Dans le cabinet de travail du pasteur Samuel Bochart. L’érudit et ses sources arabes
p. 117-143
Texte intégral
1Le pasteur Samuel Bochart (Rouen, 1599-Caen, 1667) fut un érudit accompli qui fit parler de lui dans toute l’Europe savante. Formé dans les académies protestantes de Sedan et Saumur, où il avait cultivé le grec et l’hébreu, il étudia à Leyde l’arabe et l’araméen de 1620 à 1622. Durant l’année académique 1622-1623, il compléta ce parcours à Oxford. De 1624 à sa mort, il exerça son ministère pastoral à Caen et ne sortit plus du royaume que pour répondre, comme avant lui Descartes ou Saumaise, à l’invitation de la très intellectuelle reine Christine de Suède : il était alors âgé de 54 ans.
2Le plus clair de son temps fut consacré à la composition de deux ouvrages extraordinaires et monumentaux : sa Geographia sacra (Caen, 1646) sur les peuples de la Bible et les Phéniciens, et son Hierozoicon (Londres, 1663), traité de zoologie sacrée. Bochart y mit à profit une quantité ahurissante de sources latines, grecques, hébraïques, arabes, araméennes, syriaques, samaritaines, éthiopiennes. Une telle érudition a profondément impressionné ses contemporains et ses lecteurs de toutes époques.
3Très impressionné moi aussi, presque incrédule, j’ai voulu comprendre comment Bochart travaillait. D’où venaient ses sources ? Où achetait-il ses livres et où trouvait-il des manuscrits rares ? Comment lisait-il ? Avec quelle facilité comprenait-il les langues orientales ? Quelles places la lecture et l’écriture tenaient-elles dans son travail ? Comment prenait-il des notes ? Faisait-il des fiches ? Rédigeait-il des brouillons successifs ? Quels usages respectifs faisait-il du latin et du français ? Qui étaient ses premiers lecteurs, ses correspondants, son réseau ? Comment ses ouvrages étaient-ils imprimés, financés, commercialisés ? Comment étaient réalisés leurs multiples index ? Et quid à côté de ce labeur démesuré du temps réservé à la vie de famille, ou au travail pastoral ? En bref, j’ai désiré entrer dans le cabinet de travail de Samuel Bochart…
4J’aurais aimé me pénétrer de l’atmosphère de ce cabinet. De très petites dimensions, équipé d’un mobilier modeste1, il se trouvait dans le logis des Artur, belle maison du XVIe siècle achetée par Bochart en 1640. Pieusement conservé en l’état par ses descendants, il était montré aux visiteurs curieux. La perte de son mobilier au début du XIXe siècle ne l’empêcha pas de rester un but de visite encore signalé par le guide Joanne en 1893. Les bombardements de 1944 ruinèrent la propriété, dont les derniers vestiges furent peu après détruits2.
5Les notes, brouillons et lettres de l’érudit seraient des plus précieux pour appréhender son travail. Son petit-fils Samuel Le Sueur tenta de les rassembler3, mais refusa sa confiance aux éditeurs hollandais des Opera omnia de Bochart qui ne purent publier qu’un nombre réduit de lettres et dissertations inédites4. De volumineuses liasses restées à Caen furent transportées dans le château familial de Saint-Aubin de Cretot. Lorsque les descendants de Bochart furent contraints à l’émigration, on les vendit au poids : elles servirent pendant vingt-cinq ans de papier d’emballage à l’épicier du village5.
6Les livres que possédait Bochart, aux marges garnies de notes personnelles, pourraient aussi être une clef de la fabrique de son œuvre. En 1732, ils furent donnés par son arrière-petit-fils Guillaume Le Sueur à l’université de Caen : cette Bibliotheca Bochartiana et Sudoriana comptait 2005 titres6. Intégrée en 1806 à la bibliothèque de la ville de Caen, elle en était le plus beau fleuron : un exceptionnel ensemble d’ouvrages rares et savants, dont 139 annotés de la main du grand homme7. Mais la bibliothèque fut anéantie le 7 juillet 1944.
7Ces trois coups du sort semblent réduire à un rêve mon projet d’entrer dans le cabinet de travail de Samuel Bochart. Pourtant, plus encore que les autres, les historiens de la Normandie savent que bien des documents tenus pour détruits réapparaissent… Certes, le site du logis des Arthur n’a encore rien livré, sinon un trésor enfoui de 362 pièces d’or sur lequel Bochart a vécu sans le savoir. Mais nombre d’ouvrages de la Bibliotheca Bochartiana et Sudoriana ont survécu au désastre : les imprimés les plus rares et tous les manuscrits, mis à l’abri en 1940 à l’abbaye de Mondaye, mais aussi d’autres livres, donnés au lycée de Caen au XIXe siècle et ainsi épargnés en 1944. L’inventaire de ces survivants, jamais réalisé, pourrait réserver de bonnes surprises. Quant aux papiers de Bochart, une grande partie d’entre eux put être rachetée à l’épicier : ils furent déposés en 1823 à la bibliothèque du roi. On a une idée de leur contenu grâce à une analyse sommaire de Hermann Zotenberg8, mais ils restent inédits9. Enfin, des lettres de Bochart, inédites ou publiées isolément, sont dispersées entre la BnF, la bibliothèque de l’Arsenal, la bibliothèque de la Société d’histoire du protestantisme français, la bibliothèque de Caen, la British Library, les bibliothèques des universités de Leyde, Amsterdam et Munich.
8Les pages qui suivent se proposent d’éclairer un aspect particulier du travail érudit de Samuel Bochart : la recherche et l’exploitation de sources en langue arabe10. Elles mettent l’accent sur l’impact de la période de formation du jeune érudit sur ses travaux ultérieurs.
L’étudiant normand et le géographe « nubien »
9En 1592 sortit des presses de la Typographia Medicea à Rome un livre extraordinaire : un élégant in-quarto de 326 pages entièrement en arabe11, intitulé Kitâb nuzhat al-mushtâq fî dhikr al-amsâr wa l-aqtâr wa l-buldân wa l-juzur wa l-madâ’in wa l-âfâq [Livre du divertissement de qui désire voir évoqués les métropoles, les contrées, les pays, les îles, les villes et les horizons]. Cette œuvre d’un géographe inconnu, éditée à partir d’un manuscrit12, fut ambitieusement tirée à 1 600 exemplaires, dont 1 129 restaient invendus en 1772. Il fallut attendre 1619 pour disposer d’une traduction latine. Réalisée par deux prêtres maronites, Gabriel Sionite et Jean Hesronite, et suivie d’un appendice des traducteurs, elle fut imprimée à Paris par Jérôme Blageart13 sous forme d’un in-quarto de 329 pages intitulé Geographia Nubiensis, id est accuratissima totius orbis in septem climata divisi descriptio… [Géographie du Nubien, ou description très précise de toute la Terre divisée en sept climats]. Les traducteurs avaient en effet cru l’auteur originaire de Nubie à cause d’une mention du Nil d’Égypte « qui coupe notre patrie » ; Thomas Erpenius, le célèbre professeur d’arabe de Leyde, avait approuvé cette audacieuse interprétation14.
10Le 22 mars 1620, le même Erpenius, en route vers Paris, parvenait à IJsselmuiden. Là, en vue d’une réédition de sa grammaire, il rédigea des conseils aux étudiants arabisants : il y attira l’attention sur le Kitâb nuzhat al-mushtâq et sa traduction enfin disponible, qui « aplanit tout à fait le chemin pour une lecture facile de ce remarquable livre et sa compréhension15 ».
11Le 24 novembre 1620, Samuel Bochart s’inscrivait à l’université de Leyde16 : il commença l’étude de l’arabe avec Erpenius. Mettant à profit le conseil de son professeur, il consulta dès que possible le Kitâb nuzhat al-mushtâq et sa traduction, la Geographia Nubiensis. Une lettre de sa main nous révèle ses premières réactions : longue de six pages, rédigée pour moitié en français et pour moitié en latin, elle a été postée en 1621 à Leyde, où il était de retour après la soutenance de ses thèses à Saumur. On peut être plus précis : Bochart indiquant qu’il écrit un mercredi, cinq semaines après le début du siège de Montauban, sa lettre date du 22 septembre 1621. Elle fut acquise par le collectionneur amstellodamois Gerard van Papenbroeck (1673-1743) : il la montra en 1738 à l’arabisant allemand Johann Jakob Reiske qui en publia en 1741 une traduction latine17, encore citée en 179618, puis oubliée. L’original est aujourd’hui à l’université de Leyde, à qui van Papenbroeck avait légué ses trésors19.
12Bochart y écrit à un de ses anciens maîtres, Johan Smit, dit Smetius (1590-1651). Originaire d’Aix-la-Chapelle, polyglotte et érudit, ce Smit enseigna la logique et la métaphysique à l’académie protestante de Sedan de janvier 1615 à mai 1617. Amené à présider la thèse de Bochart, il s’attacha fort à son jeune élève, mais quitta bientôt Sedan pour prendre en charge une paroisse à Nimègue. La flamme de leur amitié fut entretenue par des échanges épistolaires et poétiques20. Dans sa lettre de 1621, Bochart lui brosse un tableau cru des affrontements religieux qu’a connus la France pendant l’été, puis lui donne des nouvelles de livres arabes qu’il doit lui procurer et passe ensuite au sujet qui occupe son esprit :
« J’ay veu depuis mon retour un Geographe Arabe, intitulé نزهة المشتاق oblectamentum (animi) curiosi, l’autheur ne se nomme point, mais pour son pais, il se dit estre du fonds de la Nubie, entre les sources du Nil et du Nigre21, il parle d’un Roger comme viuant de mesme temps, Roy de Sicile, qui de son temps assiegea Tripolis et Carcone22, ce Roger est mort il y a 470 ans, l’an 115123 ; de la vous pouvés juger du temps de ce Geographe, qui me semble excellent pour toute l’Afrique et les parties d’Asie qui la voisinent le plus, et sans comparaison plus que tous ceux que j’ay jamais veus en plusieurs lieux. Il n’omet ni fontaine, ni roche, ni montagne, ni ruisseau, ni aucune circonstance notable, mais de l’Europe il n’a rien cognu que l’Espagne qu’il descrit tres bien ; pour les autres prouinces il y va a boule ueue24 et il ne fait rien si mal que l’Allemagne où je ne cognoy quasi rien, possible faute de cognoistre les noms des lieux. Je vous en feray voir icy un eschantillon – sachant que vous en jugerés bien mieux que moy. »
13La lettre se poursuit par une énumération soigneuse des passages consacrés à l’Allemagne et aux Pays-Bas par le géographe arabe. Après quelques lignes, Bochart bascule sans préavis vers le latin, ne revenant au français que pour les salutations finales. Ceci montre avec quelle spontanéité le jeune savant pratiquait l’alternance glossique. On peut l’interpréter en admettant que le français est la langue du discours familier et le latin celle du discours érudit. Pourtant, la partie savante de la lettre commence bel et bien en français : tout se passe comme si la consultation de la traduction latine avait affecté son registre d’expression initial. On constate cependant que sa version latine diffère de celle des Maronites et a été réélaborée à partir de l’édition arabe25. Il est aussi revenu à celle-ci pour restituer en caractères arabes tous les toponymes, alors que les traducteurs avaient souvent tenté de les translittérer26.
14Comptant sur la connaissance que son ami Smit a de ces régions, Bochart lui soumet une série d’énigmes consistant en l’identification de toponymes. Il en propose parfois lui-même une solution : c’est le cas de هينو que les Maronites ont transcrit Hinu et dont il a compris qu’il s’agit du Hainault, le cas aussi de قمري (Qamray) qu’ils ont laissé en caractères arabes et que Bochart suppose être Cambrai. Mais il ne devine pas plus qu’eux que باقير (Bâqîr) est la Bavière. Quant à la ville de وادي شنت (Wâdî Shant), que les Maronites ont transcrit Vadi-sant et dont le géographe arabe dit qu’elle est celle du continent qui est la plus proche de l’Angleterre, elle intrigue Bochart, car ce nom ne ressemble pas à celui de Calais : il ne pense pas au village de Wissant, un peu plus au sud. Mais le défi principal est une liste de trente-huit noms27 présentés par le géographe arabe comme ceux des villes germaniques bien connues. Bochart les reproduit et numérote. Son raisonnemement peut se traduire ainsi :
« Il me semble qu’il y a ici à l’évidence une singulière erreur, car il ne peut pas se faire que me soient tous inconnus ces noms de villes, dont il dit qu’elles sont de grande notoriété et de premier plan ; de plus, la plupart de ces noms me semble ne rien avoir à voir avec ce qui sentirait le génie germanique : par exemple [la ville no] 35 est Gallopolis en Thrace, la 31 Constantinople, la 32 Adrastia près de Troie, en Mysie, de sorte que je soupçonne qu’il a décrit ou bien Utopie, ou bien les environs de Constantinople. À vous de voir et de juger. »
15L’intuition du jeune érudit était exacte : ces noms, altérés dans le manuscrit source, sont ceux de villes de l’Empire byzantin situées autour de la mer Noire. Par l’effet d’une lettre parasite, elles s’étaient, de « romaines » (رمانية, rumâniyya28), et les (جرمانية, germaines, jarmâniyya), muées en « (Maronites n’avaient pas relevé l’anomalie. La conclusion de Bochart nous le montre disposé à reconnaître les mérites de peuples dont son temps ne faisait pas grand cas :
« Telles sont les choses sur lesquelles je sollicite avidement votre jugement, s’il vous est permis de soustraire un peu de temps pour ces graves études, afin que vous appreniez non, bien sûr, comment est votre Allemagne, mais combien elle était connue à ces peuples éloignés du fond de l’Afrique. Vous serez surpris que nous ayons été beaucoup plus connus d’eux qu’eux de nous. Vous savez combien de temps l’origine du Nil est restée cachée à ces anciens Romains qui parcouraient la terre, à tel point que beaucoup ont cru que ce fleuve était, pour ainsi dire, aborigène. Pourtant, venant de lieux aussi reculés, proches de l’outre Garamantes et Indes, se trouvait quelqu’un qui a si bien décrit nos régions qu’il m’a même appris certains faits sur ma Normandie que j’ignorais auparavant, et que j’ai vérifiés après les avoir appris de lui. »
16Écrite à l’âge de 22 ans, cette lettre est le premier témoignage sur les études arabes de Bochart. Sa curiosité initiale a été de savoir comment le géographe arabe avait décrit l’Europe, notamment sa Normandie natale et les Pays-Bas où il étudiait. Bien qu’il ait eu en main la traduction latine, il est clair que le jeune homme est systématiquement remonté à la source imprimée arabe, soucieux de contrôler la traduction et d’identifier les toponymes. Ceci témoigne des progrès qu’il a accomplis dans cette langue en à peine dix mois et annonce la méthode de travail qui sera la sienne lorsqu’il relira cet ouvrage pour composer les siens.
17Dans l’œuvre imprimée de Bochart, Geographia sacra et Hierozoicon, le géographe « nubien » est en effet mentionné plusieurs centaines de fois. Le travail de l’érudit peut être reconstitué grâce aux notes manuscrites qu’il a portées dans ses exemplaires personnels du Kitâb nuzhat al-mushtâq et de la Geographia Nubiensis, aujourd’hui conservés à la bibliothèque de Caen29. C’est dans le livre latin que ces notes sont les plus abondantes. En garde, deux pages en latin font état de travaux des orientalistes anglais ; elles mentionnent quatre livres : Uxor hebraica de John Selden (1648), où il est montré que le géographe « nubien » est en fait un certain al-Idrîsî, cité par le géographe Abû al-Fidâ‘ ; Specimen historiæ Arabum, édité par Edward Pococke (1650), où le nom complet de al-Idrîsî est restauré30 ; Binæ Abulfedæ Tabulæ édité par John Greaves (1650) ; Binæ Tabulæ Geographicæ édité par le même Greaves (1652)31, qui signale la présence à Oxford de deux manuscrits de l’œuvre de al-Idrîsî, ramenés l’un d’Égypte par lui-même et l’autre de Syrie par Pococke. En vis-à-vis de la page de titre, Bochart a établi, à l’époque où il préparait son Hierozoicon, un index arabelatin des noms d’animaux cités dans l’ouvrage32. Tout l’ouvrage est ensuite parsemé de marginalia en latin, arabe ou hébreu. Dans la description des quatre premiers climats, la plupart signalent soit des villes ou régions, soit des espèces animales : ce sont les traces de recherches menées en vue de la Geographia Sacra33 et du Hierozoicon. Souvent, elles rétablissent en arabe un mot ou une phrase du texte traduit : c’est le cas lorsque les Maronites ont transcrit en caractères latins un toponyme arabe ou cherché une traduction latine d’un nom d’animal peu connu en Europe34. On remarque aussi une note d’après Tommaso Fazello au sujet du roi normand Roger de Sicile (p. 170). Dans les pages concernant les climats septentrionaux (cinquième, sixième et septième climats), les notes sont moins nombreuses, mais montrent une lecture attentive. Certaines correspondent de manière frappante à ce qu’on lit dans la lettre à Smit, ainsi le rétablissement de Hinu en Hainaut (p. 251) et l’identification de قمراى comme Cambray (p. 253). Des toponymes normands malmenés par les Maronites ont été corrigés, parfois avec l’expression d’un doute : Tonques en Touques et Casan en f[ortasse] Caen. Mais Bochart n’a fait que souligner Leseau et flumen Etrehan, y ayant certainement reconnu Lisieux et le « fleuve de Ouistreham » (l’Orne).
18Le Kitâb nuzhat al-mushtâq a été moins annoté, mais sans doute pas moins consulté. Un certain nombre de mots arabes y ont été transcrits ou traduits en latin35. Aux adjectifs ordinaux indiquant les subdivisions du livre a été adjointe leur écriture en chiffres, ce qui suggère que Bochart s’y est reporté systématiquement36. On peut se faire une idée de sa méthode en prélevant dans son œuvre imprimée un échantillon de mentions du géographe « nubien », puis en se reportant à ses exemplaires annotés du Kitâb nuzhat al-mushtâq et de la Geographia Nubiensis. Un tel sondage est détaillé dans l’annexe 1. Il apparaît ainsi que les citations arabes sont exactes, que les traductions proposées par Bochart diffèrent presque toujours, parfois substantiellement, de celles des Maronites et que des aller et retour ont été effectués entre le livre arabe et sa traduction. S’il a profité de l’existence d’une traduction, le savant normand semble l’avoir utilisée comme index, et s’être toujours référé au texte arabe, désireux de le citer dans cette langue et de le traduire aussi exactement que possible.
Oxford, le manuscrit des rêves et un étrange proverbe
19Après deux années à Leyde, Samuel Bochart poursuivit sa pérégrination académique à Oxford37. Le 13 janvier 1623, il fut admis comme public student dans la bibliothèque de l’université, habituel séjour des étrangers studieux et y « explora consciencieusement les monuments de l’Antiquité savante qui y sont cachés38 ». C’est là qu’il découvrit son premier manuscrit arabe : le Kitâb fî l-ta‘bîr al-ru’yâ [Livre sur l’interprétation des rêves] de Nasr al-Dînawarî. Il s’agit d’une énorme compilation onirocritique terminée en 1006, dédiée au calife al-Qâdir bi-llâh. Le codex qu’il étudia, réduit à la troisième partie de l’ouvrage, avait été donné en 1611 par Paul Pindar, consul britannique à Alep ; il se trouve encore à Oxford aujourd’hui39.
20Nous ne savons rien des raisons pour lesquelles Bochart entreprit de lire ce manuscrit, ni de l’ampleur des notes qu’il prit au fil de sa lecture. Bien des années après son séjour anglais, il en mentionna quelques passages dans ses propres ouvrages : deux citations dans la Geographia Sacra et huit dans le Hierozoicon. On en trouvera l’intégralité dans l’annexe 2. Contrairement à son habitude, elles ne consistent pas en phrases arabes complètes : il relève, chez celui qu’il nomme Nasrius, l’usage d’un mot, une courte remarque, ou l’explication d’un rêve. Vus en songe, note-t-il, des vêtements de soie signifient des richesses, et un âne noir est signe de joie ou symbole de royauté ; si telle femme ayant rêvé qu’elle accouchait d’un serpent a donné naissance à un grand et célèbre orateur, c’est parce que le serpent a la langue bifide. Dans neuf des dix cas, Bochart prend soin de donner la référence précise du passage qu’il évoque : toutes viennent des sections 21 à 25 du troisième livre40. Enfin, il signale de façon répétée qu’il cite là un manuscrit qu’il a lu jadis à la bibliothèque d’Oxford, se laissant aller à évoquer, un rien nostalgique, l’adolescens qu’il était alors.
21Le 25 mars 1623, Bochart signa dans l’Album amicorum de William Bedwell (1563-1632), l’orientaliste anglais de qui son maître Erpenius semble avoir reçu ses premières leçons, un proverbe en arabe41. Celui-ci ressemble à un hadîth célèbre de la tradition musulmane qui, jouant de la proximité phonétique des mots ‘âlim [savant] et ‘âlam [monde], énonce : Quand un savant fait erreur, le monde fait erreur par son erreur42. Mais le jeune arabisant l’avait puisé dans la collection de deux cents proverbes arabes commencée par Scaliger et terminée par Erpenius43, où, par malchance pour lui, ses savants prédécesseurs l’avaient incorrectement écrit et traduit : ils avaient omis un pronom suffixe de sens possessif et vocalisé deux fois ‘âlim là où il fallait faire se répondre ‘âlim et ‘âlam. Son sens devenait alors tout autre : Quand un savant fait erreur, il fait erreur d’une erreur de savant44. C’est cette formule quasi-tautologique que recopia Bochart : au lieu de souligner la relation du savant au monde, elle l’enfermait dans l’univers clos de son savoir…
La longue chasse aux manuscrits animaliers
22Dès 1644, Samuel Bochart avait conçu le projet d’un travail sur les animaux. On en trouve trace dans le mémoire rédigé par son imprimeur caennais Pierre de Cardonnel à l’intention du chancelier Pierre Séguier, dans l’espoir de récupérer les caractères arabes saisis chez lui. Cardonnel y faisait état d’un projet d’impression de « traittés des animaux, plantes, pierres précieuses, astres et autres choses curieuses dont est faict mention dans la Bible45 ».
23Le but de Bochart était d’identifier les espèces animales mentionnées dans la Bible hébraïque. Il avait retenu de son maître Erpenius l’utilité des sources arabes en raison de la parenté de l’arabe avec l’hébreu. Il lui fallait donc rassembler, outre les versions arabes des textes sacrés, des livres arabes consacrés aux animaux. Sa bibliothèque arabe se limitant alors aux rares livres imprimés à Rome ou Leyde46, il activa son réseau pour trouver et se faire prêter des manuscrits. Les épaves de sa correspondance, jointes à la préface du Hierozoicon, permettent de reconstituer cette quête. Les pièces justificatives sont dans l’annexe 3.
24Le premier à répondre à l’appel fut Claude Saumaise (1588-1653), le grand érudit et philologue protestant alors fixé à Leyde. En 1646 au plus tard, il prêta « momentanément » deux manuscrits à Bochart, qui les avait encore en mars 1651. Le premier contenait semble-t-il la Hayât al-hayawân [Vie des animaux] de al-Damîrî : peut-être fut-il rendu, Bochart s’étant procuré une autre copie de cet ouvrage. Le second était le Jâmi‘fî-l-adwiyat al-mufrada [Recueil des médicaments simples] de Ibn al-Baytâr : à la demande de Saumaise, Peiresc l’avait fait venir du Caire en 1635 par l’intermédiaire du capucin Agathange de Vendôme qui l’avait acheté à un certain Darwîch bin Mustafâ. Bochart ne le rendit jamais à son propriétaire. C’est aujourd’hui le manuscrit 90 de la bibliothèque de Caen.
25Le 20 juillet 1648, le magistrat protestant érudit et bibliophile, Claude Sarrau (1603-1651), qu’une profonde amitié liait à Bochart, lui fit don de deux manuscrits du livre des Psaumes (Kitâb al-mazâmîr) copiés à Tripoli. Bochart disposait déjà du Psalterium arabicum imprimé à Rome en 1619 et, peut-être, du psautier polyglotte imprimé à Gênes en 1516, mais deux versions supplémentaires dont il pourrait traquer les variantes représentaient une aubaine. Ce sont aujourd’hui les manuscrits 7 et 8 de la bibliothèque de Caen.
26En 1647, le cardinal Mazarin, qui, depuis quelques années, ouvrait sa bibliothèque au public, reçut d’Orient une centaine de manuscrits arabes variés. Bochart profita de l’occasion pour s’en faire prêter deux par le bibliothécaire Gabriel Naudé. L’un, copié en 863 de l’Hégire (1459) à Tripoli, est la Hayât al-hayawân al-kubrâ [Grande vie des animaux] de al-Damîrî. L’autre est un court Majma‘ jamî‘ al-hikam [Recueil de tous les remèdes] en dialecte tunisien, listant des propriétés magico-thérapeutiques des plantes et animaux47. Il ne les rendit jamais à son propriétaire. Ce sont aujourd’hui les manuscrits 188 et 91 de la bibliothèque de Caen.
27Bochart ne négligea pas les ressources de son réseau local. Son ami et parent Nicolas du Moustier de la Motte (1613-1698), homme lettré qui fut lieutenant général du bailliage de Caen à partir de 1657, lui communiqua une copie des sourates II à IV du Coran. Louis Thouroude (1615-1689), spécialiste caennais de la géographie de la Grèce antique, lui donna un manuscrit sur la ville et les pèlerinages de Jérusalem : rédigé presque entièrement en turc, il ne put lui servir. Ce sont aujourd’hui les manuscrits 51/1 et 191 de la bibliothèque de Caen.
28La dernière étape de cette quête se situe à Stockholm entre juin 1652 et juin 1653, alors que Bochart était l’hôte de Christine de Suède. Déjà riche en livres orientaux, la bibliothèque royale se trouvait depuis mai 1651 augmentée de la collection de l’érudit français Gilbert Gaulmin, à laquelle Bochart avait sans succès cherché un accès48. Parmi les manuscrits qu’il examina, deux versions arabes du Pentateuque, l’une de la collection Gaulmin et l’autre de la collection Ravianus : il copia des passages de la Genèse (al-Takwîn) et de l’Exode (al-Khurûj) en parallèle avec le texte grec. Il découvrit aussi les ‘Ajâ’ib al-makhlûqât [Merveilles des créatures] d’al-Qazwînî : il en avait copié une grande partie quand la reine lui fit don de l’original. Les textes copiés par Bochart sont répartis sur les manuscrits 198 et 199 de la bibliothèque de Caen ; le codex donné par Christine est le manuscrit 80.
29Cette chasse aux manuscrits fut très fructueuse pour la composition du Hierozoicon : les citations de Ibn al-Baytâr, al-Damîrî et al-Qazwînî (qu’il nomme Abenbitar, Damir et Alkazuinius) y sont presque innombrables. Quelques sources ont néanmoins fait défaut à Bochart :
le Kitâb al-hayawân [Livre des animaux] de al-Jâhidh (Algiahid), le plus ancien ouvrage arabe sur le sujet, dont il n’eut connaissance qu’à travers les citations faites par al-Damîrî ;
le Kitâb al-ifâda wa al-i‘tibâr de ‘Abd al-Latîf al-Baghdâdî (Abdollatif Bagdadensis), aussi appelé Relation de l’Égypte, dont il n’eut connaissance qu’à travers al-Damîrî et dont la première copie sur le sol européen ne fut ramenée qu’en 1665 par Edward Pococke, qui lui signala aussitôt un passage sur l’hippopotame49 ;
le livre sur les propriétés et vertus médicales des animaux de ‘Abd al-Rahmân al-Suyûtî (Abdorrachmane), dont il avait la traduction latine publiée en 164750, mais voulait se faire prêter le manuscrit par Naudé ;
le Coran, dont il ne possédait que des fragments manuscrits ou imprimés et n’osa point demander une copie complète à la reine Christine, qui en avait treize dans sa bibliothèque.
Le voyage en Suède et le « dictionnaire océanique »
30Lorsque Bochart étudiait l’arabe auprès d’Erpenius, le seul vrai dictionnaire arabe-latin disponible était le Lexicon Arabicum de Frans Raphelengius, imprimé à Leyde en 1613. Les étudiants y regrettaient l’absence de nombreux mots et l’indication des voyelles ; la mort précoce d’Erpenius l’empêcha d’achever un dictionnaire exempt de ces défauts51.
31Beaucoup d’auteurs ont répété que Bochart aurait lui-même, très tôt, composé un important dictionnaire arabe : son biographe anglais Ed.-H. Smith l’avait lu dans les Actes de la controverse tenue au château de Caen en 1628 entre Bochart et le jésuite Véron52. Or voici les propos exacts que ces Actes prêtent au pasteur53 : « Le sieur Veron qui auant nostre Conference iamais n’auoit veu d’Arabe […] controuue vne fable, pour prouuer que ie n’y scay pas lire. Mais à qui le persuadera-t-il ? Est-il croyable que sans sçavoir lire i’aye en cette langue vn dictionnaire de plus de trente mille mots ? » Il est vrai qu’une liste des Fautes à corriger demande, au lieu de « i’aye en cette langue vn dictionnaire », de lire « i’aye faict en cette langue vn dictionnaire ». Mais la correction est douteuse : rien n’indique que Bochart disposait avant 1628 d’un corpus de sources traduites suffisant pour un tel travail. La simple possession d’un ouvrage aussi rare qu’un dictionnaire arabe devait suffire à confondre l’impudent jésuite.
32En 1632 parut à Milan le Thesaurus linguæ arabicæ, dictionnaire arabe-latin en quatre volumes. Son auteur Antonio Giggi, dit Giggeius, s’était basé sur le lexique unilingue composé par Muhammad bin Ya‘kûb al-Fîrûzâbâdî (1329-1415) et intitulé al-Qâmûs al-muhît [L’Océan qui entoure tout] – un ouvrage si connu dans le monde arabe que le mot qâmûs, dont le sens premier était celui de son étymon grec ὠκεανός, a pris le sens générique de dictionnaire54. Le Qâmûs se caractérise par l’étendue considérable du vocabulaire qu’il présente sous un volume relativement réduit, grâce à des définitions si concises qu’elles en sont parfois obscures. En règle générale, le Thesaurus suit le Qâmûs de près, traduisant en latin les explications que celui-ci donne en arabe, en les adaptant parfois. Les deux ouvrages sont ordonnés différemment : le Qâmûs range les mots par ordre alphabétique de la dernière lettre radicale, le Thesaurus par ordre alphabétique de la première lettre radicale.
33Quoique l’inventaire de la Bibliotheca Bochartiana et Sudoriana n’en fasse pas état, il est clair que Bochart avait accès à Caen à un exemplaire du Thesaurus : l’ouvrage est mentionné soixante fois dans sa Geographia sacra, publiée en 1646. Mais c’est à Stockholm, dans la bibliothèque de la reine Christine, qu’il découvrit un manuscrit du Qâmûs d’al-Firûzâbâdî. Afin d’enrichir son Hierozoicon, en chantier depuis huit ans, il le parcourut en totalité et préleva dans chaque entrée lexicale tous les mots, expressions, phrases ou proverbes concernant les animaux55. Ayant aussi le projet d’un Hierobotanicon, il nota un peu de vocabulaire sur les plantes. Le produit de cette collecte occupe 668 pages du manuscrit 198 de la bibliothèque de Caen : pour chaque terme sélectionné, on y trouve une explication en arabe et une autre en latin56. En comparant ce manuscrit avec le Qâmûs et le Thesaurus, on comprend que Bochart exploita ceux-ci en parallèle, stratégie qui rappelle celle utilisée pour le Kitâb nuzhat al-mushtâq et la Geographia Nubiensis. L’ordre suivi est celui du Qâmûs, ce qui confirme la constitution du florilège au fil de sa lecture. Les definientia du Qâmûs, en arabe, sont repris tels quels, mais ceux du Thesaurus, en latin, ont en général été modifiés dans le sens d’une plus grande exactitude ou élégance. Et si le Qâmûs permit à Bochart de corriger des leçons fautives du Thesaurus, il lui arriva aussi de relever dans le Thesaurus un sens qu’on chercherait en vain dans le Qâmûs. À titre d’échantillon, la p. 87 est examinée minutieusement dans l’annexe 4.
34En 1653 parut à Leyde le dictionnaire arabe-latin qui devait s’imposer comme référence jusqu’à la fin du XVIIIe siècle : celui de Jacob Golius, le successeur d’Erpenius à Leyde. Bochart en acquit un exemplaire, qu’il annota de sa main57. Il considérait Golius comme « de loin notre meilleur lexicographe58 », mais émit ces quelques réserves :
« Le dictionnaire de Golius est extrêmement méthodique, mais aurait été beaucoup plus utile aux théologiens si ce grand homme, du reste habile dans la langue hébraïque, avait fait à celle-ci une part plus grande. Il aurait sans doute inséré plusieurs vocables absents de son dictionnaire s’il n’avait craint que son volume n’augmentât excessivement. Il vous faut donc avoir, avec le Golius, le Thesaurus linguæ arabicæ en quatre volumes in-folio de Giggeius, imprimé à Milan en 1632 aux frais du cardinal Borromée59. »
35Ce vocabulaire restreint, notamment dans des champs spécialisés comme celui de la zoologie, explique que le dictionnaire de Golius ne soit mentionné que seize fois dans le Hierozoicon : à chaque occasion, son auteur est néanmoins qualifié de doctissimus ou præstantissimus.
Conclusion
36Dès le temps de son apprentissage de la langue arabe, Samuel Bochart chercha à pénétrer au plus profond les textes écrits en cette langue. Il explora les sources arabes imprimées, extrêmement peu nombreuses à l’époque, et s’initia au déchiffrement d’un manuscrit. Ces exercices d’apprentissage furent mis à profit dans sa Geographia sacra. Pour son second grand ouvrage, le Hierozoicon, il mit en œuvre le programme d’Erpenius consistant à utiliser la langue arabe pour éclairer l’Ancien Testament et rassembla, en utilisant toutes les strates de son réseau amical et savant, une petite collection de manuscrits arabes, pour certains inconnus en Europe. Dans tous ces travaux, il fit preuve d’exigence et de minutie, de rigueur dans la critique des sources et de souci de précision dans les traductions. On peine fort à croire ce qu’il déclara un jour au poète caennais Moisant de Brieux : « qu’il n’estoit pas aussi fort en arabe qu’aux autres langues anciennes60 ».
Annexe
ANNEXE 1. Quelques mentions du Géographe « nubien » dans l’œuvre imprimée de Bochart
Dans la Geographia sacra (1646)
Exemple 1 (sur les arbres à encens des montagnes de Mirbât)
Kitâb nuzhat al-mushtâq, clim. 1, part. 6:
وجبال مدينة مرباط تنبت شجر اللبان ومنها يتجهز إلى جميع المشارق والمغارب
Geographia Nubiensis, p. 27:
« In Montibus Merbat arbores thuris, quod deinde in omnes Orienti, & Ocidentis partes defertur. »
Geographia Sacra, p. 120e-121a :
« Montes urbis Merbat producunt arborem thuris : Ex eâ autem distrahitur in omnes partes Orientis & Occidentis. »
[Dans son exemplaire de la Geographia Nubiensis, Bochart a souligné le mot Merbat et noté en marge Marmatha Ptol., toponyme mentionné par Ptolémée qu’on retrouve dans la Geographia Sacra, p. 121a.]
Exemple 2 (sur le caractère orgueilleux des habitants de la ville de Ma‘rab)
Kitâb nuzhat al-mushtâq, clim. 2, part. 6:
وكان لهم من التيه والعجب والكبر على ساير الأمم
Geographia Nubiensis, p. 52:
« & hi fastu, admiratione atque superbia cæteras gentes (...) superabant ».
Geographia Sacra, p. 149d :
« Fastu, jactantia & superbia reliquos (Arabiæ) populos superabant. »
Exemple 3 (sur la distance entre la ville et le phare d’Alexandrie)
Kitâb nuzhat al-mushtâq, clim. 3, part. 3:
وبين هذه المنارة وبين المدينة ميل في البحر
Geographia Nubiensis, p. 94:
« Distat hoc candelabrum ab urbe spatio unius milliaris via maritima. »
Geographia Sacra, p. 296d :
« inter hoc candelabrum & urbem intercedit milliare maritimi itineris ».
[Dans son exemplaire du Kitâb nuzhat al-mushtâq, Bochart a porté en marge au niveau des mots الاسكندرية et المنارة leurs traductions Alexandria et Pharus. Dans son exemplaire de la Geographia Nubiensis, il a à l’inverse porté en marge le mot المنارة.]
Exemple 4 (sur la forme des côtes de la Corse)
Kitâb nuzhat al-mushtâq, clim. 4, part. 2 :
وجزيرة قرسه لها اركان وهي اجوان
Geographia Nubiensis, p. 168:
« Insula Corsica asperis ac fortibus est præcincta Continentibus. »
[L’île de Corse a des aspérités et est entourée de lieux rocheux.]
Geographia sacra, p. 640a :
« Et insula Corsa habet angulos id est sinus. »
[L’île de Corse a des angles, c’est-à-dire des criques.]
[Dans son exemplaire du Kitâb nuzhat al-mushtâq, Bochart a noté en marge : Sic in Æthico Corsica angulosa, en référence à la Cosmographie d’Æthicus. Cette référence se retrouve, parmi d’autres, dans la Geographia sacra : Insula Corsica multis promontoriis angulosa est. Dans son exemplaire de la Geographia Nubiensis, Bochart a entièrement souligné la phrase Insula Corsica asperis ac fortibus est præcincta Continentibus ; il a de plus reproduit en marge la phrase d’origine en arabe et noté à côté d’elle une autre traduction plus exacte. Dans la Geographia sacra, c’est cette autre traduction qui a été imprimée.]
Exemple 5 (sur le pays de Gog et Magog)
Kitâb nuzhat al-mushtâq, clim. 7, part. 9) :
تظمن هذا الجز التلسع من الاقليم السابع قطعة من ارض ياجوج وماجوج الداخلة
وقطعة من البحر الزفتي وهو آخر البحر الشرقي وهو ايضا مظلم
Geographia Nubiensis, p. 278 :
« Continet hæc pars nona Climatis septimi portionem terræ Iagog & Magog interioris & portionem maris picei extremum scilicet mare Orientale, quod etiam tenebrosum est. »
Geographia Sacra, p. 727d :
« Continet hæc pars nona climatis septimi portionem terræ Iagog & Magog (id est intimæ Tartariæ) & portionem maris الزفتي picei & quod etiam est مظلم tenebrosum. »
[Cas assez rare où Bochart ne cite pas la phrase arabe entière, se contentant de deux mots – qui sont comme toujours dans la Geographia Sacra imprimés en caractère hébreux –, et où de plus sa traduction ne diffère pas de celle de la Geographia Nubiensis.]
Dans le Hierozoicon (1663)
Exemple 6 (sur l’origine du nom de la mer Morte)
Kitâb nuzhat al-mushtâq, clim. 3, part. 5 :
وسميت البحيرة الميتة لان ما فيها شي لا روح لا حوت ولا حاية
ولا شي مما شانه ان يتكون في ساير المياه الراكدة والمتحركة
Geographia Nubiensis, p. 111 :
« vocatum est mare mortuum, quoniam nihil animatum in eo reperitur, neque pisces, neque reptile, neque aliud quicquam ex his quæ generari solent in cæteris consistentibus aut excurrentibus ».
Hierozoicon, t. I, col. 40-41 :
« Et vocatur Mare Mortuum, quia in eo nihil est animatum, non piscis, neque reptile, neque aliud quicquam eorum, quæ generari moris est in aquis stagnantibus, aut currentibus. »
[Dans son exemplaire de la Geographia Nubiensis, Bochart a entièrement souligné la phrase latine et copié en marge la phrase arabe.]
Exemple 7 (sur l’ânesse sur laquelle le Messie entra à Jérusalem)
Kitâb nuzhat al-mushtâq, clim. 3, part. 5 :
وعلي ميلين من جبل الزيتون القرية الذي حمل منها الاتان لركوب
لسيد المسيح عند دخول الي اورشليم وهي الان خراب لا ساكن بها
Geographia Nubiensis, p. 114:
« Ad duo milliaria à monte olivarum est castellum, è quo ducta fuit asina, in qua equitavit Christus Dominus quãdo ingressus est Hierosolymam; est autem modò dirutum, à nemine habitatum. »
Hierozoicon, t. I, col. 210 :
« Et ad duo milliaria è monte Olivarum pagus erat, ex quo adducat est asina, qûa vectus est Dominus Christus, cùm ingressus est Hierosolymam : sed pagus ille nunc desertus est, nec ullos habet incolas. »
[Dans son exemplaire de la Geographia Nubiensis, Bochart a porté un petit trait de soulignement sous ducta fuit et un repère dans la marge.]
Exemple 8 (sur la corne unique du monocéros)
Kitâb nuzhat al-mushtâq, clim. 1, part. 8 :
لها قرن في وسط جبهتها طويل في غلظه قبضنان
Geographia Nubiensis, p. 33: « habet cornu in media fronte longum, & crassum quantum duæ manus amplecti possunt ».
Hierozoicon, t. I, col. 934 et 938 :
« In media fronte cornu habet longum, & crassum, quantum ambæ manus complecti possunt. »
[Dans son exemplaire du Kitâb nuzhat al-mushtâq, Bochart a souligné le mot الكركدن qui signifie le monoceros, et noté la transcription carcadan dans la marge. Dans son exemplaire de la Geographia Nubiensis, il a à l’inverse souligné Carcaddan – le terme monoceros n’est pas utilisé par les Maronites – et noté en marge « كركدن Monoceros » ; il a de plus intégré dans l’index manuscrit l’entrée : كركدن monoceros p. 33 et 38.]
Exemple 9 (sur un poisson du fleuve Ghamâsh dont on tire un poison mortel) Kitâb nuzhat al-mushtâq, clim. 4, part. 10 :
فيما حكى صاحب كتاب العجائب إن به سمكة صنجة وهي التي يستعمل منها أطباء الهند والصين
السم القاتل من ساعة
Geographia Nubiensis, p. 214 :
« Ut narrat author libri Mirabilium, reperitur in predicto flumine piscis Sangia, ex quo conficiunt medici Indiæ, Sindæ, & Sin venenum subitam inferens mortem,… »
Hierozoicon, t. II, col. 846 :
« animal صنجه sangia nomine, ex cujus felle fit venenum præsentissimum ».
[Dans son exemplaire du Kitâb nuzhat al-mushtâq, Bochart a réécrit le mot صنجه en marge et l’a accompagné de l’explication piscis venimosus. Dans son exemplaire de la Geographia Nubiensis, il a intégré dans l’index manuscrit : « صنجه piscis venemosus p. 214 ». Dans le Hierozoicon, il donne la référence au Géographe nubien sans faire de citation exacte.]
ANNEXE 2. Relevé des mentions de Nasrius dans l’œuvre imprimée de Bochart
Dans la Geographia sacra (1646)1
p. 422 In Nasrio Oxonii MSS. lib. 2. sect. 22 c. 34 قوس البندق causolbondoki est arcubalista2.
p. 806 خبز abs […] est panis seu farina subacta, secundum Hebræos, cum oleao aut butyro & melle; Secundum Arabes cum dactylis & pinguedine. […] Vide præter Talmudicos, Giggeium & Nasrium Arabem ὀνειροχριτιχὸν, qui MSS. habetur in Oxoniensi bibliotheca. Is habet multa de خبز lib. 3 cap. 47. Sect. 23.
Dans le Hierozoicon (1663)
t. I, col. 104 Rufus in equo Arabicè est اشقر askar apud Nasrium, lib. 3. Tract. 21. cap. 6. Is est Scriptor ὀνιροχριτιχὸς, qui habetur manu-scriptus in Oxoniensi Bibliotheca.
t. I, col. 106 Equum ادهم scribit Nasrius ubi supra, esse عزا في سفر robustum in itinere, id est, laboris maximè patientem.
t. I, col. 489 Hinc in Nasrio (Scriptore Arabe Onirocritice, quem legi adolescens in Oxoniensi bibliotheca) in illo, inquam, Nasrio lib. 3. cap. 43. Sect. 25 ثياب خز vestes chaz, in somnis visæ, divitias significant.
t. I, col. 911 Et in Nasrio, Arabe Onirocritico, Oxonii manu scripto lib. 3. sect. 21. cap. 33. الحمار الاسود Asinus niger (in somnis visus) significat gaudium, regnum, &c.
t. I, col. 946 Et in Nasrio, scriptore Onirocritico Oxonii MSS, lib. 3. cap. 4 sect. 22 pro eodem sumuntur طبي caprea et غزال gazâl.
t. II, col. 233 ظليم dtalim […] struthionis nomen, etsi minùs frequens quàm نعام nâam, de quo suprà, tamen in Avicenna occurrit libro secundo Canonis ; & in Abenbitare […] Et in Damire […] Meminit & Nasrius scriptor ὀνειροχριτιχὸς, quem legi manu-scriptum Oxoniæ lib. 3. cap. 98. sect. 21.
t. II, col. 428 Ità Nasrius, Scriptor Arabs in Oxoniensi Bibliotheca, cùm refert in Ὀνειροχριτιχοἴς (lib. 3. sect. 21. cap. 30) de muliere quadam, quæ somniavit se peperisse الحية serpentem, & peperit magnum & celebrem oratorem: quia تنين thannin est bilinguis. Patet eum تنين thannin, & حية id est, serpentem, pro eodem usurpasse.
t. II, col. 770 In Nasrio لية الطولبند est tulbandis, sive pilei Turcici in spiras convoluti multiplex flexus.
ANNEXE 3. Extraits de la correspondance de Bochart relatifs à son projet sur les animaux et à la recherche de manuscrits
Lettre à Claude Saumaise, Caen, 19 mars 1646
publiée en traduction latine dans : Bochart S., Opera omnia, editio tertia, Leyde, 1692, col. 1250.
« Je crains que vous ne soyez privé des deux manuscrits arabes que vous m’avez permis d’emporter momentanément pour des travaux3. »
Lettre à Pierre-Daniel Huet, Caen, 25 mars 1650
ms. 265 de la bibliothèque de Caen, p. 455-456, cité dans : Tolmer L., Pierre-Daniel Huet, Bayeux, 1949, p. 129.
« La reine de Suède me fait solliciter par lettres réitérées d’achever et de lui dédier mon livre des Animaux de l’Écriture. […] J’ai l’Abdarrahman en françois4 et les deux mss. arabes des Animaux de M. Naudé, mais je n’ai point l’Abdarrahman en arabe, et serois ravi si je pouvois l’obtenir, et je le rendrois, Dieu aidant, dans peu de mois avec les deux autres. »
Lettre à Louis Cappell, Caen, 13 juin 1650
ms. 5420 de la bibliothèque de l’Arsenal, p. 1204, publié dans : Bulletin de la Société d’histoire du protestantisme français, 12e année, 1863, p. 54-55.
« Je croy que vous aurez receu mon livret pour le roy d’Angleterre. J’en prépare un autre De Scripturæ sacræ animalibus que la reyne de Suède demande avec instance. Il me faut encore quelques mois pour y mettre la dernière main. »
Lettre à Gilles Ménage, Caen, 22 août 1650
ms. 971 de la bibliothèque de Caen, lettre 194, inédite.
« Je vous supplie tres humblemt de ne vous point lasser de bien faire ; c. d. de tascher à voir Monsieur Gaumin et tirer de luy s’il se peut quelque MSS des animaux. Je vous rends tres humbles graces des peines prises et à prendre. »
Lettre à Giraud (chez Ménage), Caen, 13 octobre 1650
publiée dans : Galland J. A., Essai sur l’histoire du protestantisme à Caen et en Basse-Normandie, Paris, 1898, p. 483.
[Vos lettres] « m’apreinent l’obligation que je vous ay de la peine que vous avés prise de voir M. Gaumin, pour tascher à tirer de ses mains les livres qu’il m’avoit fait espérer, dont l’attente m’a fait différer jusqu’à present à revoir ce que j’avois esbauché il y a quelques annees des animaux de l’Escriture. Mais veu ce que vous me dites que ses livres sont si fort en desordre qu’il craint de ne pouvoir trouver aisement ce qu’il m’a promis, je ne m’y attendray que de bonne sorte, et entretemps je m’aideray de ce peu que j’ay de mss, et si ceux la ne viennent à temps, ce sera pour une autre occasion. Pour une chose si incertaine, il ne faut pas que je face une perte certaine du temps qui ne se peut rappeler. Je ne laisseray cependant de vous estre très obligé et à Monsieur Mesnage de tous vos soins. »
Lettre à Isaac Vossius, Caen, 13 mars 1651
publiée en traduction latine dans : Bochart S., Opera omnia, editio tertia, Leyde, 1692, col. 1252.
« Je crains de ne pas être en état de lui écrire personnellement [à Saumaise]. Prenez soin s’il vous plaît qu’il me tienne pour excusé. J’ai entre les mains deux manuscrits arabes qui sont à lui dont je me sers très fréquemment, et puis-je ajouter très fructueusement. Le très éminent Cardinal Mazarin m’a prêté le Damir sur les animaux, certes en beaucoup de choses semblables à son Damir, cependant différent en beaucoup d’autres5. »
Lettre à Johann Friedrich Gronovius du 29 septembre 1659
ms. de la bibliothèque de l’université de Munich, publié dans : Matter J., Lettres et pièces rares ou inédites, Paris, 1846, p. 286-282.
« J’ay entrepris un ouvrage qui est de plus d’importance. C’est d’expliquer tout ce que dit l’Escriture des animaux. Et au lieu que je croyois que ce ne seroit qu’un livret, j’en ay fait un bien gros volume. […] M. Vossius m’a fait la grace de me procurer des imprimeurs en Hollande, et tres excellens. Cependant je doute encore je ne me servirois point plus tost de ceux qui ont imprimé la grande Bible en Angleterre, pour ce qu’ils sont fort corrects pour les langues orientales. Les uns et les autres veulent avoir l’ouvrage entier entre leurs mains avant que de rien commencer, ce qui ne pourra estre de sitost pour ce qu’il me faut tout quitter pour faire un voyage à Paris ce mois prochain et de là à Loudun au synode national. […] Je n’en crois pas revenir plus tost qu’a janvier 1660. »
Præfatio ad Lectorem, 1663
Bochart S., Hierozoicon, Londres, 1663, antépénultième page de la Præfatio.
« Mais pour dire la chose comme elle est, rien ne me fut plus utile que ma connaissance de la langue arabe, quelque imparfaite soit-elle. […] En effet, quoique je possède peu de livres arabes et que j’en ai lu moins encore, c’est de ce peu que de grandes lumières me sont apparues. Parmi ces livres se trouvaient quatre traductions du Pentateuque, dont deux que j’ai lues sous forme imprimée et deux manuscrites que j’ai découvertes dans la considérable bibliothèque de la sérénissime reine des Suédois. Deux psautiers manuscrits, qui m’ont été offerts il y a déjà longtemps par l’éminent sieur Sarrau, et qui bien qu’ils s’accordent en grande partie avec ceux qui sont publiés, en diffèrent néanmoins en quelques endroits. L’Alcoran arabe, que m’a généreusement communiqué le très grand, très érudit et très humain sieur de la Motte, préfet de notre ville, qui m’est uni par l’amitié et les liens familiaux. Les Merveilles des créatures d’Alkazuini, écrit il y a presque cinq cents ans, que je dois à la libéralité de la sérénissime Christine. Le précis des plantes du médecin Abenbitar de Malaga, dans lequel sont insérés de-ci de-là de nombreux passages sur les animaux. Je le tiens du grand Saumaise, et Saumaise du prestigieux Peiresc, qui s’était occupé de le faire venir d’Égypte. Abenbitar est mort l’an de l’Hégire 64. L’énorme volume sur les animaux de Muhammed Addamiri, vulgairement appelé Damir, compilation d’au moins vingt auteurs dont des extraits sont cités tout au long de l’œuvre. J’ai eu la chance de tomber sur deux exemplaires de ce livre, dont chacun a quelque chose en propre que l’on chercherait en vain dans l’autre. Celui qui avait écrit ce livre l’an de l’Hégire 773 a achevé sa destinée l’an de l’Hégire 808. L’Alcamus, c’est-àdire l’Océan, titre d’un important dictionnaire de la langue arabe rédigé dans cette même langue, écrit à peu près à la même époque par Mahomet Phiruzabendi fils de Jacob. Je l’ai parcouru en totalité à Stockholm afin d’extraire de ce grand ouvrage les éléments relatifs à mon sujet6. »
Lettre à Samuel Clarke, Caen, 28 octobre 1665
ms. British Library Add. 22905, f. 60, cité dans: Toomer G. J., Eastern Wisdome and Learning: The Study of Arabic in Seventeenth-Century England, Oxford, 1996, p. 272, n. 10.
« Je remercie grandement le très distingué Monsieur Édouard Pocock pour ce singulier passage sur l’hippopotame qu’il a bien voulu m’envoyer de sa propre main... Je cite moi aussi l’historien Abdollatif de Bagdad, dont ce passage est extrait, mais d’après Damir7. »
Lettre à Jacques Cappel, Caen, 14 janvier 1666
Bochart S., Opera omnia, editio tertia, Leyde, 1692, col. 855.
[Du Coran,] « je n’ai lu que peu de choses écrites en langue arabe, à l’exception de deux sourates publiées par Erpenius, du contenu d’un manuscrit appartenant au premier préteur de cette ville, et de treize autres manuscrits que la reine de Suède avait dans sa bibliothèque, dont je n’ai pas osé lui demander une seul, une timidité dont je me suis souvent repenti plus tard8. »
ANNEXE 4. Analyse d’une page des notes de Bochart sur le Qâmûs
La p. 87 du ms. 198 de la bibliothèque de Caen, ici analysée à titre d’échantillon, contient vingt unités lexicographiques prélevées par Bochart dans un manuscrit du Qâmûs de Fîrûzâbâdî. Toutes ont la lettre ر pour dernière lettre radicale. Pour chacune, on trouvera ci-dessous les explications arabe et latine données dans ce manuscrit, comparées à celles du Qâmûs et Thesaurus de Giggeius.
1. expression du Qâmûs : الثفر
Explication arabe du Qâmûs :
للسباع والمخالب كالحياء للناقة
Explication latine de Bochart : Vulva ferarum et acutium rapacium ut حياء est vulva camilæ.
Explication latine de Giggeius : Ferarum & animantium raptu viventium vulva, seu pars in qua concipiunt, & masculum admittunt (vol. I, col. 534).
Commentaire : Alors que Giggeius avait supprimé toute référence à la vulve de chamelle حياء pour y substituer le mot vulva suivi d’une définition générale, Bochart a été plus fidèle au Qâmûs, mais a incorporé dans l’explication le mot vulva emprunté à Giggeius. Noter que al-mukhâlib = les griffes ou les serres, d’où les rapaces par métonymie.
2. expression du Qâmûs : الاستثفار
Explication arabe du Qâmûs :
ادخال الكلب ذَنَبه بين فخذيه حتى يُلزقه ببطنه
Explication latine de Bochart : Cum canis caudam remulciens subsidit pavitantem utero.
Explication latine de Giggeius : Cum canis caudam inter crura ponit, itaut ventri adhæreat. (vol. I, col. 534).
Commentaire : Alors que la phrase arabe est claire et sa traduction par Giggeius exacte (Lorsque le chien met sa queue entre ses cuisses de sorte qu’elle colle à son ventre), celle de Bochart l’est, pour une fois, beaucoup moins : Lorsque le chien descend sa queue en la repliant de sorte qu’elle bat sur son ventre. Faut-il y voir une réserve un peu pudibonde ?
3. expression du Qâmûs : ثفره
Explication arabe du : ساقه من خلفه
Explication latine de Bochart : jumentum egit a parte posteriore constitutus
Explication latine de Giggeius : jumentum egit in parte posteriori constitutus (vol. I, col. 534)
Commentaire : Bochart est resté ici très proche de Giggeius. Noter que jumentum = bête de somme.
4. expression du Qâmûs : اثفرت العنز
Explication arabe du Qâmûs : بيّنت الوِلادة
Explication latine de Bochart : capram proliferam esse constitit
Explication latine de Giggeius : capram proliferam esse constitit (vol. I, col. 534)
Commentaire : Bochart a repris telle quelle l’explication de Giggeius.
5. expression du Qâmûs : الثَور
Explication arabe du Qâmûs : نُهوض القَطا والجَراد
Explication latine de Bochart : Cum avis cat’alas commovet ad volandum. Locustæ agitatio.
Explication latine de Giggeius : Cum avis قطا movet alas ad volandum. Locustæ agitatio. (vol. I, col. 569).
Commentaire : Bochart a ici commis ou copié une faute d’orthographe en écrivant نهود (seins) au lieu de نهوض (envol). Par ailleurs, l’oiseau nommé قطا non identifié par Giggeius qui avait laissé son nom en arabe ne l’a pas été non plus par Bochart qui s’est contenté de le translittérer en cat’. Plus tard, Bochart devait consacrer un paragraphe de son Hierozoicon (t. II, col. 52) à cet oiseau, l’identifier à une espèce de palombe et affirmer témérairement que son nom dérive du grec φάττα par mutation du ف en ق. Enfin locustæ (sauterelles) est la traduction correcte de جراد.
6. expression du Qâmûs : الثور
Explication arabe du Qâmûs : البَقَر ذَكَر
Explication latine de Bochart : Mas bovis.
Explication latine de Giggeius : Taurus. Bos. (vol. I, col. 570).
Commentaire : La traduction de Bochart est plus littérale.
7. expression du Qâmûs : الثَورة من مال ورجال
Explication arabe du Qâmûs : كثير
Explication latine de Bochart : De armentis, facultatibus et hominibus copia.
Explication latine de Giggeius : Facultatorum et armentorum copia. Multitudo virorum. (vol. I, col. 570).
Commentaire : Bochart est resté ici très proche de Giggeius. Il lui a notamment emprunté la traduction du seul mot mâl par le binôme « troupeaux et richesses (financières) ».
8. expression du Qâmûs : المُثيرة
Explication arabe du Qâmûs : البقرة يثير الأرض
Explication latine de Bochart : Vacca terram quatiens.
Explication latine de Giggeius : Vacca terram quatiens. (vol. I, col. 570).
Commentaire : Bochart a repris telle quelle l’explication de Giggeius.
9. expression du Qâmûs : جارت البقرة
Explication arabe du Qâmûs : صاحت
Explication latine de Bochart : Vacca mugivit.
Explication latine de Giggeius : Vacca mugivit. (vol. I, col. 576).
Commentaire : Bochart a repris telle quelle l’explication de Giggeius.
10. expression arabe dans Giggeius : الجبرة
Explication latine de Bochart : Reparatio, inde Algebra, q. numeri fracti reparatio.
Explication latine de Giggeius : Reparatio. (inde Algebra Mathematicae pars, quasi sit numeri fracti reparatio.) (vol. I, col. 583).
Commentaire : Cette entrée est doublement exceptionnelle : absente du Qâmûs et sans rapport avec les animaux. Bochart l’avait prélevée avant son séjour à Stockholm dans le Thesaurus de Giggeius et fut le très probable rédacteur de l’article « algèbre » dans les Origines de la langue française de Gilles Ménage (Paris, 1650, p. 26).
11. expression du Qâmûs : الُمتَجبّر
Explication Explication arabe du Qâmûs : الاسد
Explication latine de Bochart : Leo.
Explication latine de Giggeius : Leo. (vol. I, col. 585).
Commentaire : Bochart a repris telle quelle l’explication de Giggeius.
12. expression du Qâmûs :
جاثر بن إرم بن سام بن نوح
Explication latine de Bochart : Gether f [ilius] Aram f [ilius] Sem f [ilius] Noæ
Explication latine de Giggeius : –
Commentaire : Il s’agit seulement d’un nom propre, avec son ascendance jusqu’à Noé. Cette entrée est donc sans rapport avec les animaux ou les plantes, mais est en lien avec les travaux antérieurs de Bochart (Geographia sacra).
13. expression du Qâmûs : مكان جَثِر
Explication arabe du Qâmûs :
فيه تُراب يخالطه سَبَخ أو حِجارة
Explication latine de Bochart : Locus giathir, in quo terra cui calculi admixti sunt.
Explication latine de Giggeius : Locus in quo sit potus, cui calculi, vel alium commixtum sit.
(vol. I, col. 593).
Commentaire : On a ici un exemple d’erreur dans le Thesaurus que Bochart n’a pas répétée grâce à sa consultation du manuscrit arabe : Giggeius avait vraisemblablement lu شَ اب = boisson au lieu de ترُاب = terre, d’où son absurde « boisson mêlée de cailloux » au lieu de « terre mêlée de cailloux ». Quant au mot. سَبَخ (jais, obsidienne), il est resté non identifié tant par Giggeius que par Bochart.
14. expression du Qâmûs : الجُحر
Explication arabe du Qâmûs :
كلّ شيء يحتفره الهوامّ والسباع لأنفسها
Explication latine de Bochart : Quicquid reptilia aut feræ sibimet excavant, lustrum, antrum.
Explication latine de Giggeius : Antrum quod sibi feræ effodiunt. Foveæ quas sibi serpentes effodiunt. (vol. I, col. 599).
Commentaire : Bochart a traduit littéralement la définition du Qâmûs et l’a fait suivre de deux termes latins dont l’un se trouve chez Giggeius.
15. expression du Qâmûs : حجر الضبُّ
Explication arabe du Qâmûs : دخله
Explication latine de Bochart : Crocodilus terrestris in suum antrum ingressus est.
Explication latine de Giggeius : Dabbah fera suum antrum ingressa est.
Commentaire : Bochart a repris la phrase de Giggeius en modifiant le régime du verbe et en identifiant l’animal ضبّ dont Giggeius s’était contenté de translittérer le nom.
16. expression du Qâmûs : جحر فلانٌ الضبَّ
Explication arabe du Qâmûs : أدخله فيه
Explication latine de Bochart : Aliquis illum in antrum suum ingredi fecit.
Commentaire : On a ici l’exemple d’une expression du qâmus relevée par Bochart alors qu’elle n’avait pas été reprise par Giggeius dans son Thesaurus.
17. expression du Qâmûs : بعير جُحارية
Explication arabe du Qâmûs : مجتَمٍع الخلق
Explication latine de Bochart : Jumentum collecto corpore.
Explication latine de Giggeius : Jumentum collecto corpore. (vol. I, col. 599).
Commentaire : Bochart a repris telle quelle l’explication de Giggeius.
18. expression du Qâmûs : الجواحير
Explication arabe du Qâmûs : الدواخل في الجحرة
Explication latine de Bochart : Quæ in antrum ingrediuntur.
Explication latine de Giggeius : Antrum ingredentia. (vol. I, col. 600).
Commentaire : Bochart est resté proche de Giggeius, en modifiant la syntaxe.
19. expression du Qâmûs : إذا حاضت المرأة حرم الجحران
Explication arabe du Qâmûs : –
Explication latine de Bochart : Cum mulier est menstruata, vetitum est antrum ipsius, i. rima.
Explication latine de Giggeius : Cum mulier menstruata est, vetitum est ejus antrum, id est rima (vol. I, col. 600).
Commentaire : Bochart est resté proche de Giggeius. La phrase signifie : Quand une femme a ses règles, son antre (c’est-à-dire sa fente) est une chose défendue.
20. expression du Qâmûs : جخرت الغنم
Explication arabe du Qâmûs :
شَرِبت على خلاء بطن فتخضخض الماء في بطونها
Explication latine de Bochart : Bibit ovis ventre vacuo et aqua resonavit in ventre ejus.
Explication latine de Giggeius : Ovis bibit corpore vacuo, itaut aqua in ejusdem ventre resonaverit (vol. I, col. 609).
Commentaire Commentaire : Bochart est resté proche de Giggeius, mais a préféré traduire فَ par et plutôt que par itaut (de sorte que).
Notes de bas de page
1 Smith Ed.-H., Samuel Bochart. Recherches sur la vie et les ouvrages de cet auteur illustre, Caen, 1833, p. 37.
2 La maison de Bochart se trouvait au 17 de la rue Neuve Saint-Jean. L’existence d’une issue sur la « grande rue Saint-Jean » explique qu’il se soit fait envoyer le courrier à cette adresse, comme il le demande à Gilles Ménage dans une lettre du 22 août 1650 (ms. 971 de la bibliothèque de Caen).
3 Il lança un avis de recherche des pièces dispersées dans le Journal des savants du 1er juin 1682.
4 Bochart S., Opera omnia, editio tertia, Leyde, 1692 (les textes en français y ont été traduits en latin). Trois volumes de Sermons sur la Genèse furent imprimés à Amsterdam en 1705, 1711 et 1712.
5 Paumier L. D., Éloge historique de Samuel Bochart, Rouen, 1840, p. 45-47.
6 L’inventaire de ces 2005 titres se trouve dans le ms. 519 de la bibliothèque de Caen (nos 548-618 et 732-2662).
7 Mancel G., Notice sur la bibliothèque de Caen, Caen, 1840, p. 13. L’inventaire de ces 139 titres, dressé par Letronne en 1835, se trouve dans le ms. Suppl. Grec 1005 de la BnF.
8 Haag Eug. et É. (dir.), La France protestante, seconde édition, Paris, 1879, t. II, col. 658-665.
9 Manuscrits NAF 2488 et 2489 de la BnF. Je prépare l’édition et la traduction d’une dissertation sur la lycanthropie : Responsio ad Quæstionem viri doctissimi, qui sit Melancholia errabunda, cutubuth arabice dicta.
10 D’autres aspects de ce sujet sont évoqués dans : Ageron P., « Les manuscrits arabes de la bibliothèque de Caen », Annales de Normandie, 2008, vol. 1-2, p. 77-133.
11 Dans certains exemplaires, la page de titre est bilingue ; les autres, plus nombreux, étaient destinés à la vente dans l’Empire ottoman. Les cahiers, non les pages, sont numérotés en chiffres orientaux ; des réclames assurent la continuité de la lecture. La date d’impression, non indiquée, pourrait être antérieure à la date officielle de 1592.
12 L’actuel manuscrit Arabe 2223 de la BnF, en écriture orientale, daté de 944 de l’Hégire, soit 1538.
13 Blageart était l’imprimeur de Savary de Brèves, qui créa la première imprimerie arabe à Paris en 1614. Après la disgrâce de Savary en 1618, Sionite et Hesronite gardèrent ses caractères et firent imprimer le livre à leurs frais. Voir Duverdier G., « Les impressions orientales en Europe et le Liban », Le Livre et le Liban, Paris, 1982, p. 157-279.
14 Nilus Aegypti qui secat patriam nostram… En arabe : نيل مصر الذي يشق ارضنا. Plus tard, on réalisa, que l’édition romaine avait reproduit une erreur : d’autres manuscrits plus fiables donnaient ارضها, son territoire, et non notre territoire. On continua un certain temps, par habitude, à parler du « Géographe nubien ».
15 Erpenius T., Rudimenta Linguæ Arabicæ, Leyde, 1620, Consilium de studio Arabico feliciter instituendo : « Geographia illa anonyma, quæ Romæ è Typographia Medicæa in 4to prodijt […] longe elegantissimo stilo liber est, & cujus elaboratissimam versionem latinam tantopere hactenus a viris doctis expetitam, nunc dant viri undequaque doctissimi, Gabriel Sionita, & Gabriel Hesronita, Maronitæ, & harum literarum insignes promotores, in Celeberrima Parisiorum Academia, quæ versio viam omnino stermet [sic, pour sternet] ad facilem præstantissimi libri lectionem, & intelligentiam. »
16 Du Rieu W. N., Album studiosorum Academiæ Lugduno-Batavæ MDLXXV-MDCCCLXXV, la Haye, 1875, col. 151 : « 24 nov. 1620 Samuel Bochardus 21 [anni] T [heologia] ».
17 R[eiske] J. J., « Viro Reverendo Smit Ecclesiastæ Noviomagensi S. D. Samuel Bochartus », Miscellaneae Observationes criticae novae in Auctores veteres et recentiores in Belgio collectae et proditae in annum MDCCXLI, Amsterdam, 1741, p. 105-116.
18 Hartmann J. M., Edrisii Africa, Göttingen, 1796, p. ci de la Praefatio.
19 Recueil PAP 2, Brief van Samuel Bochart aan Jo. Smith. Je remercie l’UL de m’en avoir envoyé une copie.
20 Bochart S., Opera omnia, editio tertia, Leyde, 1692, col. 1261-64.
21 On a longtemps attribué une source commune au Nil et au Niger (ou Nigre).
22 Carcone : îles Kerkennah, en Tunisie.
23 Roger II de Sicile est en réalité mort en 1154. La date de 1151 semble tirée de la traduction publiée en 1619, qui le dit mort depuis 468 ans. Elle confirme que Bochart écrit en 1621.
24 À boule vue : à la légère.
25 Il écrit par exemple magna illa insula in mari tenebroso au lieu de illa insula maxima in Mari Tenebrarum pour traduire l’arabe الجزيرة العظمى التي في بحر الظلمات (clim. 6, part. 2). De même huic terræ adjacet ab occasu au lieu de huic terræ iungitur ab Occidente pour يتصل بهذه الأرض من جهة شرقيها (clim. 6, part. 2). Et de même proximum huic continens au lieu de propinquior huic continens pour أقرب بر إليها (clim. 7, part. 2).
26 Voir Troupeau G., « Observations sur la traduction latine de la description de la France dans l’abrégé de la géographie d’Edrisi », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 15-16, 1973, p. 359-366.
27 Geographia Nubiensis, Quarta Pars Climatis Sexti, p. 257.
28 L’orthographe courante est رومانية, rûmâniyya, ce qui peut être à l’origine de l’erreur.
29 Bibl. de Caen, RES B 162 et B 163 (numéros 1137 et 1138 dans l’inventaire de la Bibliotheca Bochartiana et Sudoriana). Le livre latin semble avoir été donné à la mort de Bochart à son ami l’helléniste caennais Jacques le Paulmier de Grentemesnil (1587-1670), dont la signature figure sur la page de titre, puis laissé par celui-ci au pasteur hébraïsant Étienne Morin (1625-1700) qui avait épousé sa nièce Hélène. Une dédicace indique que Morin, qui dut s’expatrier en 1685, le donna à Samuel Le Sueur de Colleville, seigneur de Cormelles, né en 1651, dont la mère Esther était la fille unique de Bochart. De Samuel Le Sueur, le livre passa à son fils Guillaume qui le donna, en même temps que le livre arabe, à l’université de Caen en 1732 (ex-libris dans les deux livres).
30 Ce nom est Abû ‘Abdallah Muhammad bin Muhammad bin ‘Abdallah bin Idrîs al-Idrîsî. Le Hierozoicon (t. I, col. 954) parle encore d’un géographe nubien : « Et Geographum Arabem in ipsa Nubia esse natum, in qua tamen nullos describit monocerotes, sed in remotis Indiæ insulis. » Mais dans sa Præfatio ad lectorem, Bochart dit avoir appris son origine sicilienne par un manuscrit de Léon l’Africain : « Nota obiter Geographum Arabem, a me cum vulgo doctorum Nubiensem vocari, cum revera Sicilus fuerit, natus in oppido Mazara ut didici ex Manuscripto Leonis Africani de Viris illustribus, quem mihi dono dedit vir eximius D. Isaacus Vossius. » Contestée par Fabricius, Brucker et Hartmann, cette lecture de Léon fut réhabilitée par Quatremère et de Slane. Le lieu de naissance d’al-Idrîsî reste controversé : Mazara (Sicile) ou Ceuta (Maghreb extrême).
31 La bibliothèque de Caen conserve (RES B 999) un exemplaire de ce livre qui appartint vraisemblablement à Bochart, car il est relié aux armes de la famille de son gendre Le Sueur. Il fut acquis en 1717 par François Martin pour les Cordeliers de Caen, avant le don de la Bibliotheca Bochartiana et Sudoriana à l’université en 1732.
32 Exemple : ضبع hyena p. 9.
33 Les nombreuses références au géographe « nubien » dans la Geographia sacra se trouvent dans la première partie Phaleg ou dans le premier livre (De Phœnicum coloniis) de la seconde partie Canaan.
34 Notons aussi le cas de قرقنة (clim. 3, part. 2) transcrit Carcona par les Maronites : Bochart qui avait laissé Carcone dans sa lettre à Smit l’a rectifié en Cercinna dans les marges de sa Geographia Nubiensis (p. 90). À la p. 544 de la Geographia Sacra, il explique qu’on trouve les orthographes Cercina et Cercinna.
35 Exemple : Tripolis pour طرابلس, Rogerius pour رجار, phaurs pour منارة.
36 Exemple : au début de la deuxième partie du sixième climat (الجز الثاني من الاقليم السادس), il note 2. p.c.6.
37 Étienne Morin, disciple et premier biographe de Bochart, semble penser que ce séjour à Oxford se fit en 1621, dans la continuité d’un passage à Londres imposé par la fermeture temporaire de l’académie protestante de Saumur. Mais William Whittingham remarqua, sur la base des Fasti d’Oxford: « If this be correct, Bochart must have visited England twice ». Voir Morin É., « De clarissimo Bocharto et omnibus ejus scriptis », Samuelis Bocharti Opera omnia, editio tertia, Leyde, 1692, p. 3; Smith Ed.-H., op. cit., p. 6-7; Wood A., Athenæ Oxonienses […] to which are added the Fasti or Annals of the said University, Londres, 1691, vol. II, col. 409; Whittingham W. R. « Essay on the life and writings of Samuel Bochart », Essays and Dissertations in Biblical Literature, New York, 1829, p. 113.
38 Morin É., loc. cit.: «Oxoniensem Academiam eodem illo tempore invisit, & recondita in ea doctæ Antiquitatis monumenta sedulo perlustravit.»
39 C’est l’actuel ms. Bodl. Or. 323, 336 feuillets, daté de 925/1519. Voir Hamilton A., William Bedwell the Arabist 1563-1632, Leyde, 1985, p. 88-90; Wakefield C., « Arabic manuscripts in the Bodleian library: the seventeenth century », Russel G. (dir.), The ‘Arabick’ Interest of the Natural Philosophers in the seventeenth century in England, Leyde, 1994, p. 129.
40 On trouve néanmoins, probablement par erreur, une référence à la section 22 du livre 2.
41 Universiteitsbibliotheek Leiden, ms. BPL 2753, f. 89v, reproduit dans: Shalev Z., Sacred words and worlds – Geography, Religion and Scholarship 1550-1700, Leyde, 2012, p. 152, n. 28 et p. 153, fig. 34. La transcription et la traduction données par Shalev sont fausses. Sur Bedwell et Erpenius, voir Hamilton A., « Arabic studies in the Netherlands in the sixteenth and seventeenth centuries », Philologia Arabica, Anvers, 1986, p. xcix.
42 On l’attribue tantôt à ‘Isâ bin Maryam, le Jésus Christ des chrétiens, tantôt à ‘Umar bin Khattâb, deuxième calife.
43 Scaliger J. et Erpenius T., Proverbiorum arabicorum centuriæ duæ cum interpretatione latina et scholiis, Leyde, 1614, editio secunda 1623. Bochart possédait un exemplaire de l’édition de 1623, qu’il annota. C’est la quatrième pièce du recueil factice qui porte le numéro 755 dans l’inventaire de la Bibliotheca Bochartiana et Sudoriana : classé parmi les manuscrits, celui-ci survécut et est aujourd’hui le ms. 51 de la bibliothèque de Caen.
44 Bochart a écrit sur l’Album amicorum de Bedwell : اذا زل عالم زل بزلة عالم. Le véritable proverbe ou hadîth est : . Dans leur recueil (op. cit., p. 117, proverbe II/LXXXIX), Scaliger et Erpenius donnent :
et traduisent : Cum errat eruditus, errat errore erudito. Une note d’Erpenius explique la formule en disant que les erreurs des savants, au contraire de celles des ignorants, sont rationnelles !
45 En octobre 1643, par l’intermédiaire de Sionite, Cardonnel avait fait venir clandestinement dans sa maison de la rue Saint-Pierre une copie des caractères arabes de Savary de Brèves, les seuls qui existassent en France, réservés à l’usage royal. Ils furent saisis dès mars 1644 par arrêt du Parlement de Rouen. Si Séguier autorisa Cardonnel à finir l’impression de la Geographia sacra, les citations arabes durent être imprimées en caractères hébreux. Voir BnF ms. Français 18600, f. 726, cité par Lepreux G., Gallia typographica, Paris, 1909-1912, t. III-i, p. 436-437 ; Malcolm N., Aspects of Hobbes, Oxford, 2002, p. 268-269, n. 43.
46 Dix imprimés en arabe figurent dans l’inventaire de la Bibliotheca Bochartiana et Sudoriana : le Kitâb nuzhat al-mushtâq (Rome, 1592), le Canon de la médecine d’Avicenne (Rome, 1593), le Pentateuque (Leyde, 1622), les Psaumes (Rome, 1619), le Nouveau Testament (Leyde, 1626), les Rudimenta linguæ arabicæ d’Erpenius (Leyde, 1620), la Grammatica arabica dicta Giarumia (Leyde, 1617), le dictionnaire de Golius (Leyde, 1653), les recueils Proverbiorum arabicorum centuriae duae composé par Scaliger et Erpenius (Leyde, 1623) et Proverbia quaedam Alis, imperatoris Muslemici, et Carmen Togra’ï Poëtae doctiss., necnon Dissertatio quaedam Aben Sinae composé par Golius (Leyde, 1629). Seuls subsistent le premier et les deux derniers livres de cette liste.
47 Izard J.-Ph., Le manuscrit in-4°4 (ou 91) de la bibliothèque de Caen, mémoire de master 2 d’histoire des sciences et des techniques sous la direction de P. Ageron, université de Nantes, 2013.
48 Voir lettre de Bochart à Ménage du 22 août 1650, ms. 971 de la bibliothèque de Caen. Gaulmin voulant un prix fou de sa collection, elle fut retournée à Paris : Huet P. D., Commentarius de Rebus…, Paris, 1718, p. 106.
49 Toomer G. J., Eastern Wisdom and Learning: The Study of Arabic in Seventeenth-Century England, Oxford, 1996, p. 272.
50 Echellensis A. (trad.), De proprietatibus ac virtutibus medicis animalium, plantarum ac gemmarum, tractatus triplex, auctore Habdarrahmano Asiutensi Aegyptio…, Paris, 1647. Bochart ne cita presque pas ce livre.
51 Erpenius T., Rudimenta, loc. cit.: «Extat Francisci Raphalengÿ Lexicon Arabicum: verum in quo merito majorem vocum copiam, & vocalium appositionem desiderant Studiosi. […] tantisper dum meum quoque prodeat Lexicon in quo nec vocum copia aut accurata explicatio, nec vocales desiderabantur. Faxit Linguarum Auctor, ut vita mihi et valetudo suppetant, ad ea quæ in manibus habeo feliciter absolvenda.»
52 Smith Ed.-H., op. cit., p. 11-12 et n. 11.
53 Actes de la conférence tenue à Caen…, t. I, Saumur, 1630, p. 143-144 : séance 3e sur l’article des Images, lundy 25 septembre 1628 (Bibl. de Caen, RES A 1615).
54 Le titre a le même sens que le mot encyclopédie. L’arabe moderne utilise le mot muhît dans le sens d’océan.
55 Bochart S., Hierozoicon, Præfatio ad lectorem, antépénultième page : « Illud Holmiæ totum percurri, ut ex magno opere excerperem quae in rem meam erant » ; ms. 198 de la bibliothèque de Caen, p. 1 : « Quadam ex lexico camus. Maximo de Animalib[us]. Pauca de plantis. »
56 Ou, très rarement, en français, par exemple à la lettre hamza, p. 2 : mâ’a al-sinnawr, le chat a miaulé.
57 Aujourd’hui disparu, cet exemplaire portait le numéro 2562 dans l’inventaire de la Bibliotheca Bochartiana et Sudoriana. En 1833, Smith (op. cit., p. 12) écrivait : « Dans son exemplaire de Golius, conservé à la bibliothèque de Caen, Bochart écrivit en marge quelques corrections et additions qu’il est bon de signaler aux futurs lexicographes arabes. »
58 Bochart S., Hierozoicon, t. I, col. 494 : « Lexicographus longe optimus Golius noster ».
59 Bochart S., Opera omnia, editio tertia, Leyde, 1692, col. 854, lettre à Jacques Cappell du 14 janvier 1666 : « Golii Lexicon est maxime methodicum, & Theologis multo utilius foret, si Vir ille, de cætero linguæ Hebrææ peritus, in ea fuisset subactior. Plura procul dubio inseruisset vocabula, ni timuisset, ne Volumen nimis excresceret. Tibi ergo cum Golio habendus Giggeii Arabicæ linguæ Thesaurus, Mediolani anno 1632 quatuor vol. fol. sumptibus Cardinalis Borromæi excusus. » La lettre originale était en français.
60 Chapelain J., Lettres, publiées par Philippe Tamizey de La Roque, vol. II, Paris, 1863, p. 162, lettre XCIV à Jacques Moisant de Brieux du 30 octobre 1661.
Notes de fin
1 Les mots arabes imprimés en caractères hébreux sont ici restitués en caractères arabes.
2 Bochart n’ayant pu consulter que le livre 3, la référence au livre 2 est sans doute une erreur.
3 « Ne duobus Tuis M. S. Arabibus, quæ mihi parum propter negotia evolvere licuit, egeas vereor. »
4 Probable référence à la traduction latine – et non française : De proprietatibus ac virtutibus medicis animalium, plantarum ac gemmarum, tractatus triplex, auctore Habdarrahmano Asiutensi Aegyptio, Paris, 1647.
5 « Vereor ut non ipsi [Salmasio] scribere queam. Da, quæso operam, ut excusatum ille me habeat. Penes me sunt illius M. S. C. duo Arabica, quibus frequentissime, possum & addere, fructuosissime, utor. Commodavit mihi Eminentissimus Cardinalis Mazarinus Damirum de Animalibus ; in multis quidem ejus Damiro similem, in multis tamen dissimilem. »
6 « Sed ut dicam quod res est, nihil mihi tam profuit quam Arabicæ linguæ qualiscunque cognitio. [...] Quamvis enim Arabicos libros paucos habeam, & pauciores legerim, tamen ex paucis illis mihi multum lucit affulsit. In his fuere Pentateuchi quatuor paraphrases, quarum duas legi editas, & duas manuscriptas reperi in amplissima Serenissimæ Suecorum reginae bibliotheca. Psalteria duo manuscripta a praestantissimo viro D. Sarravio mihi jam olim dono data, quae licet in plerisque cum editis conveniant, tamen in nonnullis differunt. Alcoranus Arabs quem mecum benigne communicavit vir amplissimus, doctissimus, humanissimus Dominus de la Motte, urbis nostræ praefectus, mihi amicitiâ atque affinitate conjunctissimus. Alkazuinius de Mirabilis creaturarum ante annos fere quingentos scriptus, quem Serenissimae Christinae liberalitati debeo. Abenbitaris medici Malecensis de Plantis accuratum opus, in quo de Animalibus hinc in de multa inserta. Id ex magno Salmasio habui, Salmasius ex amplissimo Peirescio, qui ex Aegypto advehendum curaverat. Obiit autem est Abenbitar anno Hegirae 646. Muhammedis Addamirii, qui vulgo Damir dicitur, volumen ingens de Animalibus, collectum ex vinginti minimum scriptoribus, qui in toto opere parsim citantur. Hujus duo exemplaria foelicissime nactus sum, quae singula aliquid proprium habent, quod in altero frustra quaeras. Is cum scripsisset anno Hegirae 773, fato functus est ejusdem Hegirae anno 808. Alcamus, id est Oceanus, quo titulo vastum linguæ Arabicæ Lexicon in ipsa Arabia circa hoc idem tempus scripsit Mahometes Jacobi Phiruzabendisis filius. Illud Holmiæ totum percurri, ut ex magno opere excerperem quae in rem meam erant. »
7 « Maximas habeo gratias viro praestantissimo Domino Eduardo Pockockio pro insigni illo loco de hippopotamo quem propria manu ad me mittere dignatus est ... Abdollatif historicus Bagdadensis, ex quo locus ille excerptus est, etiam a me citatur... Sed post Damirem. »
8 Rétrotraduit du latin : « Pauca illa, quæ Arabico idiomate conscripta legi, si exceperis duas Suratas ab Erpenio in lucem editas ; continentur Manuscripto ad Praetorem Urbis hujus primarium pertinente, nec non aliis tredecim, quae Sueciae Regina in sua habebat Bibliotheca ; quorum ne unum quidem ab ea expetere unquam sum ausus, hujusce vera meae timiditatis me postea saepius poenituit. » La partie de cette phrase commençant par tredecim a été malencontreusement détachée et mal interprétée dans Smith Ed. H., op. cit., p. 20 et n. 20. Ceci a induit en erreur d’autres auteurs, dont moi-même (Ageron P., art. cit.) Dans le contexte de la lettre, où Bochart regrette l’absence d’édition imprimée du Coran en arabe, il est clair qu’il parle de treize manuscrits coraniques et non treize manuscrits arabes en général. La première impression en arabe d’une sourate coranique est due à Erpenius (Historia Josephi Patriarchæ ex Alcorano, Leyde, 1617). La première impression intégrale du Coran, due à Abraham Hinckelmann, est très postérieure à la mort de Bochart (Hambourg, 1694).
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