’union est réalisée pour les cheminots au niveau national et local, il n’en est pas de même pour la grève des services municipaux et hospitaliers du 13 juin car la CFTC n’y participe pas. En revanche, elle anime la grève des employés de banque, de même que celle des employés du commerce ; il est vrai qu’elle est particulièrement bien implantée dans ces milieux pour des raisons historiques11. A contrario, la CGT est à l’origine de la grève des métallurgistes. Si tel ou tel syndicat est à l’origine d’une grève, cela ne veut pas dire qu’il y ait eu désaccord total entre eux. Ainsi, pour les employés de commerce, la CFTC est rejointe par la CGT et elles fondent un comité de grève commun.
17L’Ille-et-Vilaine, habituellement peu enclin à l’extrémisme, au printemps comme pendant l’été, a un comportement semblable à l’ensemble du pays.
18— Le paroxysme automnal
19L’été entraîne un ralentissement mais non l’arrêt du mouvement social malgré les congés payés (de deux semaines). La période estivale n’apporte pas d’amélioration pour les habitants qu’il s’agisse de l’alimentation (manque de beurre et de margarine) ou de la hausse des prix (le pain par exemple) ; la baisse du pouvoir d’achat persiste.
20Sur le plan national et international, l’automne 1947 est celui de la « reprise en main » des PC après la réunion de Szklarska-Poreba du 25 septembre 194712. Le PCF, s’appuyant sur la majorité de la CGT relance les grèves et entretient une stratégie de la tension qui culmine fin novembre-début décembre 1947. Avec la dégradation de la situation politique, économique et sociale à l’automne, les mouvements sociaux ne peuvent que reprendre. Dès le début de septembre 1947, la CFTC de Rennes présente un plan de réorganisation du ravitaillement, avec en particulier l’établissement d’un véritable comité de salut public pour le ravitaillement. La CGT, elle, annonce une manifestation : deux méthodes différentes dès le début de septembre annonçant des divergences autrement plus graves.
21Les mêmes secteurs qu’en juin se retrouvent dans l’action en septembre. S’y ajoutent des manifestations de ménagères ; celles-ci se multiplient surtout à Saint-Malo, mais aussi à Rennes où en outre la CGT appelle à réclamer du pain13. Ce type de manifestations reprend celles organisées par la CGT, appuyée souvent par le FN ou l’UFF en 1945 dans d’autres départements14. Les sinistrés, comme dans le reste de la France, manifestent le 28 septembre dans les principales villes touchées par les bombardements, l’approche de l’hiver accentuant leur détresse. En octobre et novembre, cette agitation sociale se poursuit. Un tournant intervient à la mi-novembre après que le comité national de la CGT dénonce le plan Marshall comme « une partie d’un plan d’asservissement du monde aux trusts américains et de préparation à une troisième guerre mondiale »15. La CGT invite à constituer des comités de défense de la République. On assiste à un changement de nature de cette agitation sociale ; de grèves et de mouvements de revendications classiques, le mouvement se politise, suivant en cela l’impulsion donnée par le PCF. Cette politisation du mouvement est condamnée par la CFTC et par la tendance FO à l’intérieur de la CGT16.
22Après les événements de Marseille17, la grève des cheminots prend partout en France un ton plus vif ; la CFTC rejette fermement toute grève politique. Cette grève, à partir du 26 novembre 1947, prend à Rennes une signification politique certaine et est le lieu d’une vive confrontation syndicale. Un référendum interne à l’entreprise est organisé ; la grève est rejetée à Rennes18. Or, des piquets de grève (CGT) s’opposent au départ des trains si bien que la police occupe les points sensibles de la gare. La CFTC proteste « contre les méthodes antidémocratiques » de la CGT19, d’autant plus que la majorité des employés était à son poste de travail. Plusieurs incidents se produisent : quand des trains partent, des piquets de grève s’efforcent de les arrêter en occupant les voies, voire de « balancer » les feux des locomotives, actes considérés comme des actes de sabotage par la direction de la SNCF et par les Pouvoirs publics20. Dans le reste du département, si à Redon la gare est presque déserte, à Fougères et Saint-Malo, le travail est assuré presque normalement par les cheminots de même qu’à Dol-de-Bretagne21. Le conflit à la gare de Rennes révèle le durcissement des positions. En effet, deux jours après le début de la grève alors que la majorité des cheminots veut reprendre le travail, le trafic est toujours bloqué par les grévistes. Après une brève accalmie, le mouvement se durcit de nouveau ; le 3 décembre une manifestation de 1 500 à 2 000 grévistes veut bloquer le trafic ferroviaire qui vient de reprendre. Pour dégager la gare, la police intervient et les affrontements font trois blessés tandis qu’une vingtaine de manifestants est arrêtée22. En même temps, le mouvement de grève s’étend au bâtiment, à l’EDF, aux Anciens Combattants, aux instituteurs.
23À la suite de l’accident du Paris-Tourcoing près d’Arras, la grève cesse le 10 décembre 1947 mais sans qu’il y ait de véritable victoire des grévistes, bien au contraire. Ce mouvement de grève s’achève par une nouvelle scission syndicale et modifie durablement les relations entre les syndicats.
24— Bilan des grèves de 1947 en Ille-et-Vilaine
25Ce qui caractérise ces grèves de 1947, c’est qu’à la différence de celles de 1946 voire d’avant-guerre, elles participent pleinement d’un mouvement national et non de mouvements strictement locaux. Si le début de l’année est marqué par la multiplication des grèves ou des manifestations généralement indépendantes les unes des autres, dès le printemps, la plupart s’inscrivent dans un contexte national de revendications avec des mots d’ordre lancés par la CGT et la CFTC, voire la CGC. On assiste au cours de l’année 1947 à une « nationalisation » de l’agitation sociale à la différence de l’avant-guerre où les mouvements de revendication ont souvent un caractère local23. Pour la première fois, l’Ille-et-Vilaine suit de près ce qui se passe au niveau national avec une intensité à peine inférieure. Cette « nationalisation » du mouvement social est d’autant plus marquante que ces grèves d’abord strictement revendicatives deviennent plus politiques ; elles conduisent à des affrontements violents, y compris dans le département, puisque pour la première fois depuis le début du siècle, elles s’accompagnent d’affrontements avec la police, suivis d’arrestations. Cette violence, ces arrestations démontrent le caractère spécifique des grèves de l’automne 1947 en particulier dans l’histoire de ce département peu habitué à cette violence.
26L’antagonisme CFTC-CGT, encore modéré jusqu’à l’été 1947, éclate à l’automne lorsque les grèves se politisent. L’attitude de l’UD-CFTC, de l’UD-CGT et à l’intérieur de celle-ci, la tendance FO, est désormais complètement alignée sur celle de leurs confédérations respectives24. Par rapport à l’avant-guerre, l’alignement sur l’évolution générale française est réel de la part du mouvement ouvrier départemental.
Contexte économique et chômage dans les années cinquante25
27La France à la fin des années quarante est encore un pays épuisé et ruiné. La situation reste tendue et difficile économiquement jusqu’au début des années cinquante. Ce n’est que très progressivement que le pouvoir d’achat des Français dans leur ensemble remonte. Il en est de même dans le département où le rationnement subsiste comme partout jusqu’à la fin de 1949.
28En même temps la lenteur de la remise en route de l’économie, les difficultés à obtenir les matières premières contraignent certaines entreprises à fermer entraînant des licenciements partiels ou totaux.
29De 1946 à 1958 le chômage, d’après les chiffres officiels, varie de 1 200 personnes en décembre 1946 à 3 739 personnes en janvier 1955. 1946 et 1950 sont les deux seules années où il est inférieur à 2 000 personnes et il dépasse régulièrement les 3 000 personnes à partir de 1952. Mais qu’est-ce que cela signifie par rapport à la population active ? D’après le recensement de 1954, la population active était de 282 183, soit un taux de chômage par rapport à l’ensemble de la population active de 0,42 % en décembre 1946 et de 1,32 % en janvier 1955, taux le plus élevé. Toutefois, le chômage est pratiquement inexistant dans le monde agricole, la comparaison s’impose avec les secteurs secondaire et tertiaire. Or, en 1946, le taux est alors de 1,29 % et en 1955 de 4 %. Cette seconde approche change quelque peu la perspective, le chômage devient relativement important dans une France où le plein emploi domine ; il est une des causes des conflits sociaux pendant cette période. Encore importe-t-il de savoir qui sont les chômeurs.
30Le chômage est relativement fort à Rennes, Saint-Malo et Dinard ; Fougères est touchée plus irrégulièrement. Dans les trois villes précitées, le bâtiment est le principal employeur de la main-d’œuvre ouvrière et aussi de la main-d’œuvre non qualifiée. Le déblaiement, puis la reconstruction amènent dans ces villes une main-d’œuvre abondante dans le bâtiment. À Saint- Malo comme à Dinard, le déblaiement s’achève, si bien que la main-d’œuvre non qualifiée est la première frappée par le chômage. Cette analyse est confirmée par des chiffres partiels dont on dispose. En octobre 1949, le bâtiment a 398 demandeurs d’emploi dont 234 terrassiers et manœuvres (58 % environ) ; en 1953, 63 % de la main-d’œuvre sans emploi du bâtiment est concentrée dans la région malouine27. Le chômage de Fougères, lié comme de coutume à l’état de l’industrie de la chaussure, est dû au chômage saisonnier.
31D’autres entreprises que celles du bâtiment sont également touchées : tréfilerie, construction mécanique, mais aussi les TIV et les Tanneries de France. Les Tanneries de France créées en 1938 emploient environ 240 ouvriers et ouvrières en 1948 ; dès 1949, l’usine éprouve des difficultés et diminue ses effectifs en attendant la fermeture. Quant aux TIV, cette entreprise est déficitaire dès avant la guerre ; le Conseil général décide de mettre fin à l’exploitation des tramways à vapeur en attendant d’attribuer le monopole du transport des voyageurs et des marchandises dans le département à un groupe financier privé. 150 personnes sont licenciées en 1948. Les moins de quarante ans entrent généralement à la SNCF ; pour les autres, des emplois temporaires sont créés avec des salaires de débutants.
32Cette situation économique difficile en Ille-et-Vilaine provoque une dégradation du climat social. Certes, des allocations-chômage sont versées, mais elles sont loin de concerner tous les sans emploi28. Les syndicats CGT et CFTC demandent entre autres l’ouverture de nouveaux chantiers et diverses mesures techniques pour faciliter l’accès à l’allocation-chômage des jeunes demandeurs d’emploi. À l’été 1949, la JOC préconise des propositions assez novatrices en demandant un statut d’apprentissage assurant un métier à chaque jeune, des centres de formation professionnelle pour les jeunes au chômage sans qualification, une étude des débouchés principalement pour la main-d’œuvre féminine. Face à ces difficultés, de nombreuses négociations se déroulent avec les Pouvoirs publics pour obtenir divers aménagements, mais il ne se produit pas de mouvements de grève importants de 1948 jusqu’au début des années cinquante.
33— Une ville en crise : Fougères29
34Pendant ces années, Fougères connaît presque constamment une crise économique et sociale. Cette ville de mono-industrie comme toute ville de mono-industrie est extrêmement fragile. Or, le secteur de la chaussure est en crise à la fois à cause du manque de matières premières et de l’impécuniosité des détaillants, puis à cause de la concurrence étrangère. Le ralentissement de l’activité apparaît au printemps 1948 et persiste au cours des années suivantes. Devant cette situation, il se crée dès 1948 un cartel d’action « pour la défense de l’industrie de la chaussure, et de l’ensemble des grandes et petites revendications des travailleurs français » ; ce cartel comprend la CGT, la CFTC et le MPF. Il veut agir de concert auprès de la municipalité et des différentes autorités concernées par cette crise. Celle-ci est sensible à la fois par le nombre d’heures de travail accompli et par le nombre d’ouvriers, employés dans l’industrie de la chaussure.
35En deux semaines, la situation s’est considérablement dégradée puis- qu’au 1er mai ce sont 45 % des ouvriers qui travaillent moins de 25 heures par semaine tandis que près du cinquième des salariés du cuir ne travaille plus dans cette branche. Ce type de crise plus ou moins brève se renouvelle et est de plus en plus longue à se résorber.
Des conflits sociaux classiques et des particularités (1948-1958)
36La fin des années quarante sont encore des années de misère mais 1950 marque le début de grèves pour l’application des conventions collectives, puis les discussions sur les salaires, la suppression des abattements de zone31. La décennie des années cinquante voit une succession de conflits dont 1953 partout en France est le sommet.
37— Des conflits classiques (1948-1952)
38De 1948 à 1950, le problème majeur est celui de l’inflation et par conséquent du pouvoir d’achat des Français. Le gouvernement décide des augmentations de salaires successives mais insuffisantes. Il faut attendre l’extrême fin des années quarante pour que les séquelles de la guerre disparaissent en ce qui concerne le ravitaillement mais plus longtemps encore pour sentir une hausse du pouvoir d’achat et du niveau de vie. Cette situation suscite des grèves soit ponctuelles, soit plus longues. Les services publics sont ceux qui manifestent le plus souvent leur mécontentement : la fonction publique est de loin la plus oubliée lors de la revalorisation des salaires. Ainsi, à l’automne 1948, le 24 septembre, une grève de la fonction publique avec une manifestation de plusieurs milliers de personnes à Rennes est soutenue par les commerçants32. Tous les services publics sont en grève ainsi que quelques entreprises privées. Le soutien des commerçants témoigne des répercussions de ce faible pouvoir d’achat de la population sur la vie économique et sociale ; dès lors, fait rare, cette grève des fonctionnaires est légitimée dans l’opinion.
39À partir de 1950, les revendications changent. Elles se réfèrent à la loi du 12 février 1950 sur les conventions collectives qui réintroduit la liberté des salaires et adopte le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti), tandis qu’en 1952 est créée l’échelle mobile des salaires, permettant à ceux-ci de suivre la croissance du coût de la vie. C’est l’application de ces lois qui provoque une vague de grèves en particulier au printemps 1950. Ces grèves éclatent à l’EDF-GDF, dans la métallurgie, dans le secteur du bâtiment et dans les TER (société de transport de voyageurs)33. Les grèves commencent en mars 1950. Ces grèves sont parfois longues : 19 jours aux TER, 18 jours à l’EDF-GDF, une semaine environ dans la métallurgie et le bâtiment. Les grèves décidées par les syndicats font quelquefois l’objet d’un référendum34. La position des syndicats est souvent unitaire comme à l’EDF- GDF où la CGT, la CFTC, la CGT-FO, la CGC s’unissent dans leurs revendications du moins pendant quatre jours, après, la CGC se retire. Mais, si les quatre syndicats sont parfois unis, le cas le plus fréquent est l’alliance entre la CGT et la CFTC, alliance apparemment contre nature mais due à la puissance de la CFTC en Ille-et-Vilaine, que la CGT ne peut négliger35.
40Par la suite, les revendications portent sur le niveau du SMIG que la CFTC comme la CGT-FO estime insuffisant. Mais, c’est à la SNCF que l’action est la plus dure avec une grève totale décidée par tous les syndicats. La réquisition des cheminots divise leurs syndicats : la CFTC et la CGT- FO encouragent les cheminots « à se soustraire le plus longtemps possible aux ordres de réquisition qui pour être valables doivent toucher chaque personne individuellement » tandis que la CGT s’oppose « aux ordres de réquisition par un raidissement dans la lutte »36. Cette attitude adoptée par les UL de FO et de la CFTC est plus radicale que celle de leurs confédérations, sans doute en raison des 400 ordres de réquisition signés par le préfet qui n’ont fait qu’envenimer le conflit. La fonction publique n’est pas la seule touchée par le mécontentement au sujet des salaires. De nombreuses négociations se poursuivent dans le cadre des conventions collectives en 1951, particulièrement dans la métallurgie et le bâtiment, mais aussi dans l’industrie du froid, l’ameublement, chez les granitiers, chez les employés de commerce.
41Pendant ces cinq années, les conflits sociaux ne sont guère différents de ceux de la France et les syndicats tentent de retrouver un équilibre que 1953 rompt.
42— La rupture de 1953 et ses conséquences
431953 est une année de crise sociale à cause d’un niveau de vie peu satisfaisant favorisant la multiplication des revendications et des manifestations de mécontentement, en particulier lors de la fête du Travail. Dans ce contexte, l’annonce des décrets-lois de Laniel prévoyant le recul de l’âge de la retraite pour les fonctionnaires et réduisant les emplois de la fonction publique ne peut que déclencher une vague de protestation et de grèves dans toute la France.
44À l’appel de la CGT-FO, puis de la CFTC et de la CGT la grève est décidée pour le 6 août 1953 d’abord aux PTT, puis dans tous les services publics à partir du 7 août. L’ordre de grève est suivi à Rennes à 95 % si l’on croit les grévistes. Le 7 août, plus de 5 000 personnes assistent à la réunion organisée par les trois syndicats à Rennes37. Douze jours plus tard, une légère reprise se dessine dans le secteur public alors que le conflit s’est élargi au secteur privé par le biais des ouvriers du bâtiment. Mais, lorsque les postiers reprennent le travail le 21 août38, peu à peu les autres branches cessent la grève et le 25 août la reprise est générale. De ce conflit, la CGT- FO sort renforcée car elle s’est montrée capable d’initiative tandis que la CFTC montre ses divisions39.
45En effet, pendant le conflit, la CFTC (sur le plan national) a pris au début des grèves des positions dures ; quand la rupture des négociations intervient le 17 août, le MRP joue un rôle de « bons offices ». La confédération chrétienne est au cœur de ses tentatives en raison de ses liens privilégiés avec le MRP. Cette tentative fait rejouer le clivage majorité/minorité à tous les échelons de la confédération40. Dès le début de septembre 1953, la commission exécutive de l’UD-CFTC d’Ille-et-Vilaine « regrette » à la fois l’absence de résultats des grèves et l’attitude du président de la confédération et de son secrétaire général. Dans l’histoire de l’UD-CFTC, c’est un tournant car c’est la première fois qu’elle prend une position claire en faveur de la minorité. Le débat sur le fond porte sur les liens entre syndicalisme et politique. Au congrès d’octobre 1953 de l’UD, Robert Duvivier présente un rapport sur les « responsabilités politiques du syndicalisme » et affirme la nécessité de l’indépendance par rapport aux partis et tout spécialement par rapport aux « hommes politiques qui se considèrent comme étant de notre esprit qui s’associent en fait ou même suscitent une politique de restauration capitaliste en France et en Europe ». Cette volonté de rompre ses affinités trop fortes avec le MRP entraîne des désaccords puis la rupture en particulier avec le maire de Rennes41.
46Après ces grèves de 1953, les revendications salariales dominent toujours l’actualité sociale, mais à partir de 1956, l’on assiste à une certaine détente, même si elle est parfois remise en cause par les difficultés coloniales de la France d’où une flambée de grèves à l’automne 1957.
47— Résurgence des spécificités régionales
48Si tous les syndicats sont d’accord sur les revendications, c’est sur les modalités d’action que l’unité est difficile à réaliser. Entre la CFTC et la CGT, la désunion est très nette au niveau national. En Ille-et-Vilaine, l’unité d’action entre la CFTC et la CGT est plus fréquente, tandis que la CGT- FO reste toujours en dehors. Lorsque la désunion syndicale est totale comme le 28 avril 1954 avec une grève d’avertissement de 24 heures sans la CGT- FO, le taux de participation à la grève est très variable y compris dans le service public : 80 % à la SNCF, 70 % à EDF-GDF mais 2 % aux PTT et 10 % pour le Trésor42. La CGT-FO a ses places fortes dans ces deux services.
49En 1955, les événements de Loire-Inférieure43 entraînent des mouvements de revendication mais aussi de solidarité accompagnés de grèves dans les divers établissements métallurgiques du département. Cependant, des accords salariaux aboutissent comme dans le bâtiment. À partir de 1956, un tournant est pris. La nouvelle Assemblée nationale élue le 2 janvier 1956 met en œuvre des mesures nouvelles plus favorables aux salariés44. Cette attitude est rendue possible aussi par une conjoncture économique plus favorable, par l’atmosphère de confiance relative dont bénéficie le gouvernement de Guy Mollet de la part des syndicats45. Sur le plan régional, l’action du CELIB (Comité d’étude et de liaison des intérêts bretons) débouche sur le premier plan d’action régionale de France, publié le 13 juillet 1956 ; il va contribuer au décollage économique de la Bretagne, mais ce plan ne fait guère sentir ses effets avant 1960/1962, non sans de nombreuses discussions et non sans être en retrait par rapport au projet initial du CELIB46.
50L’accalmie dans les mouvements sociaux n’est pas totale mais elle dure jusqu’à l’automne 1957 qui connaît une nouvelle succession de grèves, liée à la conjoncture politique47. La pression sociale se fait plus vive avec des débrayages ou des grèves le 19 septembre, le 10 octobre, le 25 octobre, le 19 novembre ; tous ces mouvements se font en ordre dispersé. En octobre, la CFTC et la CGT sont à l’origine de ces mouvements, en novembre la CGT-FO. Là encore, comme dans les années précédentes, ce sont la CGT et la CFTC qui localement travaillent ensemble et la CGT-FO qui reste isolée.
51Après la Libération, les conflits sociaux sont dans l’ensemble des conflits qui s’inscrivent dans un mouvement national de contestation et de revendications ; rares sont les conflits strictement autonomes. Cette période est bien pour le département une période de « nationalisation », d’alignement vis-à-vis du comportement français. Lors des conflits, l’originalité est maintenue par le biais des alliances syndicales fréquentes entre la CFTC et la CGT, principalement en raison de l’équilibre particulier entre les forces syndicales dans ce département.
Les syndicats : développement, organisation (1947-1958/1960)
52Au lendemain de l’Occupation, les forces syndicales comme les partis se réorganisent. Les syndicats voient leurs effectifs croître rapidement et dépasser nettement ceux d’avant-guerre48. En Ille-et-Vilaine comme ailleurs, si les divergences d’analyse et de stratégie entre la CFTC et la CGT se confirment, 1947 montre l’ampleur des oppositions à l’intérieur de la CGT, provoquant la scission entre la CGT et la CGT-FO. Dans le département, la coexistence de trois syndicats dont deux frères ennemis peut permettre à la CFTC, second syndicat du département derrière la CGT, de devenir l’arbitre. Cette nouvelle situation contribue à la modification de l’équilibre des forces syndicales.
Les effectifs49
53Au lendemain de la guerre, la CGT regroupe les courants socialiste et communiste mais ce dernier l’emporte largement50. La CGT avec ses 30 000 adhérents domine le monde ouvrier face à une CFTC de 7 000 à 8 000 adhérents, mais peu à peu cette suprématie s’érode.
54Au vu de ces chiffres, pour la période 1945-1947, ils paraissent vraisemblables et se croisent pour la CFTC avec ceux de l’UD-CFTC. En revanche, on peut émettre des doutes sur la véracité de ceux des années suivantes. En effet, pour la période 1948/1960, on dispose des chiffres provenant des RG pour les trois syndicats (CGT, CGT-FO et CFTC) et pour cette dernière, de ceux provenant de l’UD-CFTC elle-même. Or, l’écart avec les chiffres que les RG donnent pour la CFTC est élevé51. De ce fait, les chiffres de ce tableau sont surestimés, mais faute de disposer d’autres chiffres pour la CGT et la CGT-FO, il est préférable de les conserver pour le tableau comme pour la courbe (graphique n°6) d’autant plus que les chiffres donnés par l’UD-CFTC montrent une évolution identique à celle due aux chiffres des RG. Bien que le nombre d’adhérents soit inexact, l’évolution générale est correcte.
55La courbe montre bien les effets de la scission et des grèves de 1947 sur les effectifs syndicaux ainsi que l’ascension irrésistible de la CFTC au détriment des autres syndicats. 1948 est une année noire pour la CFTC (-30 % de ses effectifs) comme pour la CGT, mais cette dernière se voit amputer des adhérents de la CGT-FO. De 1948 à 1954, le seul syndicat dont les effectifs croissent et même doublent, est la CFTC qui continue de creuser son avance après 1954 tandis que les deux autres syndicats ne connaissent qu’une faible hausse, voire stagnent. Si, à la fin de la période étudiée (1958/ 1960), la CGT est encore le syndicat dominant en Ille-et-Vilaine, c’est de peu et elle ne cesse de s’effriter ce qu’accélère par la suite la déconfessionnalisation de la CFTC qui devenue CFDT devient le premier syndicat du département et même de la région administrative52.
La CGT et la CGT-FO
56Au milieu des années cinquante, la CGT a toujours comme secrétaire départemental Émile Guerlavas, membre du PCF ; sur ses 11 000 à 12 000 adhérents, elle en aurait eu 1 500 appartenant au PCF ou sympathisants53. Ses sept UL sont à Rennes, Redon, Fougères, Saint-Malo, Dol, Vitré, Dinard et une union intersyndicale est constituée à Combourg. Son implantation est assez solide sur la côte et dans le nord de l’Ille-et-Vilaine ; ce sont ses fiefs des lendemains de la Libération et ceux du PCF en particulier à Dinard. Suivant les UL, ce ne sont pas toujours les mêmes fédérations qui sont les plus puissantes. À Rennes, Dol et Vitré, dominent les cheminots, la métallurgie à Redon, la chaussure à Fougères et le bâtiment à Saint-Malo. Cette répartition sans surprise correspond aux centres ouvriers de l’Ille-et-Vilaine ; avec la scission, la CGT a perdu toute influence chez les fonctionnaires qui ont rejoint la CGT-FO.
57Celle-ci est particulièrement forte chez les fonctionnaires et dans la chaussure54 ; excepté ces deux secteurs, l’influence de la CGT-FO est restreinte. Elle a des UL dans la préfecture et les sous-préfectures et de solides sections à La Guerche (hôpital et bâtiment) et à Saint-Marc-le-Blanc, centre granitier au nord du département55. Les PTT, le personnel communal lui fournissent l’essentiel de ses adhérents. Cette répartition socio-professionnelle correspond dans l’ensemble à celle qui est la sienne en France56. Son implantation très fragile repose parfois sur un trop petit nombre de militants. C’est ainsi qu’à Vitré, la CGT-FO qui a 130 adhérents en 1952, n’en a plus qu’une vingtaine en 1954, à la suite du départ d’un responsable à la fin de 1952. Cette fragilité de la CGT-FO est due en grande partie à son isolement puisqu’elle rejette toute action commune avec la CGT mais aussi avec la CFTC trop confessionnelle à son gré.
La CFTC57
58— Son implantation (carte n°23, p. 315)
59L’UD-CFTC est en pleine ascension. Implantée comme les précédents syndicats dans la préfecture et les sous-préfectures ainsi qu’à Dinard, ses effectifs sont géographiquement mieux répartis que ceux de la CGT. Cette dernière a 58 % de ses adhérents dans l’UL de Rennes alors que la CFTC n’y regroupe « que » 43 % de ses militants. De plus, ses UL de Saint-Malo, Vitré, et Fougères sont à peu près équilibrés avec 1 200 à 1 400 adhérents. Enfin, elle a des sections dans de petites communes comme à Combourg, Dol, Cancale, Le Minihic, Plerguer et les centres granitiers : là encore au nord du département.
60La répartition par branche professionnelle de la CFTC montre un même saupoudrage qui persiste dans les années suivantes. C’est ainsi que les effectifs sont à peu près les mêmes à l’UL de Rennes entre les PTT, le bâtiment, les banques. La CFTC par rapport à la CGT a une répartition plus équilibrée entre les différents secteurs et une particularité déjà présente au lendemain de la guerre58 à savoir l’existence d’ouvriers agricoles syndiqués à la CFTC. À l’UL de Vitré, ils représentent 30 % de l’effectif en 1954 et ne sont précédés que par les ouvriers en métaux. Cette forte présence de la CFTC chez les ouvriers agricoles est due à l’action des cadres, issus de l’Action catholique spécialisée.
61— Le rôle de la JOC et de la JAC59
62Les mouvements d’Action catholique spécialisés ont pris naissance avant 193960 mais n’ont pu encore donner leur mesure à cause de la guerre. Toutefois, dès les lendemains de l’Occupation, la CFTC puise parmi les anciens membres de la JAC ou de la JOC pour constituer ses cadres. La JOC, contrairement à la JAC, est strictement limitée aux villes comme à Fougères, Saint-Malo, Saint-Servan et Rennes. Il ne semble pas qu’il y ait eu d’autres équipes ailleurs. Saint-Malo et Saint-Servan ont chacune une équipe de la JOC et de la JOCF. Quant à Rennes, toutes les paroisses ont l’une ou l’autre ou les deux. Toutefois, la paroisse Notre-Dame qui dessert le quartier de la noblesse et de la vieille bourgeoisie rennaise, n’a qu’une équipe de la JOCF, le curé précisant qu’il s’agit uniquement d’employées de maison. Elles sont 43 en 1962 à y participer. Sur l’ensemble de la ville, 134 personnes appartiennent à la JOC et 243 à la JOCF. La JOC n’est pas présente dans les centres carriers ruraux ; elle est strictement citadine tout comme en 1939, mais les lacunes des sources ne permettent pas de savoir si dans les années cinquante son implantation s’est élargie. Les mouvements d’Action catholique spécialisés destinés aux jeunes sont tout naturellement dominés par la JAC-JACF reflétant bien les catégories sociales du département.
63Pour les mouvements destinés aux adultes, toujours d’après l’enquête de 1962, les renseignements les plus complets proviennent des villes pour lesquelles les équipes d’ACO et d’ACI sont clairement répertoriées. Dans une ville comme Rennes, l’ACO regroupe 258 personnes et l’ACI 288. Leur répartition géographique n’est pas la même et surtout leur poids ne correspond pas forcément au poids de leur catégorie sociale dans la ville. En effet, sur les treize paroisses que comprend la ville en 196261, l’ACI se concentre sur six paroisses, toutes sauf une dans le centre-ville, tandis que l’ACO est présente dans douze paroisses (seule la cathédrale n’a pas d’équipe d’ACO). Les équipes adultes des mouvements d’Action catholique spécialisés sont plutôt moins nombreuses que celles des jeunes sauf dans les villes. Ce phénomène s’explique par deux facteurs : le militantisme des adultes et les particularités des mondes urbain et rural. A priori, un jeune est plus disponible pour militer qu’un adulte dans la mesure où l’adulte, marié avec des enfants, un foyer a peu de temps à consacrer aux réunions, aux week-ends de formation, sauf tradition militante bien ancrée. Dans les villes, les horaires plus réguliers ou les revenus plus aisés peuvent aussi expliquer une plus grande disponibilité pour militer dans les mouvements d’Action catholique pour adulte, sans compter pour le monde ouvrier une certaine tradition de militantisme. Ce militantisme fait qu’un membre de l’ACO est aussi syndiqué, le plus souvent à la CFTC. De même qu’un militant de l’ACI, s’il est cadre, est peut-être plus tenté de se syndiquer, alors que son milieu y est peu favorable.
64Si le rôle de la formation est moins spectaculaire pour la JOC que pour la JAC en raison du plus petit nombre de ses militants, il n’empêche que la CFTC est bien souvent un syndicat dirigé par d’anciens militants de la JOC. Renée Prévert, député MRP de 1945 à 1951, est une militante de la JOCF avant la guerre, puis adhérente de la CFTC au syndicat des employés. Robert Duvivier, Pierre Legavre et Léon Le Trouit, trois des responsables de la CFTC de l’après-guerre en Ille-et-Vilaine, sont issus de la JOC. Robert Duvivier62 attire l’attention de Léon Grimault, responsable de la CFTC lors d’un meeting où, jeune jociste, il prend la parole au cours de l’été 1944. En avril 1945, Léon Grimault le sollicite pour prendre la permanence de la CFTC ; il a alors tout à apprendre du syndicalisme tout comme Léon Le Trouit également jociste, chargé à la CFTC des syndicats agricoles. Tous deux se retrouvent permanents de la CFTC sans en avoir gravi les échelons, mais tous deux par leur expérience dans la JOC ont des « outils » leur permettant d’assurer ces nouvelles responsabilités tout comme leurs confrères de la JAC.
65Ce lien entre la CFTC et la JOC apparaît comme une évidence pour les uns et les autres tout comme les anciens membres de la JEC, devenus enseignants adhèrent au SGEN-CFTC. Ils ont en commun une éducation de base chrétienne, le partage d’une même foi et une même conception de la manière dont elle doit s’exprimer dans le monde c’est-à-dire par une action sociale non selon l’ancien principe de la charité mais selon une conception plus moderne et conforme aux particularités de la société des années cinquante. Cette volonté de renouveau, de présence au monde en vue de l’établissement de la justice sociale est dans la lignée de la doctrine sociale de l’Église et de ses mouvements d’Action catholique spécialisés. Les nouveaux militants et les responsables de la CFTC ont une formation identique à celle des jacistes et dirigeants du CDJA. Cette communauté de vue, de formation se traduit dans le domaine politique où ces mouvements constituent un réservoir pour le MRP63 et dans le cadre des relations entre la CFTC et le CDJA.
66— Conséquences sur le développement de la CFTC
67La présence de la CFTC dans le monde rural se réalise par deux vecteurs : le syndicalisme des ouvriers agricoles affilié à la CFTC et le fonds commun des jeunesses d’Action catholique spécialisée. Le développement d’un syndicat des ouvriers agricoles au sein de la CFTC64 permet à celle-ci de s’implanter dans le département et pas seulement dans les traditionnelles préfecture et sous-préfectures. Cette originalité est double : la CFTC est le seul syndicat non agricole implanté ailleurs que dans des villes et cette implantation lui fait privilégier les relations de proximité sur celles de l’appartenance professionnelle. Cette volonté de privilégier la relation à l’espace sur la relation professionnelle est visible par la composition de la commission administrative qui en 1945 comme en 1946 comprend une majorité des représentants des UL ou des sections syndicales des petites villes ; les syndicats professionnels ne sont représentés que par les ouvriers agricoles et les fonctionnaires soit un huitième des sièges de la commission administrative. Ce privilège accordé à l’espace est spécifique à la CFTC et dure jus qu’à la fin de la période et même au-delà65. Cette attitude est due au caractère rural du département mais aussi à des habitudes de proximité géographique liée au rôle fédérateur de l’Église, habituant des hommes et des femmes parfois de profession différente à se côtoyer, voire à agir ensemble. Dès lors, au sein de la CFTC pour les dirigeants et une grande partie des militants issus de ces milieux, cette attitude qui consiste à favoriser l’horizon géographique sur la relation professionnelle est tout à fait naturelle. Les relations avec le monde rural sont facilitées par le lien avec les syndicats d’ouvriers agricoles, mais aussi avec la JAC. Les nouveaux dirigeants et militants de la CFTC sont issus de la JOC, de même que certains ouvriers agricoles appartenant à la CFTC viennent de la JAC tout comme les dirigeants du CDJA. Ayant vécu au sein de la JOC ou de la JAC des expériences similaires, ayant reçu une même formation, il est inévitable que les militants de la CFTC et ceux du CDJA tentent de se rapprocher ou du moins aient des liens privilégiés. La JOC et la JAC sont pour eux de véritables écoles de militantisme marquant durablement les individus qui construisent entre eux —d’une façon naturelle, informelle— un véritable réseau de relations, véritable « mafia des anciens jocistes »66.
68Au milieu des années cinquante, le phénomène s’accentue ; tous les permanents sont des anciens de la JOC ou de la JAC. Avec cette formation de base qui les habitue à analyser, à réfléchir et à travailler en équipe, ils peuvent affronter plus facilement les négociations. En outre, la CFTC multiplie les cours de formation donnés souvent par d’autres syndiqués de la CFTC67. Cette formation a lieu soit sous forme d’École Ouvrière avec des sessions de huit jours pris sur les congés payés, soit chaque semaine sous forme de conférence68. Les quatre principaux permanents (Robert Duvivier, Pierre Legavre, Léon Rétif, Léon Le trouit) tous formés à la JOC ou à la JAC sont très actifs et contribuent au renforcement constant de la CFTC.
69Cette situation explique que lors des mouvements sociaux, la CGT ait dû tenir compte de l’attitude de la CFTC qui aboutit parfois à l’unité d’action sans toujours respecter les mots d’ordre nationaux.
Quel équilibre syndical vers 1957/1961 ?
70À la fin des années cinquante, l’équilibre entre les divers syndicats ne se modifie guère en terme d’effectifs. Pour les années 1957 et 1961, on dispose d’une enquête concernant leur poids respectif par branche69 que résume le tableau n°59. D’après ce tableau, le poids de la CGT reste inchangé mais celui de la CFTC augmente au détriment de la CGT-FO. Quant à la répartition entre les branches professionnelles, la situation est voisine en 1954 et 1957, mais 1961 modifie quelque peu le rapport de force entre les syndicats.
71La CGT-FO domine largement dans la fonction publique (hors enseignement) en 1957, mais c’est la CFTC qui prédomine en 1961 doublant sa part ; dans les deux cas, la Fonction Publique représente plus de la moitié des effectifs de la CGT-FO. Cette surreprésentation des fonctionnaires en son sein est conforme à l’image générale de cette confédération dans l’ensemble de la France. Plus spécifique au département est l’importance de la chaussure pour l’UD-CGT-FO puisque cette branche forme le tiers de ses effectifs en 1957 et encore le quart en 1961 ; plus de la moitié des ouvriers de la chaussure syndiqués le sont à la CGT-FO en 1957, mais elle perd sa suprématie en 1961 au profit de la CFTC et secondairement de la CGT. La domination de la CGT-FO est dans la logique de celle exercée par la CGT avant la guerre dans les industries de la chaussure fougeraise. Autre permanence dans ce même secteur, la forte présence de la CFTC qui regroupe 41 % puis 61 % des ouvriers syndiqués de la chaussure ; a contrario la CGT y est faible et isolée70. Dans l’ensemble, la CGT-FO confirme en 1961 son orientation vers les « cols blancs » avec des employés qui forment le cinquième de ses adhérents.
72La CFTC diversifie un peu plus son implantation professionnelle. Si en 1957 elle rassemble plus des deux tiers des employés syndiqués marquant ainsi sa symbiose avec le mouvement national, elle abandonne une part de sa clientèle à la CGT-FO ou à la CGT. En compensation, elle voit sa part augmenter dans la fonction publique (signe probable d’un comportement plus laïque), dans le bâtiment, le Livre et la chaussure, cependant que les ouvriers agricoles voient leur part presque doublée dans une CFTC elle- même en pleine croissance. Cette diversification de la CFTC est le résultat de ses prises de position depuis 1953 et de l’influence du courant « Reconstruction » au sein de l’UD ; cette évolution est d’autant plus remarquable que le bâtiment et plus encore le Livre lui sont encore peu favorables71. L’originalité du département est soulignée par la présence souvent majoritaire de la CFTC dans le milieu des granitiers, dans celui des ouvriers de la chaussure ou des ouvriers du bâtiment et par le fait qu’en 1961 elle est le premier syndicat du département dans la plupart des branches pour lesquelles l’on dispose de chiffres.
73Enfin, la CGT est très implantée dans le milieu cheminot (plus des deux tiers des cheminots syndiqués) qui joue un peu dans la CGT le rôle des employés dans la CFTC. Tout aussi classique est la domination de la CGT dans le secteur du Livre malgré le « grignotage » de la CFTC. La structure par branche de la CGT en 1957 comme en 1961 reste sans surprise ; toutefois, elle apparaît faible dans le bâtiment où elle perd de l’influence ; la structure industrielle de ce secteur à base de PMÉ ne favorise pas la CGT.
74La période postérieure à 1947 a connu des transformations dans le monde syndical qu’il s’agisse des effectifs, de la répartition par branche, du rapport des forces entre les syndicats. Sans être spectaculaires, elles concernent à la fois une baisse des effectifs et une nouvelle répartition entre les syndicats avec un renforcement de la CFTC72.
75Si le nombre d’adhérents est un moyen de connaître les forces militantes des syndicats, les élections prud’homales et, depuis sa création, les élections à la Sécurité sociale permettent de mesurer l’influence des syndicats auprès des salariés syndiqués ou non. À défaut de sources fiables pour les prud’homales, les élections à la Sécurité sociale donnent un bon aperçu de l’influence respective des divers syndicats. Le graphique n°773 montre qu’en avril 1947, le rapport de force est nettement favorable à la CGT. Deux à trois ans après la scission, il existe un certain équilibre entre les trois syndicats, la CFTC devance légèrement la CGT. Enfin, les élections de 1955 et de 1962 confirment quelque peu celles de 1950 pour la CFTC. Celle-ci accentue son avance sur les autres syndicats et devient nettement le premier syndicat du département ce qui n’est pas le cas dans l’ensemble de la région (sauf en Loire-Inférieure), ni en France. La CGT, quant à elle, se maintient, voire augmente un peu son poids électoral. L’électorat de la GGT- FO la délaisse au profit de la CFTC dès 1955 et une partie du nouvel électorat de la CFTC provient aussi des anciens indépendants. En 1962 comme en 1955, la CGT-FO ne cesse de perdre des électeurs. Dans l’ensemble, les variations subies par les syndicats en Ille-et-Vilaine sont différentes de celles de la Bretagne et de la France où la CGT reste constamment en position dominante.
76Les élections à la Sécurité sociale mettent en relief l’évolution globale perceptible à travers celle des effectifs. Si ceux-ci révèlent une montée des effectifs de la CFTC, elle ne dépasse pas encore ceux de la CGT. De même, le déclin de la CGT-FO ne paraît pas aussi important en termes d’effectifs. Ces chiffres montrent une distorsion entre les effectifs et les résultats aux élections de la Sécurité sociale. Si le militantisme est plus fort, plus solide à la CGT, sa représentativité reste faible par rapport à la CFTC où le phénomène inverse se produit. Pourquoi ? Cette intensité différente dans le militantisme est probablement due au fait que celui-ci est plus fort dans le milieu ouvrier dans lequel recrute plus volontiers la CGT que dans celui des employés qui est plutôt celui de la CFTC. De plus, pour un employé du secteur privé travaillant dans une PME, il est plus facile de voter pour la CFTC que d’y militer. Le syndicalisme chrétien réussit une percée qui se confirme dans la décennie suivante.
77Les organisations de salariés ne sont pas les seules à se transformer, celle des étudiants est également influencée par les nouvelles formes de militantisme.
Un syndicalisme étudiant plus politisé
78L’enseignement supérieur74 est encore réservé à une minorité, mais il voit ses effectifs s’accroître régulièrement, passant de 5 599 étudiants en 1947 à 8 605 en 1956. L’université de Rennes75 subit de 1947 à 1956 une augmentation de 53,68 % soit une hausse moyenne de 5 à 6 % par an. Cette hausse suit celle des bacheliers puisqu’elle est de 35 % entre 1950 et 1956 c’est-à-dire à peu près parallèle à celle des candidats inscrits à la seconde partie du baccalauréat76, à la différence de l’évolution française où l’accroissement des effectifs est de +31,98 % c’est-à-dire inférieur à celui des bacheliers. En 1950 comme en 1956, les étudiantes représentent environ le tiers de l’effectif c’est-à-dire que l’accroissement constaté concerne l’ensemble des étudiants sans que cela signifie une progression de la part des étudiantes. Celles-ci sont majoritaires à la faculté des lettres et minoritaires en sciences et médecine respectant là une répartition traditionnelle.
79Ce monde étudiant forme un groupe à part dans la ville même si les facultés sont alors dans le centre de Rennes, monde à part aussi dans leur propre classe d’âge, ils sont considérés comme des privilégiés. Ils viennent certes de milieux favorisés mais aussi des classes moyennes (de la fonction publique principalement), si bien que pour nombre d’entre eux la vie étudiante est coûteuse. Dans ce contexte, l’AGER (association générale des étudiants de Rennes)77 souhaite favoriser la démocratisation de l’Université avec des bourses plus nombreuses, plus élevées et versées régulièrement ce qui provoque par exemple deux journées de grève pour l’année 1956/ 1957. D’autre part, l’action de l’AGÈR concerne aussi les conditions de vie et de travail. Les restaurants universitaires(RU), les cités universitaires étaient en quantité insuffisante78 ce qui amène l’AGER à se rallier au mot d’ordre de l’UNEF qui lance un appel national pour le boycott des RU pour le 25 avril 1957. Les arguments portent aussi bien sur la quantité de places disponibles que sur la qualité. De même, les amphis sont bondés. Ces grèves estudiantines sont généralement mal perçues du public qui voit dans les étudiants des privilégiés et leur dénie dès lors tout droit à des revendications. La raison majeure de cette incompréhension est que les étudiants bénéficient d’un sursis d’incorporation en pleine guerre d’Algérie alors que le rappel des réservistes, l’envoi du contingent et l’allongement de la durée du service militaire viennent d’être décidés. Officiellement, l’UNEF se veut apolitique mais elle est divisée entre majoritaires et minoritaires, courant de gauche qui prend le pouvoir au sein de l’UNEF en 1956 dans le cadre de la guerre d’Algérie. Dans le cas de l’AGER, on retrouve les mêmes débats ; la tendance minoritaire y domine depuis les années cinquante79. Les prises de position sur la guerre d’Algérie sont encore limitées, c’est par le biais des sursis et avec le durcissement de la guerre que les positions de l’AGER se radicalisent, surtout à partir de 1959.
80À la fin de la période étudiée, on est dans une phase de transition ; le monde étudiant, progressivement, change de taille, de nature. Si l’Université puise encore l’essentiel de ses étudiants dans les milieux sociaux privilégiés, de plus en plus ils viennent de la petite bourgeoisie voire du monde agricole (plus qu’ouvrier). Les préoccupations sociales (logement, repas, bourses) et politiques sont plus aiguës. La guerre d’Algérie qui touche directement les étudiants, provoque dans ce milieu par-delà le problème des sursis un débat idéologique fondamental. Résultat, à l’extrême fin de la période, l’apolitisme strict qui était de mise avant la guerre, est totalement abandonné au profit d’une politisation de l’AGER-UNEF, dirigée alors par la gauche.
81À la fin des années cinquante, le syndicalisme départemental des salariés mais aussi des étudiants a évolué. Dans un cas comme dans l’autre, se produit un développement parfois original par rapport aux instances parisiennes. Que ce soit la CFTC ou l’AGER, elles s’inscrivent dans le courant minoritaire de leur centrale respective (jusqu’en 1956 pour l’AGER, jusqu’à la déconfessionnalisation pour la CFTC). Ces transformations préparent des affirmations plus radicales dans les années soixante.
Le syndicalisme agricole80
82Le monde agricole est dominé pendant la période de Vichy par la Corporation paysanne81 ; la Libération entraîne sa fin mais cela signifie-t-il la fin de l’esprit de la Corporation paysanne ?
Une FDSEA conservatrice (1945-1955)
83Sur le plan national, c’est en octobre 1944 qu’est créé le nouveau mouvement syndical agricole : la CGA (Confédération générale agricole) ; seule organisation agricole nationale, elle rassemble sept fédérations nationales distinctes82. Le syndicalisme des exploitants agricoles n’est qu’une branche de la CGA. Très vite, elle se révèle être la plus importante au point d’acquérir progressivement son autonomie, ce qui est fait en 1954. De même, sur le plan départemental, la FDSEA joue le rôle le plus important. Ce syndicalisme agricole tel qu’il est conçu à l’origine, diffère de celui de la période antérieure à la guerre sur plusieurs points : les propriétaires exploitants et les ouvriers agricoles en sont exclus et, d’autre part, les syndicats ne doivent pas avoir de fonction commerciale. Cette conception s’inspire partiellement des anciens syndicats de cultivateurs-cultivants des années vingt, nés dans le département et elle doit beaucoup à l’action du ministre socialiste Tanguy-Prigent, agriculteur finistérien, originaire de Saint-Jean-du-Doigt. Entre la conception d’ensemble et la pratique, la fissure s’élargit progressivement.
84— La naissance de la FDSEA d’Ille-et-Vilaine
85Les FDSEA rassemblent les syndicats locaux (au niveau de la commune le plus souvent), les groupements spécialisés lorsqu’ils existent et les sections sociales c’est-à-dire les fermiers et les propriétaires bailleurs. La majorité des responsables agricoles du département au lendemain de la guerre souhaite une organisation qui réalise l’unité de la paysannerie et qu’elle soit dirigée par les exploitants eux-mêmes. Cette conception est une fusion des deux idéologies existant plus ou moins fortement pendant l’entre-deux-guerres et pendant l’Occupation à savoir l’idéologie corporatiste et celle du syndicat des cultivateurs-cultivants. Les fondateurs de la FDSEA d’Ille-et- Vilaine sont, très logiquement dans le département, les héritiers des corporatistes et des cultivateurs-cultivants mais ils entendent en même temps dépasser ce clivage. C’est dans cette perspective et avec ce « programme » que commence l’organisation des syndicats locaux.
86Les premières réunions ont lieu en mars 1945 et la FDSEA est constituée en mai 1945. Cette rapidité de mise en place est évidemment favorisée par la possibilité de réutiliser les anciennes structures et surtout les anciens hommes dans le nouveau cadre moyennant quelques aménagements. Lors de la première assemblée générale des présidents des syndicats d’exploitants agricoles, presque toutes les communes ont déjà créé leur syndicat puisque plus de 300 syndicats existent sur les 366 communes du département83. Lors de cette assemblée générale constitutive de la FDSEA d’Ille-et-Vilaine le 24 mai 1945, les quelque 300 syndicats sont représentés soit par leur président de syndicat, soit par un délégué du conseil d’administration. Les autres communes rurales envoient soit leur maire s’il est exploitant agricole, soit un conseiller municipal exploitant agricole mais dans ce cas ils ont un statut d’invité et ne peuvent participer aux votes. La présidence de l’AG est assurée par le préfet lui-même et par le président du comité départemental d’action agricole. Par sa composition, cette AG reflète l’ensemble des agriculteurs exploitants du département ; mais, d’emblée elle se place sous l’autorité officielle du gouvernement par la voie de son représentant dans le département, le préfet. C’est une conception du syndicalisme bien différente de celle des ouvriers. On imagine mal un congrès départemental de la CGT ou de la CFTC présidé par le préfet !... Apparemment l’unité n’aurait pas dû poser de problème mais c’est sans compter avec la région malouine qui, en raison de la spécificité de ses productions, estime qu’elle doit pouvoir constituer une fédération indépendante de la FDSEA84. De ce fait, seuls 246 délégués prennent part au vote pour élire le conseil d’administration. À travers la composition du conseil d’administration, la volonté d’équilibre politique et géographique est nette. Excepté la région malouine, toutes les autres régions du département sont représentées à raison de deux représentants par arrondissement. Sur le plan politique, l’équilibre se réalise de fait entre conservateurs et progressistes. Parmi les élus au conseil d’administration85, se trouvent d’anciens dirigeants de la Corporation, du mouvement dorgériste comme Jean Bohuon mais aussi des dirigeants proches du MRP comme A. Méhaignerie ou L. Raffregeau de Maure- de-Bretagne ou encore Elie Chemin, maire de La Selle-en-Luitré dans l’arrondissement de Vitré86. Aucun des élus n’est socialiste, mais les derniers nommés sont incontestablement favorables à des progrès sociaux et à de réelles transformations.
87La FDSEA nouvellement constituée élit alors un président : Jean Nobilet. Celui-ci est à ce moment-là déporté en Allemagne pour faits de résistance87 ; il a été membre du syndicat des cultivateurs-cultivants et un des fondateurs de la Fédération des syndicats paysans de l’Ouest avec l’abbé Mancel et Jean Bohuon. Comme ce dernier, il rejoint Henri Dorgères et ses comités de Défense paysanne ; élu à la Chambre d’agriculture, il en devient vice- président en 1934 et le reste jusqu’à la guerre88. Cette élection est symbolique ; peu après cette élection, on apprend le 11 juin 1945 son décès à Mauthausen en juillet 1944. Son remplaçant est l’un des vice-présidents, Jean Bohuon, qui a suivi dans les organisations agricoles le même parcours que Jean Nobilet mais sans avoir été résistant. L’élection de Jean Bohuon le second de Dorgères avant la guerre et qui s’est présenté aux élections législatives de 1936 à Vitré sous la houlette de celui-ci, entraîne la toute jeune FDSEA d’Ille-et-Vilaine vers la droite même si l’un des vice-présidents est le MRP Alexis Méhaignerie.
88— Une FDSEA conservatrice et soumise à la FNSEA
89La FDSEA s’organise et se dote en juillet 1945 d’un journal Le Paysan d’Ille-et-Vilaine, journal des agriculteurs de la CGA, il devient en décembre 1948 Le Paysan d’Ille-et-Vilaine, journal des cultivateurs du département-, ce changement de sous-titre révèle le conflit qui intervient rapidement entre la FDSEA et la CGA. L’UD de la CGA est créée en novembre 1946 et J. Bohuon en est le premier président89 ; présidence qu’il cumule avec celle de la FDSEA jusqu’en 1952 date à laquelle il est élu président de la Chambre d’agriculture.
90La FDSEA s’efforce de défendre la dignité de l’agriculteur, revendiquant le terme de paysan mais en même temps rejetant tout ce qui leur paraît comme une caricature tel le « paysan profiteur de la guerre, du rationnement ». Cette défense intransigeante de l’image du paysan dans l’opinion conduit la FDSEA à demander l’interdiction en janvier 1947 du film « la Ferme du pendu » qui passe alors dans les salles de cinéma et lui paraît « caricaturer en le déformant grossièrement le travail du paysan »90. La FDSEA insiste sur le rôle primordial du paysan et défend l’exploitation familiale, unité de base de la société rurale. Pour eux, toute exploitation agricole devrait être d’une taille permettant son entretien par une seule et même famille. C’est dans cette logique que s’inscrit la lutte contre le cumul et la concentration des terres, associée aussi à une lutte contre le manque de terres. Pour tenter d’y pallier, la FDSEA d’Ille-et-Vilaine organise elle-même l’émigration de familles d’agriculteurs vers le Sud-Ouest : 24 partent de 1945 à 1948 et 111 en 1949 et 1950. La FDSEA renoue ainsi avec un mouvement d’émigration dirigé également vers le Sud-Ouest qui s’était produit au début des années vingt dans l’ensemble de la Bretagne. Ce mouvement de migrations est favorisé par la fondation en 1948 d’une Association départementale des migrations rurales au sein de la CGA.
91En même temps qu’elle lutte contre le cumul des terres, la FDSEA s’efforce d’améliorer les conditions de vie et de travail. Les unes et les autres sont particulièrement difficiles91 ; pour pouvoir aider à ces améliorations, le Crédit agricole commence à jouer un rôle-clé. La FDSEA comme la FNSEA estime que les paysans doivent compter sur eux-mêmes et le maître-mot est l’autodétermination. La première conséquence est la campagne menée pour que tous les paysans, au lieu de pratiquer le « bas de laine » ou la Caisse d’épargne, se décident à ouvrir un compte au Crédit agricole, la banque des agriculteurs ; des encouragements en ce sens commencent dès 194792. La FDSEA après avoir rejeté l’idée d’un retour aux Chambres d’agriculture, Finit par l’accepter comme le reste de la FNSEA moyennant un partage des tâches entre la Chambre d’agriculture départementale et la FDSEA. La première s’abstient contrairement à l’avant-guerre de mener une action syndicale concurrente et apporte son concours technique en particulier pour la formation professionnelle. Très vite cependant, la FDSEA phagocyte la Chambre d’agriculture ; dès février 1952, Jean Bohuon est élu président de la Chambre départementale d’agriculture et laisse alors son poste de président de la FDSEA au profit de Francis Chouan93.
92Les agriculteurs par l’intermédiaire de la FDSEA entendent contrôler tous les organismes qui d’une manière ou d’une autre concernent leur vie professionnelle. En même temps, cette FDSEA, alors en accord complet avec la FNSEA, désire mener une action auprès des hommes politiques94. Lors des élections législatives de 1951, elle présente aux candidats un cahier de revendications ; elle fait part à ses adhérents de leurs réponses et accorde ou non son soutien. Parmi les élus qu’elle soutient: A. Méhaignerie et Coudray, MRP, Francis Samson, vice-président de la FDSEA sur la liste du RPF mais Jean Bohuon sur la liste indépendante des républicains d’action menée par G. La Chambre échoue une seconde fois à la dépuration. Cette action de la FDSEA en accord total avec la FNSEA montre par ailleurs le caractère de plus en plus conservateur de la FDSEA. Sur le plan national, la FNSEA (proche de la droite) joue un rôle de plus en plus déterminant au sein de la CGA, dirigée par la gauche. Le conflit est alors inévitable. L’alignement de la FDSEA d’Ille-et-Vilaine sur la FNSEA se manifeste dès 1947 ; au congrès national de la CGA, elle refuse de prendre part au vote en arguant de la volonté de se maintenir en dehors de toute querelle politique. Cet apolitisme est en réalité un apolitisme de façade qui recouvre l’orientation foncièrement à droite de la FDSEA qui ne peut qu’être totalement hostile aux dirigeants de la CGA. Cette orientation se concrétise en 1949 par la démission d’E. Forget, MRP, de la présidence de la FNSEA, en raison de la forte progression de la droite au sein de celle-ci. Embarrassée, la FDSEA d’Ille-et-Vilaine qui compte de nombreux membres et sympathisants du MRP essaie de démontrer qu’Eugène Forget a été dupé et que « sa bonne volonté a été récompensée par une politique anti-paysanne »95. La soumission à la FNSEA se retrouve aussi pour les revendications ou les actions à mener.
93— Les effets de ce syndicalisme
94La politique syndicale de la FDSEA a-t-elle au moins une répercussion favorable sur ses effectifs et sur son influence dans le département ? Jusqu’en 1950, la FDSEA d’Ille-et-Vilaine stagne ; son essor pendant les années cinquante (de 15 000 à 18 000) est très largement dû au poids des jeunes de la CDJA. En même temps, elle est présente dans la totalité du département. Le contraste entre la répartition géographique et le nombre d’adhérents s’explique par le fait que dans de nombreuses communes, les syndicats de base de la FDSEA sont loin de rassembler la totalité ou même la moitié des agriculteurs.
95Par rapport à l’avant-guerre, la fonction du syndicalisme agricole a changé. La mise en place de la CGA met fin à la fonction commerciale. Pour les agriculteurs d’Ille-et-Vilaine comme pour les autres, la norme avait été que l’organisation syndicale fût doublée d’une fonction coopérative; comme ce n’est plus le cas après 1945, ils ne voient pas l’intérêt du syndicalisme agricole d’autant que la FDSEA à cette date n’apparaît guère comme une force de contestation à la différence du syndicalisme ouvrier; en dix ans, il n’y a que six mouvements de protestation organisés par la FDSEA. Cette faiblesse du syndicalisme agricole n’est pas particulière à celui d’Ille- et-Vilaine mais le contraste est grand par rapport à la période précédant 1945, sous la IIIe République comme sous le régime de Vichy.
96La FDSEA, par son orientation conservatrice peu portée vers une véritable modernisation, ne semble pas un élément de dynamisme dans le monde agricole. Ce dernier n’en prend pas conscience tout de suite parce que l’évolution est progressive, et, jusqu’en 1949, le marché des produits alimentaires est un marché protégé par le rationnement. L’abolition de celui-ci conduit à la concurrence et à des problèmes qui nécessitent la rénovation de la FDSEA.
Vers une FDSEA contestataire
97Cette évolution que l’on retrouve dans toute la Bretagne, s’appuie sur les jeunes agriculteurs qui ont leur propre structure : l’une incluse dans la CGA, ce sont les cercles de jeunes agriculteurs, l’autre liée à l’Église, à la JAC.
98— Du cercle des jeunes de la CGA au CDJA
99En décembre 1946, sur le plan national, la CGA crée des cercles de jeunes (16 à 30 ans) sous son égide. Ils ont une double activité syndicale et professionnelle et doivent former les futurs cadres, leur donner un enseignement technique et professionnel, ménager, etc.
100Sur ce point, l’Ille-et-Vilaine est un modèle puisque dès octobre 1946 des jeunes sont élus à l’échelon communal. Cinq à six mille auraient participé à ces élections96 et l’assemblée générale du Cercle des jeunes de la CGA d’Ille-et-Vilaine se tient le 6 mars 1947 à Rennes; c’est le premier cercle départemental de France. Cette rapidité de la mise en place explique certaines entorses à de la démocratie (certains délégués n’ont pas été élus par la base). Beaucoup de ces jeunes agriculteurs sont les fils d’agriculteurs ayant des responsabilités au sein de la FDSEA et lorsque en 1948 on décide d’intégrer au cercle des jeunes, des filles d’agriculteurs, qui retrouve-t-on au bureau départemental ? Marie Bohuon, fille de Jean Bohuon, Marie Méhaignerie, fille d’Alexis Méhaignerie, président d’honneur de la FDSEA. Cette situation reflète la faiblesse de la formation de ces jeunes agriculteurs, le manque de cadres. Les enfants de ces responsables sont plus habitués que les autres à entendre discuter des problèmes agricoles, ils connaissent mieux les rouages de ces organisations et ils peuvent trouver plus facilement des conseils, enfin, il est normal chez eux de s’engager. On retrouve les mêmes à la JAC. Cette fragilité du Cercle des jeunes agriculteurs est dangereuse et peut conduire à sa disparition, c’est la raison pour laquelle la FDSEA décide d’associer les jeunes au travail syndical de leurs aînés ce qui fait qu’à partir de 1948 les délégués des jeunes sont invités à chaque échelon aux réunions du conseil d’administration et aux assemblées générales, mais sans prendre part au vote. Si les jeunes se plaignent de cette forme de participation et souhaitent une participation plus active et acceptée sans condescendance, sur le fond ils ne remettent pas en cause la politique de leurs aînés. Cette situation de dépendance, de subordination et d’acquiescement dure jusqu’au début des années cinquante.
101À l’échelon national, après discussion, le Cercle national des jeunes agriculteurs devient en avril 1954 une association selon la loi 1901 prévoyant un protocole d’accord avec la FNSEA ce qui aboutit en 1956 à la formation du CNJA, partie intégrante de la FNSEA. Ce résultat est l’aboutissement de convergences d’intérêt : le CNJA en se plaçant sur le terrain syndical n’apparaîtrait plus comme un concurrent possible de la JAC ce qui est important pour le développement des CDJA de l’Ouest ; de plus, la FNSEA se rend compte qu’elle a besoin de forces vives afin d’assurer la relève. Dès 1957, la FDSEA d’Ille-et-Vilaine comprend les syndicats locaux d’exploitants agricoles, les groupements spécialisés et le CDJA. D’emblée le CDJA rappelle qu’il doit disposer de son autonomie juridique, financière et morale. Le CDJA est organisé au niveau du canton et a à cet échelon un représentant des jeunes gens et un représentant des jeunes filles97 ; il peut avoir des délégués à part entière à la FDSEA. Cette structure est assez vite insuffisante, si bien qu’un échelon intermédiaire est créé entre le canton et le département en fonction de critères agricoles (géologie, sol, production,...) : neuf « petites régions naturelles » sont créées et c’est à ce niveau que s’effectue la formation des cadres paysans et la vulgarisation technique agricole98.
102Si la FDSEA a su se doter d’une organisation syndicale de jeunes, elle a dû tenir compte comme dans tout l’Ouest de la « concurrence » de la JAC.
103— Le rôle de la JAC99
104La JAC est présente dans la formation des jeunes agriculteurs avant la guerre100, mais après celle-ci, elle complète son implantation et couvre presque tout le département. Plusieurs raisons sont à l’origine de cet engouement : c’est une structure créée par l’Église ce qui dans cette région très fortement pratiquante ne peut a priori que lui assurer le succès ; la JAC animée avant la guerre par le chanoine Brassier, propose aussi des cours par correspondance donnant une formation complémentaire à ces jeunes agriculteurs. À ces raisons structurelles s’ajoutent des raisons personnelles liées à la philosophie de la JAC.
105Que trouve à la JAC un jeune agriculteur ? Essentiellement un lieu de réflexion fondé sur le triptyque « voir, juger, agir ». Pour répondre à ce triptyque, il est nécessaire d’apprendre à analyser, à comparer avec d’autres formes d’exploitation agricole, d’autres techniques agricoles. La JAC a un aspect formateur sur le plan professionnel mais en même temps que se mettent en place les germes du modernisme agricole, la JAC le fait dans un cadre chrétien. La JAC est profondément ancrée dans le monde catholique mais un catholicisme profondément influencé par le personnalisme d’Emmanuel Mounier, par les thèses du catholicisme social. La JAC entend former un adulte qui s’épanouisse dans son travail, dans le cadre d’une société personnaliste et communautaire tout à la fois c’est-à-dire une société où l’individu, la dignité de l’être humain sont reconnus, où prime la responsabilité personnelle sur la bureaucratie et d’une façon générale la reconnaissance de l’individu pour ce qu’il est et non pour ce que l’on voudrait qu’il soit. Du même coup, cette philosophie redonne aux jeunes agriculteurs la conscience de leur propre dignité, elle leur redonne la fierté d’être agriculteur non au nom d’un passé révolu mais au nom d’une volonté de modernisation qui préserverait leur spécificité propre. Ils ne se sentent plus comme des laissés-pour-compte ou des retardataires101. Enfin, si la JAC est ouverte aux jeunes gens comme tous les mouvements d’Action catholique spécialisée, elle a aussi une branche féminine, essentielle pour les jeunes filles. Ces dernières plus que tout autre dans le monde agricole subissent le poids de la tradition, l’autorité du père et celle de la mère ; leur formation scolaire est plus limitée que celle de leur frère mais en contrepartie une très grande attention est portée à leur éducation religieuse, à leur moralité. La JACF leur permet de rencontrer d’autres jeunes filles ayant les mêmes problèmes, l’ouverture la plus grande se faisant pour les responsables qui découvrent d’autres modes de vie dans l’agriculture et leurs égales à la JOCF par exemple. Ces rencontres hors de la présence de la mère, entre elles ou avec la présence d’un aumônier signifient des possibilités d’évasion certes mais aussi l’apprentissage d’une vie adulte autonome, l’apprentissage aussi de la prise de parole en public ce qui n’est pas le plus facile dans un milieu masculin peu enclin à laisser parler les femmes102.
106Or, l’implantation de la JAC est quasi générale dans le département. En 1954, les journaux de la JAC ont plus de 8 000 abonnements dans le département et en 1956/1957, 23,5 % des jeunes ruraux y sont abonnés contre 11,5 % en France103. Par ailleurs, l’enquête de 1962104, lacunaire et tardive pour le champ chronologique de ce travail, permet d’apprécier la force de la JAC à la fin de la période. Au total, parmi les communes rurales, 75 seulement n’ont aucune équipe de la JAC. C’est dans l’arrondissement de Saint-Malo qu’elles sont les plus rares. Cet arrondissement reste le plus rebelle, c’est aussi celui à la tradition républicaine-laïque la plus affirmée105. Sur les 256 communes ayant une ou plusieurs équipes de la JAC(F), 24 n’ont qu’une équipe de la JACF et 17 uniquement une équipe masculine. Lorsqu’une équipe masculine et une équipe féminine existent dans une même commune, en général l’effectif de chaque équipe est à peu près similaire. D’une commune à l’autre, la taille des équipes est d’une quinzaine de personnes en moyenne, sauf dans les communes plus petites (quatre à cinq personnes).
107La JAC est une solide école de formation pour les jeunes gens comme pour les jeunes filles, les conduisant à réfléchir sur leur condition et sur les moyens de la transformer106. C’est dans cette troisième phase du triptyque, « agir », que la JAC se rapproche le plus de l’action syndicale et du Cercle des jeunes agriculteurs. Dès lors, ces jeunes agriculteurs formés dans le cadre de la JAC, au contact du monde syndical agricole, peuvent préparer effectivement la succession des dirigeants de la FDSEA en étant beaucoup mieux formés que leurs aînés. Les biographies des dirigeants du CDJA d’Ille- et-Vilaine comme des autres CDJA de Bretagne sont toutes très voisines : formation à l’école primaire privée, militant à la JAC avec des responsabilités à l’échelon départemental voire régional, puis ou en même temps responsable au CDJA ; la biographie de leurs épouses est identique. L’existence de véritables couples de militants dans le monde agricole est complètement neuve et directement liée à celle de la JAC et des CDJA. Les maîtres-mots de ces jeunes agriculteurs sont : initiative, responsabilité, modernisation. Habitués à réfléchir sur les théories comme sur les problèmes concrets, ils prennent aussi position sur le plan politique. Où les situer sur l’échiquier politique ? Vers le milieu des années cinquante, la plupart sont des démocrates-chrétiens très proches du MRP. Cependant, cette proximité politique avec le MRP ne signifie pas qu’ils approuvent toutes ses décisions et en particulier ils sont souvent plus sociaux que lui et ils ne sont pas toujours en accord avec la politique agricole des gouvernements de troisième force auxquels le MRP participe.
108La JAC forme de nouveaux dirigeants qui s’aguerrissent au sein du CDJA, développent des valeurs où la référence au passé, à la tradition n’est pas dans leurs habitudes, ni leur conviction ; au contraire, ils défendent des valeurs économiques et sociales tournées vers l’avenir où l’homme ne doit pas être oublié.
109— CDJA et FDSEA : côte à côte ou face à face ?
110Les idées des nouveaux dirigeants du CDJA suscitent une réelle méfiance de la part des dirigeants conservateurs de la FDSEA. Le passage d’une FDSEA conservatrice, alignée sur la FNSEA, à une FDSEA modernisatrice et contestataire passe par une prise du pouvoir des jeunes par le biais du CDJA. A l’intérieur de la Bretagne, cela ne s’est pas réalisé partout au même rythme ; l’Ille-et-Vilaine est l’un des derniers départements bretons à le faire107.
111Alors que le CDJA se constitue au début de l’année 1957, ce n’est qu’en janvier 1958 que la FDSEA convoque une assemblée générale extraordinaire pour permettre leur intégration sous la forme d’un syndicat. Cette intégration est acquise par plus des trois quarts des votants, mais une centaine de communes n’est pas représentée, signe d’un désintérêt vis-à-vis de la stratégie syndicale. Cette intégration en pratique ne se fait pas sans heurt, en particulier le CDJA d’Ille-et-Vilaine souhaite participer à l’élaboration de la politique de la FDSEA qui s’y oppose. Résultat, la FDSEA et le CDJA jusqu’en 1961 mènent des actions chacun de leur côté, avec parfois une position commune sur telle ou telle revendication.
112Parmi les actions menées par le seul CDJA, le remembrement est un point essentiel de son combat. Cette campagne en faveur du remembrement s’appuie sur les théories modernistes de l’agriculture, diffusées entre autres par René Dumont108. L’intérêt porté au remembrement par le CDJA est dû à la comparaison faite avec d’autres régions françaises, comparaison défavorable à l’Ille-et-Vilaine. Ce département comme tous les départements de bocage et de polyculture a des exploitations extrêmement petites et dispersées. Que ce soit dans l’arrondissement de Vitré, celui de Redon ou de Montfort, la superficie moyenne des champs est inférieure à un hectare oscillant en 1960 entre 0,80 ha dans le pays de Vitré, 0,60 ha dans les environs de Saint-Méen-le-Grand à l’ouest du département et 0,25 ha aux alentours de Pipriac au sud109. La taille des parcelles, la distance qui les sépare les unes des autres (parfois 2 à 3 km), pèsent sur la productivité. René Colson a calculé que pour cultiver un hectare de blé dans le Bassin parisien, il faut en moyenne 40 heures de travail pour un rendement de 35 à 40 quintaux par hectare mais en Ille-et-Vilaine, la culture d’un hectare de blé exige en moyenne 287 heures de travail (soit sept fois plus) et pour un rendement de 13 à 18 quintaux... Ces chiffres que tous les militants jacistes connaissent bien, renforcent leur volonté de réaliser un remembrement en Ille-et-Vilaine, longtemps le plus en retard en ce domaine ; le premier remembrement du département est réalisé à La Selle-en-Luitré dont le maire Elie Chemin, membre du bureau de la FDSEA, est un de ceux qui, bien qu’« aîné », se sent très proche du CDJA110. Caractéristique de sa méthode : lors de l’achèvement de ce remembrement commencé en 1954/1955, la commune devient une commune pilote pour le CDJA et elle reçoit la visite de nombreux responsables locaux des CDJA du département mais aussi des départements limitrophes.
113Toujours dans la perspective de moderniser, le CDJA réclame une meilleure formation professionnelle et un enseignement agricole plus adapté aux besoins des agriculteurs, facilitant la formation continue. Ils souhaitent que celle qu’ils ont reçue volontairement dans le cadre de la JAC ou du CDJA soit généralisée à tous les jeunes agriculteurs tout en développant une vulgarisation technique intelligente, une véritable formation continue. Ils remettent aussi en cause peu à peu la conception même de l’exploitation agricole. Ils entendent ne plus vouloir maintenir à tout prix la notion traditionnelle de la propriété et insistent sur celle de la propriété de l’exploitation c’est-à-dire qu’ils ne veulent plus immobiliser des capitaux pour l’acquisition de biens fonciers mais bien au contraire investir leurs capitaux dans l’acquisition de machines agricoles, de semences, de bétail sélectionné, etc. Enfin, allant jusqu’au bout de sa logique, le CDJA préconise une politique visant à augmenter la taille des exploitations agricoles, nettement insuffisante dans la perspective d’une agriculture moderne à venir. En 1955, plus de 80 % des exploitations ont encore moins de vingt hectares111. Pour remédier à cette situation, le CDJA entretient des liens étroits avec les différentes organisations professionnelles susceptibles de favoriser ce courant moderniste sans oublier les conséquences sociales. Le CDJA travaille avec le Crédit agricole, la Mutualité sociale agricole et participe à la mise en place des CETA (Centres d’études techniques agricoles)112 et à celle des CUMA, etc.
114Face au dynamisme du CDJA, la FDSEA ne bouge guère ce qui ne peut qu’entraîner un conflit. À partir du milieu des années cinquante, la lutte pour le pouvoir est ouverte entre le CDJA composé de jacistes et les dirigeants de la FDSEA, génération plus conservatrice mais qui tient les commandes politiques, syndicales, professionnelles. De plus en plus les relations FDSEA - CDJA s’écartent du « côte à côte » et deviennent un « face-à-face ».
115— La conquête du pouvoir
116Les élections à la Chambre départementale d’agriculture et à la FDSEA sont l’occasion pour les jeunes agriculteurs de prendre le pouvoir au moment où la Ve République succède à la IVe République. Au sein de la profession agricole, la conquête du pouvoir par les militants favorables au courant moderniste est difficile. Les élections à la Chambre d’agriculture de 1959 donnent un premier aperçu de la lutte entre les deux tendances pour succéder à Jean Bohuon113. La lutte se déroule surtout entre le CDJA et la FDSEA et plus encore entre conservateurs et novateurs. Les conservateurs sont menés par F. Chouan le président de la FDSEA et les novateurs par Elie Chemin, vice-président de la FDSEA, maire de la première commune remembrée, totalement gagné aux idées du CDJA. Après que le CDJA a tenté une stratégie d’union, refusée par F. Chouan, les deux listes s’affrontent ; le CDJA est accusé d’être un diviseur et de briser l’union des paysans d’Ille-et-Vilaine. Il est certain que leur initiative rompt avec un mythe soigneusement entretenu depuis la fondation du syndicalisme agricole malgré quelques dissonances dans les années vingt et juste après la Libération. Les conservateurs l’emportent nettement mais les conditions de cette victoire des conservateurs sont dénoncées par le CDJA en mai 1959114. La seconde étape de cette lutte entre aînés et jeunes mais plus encore entre conservateurs et novateurs a lieu lors des élections à la tête de la FDSEA en avril 1961. À cette date, les novateurs sont à la tête de la FDSEA du Finistère et de Loire-Atlantique. On assiste à une vague de contestation dirigée contre la FNSEA conservatrice, mouvement confirmé en Ille-et-Vilaine. La campagne électorale est vigoureuse et oppose Francis Chouan à Louis Chopier, président du CDJA depuis peu ; ce dernier l’emporte. Quelque temps avant l’élection, Francis Chouan perd la direction de son propre syndicat communal à... une voix près : cet échec des conservateurs et cette victoire des novateurs formés au sein du CDJA et de la JAC sont le résultat d’un travail de présence et de propagande effectué par le CDJA. L’élection de Louis Chopier comme président de la FDSEA d’Ille-et-Vilaine parachève le mouvement de conquête du pouvoir commencé dans d’autres départements par les CDJA. Cette victoire transforme en profondeur le syndicalisme agricole en Ille-et-Vilaine ; le symbole en est l’abaissement de la moyenne d’âge des membres du bureau. Dans l’ancien bureau, elle atteignait 60 ans ; dans le nouveau bureau, elle est d’environ 30 ans115. Comme dans le Finistère et en Loire-Atlantique, une nouvelle génération accède à la tête du syndicalisme agricole, une génération mieux formée, habituée à travailler en équipe (tous ont été à la JAC et au CDJA), à réfléchir, à avoir une attitude critique. Tous aussi sont convaincus de la nécessité de mener à bien la modernisation de l’agriculture mais sans oublier les hommes. Ce sont eux qui conduisent la révolution agricole de cette seconde moitié du xxe siècle dans le département.
117Le syndicalisme agricole de 1945 se veut un syndicalisme nouveau dans la pensée de ses fondateurs et initiateurs socialistes. En Ille-et-Vilaine, comme dans l’ensemble de la France, c’est un échec ; la CGA dominée par la FNSEA se tourne vers un conservatisme total. Elle reprend un discours qui ne change guère par rapport à celui des syndicats conservateurs d’avant-guerre, voire par rapport à la Corporation paysanne. La FDSEA s’installe dans un immobilisme presque total que les plus jeunes n’acceptent pas. Pourquoi cette prise du pouvoir par les jeunes du CDJA est-elle possible en ce début de la Ve République, pourquoi toute tentative analogue a-t-elle échoué pendant l’entre-deux-guerres ? Plusieurs facteurs ont joué : les uns structurels, les autres humains. Les raisons structurelles sont essentiellement dues à la fonction des syndicats qui, avant 1939, est une fonction théorique de défense des agriculteurs et surtout une fonction commerciale, refusée par le nouveau syndicalisme agricole au lendemain de la Libération. L’organisation de la FNSEA et des FDSEA permet la création d’associations autonomes comme les CDJA et le CNJA regroupant les jeunes agriculteurs c’est-à-dire a priori une génération pas encore totalement installée, plus facilement prête à assumer de nouvelles tâches, des risques, financiers par exemple. Une telle structure n’existait pas avant 1939 et le jeune agriculteur n’avait guère la possibilité de se former syndicalement dans un contexte où le poids des anciens et des notables était essentiel. Des facteurs humains ont joué : le rôle et la formation des hommes, des élites sociales sont encore plus fondamentaux. Les dirigeants syndicaux d’avant 1939 sont dans les syndicats classiques des notables non exploitants, habitués à gérer en fonction de la rente et non en fonction du revenu pour celui qui la cultive, sans prendre en compte le « temps-travail », bref la productivité et la rentabilité. Ces notables avaient reçu une formation secondaire voire supérieure mais dans la perspective d’une gestion de patrimoine, de placements sûrs et sans « aventure » financière. Quant aux dirigeants des syndicats de cultivateurs-cultivants, leur formation était pratiquement nulle à l’exception des abbés démocrates eux-mêmes ; ils avaient une volonté, des idées mais ni les moyens intellectuels ni les moyens financiers pour les appliquer et ils se heurtèrent à l’hostilité agissante des élites sociales traditionnelles relayées par l’archevêché116. Après 1945, ces mêmes élites sont exclues du syndicalisme agricole, tandis que les agriculteurs qui accèdent alors aux postes de commande n’ont pas reçu une formation qui leur permette d’innover. Il faut donc attendre que se dégagent de nouvelles élites117. La JAC est incontestablement en Ille-et-Vilaine et pour l’ensemble de l’Ouest, l’instrument de formation d’une nouvelle élite directement issue du monde agricole et ancrée dans celui-ci. Cette nouvelle élite se forme pour l’essentiel entre 1945 et 1955 au sein de la JAC, tout en apprenant la vie syndicale. Cette élite du monde agricole formée selon des schémas non classiques par rapport aux élites traditionnelles et bourgeoises est mieux préparée à intégrer les nouveautés techniques du monde agricole, à comprendre et à faire face au nouveau marché agricole qui s’ouvre, à ses contraintes. Ces nouveaux dirigeants arrivés au pouvoir dans la FDSEA en 1961 sont mieux armés pour assumer la modernisation de l’agriculture.
118Dans le monde syndical, ces années cinquante se caractérisent par un changement dans l’équilibre entre les syndicats, changement par lequel se manifeste l’originalité du département et au-delà celle de la Bretagne par rapport à la France, en particulier avec le poids indirect de l’Église qui par l’Action catholique spécialisée contribue à ce renouveau. Cette Action catholique spécialisée est une école de formation à la prise de responsabilité, constituant un vivier dans lequel puisent diverses organisations, favorisant les interactions, les relations entre les divers groupes. Ces expériences communes entraînent les convergences entre la CFTC et le CDJA entre la CFTC et le MRP. S’il existe une réelle proximité entre la CFTC et les militants du CDJA issus de la JAC aucune action commune n’est décidée et les quelques contacts pris au début des années cinquante sur ce terrain sont décevants. Il faut attendre 1959 pour que les contacts reprennent entre la CFTC et le CDJA, mais ils n’aboutissent qu’en 1962118.
119Quoi qu’il en soit, les mouvements d’Action catholique spécialisés sont essentiels dans le développement d’un nouveau syndicalisme paysan et dans celui de la CFTC. Ses militants, issus de la JOC et de la JEC, mènent à la CFTC une réflexion sur ses relations avec l’Église et sur la signification de son sigle la menant peu à peu à la déconfessionnalisation. Ils renouvellent le syndicalisme dans le département (renouveau solidement ancré dans le passé et porteur d’avenir pour la vitalité de la CFTC et de la FDSEA), préparant les transformations en profondeur de la société départementale même si celles-ci ne sont pas nettement visibles à la fin des années cinquante pour les contemporains.
120Dans un domaine où l’Ille-et-Vilaine et avec lui l’ensemble de l’Ouest armoricain reste marqué par l’Église, Celle-ci rend possible le passage du traditionalisme au modernisme. Elle le permet en formant une nouvelle élite ouverte au monde moderne. Les années cinquante en voient les prémisses, les années soixante la concrétisation.
Notes de bas de page
1 Ce terme devient un véritable leitmotiv sous l’influence de Sartre dans le premier numéro des Temps Modernes en octobre 1945 où il affirme l’obligation des intellectuels de s’engager dans les combats de leur temps et on retrouve cette même exigence sous d’autres formes dans L’affrontement chrétien d’Emmanuel Mounier écrit en 1943/1944, mais publié après la guerre.
2 Ont-ils même été plus militants que les non-résistants?
3 Cf. « la bataille de la production », slogan du PCF comme de la CGT.
4 En particulier le problème du classement des communes dans les différentes zones d’abattement est crucial.
5 Dès cette date, mais de manière ponctuelle, des accusations de politisation se produisent; c’est ainsi que pour cette grève du ministère des Anciens Combattants, L’Aurore socialiste (8 février 1947) dénonce « l’ordre de grive politique lancée par la CGT » : le ministre est le socialiste Lejeune.
6 Legendre (Josette), Les mouvements sociaux en Ille-et-Vilaine (1944-1947), mémoire de maîtrise, Rennes 2, 1987, 150 p.
7 Établis d’après Ouest-France, L’Aurore socialiste, et le Réveil, janvier à mars 1947 ; les archives départementales n’ont aucun versement pour 1947.
8 Brousse (H.), Le niveau de vie en France, PUF, 1949 ; il signale qu’en octobre 1944 l’indice du pouvoir d’achat est de 100 mais de 89 en octobre 1945 et en avril 1947 de 76 pour toute la France. D’après les revendications, l’Ille-et-Vilaine semble dans la même situation avec sans doute des différences entre la ville et la campagne.
9 Ouest-France parle d’un « long cortège de la CGT » (2 mai 1947) ; et Le Réveil du 4 mai 1947 de 15 000 manifestants à Rennes et 1 000 environ à Saint-Malo. Le chiffre pour Rennes semble quelque peu excessif, mais même s’il se situe à un niveau inférieur, c’est une des plus grandes manifestations qu’ait connue la ville au xxe siècle.
10 O.-F., 9 juin 1947.
11 Launay (M.), op. cit., p. 27 et ci-dessus chapitre 3, p. 136.
12 Le PCUS leur impose une stratégie de lutte contre l’impérialisme et de défense de la Patrie du Socialisme.
13 Le Réveil, 14 septembre 1947 ; d’après l’article il y aurait eu 10 000 manifestants.
14 Il y en eut très peu en Ille-et-Vilaine; Bougeard (Christian), op. cit., vol.5 : p. 1739 et voir les rapports documentaires ou des communications de départements comme le Vaucluse, les Bouches-du- Rhône lors du colloque sur « Les pouvoirs à la Libération » tenu sous l’égide de l’IHTP-CNRS en décembre 1989, op. cit..
15 Motion majoritaire soutenue par B. Frachon au comité confédéral national des 12 et 13 novembre 1947, cité par Lefranc (Georges), Le mouvement syndical : de la Libération aux événements de mai-juin 1968, Payot, 1969, p. 55.
16 Lefranc (G.), op. cit., p. 52 et suivantes et Bergounioux (Alain), Force Ouvrière, Seuil, (col. « Points- Politique »), 1975, p. 72 et suivantes.
17 Agulhon (M.) et Barral. (F.), CRS à Marseille (1944-1947), A. Colin, 1971, 228 p.
18 La CFTC et la tendance FO à l’intérieur de la CGT sont hostiles à la grève. Le référendum se déroule le 25 novembre 1947 ; aux ateliers 550 sont contre la grève et 200 pour. O.-F., 27 novembre 1947 et 29-30 novembre 1947.
19 Communiqué des cheminots CFTC publié dans Ouest-France le 27 novembre 1947.
20 O.-F., 29-30 novembre 1947.
21 Aux PTT, les mêmes divisions se retrouvent : seul le centre de Redon est favorable à la grève. Les Tanneries de France à Rennes le sont aussi, en revanche l’arsenal, les Papeteries de Bretagne y sont hostiles.
22 O-F, 4 décembre 1947. Une seule personne est maintenue en état d’arrestation. D’autre part, le lendemain se produit le premier et seul sabotage dans le département: un rail est déboulonné sur la ligne Rennes-Paris entre Noyai et Cesson (O.-F., 5 décembre 1947).
23 À l’exception de la grève des cheminots de 1920 et des grèves de 1936, mais dans les deux cas l’Ille- et-Vilaine suit ces mouvements avec modération.
24 Du moins dans l’état actuel de nos sources.
25 Mahec (Laurence), Les mouvements sociaux en Ille-et-Vilaine (1948-1953), mémoire de maîtrise, Rennes2, 1987, 160 p. et Hervochon (Laurence), Les mouvements sociaux en Ille-et-Vilaine de 1954 à 1958, mémoire de maîtrise, Rennes2, 1989, 142 p.
26 ADIV - 131 W 93 et 101 : statistiques des chômeurs secourus et des demandes d’emploi non satisfaites (1946-1958).
27 ADIV - 131 W61 : rapport du directeur du travail et de la main-d’œuvre du 17 avril 1953.
28 Entre le quart et le cinquième d’entre eux y ont droit; ADIV - 131 W 93 : statistiques sur le chômage.
29 Marivin (André), « Lutter pour vivre au pays (1945-1970) », Bretagne aujourd’hui, juin 1976, p. 42-47.
30 ADIV - 131 W93.
31 Selon le lieu de résidence, l’écart de salaire peut être important ; par exemple pour le SMIG l’écart en juin 1955 est d’environ 10 % entre la zone I (Rennes, Saint-Malo,...) et la zone III (les communes rurales). O.-F., 22-24 juin 1955.
32 O.-F., 25 septembre 1948.
33 Dans ces trois cas, il s’agit aussi d’obtenir le versement d’une prime mensuelle de 3 000F décidée par le gouvernement au début de 1950.
34 À l’EDF-GDF, la CGT en organise un dans les centres de Rennes, Fougères, Saint-Malo, Dinard, Vitré : sur 881 votants, plus de 84 % sont favorables à la grève le 9 mars. À Bruz sur 247 employés, 152 votants dont 58 non et 28 nuls.
35 Cf. chapitre 6, p. 281-282.
36 O.-F., 23 mars 1951.
37 O.-F., 8 août 1953.
38 Le gouvernement a promis de ne pas appliquer les décrets dans les PTT.
39 La minorité derrière Paul Vignaux et Reconstruction s’oppose au bureau confédéral qui pour elle a « poignardé » le mouvement. Division qui est au cœur de l’évolution de la CFTC jusqu’à sa transformation en CFDT. Lefranc (Georges), op. cit., p. 118-120.
40 Adam (Gérard), La CFTC op. cit., p. 245-257.
41 Dorso (André), op. cit., p. 195-198 et chapitre 7 p. 317.
42 O.-F., 29 avril 1954.
43 Des grèves et des manifestations se sont multipliées en 1955 et les affrontements aboutissent à la mort d’un ouvrier par balle ; voir également mon La Bretagne de 1939 à..., op. cit., p. 254-255.
44 La diminution d’un tiers des abattements de zones, la majoration des allocations aux vieux travailleurs salariés, le paiement des jours fériés et l’allongement d’une semaine des congés payés qui passent à trois semaines.
45 Du moins en matière de politique sociale, car ils sont beaucoup plus défavorables à sa politique en Algérie.
46 Martray (Joseph), Vingt ans qui transformèrent la Bretagne, éd. France-Empire, 1983, 308 p. ; Phlipponneau (Michel), « La planification régionale en Bretagne », Norois, 1955, p. 189-197 et 387- 398 ainsi que Debout Bretagne !, Saint-Brieuc, Presses Universitaires de Bretagne, 1970, 530 p. ; pleven (René), Avenir de la Bretagne, Calmann-Lévy, 1961, 256 p.
47 Celle-ci s’est aggravée avec l’enlisement de l’armée française en Algérie et l’envoi du contingent. Le poids de la guerre se fait sentir de plus en plus lourdement sur le budget de l’État tandis que l’inflation se poursuit : les prix augmentent alors que le gouvernement freine sa politique sociale.
48 Cf. ci-dessus chapitre 6 p. 281 et suivantes.
49 ADIV - 327 W 98 : rapport des RG (1949-1971) et archives de l’UD-CFTC détenues par l’UD- CFDT à Rennes.
50 Cf. chapitre 6 p. 281-282.
51 En 1952, la CFTC d’après ses propres chiffres a 4 928 adhérents (-45 % par rapport à ceux des RG en 1954), 9 730 en 1962 (-13 % par rapport aux RG en 1960). Surtout, les effectifs lors du congrès de 1964 sont de 14 000 adhérents selon les RG et de 10 567 pour la CFTC elle-même soit - 24 %. Même si la comparaison ne peut être reprise terme à terme, l’écart de 1964 montre que la marge d’erreur est forte !
52 En août 1965, la CFDT regroupe environ 43 % des effectifs syndicaux dans la région administrative et la CGT 41 % mais dans la Bretagne historique, avec la Loire-Atlantique, la CGT regroupe 39 % des effectifs et la CFDT 37 % environ ; cf. mon Bretagne.., op. cit., p. 256.
53 ADIV - 327 W 98 : rapport des RG du 17 juin 1954.
54 Avant la scission, l’UL-CGT de Fougères est la seule à être dirigée par un militant socialiste et non communiste.
55 Dans ce dernier cas, il s’agit de deux coopératives créées par la CGT d’avant-guerre.
56 Cf. Bergounioux (Alain), op. cit., p. 228.
57 Dorso (André), op. cit. et Adam (Gérard), La CFTC, 1940-1958 : histoire politique et idéologique, A.Colin, (col. « Cahiers de la FNSP n°134 »), 1964, 304 p.
58 Cf. ci-dessus chapitre 6 p. 282.
59 ADR - 4 F : enquête pastorale de 1962 ; cette enquête est lacunaire et tardive pour le champ chronologique de ce travail. Des commentaires montrent qu’il y eut un questionnaire sur ce thème en 1958. Malheureusement il n’y en a plus trace; les commentaires comparatifs lorsqu’ils existent, concluent à une similarité de situation sauf le départ des jeunes ; l’exode rural s’accélère entre 1958 et 1962.
60 Cf. ci-dessus chapitre 3, p. 129 et suivantes.
61 Deux sont très récentes et dues à la construction de nouveaux quartiers qui commencent à être habités vers 1958.
62 Né en 1918 à Rennes, en 1933, il est apprenti mécanicien-dentiste et devient ouvrier en 1936. En 1933, il commence à militer à la JOC et adhère en 1936 à la CFTC. De mai 1941 à la Libération, il est responsable permanent de la JOC en Bretagne. D’après Dorso (A.), op. cit., p. 104.
63 Cf. chapitre 6, p. 280.
64 Dorso (A.), op. cit., p. 88 et suivantes.
65 Les Unions de pays au sein de la CFDT en sont la continuité.
66 Témoignage de Robert Duvivier cité par Dorso (A.), op. cit., p. 182.
67 Les enseignants du SGEN-CFTC sont souvent mis à contribution.
68 ADIV - 327 W 98 : rapport des RG de juin 1954.
69 ADIV - 327 W 98: rapport des RG sur les effectifs syndicaux du 19 avril 1957 et enquête de 1961. Ces chiffres ne portent que sur une partie des effectifs syndicaux.
70 Isolement qui s’est accru au moment de la Libération sur des problèmes d’épuration.
71 En ce qui concerne le Livre, deux des grandes entreprises sont dirigées par un patronat chrétien (Oberthür et Ouest-France) ce qui peut expliquer que la CFTC puisse rivaliser avec la CGT.
72 En 1964, lors du congrès de la déconfessionnalisation de la CFTC, la CFDT est devenue le premier syndicat du département par ses effectifs, avec 14 000 adhérents, 11 500 pour la CGT et 5 000 pour la CGT-FO selon les RG (ADIV - 327 W 98 : rapport des RG du 15 décembre 1964).
73 D’après Adam (Gérard), Atlas des élections sociales en France, A. Colin, (« cahiers de la FNSP »), 1964, p. 18 et suivantes et p. 175 et suivantes.
74 Les sources chiffrées proviennent des statistiques de l’INSEE.
75 Faculté des lettres, de droit, de sciences, de médecine et de pharmacie. L’École de Médecine est définitivement transformée en faculté en avril 1956. AMR - 1D1/111 : délibération du conseil municipal de Rennes du 26 avril 1956.
76 Mais les étudiants proviennent de toute l’académie de Rennes qui comprend à ce moment-là outre l’Ille-et-Vilaine, les Côtes-du-Nord, le Finistère, le Morbihan et la Mayenne.
77 Chaque ville universitaire a une association générale des étudiants ; ces associations sont regroupées dans l’UNEF. Chaque association a un rôle de gestion et de revendication dans le cadre de l’UNEF; Monchablon (Alain), Histoire de l’UNEF de 1946 à 1968, PUF, 1983, 208 p.
78 Les cités universitaires ne peuvent accueillir qu’une minorité (370 places pour environ 9 000 étudiants).
79 Parmi les présidents de l’AGER, on peut citer Michel Denis en 1953, futur président de l’université Rennes 2 de 1976 à 1980, Charles Josselin en 1956-57-58, futur président socialiste du Conseil général des Côtes-du-Nord ; morfoisse (Joël), « Souvenirs d’un étudiant rennais à la fin des années 50 », dans Mémoires d’Ille-et-Vilaine, octobre 1988, p. 14-20.
80 Pichon (Philippe), La politique syndicale agricole en Ille-et-Vilaine (1945-1965), Rennes2, mémoire de maîtrise, 1987, 126 p.
81 Cf. chapitre 5 p. 259
82 Les coopératives, la mutualité, le crédit, les ouvriers agricoles, les techniciens et cadres de l’agriculture, les FDSEA et les « divers » (jeunes agriculteurs en 1946 et les migrations rurales en 1948).
83 O.-F., 25 mai 1945
84 Les agriculteurs de la région de Saint-Malo décident de ne pas prendre part à l’élection du conseil d’administration ; ils ne se rallient h la FDSEA qu’en octobre 1947.
85 Les propriétaires-exploitants y sont nettement majoritaires.
86 Cependant la frontière ne passe pas entre anciens dirigeants de la Corporation paysanne et les autres. Jean Nobilet fut syndic de la Corporation, Jean Bohuon est élu à la fin de 1943 syndic régional contre de La Bourdonnaye et A. Méhaignerie était syndic régional adjoint; Boussard (Isabel), Vichy et la Corporation paysanne, PFNSP, 1980, p. 301-302.
87 Cf. chapitre 5 p.259.
88 Les Chambres d’agriculture sont dissoutes en 1940.
89 Les exploitants ont les deux tiers des voix ; la coopération, la mutualité et le Crédit agricole se partagent le tiers restant.
90 Le Paysan d’Ille-et-Vilaine, 15 février 1947. Le préfet oppose un refus car le film est revêtu de l’autorisation gouvernementale ; il affirme cependant comprendre la réaction des paysans de la CGA.
91 Cf. ci-dessous chapitre 9, 2e partie.
92 Cette pénétration s’effectue peu à peu et le département en 1959 est dans la moyenne nationale après avoir été très en retard avant la guerre, signe d’une mutation des mentalités agricoles; Gueslin (André), Crédit agricole et mutualisme en France des années 1910 aux années 1970, Nancy, 1983, tome 2 : 1939-1959, p. 953-956.
93 Le Paysan d’Ille-et-Vilaine, juin 1952.
94 Mendras (Henri), « Les organisations agricoles » dans Les Paysans et la politique dans la France contemporaine, A. Colin, (col. « FNSP »), 1958, p. 231-252.
95 Le Paysan d'Ille-et-Vilaine, janvier 1950
96 Le Paysan d'Ille-et-Vilaine, 15 janvier 1947
97 On retrouve là le refus, classique à l’époque, de la mixité et surtout une habitude venant des JAC non mixtes.
98 Le Paysan d'Ille-et-Vilaine, janvier 1958.
99 Pour une vue d’ensemble et des témoignages : JAC et modernisation de l’agriculture dans l’Ouest, INRA, 1980, 202 p.
100 Cf. chapitre 3 p. 130-131.
101 Témoignage de Francis Louapre cité dans JAC et modernisation..., op. cit. : « la JAC a été un moyen de me découvrir moi-même, (...) d’apprendre que l’homme est un être social. »
102 Témoignage d’Anne Vinçot cité dans JAC..., op. cit..
103 Ce fort taux d’abonnement est partagé par tout l’Ouest armoricain sauf les Côtes-du-Nord. Par exemple en 1956/1957, le Finistère, la Loire-Atlantique ont respectivement 21,5 % et 27,3 % de leurs jeunes ruraux abonnés aux journaux de la JAC ; Durupt (Marie-Josèphe), Les mouvements d’Action catholique, facteurs d’évolution du milieu rural, Paris, FNSP, ex. dactylographié, 1963, vol l : p. 159- 161, vol.2 : carte n° l4.
104 ADR-3 F : enquête pastorale de 1962. Tous les arrondissements sont couverts par cette enquête; mais à l’intérieur il peut exister quelques lacunes.
105 C’est l’arrondissement où le MRP a les taux les plus faibles entre 1946 et 1956.
106 Canevet (Corentin), Le modèle agricole breton, Rennes, PUR, 1992, p. 113-115. D’après l’enquête de 1962, il y a peu d’équipes adultes de l’Action catholique en milieu rural, à la différence de l’ACI et de l’ACO en ville. La spécificité du monde rural par rapport au monde urbain peut expliquer la différence entre le développement des équipes de la JAC et la faiblesse du mouvement adulte. Le jeune agriculteur nouvellement installé a souvent de lourdes charges qui le conduisent à avoir de longues journées de travail dans ses champs ou pour se former s’il est engagé dans la voie de la modernisation (ce qui correspond à l’idéologie de la JAC).
107 La FDSEA changea de direction en 1958 dans le Finistère, en 1960 en Loire-Atlantique.
108 En particulier dans Le problème agricole français, 1946, éd. Nouvelles.
109 Le Paysan d’Ille-et-Vilaine, avril 1960.
110 Le Paysan d’Ille-et-Vilaine; 1er mai 1954 : article d’Elie Chemin invitant à généraliser le remembrement.
111 RGA de 1955. Répartition qui n’a guère changé depuis 1929 et est voisine de celle de l’ensemble des exploitations bretonnes.
112 Destinés à la formation des agriculteurs ; des techniciens sont chargés de vulgariser les nouvelles méthodes de production.
113 Pichon (Philippe), op. cit., p. 85 et suivantes.
114 Chaque agriculteur a le droit de vote à condition d’être inscrit sur les listes d’électeurs; le CDJA accuse la FDSEA de ne pas avoir fait de publicité sur ce point si bien que beaucoup de jeunes se seraient déplacés pour rien (Le Paysan d’Ille-et-Vilaine, juin 1959). On peut se demander pourquoi le CDJA n’a pas fait cette publicité : pour des raisons financières ?
115 Louis Chopier a 30 ans, Pierre Restif de Domagné, secrétaire général-adjoint de la FDSEA et nouveau président du CDJA 31 ans, Albert Cherruel (Pacé), secrétaire général de la FDSEA 29 ans, Jean Kernaleguen, président d’honneur du CDJA, 33 ans.
116 Cf. chapitre 3, p. 132 et suivantes
117 Sur l’ensemble du problème du renouvellement des élites en France, cf. Rioux (Jean-Pierre), « A changing of the guard ? Old and new elites at the Liberation », dans Elites in France : Origins, Reproduction and Power, op. cit., p. 90.
118 Sur ce terrain, la CFTC et le CDJA d’Ille-et-Vilaine sont en retard par rapport à la Loire-Atlanti- que qui entame des relations suivies dès 1959; cf. mon Bretagne..., p. 271-272.
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Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008