Se donner un nom : stratégies et processus de transformation culturelle en situation coloniale (Hautes Terres centrales de Madagascar, 1896-1960)
p. 441-452
Résumés
Dans cet article, nous nous intéressons aux couples composés de Malgaches et d’Européens ainsi qu’à leur descendance, dans les Hautes Terres centrales. En effet, pour se reclasser dans la société coloniale dans laquelle elles étaient perçues comme facteur potentiel de désordre, ces familles ont su se mouvoir dans l’interstice entre colonisateurs et colonisés et user à la fois des codes de la culture européenne et de la culture merina, jusqu’à parfois faire émerger des pratiques singulières. Nous illustrerons notre propos en étudiant les enjeux et les usages de l’anthroponymie pour ces familles. Signes évidents d’acculturation et de francisation, les noms des métis doivent de plus conserver la trace de l’ascendance européenne pour un certain nombre de métis : les usages du nom français et merina se mêlent alors pour faire apparaître des stratégies originales. Ce sera l’occasion de remettre l’acteur, comme porteur de culture, au centre de ces processus.
In this article, we will consider the couples composed of Malagasy and Europeans and their descendants in the central highlands Madagascar. These families were perceived as a potential source of disorder because they were, at the same time, neither and both colonizers and colonised. So they elaborated strategies to find a place in the colonial society and used both codes of European and Merina culture, to bring out some unusual practices. We will illustrate our purpose by studying the issues and uses of anthroponomy for these families. Obvious signs of acculturation, the names of the Métis had also to keep track of their European ancestry for a number of them: the French and Merina uses of the name then mingled to reveal novel strategies. This is an opportunity to question the relevance of the notion of « métissage culturel » and put actors at the center of these processes.
Entrées d’index
Mots-clés : Acculturation, acteur, Bonniol, colonisation, Cuche, culture, frontière, identité, interaction, Madagascar, Métis, nom, situation ; stratégie.
Keywords : Acculturation, agency, Bonniol, colonization, Cuche, culture, frontier, identity Madagascar, Métis, name, strategy.
Texte intégral
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« La généralisation et la diversification des contacts culturels représentent un défi pour les chercheurs, ce qui explique en partie le foisonnement terminologique actuel, parfois un peu déroutant, d’autant plus que les définitions d’un même terme ne coïncident pas toujours. En définitive, ce qui importe ce n’est pas tant le mot retenu que la problématique adoptée : celle-ci doit envisager la rencontre des cultures dans une perspective situationnelle qui n’en occulte pas les enjeux sociaux1. »
1C’est ce que nous nous proposons de faire en examinant les pratiques des noms par les couples de Malgaches et d’Européens dans les Hautes Terres centrales de Madagascar pendant la période coloniale (1896-1960). Dès le XIXe siècle, la monarchie merina2 a su intégrer les apports étrangers à sa dynamique interne tout en gardant les étrangers à distance3. La colonisation de l’île, en 1896, modifie le cadre et le contexte dans lesquels les échanges entre étrangers et Malgaches ont lieu. Le rapport de domination induit par la situation coloniale4 influe sur la manière dont les pratiques culturelles se modifient. Pour se reclasser dans la société coloniale dans laquelle elles étaient perçues comme facteur potentiel de désordre5, les familles composées de Malgaches et d’Européens ont dû se mouvoir dans l’interstice entre colonisateurs et colonisés et user à la fois des codes de la culture européenne et de la culture merina6. Les métis ont ainsi dû opérer des choix et, plus que d’autres, afficher leur appartenance à l’un des deux groupes, se situant à leur frontière7. Etudier les métis en situation coloniale oblige à appréhender les processus de transformation culturelle provoqués par la présence européenne. En effet, parce que leur identité brouillait la bipolarité du système colonial, les métis ont dû mobiliser les référents culturels des deux sociétés en présence, au gré des contextes et au fil des situations. Dans cet environnement, ils se situaient à l’interface des sociétés en contact et parfois au cœur des changements culturels.
2Le concept de métissage a ici une réalité bien incarnée : la naissance des métis, c’est-à-dire de personnes nées de Malgaches et d’Européens. Il s’agit d’ailleurs d’un retour au sens premier du terme « métis » qui désignait avant tout des individus (ou des animaux, éléments) issus de deux entités pensées comme distinctes, profondément et par essence8. Le métissage s’entend cependant, dans cet article, dans ses deux acceptations puisqu’il désigne à la fois le mélange entre des populations perçues comme socialement distantes et les processus de changement culturel engendrés par le contact entre deux cultures, ce qui témoigne de la difficulté à utiliser le terme9. Comme le résume Bonniol, « le métissage, même lorsqu’il réfère à un mouvement collectif, tient toujours à cette expérience de la conjonction fondatrice de deux êtres séparés par la différence de leurs apparences, qui rompent par la confluence de leurs hérédités la continuité de puretés originelles et fixes. […] Le terme a fini par désigner tous les phénomènes de mélange ou de fusion affectant la réalité sociale, métaphorisés par le métissage d’étage en étage, de l’accouplement des corps ou mariage des cultures10 »… Il est ainsi difficile d’extraire la notion de métissage d’une pensée bipolaire, d’autant plus que la situation coloniale repose précisément sur cette dichotomie. La colonisation, en catégorisant les populations et en associant groupes de populations et cultures, réifie les uns et les autres, rendant encore plus délicate la pensée du métissage11. Pourtant, des passerelles et des passages ont existé entre les groupes et nous insisterons, dans cet article, sur les interactions qui seules, permettent de révéler les processus de métissage et de redonner de l’importance à la fois au contexte – historique, social, politique, etc. – dans lesquels les contacts s’opèrent mais aussi aux dynamiques observées.
3Nous illustrerons notre propos en étudiant les enjeux et les usages de l’anthroponymie pour les familles métisses. Leurs pratiques du nom français et merina se mêlent et s’entrecroisent pour faire apparaître des stratégies originales. Avant de souligner les enjeux des noms pour les métis, nous présenterons les pratiques merina et française qui se rencontrent alors. Nous montrerons ensuite comment l’adoption du binôme prénom-nom recouvre en réalité des sens et des significations différentes. Enfin, nous nous intéresserons à la manière dont les familles métisses utilisent le nom de famille, pratique encouragée par la colonisation.
Deux systèmes de dénomination : logique patrilinéaire vs nom individualisé
4L’usage occidental, fixé depuis le Moyen-âge, attribue à chacun un prénom suivi d’un nom de famille, transmis héréditairement par le père12. En Imerina, le système de dénomination des individus est, traditionnellement, tout autre. En 1899, devant la difficulté à établir un état civil fiable, le capitaine Louis Armand, officier responsable du cercle d’Arivonimamo déplore ainsi les pratiques merina : « D’après les coutumes malgaches, c’est le père qui nominalement procède de son premier né et successivement de tous ses autres enfants13. » Chaque personne possède en effet un nom unique et singulier. De plus, aucun nom de famille n’est fixé et transmis de génération en génération. Lorsqu’un enfant naît, il reçoit un premier nom sans réelle signification (Koto, Boto ou Lita par exemple pour les garçons ; Ketaka, Bao, Bozy pour les filles). Si le premier né est un garçon, son père se rebaptise et devient « père de – » (Rainikoto). Puis, lors de la première coupe de cheveux rituelle, vers le 3e ou le 5e mois, l’enfant change de nom et reçoit un sobriquet dépréciateur-protecteur qui est encore une fois modifié lorsque l’enfant est formé. Le nom qui lui est donné est choisi en fonction des circonstances de sa naissance et fait parfois référence à des noms portés par des ancêtres privilégiés dans la généalogie. Les parents prennent alors le nom de leur enfant14.
5Bien avant la colonisation, la christianisation a imposé des changements à ces pratiques, notamment par la nécessité d’un nom de baptême. Le système colonial, par l’établissement des rôles des impôts, de l’état civil et des recensements nominatifs accentue le mouvement. Le changement le plus notable est l’adoption d’un prénom, français très souvent qui accompagne ou complète le nom malgache : dès la seconde moitié des années 1880, l’usage du nom à la malgache décroît tandis que l’adoption d’un prénom se diffuse. La transmission du patronyme est quant à elle une pratique bien moins reprise : rares sont les candidats à la citoyenneté15 qui ont le même nom que leur père16.
6Toutefois, l’adoption du modèle français du nom est largement répandue parmi les Malgaches citoyens. Que le nom ait été modifié au moment de la candidature en vue de la fréquentation de nouveaux espaces et cercles de sociabilité ou bien qu’il soit la manifestation de la proximité déjà ancienne avec le monde européen, cela montre tout de même que la manière de se nommer ou d’être nommé va de pair avec l’évolution au sein de cercles sociaux particuliers. C’est dans cette même démarche d’intégration du cercle européen que se situent un certain nombre de métis mais en plus, pour ces derniers, le nom vient appuyer la notoriété. En effet, si bon nombre d’enfants métis n’ont pas été reconnus par leur père devant l’état civil, il apparaît que certains sont tout de même élevés par ce dernier et surtout que la rumeur publique sait dans bien des cas qui est le père. Ainsi, Franck Aimé Jean-Baptiste, dans son dossier de candidature à la citoyenneté, est recensé comme de père inconnu. Dans le dossier, il est pourtant précisé qu’il est le fils d’un commerçant de la capitale dont le prénom est par ailleurs Franck17.
Enjeux des noms pour les métis et leurs parents
7En 1899, deux jumeaux, Marcel et Lucien, nés en 1896 de Ravelo sont recensés par les autorités administratives de la capitale18. En 1913, ils adressent une requête au Gouverneur général afin d’être reconnus comme les fils d’un libraire, décédé en 190619. Ils pourraient ainsi porter le nom de leur père. Leur demande est rejetée et quelques années plus tard, lorsqu’ils postulent à la citoyenneté française, le premier le fait sous le nom de Lucien et l’autre sous celui de Marcel Ravelo. Cela n’empêche d’ailleurs aucunement les autorités administratives de les identifier comme les fils du commerçant Hoffmann20. En 1936, à peine prise en charge par la Société d’Assistance et de Protection de l’Enfance21, la jeune Angèle Raharimavo se voit dépouillée de son nom malgache : désormais, elle sera appelée Marie Angéline et devra réduire au minimum les relations avec sa famille malgache22.
8Ces exemples sont intéressants car ils témoignent des enjeux autour des patronymes : signes de la maîtrise des pratiques européennes, les noms doivent de plus conserver la trace de l’ascendance européenne pour un certain nombre de métis. En outre, en 1931, un décret est promulgué à Madagascar permettant aux métis non reconnus d’acquérir la citoyenneté française, sur décision judiciaire23. Parmi les critères permettant d’établir que le postulant est bien métis figure le nom qu’il porte. Ce dernier permet de juger de la présomption que le parent légalement inconnu est bien d’origine européenne. Le nom devient un véritable signe de reconnaissance. L’enjeu est donc important et les parents de métis ainsi que leurs enfants l’ont bien saisi, combinant la volonté d’adopter des usages européens au désir de garder la trace de l’ascendant européen.
L’adoption du binôme nom-prénom : variations et réappropriations
9Plusieurs sources sont à notre disposition pour analyser les usages des noms par les familles métisses, en particulier les listes électorales, les registres paroissiaux et les registres d’état civil. Toutefois, ces documents s’avèrent pauvres car ils sont formatés et concernent des métis qui possèdent déjà le statut des citoyens : les métis y sont quasiment tous enregistrés sous un nom à structure européenne, à savoir un prénom et un nom de famille. Les informations les plus précieuses nous sont transmises par l’étude des listes de métis ayant bénéficié du décret de 1931 : ces derniers ne sont pas reconnus et la pratique européenne du prénom et du nom de famille y est bien moins courante. Nous disposons ainsi des noms de 565 métis, qui prennent des formes diverses : un nom malgache (Rasoanantoandro, Razanakolona) ; deux noms malgaches accolés (Raobivelo Razafindramanana) ; au moins un nom malgache et un nom européen (Razaonarivo Charles, Razanadraibe Augustine ; Rabengodona Joseph dit Pétrod, Jeanne-Simone Soamanarivo dite Allemandon) ; un nom européen (François, Georgette) ; au moins deux noms européens (Bruno Georges, Lucile Berenadette ; Lucien dit Leroy, Raymonde dite Oliva ; Comtet Albert, Ernould Marie)24.
10La première chose à noter est que les métis accédant à la citoyenneté ont pour une large majorité (79 %) adopté l’usage européen ou européanisé du nom avec au moins deux éléments le composant, le plus souvent un prénom européen et un nom malgache. La législation encadrant le décret de 1931 en est en partie la cause puisque le père européen doit demeurer légalement inconnu. Ce principe est réitéré en juin 1932 : conformément à l’esprit du texte du décret, qui stipule que les métis postulant à la citoyenneté sont nés de père légalement inconnu, le nom du père européen ne peut être transmis à ses enfants métis. Le procureur général enjoint aux procureurs des différents tribunaux de respecter scrupuleusement cet aspect du décret25. Pourtant, le père est très souvent connu de notoriété publique. Ainsi, dans le dossier d’instruction de la demande de citoyenneté de Pierre dit Bouet, en 1929, le gouverneur général note que ce dernier serait le fils naturel de monsieur Bouet, ancien administrateur des colonies mais il n’a pas le droit de porter ce nom : « C’est uniquement au fait que son origine est de notoriété publique que Pierre doit être connu dans la colonie sous le nom de Bouet26. » Le choix du nom de famille est donc balisé et limité par la législation.
11Parmi les métis dont l’anthroponyme comporte au moins deux noms européens, la majorité (102) est en réalité enregistrée avec plusieurs prénoms européens dont l’un sert vraisemblablement de nom : Paul Martin, Gaston Lucas, David Paul, Girard Marie-Louise27, etc. Toutefois, cet usage est difficile à déceler : cela serait possible en étudiant la transmission du nom aux enfants éventuels mais nous n’avons pas trouvé de traces suffisantes de ces individus dans des sources complémentaires pour pouvoir en attester avec certitude. Cette utilisation d’un prénom comme patronyme rappelle d’ailleurs les pratiques françaises en cours sous l’Ancien Régime dans la dénomination des enfants trouvés, dénomination alors stigmatisante puisque signifiant l’illégitimité, ou l’abandon28.
12Vingt et un pour cent des métis qui ont bénéficié du décret de 1931 n’ont pour les désigner qu’un seul nom qu’il soit malgache ou français (Raketamavo, Razafinome, Lucien, Henriette29, etc.). Si l’absence de nom de famille se rapproche des usages merina, en revanche, le fait que le nom soit malgache ou européen n’a pas la même signification. Dans le cas où il s’agit d’un nom malgache, cela témoigne de l’attachement des parents à la façon de dénommer les enfants en Imerina, avant que celle-ci ne se modifie comme nous l’avons noté précédemment. En revanche, usages merina et français s’entrecroisent lorsque l’unique nom est un prénom français : l’unicité du nom en conformité avec les usages merina est contrebalancé par l’emploi d’un prénom européen. Cette pratique disparaît d’ailleurs progressivement au profit de la composition de noms avec deux éléments. Les pratiques merina et française s’entremêlent ainsi : la forme est française mais le fond est malgache. Le prénom européen, s’il a du sens dans l’espace social français, en a aussi un dans la société merina. Pratiques et sens donnés à cet usage du prénom ne s’inscrivent pas dans le même registre culturel.
13Les mutations s’effectuent par avancées successives, par étapes : quand la mère a un nom malgache, elle donne en priorité un nom malgache et un prénom européen à ses enfants ; quand elle a déjà un nom à structure nom malgache-prénom européen ou un unique prénom européen, elle donne en priorité au moins deux éléments européens ou bien reprend le binôme nom malgache-prénom européen30. Il apparaît donc bien que les métis et les parents des métis qui postulent à la citoyenneté alors qu’ils sont mineurs sont pleinement conscients de l’enjeu du choix du nom et se trouvent ainsi au cœur même des processus de transformations culturelles.
14Néanmoins, les stratégies des parents dans l’attribution des noms à leurs enfants métis diffèrent légèrement selon le sexe de ces derniers. Ainsi, les filles ont plus souvent un nom malgache et un prénom européen que les garçons, parfois même au sein d’une même famille. En 1949, au tribunal de grande instance de Tamatave, Joseph Martinie, né en 1900 à Ankadifotsy (quartier de Tananarive), médecin principal de l’AMI (Assistance médicale indigène) à Brickaville, obtient la citoyenneté selon le décret de 1931. Ses sept enfants bénéficient aussi du décret. Alors que les garçons portent le nom de Martinie accompagné d’un prénom européen (Jean-Jacques et Georges), les filles ont toutes, en plus du nom de famille et d’un prénom européen, un nom malgache : Razanamamy Lala Justine, Joséphine Ranivonavalona, Rasoandraibe Jeanne, Marthe Razanamasy, Simone Ramasinarivo31.
15Sans surprise, nous n’avons trouvé aucune occurrence d’un nom européen accompagné d’un prénom malgache32. C’est là le signe que l’acculturation, conformément à l’ordre colonial, fonctionne avec un modèle considéré comme supérieur et à adopter (européen) et un modèle jugé inférieur (malgache) à modifier pour qu’il s’accorde avec cet autre modèle. Les acteurs ont tout de même un espace à leur disposition pour élaborer des stratégies, conscientes ou non, qui leur permettent de redonner du sens à une pratique qui leur est imposée.
Se choisir un nom de famille : quand efficacité administrative et souvenir de l’aïeul européen se rejoignent
16Dans un souci d’efficacité administrative et en s’appuyant sur des mutations déjà entamées avant la colonisation, le législateur européen souhaite que les Malgaches choisissent un nom de famille, transmis ensuite de génération en génération. Puisque le nom de famille n’existe pas en Imerina, il faut alors s’en créer un. Comme nous l’avons déjà signalé, l’usage du patronyme est progressivement adopté par les Malgaches. Certains vont même franciser leur nom (Ra-Toubisson) ou adopter un nom européen33. Toutefois, la législation impose certaines limites à l’usage de patronyme européen. En effet, si les métis légitimes peuvent porter le nom de leur père européen, en revanche, cela est proscrit pour les métis non reconnus, à moins d’en faire un surnom précédé de la mention « dit » comme par exemple, Lucien dit Leroy, Charles dit Garnier, Raymonde dite Bigot34.
17Certains métis, ou leurs parents, optent alors pour un nom malgache affichant sans ambiguïté leur métissage : Kotovazaha, Ikotovazaha ou Rakotovazaha. « Koto » est un nom couramment attribué aux petits garçons et « vazaha » désigne l’étranger, en particulier européen. Dans le même esprit, de très rares fillettes ont pour prénom Blanche. Ce choix demeure cependant extrêmement rare : plus que comme métis, c’est comme « fils ou fille de » que les métis cherchent à être identifiés.
18Pour les métis non reconnus qui adoptent un nom européen, l’enjeu est ainsi double : masquer son ascendance réelle, puisque le père doit demeurer légalement inconnu, tout en marquant son appartenance à la communauté européenne. Comme Françoise Zonabend l’a bien résumé : « le nom de famille sert à la fois à distinguer et à assimiler35 ». Cela est encore plus vrai pour les métis. David Guyot souligne que pour les métis togolais, le prénom fonctionne comme une « marque de distinction redondante à la distinction native liée au métissage biologique36 ». Il nous semble pertinent de transposer ici cette remarque à l’usage du nom de famille : choisir un nom de famille européen revient à affirmer son appartenance au monde européen, en sus de ce que le corps peut laisser paraître. Si pour les Malgaches candidats à la citoyenneté, c’est une preuve de leur francisation, pour les métis, cela revêt un aspect encore plus revendicatif : il faut rendre encore plus visible qu’ils sont français. Leur origine européenne se voit peut-être par le phénotype mais elle doit aussi s’entendre dans le nom, qui devient « un vecteur de revendication de l’origine sociale37 ». En effet, le choix du nom dépend de l’espace de socialisation que l’on espère fréquenter ou que l’on fréquente déjà et doit être en accord avec celui-ci. Pour preuve, le passage d’un espace à un autre s’accompagne de la modification du nom. Ainsi, certains métis changent de nom au moment de leur reconnaissance. Paradoxalement, cela rejoint les usages merina où chaque changement d’état de l’enfant s’accompagne d’un changement de nom jusqu’à ce que lui soit donné un nom définitif. Une fois le statut de citoyen obtenu, effacer l’ascendance malgache pour afficher son appartenance à la communauté européenne devient prioritaire. Mme G. B.-Rabe. raconte que son père a changé de nom au cours de son existence :
« Il a eu la nationalité française et après des recherches, il a porté le nom B. Ça a été jugé au tribunal. […] Depuis ma naissance je portais toujours le nom Razoly dit B.. Par la suite, j’avais peut-être douze ans, dix ans, papa a obtenu le jugement et de là, on a porté le nom B.38. »
19Lorsqu’il acquiert la citoyenneté en 1933, il porte le nom de « Razoly Raymond dit B. Raymond-Célestin ». Dans les listes électorales du collège de citoyens de Tananarive, en 1944 et en 1948, il apparaît ensuite comme « Raymond B. » tout comme lorsqu’il fait immatriculer un domaine en 195439.
20Une dernière manière d’afficher son ascendance européenne est la transformation du prénom du père européen en nom de famille. Cette pratique a d’autant plus de poids que pour les différents acteurs, elle est un écho de la rumeur, de ce dont un grand nombre dans le cercle européen est vraisemblablement averti. Né en 1899, Franck Aimé Jean-Baptiste, employé de commerce postule en 1925 à la citoyenneté française. Dans son dossier, il est identifié par le fonctionnaire de police auteur du rapport à son sujet, comme le fils éventuel de Franck Galinon, fonctionnaire à la retraite rentré en France depuis 190840.
Transmettre le nom
21Du nom malgache ou prénom européen significatif, à l’usage du nom comme surnom précédé de la particule « dit », en passant par l’invention de noms de famille européens ou bien par la reprise du prénom du géniteur européen comme patronyme, le choix d’un nom recouvre un large éventail de possibilités et de pratiques. Si l’adoption du binôme nom de famille-prénom européen, amplement répandue dans les familles métisses constitue une première étape, la suivante est la transmission de ce nom de famille, de génération en génération, avec en filigrane la volonté de conserver la trace de l’ancêtre européen.
22Au sein des couples mixtes, les pratiques sont loin d’être unifiées et couvrent un large éventail qui va de l’attribution de noms différents à chaque enfant à la transmission indistincte du nom du père en passant par des combinaisons diverses selon le sexe de l’enfant ou le temps. Ces couples mixtes se situent dans une zone de frontières, de passage, dans laquelle ils conservent une certaine marge de manœuvre. Ralaihita, malgache, et Ibozy Marie-Madeleine, métisse non reconnue bénéficiant du décret de 1931, donnent naissance à six enfants qui possèdent tous un nom différent dont le lien avec celui des parents ou des aïeux est impossible à établir au vu de nos données : Blaimash, Rasoa Germaine, Ralison Pierre, Ralibera Paul, Rasoamandrasana Marthe, Ralaihita Jean41. Seul le dernier enfant, né en 1933 porte le nom de son père. La façon dont les noms sont attribués aux enfants est dans ce cas un bon indicateur du mode de vie du postulant et de sa famille et de la volonté progressive de ce dernier de reproduire les usages français.
23Certains adoptent totalement l’usage français et donnent à leurs enfants leur propre nom. M. Rana, riche commerçant époux d’une Française se conforme ainsi à la pratique française : tous ses enfants portent ce nom de famille et un prénom français. M. Rana avait lui-même modifié son nom pour en faciliter la prononciation par les Français avec qui il était en étroit contact, tant par son négoce que par sa sociabilité42.
24Plus qu’aux garçons, c’est aux filles qu’est confié le soin de conserver la trace de la lignée maternelle. Près d’un quart des métisses qui obtiennent le statut de citoyen en raison du décret de 1931 portent un nom qui est soit directement celui de leur mère, soit comporte un élément du nom de cette dernière. Dans ces cas, c’est avec la mère que la filiation est affichée, par le biais d’une pratique européenne : l’usage d’un nom de famille. Razanadrasoa donne ainsi naissance en 1932 et en 1934 à deux fillettes dénommées respectivement Razanadrasoa Gilberte et Razanadrasoa Monique Isabelle43. Quant à Ravololona, elle décide d’appeler son fils, né en 1903, Randriambololona Joseph44 : les deux noms comportent le terme-vololona qui est un prénom féminin courant. Ici, une partie du nom est transmis sans égard au sexe de l’enfant.
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25Ces pratiques diverses rapprochent les métis des élites malgaches, christianisées et déjà engagées dans un processus de transformation culturelle avant la colonisation pour certaines, et les inscrivent dans des logiques européennes : les métis sont ainsi pris dans deux temporalités, deux historicités distinctes dans lesquelles ils doivent apprendre à négocier leur positionnement. Le contact des cultures dépend ici de la combinaison de nombreux éléments : le type de sociétés (merina et européenne), le type de contacts (colonisation mais aussi négociation dans l’intimité des couples mixtes), le type de processus (adaptation à une contrainte et renégociation des usages), des résultats (logique merina sur un modus operandi européen). Il dépend aussi de la nature des agents de l’acculturation (métis non reconnus, parents) et entremêle, dans l’exemple étudié, une acculturation imposée et une adoption spontanée d’éléments de la culture européenne tout en gardant sens dans la société merina. Pour preuve, il s’agit d’un phénomène plus ou moins réversible. En tous les cas, les pratiques actuelles autour des noms n’ont pas suivi le schéma imposé par la colonisation et ont changé au cours du temps et des aléas politiques : actuellement, il arrive que certains enfants métis portent ainsi un prénom malgache et un nom européen et le nom de famille n’est toujours pas systématiquement transmis à la génération suivante45. Par ailleurs, à l’inverse du processus ici décrit, certains Européens, proches des Malgaches, ont été rebaptisés d’un nom malgache ou malgachisé : Beigbeder, fondateur de la première troupe d’éclaireurs à Tananarive, en 1924, était appelé Rabegy par les Malgaches qu’il fréquentait au quotidien46.
26Ces phénomènes soulignent l’inventivité des individus face au changement et leur capacité d’adaptation. Les modifications des usages autour des noms et prénoms ne sont donc pas que le résultat d’une simple imposition d’un modèle étranger, importé par la colonisation. On assiste aussi à une réappropriation, une réinsertion d’éléments culturels merina dans une pratique européenne et l’idée d’« entrecroisement des cultures » mobilisée par Bastide47 nous semble particulièrement pertinente pour décrire les processus observés. Cet exemple nous semble ainsi illustrer ce que Jean Benoist appelle des « appartenances situationnelles48 ». C’est aussi l’occasion d’interroger la pertinence de la notion de métissage culturel et de remettre l’acteur, comme porteur de culture, au centre de ces processus. Ces familles métisses ne se trouvent pas dans un entre-deux culturel à l’image du « marginal man » de Stonequist49 mais bien dans les deux cultures à la fois qu’elles mobilisent en fonction du contexte. Il nous semble que c’est en remettant les acteurs au cœur de ces dynamiques que la notion de métissage peut alors prendre toute sa valeur.
Bibliographie
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10.2307/2262260 :Stonequist E. V. (1961), The marginal man: a study in personality and culture conflict, New York, Russell & Russell (cop. 1937).
Tisseau V. (2011), Le pain et le riz. Métis et métissage, entre « Européens » et Malgaches dans les Hautes Terres centrales de Madagascar, aux XIXe et XXe siècles, université Paris 7-Denis Diderot.
10.3406/hom.1980.368131 :Zonabend F. (1980), « Le nom de personne », L’Homme, 20, 4/1980, p. 7-23.
Notes de bas de page
1 Cuche 2010, 76.
2 Les Merina sont les originaires de l’Imerina, région des Hautes Terres centrales.
3 Voir par exemple Raison-Jourde 1991.
4 Balandier 1951.
5 Voir notamment Saada 2007 et Stoler 2002.
6 Tisseau 2011.
7 Pour la notion de frontière entre les groupes, voir Barth 1995.
8 On peut par exemple consulter Schmidt 2003.
9 Pour une synthèse sur ce point, Benoist 1986.
10 Bonniol 2001, 9.
11 Amselle 1990.
12 Pour un aperçu des usages des noms, voir notamment. Brunet, Darlu et Zei 2001 et Zonabend 1980.
13 ARM (Archives de la République de Madagascar), Affaires politiques, D467, Aperçu des résultats administratifs obtenus dans le cercle d’Arivonimamo, Imerina (3e Territoire militaire), du 1er janvier 1897 au 1er août 1899. Étude de quelques réformes projetées à cette dernière date, par le capitaine Louis Armand, de l’Infanterie de Ligne, officier-adjoint du cercle.
14 Razafindratovo-Ramamonjisoa 1980, 175-176.
15 À Madagascar, pendant la colonisation et jusqu’en 1946, les Européens possédaient le statut légal de citoyen et les Malgaches, celui d’indigène. En 1909, un décret a été promulgué permettant aux Malgaches d’acquérir la citoyenneté française, après une procédure longue et sélective.
16 Rajaonah 1997, 897-904.
17 Centre des Archives d’Outre-Mer (CAOM), 6 (10) D30, dossier de Franck Aimé Jean-Baptiste, 1926.
18 CAOM, 6 (10) D4, Liste des enfants métis de Tananarive, 1899.
19 ARM, Affaires politiques, D697, Lettre du gouverneur général à MM. Lucien et Marcel, Tananarive, 22-01-1913.
20 CAOM, 6 (10) D 20, dossier de Lucien, 1920 et CAOM, 6 (10) D 25, dossier de Marcel Ravelo, 1922.
21 La Société d’assistance et de protection de l’enfance, auparavant dénommée Société d’assistance et de protection des enfants métis, a été créée en 1898 et a pour but de prendre en charge les métis, en particulier ceux qui sont abandonnés et/ou qui n’ont pas été reconnus par leurs pères européens. En particulier, elle est à l’origine de la mise en place de l’école des enfants métis.
22 CAOM, PT 190, Procès verbal, commissariat du 4e arrondissement de Tananarive, 6-12-1936.
23 JOM (Journal officiel de Madagascar), 19-09-1931.
24 JOM, 1896-1960.
25 Circulaire du 14 juin 1932, du procureur général relative à l’application du décret du 21 juillet 1931 réglementant les conditions d’accession des métis à la qualité de citoyen français, à Messieurs les procureurs de la République et officiers du ministère public in Collomb Pierre, Recueil des textes de l’administration, 1935, p. 1145.
26 CAOM, 6 (10) D34, dossier de Pierre dit Bouet, 1929, le gouverneur général au ministre des colonies, le 10 juin 1929.
27 JOM, 1896-1960.
28 Jablonka 2006, 124 : « En France, une habitude fréquente consiste à donner au nouveau-né un nom de famille usuellement utilisé comme prénom de baptême (Martin, Jacques, Pierre, etc.), de telle sorte que son patronyme est composé de deux prénoms » ou bien Zonabend 1980, 11.
29 JOM, 1932, à titre d’exemple.
30 JOM, 1896-1960. Nous avons croisé la structure des noms des mères avec celle de leurs enfants. Pour plus de détails, cf. Tisseau 2011, 322.
31 JOM, 1949.
32 Guyot l’observe au Togo parmi les métis les plus contemporains : cf. Guyot 2002, 195-203. C’est sans doute la même chose à Madagascar.
33 Rajaonah 1997, 901.
34 JOM.
35 Zonabend 1980, 11-12.
36 Guyot 2002, 202.
37 Bahloul 1985.
38 Entretien avec M. et Mme Rabe, le 18 septembre 2003 (née en 1941), dans la banlieue d’Antananarivo.
39 On trouve également sa trace dans les registres paroissiaux et les actes d’état civil. Selon le témoignage de sa fille, il aurait acquis le droit de porter le nom de « B. » sans la mention de « Razoly » au début des années 1950. Or, il apparaît dès 1944 sous ce nom : transformation par la mémoire ou usage social du nom avant même l’autorisation légale ?
40 CAOM, 6 (10) D30, dossier de Franck Aimé Jean-Baptiste, 1926.
41 CAOM, 6 (10) D43, 1935.
42 Entretien avec M. C. Rana., Antananarivo, août 2003 ; MAE, registres d’état civil de Tananarive ; registres de baptême de Faravohitra.
43 JOM, 1941.
44 JOM, 1933.
45 Gueunier 2005.
46 Rajaonah 2011.
47 Bastide 1963.
48 Benoist 1992, 20.
49 Stonequist 1961.
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