Être purement grec dans l’Empire romain
p. 579-599
Résumés
« Purement grec », « grec au plus haut degré » sont des expressions dont l’usage se développe à l’époque impériale, surtout chez les représentants – intellectuels et notables – de la Seconde et de la Troisième Sophistique (de la fin du Ier au début du Ve siècle de notre ère), plus rarement dans les inscriptions. Nous analysons dans une première partie les emplois et les significations de ces expressions, pour comprendre comment on pouvait être un « pur Grec » dans l’Empire romain. Dans une seconde partie, nous défendons l’idée que la quête et la revendication d’un hellénisme pur a constitué une entrave au développement d’une « pensée métisse » (selon Serge Gruzinski) dans les sources textuelles grecques d’époque impériale.
Expressions like “purely Greek”, “absolutely Greek” are found during the imperial period in writings from authors of the Second and Third Sophistic (from the end of the first to the beginning of the fifth Century AD), more rarely in epigraphical texts. We first examine the use and meaning of these expressions, trying to understand how one could be a “pure Greek” in the Roman Empire. We secondly argue that searching and claiming a pure hellenism prevented the development of a ‘pensée métisse’(as Serge Gruzinsky told) in imperial Greek texts.
Entrées d’index
Mots-clés : Acculturation, Athènes, Égypte, Éthiopie, hellénisme, Panhellenion, pensée métisse, pur, transposition.
Keywords : Acculturation, Athens, Egypt, Ethiopia, hellenism, hybridity thought, Panhellenion, pure, transposition.
Texte intégral
***
1Cette étude est inspirée par une réflexion de Serge Gruzinski dans la Pensée métisse : « La question des métissages n’est donc pas seulement une question d’objet : les métissages existent-ils ? L’ensemble des métissages pose également et avant tout un problème d’outillage intellectuel : comment penser le mélange1 ? » Dans cette perspective, je me suis demandé comment les Grecs d’époque impériale – désignation large et hétérogène qui qualifie des habitants de la Grèce continentale, de l’Asie Mineure, du Proche-Orient et de l’Égypte – pensaient le mélange, et tout d’abord s’ils pouvaient le penser.
2J’emprunte également à Serge Gruzinski une définition du métissage qui repose sur la notion de mélange2, en employant le mot pour désigner des mélanges entre des êtres, des imaginaires et des références identitaires issus de cultures différentes.
3Mon propos s’appuie sur une analyse systématique des occurrences de l’expression « être purement grec », et d’expressions proches qui désignent une forme de perfection ou d’exactitude dans l’hellénisme, dans les textes grecs datés du Ier au Ve siècle apr. J.-C3. Dans une première partie sont examinées la diffusion et les significations de ces expressions : quand utilise-t-on cette expression, quels en sont les enjeux ? qu’est-ce qu’un pur Grec dans l’Empire romain, quels sont les critères identitaires qui le distinguent ? Une seconde partie met en relation ce phénomène de revendication et de construction de l’identité hellène à l’époque impériale avec la question du métissage : car peut-on être purement grec et penser des formes de métissages ?
4À une exception près, l’expression « être purement grec » apparaît dans nos sources à la fin du Ier siècle apr. J.-C.4 ; elle est essentiellement littéraire et employée surtout par des auteurs qui sont issus du monde grec d’Asie Mineure, à une époque où la domination romaine, même si elle est parfois critiquée, est acceptée par ces auteurs comme un fait bien établi.
5L’exception signalée vaut la peine qu’on s’y arrête car elle a valeur de référence ; il s’agit d’un passage du Ménexène de Platon, qui commente le refus manifesté par les Athéniens de reconnaître au roi perse Artaxerxès II l’hégémonie sur les Grecs d’Ionie (juste avant que la paix d’Antalcidas, en 387 av. J.-C., ne reconnaisse cette hégémonie) :
« Voilà comme la noblesse et la liberté de notre cité sont solides et saines, voilà leur haine naturelle du barbare (φύσει µισoßάρßαρo), parce que nous sommes purement grecs et sans mélange de barbares (διὰ τò εἰλικρινῶς εἶναι Ἓλληνας καὶ ἀµιγεῖς ßαρßάρων). Car les Pélops, les Cadmos, les Aegyptos, les Danaos et nombreux autres, qui par la nature sont des barbares, par la coutume des Grecs (φύσει µὲν ßάρßαρoι ὄντες, νόµῳ δὲ Ἓλληνες), ne vivent pas avec nous ; au contraire, nous, nous vivons en Grecs, non métissés de barbares (oὐ µειξoßάρßαρoι) ; d’où cette haine pure (καθαρόν), implantée dans notre cité, envers la nature étrangère (τῆς ἀλλoτρίας φύσεως)5. »
6Ce passage célèbre est structuré par des antithèses présentant les Athéniens comme un modèle de pureté ethnique, par opposition à tous les autres peuples. La pureté, rendue ici par le terme εἰλικρινῶς qui renvoie étymologiquement à ce qui est filtré6, est fortement valorisée par rapport au mélange. Les principaux critères de discrimination entre les peuples sont la nature et la généalogie, comme le montre la référence aux fondateurs venus d’Asie Mineure (Phrygie), de Phénicie ou d’Égypte – qui sont les ancêtres mythiques des habitants du Péloponnèse et de Thèbes ; un troisième critère de l’hellénisme, celui de la coutume, apparaît en second plan, par opposition à la nature. Cette référence à l’origine des peuples rappelle implicitement l’autochtonie des Athéniens, louée au début du discours. L’opposition joue ici non seulement entre les Grecs et les Barbares, mais aussi entre Athènes et les grandes cités de la Grèce continentale dont les ancêtres mythiques sont étrangers. Ce discours, qui souligne les dissensions entre les cités grecques, est bien sûr parodique : il est d’ailleurs placé dans la bouche d’Aspasie de Milet, dont le propre fils, Périclès le jeune, fut confronté à la rigueur de la législation civique athénienne. Mais cette parodie d’oraison funèbre met à nu, en les exagérant, les éléments et la dynamique d’un discours identitaire à la gloire d’Athènes qui était assez couramment diffusé à l’époque classique, à côté d’autres discours qui privilégiaient des critères culturels, ou qui mettaient l’accent sur une conception de l’hellénisme plus englobante, à tendance universelle7.
7Le caractère somme toute topique du Ménexène explique qu’on retrouve des échos au discours d’Aspasie dans le Panathénaïque que le sophiste Aelius Aristide délivra à Athènes, probablement sous les règnes conjoints de Marc Aurèle et de Lucius Verus, vers 1688. Rappelons que l’orateur s’adressait à une foule nombreuse constituée d’Athéniens, mais aussi d’autres habitants du monde grec et de dignitaires romains réunis à l’occasion des Grandes Panathénées : l’un de ses objectifs était d’offrir une définition de l’hellénisme impérial, construite à partir de la référence athénienne. Ce discours très célèbre est celui dans lequel le thème de la pureté grecque, dont Athènes est demeurée l’archétype, est le plus présent. La pureté est davantage fondée sur la situation géographique d’Athènes que sur son origine mythique9 : c’est parce que la cité est située au centre de la Grèce qu’elle a été préservée des influences barbares et étrangères et qu’elle est devenue, depuis les guerres médiques, le cœur pur, pour ainsi dire, de la Grèce historique et culturelle10. Ce critère de la position géographique était un point important de l’éloge aux cités11, basé sur les théories hippocratiques et la science ionienne qui expliquaient les caractéristiques des hommes par la nature du territoire habité. L’insistance sur la centralité correspond à la vision romaine de l’espace qui s’est développée à l’époque d’Auguste, en liant la position géographique centrale de Rome, son excellence et sa vocation à dominer le monde12. Athènes est toujours opposée, par des critères naturels et culturels, aux Barbares perses qui renvoient implicitement aux Arméniens, aux Parthes et aux Mèdes contre qui Lucius Verus avait mené la guerre de 161 à 166 ; mais elle n’est plus opposée aux Grecs d’Asie Mineure avec lesquels est affirmé un lien généalogique, celui qui relie une métropole à sa colonie :
« Elle a évité la terre étrangère et barbare au point de mettre devant elle de l’autre côté du continent une autre Grèce, sa propre colonie, qui encore à présent se tient le plus possible à l’écart des Barbares, comme si la cité avait été disposée ainsi par nature (φύσει), opposée et hostile à cette race (τoύτῳ τῷ γένει). C’est pourquoi elle a toujours donné à ses habitants un caractère droit, pur, non corrompu (ἄδoλoν µὲν καὶ καθαρòν καὶ αδιάφθoρoν τò ἦθoς), et a apporté une langue sélective, pure (εἰλικρινῆ δὲ καὶ καθαρὰν) , plaisante, exemplaire pour toute la communauté grecque13. »
8La notion de pureté athénienne, réactualisée par Aelius Aristide, est plus développée et plus riche que dans le Ménexène : il s’agit d’une pureté totale, à la fois naturelle – géographique et généalogique –, morale, civique14, culturelle et en particulier linguistique. Le statut extraordinaire d’Athènes dans ce discours s’explique naturellement par le rôle historique et culturel qu’a joué la cité dans le monde grec, mais aussi par ses relations privilégiées avec les empereurs romains, et en premier lieu avec Hadrien qui, en plaçant selon toute vraisemblance le Panhellenion près d’Athènes, avait fait d’elle, concrètement, le centre d’une institution qui prétendait représenter le monde grec15.
9On sait très bien, notamment par Dion de Pruse et par Plutarque, que les préjugés traditionnels valorisant la Grèce centrale et la Mésogée au cœur de l’Attique au détriment de l’Asie Mineure étaient toujours d’actualité à la fin du Ier siècle, quand l’expression « purement grec » réapparaît dans les discours des orateurs grecs16. L’attitude mêlée des Romains à l’égard de leurs sujets grecs a sans aucun doute renforcé ces préjugés. Car, à côté d’un mépris assez général pour les Graeculi, on trouve chez les Romains cultivés une représentation de la Grèce, berceau des lettres et des arts, qui est en grande partie fantasmatique, à la fois floue et focalisée sur quelques hauts lieux de mémoire de l’hellénisme, pour la plupart situés en Grèce propre17 : notamment Athènes, Sparte, Corinthe, l’Achaïe, Rhodes18. Quand Pline le Jeune, qui était lui-même un excellent helléniste, félicite son ami Maximus pour avoir obtenu le proconsulat d’Achaïe, il a précisément recours à la notion de pureté pour qualifier cette province : illam ueram et meram Graeciam, « cette Grèce vraie et pure19 ». Jean-Louis Ferrary a montré que la domination romaine a conduit tout à la fois à favoriser la vision restrictive d’une « vraie Grèce », réduite à l’Achaïe, et à entériner de façon institutionnelle une dilution de la notion d’« hellènes20 » : ainsi les assemblées provinciales de l’Asie et de la Bithynie revendiquaient-elles leur hellénisme en se désignant, depuis les années 80-70 av. J.-C., comme « ligue des Hellènes d’Asie », « ligue des Hellènes de Bithynie21 ». La tension entre ces phénomènes de dilution et de hiérarchisation est très certainement à l’origine de ce travail de reconstruction de la notion d’hellénisme, si sensible dans les œuvres en grec qui sont datées entre la fin du Ier siècle et la première moitié du IIIe siècle22. De la fin du Ier siècle au début du Ve siècle, on relève dans les textes littéraires grecs l’expression « être purement grec », qui utilise le plus souvent le terme καθαρός, lié à la propreté et à l’absence de souillure qu’introduit l’élément étranger23. On trouve aussi d’autres formulations proches, également propres à l’époque impériale : « être éminemment grec », avec a ακρως qui exprime l’idée de pointe, de sommet24, « être exactement, précisément grec », avec le terme ακριβής25, « être parfaitement grec », avec l’adverbe σφόδρα exprimant le superlatif absolu26, ou encore « être vraiment grec », avec αληθής ou bien τῷ ὄντι27. Ces expressions définissent un idéal théorique de pureté, d’exactitude, de plénitude et de vérité, qui constitue un horizon d’attente pour l’hellénisme impérial.
10Deux éléments sont à souligner : ces expressions, dès leur apparition et tout au long du IIe siècle, étaient d’une part employées dans un contexte politique, au sens large mais aussi au sens strict du terme. C’est très remarquable chez le sophiste Dion de Pruse, surnommé Chrysostome, dont on a conservé un corpus important de 80 discours : à une exception près, le discours XXI Sur la beauté, de telles expressions ne sont utilisées que dans les discours bithyniens, prononcés devant des corps civiques, notamment devant le conseil et l’assemblée de Pruse sur l’Olympe (actuelle Bursa), la patrie de Dion. L’orateur a surtout recours à elles dans des contextes de tensions ou de crises, pour exhorter les corps civiques à être unis et les citoyens à mener une vie harmonieuse ; il leur rappelle un modèle global de comportement, ou bien des exemples précis de cités liées à ce modèle, à imiter28. Ce modèle était ce vers quoi les notables du conseil de Pruse tendaient : le rapprochement de leur cité avec celles d’Athènes ou de Sparte est utilisé pour les louer29. L’usage d’expressions comme « purement grec » doit ainsi être replacé dans le contexte des rivalités qui caractérisaient la vie civique dans l’Orient romain et qui s’exprimaient par la quête des honneurs et des privilèges30. Ce contexte de rivalités apparaît de manière explicite dans le discours XLIV, prononcé devant le peuple de Pruse au début du règne de Trajan, dont le sophiste a obtenu d’importants privilèges pour sa cité (une augmentation notable du conseil et la tenue des assises), mais non le statut convoité de ciuitas libera. Dion tente de consoler ses concitoyens en les exhortant à la philosophie, autre voie de la liberté :
« Sachez bien en effet que, tout en ne faisant pas partie des plus importantes et des plus anciennement fondées, notre cité est plus connue que beaucoup, même dans le reste du monde, et que depuis longtemps elle produit des citoyens capables de rivaliser avec presque tous les Grecs et qui ne se classent ni au dernier, ni au troisième, ni même au second rang […] mais ce qui dépend de vous, cherchez à l’obtenir en vous montrant supérieurs aux autres peuples par votre discipline, votre respect, votre soumission aux hommes de bien, votre amour du travail, votre sagesse dans la vie courante, l’intérêt porté à la culture physique et intellectuelle dans la mesure où ses affaires en laissent à chacun le loisir, le zèle que vous mettrez à élever et à éduquer vos enfants, le caractère vraiment (τῷ ὄντι) grec, la tranquillité et la stabilité que vous donnerez à votre cité, le soin que vous prendrez de mettre l’âpreté et la virilité de votre caractère ainsi que votre intelligence au service du grand et du beau et d’éviter, autant que possible, les dissensions, les troubles et les conflits internes31. »
11Ce passage indique différents critères de la compétition entre les cités grecques : la taille de la cité, l’ancienneté de son origine, la notoriété de ses citoyens, leur réputation générale de sagesse, liée à certains traits composant le caractère vraiment grec. À l’échelle de la compétition entre les notables, on retrouve par ailleurs le critère de l’hellénisme dans le titre de « premier des Hellènes », πρῶτος τῶν ‘Ελλήνων, que les assemblées provinciales de l’Asie et de la Bithynie décernaient sous l’Empire32. Bien que Pruse fût située en Mysie, région dont les habitants étaient traditionnellement méprisés pour leur caractère peu grec, et bien quelle ne fasse pas partie des cités « les plus importantes et les plus anciennes33 », elle était dans la course, encouragée par le sophiste qui était un Hellène conscient, engagé dans un travail de reconstruction et de diffusion de l’hellénisme. Employer ces expressions pouvait aussi être un moyen, pour Dion, de lutter contre les préjugés opposant la Grèce centrale et l’Asie Mineure, comme il le fait ailleurs34. Le pouvoir romain avait laissé les rivalités entre cités s’épanouir, tout en les contrôlant ; avec le Panhellenion, fondé en 131/132, Hadrien leur a fourni un cadre institutionnel qui répondait au besoin qu’avaient les Grecs de redéfinir leur identité ethnique35. C’est dans ce cadre que l’on trouve les seules occurrences épigraphiques d’expressions signifiant « exactement, authentiquement grec36 ». Le Panhellenion, tout en institutionnalisant une situation de fait37, conférait plus de poids à la composante généalogique dans la définition de l’hellénisme38.
12D’autre part, le second point important est que la notion de pureté, de perfection grecque possède une assise technique. Cette notion apparaît en effet dans le traité sur les Maladies des femmes de Soranos d’Éphèse, qui est daté de la fin du Ier ou du début du IIe siècle. Le médecin, qui fit un séjour à Rome, prône la supériorité des « pures Grecques » sur les Romaines en matière d’amour maternel et d’éducation des petits enfants39. Dans une perspective proche, dans son discours Sur la Beauté daté du règne de Domitien40, Dion de Pruse loue la beauté « parfaitement (ἄκρως) grecque » d’un jeune athlète dont il admire la statue ; il affirme la distinction entre conformation (είδος) et beauté (κάλλος) grecques, d’une part, et barbares, d’autre part41. Ce passage relève de la physiognomonie42, étudiée par les orateurs chez qui on retrouve donc, tout comme chez les médecins et chez les géographes, des notions héritées de la théorie des climats, selon laquelle le milieu déterminait les qualités physiques, intellectuelles et morales des habitants43. Polémon de Laodicée, grand sophiste du IIe siècle, issu d’une famille brillante, proche de l’empereur Hadrien44, avait composé un traité de physiognomonie que l’on connaît par un abrégé daté probablement du IVe siècle, les Physiognomonica d’Adamantios, et par la traduction arabe du manuscrit de Leyde, daté du milieu du XIVe siècle45. Ce traité contenait une caractérisation des peuples de l’oikoumenè, classés géographiquement (les peuples du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest), qui s’achevait par la description des « purs Grecs ». Il s’agit sans doute des habitants de la Grèce centrale, d’après l’ordre suivi par cette description. Ceux-ci apparaissent comme le meilleur type d’humanité, étant modérés, réputés pour leur connaissance, leur bon mode de vie et leurs lois46.
13Polémon de Laodicée a développé une conception de l’hellénisme qui accorde une grande importance au γένος47, et qui n’était naturellement pas partagée par tous les « intellectuels » contemporains – on songe au Gaulois Favorinus d’Arles et au Syrien Lucien de Samosate, qui définissaient leur hellénisme comme une acquisition48. Néanmoins, il faut insister sur le fait qu’on peut facilement dégager, à partir des expressions que nous avons recensées, les critères et les modèles utilisés pour définir ce qu’est un pur, un parfait Grec : ce sont presque toujours les mêmes éléments qui reviennent, même si les auteurs ne leur accordent pas la même importance, voire les contestent, produisant des définitions qui varient. Ces éléments sont les suivants :
Les références à la Grèce centrale et, en particulier, à des cités, des peuples qui apparaissent comme des « lieux de mémoire » de l’hellénisme : Athènes, Sparte, Argos, Rhodes, Corinthe, les Béotiens, les Thessaliens49. Ces références ont une valeur historique, culturelle et parfois ethnique, au sens généalogique du terme (il s’agit de cités, de peuples ayant un ancêtre commun ou bien une origine commune) ; les rhétoriciens grecs d’époque romaine recommandaient ainsi de rattacher une cité au γένος ionien, dorien ou encore éolien50. Dans un contexte politique, ces lieux de mémoire ont une fonction de modèle, positif ou négatif.
Le γένος, qui détermine un εἶδος grec, constitué de qualités physiques reflétant des qualités intellectuelles et morales (le caractère, ἦθος) comme le tempérament modéré, le goût pour la connaissance et pour la guerre51. Dès la fin du Ier siècle, les auteurs reconnaissent que l’εῖδος du pur grec est devenu rare, à cause des mélanges ethniques. Ainsi Dion de Pruse, dans le discours XXI, 1, considère la beauté « parfaitement grecque » de l’athlète admiré comme une apparence « archaïque », qui n’était plus représentée dans les statues de son temps. Avec diverses nuances, le traité d’Adamantios et la version arabe du traité physiognomonique de Polémon soulignent la difficulté, pour le γένος grec, de se conserver pur de tout mélange avec les autres peuples, la version arabe soulignant la forte immigration récente subie par la Grèce en raison de son attractivité52.
Un comportement général caractérisé par des pratiques civiques, cultuelles, mais aussi quotidiennes, comme, par exemple, la façon de se tenir en public, de marcher dans la rue53. Dans la seconde moitié du Ier siècle et au IIe siècle, la cité de Rhodes apparaît comme un conservatoire des qualités civiques et morales grecques, ce qui peut être expliqué par son ascendance argienne et donc dorienne54, par son histoire militaire qui reste prestigieuse jusqu’à l’époque romaine et par son statut de cité libre55. Dion de Pruse souligne la bonne ordonnance de la cité (εύκοσμία, Or. XXXI, 157) et, après avoir loué la manière dont elle est administrée et dont les sacrifices aux dieux et les fêtes sont organisés, mentionne la démarche posée, la coiffure, le vêtement, le calme et la dignité des Rhodiens lors des spectacles56. Aelius Aristide, qui considère le fait de bien délibérer comme une qualité purement grecque57, évoque aussi l’attitude parfaitement grecque, c’est-à-dire sobre et digne, des Rhodiens à l’assemblée : ils n’utilisent pas de dialecte et se contentent de phrases courtes ou de signes de tête. Le sophiste met cette harmonie en relation avec leur origine dorienne ( Or. XXIV, 56-57). Le comportement relève de l’e [qo" (la « coutume ») et évolue aussi dans le temps. Les références à des pratiques civiques parfaitement grecques disparaissent à partir du IIIe siècle, peut-être à cause de l’évolution de ces pratiques après les Sévères58.
Chez l’empereur Julien, la religion apparaît comme un critère en soi : le paganisme est devenu un élément central dans la définition du « pur grec59 ».
La maîtrise de la paideia. Ensemble de connaissances et éducation, la paideia détermine aussi le comportement60.
La maîtrise de la langue attique. Ce critère est déterminant, au point que le qualificatif « pur » n’est employé par certains auteurs, par exemple par l’« autodidacte » Lucien de Samosate, que par rapport aux compétences linguistiques61. Ces deux derniers critères, la paideia et la langue, parfois conjoints, sont les plus stables dans le temps.
14On peut ainsi dégager un ensemble de normes cohérentes, qui furent diffusées de manière large par les représentants de la Seconde Sophistique62. Les critères relevés mettent bien en évidence la recherche et la revendication d’une identité hellène pleine et entière (en tout cas à la fin du Ier siècle, au IIe siècle, et dans la première moitié du IIIe siècle chez Philostrate II63), qui permette à un individu à la fois de se définir et de se conduire dans la vie.
15Or, il me semble que cette quête et cet idéal d’une identité « purement » et « parfaitement » grecque devaient constituer un frein au métissage culturel, et qu’on a plus souvent affaire, dans les sources littéraires grecques d’époque impériale, à des phénomènes relevant de l’acculturation, des échanges ou des transferts culturels, de la transposition ou de la traduction. Je voudrais le montrer en examinant trois exemples développant des situations de contacts étroits entre cultures différentes, qui paraissent a priori propices à la création de métissages. Les deux premiers exemples s’inscrivent dans le courant culturel de la Seconde Sophistique.
16Dans le Discours borysthénitique (Or. XXXVI), prononcé par Dion de Pruse devant ses concitoyens, au début du IIe siècle64, il est question d’un voyage que fit le sophiste à Olbia du Pont, sur la rive nord de la Mer Noire, à la fin de son exil. Olbia est l’exemple même de la cité grecque enclavée en territoire « barbare » (§ 4) : Hérodote, au livre IV, a manifesté son intérêt pour la cohabitation (plutôt harmonieuse) de la cité avec ses voisins scythes65. Grand centre commercial, grâce à son port qui offrait l’un des principaux débouchés sur la mer Noire, Olbia avait été prise et incendiée par les Gètes du roi Burebista vers le milieu du Ier siècle av. J.-C. ; Dion fait la description – mêlant réalité et fiction – d’une cité très diminuée, subissant toujours les attaques des peuples scythes et sarmates (§ 7)66. Il présente les habitants d’Olbia comme des mixobarbaroi, comme des Grecs s’étant approprié des coutumes barbares, sans employer précisément ce terme. Ainsi, le jeune aristocrate Callistratos qui vient à la rencontre du sophiste porte des pantalons et des éléments du costume militaire scythe, notamment un court manteau noir (§ 7)67. Parallèlement, d’après Dion, les citoyens d’Olbia ne sont plus capables de parler distinctement le grec68 ; cette affirmation fait probablement référence à un accent, car les inscriptions d’Olbia ne s’écartent pas des normes linguistiques de l’épigraphie grecque de cette époque. Les fouilles archéologiques de la cité ont montré dans la culture matérielle des premiers siècles de notre ère un accroissement de l’influence indigène (notamment dans les vêtements) et romaine, sans cependant remettre en cause la dominante grecque69. Toujours selon le sophiste, les Olbiopolites ne maîtrisent pas non plus la paideia littéraire et philosophique car leurs connaissances sont réduites à Homère et quelques-uns seulement connaissent Platon70. Ce qui est présenté ici, me semble-t-il, est un échec du métissage : en utilisant l’exemple d’Olbia pour réfléchir aux notions de cité et d’identité grecques, le sophiste a construit un cas d’acculturation, conçue comme une altération, une déperdition de l’identité grecque.
17Le second exemple révélateur est celui d’Hérode Atticus, le sophiste milliardaire d’Athènes, issu d’une famille qui développait des liens étroits avec Rome depuis plusieurs générations71. Lui-même fut en partie éduqué, dans son enfance, dans la demeure des grands-parents maternels de Marc Aurèle72. Il entreprit le cursus honorum et devint consul ordinaire en 143. Vers 140, il épousa Appia Annia Regilla, apparentée à l’épouse d’Antonin le Pieux par les Annii, ce qui fait de lui un cas tout à fait extraordinaire car les aristocrates grecs et romains, à cette époque, ne se mariaient pas entre eux, comme l’a souligné Maud Gleason dans un article récent, dans lequel elle a étudié les constructions réalisées par le couple comme des lieux de négociation entre multiples identités73. La mort de Regilla, peu avant 161, occasionna une crise entre Hérode Atticus et sa belle-famille74, peut-être pour des raisons d’héritage75. Le sophiste manifesta son deuil avec éclat et consacra un culte à son épouse défunte dans le sanctuaire du Triopion, situé à la troisième borne milliaire de la Via Appia, dans les propriétés suburbaines que Regilla avait apportées en mariage. Le Triopion était également consacré à Déméter et à la nouvelle Déméter, l’impératrice divinisée Faustine l’Ancienne. Maud Gleason a utilisé le terme d’« hybride » pour qualifier cet appariement, qui se sustitue au couple traditionnel formé par Déméter et Korè76. On a retrouvé dans le Triopion une longue inscription signée par un Marcellos, généralement identifié au poète et médecin Marcellos de Sidè, qui vécut à Rome et fut lui aussi protégé par les Antonins77. Il est néanmoins hors de doute qu’Hérode a supervisé la composition de l’épigramme, qui correspond très bien à ce que l’on sait par ailleurs du personnage. Le poème, qui se rapproche d’un hymne, a des fonctions complexes : il consacre la statue de Regilla à « la nouvelle Déméter et à l’ancienne Déméter » (v. 6), héroïse la défunte, est à la fois funéraire et honorifique. La nouvelle position de Regilla est construite par touches éclatées dans le texte ; l’héroïne a été conduite dans l’Océan, sur l’île des Bienheureux, dont la description correspond parfaitement à la tradition poétique grecque78. L’image finale la décrit entrant dans le chœur des anciennes héroïnes, alors que règnent sur les danses élyséennes la « bienveillante mère du puissant César », la divine Faustine, « avec Alcmène et la fille bienheureuse de Kadmos », Sémélé (v. 55-59). Je ne pense pas qu’il s’agisse ici d’une image métissée, mais plutôt de la transposition de deux Romaines dans un espace mythique grec traditionnel. La présence de la divine Faustine aux côtés d’Alcmène, épouse de Rhadamante, et de l’héroïne Sémélé, s’intègre d’autant plus harmonieusement dans la mythologie grecque que l’impératrice défunte est honorée comme une nouvelle Déméter au sein du Triopion79. Regilla a, par ailleurs, presque perdu son identité romaine, qui ne subsiste plus que par rapport à Faustine l’Ancienne avec qui elle est étroitement associée80 ; car elle est définie par son ascendance issue d’Énée, du sang d’Anchise et d’Aphrodite, et par son mariage à Marathon81. Le fils survivant du couple, auquel l’empereur avait conféré le privilège de recevoir le statut patricien de sa famille maternelle (pour consoler le père éploré, v. 18-23), n’est pas décrit comme le produit d’un mélange interidentitaire, mais comme un Grec, que son ascendance illustre a rendu digne de cet honneur82. Une étiologie homérique a été inventée pour expliquer la marque en forme de lune que les patriciens portaient sur leurs chaussures83 : celle-ci proviendrait d’Hermès, qui l’aurait portée sur ses chaussures quand il était venu sauver Énée dans la mêlée avec les Achéens84. Hermès étant présenté comme l’ancêtre d’Hérode Atticus, c’est en fait la noblesse paternelle qui semble avoir rejailli sur le fils, primant la noblesse de la lignée maternelle. On est quasiment dans une situation de refus de l’identité métisse : Bradua Regillus Atticus n’apparaît pas comme le fruit d’un mariage mixte, mais comme celui d’Hérode. Quant au sophiste lui-même, son identité généalogique, ethnique et culturelle apparaît comme l’élément central de l’inscription. Elle est présentée sous une forme condensée au milieu du poème (v. 32-37) :
Κῆρυκ {Κῆρυξ} ‘Ηρώδεω πρόγονος Θησηιάδαο.
Τοὔνεκα τειμήεις καὶ ἐπώνυμος, ἦ μὲν ἄνασσἄὔ
ἐς βουλὴν ἀγέρεσθαι, ἵνα πρωτόθρονες ἕδραι,
Έλλάδι δ’ οὔτε γένος βασιλεύτερος οὔτε τι φωνὴν
‘Ηρώδεω, γλῶσσάν δέ τέ μιν καλέουσιν ’ Αθηνέων.
« Kéryx [est] l’ancêtre d’Hérode le Théséide.
Honoré et éponyme grâce à cette ascendance, il siégea
Au Conseil souverain où sont les premiers sièges,
Tandis qu’en Grèce, nul n’est plus royal par sa lignée ni par son langage
Qu’Hérode, et on l’a appelé la langue des Athéniens. »
18Là aussi, le texte fait découler le cursus honorum d’Hérode de sa prestigieuse ascendance grecque. Identité romaine et identité grecque sont distinguées dans la phrase par le balancement du μέν... δέ et par le découpage des vers85. C’est la seconde qui est mise en avant : si, à Rome (dont le nom n’apparaît pas), Hérode fait partie des principes, les membres du Sénat « souverain », c’est en Grèce qu’il est le plus royal, grâce à sa naissance et à son statut de sophiste qui lui valait d’être appelé par ses élèves, à Athènes, βασιλεύς τῶν λόγων et γλῶττά τῶν ‘Ελλήνων86. Ce poème épigraphique met en parallèle Rome et la Grèce ; il ne s’agit pas, à l’évidence, de deux mondes séparés, car Hérode était le meilleur exemple de la communication entre l’un et l’autre. Néanmoins, dans un moment où le sophiste traversait une crise familiale, cette inscription témoigne de la facilité avec laquelle celui-ci, Marcellos et leurs lecteurs, pouvaient dissocier une identité romaine et une identité grecque. Il ne faudrait pas voir dans ce passage l’opposition entre une sphère politique réservée à Rome et une sphère culturelle qui caractériserait Athènes (et plus largement le monde grec), dont les Hellènes auraient appris à se satisfaire. Le terme ßασιλεύτερος, même au sens figuré, n’est pas neutre87. Le statut de sophiste conférait à ses représentants un rôle politique de premier plan, dans leur cité et dans les rapports que leur cité entretenait avec les autres cités ou avec le pouvoir romain. Avant d’entreprendre son cursus honorum, Hérode avait eu à Athènes une carrière municipale rapide et brillante, étant archonte éponyme en 126/127. Il a exercé des sacerdoces de premier plan dans sa cité natale ; ses actes d’évergète, son prestige, qui attirait à Athènes les élites romaines et grecques, contribuèrent à faire de lui un véritable roi, voire un tyran aux yeux de ses concitoyens88. Ce texte s’inscrit donc dans l’affirmation d’un hellénisme entier, qui se suffirait à lui-même.
19Mon troisième exemple, plus tardif, sort de la sphère de la Seconde Sophistique, afin de revenir de manière plus large sur l’idée selon laquelle les textes grecs d’époque impériale serait plus ouverts au métissage culturel que ceux des époques antérieures. Il s’agit du roman d’Héliodore, les Éthiopiques, qui a été présenté comme le premier roman du métissage89. On considère que ce texte a été écrit entre le IIIe et le Ve siècle, sans qu’il soit possible de le dater précisément. L’auteur se présente lui-même à la fin de son ouvrage comme un Phénicien d’Émèse. L’action est censée se dérouler durant la première occupation perse en Égypte (525-404 av. J.-C.), mais les incohérences historiques sont nombreuses. L’héroïne, Chariclée, est la fille blanche des souverains éthiopiens qui sont noirs, car, au moment de la conception, la reine a regardé un tableau représentant (sous les traits d’une femme blanche) Andromède, une ancêtre mythique de la lignée royale d’Éthiopie90. Craignant d’être accusée d’adultère, la reine a abandonné son enfant qui a été élevée à Delphes, au service de la déesse Artémis. Chariclée est tombée amoureuse de Théagène, un « vrai Grec91 » originaire de Thessalie, descendant d’Achille, qui va l’accompagner dans ses tribulations jusqu’à son pays d’origine. Reconnue par ses parents, la princesse s’installera avec Théagène en Éthiopie, où ils se marieront et deviendront roi et reine, prêtres de la religion du Soleil et de la Lune.
20On ne saurait, me semble-t-il, parler ici de métissage culturel. Au contraire, le roman rend un hommage plein d’humour à la paideia grecque, en réécrivant et en en parodiant de nombreux épisodes mythiques autour des aventures de Chariclée la nouvelle Andromède et de Théagène le nouvel Achille92. Il joue également avec les topoi de la culture grecque relatifs aux peuples étrangers, comme on le voit dans les personnages de Calasiris, le sage égyptien, et de la Perse Arsacè, lascive et tyrannique, ou bien dans l’image fabuleuse de l’Éthiopie, royaume aimé des dieux, riche en or et d’une prospérité prodigieuse, habité par les plus grands sages (tel le Gymnosophiste Sisimithrès qui sauva Chariclée exposée par sa mère), mais où l’on pratique encore les sacrifices humains93. La représentation littéraire est comparable ici, dans une certaine mesure, à la représentation stéréotypée des mosaïques nilotiques dans lesquelles l’Égyptien est toujours figuré comme un Pygmée94. On retrouve dans les Éthiopiques des préjugés tout à fait traditionnels à l’égard des mixhellènes et des mixobarbares, incarnés dans le roman par un personnage de traître, le méprisable Achéménès, dont la mère était une esclave grecque enlevée par les Perses95. Autre topos, le mélange est présenté comme une impureté dans l’épisode de la reconnaissance de Chariclée, quand la princesse montre une tâche corporelle noire décrite comme « un bracelet d’ébène souillant (μιοάνων) le bras d’ivoire96 ».
21Chariclée n’incarne pas un personnage de métis, pas plus au sens biologique qu’au sens culturel du terme. À mon avis, il faut comprendre ce roman à partir de l’étrange conception de la princesse : c’est le tableau d’Andromède, objet de culture, qui a donné sa forme à la jeune fille, d’où l’idée que la culture serait plus efficace que l’ἄέθνος ou que la patrie pour donner à l’individu une identité propre. L’auteur phénicien des Éthiopiques paraît défendre l’universalité de la culture grecque, capable de créer une communauté culturelle dépassant les différences géographiques et ethniques97 : rien n’est plus éloigné, en ce sens, de la conception du métissage culturel.
22Ainsi, l’idée d’une culture ou bien d’une ethnie grecque pure s’est développée chez les Grecs de l’époque impériale pour devenir un modèle imaginaire prégnant, qui a servi de point de référence pour la construction de l’identité hellène sous l’Empire. C’est particulièrement sensible à la fin du Ier et au IIe siècle, où la référence au pur, au vrai Grec, est utilisée devant des communautés civiques pour valider des comportements et des pratiques attendus ; cela reste vrai jusqu’au début du Ve siècle pour mettre en avant la paideia et les normes linguistiques grecques. Dans l’Orient grec, le modèle théorique n’était pas plus à l’époque impériale qu’à l’époque classique celui du beau mélange.
23La reconstruction et l’affirmation d’une identité purement grecque ont constitué une entrave au développement d’une « pensée métisse » dans l’Orient grec impérial, c’est-à-dire une pensée qui soit susceptible d’enrichir le cadre culturel grec de manière originale, voire de dépasser deux cadres culturels différents pour créer un système de références propres. Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de cas particulier de métissage culturel98, mais que c’était quelque chose de très difficile à réaliser pour les élites culturelles grecques au moins jusqu’au IIIe siècle de notre ère. Les Grecs ne disposaient pas, me semble-t-il, d’outils conceptuels qui leur permettaient de penser le mélange, pas plus à l’époque impériale qu’aux époques antérieures, comme tendent à le montrer, à mon avis, les analyses linguistiques de Michel Casevitz99. Il convient donc de rester prudent en utilisant le terme de métissage culturel à propos des sources textuelles grecques de l’hellénisme impérial.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
10.5871/bacad/9780197264041.003.0011 :Bäbler B. (2007), « Dio Chrysostom’s Construction of Olbia », in Braund D. et Kryzhitskiy S. D. (éd.), Classical Olbia and the Scythian World From the Sixth Century BC to the Second Century AD, Oxford, New York, Oxford University Press, coll. « Proceedings of the British Academy », p. 145-160.
Baroin C. (2005), « “Les candélabres corinthiens n’existent pas.” Comment les Romains ont inventé un art grec à usage romain », in Dupont Fl. et Valette-Cagnac E. (dir.), Façons de parler grec à Rome, Paris, Belin, coll. « L’Antiquité au présent », p. 103-134.
10.4000/books.enseditions.36928 :Baroin C. (2010), « Mummius Achaicus : modèle et contre-modèle du rapport des Romains à l’art grec », Blandenet M., Chillet Cl., Courrier C. (dir.), Figures de l’identité. Naissance et destin des modèles communautaires dans le monde romain, Lyon, ENS Éd., coll. « Sociétés, espaces, temps », p. 167-193.
Bekker-Nielsen T. (2008), Urban Life and local Politics in Roman Bithynia. The small World of Dion Chrysostomos, Aarhus, Lancaster et Oakville (Conn.), Aarhus University Press, coll. « Black Sea studies ».
Billault A. (2000), L’univers de Philostrate, Bruxelles, coll. « Latomus ».
Bouffartigue J. (1991), « Julien ou l’hellénisme décomposé », in Saïd S. (éd.), ‘EΛΛΗNIΣMOΣ. Quelques jalons pour une histoire de l’identité grecque, Leyde, New York et Copenhague, Brill, coll. « Travaux du Centre de recherche sur le Proche-Orient et la Grèce antiques », p. 251-266.
Bowie E. et Elsner J. (éd.) (2009), Philostratus, Cambridge et New York, Cambridge University Press, coll. « Greek Culture in the Roman World ».
Casevitz M. (1991), « Sur la notion de mélange en grec ancien (mixobarbare ou mixhellène ?) », in Fick-Michel N. et Carrière J.-Cl. (éd.), Mélanges Étienne Bernand, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Institut Félix Gaffiot », p. 121-153.
10.4000/books.ausonius.6912 :Casevitz M. (2001), « Le vocabulaire du mélange démographique ; mixobarbares et mixhellènes », Fromentin V. et Gotteland S. (éd.), Origines gentium, Bordeaux, Ausonius, coll. « Études », p. 41-47.
Cohoon J. W. (trad.) (1939), Dio Chrysostom. Discourses 12-30, Londres et Cambridge (Mass.), W. Heinemann LTD et Harvard University Press, coll. « The Loeb Classical Library », II.
Curty O. (1995), Les parentés légendaires entre cités grecques, Genève, Droz, coll. « Hautes études du monde gréco-romain ».
Cuvigny M. (1994), Dion de Pruse. Discours bithyniens (discours 38-51), Besançon et Paris, les Belles Lettres, coll. « Annales littéraires de l’université de Besançon ».
Ferrary J.-L. (1996), « Rome, Athènes et le philhellénisme dans l’Empire romain, d’Auguste aux Antonins », in Filellenismo e tradizionalismo a Roma nei primi due secoli dell’impero, Rome, Accademia nazionale dei Lincei, coll. « Atti dei convegni lincei », p. 186-188.
Ferrary J.-L. (2001), « Rome et la géographie de l’hellénisme : réflexions sur les « hellènes » et « panhellènes » dans les inscriptions d’époque romaine », in Salomies O. (éd.), The Greek East in the Roman context, Helsinki, Foundation of the Finnish Institute at Athens, coll. « Papers and monographs of the Finnish Institute at Athens », p. 19-35.
Follet S. (1976), Athènes au IIe et au IIIe siècle. Études chronologiques et prosopographiques, Paris, Les Belles Lettres, « collection d’études anciennes ».
Follet S. (1991), « Divers aspects de l’hellénisme chez Philostrate », in Saïd S. (éd.), ‘EΛΛΗNIΣMOΣ. Quelques jalons pour une histoire de l’identité grecque, Leyde, New York et Copenhague, Brill, coll. « Travaux du Centre de recherche sur le Proche-Orient et la Grèce antiques », p. 205-215.
Franco C. (2008), « Aelius Aristides and Rhodes: concord and consolation », in Harris W. V. et Holmes B. (éd.), Aelius Aristides between Greece, Rome, and the Gods, Leyde et Boston, Brill, coll. « Columbia Studies in the Classical Tradition », p. 217-249.
Gangloff A. (2006), Dion et les mythes. Hellénisme, communication et philosophie politique, Grenoble, Millon, coll. « Horos ».
10.3406/reg.2007.7857 :Gangloff A. (2007), « Peuples et préjugés chez Dion de Pruse et Lucien de Samosate », REG, 120, p. 64-86.
10.2139/ssrn.1427349 :Gleason M. W. (2010), « Making space for bicultural identity: Herodes Atticus commemorates Regilla », in Whitmarsh T. (dir.), Local knowledge and microidentities in the imperial Greek world, Cambridge, New York, Cambridge University Press, coll. « Greek culture in the Roman world », p. 125-162 (= Princeton/Stanford Working Papers in Classics Paper (July 1, 2008) No 070801. Available at SSRN: http://ssrn.com/abstract=1427349).
10.1017/CBO9780511627323 :Goldhill S. (éd.) (2001), Being Greek under Rome. Cultural Identity, the Second Sophistic and the Development of Empire, Cambridge, New York, Cambridge University Press.
10.4000/books.lesbelleslettres.12148 :Gotteland S. (2001), Mythe et rhétorique. Les exemples mythiques dans le discours politique de l’Athènes classique, Paris, les Belles Lettres, coll. « Études anciennes ».
Gruzinski S. (1999), La pensée métisse, Paris, Fayard.
Guerber É. (2009), Les cités grecques dans l’Empire romain. Les privilèges et les titres des cités de l’Orient hellénophone d’Octave Auguste à Dioclétien, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire (Rennes) ».
Heller A. (2006), « Les bêtises des Grecs ». Conflits et rivalités entre cités d’Asie et de Bithynie à l’époque romaine (129 a. C.-235 p. C.), Pessac et Paris, Ausonius et de Boccard, coll. « Scripta antiqua ».
10.4000/books.ausonius.11273 :Heller A. (2007), « Hellénisme et primauté : remarques sur les koina d’Asie et de Bithynie sous l’Empire », in Brun P. (éd.), Scripta anatolica. Hommages à Pierre Debord, Bordeaux, Paris, coll. « Ausonius éditions », p. 215-236.
10.3406/bch.1888.3972 :Holleaux M. (1888), « Discours de Néron prononcé à Corinthe pour rendre aux Grecs la liberté », BCH, 12, p. 510-528.
Hoyland R. (2007), « A New Edition and Translation of the Leiden Polemon », in Swain S. (éd.), Seeing the Face, Seeing the Soul. Polemon’s Physiognomy from Classical Antiquity to Medieval Islam, Oxford, New York et Toronto, Oxford University Press, p. 329-463.
Huet V. et Valette-Cagnac E. (éd.) (2005), Et si les Romains avaient inventé la Grèce ?, Mètis, NS 3, 2005.
10.4159/harvard.9780674181342 :Jones Ch. P. (1978), The Roman World of Dio Chrysostom, Cambridge (Mass.) et Londres, Harvard University Press, coll. « Loeb classical monographs ».
Jones Ch. P. (1996), « The Panhellenion », Chiron, 26, p. 29-56.
10.5871/bacad/9780197264041.003.0012 :Krapivina V. V. (2007), « Olbia and the Barbarians from the first to the fourth century AD », in Braund D. et Kryzhitskiy S. D. (éd.), Classical Olbia and the Scythian World From the sixth century BC to the second century AD, Oxford, New York, Oxford University Press, coll. « Proceedings of the British Academy 142 », p. 161-172.
Kryjitski S. D. et Leïpounskaïa N. A. (2011), Olbia; fouilles, histoire, culture. Un État antique sur le littoral septentrional de la mer Noire (second quart du VIe siècle avant notre ère-troisième quart du IVe siècle de notre ère), trad. du russe par A. Fraysse, Nancy, ADRA, coll. « Études d’archéologie classique 15 ».
Letoublon F. (1992), « “Un cercle d’ébène sur son bras d’ivoire.” L’antiquité grecque face au métissage », in Marimoutou J.-Cl. et Racault J.-M. (éd.), Métissages. Actes de colloque international de Saint-Denis de La Réunion, 2-7 avril 1990, tome I : Littérature et histoire, Paris et Saint-Denis, L’Harmattan, université de La Réunion, p. 83-97.
10.1515/9783110814088 :Loraux N. (19932), L’invention d’Athènes. Histoire de l’oraison funèbre dans la « cité classique », Paris, Payot, coll. « Critique de la politique » [1re éd. Paris, La Haye et New York, Mouton et Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1981].
Moulinier L. (1952), Le pur et l’impur dans la pensée et la sensibilité des Grecs jusqu’à la fin du IVe siècle av. J.-C., Paris, Klincksieck, coll. « Études et commentaires ».
Nicolet Cl. (1988), L’inventaire du monde. Géographie et politique aux origines de l’Empire romain, Paris, Hachette, coll. « Pluriel ».
Oliver J. H. (1965), « The Athens of Hadrien », in Les empereurs romains d’Espagne, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, coll. « Colloques internationaux du Centre national de la recherche scientifique. Sciences humaines », p. 123-133.
Oliver J. H. (1968), « The Civilizing Power. A Study of the Panathenaic Discourse of Aelius Aristides against the Background of Literature and Cultural Conflict, with Text, Translation, and Commentary », TAPhS, 58, 1, Philadelphie.
10.4000/books.ausonius.6912 :Oudot E. (2001), « Penser l’autochtonie athénienne à l’époque impériale », in Fromentin V. et Gotteland S. (éd.), Origines gentium, Bordeaux, Ausonius, coll. « Études », p. 95-108.
10.4000/books.editionsehess.2130 :Oudot E. (2005), « Athènes repeinte en cité grecque ? », in Huet V. et Valette-Cagnac E. (éd.), Et si les Romains avaient inventé la Grèce ?, Mètis, NS 3, p. 319-335.
Oudot E. (2006), « L’Athènes primitive sous l’empire romain : l’exemple du Panathénaïque d’Aelius Aristide », Anabases, 3, p. 195-212.
Piganiol A. (1973), « Les peuples mixtes dans l’Antiquité », in Bloch R., Chastagnol A., Chevallier R. et Renard M. (éd.), Scripta Varia, I, Bruxelles, Latomus, « Collection Latomus », p. 7-13.
10.4159/9780674042209 :Pomeroy S. B. (2007), The murder of Regilla: A case of Domestic Violence in Antiquity, Cambridge (Mass.) et Londres, Harvard University Press.
10.4000/books.ausonius.4614 :Pont A.-V. (2010), Orner la cité. Enjeux culturels et politiques du paysage urbain de l’Asie gréco-romaine, Bordeaux et Paris, Ausonius et de Boccard, coll. « Scripta antiqua ».
10.3406/dha.1978.2940 :Quet M.-H. (1978), « Rhétorique, culture et politique : le fonctionnement du discours idéologique chez Dion de Pruse et dans les Moralia de Plutarque », DHA, 4, p. 51-118. Quet M.-H. (2003), « Le sophiste M. Antonius Polémon de Laodicée, éminente personnalité politique de l’Asie romaine du IIe siècle », in Cébeillac-Gervasoni M., Lamoine L. (dir.), Les élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain, Rome et Clermont-Ferrand, EFR et Presses universitaires Blaise-Pascal, « Collection de l’École française de Rome » et « Erga », p. 401-443.
Repath I. (2007), « The Physiognomy of Adamantius the Sophist », in Swain S. (éd.) (2007a), Seeing the Face, Seeing the Soul. Polemon’s Physiognomy from Classical Antiquity to Medieval Islam, Oxford, New York et Toronto, Oxford University Press, p. 487-547.
Rombi G. et D. Deleule (trad.) (1998), Les Cyniques grecs. Lettres de Diogène et Cratès, Arles, Actes Sud, coll. « Babel », « Les philosophiques ».
10.1086/449565 :Romeo I. (2002), « The Panhellenion and Ethnic Identity in Hadrianic Greece », CPh, 97 (1), p. 21-40.
Rudhardt J. (19922), Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce classique, Paris, Picard, coll. « Antiquité-synthèses ».
Saïd S. (éd.) (1991), ‘EΛΛΗNIΣMOΣ. Quelques jalons pour une histoire de l’identité grecque, Leyde, New York et Copenhague, Brill, coll. « Travaux du Centre de recherche sur le Proche-Orient et la Grèce antiques ».
Schneider P. (2004), L’Éthiopie et l’Inde. Interférences et confusions aux extrémités du monde antique, Rome, EFR, coll. « Collection de l’École française de Rome », p. 353-357.
Schouler B. (1991), « Hellénisme et humanisme chez Libanios », in Saïd S. (éd.), jellhnismos. Quelques jalons pour une histoire de l’identité grecque, Leyde, New York et Copenhague, Brill, coll. « Travaux du Centre de recherche sur le Proche-Orient et la Grèce antiques », p. 267-284.
Staszak J.-Fr. (1995), La géographie d’avant la géographie. Le climat chez Aristote et Hippocrate, Paris, L’Harmattan, coll. « Géographies en liberté ».
Swain S. (1996), Hellenism and Empire. Language, Classicism, and Power in the Greek World, AD 50-250, Oxford, Clarendon Press.
Swain S. (éd.) (2007a), Seeing the Face, Seeing the Soul. Polemon’s Physiognomy from Classical Antiquity to Medieval Islam, Oxford, New York et Toronto, Oxford University Press.
Swain S. (2007b), « Polemon’s Physiognomy », in Swain S. (éd.) (2007a), Seeing the Face, Seeing the Soul. Polemon’s Physiognomy from Classical Antiquity to Medieval Islam, Oxford, New York et Toronto, Oxford University Press, p. 125-201.
Tobin J. (1997), Herodes Attikos and the City of Athens. Patronage and conflict under the Antonines, Amsterdam, Gieben, coll. « Archaia Hellas ».
Trédé M. (1991), « Quelques définitions de l’hellénisme au IVe siècle av. J.-C. et leurs implications politiques », in Saïd S. (éd.), ‘EΛΛΗNIΣMOΣ. Quelques jalons pour une histoire de l’identité grecque, Leyde, New York et Copenhague, Brill, coll. « Travaux du Centre de recherche sur le Proche-Orient et la Grèce antiques », p. 72-80.
Notes de bas de page
1 Gruzinski 1999, 56.
2 Ibid., 57.
3 Un dépouillement systématique a été réalisé à l’aide du TLG.
4 Sur cette expression, voir aussi Swain 2007b, 199.
5 Mén., 245 c-d. La traduction est personnelle, comme celles qui suivent, sauf précision contraire. Pour la signification de µειξoßάρßαρoι, voir Casevitz 1991, 136-137 ; Casevitz 2001, 41-47.
6 Casevitz 2001, 42. Ce terme fait songer à la loi restreignant la citoyenneté athénienne, attribuée à Périclès en 451 av. J.-C.
7 Mén. 235 a-c ; 236 e. Le discours est censé s’inspirer de l’oraison funèbre de Périclès, qui aurait été composée par Aspasie. Sur le pastiche, voir Loraux 19932, 321-337 ; sur l’usage du mythe de l’autochtonie par les orateurs attiques, Gotteland 2001, 319-330. Voir Trédé 1991, 74-76, pour le caractère complexe et problématique de l’hellénisme dès le Ve siècle av. J.-C.
8 Le discours est daté en 167 dans Oliver 1968, 32-34, en 168 dans Follet 1976, 331-333. Pour les échos au Ménexène, voir en particulier Aelius Aristide, Pan., 14, 15 et 26 ; au § 15, Aelius Aristide reprend, en l’appliquant à la langue attique, l’adjectif εἰλικρινής qui est d’emploi rare.
9 Le mythe de l’autochtonie athénienne n’est plus adapté à l’époque impériale : voir Oudot 2001, 95-108.
10 Aelius Aristide, Pan., 14 : « Ainsi, étant situé au début de la Grèce, son territoire n’en est pas moins au milieu de toute la Grèce. Car quelle que soit la direction qu’on prenne à partir d’elle, on rencontre les lignées (γένη) grecques les plus réputées ; de même qu’à la cité est adjacent son propre territoire, à l’Attique est adjacente la Grèce entière. C’est pourquoi elle seule a remporté le prix de la beauté pure des Grecs (µóνη τò τῶν Ἓλλήνων πρóσχηµα καθαρῶς ἀνῄρηται) et elle est, autant qu’il est possible, d’une autre race (ἀλλóφυλoς) que les barbares ; autant elle est séparée d’eux par la nature de son territoire (τῇ φύσει τoῦ τóπoυ), autant elle est éloignée d’eux par les mœurs des hommes (τoῖς ἤθεσι τῶν ἀνδρῶν). »
11 Ménandre I, 346, l. 28-29 ; voir aussi Aelius Aristide, Pan., 8.
12 Strabon, VI, 4, 1-2 ; Vitruve, VI, 1, 10 ; Pline, NH, III, 6, 39-42. Voir Nicolet 1988, 272-273. L’importance de la notion géographique de centre était historiquement bien connue des Grecs, comme on le voit pour Delphes ; cette notion me paraît revivifiée ici par la vision géopolitique romaine. La centralité caractérise la capitale impériale dans les éloges de Rome et de Constantinople chez Aelius Aristide, En l’honneur de Rome, 10-13, et Thémistios, Or. IV, 52 c-d.
13 Pan., 15.
14 Pan., 26 : « À vous seuls il appartient de se glorifier d’une bonne naissance et d’une citoyenneté pures (καθαρὰν εὐγένειὰν τε καὶ πoλιτείαν) car, comme il y a précisément deux noms, chacun est approprié à votre territoire grâce à l’autre. En effet les étrangers reçoivent ce nom parce que les autres sont citoyens légitimes (γνησίoυς), et les citoyens renforcent leur désignation par le fait d’être purs d’élément étranger depuis l’origine (τώ καθαροί ξένων ε’ιναι τδ έξ άρχής). » On appréciera la subtilité d’Aelius Aristide, qui vante cette pureté civique, mais fait aussi l’éloge de la faculté d’accueil athénienne à l’égard des étrangers (§ 50-56), et du processus de colonisation (§ 62-74) qui implique, dans un premier temps, d’offrir à des hommes dans le besoin le territoire et le droit de cité, pour les envoyer dans un second temps fonder des colonies. Voir déjà Thucydide, I, 1, 5-6. Sur le double mouvement de préservation et de diffusion de l’hellénisme dans le Panathénaïque, voir Oudot 2005, 323-324 ; voir aussi, pour l’adaptation du modèle athénien au monde romain, Oudot 2006.
15 Jones 1996, 36. Voir aussi Oliver 1965.
16 Voir Dion de Pruse, Discours troyen (Or. XI) ; Plutarque, Sur la malignité d’Hérodote.
17 L’inscription d’Akraiphiai rapportant le discours prononcé par Néron à l’Isthme de Corinthe en 66 pour libérer « les Grecs », c’est-à-dire en fait les seuls habitants de l’Achaïe, est révélatrice de cette attitude mêlée : IG, VII, 2713 ; Syll3, 814 (Holleaux 1888) ; J. H. Oliver, Greek Constitutions, p. 572-575 no 296. Holleaux 1888, 524-525, soulignait déjà le mépris manifesté par Néron pour son auditoire. Voir aussi Ferrary 1996. Le terme de Graeculi qualifie les Bithyniens dans une lettre de Trajan chez Pline, Lettres, X, 40. Sur la notion de Grèce imaginaire, voir Huet et Valette-cagnac 2005, 179-294.
18 On trouve une liste des hauts lieux de l’hellénisme chez Cicéron, dans le plaidoyer qu’il prononça en 59 av. J.-C. en faveur de L. Valerius Flaccus, accusé d’exactions commises lors de son gouvernement de l’Asie. Pour décrédibiliser les accusations des Asiatici, l’orateur les opposait aux représentants de « la Grèce vraie et authentique », vera atque integra Graecia (Pro Flacco, 61) : Graecis autem Lydis et Phrygibus et Mysis obsistent Massilienses, Rhodii, Lacedaemonii, Athenienses, cuncta Achaia, Thessalia, Boeotia, « À ces Grecs, qui sont des Lydiens, des Phrygiens et des Mysiens, résisteront les Marseillais, les Rhodiens, les Lacédémoniens, les Athéniens, l’Achaïe tout entière, la Thessalie, la Béotie », Pro Flacco, 100 ; voir aussi § 62-65, où l’opposition et les modèles sont développés ; voir Ferrary 2001, 29-30. Sur les préjugés traditionnels chez les Grecs eux-mêmes à l’égard des Lydiens, des Phrygiens et des Mysiens (cf. Pro Flacco, 65), voir Gangloff 2007, 67-68. Pour Corinthe, voir Cic., Verr., II, I, 55 ; Off., II, 76 ; Pomp., 11 ; Florus, I, 32, 1 ; sur le rapport particulier des Romains avec Corinthe (et avec l’art grec), voir Baroin 2005, 108-112 ; Baroin 2010, 171-172.
19 Pline le Jeune, Lettres, VIII, 24 : Cogita te missum in prouinciam Achaiam, illam ueram et meram Graeciam, in qua primum humanitas litterae, etiam fruges inuentae esse creduntur, « Songe que tu as été envoyé dans la province d’Achaïe, cette Grèce vraie et pure, dans laquelle la civilisation, les lettres, l’agriculture même ont été inventées à ce qu’on croit ». L’expression ueram et meram Graeciam fait certainement écho à la vera atque integra Graecia de Cicéron, Pro Flacco, 61.
20 Ferrary 2001, 23-33.
21 Pour une discussion au sujet de l’organisation de ces koina, voir Ferrary 2001, 26-31.
22 Les études fondamentales (plusieurs sont citées en référence infra) sont contenues dans Saïd 1991 ; Swain 20033 ; Goldhill 2001.
23 Dion de Pruse, Or. XLVIII, 8 ; Soranos d’Éphèse, Maladies de femmes, II, 16 ; Lucien, L’amateur de mensonges, 34 (à propos d’un sage égyptien ne parlant pas un grec pur) ; Aelius Aristide, Pan., 14, 15, 26 ; id., Or. XXIV (Lettre aux Rhodiens sur la concorde), 23, 45 ; Philostrate, Vies de soph., 531 ; Julien, Lettres, 78 (Au philosophe Aristoxène) ; Adamantios, Physiognomonica, B32 Repath ; Scholia in Lucanium, IX, 40 ; Scholia in Euripidis Phoenissas, 278. Casevitz 2001, 41, renvoie aux études de Moulinier 1952 et de Rudhardt 19922.
24 L’expression semble dériver d’une formule employée par Euripide, Télèphe, fr. 10, « chefs suprêmes de la Grèce » (cité notamment par Athénée, Banquet, XV, 691). Dion de Pruse, Or. XXI, 15, Or. L, 2 ; Aelius Aristide, Or. XXXIII (À ceux qui lui reprochaient de ne pas déclamer), 24 Vix p. 468-469 ; Clément d’Alexandrie, Stromata, V, 11, 67, 4 ; Sextus Empiricus, Contre les professeurs, I (Contre les grammairiens), 186 ; Libanios, Lettres, 192, 6.
25 Selon P. Chantraine, DELG, ajkribhv" signifie « exact, précis » ; surtout employé en prose attique, il a tenu une place dans le vocabulaire scientifique et dans la théorie du style. Il s’agit peut-être d’un composé de a [kro" et de ei[bw « verser », renvoyant à l’image d’un récipient rempli à ras bord. Plutarque, Adv. Colotem, 1116 E, l. 3 (à propos de la langue grecque) ; Galien, In Hippocratis librum iii epidemiarum commentarii iii Kühn, vol. 17 a, p. 625, l. 53 (à propos de la langue grecque) ; Julius Pollux, Onomasticon, III, 29, l. 5 ; Philostrate, Vies de soph., 488 ; Héliodore, Éth., II, 34, 2 ; Eusèbe, Histoire ecclésiastique, VII, 25, 26 (à propos de la langue) ; Himérios, Or. XVII, 4 Colonna (à propos de la langue) ; Épiphane, Sur les mesures et les poids, l. 26 (à propos de la langue) ; Synésios, Dion, 4.
26 Dion de Pruse, Or. XLVII, 13 ; Aelius Aristide, Or. XXIV, 56 ; Athénée, Banquet, III, 121 (à propos de la langue) ; Héliodore, Éth., VII, 14, 2 (à propos de la Perse Arsacè, qui est très « hellénisée » – au sens où elle apprécie beaucoup les jeunes et beaux Grecs) ; Julien, Éloge de l’impératrice Eusébie, 6.
27 Ps.-Diogène de Sinope, Lettres, XXVIII, 8 ; Aelius Aristide, Pan., 129, et Scholia in Aelius Aristidem, ibid. ; Athénée, Banquet, VII, 280 ( = Apollodore de Carystos, PCG Kassel et Austin, fr. 5, l. 10) ; Héliodore, Éth., I, 8, 6 ; Julien, Lettres, 97, l. 8.
28 Les citations qui suivent sont tirées (avec de légères modifications) de Cuvigny 1994. Or. XLVIII, 8 : « Aussi, puisque vous vous distinguez par votre culture, votre génie naturel et votre qualité de purs (καθαρώς) Grecs, il convient que vous manifestiez justement par votre bonne entente la noblesse de votre caractère ». Ce discours a été tenu dans l’été 105 à l’assemblée du peuple, devant lequel Dion s’apprête à introduire Varénus Rufus, gouverneur de Bithynie en 105-106, qui a fait une brève halte dans la cité. Le gouverneur vient d’autoriser à nouveau les réunions du peuple et l’orateur exhorte ses compatriotes à se montrer unis et calmes en dépit des tensions (Cuvigny 1994, 151). Voir aussi Or. XLIII, 3 : « Si vous me voyez, suivant mon habitude, emprunter mes exemples à l’histoire grecque, ne vous moquez pas de moi. La raison est que je ne méprise pas ma patrie, que je ne vous juge pas incapables de comprendre de telles choses et que je ne juge pas que l’Assemblée et le Conseil soient composées d’incultes. Je désire donc plus que tout que vous soyez Grecs dans l’âme et ne soyez dépourvus ni d’esprit, ni de sens. À tout le moins, vous ne perdez rien à entendre des discours susceptibles de vous profiter moralement. » Ce discours a été probablement prononcé devant l’assemblée et le conseil, divisés, alors que Dion cherchait à rassembler des témoignages en faveur de Varenus, accusé devant le Sénat en hiver 106-107 ; la cité venait de traverser une crise politique (Cuvigny 1994, 83-90). Cf. Aelius Aristide, Or. XXIV, 23-26.
29 Or. L, 2 : « Et si je mentionne continuellement Athènes et Lacédémone, que les critiques acerbes me pardonnent de vous juger dignes de tels exemples et de penser qu’il ne me convient pas, puisque je crois parler à des Grecs, d’évoquer d’autres peuples que ceux qui furent parfaitement (ακρως) Grecs. » Le discours, peut-être daté après le proconsulat de Varenus (Cuvigny 1994, 174), a été prononcé devant le conseil (Dion répond à des attaques personnelles).
30 Voir en particulier Heller 2006 ; Bekker-Nielsen 2008, 165-174.
31 Or. XLIV, 9-10, 12 ; voir Cuvigny 1994, 97-101.
32 IGR IV, 1276 (Asie) ; TAM IV, 1, 332, et IK, 31, Claudiopolis, 16 (Bithynie) ; Ferrary 2001, 31 note 69 ; Heller 2007, 220-227.
33 Or. XLIV, 9. Pruse fut fondée au début du IIe siècle av. J.-C. par Prusias I de Bithynie : Cuvigny 1994, 105 note 8 ; voir RE, XXIII, 1, 1957, s. v. « Prusias I » (Ch. Habicht) et s. v. « Prusa ad Olympum » (F. K. Dörner).
34 Voir le Discours troyen (Or. XI). Sur la réflexion de Dion au sujet de l’hellénisme et sur son rôle de passeur de culture et d’éducateur, voir aussi Gangloff 2006, 255-389.
35 La relation est faite par Ferrary 2001, 32.
36 Il s’agit de la fameuse lettre d’Hadrien à Cyrène, datée de 134/135, éditée notamment par J. M. Reynold, JRS, 68, 1978, p. 111-121. Voir Jones 1996, 47-53.
37 Voir Curty 1995, 259-263.
38 Voir Romeo 2002, 26-31.
39 Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, II, 16, critique ainsi l’apprentissage de la marche à Rome : « la vérité est qu’on ne sait pas y élever les enfants, car les femmes romaines n’ont pas assez d’amour maternel pour veiller à tous ces détails, comme le font les pures Grecques (οά καθαρώς ‘Ελληνίδες) », trad. P. Burguière, D. Gourevitch, Y. Malinas (CUF).
40 Voir Cohoon 1939, 271 ; Jones 1978, 135, propose une date vers 88 ou après, sous Domitien et pendant l’exil de Dion.
41 Or. XXI, 15-16.
42 Voir le chapitre intitulé περί ἑἴδους ἑλληνικοῦ des Physiognomonica d’Adamantios, B32, Repath 2007, 532.
43 La théorie du climat, apparue dès le milieu du VIe siècle av. J.-C., s’était teinte après les guerres médiques d’un hellénocentrisme qui voyait dans la Grèce continentale le milieu idéal pour l’épanouissement des qualités physiques et intellectuelles. Voir Staszak 1995, 96-103 pour la théorie climatique chez Aristote ; 132-140 et 176-182 pour la théorie du climat hippocratique, plutôt favorable à l’Asie. Le stoïcien Posidonios (135-51 av. J.-C.) avait nuancé cette théorie, de manière, semble-t-il, assez importante. Voir supra l’insistance d’Aelius Aristide sur la localisation centrale d’Athènes, Pan., 8-10, 16.
44 Voir Quet 2003.
45 Voir les études réunies autour du traité de Polémon dans Swain 2007.
46 Je cite la traduction anglaise du manuscrit de Leyde dans Hoyland 2007, 427 (B32): « I will mention the forms of the Greeks whose forms are pure and nothing from the other races is mixed with them. They are a people who share in their land. Others have become numerous among them, because people want them and their land, either for the pleasantness of their life and their moderate temperament and passion, or out of a desire for their knowledge, their good way of life and their laws. They are the people of Argos, Corinth, and other lands of theirs. » Les Physiognomonica d’Adamantios proposent une caractérisation physique précise, qui s’achève sur la mention d’un élément central dans le traité de Polémon, les yeux : or le peuple grec est celui qui possède les meilleurs yeux, ceux qui révèlent les plus grandes qualités. Adamantios, qui semble être resté proche de Polémon (même pour la structure des phrases selon Repath 2007, 488), emploie le terme de kaqarw'" pour désigner la pureté.
47 Romeo 2002, 35, émet l’hypothèse que Polémon a contribué à élaborer l’idéologie du Panhellenion.
48 Favorinus d’Arles, Discours corinthien, 22, 25-27 ; Lucien, Le Songe.
49 Ces références sont presque les mêmes que celles de Cicéron citées supra.
50 Ps.-Denys d’Halicarnasse, Art rhétorique, 279, 6-12 ; Ménandre le rhéteur, I, 354, 8-21 ; voir par exemple Aelius Aristide, Or. XXIV, 27, qui souligne l’origine dorienne des Rhodiens.
51 Dion, Or. XLVIII, 8 (bonne entente et noblesse de caractère) ; Athénée, Banquet, VII, 280 ( = Apollodore de Carystos, PCG Kassel et Austin, fr. 5, l. 10 : goût pour la guerre).
52 Adamantios émet des réserves quant à la possibilité de conserver pur le γένος grec et ionien : « Si certains ont conservé purement la race grecque et ionienne… » La version arabe, citée dans la note 43, est plus explicite ; Swain 2007, 197-199, considère qu’elle retranscrit la position de Polémon et contient une attaque à l’égard des Romains et des Italiens qui ont conquis les Grecs et sont devenus plus nombreux parmi eux.
53 Voir Philostrate, Vies de soph., 531 : les cours de Polémon, à Smyrne, font affluer la jeunesse des continents et des îles, « non une jeunesse mêlée et indisciplinée, mais une élite purement grecque » (trad. Follet 1991, 207).
54 Aelius Aristide, Or. XXIV, 27.
55 Rhodes, qui avait soutenu militairement Jules César, obtint de celui-ci un foedus aequum ; Claude lui ôta la liberté entre 44 et 53 (Suétone, Claude, 25, 3 ; Néron, 7, 2) ; Vespasien la réduisit à nouveau à la sujétion (Suétone, Vesp., 8, 4) ; Guerber 2009, 73. La cité est libre quand Dion prononce son Discours rhodien (Or. XXXI), peut-être au début du règne de Vespasien, car l’orateur affirme que la tournée agonistique de Néron en Grèce est « très proche » (§ 101). Aelius Aristide compose sa lettre Aux Rhodiens sur la concorde (Or. XXIV) entre 147 et 149 (Franco 2008, 238), lorsque la cité bénéficie de sa liberté (§ 22).
56 Or. XXXI, 162-163 ; Or. XXXII, 52. Sur le lien entre hellénisme et civisme chez Dion de Pruse, voir Quet 1978, 69-77, 108-109 note 386, 111-112 notes 407, 408 et 409, 115 note 461.
57 Pan., 129 : ὡς ἀληθῶς ‘Ελλήνικον, το βουλεΰεσθαι καλῶς.
58 Voir Pont 2010, 156-157, 216-220, 265-267, 386, 416, 442-443, sur la diminution des pratiques évergétiques liées aux bâtiments publics dans les cités d’Asie Mineure à partir d’environ 250.
59 Julien, Lettres, Au philosophe Aristoxène 78 (trad. J. Bidez, CUF) : « Viens donc nous retrouver à Tyane, par Zeus, dieu de l’amitié ! Montre-nous chez les Cappadociens un pur Hellène (kaqarw'" {Ellhna). Jusqu’ici je ne vois que des gens qui refusent de sacrifier, ou bien un petit nombre qui voudrait le faire, mais qui ne sait pas comment s’y prendre ». Voir Bouffartigue 1991, 260 ; Schouler 1991, 272.
60 Voir Dion de Pruse, Or. XLIV, 9-10 ; Aelius Aristide, Or. XXIV, 23.
61 Lucien, Philopseudes, 34 ; voir aussi la lettre 28 attribuée au cynique Diogène de Sinope, Rombi et Deleule 1998, 51-55, part. p. 55 § 8 : « Je vous maudis jusqu’à ce que vous appreniez le grec et deveniez de véritables Grecs. »
62 Ces normes s’appuient sur une appréhension de l’identité grecque qui, à l’époque romaine, semble être ancrée dans la tradition littéraire et philosophique ; ainsi, la lettre 28 attribuée à Diogène de Sinope, qu’il est impossible de dater avec précision (on admet généralement que ces lettres apocryphes ont été écrites entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle apr. J.-C.), décline en les contestant avec ironie les grands traits culturels de l’hellénisme, qui sont employés ou contestés pour caractériser le vrai Grec : la vie en cité sous l’autorité de lois, le goût pour la guerre (par jalousie), le goût pour le raisonnement et la critique, la culture, la douceur de vivre, la maîtrise de la langue. Cf. la physiognomonie de Polémon de Laodicée dans Hoyland 2007, 427 (B32), passage cité supra.
63 Sur la défense et la riche conception de l’hellénisme par Philostrate (170-245 apr. J.-C.), voir Follet 1991 ; Billault 2000 ; Bowie et Elsner 2009, 49-128.
64 La récurrence des thèmes de la guerre, du conflit et de la destruction suggère que ce discours a été prononcé dans le contexte des guerres daciques de Trajan.
65 Hérodote, IV, 76-81.
66 Voir Bäbler 2007 ; Krapivina 2007, 161-168.
67 Voir le commentaire des Scholia in Euripidis Phoenissas, 278, à propos de l’expression « femmes étrangères » : « soit à partir des vêtements, soit à partir de leurs propos, Polynice savait qu’elles n’étaient pas des pures grecques ».
68 § 9 : Καὶ τἄλλα οὐκέτι σαφῶς ἑλληνίζοντες διὰ τò έν μέσοις oἰκεῖν τοῖς βαρβάροις. Voir Jones 1978, 63.
69 Krapivina 2007, 162-164 ; Kryjitski et Leïpounskaïa 2011, 119-158 sur « L’art et la culture », part. p. 121-122. Dion, Or. XXXVI, 17, critique aussi un citoyen d’Olbia qui s’est rasé la barbe pour flatter les Romains.
70 § 7 (Le jeune Callistratos ne connaît même pas le nom du poète gnomique Phocylide, pourtant originaire de Milet, la métropole d’Olbia) ; § 26.
71 Le père d’Hérode, Atticus, avait épousé sa nièce Vibulla Alcia, issue d’une famille de citoyens d’origine italienne de la colonie romaine de Corinthe.
72 Voir la lettre de Marc-Aurèle à Fronton, Ad M. Caes., 3, 2.
73 Gleason 2010.
74 Regilla mourut d’une fausse couche, que son mari fut soupçonné d’avoir provoquée ; le beau-frère d’Hérode, Annius Atilius Bradua, consul en 160, lui intenta un procès pour meurtre : voir Philostrate, Vies de soph., 555-557 ; Regilla est considérée comme la victime de violences domestiques dans Pomeroy 2007, en dépit du caractère symbolique de l’accusation rapportée par Philostrate (celle-ci assimile Hérode à un tyran, un Néron).
75 Gleason 2010, 155.
76 Gleason 2010, 144 ; je rejoins le point de vue de l’auteur qui, tout en utilisant le terme « hybride » pour caractériser certaines réalisations d’Hérode Atticus – le sanctuaire du Triopion dans lequel Déméter n’était pas appariée avec Korè, mais avec une impératrice divinisée, et où les caryatides ornant l’un des bâtiments étaient habillées pour certaines comme des femmes grecques, pour d’autres comme des femmes romaines (p. 144) ; les statues commémorant les fils morts d’Hérode Atticus, mêlant la tradition romaine des portraits en buste et la tradition des Hermès grecs (p. 147) – souligne d’emblée qu’à cette époque, dans les couches les plus élevées de la société, les identités grecque et romaine avaient interpénétré, mais n’avaient pas fusionné (p. 126).
77 IG, XIV, 1389 ; IGUR, III, 1155 ; voir SEG, 29, 999. L’épigramme funéraire de Marcellos indique qu’Hadrien et Antonin le Pieux ont réuni ses livres dans une bibliothèque de Rome (AP, VII, 158).
78 « Elle-même demeure dans l’île des Bienheureux, là où règne Kronos » v. 8-9 ; « Zeus envoya la jeune femme à l’Océan, où il la fit enlever par les souffles élyséens de Zéphyr », v. 21-22 ; « son âme voltige autour du sceptre de Rhadamante », v. 55-59. Voir Od., IV, 563-569 ; Hésiode, Travaux, v. 169 ; Pindare, Ol., II, 126-144 ; Platon, Gorgias, 523 a, 526 c ; Banquet, 7 ; Phèdre, 249 a ; Lucien, Histoire véritable, II.
79 Dans la tradition mythique grecque, Déméter fait des séjours dans le monde des morts pour retrouver sa fille Perséphone. Sémélé, frappée par la foudre de Zeus à Thèbes, recevait dans cette cité un culte héroïque sur le lieu de sa mort où était situé son tombeau : Euripide, Bacch., 6-12, et Phén., 1753-1756 ; Pausanias, IX, 12, 3 ; Fouilles de Delphes, III, 1, 351 ; RE, V, 2, col. 1538-1540. Pindare, Ol. II, 39-55, mentionne le sort heureux des filles de Cadmos, Sémélé et Ino, avant d’évoquer l’île des bienheureux.
80 Regilla apparaît comme une quasi-parèdre de l’impératrice divinisée dans les vers 53-57.
81 V. 3-5 ; voir Gleason 2010, 148.
82 V. 30-32.
83 Voir Gleason 2010, 150.
84 Dans l’Iliade, V, 311-346, c’est Aphrodite qui vient secourir son fils, enlevé par Apollon qui le recouvre d’une nuée noire. Mais Hermès est l’ancêtre mythique d’Hérode Atticus (v. 32), alors qu’Aphrodite – dont cet épisode de l’Iliade souligne la faiblesse – est celle de Regilla. Est ainsi affirmée la préséance d’Hermès sur Énée, c’est-à-dire la supériorité hellénique : Gleason 2010, 150. D’autre part, on admet généralement que l’élevation du fils d’Hérode au principat a eu lieu après l’acquittement d’Hérode. En rapportant ainsi ce privilège, l’épigramme semble répondre à l’attitude de Bradua, le beau-frère d’Hérode, lors du procès qui les opposait (ibid.) : selon Philostrate, Vies de soph., 555, Bradua avait retracé avec orgueil son éminente noblesse romaine (en l’opposant certainement à la noblesse récente du Graeculus Hérode, dont le père était entré au Sénat) ; Hérode avait souligné l’inutilité de son développement en rétorquant qu’il portait son statut sur ses chaussures.
85 Voir Gleason 2010, 150.
86 Philostrate, Vies de soph., 586, 598.
87 Gleason 2010, 150 : le poème établit un parallélisme entre le βασιλεύς (v. 20) de Rome et le βασιλεύτερος de Grèce.
88 Philostrate, Vies de soph., 559. Voir Tobin 1997, 36-40 et 285-294.
89 Letoublon 1992.
90 Éth., IV, 8, 3-5 ; Andromède, qui fut emmenée par Persée en Argolide, était en effet la fille des souverains d’Éthiopie.
91 Éth., I, 8, 6.
92 Ainsi, quand Théagène enlève Chariclée à son père adoptif, Chariclès, le prêtre de Delphes (Éth., IV, 17), on songe inévitablement à l’enlèvement de Chryséis à son père Chrysès dans l’Iliade. On relève également plusieurs références à l’Odyssée : au livre V, 5, 2, Théagène révèle qu’il a au genou la cicatrice d’une blessure faite par un sanglier ; en V, 22, Ulysse apparaît en songe à Calasiris et lui reproche de l’avoir négligé, lui prédisant les mêmes errances que les siennes ; en VI, 10, 3-4, Chariclée et Calasiris se déguisent en mendiants. On peut trouver des allusions à d’autres mythes : ainsi, Chariclée et Théagène qui se font passer pour frère et sœur et combattent ensemble rappellent les jumeaux archers Artémis et Apollon ; la Perse Arsacè et sa nourrice Cybèle reproduisent le couple formé par Phèdre et Œnone, etc.
93 Sur les topoi relatifs à l’Éthiopie et à l’Inde chez Héliodore, voir Schneider 2004, 353-357.
94 Je dois cette remarque à Jean-Yves Carrez-Maratray, qui suggère que le refus manifesté par l’auteur des Éthiopiques d’évoquer les réalités d’une Égypte romaine métissée est lié à la peur du mélange.
95 Éth., VII, 29-VIII, 1 ; les termes de mixhellène et de mixobarbare ne sont pas employés à propos d’Achéménès ; le terme de mixhellène est employé une seule fois dans le texte, pour qualifier un gardien de prisonniers éthiopien, dont le personnage n’est pas autrement développé (Éth., IX, 24, 2). Pour des exemples d’individus ou de peuples métissés, qui, en général, étaient jugés négativement dans le monde grec, aussi bien à l’époque classique qu’à l’époque romaine, voir Piganiol 1973, 13 ; Casevitz 1991, 136-137 ; Casevitz 2001, 43-45.
96 Éth., X, 15, 2.
97 Vont aussi dans ce sens deux autres remarques : 1) dans le roman, l’Éthiopie n’est pas seulement organisée par les topoi grecs, elle est aussi relativement hellénisée : ses principaux dieux sont Hélios, Séléné et Dionysos, plusieurs fois mentionnés au livre X (voir par ex. Éth., X, 6, 3-5). Il ne paraît pas non plus difficile d’y trouver quelqu’un qui connaisse le grec et puisse servir d’interprète ; 2) il en va de même dans les autres lieux traversés par les héros en Égypte ; il existe toujours des personnages d’intermédiaires, grecs ou bien hellénisés, de sorte que les différences linguistiques ne posent pas de véritables problèmes.
98 Voir à ce propos la contribution dans ce volume de Sophie Gotteland au sujet de Cassius Dion, qui représente un cas intéressant pour réfléchir à la notion de métissage culturel.
99 Casevitz 1991 et 2001.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008