Chapitre IV. L’histoire à l’épreuve de la classe
p. 191-223
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Texte intégral
1Si les contenus scolaires sont conçus en fonction des finalités que leur assignent les pouvoirs publics, seule la façon dont ils sont mis en œuvre leur donne en dernière instance le sens que l’institution a prétendu leur conférer. L’enseignement historique qu’ont reçu les élèves ne se déduit pas du contenu des programmes et des instructions ministérielles. Il y a entre l’histoire à enseigner et l’histoire enseignée des écarts. La première raison en est que rien ne certifie que les professeurs ne se soient pas seulement référés aux programmes, qu’ils aient lu aussi les instructions, a fortiori qu’ils les aient appliquées. L’intention de celles-ci étant d’ailleurs de rassembler les professeurs autour des mêmes principes, elles sont suffisamment floues pour s’adresser à tous et permettre en même temps à chacun de sauvegarder sa liberté pédagogique. La deuxième raison est que la pratique n’est jamais réductible à l’application d’un texte. Interviennent en effet dans la classe des paramètres de tous ordres, dont les conditions matérielles ne sont pas les moindres. Mais surtout, le temps d’enseignement met en présence un professeur et des élèves qui ont une histoire, des représentations et des attentes qui déterminent les situations pédagogiques.
2Ainsi, alors qu’en théorie, l’histoire vise à faire accéder à une certaine intelligence du passé et à préparer à un rapport actif au monde, l’enseignement revêt essentiellement la forme de leçons que les professeurs donnent à apprendre aux élèves. Cette pédagogie marquée plus par la tradition que par l’innovation n’a-t-elle pas empêché qu’« à la méthode qui donne le principal rôle à la mémoire, (soient) préférées dans toutes les branches de l’enseignement les méthodes qui font appel à l’intelligence et à la réflexion1 », comme le souhaitaient la Société pour l’étude des questions d’enseignement secondaire et celle de l’enseignement supérieur devant la commission d’enquête de 1899 ?
3En fait, si les partisans de la pédagogie moderne pensent concilier l’usage de la mémoire et l’exercice de l’intelligence, si savoir de l’histoire n’est, ni pour E. Lavisse ni pour les autres réformateurs des études historiques, se souvenir de ce qu’on a appris, l’histoire au regard de l’opinion commune fait partie des « disciplines de mémoire », c’est-à-dire, les leçons primant sur les exercices, des matières exposées au psittacisme ou au fait de répéter comme un perroquet. Or si l’histoire enseignée s’est effectivement traduite par un déséquilibre entre la part accordée à la mémoire et celle réservée à d’autres compétences, ce sont les finalités qu’elle affiche qui se trouvent compromises, d’autant plus qu’est ainsi entretenue une image construite à partir des pratiques antérieures de la pédagogie scolastique ou extrapolées du cas de l’enseignement primaire.
4Ce qui est donc en jeu derrière l’alternative enseignement de mémoire ou d’intelligence est la qualité de la formation intellectuelle et sociale des élèves et donc l’utilité de l’enseignement historique. En effet, dans la mesure où l’enseignement historique ne forme pas à une pratique, c’est sa capacité à assumer la fonction sociale que les pouvoirs publics lui assignent qui, seule, peut justifier son maintien au sein des matières enseignées dans les établissements secondaires.
Une discipline de mémoire
L’écueil du psittacisme ou le « perroquetage »
5Apprendre et réciter pour « faire entrer dans la mémoire », selon l’expression d’Himly et de Levasseur, ce qu’il est nécessaire de retenir résument en grande partie le travail demandé à l’élève en histoire dans la seconde moitié du xixe siècle. Si les deux professeurs trouvent utile de préciser : « il appartient seulement au bon professeur de n’exiger dans aucune classe le mot à mot rigoureux d’un texte qu’on apprend pour se pénétrer non des expressions comme lorsqu’on récite une page de Bossuet mais de l’ordre des faits2 », ils s’inquiètent des méthodes qui ne laissent pas d’impression durable dans la mémoire des écoliers et déplorent l’insuffisance de deux « qualités » (sic) la mémoire et l’attention. Les verbes graver dans la mémoire, se souvenir, se rappeler, se remémorer, reviennent fréquemment sous leur plume pour exprimer ce qu’ils attendent de l’élève et, en 1890, les instructions mentionnent que l’histoire doit exercer la mémoire et, ce faisant, contribuer à l’éducation intellectuelle. Mais si la mémoire est une faculté à développer car la « meubler » est développer l’intelligence, les excès de l’enseignement mnémonique sont néfastes et renvoient à ces pratiques machinales qui caractérisaient l’ancienne pédagogie et qu’évoque le terme même de « répétiteur ». Or elles sont si implantées en histoire qu’elles laissent croire, note H. Marion dans le Dictionnaire de Pédagogie, que celle-ci « ne met en jeu que cette faculté3 ». En effet, « la routine de la rédaction et du résumé » s’accompagne de celle de la récitation, récitation « avouée » du résumé, récitation « honteuse » de la rédaction et la dictée entretient le psittacisme. Les plus âgés de nos correspondants gardent un souvenir très négatif de ces moments de récitation à propos desquels le doyen, élève de 1912 à 1919, écrit en des termes beaucoup plus mesurés que ceux d’autres missives : « On était surtout de petits perroquets bons pour répéter en composition et en classe le cours du prof4 ». De fait, le terme de psittacisme, aujourd’hui tombé en désuétude, appartient alors au langage de l’institution, comme en atteste son usage fréquent.
6Or, E. Lavisse et les professeurs qui interrogent au baccalauréat s’effraient de constater que les élèves de l’enseignement secondaire ne connaissent que « la banale surface » des choses et deviennent des citoyens qui ignorent, en fait, l’histoire et n’en ont que des souvenirs vagues, estompés par le temps5. Ce qui résume la connaissance de l’histoire n’est qu’« un magasin de faits et de dates ». Ce constat qui, pour les partisans du redressement national, justifie que soit engagée à la fin du siècle dernier une politique de rénovation de l’enseignement historique met à jour la subordination de ce dernier à la somme de connaissances qui en constitue le socle. L’objet de l’histoire est les faits humains étudiés selon leur déroulement dans le temps, dans un parcours intégral qui est pour les professeurs une règle intangible et la matière, parce qu’elle est fondée sur cette réalité vivante, en est incompressible. Ni en amont l’étude de l’histoire de l’Antiquité, ni en aval celle de l’histoire contemporaine ne peuvent être abrégées, sans qu’il soit porté atteinte au sens de l’enseignement historique. Or, avec les progrès de la recherche historique et des sciences auxiliaires, la connaissance des périodes et des civilisations les plus anciennes s’affine, tandis que l’avènement de nouvelles générations ne cesse d’allonger la durée de la période contemporaine.
7Ainsi, durant sept ans l’élève est-il soumis au flux des faits, sous la forme d’une masse d’informations qui, dispensées par les cours ex cathedra, doivent s’imposer à la mémoire. C’est cet objectif que visent explicitement la pratique du résumé, les révisions de la dernière quinzaine de l’année scolaire et les compositions trimestrielles. Mais, en face d’une telle somme de connaissances et en présence d’une pédagogie si largement magistrale, on peut se demander si, comme le prétendaient les bonnes volontés et les déclarations d’intentions, les élèves ont eu les moyens de dépasser le stade de la mémorisation, même conçue comme un processus d’assimilation active. Contrairement aux espérances d’E. Lavisse et malgré tous ses efforts, on peut même supputer que l’essor et les orientations de la recherche, sous l’égide de la Revue historique, n’ont pas désencombré les contenus scolaires de la pléthore d’événements politiques et militaires, de noms propres et de dates qui les caractérisaient. En effet, l’histoire enseignée, étroitement incluse dans la nomenclature des programmes, emprunte son corps de connaissances à la matière chronologique et factuelle de l’histoire érudite. Dans un cahier de première où l’élève prend des notes au fil du cours6, l’histoire de la guerre de 1870-1871 occupe dix-huit pages. Dans deux autres, en classe de troisième (programmes de 1925), la guerre de Cent ans est traitée une fois en trente-trois pages, une autre en une vingtaine de feuillets7. D’autres cas peuvent être retenus : huit pages de cahier pour la biographie de Luther, cinq pour la vie privée d’Henri VIII8, tandis que dans le cadre de l’étude de l’Église aux quatorzième et quinzième siècle, tous les conciles depuis 1409 sont abordés. Or un professeur en 1926 relève que les manuels « publiés par les meilleurs éditeurs » (sic) à l’occasion de la mise en œuvre des nouveaux programmes de 1925 accumulent aussi les détails les plus inutiles, au point d’être illisibles par les élèves9.
8Encombrée de menus faits, la leçon d’histoire sollicite plus la mémoire que la réflexion, mais, encombrée à son tour, la mémoire s’exerce de façon machinale. Ainsi l’écueil du psittacisme est-il étroitement lié aux excès de l’érudition appliquée à l’étude des détails qui domine alors la méthode historique10. Le scrupule professionnel incite les professeurs à présenter les faits le plus exactement possible et à n’en oublier aucun et il se produit, dans les cours et dans les manuels, le même phénomène que dans les ouvrages de vulgarisation que, leurs auteurs, sous prétexte de probité, juge L. Febvre, rendent rebutants11. Or le fait qu’eux-mêmes ne procèdent pas à l’élagage ne facilite pas la tâche du professeur censé dégager l’essentiel. Sa formation, en outre, ne l’y a pas toujours préparé. Certains professeurs agrégés, nous y reviendrons au chapitre 5, sont portés par les habitudes contractées lors de la préparation du concours à « se garnir la mémoire » plus qu’à se doter d’une véritable culture historique ; les exigences du programme, le niveau des épreuves où le mérite professionnel se mesure à l’ampleur et à la précision du savoir, comme le montrent les critiques adressées aux candidats quand s’élevant aux idées générales, ils délaissent trop les faits12, conduisent les candidats à un travail intense d’emmagasinage. L’expression « sait son cours » relevée dans divers rapports d’inspection montre la trace que laisse la forme des études historiques dans la pratique et la représentation du cours.
9Lié donc à une conception de l’histoire, le risque du psittacisme est accentué par des considérations ambiguës sur la mémoire. Si son rôle est minimisé dans le discours officiel au nom de la primauté nécessaire du jugement, les professeurs ne cessent de rappeler son importance. Tel est l’avis des professeurs consultés sur ce point par un questionnaire élaboré à l’initiative de la Société d’histoire moderne13. De façon générale, souligne le rapporteur, ils répondent que l’histoire doit faire appel à la mémoire surtout dans les petites classes et à la réflexion dans les grandes. En effet, la mémoire fait partie des facultés mentales que l’enseignement secondaire doit développer et « une tête bien faite » est d’abord « une tête bien pleine ». L’intelligence procédant par association et combinaison, il faut que l’esprit garde en mémoire un certain nombre de données sur lesquelles puissent venir se greffer les acquisitions nouvelles. L’expression « meubler la mémoire » traduit cette idée que l’intelligence ne fonctionne pas à vide et c’est dans cette logique que s’insère la pratique du résumé. Or les professeurs sont persuadés que le jeune élève ne demande qu’à apprendre et qu’il est doué d’une grande facilité de mémorisation. M. Bloch, par exemple, ne propose pas une pédagogie nouvelle dans les classes inférieures. « L’élève, déclare-t-il, est encore à l’âge où, la mémoire merveilleusement malléable, prend plaisir à s’exercer. Il convient d’en profiter pour lui faciliter l’acquisition des notions de base qui, enseignées avec simplicité, s’enregistreront à jamais dans son cerveau ». Cependant, informé des usages et donc méfiant, il ajoute « À une condition, cela va de soi : que lui soit évité l’abus du détail et, dans l’ordre des dates notamment, l’excès d’une sèche mnémotechnie14 ».
10Cette mise au point situe bien le problème. Le psittacisme est une façon inintelligente d’exercer la mémoire. La question n’est donc pas tant le rôle de la mémoire que les procédés par lesquels elle s’acquiert. M. Bloch effleure là un point sensible, celui de l’apprentissage des chronologies. En effet, lorsque les professeurs déplorent que les élèves ignorent l’histoire, cela signifie la plupart du temps qu’en fait, ceux-ci ne possèdent pas les connaissances qui constituent le soubassement du savoir historique, parmi lesquelles figure la maîtrise de la chronologie. Or l’acquisition des dates est un exemple d’opérations purement mécaniques. La proposition d’un professeur qui cherche à améliorer les méthodes d’enseignement est significative : il faut exiger pour les principales dates – il ne précise pas ce que recouvre le terme de principales – « une connaissance aussi imperturbable que doit être en latin celle des déclinaisons et des conjugaisons15 ». Mais l’apprentissage des déclinaisons est du pur psittacisme. En outre, sachant que l’histoire telle qu’elle est alors produite et enseignée tient en grande partie son sens de la position des événements sur la ligne du temps, il est à craindre que la connaissance historique soit tout entière contenue dans la connaissance chronologique et se réduise toujours à du « perroquetage », comme disait M. Bloch16. Eviter que celui-ci ne continue à sévir revient donc à s’interroger sur ce qui doit être enseigné, c’est-à-dire sur ce qui est vraiment important, et participe d’une réflexion plus large sur l’histoire.
11La culture historique est plus l’accumulation de dates, d’événements et de personnages qu’une grille de lecture du monde. L’objectif est d’ailleurs d’enraciner des souvenirs et de construire ainsi un système de repères, une mémoire unitaire qui soit celle de la nation. De la remémoration à la commémoration, la distance est courte. Aussi cultiver la mémoire, dans les deux sens du terme, est-elle la mission particulière de l’histoire scolaire. Parallèlement à l’évolution du cours dicté au cours parlé, l’entraînement de la mémoire se fait de moins en moins par la répétition mais le maintien de la tradition du résumé a rendu lente l’émancipation de l’enseignement historique par rapport à la mémoire. réfléchir car les notes et les examens réglaient leur parcours scolaire. Le psittacisme est, en effet, largement secrété par ce que M. Bloch dénonçait comme l’« une des tares les plus pernicieuses » du système d’enseignement, « la hantise de l’examen et du classement17 ».
La tyrannie des notes
12Procéder à la vérification de l’acquisition des connaissances, de l’interrogation orale en début de cours à celle du baccalauréat, et certifier que l’élève sait est une obligation statutaire de l’enseignant chargé, pour répondre à la demande de l’institution, d’identifier le niveau des élèves. Cette identification prend la forme d’une quantification, la notation ayant été adoptée comme le code le plus commode et le plus neutre, et donc le plus fiable.
13Si au même titre que la dictée et la rédaction, la récitation mot à mot et le « par-cœur » sont bannis des procédés de contrôle des connaissances, l’interrogation, orale ou écrite, a pour but essentiel de faire apprendre régulièrement les leçons. C’est la raison pour laquelle le contrôle écrit se pratique toujours à l’improviste ; « Il faut réviser, répéter sans cesse », écrit un professeur du lycée de Nantes qui fait part de son expérience dans le Bulletin de la Société18 des professeurs d’histoire et de géographie. Aussi l’interrogation – type est-elle un jeu de questions – réponses qui, en dépit de toutes les préventions, risque fort de « tourner au catéchisme ». L’exemple que développe E. Lavisse devant son auditoire19, où la réponse est partiellement incluse dans la question : « Qu’étaient la France et l’Allemagne au temps de Charlemagne » pour obtenir la réponse qu’elles faisaient partie du même empire. « Quand ont-elles été séparées ? » Pour obtenir la réponse qu’elles ont été séparées au traité de Verdun », révèle combien l’aspect mécanique de la pédagogie historique est incrusté dans la nature du savoir. Selon les termes mêmes qu’emploie E. Lavisse dans la présentation de cette leçon, l’élève doit être capable de « reproduire », « répéter », le professeur doit « faire redire ». Il arrive même que la réponse attendue ne soit que « oui » ou « non ». On ne s’étonne pas alors que l’interrogation orale ait vu fleurir les « souffleurs » – raison pour laquelle l’élève venait réciter au pied de l’estrade – et l’interrogation écrite les formes les plus subtiles de tricherie que les anciens élèves prennent plaisir à évoquer aujourd’hui avec malice. Mais toute une mise en scène autour de l’interrogation tendait en fait à en faire un moment important de chaque heure de cours. Il y avait une dramatisation de l’interrogation qui commençait par ces quelques secondes de suspense qui nous ont été plusieurs fois racontées. « La liste alphabétique des élèves était inscrite sur un carnet de format bâtard, très long et très étroit et chaque interrogation était l’objet d’un curieux manège : son regard se portait lentement du haut vers le bas, si bien que les premiers inscrits poussaient un soupir de soulagement… qui ne durait guère, car les yeux se reportaient vers le haut, à la grande satisfaction des derniers inscrits. C’est à ce moment qu’il appelait « R… » ou « V… », ou quelqu’autre de bas de page20 !….». Une fois « la roulette russe21 » passée, l’élève récitait devant ses camarades, pressé de répondre par le professeur et obligé de vaincre sa timidité ou sa nervosité éventuelles. Enfin le fait que la notation ait toujours été assez sévère – rarement plus de 13-15 – nous a-t-on écrit, avait pour but de valoriser un exercice banal qui ponctuait chaque heure de cours.
14A contrario, c’est le caractère exceptionnel de la composition qui lui donnait son importance. La composition d’histoire fait partie de ce que l’administration appelle « les compositions de mémoire ». En effet, elle demande aux élèves des révisions importantes. C’est un « pensum22 » qui accable les meilleurs élèves, aurait dit G. Hanotaux. Pour la composition du deuxième trimestre par exemple, un élève de seconde a eu à revoir la trentaine de pages consacrées dans son cahier à Louis XIV et aux divers aspects de sa politique, excepté les aspects religieux23. Le même élève a pour la composition du troisième trimestre, quatre mois après, petites vacances incluses, à revoir dans son livre des pages 266 à 348. Un autre, en classe de quatrième, a noté sur la dernière page de son cahier d’histoire les chapitres à réviser pour la composition, certains étant à étudier dans le livre. La liste qui va de la formation de la puissance carolingienne à la lutte entre les papes et les empereurs correspond au tiers de la totalité du programme et donc, très probablement, au travail d’un trimestre24. Il est donc certain que l’effort de mémoire demandé était intense, d’autant qu’en cohérence avec l’enseignement dispensé, les questions posées faisaient appel à des connaissances précises. Cependant, les sujets de composition que nous avons consultés n’étaient pas systématiquement des questions traitées sous une forme analogue au cours. La crise financière sous Louis XVI25 qui a priori est une question de cours correspond dans le cahier à une étude du règne de Louis XVI et des essais successifs de réforme. Le sujet incitait à la synthèse, mais il semble que le correcteur ait accepté une reproduction du cours. L’absence d’analyse et le hors – sujet ne sont pas vraiment sanctionnées, du moins dans les exemplaires archivés.
15Il est difficile d’en savoir plus car les copies portent très rarement des appréciations. Le plus souvent, en effet, seule la note est indiquée. Aucune trace apparente de lecture ne figure ; au mieux quelques termes sont soulignés. L’absence de correction est en effet une habitude professorale parce que l’autorité administrative, reconnaissant que corriger est un travail ingrat, a admis un certain laxisme. Ainsi, A. Himly et E. Levasseur, qui font fonction d’inspecteurs généraux, écrivent-ils en 1871 : « Demander qu’il (le professeur) voie chaque fois toutes les rédactions avec le même soin, ce serait exiger plus qu’on ne peut obtenir, et peut-être même si on l’obtenait, condamner le maître à des efforts dont une partie demeurerait stérile26 ». Or les instructions de 1908 marquent une égale tolérance. « Il n’est pas nécessaire que le professeur après les avoir lues rende compte individuellement de toutes les copies27 ». Trente ans après, les considérations générales relatives à la mise en application des nouveaux programmes, après avoir souligné que le travail doit être contrôlé, indiquent qu’il importe que « toutes les copies soient, autant que possible, annotées, en tout cas vues et cotées par le professeur28 » et, plus loin, que le professeur n’est pas tenu « d’amender toutes les fautes individuelles ». En revanche, dans chaque texte est rappelée la nécessité de procéder à une correction collective.
16L’absence d’annotation, qui est, en quelque sorte, une tradition et la reconnaissance d’un des privilèges des professeurs de l’enseignement secondaire, s’explique aussi par la fonction même de la composition : elle établit que l’élève sait ou ne sait pas. Elle n’est pas conçue comme ayant d’autre valeur formatrice qu’éventuellement celle de l’entraînement à écrire. D’autre part, les copies ne sont pas laissées aux élèves. Elles ne vont leur être remises qu’à partir du moment où l’annotation va être devenue une habitude de la correction. La raison en est simple : « lorsque le professeur a consacré du temps à corriger une copie, il est en droit d’exiger que ce temps ne soit pas perdu29 ». Or pour que son travail soit utile, il faut que les élèves puissent consulter ultérieurement leurs devoirs.
17Ne connaissant pas leurs erreurs, les élèves se sont trouvés quelquefois en désaccord avec le professeur sur la note qui leur avait été attribuée. L’affaire remonte alors jusqu’au rectorat, à partir des plaintes des familles. Les copies sont réexaminées. Un des dossiers de l’académie de Rennes porte la trace de cette procédure et de ses résultats. Le rapport du recteur indique que, sur quarante fautes d’orthographe dans un devoir, pas une n’est soulignée. Risorgimento est écrit Gimento sans que l’erreur soit relevée. « La copie, notée 12 mériterait aussi bien 04… le classement est un scandale, la correction une indécence30 ! ». En effet, dans un système qui discrimine les élèves au demi – point près, une telle négligence est intolérable. Le recteur propose en conséquence le retrait de la délégation en lycée. Certes, il s’agit d’un cas particulier – le professeur est, en outre, un professeur qui, punissant beaucoup, doit être chahuté –, mais les anciens élèves qui, aujourd’hui, évoquent le devoir comme un exercice complexe ont conscience qu’implicitement divers critères – échappant alors à leur connaissance – intervenaient dans la notation, même s’ils affirment que l’enseignement de l’histoire faisait essentiellement31 appel à la mémoire.
18De fait, la réforme de 1925 qui entend, contre la spécialisation des études, réaffirmer la vocation culturelle de l’enseignement secondaire revalorise l’écrit et les qualités littéraires. Dès lors, le devoir écrit d’histoire se soumet aux canons du genre de la composition dans les disciplines littéraires. Il se calque peu à peu sur le modèle de la dissertation de lettres, lui-même récent dans les lycées et collèges32, d’autant plus facilement que les professeurs y voient une valorisation de leur matière. Une introduction et une conclusion figurent dans les copies. Un enseignant note que « le devoir n’est pas désagréable à lire ». Certains anciens élèves des années trente nous disent même avoir fait des « dissertations » d’histoire alors que le terme n’est pas officialisé, car, pour gommer l’image de la composition de mémoire, l’accent est de plus en plus mis sur les compétences méthodologiques que les études secondaires sont chargées de développer. La pertinence du plan, la qualité de la rédaction, et la correction de la langue et de la grammaire sont plus largement prises en compte. Certes l’évolution est lente et inégale, la méfiance à l’égard des dérives de la rhétorique perdurant, mais elle est d’autant moins irréversible que dans le même temps, l’histoire ne se réduisant plus à raconter le réel, composer devient développer un raisonnement.
19En outre, pour soulager la mémoire, la composition trimestrielle tend à la fin des années trente, en conformité avec les instructions officielles,
à être remplacée par plusieurs devoirs ou interrogations écrites au cours
du trimestre. Les révisions s’allègent, se limitent à quelques chapitres. Simultanément sont proposés des procédés qui permettent de valoriser les qualités d’ordre et de méthode et minimisent le rôle de la mémoire. La mise à la disposition des élèves du manuel ou du dictionnaire que prônait déjà C. Seignobos est une expérience qui recueille suffisamment de suffrages pour que le président de la Société en fasse état dans son rapport à la Commission du surmenage33. Mais, animé du souci de défendre l’histoire contre les critiques des autres disciplines, Morizet valorise des essais qui ne sont que ponctuels et se heurtent à l’argument rédhibitoire qu’au baccalauréat l’élève ne dispose d’aucun secours.
20Le baccalauréat est en effet au sommet de la pyramide des épreuves de mémoire et couronne le processus de classement qui a accompagné l’élève tout au long de sa scolarité. En 1939, en moyenne, cinquante pour cent des élèves échouent au baccalauréat, rapporte l’inspecteur général Gastinel34 qui, affirmant « ce qui protège cet enseignement inutile – l’enseignement secondaire – c’est l’importance pratique de la sanction » fait écho à l’opinion que professait E. Lavisse devant la commission Ribot35. Depuis les débuts du mouvement de réforme de l’instruction, la question du baccalauréat a été portée plusieurs fois sur la scène publique, enjeu des débats relatifs à la liberté de l’enseignement et de l’opposition entre classiques et modernes. L’ouvrage de Piobetta, publié en 1937, à l’heure d’une nouvelle réforme scolaire, montre combien l’examen, sanction des études secondaires en même temps que diplôme indispensable à la poursuite d’études supérieures, est toujours depuis 1902 aussi nécessaire que controversé36.
21Le baccalauréat joue un rôle de sélection et de régulation. Il a pour première fonction de discriminer ceux dont la société fera ses dirigeants. En ce sens, il permet d’accéder à la bourgeoisie et il est « la barrière officielle qui défend contre l’invasion37 » celle-ci. Mais il définit aussi une norme culturelle à partir d’un degré de connaissances et d’un niveau de développement intellectuel. Ces deux fonctions de contrôle social expliquent qu’il survive à toutes les critiques. En effet sa valeur pédagogique soulève bien des doutes. L’ouvrage de Piobetta s’inscrit ainsi dans un mouvement de réflexion critique sur les examens. C’est dans ce cadre que paraît en 1929 l’ouvrage du Professeur H. Piéron, La technique des examens et la nécessité d’une docimologie et qu’en 1931, à l’initiative de la Carnegie Corporation de New York, l’Institut International d’Éducation du Teachers College de l’Université de Columbia procède à une enquête internationale sur les méthodes et la valeur probatoire des examens qui met surtout en relief la part importante que prennent les facteurs subjectifs des examinateurs et, en relançant – dans des cercles étroits – la question des procédés de sélection, fait surgir de nouveau les critiques anciennes. Le baccalauréat atteste moins des qualités d’esprit et une culture authentique que la faculté de mémoire et une somme de connaissances.
22Ce procès implique directement l’histoire et la géographie. L’épreuve du baccalauréat est une épreuve orale aux deux parties de l’examen. L’élève est souvent interrogé par un professeur de l’enseignement supérieur, sinon par un professeur expérimenté de l’enseignement secondaire38, assez brièvement, et semble-t-il assez superficiellement. E. Lavisse évoque quelques minutes d’examen oral où le professeur presse l’élève de questions – en raison du nombre de candidats. L’interrogation ressemble donc beaucoup à l’interrogation orale pratiquée tout au long de la scolarité, mais porte sur la totalité du programme et concentre tous les inconvénients de l’examen que ses détracteurs ne cessent de dénoncer, dans des termes qui varient fort peu de 1899 à 1937.
23En premier lieu, l’épreuve demande, aux élèves et aux professeurs, un travail disproportionné aux cœfficients dont elle est affectée à l’examen. Selon les dispositions de 1902, l’épreuve d’histoire et de géographie représente en philosophie le cinquième des cœfficients de l’oral, en mathématiques le huitième. La réforme de 1925 entraîne une revalorisation, portant respectivement la part de l’histoire seule au quart et au sixième des cœfficients totaux de l’oral. À partir du remaniement de 1931, l’histoire et la géographie sont réunies dans la même épreuve, ce qui n’entraîne donc pas, malgré la hausse des cœfficients, une plus grande importance de la discipline. Le même constat s’applique aux modalités d’évaluation dans les diverses sections de Première.
24En second lieu, la préparation du baccalauréat rebondit sur les deux dernières années qui ne sont plus des années d’étude, mais des années de bachotage39. La tyrannie du programme s’accroît pour le professeur et les élèves, l’aspect analytique des questions est accentué – autant que l’horaire le permet –, afin que l’élève pare au mieux aux sujets les plus pointus. La concurrence de préparations spéciales privées et les retombées administratives si les familles rendent le professeur responsable de l’échec de leur fils accentuent la subordination à l’examen. Piobetta note avec regret : « Les professeurs perdent complètement de vue le but de l’éducation scolaire. Le meilleur de leur ingéniosité, l’excellence de leurs efforts sont consacrés à faire entrer, dans le cerveau des élèves, la plus grande somme possible de connaissances dans un temps donné sans se préoccuper de savoir si ce cerveau a la capacité pour les contenir et les retenir, pour les digérer et les faire siennes40 ».
25Quant à lui, le candidat ne travaille qu’en vue de l’examen, plus peut-être avec les mementos qu’avec le cours, sans qu’il en reste rien de durable. E. Lavisse qui avait interrogé souvent au baccalauréat en concluait que le travail contraint ne profite guère. Il incite, disait-il, seulement à la revanche, c’est-à-dire « l’oubli profond où on laisse tomber, au lendemain de l’épreuve, tout ce qui a servi pour l’épreuve ; non seulement le manuel d’histoire, mais l’histoire41 ».
26En outre, la mémorisation hâtive donnait, même le jour de l’épreuve, des résultats médiocres. De l’enquête d’Himly et de Levasseur à celle de 1899 et aux rapports des examinateurs, les mêmes doléances se répètent. Le compte rendu que M. Bloch adresse, à la fin de la session de 1935, au doyen de la faculté des lettres de Strasbourg en est un exemple éloquent. Après avoir regretté que les jeunes gens « s’encombrent la mémoire » de « mot(s) vide(s) de tout contenu », M. Bloch conclut qu’il faudrait qu’ils se persuadent « qu’une interrogation d’histoire n’est pas une simple épreuve mnémotechnique42 ».
Tableau 7. Le poids de l’épreuve d’histoire au baccalauréat à partir des coefficients (1902-1939).

27(Sources : BAIP, n° 1522, 7 juin 1902, p. 705-713 ; BAIP, n° 1889, 7 août 1909, Décret du 26-7-1909 modifiant le baccalauréat (Histoire et Géographie font l’objet d’une interrogation séparée), p. 337-343 ; BAIP, n° 2598, 1er octobre 1927, Décret du 7 août 1927 réorganisant le baccalauréat, p. 345-354; BAIP, n° 2695, 15 octobre 1931, Décret du 2 octobre 1931, p. 483-485. Ce dernier réduit le nombre d’épreuves et groupe l’interrogation d’histoire et de géographie, celle-ci devant inclure obligatoirement la géographie des colonies françaises. C’est donc après la réforme de 1925 que la situation est la plus favorable à l’enseignement de l’histoire seule. Cette observation converge avec celle que nous avions faite à propos des horaires.)
28Note (*)*
29Le constat de Piobetta, relatant ce qu’il a vu pendant quinze ans comme examinateur de bacheliers, tout en étant sans appel, établit une juste répartition des responsabilités dans cet état de faits. Car si les élèves se remplissent la mémoire, l’enseignement qu’ils ont reçu les y prépare. « Tous les élèves ou presque tous, se plaignaient de l’histoire et s’absorbaient dans ce programme sous l’emprise de l’idée funeste que c’est avec la mémoire que l’on se tire d’un examen et à l’aide de connaissances hâtives que l’on acquiert pendant les derniers mois ». Mais il ajoute : « L’exubérance du questionnaire historique et tous les détails qu’il comportait étaient bien faits pour favoriser cette erreur ; car il est certain que les faits particuliers, les dates, la géographie physique et industrielle, les nomenclatures de princes et de dynasties, tout ce qui surchargeait en ce temps-là les programmes, ne relèvent que de la mémoire43 ». En raison de son aspect factuel et érudit, et surtout de ses méthodes pédagogiques – car le recours à la mémorisation mécanique n’intervenait pas, comme nous l’avons vu, seulement en fin d’études – l’histoire a focalisé tous les excès auxquels conduisaient des études plus centrées sur la préparation de l’examen que sur la formation intellectuelle, dans la plus totale contradiction avec l’idéal qu’elles affichaient.
30« Supprimons le baccalauréat ! » disait E. Lavisse, déplorant l’excès de mémoire et la tyrannie des programmes. En fait, au nom des mêmes arguments, sont livrées des batailles sectorielles, à court terme pour obtenir le relèvement des cœfficients et l’établissement du zéro en histoire comme note éliminatoire, à plus longue échéance pour que l’épreuve prenne la forme d’un devoir écrit dans les sections A et B des classes de première instituées en 1902 et en philosophie. Cette question mobilise avec constance les énergies de la Société des professeurs d’histoire et de géographie de 1911 à 1929, fait l’objet d’une enquête dans le Bulletin en janvier 1925 et est débattue au Conseil supérieur de l’Instruction publique en 1927. La proposition des historiens limitée à l’introduction d’une épreuve écrite en classe de philosophie est refusée par vingt et une voix contre quatorze, bien que F. Vial, le directeur de l’enseignement secondaire, l’ait soutenue. L’intervention du recteur Charléty (historien de formation) montre combien l’importance de la mémoire dans l’enseignement de l’histoire se retourne paradoxalement contre le projet qui vise à revaloriser la discipline44. Le recteur Charléty vote en effet contre l’adjonction d’une composition d’histoire aux épreuves écrites parce que « le sujet ne pouvant être qu’une question de cours, autant faire une interrogation orale ». La boucle est refermée. Comme l’interrogation au baccalauréat est orale, on ne pose guère en histoire durant toute la scolarité que des questions de cours. Comme les élèves ne sont pas préparés à traiter d’autres questions, l’interrogation orale est suffisante pour l’évaluation terminale des études censée attester un degré de culture historique, et a fortiori comme mode de contrôle régulier des acquisitions. La majorité des élèves du secondaire n’ont, en fait, pendant sept ans composé que trois fois chaque année. Il était difficile dans ces conditions que la mémoire ne soit pas la faculté la plus sollicitée.
Figure 2 – Daumier (H.), Le Charivarin, n° 62, 3 mars 1846, publié dans Picard (R.), Daumier et l’Université, professeurs et moutards, Paris, éd. Vilo-Paris, 1969.

L’image de la discipline
31Soumis à des critiques pédagogiques et politiques nombreuses dans les années qui suivent la réforme de 1902, l’enseignement de l’histoire reste marqué d’une image négative auprès des non spécialistes. L. Febvre, en 1935 dans l’Encyclopédie française, décrit la situation en ces termes : « Ces disgraciées… comme on les jetterait volontiers par-dessus bord s’il n’y avait pas l’association des professeurs d’histoire45 ». Ce regard des autres sur la discipline contribue à alimenter, au sein même de la corporation, le thème d’une crise de l’histoire qui culmine en 1930 avec le débat national sur le surmenage des élèves. Il pose la question de la capacité de la discipline à remplir la vocation qui lui avait valu sa reconnaissance officielle.
32L’expression discipline ou composition « dite de mémoire », employée par l’administration, comme en témoigne une circulaire du recteur de l’Académie de Rennes, datée du 13 novembre 192346, établit une distinction entre les disciplines, en séparant les matières qui font appel essentiellement à la mémoire et celles sollicitant d’autres facultés, c’est-à-dire, de fait, l’intelligence, alors que la fonction intellectuelle de l’enseignement secondaire réside, en théorie, dans la complémentarité des deux opérations, meubler la mémoire et former l’esprit. Avec l’histoire et la géographie, sont classées comme disciplines de mémoire, les sciences naturelles et la physique-chimie, c’est-à-dire des savoirs scolaires où la transmission d’informations prédomine, mais dont la structure est très différente. Cette classification est donc une construction de l’institution scolaire, construction dans laquelle se projette une représentation des disciplines née des situations pédagogiques vécues, comme nous l’avons montré, par plusieurs générations d’élèves. Mais avec justesse, un professeur d’histoire du lycée de Nantes s’en émeut, soulignant la connotation péjorative de l’expression laquelle, note-t-il, laisse supposer « des qualités d’esprit inférieur47 ». La reconnaissance de la distinction contribue en effet à imprimer plus profondément l’image d’un enseignement mnémotechnique, identifié à un entassement de connaissances et entérine l’échec, dans les faits, des efforts des réformateurs du début du siècle. Vingt ans plus tard, en réponse au questionnaire élaboré par la Société d’histoire moderne, le tableau d’une classe d’histoire est brossé par un professeur de lettres dans des termes qui rendent assez fidèlement l’opinion commune dans le milieu de l’Instruction publique, en dépit des efforts déployés par l’association de spécialistes. « Ils (les élèves) arrivent aux autres classes fourbus par la classe d’histoire, course de fond, course d’obstacles, qui se prolonge hors de la classe et, hors de la classe, réclame préparation et entraînement. Si les autres matières et les autres professeurs exigeaient un temps d’étude proportionnel à ce qu’exigent la classe et le professeur d’histoire, qui comptent pour deux ou trois heures sur l’horaire hebdomadaire, il faudrait imposer aux élèves pour ces matières et ces professeurs, un total de quelque quarante ou cinquante heures par semaine48 ». Ce réquisitoire annonce le procès qui est fait à l’histoire en 1930 ; la lourdeur des programmes, le verbalisme de l’enseignement, le bavardage, avait-il même été écrit dans une circulaire49, l’excès de mémoire entachent le prestige de la discipline, même auprès des personnes les plus avisées.
33Il en résulte que la distinction entre les matières de mémoire et les autres – auxquelles on n’a pas eu besoin de donner une dénomination spécifique puisque leur existence ne pose pas problème – consacre une hiérarchie qui légitime a posteriori les arbitrages auquel le ministère doit procéder entre les diverses disciplines, au mépris du principe d’unité qui gouverne en théorie l’organisation des études. Certaines matières s’imposent donc comme des matières « principales » en raison de leurs horaires et de leur statut au baccalauréat. En revanche, représentée seulement à l’oral, l’histoire peut apparaître comme une matière accessoire. A. Troux, délégué des agrégés d’histoire au CSIP dans la réponse qu’il adresse au questionnaire publié dans le Bulletin à l’initiative de la Régionale de Nancy50 à laquelle il appartient, estime que c’est le sentiment de la plupart des familles et des élèves51. Si nous en trouvons l’expression dans une partie des lettres – « l’histoire se contentait d’un strapontin52 » – d’autres opinions nuancent cette interprétation. Certes, le latin pour certains élèves, les mathématiques pour d’autres demandaient beaucoup plus de travail mais ils ne reconnaissent pas dans l’opposition entre matières principales et matières secondaires que suggérait notre question leur propre perception des disciplines. « Il y avait les disciplines que nous aimions et les autres53 ». On se trouve face à une réaction identique lorsque, dans la synthèse des réponses au questionnaire précédemment cité, est rapportée l’opinion que « l’estime de l’administration des élèves et des familles pour l’enseignement de l’histoire dépend pour beaucoup du professeur d’histoire : si celui-ci réussit à faire aimer son enseignement, on en comprendra la valeur et il ne viendra à l’idée de personne de le considérer comme un enseignement de seconde zone54 ».
34Le fait que des professeurs aient voulu provoquer le débat entre les adhérents de leur Société traduit cependant l’inquiétude relative à la part de l’histoire et de la géographie dans les études secondaires. La formulation des questions de l’enquête, en accumulant les comparatifs d’infériorité, laisse penser que les rédacteurs veulent crever l’abcès. « L’enseignement de l’histoire est-il réellement peu estimé par l’administration, par les élèves, par les familles ? 2° Le professeur d’histoire est-il moins considéré que ses collègues ? 3° Les résultats obtenus par l’enseignement de l’histoire sont-ils réellement inférieurs ? ». Significatif également est le titre d’une communication faite en mars 1932, « À propos d’un recueil de textes, un enseignement méprisé », où on lit dans l’introduction : « L’enseignement historique est la plus accessoire des matières accessoires55 ». Or le maintien de celles-ci dans une position jugée subalterne est fréquemment interprété comme une volonté délibérée de l’Administration et des collègues des autres matières. Les deux disciplines sont présentées comme les victimes d’une véritable cabale que mènent en première ligne, parmi « les gens qui ont pris en grippe56 » l’histoire et la géographie, les proviseurs et les principaux qui s’évertuent à les réduire à une simple mnémotechnie. Aussi la stratégie des défenseurs consiste-t-elle à réfuter ce point de vue et à montrer que d’une part, tous les savoirs scolaires requièrent une large part de mémorisation, d’autre part, les meilleurs élèves en histoire obtenant les meilleurs résultats dans les matières d’intelligence, les professeurs d’histoire sont aussi aptes que leurs collègues « à distinguer un travail de mémoire d’un travail de réflexion personnelle57 ». Mais, le fait que, dans certaines situations concrètes, l’enseignement de l’histoire et de la géographie ait été considéré comme pouvant être dispensé par n’importe quel éducateur montre assez l’impact de l’idée selon laquelle il ne s’agissait dans ces disciplines que de reproduire le livre58.
35La conjonction de ces attaques fonde le diagnostic au sein même de la corporation d’une crise de l’histoire qui culmine à partir de 1929-1930 à propos du surmenage des élèves. Le thème n’est pas nouveau et l’Académie de Médecine avait provoqué en 1887 un débat à l’origine de l’allègement des programmes en 189059. Il marque l’empreinte des considérations hygiénistes qu’on retrouve en filigrane dans la critique des horaires et des programmes de la réforme de 1902 et qui, au lendemain de la première guerre mondiale, dans un contexte démographique préoccupant, rencontrent un écho accru. La préservation de la santé publique et, à travers elle, de l’avenir de la race, est de plus en plus perçue comme une nécessité sociale et toute une propagande médicale vante une nouvelle fois les bienfaits de l’exercice et du grand air. Dans ce contexte, l’éducation physique se voit attribuer deux heures de cours hebdomadaires avec la mission de protéger la jeunesse des abus de l’étude et de former des individus en bonne santé.
36Consécutivement à la réforme de 1925 qui entraîne, pour l’élève, un surcroît de travail en classe et hors de classe, la question du surmenage rebondit et aboutit, essentiellement sous la pression des médecins et des familles, à la constitution par l’arrêté du 25 juillet 1929 d’une commission ministérielle sur le surmenage, présidée par Victor Bérard, chargée de le définir, d’en apprécier la réalité, et d’en examiner les causes. À cet effet, les problèmes de recrutement des élèves, d’organisation de l’enseignement et les questions purement pédagogiques, discipline par discipline, sont évoqués ainsi que le rôle que joue la spécialité enseignée dans la formation intellectuelle des enfants : « les programmes actuels vous paraissent-ils conçus de façon à lui permettre de jouer ce rôle autant qu’il est désirable ? Vous paraît-il qu’avec des programmes plus réduits, des horaires moindres, votre spécialité pourrait aussi efficacement contribuer à la culture générale des élèves ? ». En outre, la commission demande un tableau récapitulatif pour chaque classe du temps d’enseignement et du temps de travail en dehors de la classe. Les points sensibles étant les horaires et les programmes, toutes les disciplines, consultées en les mêmes termes, cherchent à défendre leurs positions. L’histoire est en première ligne. Alors qu’elle n’est pas directement représentée au sein de la commission, le président de la Société, invité à émettre le point de vue de l’association dans un rapport écrit, sonne l’alarme peu de temps avant la consultation : « Ne nous dissimulons pas, proclame-t-il à l’assemblée générale, que notre enseignement sera particulièrement visé dans une commission où nous ne sommes pas représentés et défendus ; il est trop facile de le dénoncer comme faisant à la mémoire une part exagérée et comme exigeant des jeunes gens un effort qui absorbe une trop grande partie de leur temps. Ces accusations sont le fait, non seulement de certains parents, mais aussi de quelques collègues60 ».
37La question du surmenage remue donc des préoccupations disciplinaires qui ne sont pas nouvelles et provoque de nombreuses mises au point dans le Bulletin en 1930. La déposition écrite que rédige Morizet, le président de la Société, vise à dédouaner la discipline et ses enseignants. Mais les conclusions de la commission remises le 3 juillet 1930 au ministre, en corroborant les craintes des professeurs d’histoire, alimentent sous le titre « le sabotage de l’enseignement historique et géographique » une rubrique animée61. La discipline, accusée d’être accumulative et trop spécialisée, ayant été rendue responsable d’une partie de la surcharge de travail, notamment hors des heures de classe, en raison du nombre excessif de pages de cahiers ou de manuels à apprendre, les enseignants craignent le pire, c’est-à-dire que l’histoire et la géographie ne soient plus enseignées dans toutes les classes secondaires ou ne soient reléguées au rang de matières optionnelles. Les débats vont durer même après la parution des décisions du ministre
et notamment la publication des programmes remaniés par l’arrêté du 7 mai 193162. Ceux-ci reprennent pour l’histoire une partie des propositions d’allègement qu’avait faites Morizet, au nom de la Société des professeurs, et surtout sont rédigés en termes plus simples et plus généraux, de façon à ce que les professeurs soient seuls juges de l’ampleur à donner aux divers chapitres. Les horaires ne sont réduits, quant à eux, que dans les classes de sixième et cinquième où les élèves sont moins aguerris et pour les séances d’exercices pratiques. En fait, la Société des professeurs d’histoire et de géographie a trouvé dans le CSIP un relais pour défendre ses options. Celui-ci, en tant qu’organe de spécialistes puisqu’il est l’émanation des corps de l’Instruction publique, s’est en effet déclaré hostile au projet de la Commission du surmenage composite par son recrutement, mais la discussion entre spécialités y a été âpre. Les négociations sur les épreuves et les cœfficients du baccalauréat, consécutives à celles des programmes, durent par exemple sept heures. Le ton en avait été donné par la correspondance publiée dans le Bulletin. « Si nous nous résignons à chicaner, à discuter sur des quarts d’heure, nous sommes perdus », avertissait Cahen. Sans doute assez proche de cet avis, Morizet avait déployé une stratégie de conciliation.
38L’écho des débats, y compris dans la presse nationale d’information, tient au fait que la question du surmenage entraîne dans son sillage toutes les autres questions de l’enseignement secondaire et met au cœur des discussions bien plus celui-ci que les élèves qui étaient en théorie les premiers concernés. C’est pourquoi son ampleur a largement dépassé la réalité du phénomène. Elle agit comme le révélateur des difficultés non résolues par les réformes précédentes, à l’heure où leur aggravation est redoutée par suite de l’inadaptation du public scolaire aux exigences des études secondaires que laisse craindre la gratuité. En ce qui concerne l’histoire, elle la montre effectivement exposée, au moins comme les autres disciplines « dites de mémoire », aux critiques les plus sévères qui, en traduisant la manière dont l’enseignement est perçu par la communauté éducative, semblent justifier le verdict de crise.
39La reconstitution que fait Georges Perec de ses études d’histoire63, à partir de la lecture rétrospective du Malet-Isaac ne manque pas d’interroger. Certes, il faut y voir avant tout un jeu d’écrivain sur les mots mais l’idée même de présenter une telle énumération est dictée par la volonté de mettre en exergue le caractère ânonné, rabâché de la pédagogie qu’il a subie. Si on ne peut pas complètement extrapoler l’impression que laisse un manuel au cas des cours, l’écrasante prépondérance des noms propres, soit de personnages illustres, soit de batailles et traités (cent dix sept occurrences pour les premiers, quatre vingt douze pour les seconds) laisse supposer que la mémoire a largement été sollicitée.
40L’image d’une discipline de mémoire n’est pas une création artificielle ; elle se nourrit de pratiques qui ne sont pas aussi anciennes que le prétendent les défenseurs de la discipline et restent souvent exclusives dans l’enseignement primaire. Mais, en enfermant l’histoire dans une catégorie quelque peu dévalorisante, cette image a induit des stratégies, bachotage de la part des élèves, surenchère des professeurs et des manuels, qui ont renforcé la représentation dominante et conduit à identifier de plus en plus l’histoire scolaire à son image. « On avait l’impression que l’histoire exigeait beaucoup de mémoire » nous écrit un ancien élève du collège Chaptal. Et il ajoute : « Mais à la réflexion, pas plus que les langues ou que la physique-chimie et même les mathématiques64 ». Mais l’image était prégnante, au grand dam de bien des enseignants. En témoigne cette réponse qu’a provoquée notre question où, au lieu de nous donner son avis personnel, le rédacteur de la lettre réagit en ces termes : « Je me souviens que rien ne pouvait plus irriter notre professeur d’histoire que de prétendre (et aucun élève n’aurait osé le faire mais il allait en quelque sorte au devant de contradicteurs éventuels) que sa (sic) discipline ne faisait appel qu’à la mémoire65 ». On comprend ainsi que d’autres professeurs se soient saisi des rares occasions de haranguer les parents qu’offraient les distributions des prix. « Ne nous reléguez pas, Mesdames et Messieurs, au rôle honorable mais étroit d’entraîneurs de mémoire », s’exclame un professeur du lycée Condorcet qui entend convaincre son auditoire que l’enseignement de l’histoire n’est pas moins utile que les autres66.
41Mais seules les pratiques tendant à limiter ou à faciliter l’exercice de la mémoire pouvaient affranchir la leçon des excès du psittacisme. La structuration de plus en plus nette des cours que nous avons notée dans la décennie trente aidait par exemple les élèves à mieux en voir la logique et le sens. Faut-il rappeler cependant que, dans les cas de fraude examinés par les conseils de discipline, celles qui s’étaient produites en histoire et géographie étaient particulièrement fréquentes67 ?
Des fins partiellement atteintes
42« Globalement je n’ai pas appris grand chose68 ! ». Cette conclusion d’un de nos interlocuteurs semble bien entériner l’échec de l’enseignement historique, d’autant plus qu’elle se retrouve dans la majorité des réponses à la dernière question : « Quels jugements porteriez-vous aujourd’hui sur cet enseignement qui vous a été dispensé au moins pendant sept ans ? ». Un seul des anciens élèves affirme que l’étude de l’histoire au lycée l’a doté de « connaissances limitées mais solides » et d’une vision globale de chaque période historique, même si, précise-t-il, l’histoire était essentiellement politique et militaire. Cependant leur appréciation est souvent formulée relativement aux souvenirs qu’a laissés l’histoire de l’école primaire, ou par opposition à ce que l’histoire vécue leur a appris. « L’expérience de la vie », le fait d’avoir eu entre quinze et vingt-cinq ans au moment de la deuxième guerre mondiale et d’être devenu « politiquement adulte » sont cités comme de meilleures écoles que les leçons d’histoire. Mais le sens profond de l’enseignement historique n’est-il pas justement dans ces réponses ? N’avait-il pas pour objectif selon les propos de G. Monod d’apporter à la vie un esprit mieux préparé ?
Le sens historique
43L’expression employée aussi bien dans les rapports d’inspection que dans les diverses communications relatives au but de l’enseignement historique désigne de la part des professeurs, dans le premier cas, et des élèves dans le second, l’intelligence de l’évolution de l’histoire et de la continuité humaine. Contenu dans l’organisation des programmes et des cours et dans l’importance accordée à la chronologie, colonne vertébrale des différentes leçons et ligne du temps matérialisant les progrès de l’humanité, le sens historique inclut l’aptitude à réfléchir sur les faits, c’est-à-dire, dans l’esprit des contemporains, à discerner les plus importants et à en saisir la succession et l’enchaînement. Il doit doter la jeunesse française d’une conscience raisonnée du passé, où est ancrée l’idée de la civilisation, de la nation et de ses solidarités. Appliqué au monde où elle vit, il doit se traduire par le sens des réalités et la maîtrise des notions indispensables à l’exercice de la citoyenneté.
44Dans cette histoire téléologique où chaque période prend sens de l’ensemble, de même que chaque événement est mis en relation avec un avant dont il tire sa signification et un après qu’il explique, le mode narratif qu’E. Lavisse prônait afin que l’histoire se grave simultanément dans la mémoire et dans le cœur organise la matière. Parmi de nombreux exemples, celui, extrait d’un résumé dicté en classe de troisième, dont le titre est « l’Assemblée législative » réunit tous les ingrédients du récit69. « Il y eut d’abord un ministère feuillant. Mais Louis XVI et la reine conspiraient. Les menées du roi et de la reine amenèrent l’Autriche et la Prusse à prendre une attitude hostile. Alors le ministère tomba. Un ministère girondin fut formé et la guerre fut déclarée. Elle commença par des revers… Peu de temps après (incompréhensible) son chef le Duc de Brunswick lança un manifeste où il menaçait la ville de Paris d’une destruction totale. Aussitôt éclata un soulèvement… » etc. L’emploi des temps du passé, le choix des connecteurs, la présence d’un élément transformateur de l’état initial, « les menées du roi… », et la relance du récit dans un deuxième moment dramatique, après la situation finale de la première phase, assimilent l’histoire de l’année 1792 à une histoire, c’est-à-dire à une mise en scène de personnages avec un début et une fin. Si on en trouve une version un peu plus personnelle et plus épurée dans un autre cahier : « Un insolent ( !) manifeste du duc de Brunswick provoqua l’émeute du 10 août, le peuple prit les Tuileries, le roi fut suspendu et enfermé au temple70 », la structure du texte est la même. La grande majorité des résumés est d’ailleurs rédigée au passé simple, temps du récit dans la prose de l’époque qui, utilisé en histoire, situe les faits passés dans un temps détaché du présent et les donne donc comme un réel révolu dont le professeur s’ingénie à planter le décor et l’action, afin de mieux faire comprendre aux élèves en quoi le monde où ils vivent est différent de celui d’autrefois.
45Toutefois, à partir des années 1925-1930, le schéma causes-événement-conséquences relaie la structure narrative pour inculquer la notion d’évolution, comme le montrent la plupart des cahiers. « Réfléchir sur les faits, en rechercher les causes, en discerner les conséquences », devient caractéristique de l’enseignement historique selon le discours officiel, bien que cette démarche semble davantage réservée aux dernières années du cours d’études, dans la mesure où elle représente, pour les contemporains, un sensible enrichissement de l’histoire descriptive. À plusieurs reprises, des anciens élèves y ont fait référence, l’un d’eux ayant même reconstitué de mémoire le type de plan que ce raisonnement impliquait. Il note : « Les cours dispensés laissent le souvenir d’exposés rigoureux, solidement charpentés, ne se bornant pas à l’énoncé des faits mais essayant d’expliquer leur enchaînement71 ». Les notions d’origine, de causes profondes et immédiates, remplacent l’énumération des actions. Dans le déroulement des conflits ou des révolutions, des phases sont dégagées. L’analyse se combine alors au récit pour donner du sens au savoir qu’acquiert l’élève en l’insérant dans une logique de causalité linéaire. Car l’objectif reste le même qu’auparavant, « donner à l’écolier l’idée exacte des civilisations successives et du progrès accompli au cours des siècles72 ». Aussi ne s’agit-il pas tant de structurer conceptuellement la notion de temps chez l’élève que de lui transmettre, comme l’enseignait G. Monod ou C. Seignobos, l’idée d’une histoire humaine, continue et progressive, qui éclaire plus tard ses comportements.
46Venant se greffer sur « la matrice de référence73 » qu’a laissée l’enseignement primaire, cette histoire, au premier rang de laquelle continuait de figurer la connaissance de la France, a fixé les cadres de la mémoire de la nation. Elle a pu quelquefois doter les élèves de connaissances qui, constituant des repères mentaux, ont été les bases d’un processus de politisation, au sens le plus large d’engagement dans la vie publique. Si ce qui a été appris a été oublié, il est resté dans certains cas des traces du message que l’enseignement historique se proposait de véhiculer. Ainsi, un extrait d’une des lettres qui nous ont été adressées est-il particulièrement éloquent. Faisant le bilan de sept ans d’enseignement, notre correspondant écrit : « Qu’en reste-t-il ? Peu et beaucoup à la fois… Beaucoup parce que cet enseignement nous a consciemment ou non apporté quelque chose de très important : l’amour de notre pays et de notre patrie en général, et plus particulièrement l’amour de notre lieu de naissance, de notre patrimoine… Cela nous conduit tout naturellement à nous comporter en bon citoyen, à respecter les lois, à participer aux scrutins électoraux, à la vie associative, au bénévolat… et à mépriser ceux qui, pour faire fructifier leurs intérêts personnels, profitent d’une Nation qui, nous l’avons appris, s’est forgée dans le sang et les larmes74 ». Dans cette représentation de l’enseignement historique, sans doute sont attribués à l’histoire des comportements qui ne lui sont pas exclusivement imputables mais le fait même que, pour notre correspondant, ils y soient révèle que le message a porté. Les ingrédients de ce que C. Seignobos appelait lui-même une culture sociale se trouvent réunis : le patriotisme fondé sur le sentiment d’un patrimoine commun, qui est d’abord celui de la petite patrie et s’élargit à la grande, la citoyenneté conçue comme un comportement normatif et la participation à la vie politique et sociale, enfin ce qui sous-tend le tout une conception de la Nation, écrite dans la lettre avec un N majuscule, où celle-ci, identifiée à la volonté générale, la transcende en même temps, d’autant plus qu’elle est grandie par les épreuves et les sacrifices qu’elle a endurés. Certes, cette réponse qui n’est pas sans rappeler l’évocation nostalgique qu’Alain Decaux, dans un contexte très polémique a faite à propos de l’enseignement primaire75 et non secondaire, est la seule dans notre échantillon, mais l’idée d’une éducation civique, sous-jacente à l’enseignement, émerge de plusieurs commentaires. « Une certaine rigueur dans mon rôle de citoyen – comme électeur en particulier – », « une sorte d’éducation civique et morale », « une attitude intellectuelle », « un enseignement de qualité qui a joué un rôle essentiel dans la formation civique de ma génération », « le respect d’un certain nombre de principes », une matière qui « a formé mon jugement » dit celui-là même qui concluait n’avoir globalement rien appris, telles sont les impressions qu’a laissées l’histoire enseignée. Qu’elles soient, comme dans le cas précédent, le produit d’une reconstitution intellectuelle où probablement sont attribuées à l’enseignement d’autres influences que la sienne, incite à penser qu’une autre image se superpose à celle d’une discipline de mémoire. Mais il est très difficile, voire impossible, d’établir ce qui relève, dans l’impact divers de l’enseignement historique, des termes par lesquels l’intention des programmes a été rendue ou des formes dans lesquelles le savoir a été transmis.
47La trace écrite des cours ne permet pas en effet de résoudre ce problème dans la mesure où elle ne livre jamais in extenso le discours professoral et où on ne saurait extrapoler à partir des opinions qu’elle laisse parfois filtrer. On y suit, comme nous l’avons signalé précédemment, le fil du programme. Cependant, des temps forts émergent ; des questions qui, dans la nomenclature des programmes, semblent toutes de la même importance prennent du relief, comme, à l’intérieur de l’histoire toujours longuement traitée de la Révolution, la Convention, un des thèmes les plus brûlants d’une historiographie de la Révolution particulièrement active dans les années 192076, et surtout une des lignes de fracture entre la vulgate laïque et la vulgate catholique ou l’aspect institutionnel de l’histoire politique du xixe siècle. Quant aux sujets les plus aigus du programme, ils sont l’occasion, en montrant explicitement les manifestations contemporaines du progrès, de donner aux élèves la conscience que l’irréversibilité de l’histoire est synonyme d’une marche en avant qui se poursuit sous leurs yeux, quels que soient les conflits qui la jalonnent. Tel est le cas du cours consacré aux doctrines sociales, « presque partout le travail est réglementé de telle sorte que sa durée est moindre et qu’il est mieux rémunéré qu’autrefois77 », ou de celui sur la colonisation où les trompettes de la gloire résonnent rarement mais que l’œuvre civilisatrice suffit à justifier.
48Une autre partie du temps scolaire est, en conformité avec les programmes, consacrée aux questions européennes et à la politique extérieure de la France. Les guerres depuis le xiiie siècle sont étudiées comme les étapes du processus de formation de la France mais, à partir du xixe siècle, l’histoire diplomatique se centre de plus en plus sur les pays étrangers, notamment les voisins et les rivaux de la France, et les conflits qui ont modifié l’équilibre international, si bien qu’à parcourir ces notes, un esprit actuel ne peut être que frappé par l’ampleur du panorama européen qui était proposé aux élèves. Or il nous semble que l’importance de cette étude illustre le caractère culturel de l’enseignement secondaire. Doter les élèves d’un bon niveau de culture générale, c’était leur faire connaître, sans considérations pragmatiques, l’évolution récente des plus grands États. On est là au cœur d’une connaissance désintéressée au sens où les contemporains l’entendaient, d’un savoir qui n’est pas instrumentalisé. Certes, l’évocation des guerres pouvait être l’occasion de dissuader les jeunes générations d’y recourir. Mais c’était un objectif qui dépendait alors du choix de l’enseignant, des commentaires qu’il ajoutait et cette partie-là du cours nous échappe.
Un enseignement ouvert sur le monde ?
49Le revers de cet enseignement n’a-t-il pas été de faire du savoir historique un objet de connaissance et d’étude finalement déconnecté du monde réel où vivaient les élèves ? Si on peut admettre que l’enseignement a créé une disposition d’esprit favorable à long terme au raisonnement historique, dans quelle mesure a-t-il doté les élèves de clés pour la compréhension du monde contemporain ?
50En effet, en raison du poids du politique que déplorait M. Bloch, l’histoire économique s’avère bien le parent pauvre de cet enseignement et est réduite à un des aspects de la politique intérieure. Compte tenu de l’évolution historiographique dans les trente premières années du siècle en France et à l’étranger, cette lacune peut être interprétée comme un des exemples les plus nets de la sclérose de l’histoire scolaire, voire de l’institution universitaire. À plusieurs reprises, nous avons trouvé, dans les cahiers, le ministère Colbert traité, sans qu’apparaissent les termes de colbertisme et de mercantilisme. De même, en dépit des travaux de Jaurès et des publications qu’a favorisées la commission de l’histoire de la Révolution, l’explication économique ne figure pas dans l’exposé des causes, pas plus pour 1789 que pour d’autres crises majeures.
51En revanche, les questions religieuses y sont beaucoup plus présentes, notamment dans leurs rapports avec le pouvoir. Les notions de schisme, hérésie, gallicanisme, jansénisme, la Réforme, sont notées dans les cahiers. Culturellement, en raison de l’éducation des élèves et de l’importance de la religion dans la société, et politiquement, à cause de l’actualité du sujet, il n’était pas concevable que ces thèmes n’apparussent pas. Or, en raison du règlement auquel on est arrivé en 1905, ils peuvent être enseignés comme un objet du passé dont l’histoire se confond, qui plus est en France, avec celle du pouvoir monarchique. Mais les questions relatives à la vie des sociétés restent des sujets ouverts et vivants, qui ne sont que brièvement abordés, comme la question ou les doctrines sociales du xixe siècle.
52Toute l’ambiguïté de l’enseignement historique des lycées et collèges réside dans ce paradoxe ; alors que le programme « de 1848 aux conséquences de la guerre de 1914-1918 » a dans le contexte troublé des années trente une résonance aiguë, que soulignent plusieurs témoignages, tant les règlements de l’institution scolaire que la tradition pédagogique visent à tenir les élèves loin du monde. Un correspondant a remarquablement exprimé cela. « Alors que le raisonnement commençait à aider la mémoire, écrit-il, l’enseignement de l’histoire s’arrêtait là, dans la Galerie des Glaces, en janvier 191978 ». Le désappointement qu’exprime cette note a dû être partagé, les élèves ayant l’âge de s’interroger sur l’actualité. Mais l’actualité ne pouvait entrer que subrepticement dans les cours d’histoire. Lorsqu’elle était enseignée, c’était le fait d’une initiative personnelle du professeur qui en contrôlait rigoureusement la provenance et le contenu, car lui-même, au regard de l’administration scolaire, était en infraction. Un ancien élève au collège d’A… de 1931 à 1939 relate longuement ces situations79 : « Le professeur accueillait volontiers mais surtout après le cours (souligné par l’auteur) des documents ou informations variées dont à l’occasion (souligné par l’auteur) il nous faisait profiter à l’heure suivante, référence faite à l’informateur et à ses sources… » et plus loin, « Mais, et j’y reviens, le professeur contrôlait dans la mesure du possible sources et documents. La presse contemporaine n’entrait pas en classe. Celle d’avant 1914 était admise, la plus ancienne recherchée (Panama, Dreyfus). Par un chef d’équipe italien, j’ai eu quelques numéros du Popolo d’Italia célébrant les victoires fascistes en Éthiopie. De même un camarade espagnol, prudemment abrité en France par sa famille, nous a apporté parfois des journaux tant franquistes que républicains qu’on trouvait d’ailleurs à la gare d’Orléans ou autre. Notre professeur ne les a pas admis, ni les italiens, ni les espagnols, comme ne correspondant à rien du programme – et sur des sujets trop brûlants ! ». Ainsi peut-on constater, par la distinction effectuée entre les journaux qui peuvent être des documents historiques et ceux qui n’en sont pas, que l’exercice de l’esprit critique reste conçu comme une opération intellectuelle s’appliquant à une histoire inerte, soigneusement séparée de la vie. Les considérations épistémologiques, selon lesquelles le présent ne peut pas être objet d’histoire, se transposent dans la classe : sur les sujets les plus contemporains, l’objectivité du professeur n’a plus de remparts à l’abri desquels se protéger.
53Concluant à propos de la part de l’enseignement historique dans l’éducation, le texte officiel de 1925 mentionnait : « … à la fin, lui laisser (à l’élève) avec la connaissance de l’état de son pays et de l’état du monde, la notion claire de ses devoirs de Français et de ses devoirs d’homme ». Douze ans après, la conclusion du programme, reproduite par un élève de fin de cycle, nous paraît éclairer cette perception du monde à laquelle l’histoire enseignée prétendait conduire80. « L’équilibre détruit de 1914 à 1918 n’est pas encore retrouvé depuis trente ans. Partout, on assiste à une poussée démocratique et égalitaire, à l’intérieur des États. Cependant, tandis que les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France restent attachées aux libertés démocratiques, la dictature s’est établie sur des bases variées en URSS, en Italie et en Allemagne.
54Ce bilan de vingt années d’histoire était-il pour les élèves autre chose que le récapitulatif de la dernière partie du programme ? Il reste à savoir quelle intelligence des faits recouvrait cette trace écrite, représentative de certains résumés, sans marque d’énonciation apparente, – ici le « on » est impersonnel et la voix passive est souvent utilisée –, sans commentaire ni jugement, où la sobriété du propos, empreint de la modération que C. Seignobos attribuait à l’esprit façonné par l’histoire, pouvait sembler à un élève en fin de scolarité l’expression d’une stricte neutralité ?
55Comme la plupart des enseignements du lycée, celui de l’histoire est déclaratif. « Le professeur de l’enseignement secondaire ne discute pas : il affirme », disait E. Lavisse à ses étudiants81. Fondée sur l’autorité et la fonction persuasive du verbe, la leçon magistrale doit produire un effet de vérité, par lequel, dans le cours d’histoire, revit le passé. Dans le cas de la logique narrative – qui n’est autre que ce qu’E. Lavisse appelait la méthode pittoresque –, où le fil de la parole déroule les événements dans l’ordre où ils se sont produits, l’illusion de la réalité est rendue par la reconstitution, assortie de descriptions et d’anecdotes, du temps vécu ; dans celui de la logique explicative, la méthode dite démonstrative, en groupant et hiérarchisant les faits, le discours développe un schéma de causalité linéaire où la cause produit l’effet. Dans l’un et l’autre, l’histoire se raconte ou s’explique d’elle-même. En effet, le locuteur, en l’occurrence le professeur, intervient peu dans l’énoncé. Lorsqu’il le fait, c’est soit pour impliquer davantage l’élève – on peut lire par exemple dans un cahier de première : « nous envoyons une petite armée à Saïgon » ou « l’unité allemande se fait contre nous82 » –, soit assez fréquemment, dans les petites classes de lycée et collège, pour introduire une connotation morale : le chapitre sur la vie romaine est l’occasion d’évoquer « la virile éducation des enfants (qui) fait la force et la grandeur de Rome », la « rigidité » du Romain qui « habite une maison d’humble apparence83 ». Mais, insérée dans le cours du résumé, l’expression d’une opinion personnelle n’apparaît pas nécessairement comme telle à l’élève. Cette phrase qui ponctue le bilan de la Convention, « l’accusation de vandalisme est une accusation injuste puisque c’est à la Convention qu’on doit la loi pour la sauvegarde des édifices publics », permet de faire glisser le jugement de valeur derrière un exemple qui se veut irréfutable84.
56Ainsi, la connaissance historique, vérifiée par la méthode et vraie par l’énoncé, se pose-t-elle comme un savoir donné et non construit. L’histoire « recherche la vérité et la dit sans réticences85 ». En fait, l’histoire scolaire ne fait que la dire et la leçon est le lieu et le moyen de cette énonciation. Pourtant, c’est par la formation du jugement que les républicains laïques entendaient que leur enseignement fît la différence avec celui des établissements privés. Pour eux, grâce à son contenu – les actions humaines – et à sa méthode, l’histoire se prêtait à édifier un être libre, capable de penser seul et affranchi des préjugés. Cela supposait une autre pédagogie dont nous avons vu l’échec. Est-ce à dire que l’histoire enseignée a failli à sa mission de forger des esprits éclairés ? L’introduction d’un recueil de textes publiée par la Société lorraine des Études locales apporte une réponse catégorique : « De toutes les études comprises dans les programmes des lycées, l’histoire est la seule qui n’appelle pas le contrôle permanent de l’élève86 » et n’exerce pas le lycéen à voir clair par son propre effort.
57Développer l’esprit d’examen et de critique, refuser les vérités toutes faites et rompre avec le dogmatisme qui avait tant nui à l’image de l’enseignement historique suppose en effet que la connaissance soit enseignée, dans toute sa relativité, comme le résultat du travail de l’historien – et non comme la restitution d’un réel vrai. Mais ni la pédagogie ni les instructions officielles n’orientent l’action des professeurs dans ce sens. Dans les classes inférieures, l’accent mis sur le pittoresque et le concret conduit à évacuer l’aspect éducatif de la discipline, note en 1928 R. Schnerb dans l’article où il diagnostique « la crise de l’enseignement historique et géographique87 ». Le texte ministériel de 1931 en rappelant que « ce qui importe, ce ne sont pas les institutions ou les guerres, mais plutôt les tableaux et les anecdotes, et (qu’)aucun appareil savant n’y serait à sa place88 » accentue la crainte de certains enseignants que la classe d’histoire ne devienne une récréation. Dans les classes supérieures, bien que la nécessité de prendre en compte l’aptitude plus grande des élèves à abstraire ait été soulignée, les instructions ajoutent pour éviter tout écart : « Mais l’érudition pure et les discussions savantes n’ont pas de place légitime dans l’enseignement secondaire89 ». Les discussions savantes, lorsqu’elles portaient sur les questions controversées de l’histoire, n’étaient-elles pas pourtant l’occasion d’éveiller les élèves à la complexité de l’opération historique ? De fait, d’après nos correspondants, certains professeurs ont pris le parti de présenter « l’état de la question » qu’ils traitaient. Cependant, comme ils ne citent pas d’exemple et que les avis sont contradictoires, on restera très circonspect. Compte tenu du ton des textes officiels, il ne s’agissait probablement que d’initiatives personnelles. Seuls, les exercices pratiques, offraient davantage, à partir de situations concrètes, comparaisons, études locales, la possibilité de solliciter l’esprit critique des élèves.
58C’est donc par suite du rôle décisif joué par un professeur, que l’enseignement historique a conduit des élèves à réfléchir sur les faits, ce qui, en théorie, était présenté comme sa mission essentielle. Souvent, cette perspicacité a été ultérieure. Elle s’est même alors quelquefois exercée rétrospectivement sur l’histoire enseignée, comme nous l’ont prouvé certaines lettres d’une grande richesse.
59L’étude de l’histoire, telle qu’elle a été enseignée dans les lycées et collèges, incite à conclure que l’identité de la discipline ne se réduit pas à l’exaltation de la nation et à l’apologie du régime républicain qui a marqué l’enseignement de l’histoire dans les écoles primaires laïques, surtout de 1880 à 1914. Le message transmis dans l’enseignement secondaire prend en effet en compte la spécificité de la culture que celui-ci véhicule, eu égard au public qu’il forme. En conséquence, l’historiographie scolaire de la Troisième République est moins monolithique que ne pouvait le laisser supposer l’emprise de l’école méthodique. C’est sans doute pour cette raison que Julien Benda évoque particulièrement à propos de l’enseignement du lycée « le culte comme exclusif qu’on m’y a appris pour la civilisation gréco-romaine et pour la civilisation française en tant qu’elle en est l’héritière90 » ajoutant : « Ce culte n’était point chez nos maîtres l’objet d’un enseignement formel. Nul chauvinisme dans leurs leçons, nul mépris des âmes étrangères. Il était impliqué dans leur verbe comme une chose qu’on n’a pas besoin d’énoncer tant elle est évidente, et ne s’en insinuait que mieux dans nos cœurs ». Certes, J. Benda par son milieu et son éducation était particulièrement apte à percevoir l’aspect implicite de l’enseignement ; certes, le lycée Charlemagne, à Paris, où il était élève de 1878 à 1885, recrutait parmi les meilleurs maîtres, c’est-à-dire ceux qui avaient le mieux intériorisé les exigences universitaires ; mais cet extrait de La jeunesse d’un clerc nous paraît résumer la complexité de l’enseignement en lycée, enseignement idéologique paré des vertus de la culture désintéressée.
60On peut mettre en regard de l’opinion de J. Benda celle d’un de nos correspondants, issu d’un milieu de modeste condition, élève de 1929 à 1935 en section moderne, qui conclut ainsi sa lettre : l’histoire « fut une discipline d’éveil sur des problèmes que les adolescents de l’époque ne se posaient pas d’instinct : mouvements de pensée, influence des religions, conditions d’exercice du pouvoir, désastres consécutifs aux conflits armés, nécessité d’une coopération internationale ». S’il est fait référence ici à une connaissance du monde contemporain qui s’oppose à celle des Anciens qui a marqué J. Benda, élève quant à lui, d’une section classique avant la réforme de 190291, ne retrouve-t-on pas l’idée d’un enseignement de culture qui aurait élargi plutôt que borné les horizons, idée, au demeurant, qui s’inscrit contre certains des clichés empruntés à l’histoire de l’école primaire ?
61Cependant, tant le contenu de l’enseignement que les formes dans lesquelles il a été transmis n’ont pas toujours donné aux élèves l’intelligence des faits ni la capacité d’analyser les situations historiques dans toute leur complexité. Dans quelle mesure, par exemple, le fait de n’organiser le passé qu’en fonction du point d’aboutissement, c’est-à-dire dans les programmes, l’état contemporain de la France, a-t-il pu les laisser penser que la liberté humaine pèse peu face à l’enchaînement des événements ? Cette critique est un élément du procès que Suzanne Citron instruit contre l’enseignement historique de la Troisième République92, développant la thèse qu’il n’a pas été cette propédeutique à l’action que sous-entend tout véritable projet civique. « Une histoire exclusivement subordonnée au développement du sentiment national au mépris des droits des autres peuples est contestable au plan éthique. Mais la conception d’un déroulement logique du passé est également dangereuse du point de vue d’une pédagogie de la citoyenneté démocratique. Car la continuité apparente qui relie les événements comme une suite inéluctable, incline au fatalisme, à la résignation, à la déresponsabilisation du citoyen par rapport au devenir collectif. Elle ne permet pas de comprendre que le présent réel, le présent vécu est toujours ouvert sur un futur indéterminé, qui dépendra de la manière d’agir dans ce présent et de la lucidité avec laquelle on saura en faire l’analyse ».
62Cette analyse qui attribue à l’histoire scolaire de la Troisième République un résultat inverse de son intention et conclut de facto à l’échec de l’idéal laïque d’une éducation à la liberté soulève des questions fondamentales. Car la succession des faits était enseignée pour établir des filiations, et, à travers elles, développer les solidarités et construire du sens à l’aventure humaine. L’histoire était intelligible parce qu’elle était guidée, orientée, dirigée par un projet idéologique, et un ancien professeur l’oppose à l’histoire scolaire d’aujourd’hui qu’il nomme « de la limaille de fer sans aimant93 ». Or cette opinion ne reflète sans doute pas que la nostalgie, voire le désarroi face à l’évolution du système éducatif et de la société, de ceux qui furent de jeunes adultes aux lendemains de la seconde guerre mondiale. Fruit d’une longue expérience analysée avec perspicacité, elle nous semble résumer la difficulté de concevoir une histoire scolaire qui, sans être au service d’aucune philosophie, aide l’élève à s’orienter dans le monde, à se construire, et apporte clairement une réponse à ses interrogations, y compris les plus métaphysiques. Ces questions vont, à plus long terme, atteindre de plein fouet l’enseignement. Pour l’heure, comme le note non sans ironie un professeur qui, en 1932, s’étonne qu’on leur trouve encore quelque intérêt, le « public croit aux leçons de l’histoire94 ».
63Faisant allusion aux critiques qui convergent sur l’enseignement de l’histoire, le président de la Société, Morizet, s’adressant à l’assemblée générale en 1930, rappelle son utilité : « Quoiqu’on en dise, l’histoire et la géographie contribuent à l’éducation générale. En habituant les élèves à rechercher constamment les effets et les causes, à trouver l’explication des divers phénomènes, à étudier l’interdépendance des phénomènes de géographie physique et économique, à comparer et à juger, nous éveillons chez eux le sens de l’observation et la rigueur du raisonnement, nous faisons naître en eux le sens critique. Et d’autre part, n’est-ce pas nous qui, pour le moment, leur dispensons les connaissances civiques, politiques et économiques qui leur seront absolument indispensables dans la vie de demain ? Dans les sociétés démocratiques actuelles, un citoyen qui n’aurait de ces problèmes graves aucune notion, qui n’apporterait à les étudier aucune des qualités d’esprit dont je parlais tout à l’heure, qui subirait sans réagir toutes les influences, ne serait-il pas un citoyen diminué et la collectivité ne serait-elle pas par là-même singulièrement affaiblie ? ».
64Si on peut admettre que l’histoire dans les établissements secondaires a été, plutôt que la pédagogie du citoyen, une forme que celle-ci a revêtue, la gymnastique intellectuelle à laquelle, selon Morizet, les élèves sont entraînés est au mieux le fait du professeur. Sans doute l’image d’un enseignement de mémoire, que la tradition scolaire a forgée, a-t-elle fait peser sur la discipline une hypothèque difficile à lever, parce que cette représentation faisait écran à son aspect culturel, du moins pour beaucoup d’élèves. Quels sont ceux pour qui l’arbre des faits n’a pas caché la forêt ? La réponse est dans le vécu individuel et social de chacun. L’impact de l’enseignement historique n’est pas spontané, il dépend en dernier ressort du sens qu’a pris ou non pour chacun, en fonction de ses propres expériences, ce qui a été appris, même par des procédés mécaniques. Élèves d’un même professeur dans un petit lycée provincial, nos correspondants ne partagent pas tous la même perception de la connaissance historique.
65Cependant, il appartient au système éducatif de semer les germes de cette réceptivité. C’est la raison pour laquelle la réflexion pédagogique consiste précisément à « chercher ce qui coïncide avec une expérience intérieure ou extérieure de l’élève95 », comme l’écrivait avec beaucoup de justesse, Jeanne Galzy, et à choisir les méthodes qui provoquent l’intelligence des situations historiques. L’évolution concomitante des problématiques historiques et de la psychologie de l’enfant ouvre, dans les années 1930, de nouveaux horizons à ces perspectives. Peut-être y avait-il, dans ce renouvellement des questionnements et des méthodologies, après l’échec de la révolution que C. Seignobos avait espérée, un second essai à transformer.
66Mais l’institution scolaire n’est pas disposée à avaliser les propositions de réforme, parce qu’elles entrent en conflit avec les finalités des disciplines du système éducatif, au sens où Foucault définissait celles-ci, « une mise en forme du savoir qui suppose une normalisation des formes de pensée96 ». Le thème de l’éveil de l’esprit critique alimente souvent un discours vide, parce qu’il n’est pas exempt de contradictions avec la mission civique de l’enseignement de l’histoire, telle que la conçoit la République jacobine et laïque. Les attitudes méthodologiques et pédagogiques d’un corps enseignant ni préparé ni prêt à s’interroger facilitent l’entreprise des pouvoirs publics. L’assertion de Paul Leuillot, faisant pour l’Encyclopédie française, le portrait de la classe d’histoire, situe le problème. « Discuter sur les méthodes est bien. Réfléchir sur le but de l’enseignement historique est mieux », écrit-il, affirmant que les détracteurs sont nombreux, « un peu, même beaucoup, par la faute des historiens97 ».
67De fait, on peut se demander pourquoi la réflexion didactique antérieure, comme nous l’avons montré, à 1902, et l’impulsion donnée par quelques professeurs ont trouvé si peu d’écho dans la corporation. Celle-ci est-elle exempte de toute responsabilité dans l’impopularité de l’histoire qu’elle déplore avec grand bruit ?
Notes de bas de page
1 JO, 1899, Documents parlementaires, Chambre SO, Annexe n° 866, Dépositions écrites, p. 1909.
2 BAIP, n° 265, 1872.
3 Marion (H.), Notice « Mémoire », Nouveau Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, éd. 1911.
4 Lettre de H. B…, élève au lycée de L… de 1912 à 1919.
5 Lavisse (E.), « L’enseignement historique en Sorbonne et l’éducation nationale », Questions d’enseignement national, Paris, 1885, p. 29.
6 Cahier 78. 3420, lycée François 1er, Le Havre, Année non précisée.
7 Cahier 78. 9748. Cahier 82. 1131.
8 Ibid., 82. 1131. Manifestement, il s’agit d’un professeur qui a quelque difficulté à s’abstraire des faits.
9 Schnerb (R.), « La crise de l’enseignement historique et géographique », BSPHG, n° 57, nov. 1928, p. 40-47.
10 Voir à ce propos la préface de la thèse de Ferdinand Lot (1891) citée par Dumoulin (O.), « Comment on inventa les positivistes », L’histoire entre épistémologie et demande sociale, Actes de l’université d’été de Blois, sept. 1993, IUFM Créteil, 1994.
11 Febvre (L.), « Un feuilleton ou comment vulgariser l’histoire », Annales, fév. 1946, p. 157.
12 Rapport sur le concours d’agrégation d’histoire et de géographie, RU, 29e A, 1920, 1, p. 84-102.
13 « Les projets de réorganisation des programmes », BHM, 20e A, n° 35, 4/3/1920. Les questions posées étaient : « Faut-il faire appel à la mémoire ou à l’intelligence des élèves ? L’histoire doit-elle être mnémotechnique ou exercice de réflexion ? Doit-elle varier suivant les classes et les époques ? ».
14 bloch (M.), « Note sur la réforme de l’enseignement historique », BSPHG, n° 96, juin 1938, p. 343-351.
15 Lacoste, « À propos d’un recueil de textes, un enseignement méprisé », BSPHG, op. cit., p. 226.
16 Bloch (M.), « Écrits clandestins », L’étrange défaite, Paris, Michel, 1957, p. 253-268.
17 Ibid., p. 257-258.
18 Lanier, « Comment enseigner l’histoire », BSPHG, n° 43, avril 1925, p. 14-19.
19 Lavisse (E.), Conférence faite aux étudiants de la faculté de Paris, juin 1884, op. cit.
20 Lettre de H. R…, élève au lycée de L… de 1937 à 1944, partie hors-questionnaire.
21 Lettre de Y. M…, élève au lycée de L… de 1934 à 1941.
22 Rapporté par Delattre, « Le devoir d’histoire », RU, 19e A, 1910, 2, p. 144-149.
23 Cahier 85 732, classe de seconde A, établissement et date non précisés, Musée national de l’Éducation, Rouen. Le programme permet de situer le cahier après la réforme de 1925.
24 Cahier 86 902, classe de 4e, vers 1930, établissement non précisé, Musée national de l’Éducation, Rouen.
25 Copie 82 771.
26 BAIP, n° 265, 1872, p. 326.
27 BAIP, n° 1318, 1908, p. 350.
28 JO 1938, Annexes, p. 1198.
29 Ibid.
30 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier F. P…, 1918.
31 Souligné par nous.
32 Chervel (A.), Histoire de l’agrégation, Paris, Kimé, 1992.
33 Morizet, Déposition de la Société des professeurs d’histoire et de géographie, BSPHG, op. cit., p. 195-205.
34 Gastinel, Éducation et instruction, t. XV, 15-06-8, L’Encyclopédie française, Paris, 1939. Ce pourcentage est resté constant depuis le début du siècle, voir travaux de la commission d’enquête en 1899.
35 JO 1900, Documents parlementaires. S.E. Chambre des députés, Annexe n° 1196, Baccalauréat et examens, p. 481-482.
36 Piobetta (J.-B.), Le baccalauréat de 1902 à nos jours, Paris, Baillière & fils, 1937.
37 Ibidem.
38 Les jurys sont ouverts, depuis la réforme de 1902, aux professeurs de l’enseignement secondaire. Les règles de recrutement, bien qu’assouplies, stipulent en 1931 que les professeurs doivent avoir une ancienneté minima de 15 ans dans l’enseignement secondaire et de 5 ans dans les classes préparant au baccalauréat.
39 Le terme apparaît en 1910 dans un pamphlet du physicien H. Bouasse, Bachot et bachotage, Toulouse, Lethielleux, 1910. L’ouvrage se situe dans un contexte de vive polémique autour des effets de la réforme de 1902. Tirant les conclusions de son expérience d’examinateur au baccalauréat, l’auteur fustige la culture scolaire en ces termes : « Il existe peut-être une culture générale intelligente, mais ce que je peux affirmer, c’est la sottise de ce qu’on appelle culture générale actuellement dans l’Université… Fabriquer un perroquet bavard, voilà le but de l’enseignement, le but que seul, il peut atteindre, étant donné les méthodes », p. 222. Encyclopédisme, bachotage et psittacisme constituent les trois actes du drame scolaire…
40 Piobetta (J.-B.), Examens et concours, Paris, 1943.
41 Lavisse (E.), « L’enseignement et les examens », Questions d’enseignement national, Paris, 1885, p. 69.
42 « Un témoignage, Marc Bloch, L’histoire, la géographie et le baccalauréat », BSPHG, n° 191, janv. 1965, p. 619-620. La publication du texte dans le Bulletin relève de l’hommage que l’association des professeurs d’histoire et de géographie rend à Marc Bloch.
* Le zéro est éliminatoire.
43 Piobetta (J.-B.), Le baccalauréat de 1902 à nos jours, Paris, 1937.
44 Rapport de la session du CSIP, juin-juillet 1927, BSPHG, n° 53, nov. 1927, p. 11.
45 Febvre (L.), Éducation et instruction, t. XV, L’encyclopédie française, Paris, 1939.
46 BSPHG, n° 38, janv. 1924, p. 16.
47 BSPHG, n° 39, avril 1924, p. 20.
48 Bourgin (H.), « L’enseignement de l’histoire moderne », RU, 29e A, 1920, 1, p. 340-350.
49 Rapporté à l’assemblée générale de la Société des professeurs d’histoire et de géographie par le président Morizet, 27/12/1926, BSPHG, n° 50, janv. 1927, p. 3-5. La circulaire, en date du 7/6/1926, indiquait que l’introduction d’un programme d’histoire de l’art ne saurait se traduire par « un bavardage de plus ».
50 « Les méthodes à employer pour l’enseignement de l’histoire », Questionnaire proposé par la régionale de Nancy, BSPHG, n° 74, janv. 1933, p. 479-480.
51 Troux (A.), « Enquête sur la méthode de notre enseignement », BSPHG, n° 78, janv. 1934, p. 161-171.
52 Lettre de M. L…, élève au collège Chaptal, Paris, de 1933 à 1939.
53 Lettre de J. G…, élève au lycée de L., 1942-1949.
54 Réponses au questionnaire du bulletin n° 74, BSPHG, n° 78, janv. 1934, p. 162.
55 Lacoste, « À propos d’un recueil de textes, un enseignement méprisé », BSPHG, n° 71, mars 1932, p. 219-227.
56 Lanoir (M.), « Disciplines et compositions de mémoire », BSPHG, n° 82, janv. 1935, p. 192-197.
57 Ibid., p. 196.
58 Outre le fait que des professeurs non-spécialisés enseignaient déjà l’histoire-géographie, le Congrès de la Fédération internationale des professeurs de l’enseignement secondaire avait en 1926 examiné l’éventualité de confier cet enseignement à des « éducateurs », dans le cadre d’une éducation à la compréhension mutuelle des problèmes internationaux. BSPHG, n° 49, nov. 1926, p. 26-28.
59 Lagneau (G.), « Du surmenage intellectuel et de la sédentarité dans les écoles », rapport de l’Académie de Médecine », RIE, t. 16, 1887, 2, p. 78-97.
60 BSPHG, n°63, mars 1930, p.195-205.
61 BSPHG, n° 65, nov. 1930.
62 JO, 7 mai 1931, n° 107, p. 5044-5046.
63 Perec (G.), « Je me souviens de Malet et Isaac », H. Histoire, n° 1, mars 1979, p. 197-209.
64 Lettre de H. L…, élève au collège Chaptal, à Paris, de 1933 à 1939.
65 Lettre de H. R…, élève au lycée de L…, de 1937 à 1945.
66 Testé, « L’enseignement de l’histoire », Discours prononcé à la distribution des prix du concours général, RU, 35e A, 1926, 2, p. 293-303.
67 A.D. Ille-et-Vilaine 16T – A 214. Registre des délibérations du conseil de discipline du lycée de Rennes, 1933-1942.
68 Réponse orale de R.V., élève au lycée de L…, de 1937 à 1944.
69 Cahier 79. 37602, 3e, lycée Janson de Sailly, Paris, 1924.
70 Cahier 83. 695, 3e, établissement non précisé, 1924.
71 Lettre d’E.V., élève au lycée de L…, de 1929 à 1935.
72 JO, 1925, 57e A, n° 206, p. 8662-8663.
73 Amalvi (C.), « L’iconographie des manuels d’histoire et la mémoire collective. De la mémoire scolaire à la mémoire buissonnière 1871-1950 », Enseigner l’histoire, Des manuels à la mémoire, Berne, 1984.
74 Lettre de H. R…, élève au lycée de L…, de 1937 à 1944.
75 Decaux (A.), « On n’apprend plus l’histoire à nos enfants », Le Figaro-Magazine, 20 octobre 1979.
76 Lavisse, Mathiez et Gaxotte sont cités dans la bibliographie du cours, Cahier 86. 1557, classe de 1re, Montluçon, 1941-42.
77 Cahier 79. 37 728, Philosophie, établissement non précisé, 1936-37. Cahier Philosophie, lycée David d’Angers, vers 1925-1930.
78 Lettre de H. R…, élève au lycée de L…, de 1937 à 1944.
79 Lettre de M. C…, élève au collège d’A…, de 1931 à 1939.
80 Cahier 79. 37728, établissement non précisé, R. D…, 1936-37.
81 Lavisse (E.), « Discours d’ouverture des conférences sur l’histoire du Moyen Âge à la faculté des lettres de Paris », RIE, t. 1, 1881, 1, p. 137-151.
82 Cahier 78. 3 420, vers la fin des années 1930, lycée François 1er, Le Havre, classe de 1re.
83 Cahier 82. 897, 1924, R. C…, Montluçon, classe de 6e.
84 Cahier 85. 373, 1942, classe de 1re A.
85 Monod (G.), « La pédagogie historique à l’École normale supérieure en 1888 », RIE, t. 53, 1907, 2, p. 199-207.
86 Lacoste, « À propos d’un recueil de textes, un enseignement méprisé », BSPHG, n° 71, mars 1932, p. 219-227.
87 Schnerb (R.), « La crise de l’enseignement historique et géographique, BSPHG, n° 57, nov. 1928, p. 40-44.
88 JO, 7 mai 1931, n° 107, p. 5044-5046.
89 Ibid.
90 Benda (J.), La jeunesse d’un clerc, Paris, Gallimard, 1968.
91 Lettre d’E. V…, élève au lycée de L…, de 1929 à 1935.
92 Citron (S.), Le mythe national, Paris, Éd. Ouvrières, 1987.
93 Lettre de J.M. A… professeur de l’enseignement secondaire public de 1948 à 1986.
94 Lacoste, « À propos d’un recueil de textes, un enseignement méprisé », BSPHG, n° 71, mars 1932, p. 219-227.
95 Galzy (J.), La femme chez les garçons, Paris, Payot, 1919. J. Baraduc (Galzy était son nom d’auteur) a fait partie de ces femmes agrégées de lettres nommées sur une chaire d’histoire d’un lycée de garçons pendant la guerre que nous avons brièvement évoquées.
96 Foucault (M.), Surveiller et punir ; naissance de la prison, Paris, Gallimard, éd 1993.
97 Leuilliot (P.), Éducation et instruction, t. XV, 15-32-8, l’Encyclopédie française, op. cit.
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