Chapitre III. Les pratiques
p. 145-189
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Index géographique : France
Texte intégral
1Pour cerner comment une discipline a été enseignée, il est très difficile de constituer un corpus de sources significatif. La floraison des études didactiques a cependant permis d’explorer quelques pistes, notamment à partir des travaux d’élèves. Mais, malgré l’ardeur de C. Seignobos pour imaginer des exercices, l’histoire scolaire est restée peu productive. Le fait qu’elle n’ait pas donné lieu à une épreuve écrite du baccalauréat, jusqu’à une époque récente, nous prive en outre de l’existence de copies archivées. Quel que soit notre effort, nous n’avons donc disposé que de sources fragmentaires que nous avons le plus possible croisées. Les dossiers des professeurs d’histoire et géographie y ont occupé une place de choix puisqu’ils représentent un fonds assez homogène, sans discontinuité majeure de 1900 à 1960 environ, et comprennent une notice annuelle portant les appréciations du chef d’établissement, de l’inspecteur et du recteur d’Académie et le rapport de la dernière inspection. Le fonds des cahiers d’élèves, très pauvre pour les premières décennies du siècle, surtout en cahiers de lycées – il y a en revanche beaucoup de cahiers d’EPS – s’étoffe progressivement jusqu’à aujourd’hui, les dépôts se faisant plus nombreux ces dernières années en raison de la sensibilité croissante aux questions didactiques. Enfin les témoignages d’élèves que nous avons sollicités sont assez bien échelonnés dans le temps, mais concernent majoritairement l’enseignement dispensé dans un petit lycée de province. Nous avons atteint une plus grande diversification dans le questionnaire aux professeurs. Pour tous les anciens élèves, les premières questions qui incitaient à décrire les cours d’histoire constituaient le tronc commun du questionnaire.
2En effet, notre objectif a été dans cette partie de savoir ce qui se passait dans les classes d’histoire, dans quelles conditions et selon quelles modalités l’histoire était enseignée. Il n’est pas question de penser que toutes les heures d’enseignement soient réductibles à un seul type, mais il y a des figures dominantes qui dessinent le portrait d’une discipline. En effet celle-ci, d’abord organisée autour d’un savoir spécifique qu’a priori le maître possède et non l’élève, inclut des processus d’enseignement qui en font un savoir transmis et des processus de formation puisque, nous l’avons vu, sa finalité est, surtout dans l’enseignement secondaire, de former des disciples. Or ces processus ne sont pas explicités par les acteurs de la situation pédagogique mais on peut les retrouver à partir du produit final, le cours. Aussi, avons-nous en premier lieu analysé dans les situations d’enseignement, telles que nous pouvions les recomposer, les données institutionnelles et matérielles qui, initialement, situent le cours dans un environnement. Ensuite, nous avons étudié les activités des professeurs et celles des élèves afin de savoir si, comme l’affirmait C. Seignobos, une pédagogie historique est née à la fin du siècle dernier. Car lui-même tempérait cet optimisme en ajoutant « De cette crise de rénovation, l’enseignement de l’histoire sortira sans doute1 organisé, pourvu d’une pédagogie et d’une technique rationnelles comme ses aînés… Mais il faut s’attendre à ce que la réforme soit beaucoup plus lente que dans l’enseignement supérieur2 ».
La classe d’histoire
Le cadre institutionnel et matériel
3En matière scolaire, le terme de classe est polysémique. Il désigne les étapes selon lesquelles s’ordonne la scolarité, puis par extension les ensembles d’élèves y correspondant, des contenus – classe de grammaire par exemple – et le lieu où se donne l’enseignement. Le premier sens se rapporte à la hiérarchie des études, organisée en degrés successifs selon l’idée du fondateur des écoles des Frères de la Vie commune, Geert de Groote (1340-1384), qui inspire deux siècles plus tard les plans d’études des collèges religieux, dont ceux de la Compagnie de Jésus. Ce n’est que progressivement que le système des degrés a correspondu à un niveau de savoir et à un âge moyen des élèves induisant une progression des connaissances à chaque degré de l’échelle. Dès lors, la classe évoque un groupe d’élèves distinct qui suit pendant une année un enseignement commun. Avec la spécialisation des disciplines, apparaissent à l’intérieur de la division numérale autant de classes que de matières enseignées. La réforme de 1902 entérine cette évolution. En appelant la « rhétorique » la « première », selon le modèle allemand, elle marque de façon symbolique la modernité des études : les élèves suivent une classe de littérature, une classe d’histoire, etc., c’est-à-dire un enseignement matérialisé par des horaires, des contenus, voire un lieu et un maître spécifiques.
4La classe est donc d’abord une réunion d’élèves. Il n’y a pas de chiffre maximum fixé. Si certaines classes sont chargées, la situation est si irrégulière selon les établissements et selon les degrés qu’on ne peut pas avancer de chiffre moyen – d’autant plus que les inspecteurs n’en ont pas toujours noté dans leurs rapports. Pour la période 1900-1939, la fourchette semble varier entre un nombre minimum inférieur à dix et un nombre maximum situé entre cinquante et soixante. Lorsqu’en 1902 les nouveaux programmes sont appliqués, plusieurs professeurs parisiens font état de la surcharge des classes. Dupont-Ferrier note ainsi qu’à Louis-le-Grand les classes peuvent contenir jusqu’à soixante élèves3. Les locaux en nombre insuffisant se trouvent encombrés4. Dans les grandes villes de province, l’effectif des classes dépasse souvent 40 élèves. C’est le cas du lycée de garçons de Rennes. En revanche au collège de Lannion, en philosophie, il y a en 1931, 9 élèves ; à celui de Saint-Servan, en 1934, 5 en philosophie-mathématiques5. Si, dans les villes, les lycées drainent donc la population scolaire potentielle sans autre limite que la concurrence des établissements privés, beaucoup de collèges ont des problèmes de recrutement puisqu’une partie de leur vivier local préfère s’orienter vers l’enseignement primaire supérieur. Il est ainsi significatif qu’à l’issue du premier concours de bourses commun aux lycées, collèges et EPS, les 4/5 des reçus aient opté pour l’enseignement court6. En outre, à côté des stratégies sociales, les intérêts locaux ont complexifié la carte scolaire des établissements de garçons, favorisant par exemple la création d’EPS et surtout de Cours complémentaires aux dépens des établissements secondaires, pour vivifier leur arrondissement ou leur circonscription7. A contrario, certaines familles choisissent de scolariser leurs enfants au lycée, plus coté puisque le ministère y envoie les meilleurs professeurs.
5Lorsqu’il y avait peu d’élèves, aussi souvent qu’elle l’a pu, l’autorité académique a procédé à des regroupements. Les regroupements de divisions ou de sections, voire de classes, philosophie et mathématiques, quelquefois même la préparation à l’École navale, sont fréquents de 1902 à 1925. S’y ajoute, de plus en plus souvent, suite à la réforme de 1925, l’« amalgame », c’est-à-dire la réunion dans les mêmes classes d’élèves provenant des sections classiques et modernes pour faire face à la pénurie de professeurs, dans le cadre d’économies budgétaires. En outre, la circulaire du 23 octobre 19228 relative à l’admission des jeunes filles dans les classes de philosophie et de mathématiques des lycées et collèges de garçons et l’alignement, à partir du décret du 25 mars 1924, des programmes masculins et féminins conduisent à la constitution des premières classes mixtes, alors que la division sexuée reste le principe souverain de l’organisation de l’institution scolaire et de la société. Ces fusions, pratiquées de façon excessive au dire des professeurs de la Société d’histoire et de géographie, conduisent à une dégradation de la situation9, d’autant plus que la possibilité de dédoubler les classes de plus de trente élèves pour les exercices pratiques est restreinte en 1932 et finalement supprimée. Le nombre total de lycéens par professeur est très variable, mais à raison de trois heures hebdomadaires d’enseignement – en tenant compte de la géographie – l’enseignant a cinq voire six classes. Or, beaucoup d’établissements ne comptant pas assez d’élèves pour créer des classes parallèles, ces classes sont autant de niveaux.
6La notion de seuil ne figure donc pas au registre du ministère ; la classe est un groupe auquel le maître s’adresse directement et collectivement, selon le mode d’enseignement dit simultané. Mais, pour des raisons pédagogiques, les professeurs vont soulever la question des effectifs. A. Thalamas demande avec force en 1907 que « toutes les fois que l’on voudra avoir des méthodes actives d’enseignement », le professeur n’ait « jamais sous aucun prétexte plus de trente élèves10 ». En outre, l’accroissement du nombre d’élèves rend plus difficile la gestion de leur hétérogénéité selon divers témoignages. De fait, il est probable que la réforme de 1902, en mélangeant les élèves non-latinistes et latinistes, a effectivement accru la diversité des élèves. Par ailleurs, les écarts d’âge dans la même division restent très fréquents, certains élèves entrant dans l’enseignement secondaire avec le plus d’avance possible, d’autres, notamment boursiers, n’y parvenant qu’après avoir passé le certificat d’études11. Enfin, les diverses formes d’amalgame accentuent l’hétérogénéité. « Des tronçons amalgamés ne constituent pas une classe12 ».
7Pourtant, la classe est aussi tout simplement le lieu où se déroulent les cours. Même si la salle n’est pas encore équipée, le fait de disposer d’un local fixe accroît, si l’on en croit A. Thalamas, « la tenue morale de la classe13 ». C’est au moins reconnaître à la matière enseignée une certaine importance. L’enquête d’Himly et Levasseur note en 1871 que plusieurs collèges et lycées ont ainsi « une salle spécialement affectée à l’enseignement de l’histoire et de la géographie, qui n’est rien d’autre qu’une chaire fixe14 ». Sur leurs propositions, un important effort d’équipement en cartes murales et mappemondes est consenti par le ministère. Même les petits collèges semblent en être dotés au début de ce siècle15. Peu à peu, la classe d’histoire – géographie est agrémentée de gravures à l’initiative de professeurs qui, comme celui du lycée de Lorient en 1906-1907, « a fait de sa classe un musée où il se plaît au milieu de ses élèves16 ». Mais tout son dossier laisse penser que c’est un professeur atypique, qui emmène ses élèves en promenades et étudie l’histoire locale. Si, par la circulaire du 7 juin 1926, le ministère encourage ces entreprises, rien ne permet toutefois de penser que l’ornementation des classes ait été un mouvement généralisé. De même les cas de bibliothèques de classe restent rarissimes17, malgré la politique de soutien de la Société des professeurs d’histoire et de géographie aux acquisitions nouvelles.
8Il est incontestable que, consécutivement à la circulaire du 15 avril 1911, délimitant le champ d’intervention de la Commission du matériel18, l’enseignement historique de l’entre-deux guerres a bénéficié de l’instauration d’un crédit annuel inscrit au budget de l’établissement pour l’acquisition et l’entretien de matériel pédagogique, qui vient compléter les cotisations des élèves. Le professeur chargé de la coordination et des achats, généralement le plus âgé de l’établissement, a son service décompté d’une heure lorsque les collections ont une certaine importance. Dans les faits, le service du matériel n’est souvent pas compté car la charge de travail est évaluée par le ministère à partir des crédits qui ont été alloués. Or, dans les années vingt – jusqu’en 1927 – ceux-ci sont les mêmes qu’avant la guerre19. Un local est également concédé, plus proche de l’entrepôt que du « cabinet de travail » que demandait Seignobos. Ainsi, si en 1922, Dupont-Ferrier peut écrire, décrivant la situation des établissements les mieux dotés : « Depuis 1911, les professeurs d’histoire ont été chez eux au lycée – Louis-le-Grand ! – ; ils ont eu leur home, leurs meubles, leur bibliothèque. Ils ont cessé d’être nomades, ils sont devenus sédentaires », la clause restrictive à l’attribution de salles spéciales qu’avait introduite la circulaire de 1911, « toutes les fois que l’état des locaux le permettra », explique que le Bulletin de la Société des professeurs d’histoire et de géographie continue de se faire l’écho d’établissements encore démunis20. Dans ces conditions, la réalisation des exercices pratiques n’était même plus envisageable. En effet, certaines activités pédagogiques sont étroitement subordonnées à l’état réel des moyens disponibles.
9L’autre contrainte des cours est le temps. Depuis l’arrêté du 31 mai 1902, la durée des classes dans toute la scolarité est fixée à une heure. Dictée par le souci de ne pas fatiguer les élèves, cette mesure représente une innovation puisque, dans le plan de 1890, la leçon durait une heure et demie et elle reçoit un accueil mitigé dans toutes les disciplines21. Pour l’histoire et la géographie, les avis exprimés reflètent l’opinion générale : alors que les professeurs sont favorables à la classe d’une heure dans le premier cycle, la plupart y sont hostiles dans le second cycle. Rendue responsable de l’émiettement du travail et du manque de concentration de l’élève, cette mesure est aussi perçue comme une réglementation excessive, restreignant l’initiative du professeur. En fait, en vertu du principe de l’unité de thème dans l’unité de temps, elle contraint les enseignants en exercice avant 1902 à réorganiser leur matière pour traiter en une heure ce qu’ils traitaient avant en une heure et demie et quelques rapports d’inspection font état d’une adaptation difficile. Les réactions à la décision de réduire la durée du cours, comme celles à l’allongement des vacances d’été22 ou à la réduction de l’horaire hebdomadaire global en 1931 et 1937 sont significatives de l’inquiétude majeure des professeurs, celle de ne pouvoir « faire le programme ».
10Alors que la configuration de la classe d’histoire dépend du professeur qui assure l’enseignement, la diversité des statuts et de l’origine des enseignants qu’A. Himly et E. Levasseur avaient notée en 1871 reste forte même après la réforme des études universitaires. Comme dans les autres disciplines, le personnel de l’enseignement historique se compose des professeurs titulaires reçus au concours de l’agrégation, des titulaires non agrégés, des chargés de cours et des professeurs-adjoints, répétiteurs promus à ce rang par la réforme de 1902. Comme les titulaires non-agrégés sont d’anciens chargés de cours qui, en raison de leur ancienneté ont été titularisés, on peut distinguer trois grandes catégories : les agrégés, les licenciés et les autres, bacheliers ou boursiers de licence par exemple. Les premiers sont affectés dans les lycées, les seconds forment le bataillon des professeurs de collèges ou enseignent dans les lycées de province, les derniers occupent les postes non pourvus par les précédents. Mais dans la réalité, la situation est beaucoup plus complexe, d’une part parce que l’histoire peut être enseignée par des diplômés en lettres, d’autre part parce que des enseignants d’un autre ordre que l’enseignement secondaire ont été affectés dans les lycées et collèges : les professeurs agrégés de l’enseignement spécial puisque celui-ci a été supprimé ou des professeurs d’EPS et des instituteurs après la guerre. Il a fallu en effet suppléer aux pertes de la guerre et à l’absence de recrutement de professeurs agrégés pendant quatre ans. Les femmes recrutées par une agrégation spécifique, ont été alors employées dans les établissements de garçons23. Cela n’empêche pas l’Administration de porter sur elles des appréciations qui nous paraissent aussi étonnantes que leur présence devait l’être pour les contemporains. Le rapport d’inspection qui commence en ces termes : « Jeune fille aux traits fins24 » ou celui qui note que le professeur est « gracieux » n’ont pas leur équivalent dans les dossiers du personnel masculin. On trouve aussi, sans un mot sur l’enseignement de l’intéressée, chargée de cours à L… : « Gentil professeur, de tenue parfaite, simple, modeste, dévouée, d’esprit juste, de volonté droite, tout à fait digne d’inspirer confiance aux familles25 ».
11Cette diversité est toutefois tempérée par le fait que, comme l’avaient espéré E. Lavisse et les réformateurs de l’Université, l’instruction des professeurs s’élève et le nombre des agrégés progresse régulièrement.
Tableau 4. Effectifs des professeurs d’histoire et de géographie dans les lycées de garçons. (source : RU, 47e A, 1938, 2, p. 459.)

12Pour ceux-ci et en moindre part pour les licenciés, le passage par l’Université est un facteur d’homogénéisation des pratiques. Les uns et les autres sont formés aux mêmes exercices par les maîtres d’une école commune et forgent leur culture historique à partir des mêmes ouvrages, notamment les grandes synthèses parues sous la direction d’E. Lavisse dans l’entre-deux guerres. Mais subsiste dans le corps, jusque dans les années trente, un noyau d’enseignants, insuffisamment qualifiés, qui n’ont pas de formation historique ; ils ont « appris l’histoire et la géographie26 ». Aussi la corporation s’émeut-elle de ce défaut de spécialisation, surtout net dans les collèges. Des heures de travaux dirigés qui auraient dû être des temps d’exercices pratiques pour les élèves sont également données aux enseignants qui ont besoin de compléter leur horaire, voire au principal du collège27.
13À l’intérieur de chaque catégorie, fonctionne un système de six classes qui jalonnent le déroulement de la carrière au sein de deux cadres distincts pour les professeurs de lycée, le cadre départemental et le cadre de la Seine et de la Seine-et-Oise, et au sein de trois ordres pour les professeurs de collège. La nomination à Paris ou à Versailles, assortie d’un salaire plus élevé et des facilités d’élargir son capital social, représente donc une importante promotion. Comme l’accès anticipé à une classe supérieure, la mutation dépend de l’avis de l’Inspection générale et des autorités hiérarchiques qui prennent position sur les vœux exprimés par le professeur. L’appréciation « Paraît digne de finir sa carrière hors de Rennes » dispense de bien des commentaires28. A contrario, l’Inspection peut bloquer une promotion, même due à l’ancienneté, déplacer un professeur29, ou mettre une note en quelque sorte éliminatoire ; L. Gallouédec ne souhaitant pas qu’un professeur soit repris comme chargé de cours indique que la note qu’il a mise – mais qui ne figure pas au dossier – est « guidée par le bien de l’enseignement et l’intérêt de nos établissements et de nos élèves30 ».
14La carrière des enseignants est donc suivie soigneusement par l’administration qui, du chef d’établissement au recteur, consigne chaque année ses appréciations, lesquelles reflètent le droit de regard des parents sur les études secondaires de leurs enfants que, jusqu’au début des années trente, ils financent. Ces remarques dépassent souvent la sphère de l’établissement et vont de la tenue vestimentaire à la vie privée, interférant étrangement avec l’évaluation pédagogique31. Le langage y est peu feutré. « Ce n’est pas un homme, c’est un squelette ; il inspire un respect nuancé d’effroi et de pitié » est-il déclaré tout de go32, tandis que le recteur Gérard-Varet écrit lapidairement à propos d’un autre professeur agrégé, « une véritable épave universitaire33 ». L’inspection des professeurs chargés de cours est faite généralement par l’inspecteur d’Académie qui n’a le plus souvent aucune compétence disciplinaire. L’inspecteur général, quant à lui, inspecte les agrégés en moyenne tous les deux ans… sans être annoncé. Si la plupart des inspecteurs généraux de la discipline sont, comme nous l’avons vu, des hommes de réforme dont on peut attendre une attitude ouverte et libérale, la fonction favorise les comportements d’autorité à l’égard des professeurs puisqu’il leur revient, en tant qu’agents de l’État, de juger les résultats de l’éducation et de veiller au maintien de la qualité de l’enseignement français34. Le fait qu’ils soient agrégés eux-mêmes, presque toujours anciens élèves de l’ENS et anciens professeurs parisiens, quelquefois même auteurs d’ouvrages historiques notoires, ne les incline pas à la mansuétude. Purs produits d’un système d’instruction élitiste, ils contribuent à le pérenniser et sont les premiers à considérer qu’un titre d’agrégé ou un poste dans un grand lycée se méritent tout au long d’une carrière. Les rapports sont généralement courts, formulés dans une prose un peu moins abrupte que celle des autorités administratives, peut-être parce que les excès éventuels du pouvoir sont tempérés par le partage du même savoir, aussi inégal puisse-t-il être. Le rituel même de l’inspection qui se déroule en présence du chef d’établissement tend à en faire un moment important de la vie professionnelle. Le fait que les conclusions ne soient pas portées à la connaissance des intéressés et que les décisions et notes de l’inspecteur soient entièrement discrétionnaires accentue d’ailleurs la dramatisation.
Tableau 5. Les inspecteurs généraux d’histoire et de géographie en fonction de 1880 à 1940. N.B. : D’abord inspecteurs généraux de l’enseignement secondaire dans l’ordre des lettres, ils deviennent, après 1902, inspecteurs généraux de la discipline. Les dates indiquées sont celles de leur fonction.

15La constance avec laquelle les enseignants demandent une réforme de l’inspection et, au moins la communication des notes secrètes, incite à penser que l’exercice de la hiérarchie pèse effectivement sur l’activité enseignante. Malgré l’avis favorable à la réforme, émis par la commission d’enquête de 189935, la question est laissée de côté en 1902. Il en résulte qu’en l’absence de modification des règles existantes, les professeurs voient surtout dans l’autorité hiérarchique son rôle négatif, comme l’a montré le débat en 1907 au Musée pédagogique36 alors, pourtant, qu’y participaient les professeurs les plus proches de l’Administration. Si la question des notes secrètes n’est pas réglée en 1938, l’approche transversale des rapports nous autorise cependant à considérer que le ton est plus modéré dans les années trente qu’au début du siècle. Il semble que les canons du genre se mettent alors en place : l’inspecteur relève les qualités avant d’enchaîner avec un « mais »… qui introduit des considérations quelquefois rédhibitoires. Dans ces conditions, et compte tenu des enjeux de l’inspection pour leur carrière, on peut, avant d’analyser les cours, émettre l’hypothèse que les professeurs ont été enclins à suivre les programmes et les instructions ministérielles.
Le carcan des programmes
16L’organisation des programmes se calque sur celle des classes et constitue un tout où chaque partie n’a de sens que par rapport à celle qui la précède et à celle qui la suit. En histoire, l’unité organique des études est renforcée par la continuité chronologique qui épouse celle du cursus scolaire. Afin que l’ensemble ait toute sa cohérence, les professeurs doivent respecter la « règle absolue du parcours intégral37 ». Réaffirmée sans appel possible dans les instructions de 192538 – « une règle qui ne saurait être discutée », ce qui, au demeurant laisse penser qu’elle l’était –, exprimée avec plus de souplesse dans celles de 1938, l’obligation d’étudier à chaque niveau tout le programme tranche avec le ton général des textes officiels, plutôt libéral. Le plus sûr moyen d’y parvenir est de se plier à la deuxième « loi », celle de l’« unité de classe ». Chaque cours d’histoire forme un tout, organisé autour d’un sujet délimité dans un temps minuté. Dans ces conditions, le leitmotiv de la tyrannie des programmes ne relève pas d’appréciations uniquement subjectives. D’emblée, cependant, les autorités réfutent l’argument de la longueur du programme39. Ce ne sont pas les programmes qui sont surchargés, ce sont les professeurs qui ne savent pas les appliquer. Cette analyse qui n’est pas nouvelle puiqu’A. Aulard, par exemple, appelé à formuler son avis sur cette question devant la commission d’enquête parlementaire en 1899 avait tenu les mêmes propos40, heurte la perception des enseignants en exercice. Certains adhérents de la Société des professeurs d’histoire et de géographie s’étonnent même après 1925 que leur président ait pu cautionner l’action de la direction de l’enseignement secondaire en participant à la rédaction des programmes. Il est exact que la Société est quelque peu en porte-à-faux ; évitant de reconnaître la surcharge des programmes, notamment pour ne pas donner prise aux critiques de l’opinion publique sensibilisée à la question par les différentes campagnes sur le surmenage, elle déplace le débat sur le terrain des horaires41. C’est d’une subtile dialectique !
17Compte tenu du fait que les enseignants sont astreints à dégager les deux dernières semaines de l’année pour des révisions, ils sont obligés d’établir la progression de l’ensemble du cours et de procéder pour chaque unité horaire à un tri, à l’intérieur de celui qu’ont déjà effectué les concepteurs du programme. « Sur aucune question d’histoire, un professeur ne doit tout dire au collège42 ». La consigne d’E. Lavisse garde toute sa validité mais lui-même signalait que certains sujets, tels que les guerres, étaient périlleux au professeur d’histoire. De même, les rapports d’inspection mentionnent certes qu’il y a de « beaux sujets » qui se prêtent à la synthèse brillante et « des sujets difficiles » parce que très factuels comme la question marocaine de 1904 à 191443 ou peu enseignés, comme les leçons d’histoire de l’art, mais ils différencient les professeurs qui savent se dégager de la poussière des faits, « définir les traits essentiels donnant à une époque sa physionomie propre44 » et ceux qui se perdent dans les détails. L’enseignement doit être « suggestif » selon un des termes les plus souvent employés. Les facultés intellectuelles de l’élève, voire son travail personnel, doivent lui permettre d’approfondir.
18La majorité des professeurs semble suivre consciencieusement les directives, – J. Isaac fait état d’une minutieuse et minutée préparation45 – en partie à cause de la pression administrative. « Quand par un tour de force, il – le professeur – est parvenu à entasser dans un cours une masse énorme de savoir comprimé, il a l’impression d’être sans reproche » note un professeur dans un billet que le Bulletin publie46. En effet, la réalisation du programme est un critère objectif d’évaluation, notamment par les autorités hiérarchiques extérieures à la discipline. Les cas de retard dans le programme sont rares – on en a dénombré 3 sur 115 dossiers – mais peut-être n’ont-ils pas été systématiquement mentionnés. L’étude des cahiers confirme cette conclusion, bien qu’il puisse apparaître que quelques chapitres – deux ou trois seulement sur la totalité du programme – n’aient pas été traités. Sur vingt-trois cours couvrant la période 1900-1940, trois seulement ne sont pas finis. En outre, la lettre même du programme est le plus souvent appliquée de très près. Quand on confronte la réalisation du programme et son énoncé, on constate que les titres des leçons portent scrupuleusement le même intitulé que dans les documents officiels et que la progression ne fait pas preuve de fantaisie. Il est d’ailleurs significatif qu’un ancien élève, décrivant le procédé du cours, ait eu cette formule : « cette technique pédagogique simple ne nous a pas empêché d’apprendre correctement les programmes successifs47 ».
19Les professeurs ont donc une attitude paradoxale. Bien qu’ils se plaignent du poids des programmes et soient très attachés à la liberté pédagogique, ils font de ceux-ci une interprétation étroite. S’adressant en 1884 aux futurs professeurs que sont les étudiants d’histoire de la faculté des lettres de Paris48, E. Lavisse insiste sur le fait que le maître doit réfléchir sur l’ensemble du programme, et même sur l’ensemble de l’enseignement historique, se mouvoir librement à l’intérieur des cadres qu’il dessine, c’est-à-dire le recomposer et en faire sa propre lecture. C’est dans cette intention que la rédaction des programmes est, depuis 1890, de moins en moins longue et détaillée. Ce mouvement aboutit en 1938 à un programme court et élagué qui doit, selon ses concepteurs, favoriser la liberté d’interprétation mais, en fait, provoque des inquiétudes car, à l’intérieur de chaque rubrique, les limites de la question ne sont pas précisées49. Suivre le programme pas à pas est sans doute un moyen sécurisant de le mener jusqu’à son terme et, donc, de remplir son devoir à l’égard de l’institution scolaire et des familles. Dans les classes du baccalauréat, le fait que leurs élèves puissent être interrogés par des professeurs de l’enseignement supérieur accroît pour les enseignants le sentiment d’une lourde responsabilité. C’est pourquoi chaque réforme ou remaniement met à jour les contradictions des enseignants. Certains souhaitent que les programmes soient de simples indications où on puisse introduire des sujets libres comme ceux par exemple d’histoire locale ; d’autres demandent au contraire des programmes détaillés. La réponse des inspecteurs est souvent un faux-fuyant et renvoie les enseignants à leurs responsabilités : les programmes, comme les méthodes, ne valent que par les professeurs. Il appartient à ceux-ci de choisir l’essentiel au sein d’une matière riche comme l’histoire l’est elle-même.
20L’évolution qu’on décèle dans la première moitié du siècle semble indiquer que le message a porté : les leçons sont davantage recomposées dans la décennie des années trente qu’au début du siècle, avant même qu’en 1938 une initiative plus grande soit explicitement laissée aux professeurs. Ceux qui entrent dans tous les méandres de la politique religieuse de Louis XIV ou qui n’évitent pas la nomenclature de tous les ministères sont moins nombreux, les notes d’où n’émerge aucun fil conducteur moins rares. Des professeurs ont su faire preuve d’initiative. Ainsi, rompant avec le plan chronologique du programme de Philosophie de 1925, un enseignant a-t-il en 1937 regroupé les questions internationales jusqu’en 1870, procédé à l’étude des principaux États du xixe siècle, et dans une dernière partie consacrée aux relations internationales de 1871 à 1914, présenté les alliances, les crises et le déclenchement des hostilités50.
21Faut-il voir dans cette évolution l’effet de la formation universitaire qui, de la réforme de la licence à celle de l’agrégation, prépare mieux à l’exercice de la synthèse ? D’après les dossiers, les enseignants qui se dégagent le moins des programmes sont souvent chargés de cours ou non-spécialistes mais il n’est pas possible de le vérifier à partir des cahiers où ne figure pas le nom du professeur de la classe51. Déjà portés par leur situation administrative à appliquer scrupuleusement les textes officiels, ils reproduisent une conception traditionnelle de l’histoire, tendant à tout étudier et tout dire. Cependant, les plus âgés ont acquis de l’expérience. Il y a ainsi, quelquefois, dans les dossiers, la trace de ce qui peut être une plus grande maîtrise des choix sur vingt, voire trente ans d’enseignement. L’enseignement « confus et fertile en sottises » en 1923, « intelligent, consciencieux et exact » en 1934, qui, enfin, en 1939, « dégage l’essentiel et suscite la réflexion », s’est sans doute, quelle que soit la divergence des opinions des inspecteurs, effectivement amélioré. « Fit fabricando faber » : pourquoi la maxime ne vaudrait-elle pas pour le métier de professeur ? L’exemple des professeurs parisiens, agrégés et arrivés au faîte de leur carrière, qui n’hésitent pas à « refondre les programmes à leur usage52 » et sont, de ce fait, favorables à ce qu’ils restent « élastiques », semble établir que la garantie de l’indépendance réside dans l’âge et la qualification.
22Enfin, quelques cas ne manquent pas de piquant. On sourit à l’idée de cet enseignant qui, quels que soient le moment de l’année et la classe où il était inspecté, produisait à chaque fois la même leçon – « cocasse » qui plus est – sur Louis XIV, s’attirant ce commentaire mi-indulgent mi-désabusé : « un bon vieux fossile53 ». Mais, ces situations extrêmes mises à part, enseigner est d’abord faire et finir son programme. Un tel horizon conduit les professeurs à se conformer aux instructions officielles, y compris en matière de pédagogie.
Un scénario immuable
23Le mot de leçon comme celui de classe a, à partir de son sens originel, un certain nombre d’expansions logiques. L’origine du terme est lectio en latin qui désignait l’action de lire à haute voix dans la liturgie romaine des textes de l’Écriture ou des pères de l’Église, c’est-à-dire de réciter – recitare – au sens propre. Le sens courant du terme désigne, au xixe siècle, l’instruction donnée du haut d’une chaire, appelée ainsi parce que le professeur lisait – même s’il faisait semblant de ne pas le faire –, pratique pédagogique que la langue anglo-saxonne nomme lecture. Dans la logique de ces définitions, la leçon est ce que le maître donne à apprendre pour être récité et ce qu’un écolier apprend pour le réciter. Le terme désigne donc une forme d’enseignement dominée par la parole du maître et un produit, le savoir à apprendre et appris.
24Ainsi, le schéma-type de l’enseignement historique se fonde-t-il sur l’articulation de la leçon et de l’interrogation. La seconde est l’aboutissement de la première qu’elle résume. En même temps, l’interrogation permet d’enchaîner la leçon précédente avec la suivante et de donner à la continuité des heures et des programmes son maximum d’efficacité. C’est la raison pour laquelle A. Himly et E. Levasseur en recommandent l’emploi en 1871, à un moment où selon leur rapport elle n’est pas généralisée. L’organisation de la classe selon ces deux temps devient le modèle dominant, sans doute dans la dernière décennie du xixe siècle, et bien au-delà de la fin des années trente54. Les inspecteurs notent soigneusement le sujet de l’interrogation et celui de la leçon. Quant aux anciens élèves, ils ont tous en souvenir ce déroulement du cours d’histoire.
25L’interrogation occupe en moyenne le tiers de l’heure et peut atteindre une demi-heure. Chaque instruction ministérielle lui consacre à partir de 1890 un développement de quelques lignes, indiquant comment la conduire. En effet, il ne s’agit plus de faire réciter textuellement le résumé ou de répéter les phrases du professeur, procédés que C. Seignobos appelle l’un « une récitation avouée », l’autre « une récitation honteuse ». L’interrogation sollicite l’esprit de l’élève et est conçue par E. Lavisse comme un moment de pédagogie individualisé qui doit tenir cependant toute la classe en éveil. Elle est générale et personnelle. Mais les instructions ministérielles paraissent hésiter entre l’interrogation qui s’adresse à un élève – comme cela est précisé en 1925 et non en 1908 – et celle qui s’adresse à toute la classe et ne désigne personne. Sans doute la voie médiane est-elle dans l’interrogation collective d’un petit nombre d’élèves qui, désignés par l’enseignant, prennent la parole tour à tour dans des réponses courtes et précises. L’inspecteur général Gidel note en 1926 que la méthode est excellente et le préambule des instructions de 1938 y fait référence, l’appelant « l’interrogation individuelle volante ou mobile55 ». Mais l’application n’est pas aisée et la plupart du temps, les inspecteurs ne sont pas satisfaits de l’interrogation. D’abord, des élèves continuent de réciter, machinalement faudrait-il ajouter, car l’exercice s’appelle toujours officiellement la récitation. Ensuite, certaines interrogations sont ou trop « brusques56 » ou trop longues, somnolentes, « glaciales57 ». La manière dont les anciens élèves ont raconté ce moment laisse penser qu’une fois la ou les « victimes » désignées, ils ne se sentaient plus beaucoup concernés. « Finalement, le professeur développait la question », nous a-t-on répondu et c’est cette propension au monologue qu’Himly et Levasseur avaient déjà relevée en 1871. Enfin, dans certains cas « l’interrogation dégénère en dialogue familier58 », ce qu’elle ne saurait être davantage, comme le rappellent les instructions successives. La situation est donc très floue. Cela tient au fait que les objectifs visés sont difficilement conciliables : d’une part, il faut vérifier le savoir acquis par les élèves, d’autre part il faut saisir l’occasion pour reprendre la leçon précédente et annoncer la suivante59. Mais, même si la fonction n’en est pas clairement établie, l’interrogation fait partie du rituel du début de la classe.
26Puis vient le cours. « Il est difficile de concevoir l’enseignement de l’histoire sous une autre forme que celle du cours » dit E. Lavisse à ses étudiants. Le cours est bien en effet la forme principale de l’enseignement historique. À l’origine, il désigne l’ensemble des leçons, leur suivi sur l’année, sens dans lequel il peut être aussi bien écrit. Mais, le « cours oral », selon les termes mêmes des contemporains, fondé sur la parole, est considéré comme le moyen le plus efficace d’amener les élèves à la connaissance historique et de leur donner le goût de l’histoire. E. Lavisse, passé maître dans l’art de réussir ces leçons brillantes devant tous les publics, ajoutait avec un brin d’ironie : « le professeur risque de se plaire trop au bruit de sa parole », situation que les instructions officielles de 1890 évoquent pour mettre en garde contre l’excès de trop parler. En effet, dans le cours – et encore plus dans la leçon qui est un cours lu – les élèves ne sont pas sollicités. Après les avoir interrogés, le professeur « fait cours ». Il dispense un enseignement que les contemporains, l’opposant aux leçons de choses, qualifient de « didactique » parce qu’il remplit de façon directe son but qui est d’instruire.
27À la fin du xixe siècle, le terme de cours en vient à remplacer celui de leçon comme mode d’instruction. La leçon est sans doute trop attachée à l’enseignement religieux où on passait de longues heures à la lecture du latin et à la récitation sous une forme catéchétique. Il n’en reste pas moins que ces pratiques sont celles qui sont les plus familières aux professeurs et que c’est à partir d’elles que le modèle a évolué, jusqu’à inclure dans l’appellation « cours » plusieurs procédés.
L’enseignement magistral
Cours dicté ou cours parlé ?
28Rendant leur rapport à J. Simon, A. Himly et E. Levasseur évoquent les procédés en vigueur à la fin du Second Empire dans les établissements secondaires, qui sont ceux qu’ont connus comme élèves les professeurs en fonction au moment des réformes de 1890 et 1902. « Quand j’étais écolier, il n’y a pas longtemps, l’histoire s’enseignait d’une façon très simple et très monotone. Le professeur parlait, les élèves écrivaient, recopiaient le cours, chez eux en rédaction, et récitaient un sommaire par cœur… », note A. Thalamas dans un article à la Revue universitaire où il relate ses expériences et oppose l’enseignement avant et après 189060. Le cours qu’il décrit là brièvement est celui que les contemporains appellent « le cours parlé », ou qu’ils désignent par les termes de leçon magistrale ou de cours ex cathedra. Au demeurant, cette pratique est le lot commun de toutes les disciplines.
29Cependant, le cours parlé s’apparente souvent au cours dicté dans la mesure où les élèves n’arrivent pas à suivre le fil de la parole et ce d’autant moins que les professeurs ont rédigé in extenso leurs leçons. D’autre part, pour s’assurer que l’essentiel reste fixé, le professeur dicte en début de classe un résumé rédigé, d’une ou deux pages. Ainsi, selon l’expression même de C. Seignobos, toute l’heure est occupée par une « dictée avouée » (celle du résumé) et une « dictée honteuse61 » (celle du cours). Les inspections faites au début du siècle font état très nettement de cette manière de procéder62, que justifient d’ailleurs un certain nombre de conditions. On ne saurait oublier que les classes sont chargées, que les instruments de travail manquent et que le cours est, dès lors, le meilleur moyen de réaliser le programme. En fait, le professeur tient le rôle d’un « bon manuel », et c’est la raison pour laquelle les autorités considèrent que le procédé est efficace dans les classes à examen63. D’autre part, la dictée est un moyen d’assurer la discipline. L’opinion d’un professeur est significative. Pour lui, « étant donné le tempérament local [il s’agit du lycée de Lorient !…], ce procédé d’enseignement est le plus efficace64.
30Il semble toutefois difficile de le concilier avec l’exigence d’introduire de la vie et de l’activité dans l’enseignement historique. Le monologue est impersonnel ou monotone, « la classe languit » assez souvent et l’inspecteur s’ennuie65. Toutefois, la principale critique de ce procédé réside dans le fait qu’il est peu éducatif. En étude, la rédaction n’est ni l’exercice de synthèse ni le travail d’écriture qu’elle devrait être, mais une simple « besogne de copiste66 » et en classe, la main travaille mais l’esprit est inactif. Le cours oral est un cours sans arrêt, où les élèves prennent des notes « à jet continu67 ».
31« Il est évidemment commode pour le professeur d’exposer lentement son cours de deux heures à trois heures et demie. Il n’y a que les élèves de sacrifiés, eux à qui ce travail ingrat de scribes n’apprend rien et qui n’ont même pas la ressource de notes complètes et lisibles pour apprendre leur prochaine leçon » écrit l’inspecteur d’Académie en 190168. Onze ans après, il vitupère : « N’y aurait-il pas lieu de rappeler à tous les professeurs qu’ils aient à s’abstenir de pareilles pratiques. Car je sais que le cas de… n’est pas isolé ». Les autorités administratives sont d’ailleurs encore plus sévères que l’Inspection générale puisque recteurs et inspecteurs d’académie sont censés appliquer les textes ministériels.
32Or, l’institution essaie de faire régresser la pratique du cours dicté. Mais, comme la frontière avec le cours parlé est extrêmement ténue, au point même que l’inspecteur se demande quelquefois quel est le procédé employé69, c’est finalement le cours oral qui est visé alors que les rapports attestent que tous les monologues sont loin d’être des récitations machinales. En 1890, les instructions d’E. Lavisse, qui encouragent la mise en activité de l’élève, n’interdisent encore que la rédaction. En revanche, les dispositions consécutives à la réforme de 1902 ne font aucune concession aux habitudes professorales. Instructions et circulaires prohibent le cours dicté et de nouveau la rédaction. Par une lettre adressée aux proviseurs des lycées et principaux de collège en 1903, L. Liard déclare péremptoirement qu’« un professeur qui dicte n’est pas pleinement un professeur » car, par la dictée « continue » et « uniforme », il ne communique pas avec ses élèves, il « verse » des connaissances70. Mais ses consignes restent lettre morte. Prenant acte du fait que des familles se plaignent « que les élèves prennent mécaniquement sous la dictée une centaine de pages dont la substance se retrouve dans les manuels », une nouvelle circulaire, en 1922, les réitère, interdisant formellement le cours dicté et concluant en ces termes : « J’interdis donc rigoureusement toute leçon qui serait seulement la répétition plus ou moins déguisée du manuel et laisserait l’élève inerte en ne lui imposant qu’un travail machinal d’écriture71 ». L’exécution de la circulaire est placée sous la responsabilité des chefs d’établissement. En 1925, il est précisé qu’il ne faut pas que la lenteur du débit (du professeur) donne à son exposé l’apparence d’un cours dicté, ni que l’élève ne soit astreint au rôle purement passif de prendre des notes. Enfin, les instructions de 1938 rappellent qu’est maintenue l’interdiction du cours dicté72. Il est clair que la réitération, trente ans durant, de cette consigne sous-entend que le procédé est loin d’être abandonné dans les classes.
33Nous en avons relevé plusieurs cas, même si certains professeurs qui dictaient en 1912 ne le font plus à la fin des années vingt73. Il est encore fréquent que des professeurs lisent leur cours, comme en 1931 ce professeur agrégé qui étudie sous cette forme en classe de philosophie « les origines de la guerre de 191474 », sujet qui se prêtait tout de même à un traitement plus ambitieux. Des heures de classe se passent à noter, sans que, se désolent les inspecteurs, cela rende service à ceux qui les ont écoutés75. Au mieux, ils ont « appris » de l’histoire. Mais d’autres procédés cœxistent et la pratique du cours dicté n’a plus l’exclusivité qu’elle avait à la fin du siècle dernier.
34En effet, dans les années qui suivent la réforme de 1902 le corps des inspecteurs recommande instamment un autre modèle qu’en fait, certains professeurs avaient spontanément adapté à leurs classes. Il s’agit de la collaboration du maître et des élèves. Dupont-Ferrier emploie à ce propos l’expression de « conférence dialoguée ». Au sens étymologique du terme de conférence, professeurs et élèves doivent porter ensemble – conferre – le savoir. Transposées de l’enseignement supérieur, appliquées très tôt dans certaines écoles comme l’École alsacienne ou l’École Monge, les conférences sont explicitement recommandées par les instructions de 1890 où elles sont décrites comme des conversations libres où chacun est « pris à part personnellement76 ». Elles représentent en effet, selon les instances officielles, le moyen de provoquer l’initiative de l’élève, de réduire la parole du maître et de favoriser la communication entre les deux parties. Dans le même esprit, la circulaire du 17 février 1908 précise qu’il n’est guère possible d’envisager le cours suivi dans le premier cycle77, tandis que L. Gallouédec en 1907 se détermine nettement, dans sa conférence sur les procédés de l’enseignement historique, pour la suppression du cours78.
35On ne s’étonne donc pas que les rapports d’inspection des deux premières décennies du siècle, souvent rédigés par L. Gallouédec et G. Pagès, mentionnent la participation des élèves comme un procédé positif de l’enseignement. Cependant, nulle part, le terme de conférence n’est employé. Ce qui se dégage est, au plus, un aménagement du cours oral, où l’exposé dynamique du maître remplace l’exclusif monologue mais non la substitution d’un schéma nouveau à celui qui préexistait, comme le souhaitaient les réformateurs de la pédagogie. La bonne méthode, expose L. Gallouédec à la fin d’une inspection79, consiste à dicter un sommaire, c’est-à-dire à indiquer le plan, puis à le développer en insistant sur certains points. L’objectif est clair : il faut, d’une part, fixer par la trace écrite les jalons essentiels et empêcher ainsi que la pratique de la rédaction après le cours perdure ; d’autre part, réduire la durée de la leçon proprement dite. De fait, la dictée du sommaire ne devant pas prendre plus d’une dizaine de minutes et l’interrogation n’en ayant occupé pas moins de quinze ou vingt, il reste à peu près une demi-heure de cours oral. Durant celui-ci, les élèves, libérés du souci de suivre la dictée ou de prendre des notes à partir desquelles ils doivent reconstituer le cours, peuvent être alors sollicités, tenus en éveil par les questions du maître, et bénéficier des vertus éducatives supposées de la maïeutique, terme dont l’usage plus fréquent dans les rapports d’inspection des années quarante80 cache mal une déformation de son sens initial.
36Cette organisation du cours a donc pour but que le cours « discontinu » prenne peu à peu la relève du cours continu. Le cours suivi doit être interrompu par des interrogations collectives où l’enseignant s’efforce de faire parler sa classe, l’associe au développement de la leçon. Cette attitude pédagogique est largement approuvée81. Elle est opposée dans les rapports au cours ex cathedra et évite la confusion que sème un cours parlé et dicté en même temps82. On en retrouve très nettement la marque dans les cahiers des élèves. C’est ce que L. Gallouédec appelle « le cahier de sommaires » qui est plutôt un cahier de résumés. Bien que les deux termes n’aient pas le même sens, parce que leur fonction n’est pas la même, le sommaire donnant la liste des faits abordés tandis que le résumé dégage l’essentiel du développement, l’ambiguïté est patente. Elle s’affiche nettement dans le texte de 1925 qui stipule que le sommaire peut être dicté par paragraphes, « avant ou après le développement qu’il résume83 ». La confusion des deux notions fait donc qu’en réalité, se maintient majoritairement la tradition du résumé dicté, rarement aussi court que l’eût été le sommaire, variant entre au minimum une page et au maximum, quatre à six. La présence des articles, des verbes, de la ponctuation, l’absence d’abréviations et de ratures, la tournure des phrases – « Sur le bruit que la Cour préparait la réaction, le peuple de Paris84… » – indiquent que le résumé a été soigneusement préparé et rédigé par le professeur. On y retrouve la structure en paragraphes, avec des titres quelquefois apparents, et des mots y sont éventuellement soulignés. En fait, il s’agit d’un cours en réduction. Bien que, au fil des réformes, l’inspection générale conseille de plus en plus que les élèves participent à l’élaboration de la trace écrite, il n’est pas sûr que cela se soit beaucoup produit. A. Troux déclare en 1938 devant la commission pédagogique du Syndicat national des lycées chargée de réfléchir à l’application des nouvelles instructions que la confection collective du résumé est impossible. « Il est indispensable que le professeur rédige lui-même son résumé et sans avoir recours aux abréviations85 ». Cette méfiance à l’égard des capacités des élèves et le souci de fixer la matière enseignée expliquent que même dans les classes supérieures où les élèves prennent plus fréquemment des notes, les professeurs aient souvent résumé leur cours, soit avant soit après la leçon.
37Très fréquemment, ces cahiers de sommaires, ou de résumés comportent, en regard de la trace dictée par le maître, une page qui a été réservée à des notes complémentaires. Cette disposition des cahiers en deux espaces séparés traduit l’application de la méthode que L. Gallouédec préconisait avant même d’être inspecteur général et qu’il recommande ensuite à la fin de ses inspections86. Soit figure « une illustration de la leçon et du sommaire » faite pendant la classe, lorsque le professeur procède au développement, – est-ce vraiment habituel ? On se permettra d’en douter quand on voit la permanence du cours dicté ou lu87 –, soit l’élève consigne les résultats de son travail personnel, notes de lecture, croquis, tableaux, qui doivent venir trouver leur place dans les cadres tracés par le professeur88. Alors que, par exemple, la minutie d’un cahier de 1900 n’est pas sans rappeler les habitudes de la rédaction, la page de gauche réservée aux annexes du cours se fait plus fréquente dans les cahiers postérieurs.
38Cependant, à côté de ce premier ensemble, un deuxième ensemble est constitué par des cahiers où les élèves ont pris des notes. Les instructions indiquent bien que dans les classes supérieures où, compte tenu de l’âge des élèves, le développement peut garder une forme plus magistrale, la prise de notes est souhaitable. La pratique du cahier de notes – et l’expression répond mot pour mot à celle de cahier de résumés – est expressément recommandée à partir de 1925 dans les classes de l’ancien second cycle. Incitant les élèves à suivre activement l’exposé du professeur, elle apparaît non dénuée d’une valeur formatrice. Mais elle doit être guidée par le professeur, de façon à ce que les élèves ne soient pas obligés de se livrer, après le cours, à un travail de copie. L’institution développe donc l’idée d’un apprentissage à la prise de notes. « Quand les élèves ne savent pas le faire, il faut leur apprendre », rétorque l’inspecteur en 1938 à un professeur qui ne fait pas prendre de notes parce que ses élèves de quatrième ne suivent pas89. De fait, la prise de notes effectuée sur un cours continu semble souvent avoir été aléatoire. Un de nos interlocuteurs a résumé la situation dans cette formule : « Grattait qui voulait90 », et ses camarades de promotion disent les uns avoir pris des notes, les autres non. Quant à l’ensemble des cahiers de notes du Musée, il est beaucoup moins fourni que le groupe des cahiers de sommaire et il n’est pas exclu que les éventuels donateurs aient renoncé à leur projet lorsque les notes étaient décousues ou illisibles. Nous avons trouvé aussi des phrases inachevées ou incompréhensibles.
39L’examen des cahiers pour la période 1900-1940 fait apparaître qu’il existe deux types distincts de trace écrite qui ne semblent pas correspondre à la différenciation selon les cycles ou l’âge des élèves que recommandaient les instructions. Mais on ne peut proposer aucune conclusion ferme dans la mesure où le même élève n’a pas toujours tenu avec constance son cahier et que plusieurs procédés ont pu se chevaucher. Il est d’autre part quelquefois difficile de discerner ce qui relève de notes prises en classes de ce qui a été reconstitué après le cours. Malgré ces réserves, on discerne une évolution dans les années trente qui confirme les observations que nous avions dégagées à propos de la mise en œuvre des programmes. Les cours compacts du début du siècle, à la forme linéaire accentuée par les écritures penchées qui caractérisent la calligraphie de ces élèves, les cahiers denses, écrits jusque dans la marge, laissent place de façon variable selon les professeurs et sans doute les aptitudes des élèves, à des cahiers mieux structurés, plus aérés, où apparaissent les soulignements en couleur. Un autre outil que le cahier cartonné et relié, aux pages méticuleusement numérotées, est même proposé par les instructions officielles de 1938, « le dossier d’histoire », constitué de feuilles mobiles, mais il n’est pas très étonnant que le Musée national de l’Éducation n’en possède aucun.
40On supposera que cette évolution reflète celle des pratiques. Sans accorder de primauté à la participation de l’élève, le cours se dégage peu à peu de la leçon, prise dans son sens propre de cours lu. Si la spontanéité ne vient pas encore interrompre l’exposé professoral, celui-ci est toutefois de moins en moins tout préparé à l’avance, « su » selon l’expression d’Himly et de Levasseur qu’on retrouve dans certains rapports d’inspection – le professeur sait son cours91 –, et l’improvisation, ou ce qui semble l’être, introduit un peu de souplesse. Inspecteurs généraux à partir de 1936, A. Huby et J. Isaac peuvent noter « le zèle des élèves à répondre » et celui des professeurs à « secouer les plus apathiques92 ». Ainsi, gagne la conception de l’enseignement historique qu’E. Lavisse illustrait en 1884 dans le commentaire d’une leçon d’histoire, indiquant les moments où le professeur pouvait introduire des anecdotes, le pittoresque et la vie, ceux où il devait s’arrêter pour en interrogeant brièvement les élèves, s’assurer qu’ils suivent93. Pour un certain nombre de professeurs, ce passage presqu’imperceptible d’un cours continu à un cours discontinu n’est pas un procédé nouveau. C’est le cours « quand il est fait comme il doit l’être94 ».
41« On a déjà renoncé, officiellement du moins, aux cours continus95 », cette remarque d’un professeur faisant en 1932 le bilan des méthodes de l’enseignement historique témoigne d’un certain scepticisme. Le renoncement est plus une affirmation théorique qui tend à obtenir des enseignants qu’ils modifient leurs pratiques en définissant une norme que la prise en compte d’un état de fait. Si J. Isaac loue certains professeurs pour leur activité, il peut encore écrire en 1936 : « N’est-il pas dangereux, en classe de sixième surtout, de parler trop longtemps de suite en laissant les élèves passifs96 ? ».
42Sans doute, dans l’enseignement de l’histoire, le fait que la continuité de la parole s’impose comme la forme la mieux adaptée à rendre la continuité historique contribue-t-il à prolonger la tradition de la leçon magistrale. En effet, le cours dialogué n’est pas la panacée espérée. Les écueils de la méthode interrogative sont tels que les professeurs ne les évitent pas toujours. L. Gallouédec affirme toujours que la méthode est excellente – il ne peut se désavouer –, mais il en critique l’application. Un dossier s’avère éclairant : le professeur né en 1869, agrégé en 1898, professeur au lycée de Rennes et muté en 1911 au lycée Buffon à Paris, est un des rares enseignants qui, selon nos sources, ne termine pas son programme. L. Gallouédec, l’inspectant en 1911 – donc, juste avant sa mutation – explique le retard dans l’étude du programme en partie par la méthode : « Le principe de cette méthode est excellent. M. D… fait une classe remarquablement vivante, toute en interrogation, suggérant des comparaisons et des analogies, sollicitant la réflexion. C’est là une gymnastique des plus intéressantes, mais il y a abus dans l’application : il y a tant d’à côtés que la trame disparaît et qu’il reste une impression de décousu et de confusion (sans compter l’énorme temps qui devient nécessaire pour examiner une question toute entière) ». Bien que nuancée ensuite par un éloge de son sens pédagogique, cette note traduit le ton général des appréciations portées sur ce professeur lors des précédentes inspections et concentre les réserves que provoque la mise en œuvre des méthodes nouvelles. Dans la mesure où elles compromettent l’exécution du programme, elles remettent en cause les principes sur lesquels l’administration ne transige pas. Les nombreuses sollicitations des élèves conduisent à un cours morcelé, superficiel et c’est plutôt une conversation sans apprêt et quelquefois sans ordre qu’un véritable cours97. C’est-à-dire l’unité du discours et du raisonnement est rompue et avec elle la direction de l’esprit des élèves. Le dialogue enfin, quelquefois, n’évite pas une trop grande familiarité, voire « une tendance à la vulgarité », le « mouvement » devient de « l’exubérance98 ». Dans ces conditions inégales d’exécution, on s’explique que les professeurs demandent en vain que bénéficient d’une promotion les enseignants qui, tout en n’étant pas seulement des « diseurs de monologue99 », continuent à répondre aux canons de l’institution.
43Il n’est donc pas certain que les professeurs qui ont cherché à innover aient toujours eu le soutien que l’institution aurait pu leur apporter même s’ils tâtonnaient. Le cas d’un enseignant du lycée de Lorient, né en 1863, admis à la retraite en 1928, licencié ès lettres, admissible à l’agrégation d’histoire en 1893, est problématique100. Il pratique un enseignement vivant et concret, décore sa classe, organise des excursions dans les années 1902-1914. Les rapports sont alors très élogieux : « enseignement suggestif », note l’inspecteur général Debidour, « méthode ingénieuse » commente l’année suivante l’inspecteur général Foncin qui ajoute « Mérite à tous égards encouragement et récompense ». Effectivement, en 1908 le professeur obtient son assimilation au corps des agrégés. Or le ton change progressivement. L. Gallouédec indique en 1912 dans un long rapport que M. L… « abuse un peu d’une méthode dont le principe est excellent… La bonne volonté me paraît supérieure à l’exécution ». En 1919, la sentence de l’inspecteur d’Académie tombe : « Donne aux élèves le sens et le goût de l’histoire. Ne la leur apprend guère ». En 1922, cependant, l’inspection de L. Gallouédec est favorable, mais les rapports administratifs sont très réservés et, en 1923, l’inspecteur général Gidel note qu’il reproche à M. L… de « se contenter de rectifier ou de compléter » alors qu’il aurait fallu « qu’il reprit lui-même l’exposé de l’élève afin de mettre en lumière les faits essentiels ». En 1928, la dernière appréciation éclaire en partie les divergences des autres rapports. Il est mentionné que le professeur réussit mieux auprès des jeunes élèves. Mais un certain nombre de notations précédentes nous laisse penser que les autorités administratives ne retrouvent pas dans ces pratiques relativement originales les ingrédients de l’habituelle leçon professorale. Inquiètes des retombées qu’elles peuvent provoquer, elles préfèrent sans doute marquer leurs distances à l’égard de procédés pourtant prônés par l’institution, parce qu’à partir du moment où ils ne sont pas dans les faits la règle, ils compromettent la réputation de l’établissement… et de ceux qui le dirigent. Les interventions de l’enseignant sont considérées sans éclat (1914) un peu maigres (1917), manquent d’une « préparation ferme et précise » (1919). Or, en 1921, alors que depuis quelques années, les notices sont assez négatives, le recteur de l’Académie a cette remarque : « Paraît abandonner. Est-ce l’âge ? ». Il nous semble qu’il aurait mieux valu se demander s’il avait été vraiment encouragé par l’institution, car en 1921, les belles heures de la réforme pédagogique étaient passées.
44Deux modèles pédagogiques cœxistent dans les années 1900-1940, plus qu’ils ne s’opposent. Le cours oral prédomine. La conférence, inapplicable sans un travail de recherche personnel de la part de l’élève, s’est effacée devant la leçon plus courte, plus aérée. Mais la parole du maître et la trace écrite qu’elle laisse demeurent les piliers de la pédagogie historique. Les autres procédés d’enseignement ne font pas l’unanimité. Même la question de l’usage du manuel est controversée.
Le bon usage du manuel
45L’outil de la collaboration du maître et de l’élève est, dans les instructions de 1890, le livre, conçu essentiellement comme une mise en œuvre des leçons du programme. Lavisse le distingue précisément du « manuel », au sens étymologique qu’on lui donnait à la fin du xixe siècle, et de l’« abrégé » qui sont alors utilisés et c’est sans doute ce projet qui a inspiré l’ouvrage de C. Seignobos en 1906. Or, dans les discussions que suscite la réforme de 1902, la question se trouve réduite à celle de l’usage du manuel – seul terme, cette fois, employé dans les instructions de 1908, dans son acception courante de livre de classe.
46Au tournant du siècle, le problème de l’emploi du manuel est directement lié aux pratiques en vigueur. En effet, dans un enseignement où l’heure de classe est consacrée à noter le cours du professeur, le manuel ne sert ni pendant le cours, ni hors du cours, l’élève jugeant inutile de revoir deux fois la leçon. Aussi, évoquant leurs souvenirs L. Gallouédec aussi bien qu’A. Thalamas indiquent-ils en termes à peu près analogues que bien des lycéens ont appris leur histoire sans jamais avoir ouvert un livre, et L. Gallouédec précise « même un manuel101 ». Il est certain que la mise en page et la typographie rendaient la tâche peu agréable, même si, comme il apparaît à la façon dont ils ont rédigé leurs cahiers, les élèves étaient accoutumés à une présentation touffue. C. Seignobos et E. Lavisse considèrent que, tant dans la forme que dans le contenu, il n’existe pas de bons ouvrages. Mais la réforme de 1902, en renouvelant les programmes, conduit à l’élaboration de nouveaux manuels, entreprise dans laquelle se lancent les grandes maisons d’édition, Belin, Alcan, Hachette, Nathan, et qui est signée de noms prestigieux : G. Monod, – en collaboration avec Driault chez Alcan – ou les inspecteurs Jallifier et Debidour. C’est dans ce cadre que le directeur du département classique de la maison Hachette propose à E. Lavisse de publier sept volumes correspondant chacun à une année d’études et qu’E. Lavisse contacte A. Malet, un de ses anciens élèves, afin qu’il exécute la commande. Ainsi est inaugurée avec la réforme une ère de nouveaux manuels. Tous ont en commun de vouloir mettre en œuvre, non seulement la lettre du programme comme avaient pu le faire les précis antérieurs, mais l’esprit. Aussi prétendent-ils s’adresser aux élèves, rivalisant pour leur être utiles102. Ils cherchent à leur éviter les trop longs développements, à adopter un plan net – chapitres, subdivisions, résumé, lectures – et une typographie appropriée, alternant les caractères gras et ordinaires, majuscules et minuscules. Surtout, ils introduisent des cartes, des reproductions de gravures, genre dans lequel excelle « le Malet ». Les auteurs de manuels espèrent donc être lus mais, si l’on croit nos correspondants, plus d’un élève a trouvé leur ouvrage peu attrayant103. Ils essaient, en outre, de répondre à la demande d’un instrument de travail qui émerge d’une partie du corps professoral. En effet, les partisans de la rénovation de l’enseignement historique pensent qu’il faut un livre, avec des gravures et des récits, qui allège le travail du professeur, provoque de la part de l’élève une activité plus bénéfique que la rédaction et rende donc l’étude de l’histoire plus vivante en cours et en dehors du cours. Mais cette conception d’un manuel plus polyvalent que le précis traditionnel se heurte d’abord à des problèmes pratiques et soulève ensuite des divergences pédagogiques profondes.
47Depuis la circulaire du 22 août 1891, les professeurs de l’enseignement secondaire ont l’entière liberté de choisir les livres scolaires, à condition que « cette désignation ne soit faite que d’un commun accord entre tous les professeurs de ces classes104 ». Mais la situation est en réalité plus complexe. En effet, deux systèmes d’acquisition par les élèves cœxistent. Les externes se procurent les ouvrages indiqués par leurs propres moyens, tandis que pour les internes et les demi-pensionnaires boursiers, l’administration de l’établissement achète les livres. Mais ne sont prescrits que les livres absolument indispensables et « seulement au fur et à mesure qu’ils seront reconnus nécessaires au cours de l’année ». Compte tenu de toutes ces réserves à l’achat des livres, il n’est pas rare que l’administration et les familles par souci d’économie ne se procurent pas les ouvrages désignés. Ainsi, tous les élèves d’une même classe n’ont-ils pas toujours les mêmes livres et cette situation ne favorise pas leur utilisation pendant le cours. Certains par exemple, en 1915, ont au lycée de Laval le manuel de Jallifier, d’autres plus nombreux celui de Malet105. Or, devant les plaintes des familles relatives au coût élevé d’ouvrages qui servent peu, une nouvelle circulaire datée du 27 octobre 1923 stipule que « dans certaines matières d’enseignement pour lesquelles le professeur fait un cours, celui-ci peut rendre le livre facultatif ou plutôt en faire un ouvrage de référence qu’il peut indiquer à l’élève sans lui faire l’obligation de le posséder106 ». Cette circulaire, qui reproduit l’idée courante que le livre et le cours font double usage, en autorisant explicitement les élèves à ne pas acheter de livres ne facilite pas la tâche des professeurs qui veulent les utiliser. Jusqu’à la fin des années trente, un manuel unique n’est donc pas imposé à toute la classe. Il n’est guère possible de faire plus que de le recommander jusqu’en troisième, en sachant très bien que pour des raisons financières, certains demanderont à déroger à la règle107.
48Cependant la question est surtout pédagogique. Un article de G. Weill, paru dans la Revue universitaire du 15 février 1906108, alerte l’opinion des professeurs d’histoire qui s’impliquent dans la réforme. Après avoir présenté et commenté l’ouvrage de C. Seignobos, l’auteur, professeur au Lycée Louis-le-Grand, émet la proposition que le livre soit la base de l’enseignement historique dans le premier cycle et que ce rôle soit dévolu au cours dans le second. L. Gallouédec souscrit à cet avis dans la conférence qu’il consacre aux méthodes et l’exprime en des termes assez abrupts. Très peu de temps après avoir dit qu’il faut supprimer le cours, il ajoute : « Donc, point de cours dans le premier cycle ; le manuel » et un peu plus loin : « Ouvrons (ensuite) le manuel avec les élèves, lisons et commentons avec eux une partie au moins de la leçon dont nous venons de dicter un sommaire109 ». L’impératif a une forte valeur exhortative, et ce d’autant plus que L. Gallouédec ne parle pas en son nom propre mais représente pour ses collègues qui l’écoutent la voix de l’administration centrale. Mais l’injonction introduit une telle rupture par rapport aux pratiques courantes qu’elle n’est pas retenue. Les participants optent pour un emploi plus souple du manuel. Les instructions de 1908 entérinent cette position : dans les classes du premier cycle, le manuel a un rôle d’auxiliaire du professeur ; dans le second cycle sa fonction n’est pas évoquée, mais le professeur étant invité à ne développer que les points essentiels, le manuel sert à compléter la leçon. C’est dans cette pédagogie que le sommaire est appelé à prendre une place essentielle. Table des matières des questions principales que le professeur traite et en même temps du chapitre étudié, il permet l’articulation du cours et du livre. Telles sont donc les dispositions qui règlent l’usage du livre d’histoire dans les études secondaires. Elles sont rappelées sans modification notable mais avec plus de précision dans le texte ministériel de 1925.
49En fait, à la lumière des rapports et des informations que nous avons réunis, il apparaît que l’exploitation du livre donne lieu à des formes diverses. La première consiste après la dictée du sommaire – ou plutôt, comme nous l’avons vu du résumé – à faire suivre les élèves, livre ouvert. À la fin d’une inspection élogieuse, l’inspecteur Gidel note en 1923 « M… demande aux élèves de lire leur livre, la plume à la main et de noter sur leur cahier les faits essentiels110 ». L’enseignement en association avec le manuel n’assure peut-être pas toujours des cours brillants mais le compte rendu des autorités n’est jamais défavorable parce que c’est la stricte lecture commentée que proposent les instructions, et dont L. Gallouédec semblait attendre un « profit immense » pour les élèves et la vie de la classe. Cette forme correspond chronologiquement à une première étape qui n’outrepasse guère le début des années vingt.
50La deuxième utilisation possible est signalée comme particulièrement recommandable dans un rapport de 1933111. Dès le début du siècle, C. Seignobos en avait vanté les mérites et A. Thalamas et L. Gallouédec, notamment, procédaient ainsi. Les élèves préparent la leçon dans le livre avant de venir en classe. Puis en classe, « le professeur en les interrogeant fixe la signification, les (les faits) éclaire par un complément qui redonne vie aux personnages ou à une époque112 ». Ce procédé a l’incontestable avantage de favoriser la collaboration du maître et des élèves car la préparation a provoqué la curiosité, voire la demande de savoir. Ainsi cette méthode donne-t-elle à la « conférence dialoguée » sa véritable ampleur : ce compagnonnage autour du savoir peut être considéré comme la forme transposée de la conférence universitaire, où le professeur intervient en spécialiste. En réalité, cette expérience est le fait d’une minorité de professeurs qui recherchent les modalités d’une pédagogie vraiment active. Mais les difficultés sont nombreuses ; les problèmes matériels, des effets inverses de ceux attendus, à savoir plus de distraction en cours que d’attention, ne facilitent pas la diffusion de cette méthode qu’A. Thalamas a lui-même abandonnée très tôt113. La plupart du temps, les élèves n’ont pas fait le travail demandé.
51Enfin, dans le troisième cas d’utilisation, les élèves se réfèrent au manuel après le cours, selon les indications du professeur, pour approfondir ou compléter l’enseignement du maître. L’existence de notes ajoutées au crayon à papier dans la marge du cahier ou d’une page réservée reflète cette démarche. Les personnes que nous avons interrogées ont le souvenir d’avoir « regardé » leur livre d’histoire en étude, au moins les illustrations et les légendes qui les accompagnaient. Lire était plutôt réservé dans les meilleurs cas à la préparation des compositions trimestrielles.
52Ces trois types d’utilisation ont tous en commun de s’inscrire dans la perspective de complémentarité du cours et du manuel qu’évoquent les instructions de 1925 et de 1938 et de proposer des solutions dans le débat pédagogique sur les avantages respectifs de l’enseignement oral et de la lecture. Le professeur doit donner le goût de lire le manuel ; c’est la raison pour laquelle il est conseillé de suivre le plan de celui-ci, et un de nos correspondants a noté combien il était déroutant que les plans diffèrent114. Le livre, quant à lui, rend la tâche du maître plus facile en lui donnant un point d’appui. Les instructions de 1938 évoquent la nécessité « d’un incessant échange de services » entre l’un et l’autre115. Mais il semble qu’on en soit assez loin dans bien des situations, soit que le professeur répète le livre, soit qu’il ne s’en serve pas.
53Les rapports d’inspection critiquent les leçons qui ne sont que la répétition plus ou moins déguisée du manuel. « Son cours est trop le reflet du livre, lequel tient dans son enseignement peu personnel une trop grande place », note le proviseur et l’inspecteur Foncin, la même année, en 1909, indique que le professeur fait lire des passages du manuel116. Au collège de Saint-Servan, B. B… « est trop esclave du livre117 ». Dans deux rapports en 1909 et 1931, L. Gallouédec signale que l’enseignement « se borne au livre118 ». Nous pourrions citer plusieurs autres exemples. Sans doute était-il complexe de se situer dans l’étroite marge de la lecture commentée qui n’est ni une lecture, ni une paraphrase. On peut penser que les instructions de 1925 et de 1938 essaient une nouvelle fois de préciser la conduite à tenir en indiquant les premières que « l’usage du manuel ne peut consister dans la lecture en classe de ce manuel119 », les secondes que « le commentaire – plus ou moins discret – du manuel lu en classe120 » est une solution à éviter. Malgré une formulation alambiquée, ces précisions marquent un retrait très net par rapport à l’opinion officielle qui, vingt ans plus tôt, a vu dans le manuel l’instrument d’une nouvelle pédagogie. En effet, l’attitude des professeurs a rendu difficile l’usage d’un manuel qui soit l’auxiliaire de l’enseignant, surtout dans les classes supérieures parce que le professeur n’a pas besoin d’auxiliaire.
54Beaucoup de professeurs ne se servent pas du manuel. Même si notre échantillon n’a pas la diversité souhaitée, la réponse des anciens élèves à la question « Aviez-vous un manuel ? Vous servait-il en classe ? » est aussi directe que les questions. La formule : « Sans doute avions-nous un manuel121 ? » éclaire l’usage qui a pu en être fait. L’opinion générale est que « le manuel ne servait jamais en classe122 » ; « seul, le cours comptait ». Il est probable que cette attitude des professeurs à l’égard du manuel n’encourageait pas beaucoup les élèves à l’ouvrir, puisque l’essentiel avait été dit en cours. Cependant, ceux qui étaient plus studieux – ou plus intéressés par l’histoire – se souviennent avoir lu, voire « lu et relu » – généralement le Malet-Isaac – en dehors de la classe. C’est sans doute en pensant à eux que J. Isaac, chargé de rédiger de 1923 à 1930 un nouveau cours d’histoire pour la librairie Hachette, s’excusait dans l’avertissement du manuel de première de l’avoir fait plus épais qu’un memento de baccalauréat. Il écrivait : « il faut bien faire quelque chose pour les bons élèves123 ».
55La question de l’usage du manuel a moins d’acuité à la fin des années trente qu’au moment de l’application de la réforme de 1902 parce que les professeurs ont résolu la question du double emploi éventuel en ignorant le livre dans la classe. Peut-être en ont-ils fait pour eux-mêmes un outil de travail. Nos correspondants n’ont pas pu nous renseigner sur ce point et ne savent pas comment leurs professeurs préparaient leurs cours. Ils n’ont vu que le produit fini, des fiches, héritage des années universitaires… Mais l’attitude du corps professoral et les multiples nuances des instructions relatives à cette question montrent que l’image du livre, concurrent de la parole du maître, reste forte auprès des enseignants. Or la réflexion sur les méthodes ne peut pas ne pas prendre en compte le fait que le livre d’histoire est un outil pour l’élève. L’encouragement à la pédagogie active, selon les termes du ministère, situe en effet le débat dans une autre problématique. La question n’est plus : que fait le professeur du livre ou comment faire de celui-ci un « livre ami124 » qui fait des heures d’histoire à la maison des « heures de joie » ? Elle est : comment conduire l’élève à travailler sur les documents de l’histoire ? Dans cette optique, le livre a une valeur instrumentale nouvelle.
La leçon, performance du maître
56Ni les timides débuts du cours dialogué, ni le manuel ne menacent sérieusement la parole du maître pendant tout le premier xxe siècle. Il est frappant de constater que les rapports les plus élogieux, rédigés par ceux-là même qui prônent les nouveaux procédés, concernent des leçons de facture classique. Nous en retiendrons deux exemples. Émettant quelques réserves sur la méthode du cours, le proviseur du lycée de Rennes ajoute : « Le cours d’un maître aussi personnel rachète amplement les défauts du système125 ». Plus de vingt ans après, à l’inspecteur d’Académie qui a noté à propos de la prestation d’un agrégé d’histoire, ancien normalien et ancien professeur au lycée Louis-le-Grand, proche de l’âge de la retraite : « sa méthode d’enseignement est périmée », le recteur rétorque : « Il n’y a pas de méthode périmée avec un maître tel que M. B… Ignore-t-on que la méthode vaut selon l’homme ? ». Or, dans le premier cas, le professeur débute une carrière qui le conduit à l’Université, dans le second il est considéré par l’inspection générale et les autorités administratives comme « le meilleur professeur de l’académie », « l’orgueil du lycée d’A…126 ». Quel que soit le discours pédagogique qu’ait pu tenir l’institution, en consacrant ceux qui, par le cours magistral, se sont révélés les plus talentueux des maîtres, l’institution élève au rang de canon ce type d’enseignement fondé sur les qualités et la personnalité du professeur.
57Une bonne leçon est d’abord une composition, non une « conversation ». Les faits y sont ordonnés, classés, la progression est méthodique, le chemin est balisé, comme il l’était dans les leçons d’E. Lavisse. C’est aussi une leçon « substantielle », nourrie, c’est-à-dire informée, imprégnée de culture et de sens historique, mettant en relief les points essentiels et les évolutions. En outre, ces qualités sont valorisées par une langue claire et précise qui traduit la rigueur de la pensée et la richesse du contenu, et que sert une parole aisée127. Non seulement l’élocution des professeurs est facile parce qu’elle rend « le jaillissement de l’idée », mais le ton est juste, ferme sans excès, persuasif quand cela est utile. La forme épouse le fond et la voix fait vivre le discours. L’autorité naturelle, « paternelle et souriante », le « tact », en somme la qualité de la relation nouée avec l’élève, renforcent les atouts précédents. Il y a ceux qui mettent de la chaleur dans leur enseignement et ceux qui, a contrario, sont froids, voire glaciaux, ou ceux dont le caractère « hautain » ou « chagrin » altère la pédagogie128.
58Ces quatre critères – netteté de la composition, étendue de la culture, talent de la parole et rayonnement de la personnalité –, complémentaires les uns des autres, autorisent qu’on établisse une typologie du corps professoral, tel que les autorités administratives et pédagogiques le perçoivent, c’est-à-dire à travers le prisme de la rhétorique cicéronienne. Dans le dégradé qui va des excellents aux médiocres, ce n’est pas tant une opinion pédagogique qui s’exprime qu’un système de valeurs. Toutes les pratiques qui cantonnent le cours à un exercice machinal sont en incohérence avec l’image prestigieuse de l’enseignement secondaire. Les professeurs ont pour mission de transmettre plus qu’un savoir ou une technique dont ils sont spécialistes. La fin – et la spécificité – des études secondaires est de former une raison cultivée, de dispenser une éducation intellectuelle qui prépare à l’élévation morale. Les maîtres d’élite sont ceux qui y contribuent par leur propre modèle. Ce sont ceux chez qui s’assemblent naturellement les qualités professionnelles et humaines, lesquelles, se combinant, se renforcent mutuellement. Car la qualité de la parole traduit la qualité des idées et exprime la haute valeur morale de celui qui parle tout en lui donnant autorité à parler.
59Le professeur est « une conscience et une pensée129 ». N’est maître que celui qui, par son exemple, prépare l’élève à « émanciper sa pensée130 », féconde son esprit et laisse une empreinte bien au-delà de la leçon, non seulement par son enseignement mais aussi par sa personnalité. Son charisme tient plus à lui-même qu’à sa fonction. Le maître donne le goût du savoir, voire la vocation de l’histoire. De fait, cet enseignement verbal a gravé des noms de professeurs dans la mémoire des anciens élèves. Parmi tant d’autres, Raoul Girardet et Jacques Le Goff évoquent ces professeurs qui leur ont donné le goût de l’histoire, par qui elle vivait, s’adressant à l’imagination et à l’intelligence – voire au cœur – des élèves131. Quant à l’enseignant dont nos correspondants septuagénaires ont dit, encore aujourd’hui avec respect, « l’histoire au lycée de…, c’était lui132 », il est sans doute un de ces maîtres anonymes car c’est en partie grâce à l’image qu’il a laissée de l’enseignement historique qu’ils se sont sentis suffisamment concernés par notre questionnaire pour y répondre.
60La performance du maître ne consiste pas à faire un travail consciencieux. Les professeurs qui dispensent un enseignement « scolaire » – et le terme en dit long, dans la mesure où il évoque une attitude laborieuse –, même « solide » – ne sont que « bons » au regard de l’institution133. Enseigner est un art. C’est l’art de composer et de « bien dire ». Comme l’œuvre historique, le cours d’histoire est une création personnelle que les conseils d’E. Lavisse engageaient chaque professeur à entreprendre. « Un véritable professeur… se détermine par la réflexion personnelle, fait sienne chaque question qui se présente, et son enseignement vit, parce qu’il y met quelque chose de son esprit134 ». Une leçon sans vie n’enseigne pas l’histoire parce que celle-ci n’est pas une simple collection de faits. Pour G. Monod, E. Lavisse, plus tard J. Isaac ou A. Troux, l’œuvre historique est une œuvre d’art qui s’adresse à l’imagination, au goût et à la sensibilité et c’est ce qui lui donne sa dimension humaniste135. Mais enseigner est aussi un don, au sens propre du terme de se donner, de s’impliquer dans l’acte d’enseigner, qu’ont le sentiment de partager avec les plus glorieux maîtres du passé les enseignants partisans du cours magistral136. La leçon doit tenir l’auditoire en haleine, tant par le regard que par la parole. À plusieurs reprises, les rapports mentionnent : « l’œil ne regarde pas ». Point n’est besoin pour le rédacteur de commenter. Soit l’œil est incapable de se dégager de la lecture des notes ou du manuel, soit le professeur est peu sûr de lui. Dans les deux cas, celui-ci n’est pas à la hauteur de son rôle, celui d’éveiller des intelligences, de voir s’il est compris. Quant à la parole, comme l’avaient dit avec force les enseignants réunis au Musée pédagogique, si elle est vivante et colorée, c’est elle qui fait la différence entre le maître et le meilleur livre qui soit137. Les instructions de 1938 en prennent acte, notant : « on ne peut concevoir une classe d’histoire, dépourvue de cet enseignement magistral, dont l’action peut être si puissante, seul capable d’entraîner, de passionner, de pénétrer138.
61« Monsieur… joue correctement sa partition, il n’est ni virtuose, ni chef d’orchestre ». Dans cette phrase, s’exprime la haute conception que les autorités ont de l’enseignement secondaire. Les professeurs doivent être brillants, parce que la culture française l’est depuis des siècles. Dans cette optique, le cours magistral, qui est la forme d’enseignement où sont le plus valorisés les traits distinctifs de l’excellence, est intrinsèque à la nature de l’enseignement secondaire. C’est pourquoi, particulièrement dans les classes supérieures, il reste le type exclusif d’enseignement, sans que cela provoque le désaveu de l’Administration. L’attitude de celle-ci est en effet beaucoup plus nuancée qu’au moment de la réforme de 1902, sans doute parce que, dès lors qu’elle postule que la valeur du maître fonde la valeur du cours magistral, elle ne peut dénier à ce dernier des vertus pédagogiques et éducatives. Mais il est aussi probable que confrontée au fait que les pratiques ne changeaient pas, l’administration a dû partiellement abandonner le discours volontariste sur la pédagogie qu’elle tenait au début du siècle, discours que les circonstances rendaient nécessaires. Dans un contexte de laïcisation et de modernisation des études, l’institution ne pouvait que soutenir les projets pédagogiques qui rompaient avec les formes héritées d’une conception de l’éducation qu’elle refusait.
62Prisonniers de leur histoire, c’est-à-dire souvent de leur origine sociale mais plus encore de leur propre formation scolaire et universitaire, les inspecteurs et administrateurs, quoique partisans de la modernisation des études – choix qui explique qu’ils aient pu occuper ces postes de direction – trouvent dans la culture classique et la tradition littéraire les critères de l’excellence des professeurs, critères en fonction desquels ces derniers eux-mêmes ont été jugés quand ils étaient étudiants et jugent dorénavant la valeur de leurs élèves. Ainsi, loin de s’émanciper de la tradition de l’enseignement secondaire, l’histoire scolaire se coule dans les anciens moules.
63Vingt-trois ans après la réforme de 1902, le texte ministériel recense trois types principaux de procédés pédagogiques en histoire et géographie et ce recensement est une manière de les officialiser139. Le premier est l’enseignement fondé sur le manuel, le second l’étude analytique du sujet et le troisième la leçon magistrale. L’enseignement magistral est, de loin, la forme prédominante, y compris à la fin des années trente. Le traitement d’une question à partir de l’analyse de documents ne s’est pas trouvé dans les sources que nous avons consultées. Mais le texte de 1925 suggère que c’est une méthode plus adaptée à la géographie et les séances d’exercices pratiques s’y prêtaient mieux. Enfin, à ces formes d’enseignement rendues conformes par leur reconnaissance institutionnelle, il faudrait ajouter des expériences qui ont en partie échappé à la publicité et par lesquelles se sont mises en place certaines des pratiques actuelles de l’enseignement historique. Par exemple, peut être signalé le transfert des méthodes des mouvements extra-scolaires à la classe, visant à stimuler le travail collectif, que relate dans le Bulletin de la Société Louis François, professeur au lycée Carnot à Paris140.
À la recherche des élèves
64L’enseignement reposant sur la prestation du professeur, les élèves sont les grands absents des textes officiels et même des situations de classe qu’on peut recomposer. Ils n’ont d’ailleurs dans l’institution scolaire aucun rôle actif et prennent peu la parole en tant que communauté. En outre, la structure de la classe tend à faire percevoir un ensemble plutôt que des individualités qui vivent les cours d’histoire. Les interroger a posteriori peut apporter des éléments dans la connaissance de l’histoire enseignée, peu dans celles de l’histoire réellement apprise. On se demandera donc essentiellement si la volonté d’impulser le renouveau des études historiques par une activité plus grande des élèves s’est traduite dans les faits. On peut en émettre l’hypothèse dans la mesure où nous avons vu que le modèle pédagogique de la « conférence » a, à l’origine, cette fonction.
La condition d’élève
65Mesurer ce que représente l’enseignement historique pour l’élève suppose que soient retracés les cadres de la vie lycéenne. En effet, son organisation est liée à celle du temps scolaire et de l’équilibre entre les heures de classe et d’étude. En 1890, un lycéen a en moyenne vingt heures de classe par semaine, ces vingt heures étant définies comme « la somme de ce que peut soutenir l’écolier ». Aussi ce chiffre est-il la référence de toutes les réformes ultérieures. L’arrêté du 15 juillet 1890 fixe l’organisation de la journée scolaire. Les élèves internes se lèvent à six heures en hiver, cinq heures et demie en été – six heures et demie et six heures pour les plus jeunes, jusqu’à la quatrième incluse –. Ils entrent en classe à huit heures, pour deux heures de cours. Les deux autres heures ont lieu de quatorze à seize. L’étude du soir dure deux heures et demie, portant en moyenne à sept heures le temps passé en étude pour les demi-pensionnaires. Le coucher a lieu à vingt ou vingt et une heures selon l’âge, les grands élèves ayant à nouveau étude après le repas. Sur cet horaire moyen de classe, treize ou douze heures selon le niveau sont consacrées à l’étude du français-latin-grec, une heure et demie à l’histoire, géographie non comprise.
66Avec la réforme de 1902, l’horaire hebdomadaire enfle de façon très nette, atteignant vingt-sept heures dans les sections de seconde et première sciences-langues vivantes. Il n’est pas étonnnant que professeurs et parents s’en soient alertés. La promotion de l’enseignement des matières scientifiques et des langues étrangères alourdit l’horaire, puisque que les humanités occupent encore dans les sections classiques plus de la moitié du temps (douze heures sur vingt-deux ou vingt-trois). La seule étude reste celle du soir, de dix-sept à vingt heures pour les internes. La réforme de 1925 rapporte la semaine de classe à vingt heures en sixième et cinquième, mais l’horaire reste élevé dans les classes supérieures. Aussi, bien que l’article 6 de l’arrêté du 3.6.1925 précise que, jusqu’en classe de seconde, il ne peut y avoir plus de cinq heures de cours par jour et que la vacance du jeudi doit être respectée, l’institution ne peut éviter le déclenchement d’une nouvelle campagne contre le surmenage des élèves qui provoque en 1931 un allègement de l’emploi du temps. L’arrêté du 10 juin 1938 ne concernant que le premier cycle s’en tient à l’horaire moyen de vingt et une heures en sixième, cinquième et vingt-deux/vingt-trois heures en troisième, quatrième. La vacance du samedi après-midi, réservée à des heures de loisirs dirigés ou d’éducation physique en plein air, est instituée.
67À travers ces fluctuations diverses, la situation de l’histoire et de la géographie reste globalement stable (Tableau 6, ci-dessous). Appréciée en termes relatifs, elle ne se dégrade pas et est même relativement prospère en 1925 en raison de l’introduction des exercices pratiques. Cependant, ceux-ci sont les premiers à subir le contrecoup des allègements de 1931, lesquels sont plus importants en 6e, 5e qu’en 3e, 4e, l’opinion étant que les jeunes élèves sont plus exposés au surmenage.
Tableau 6. L’évolution des horaires hebdomadaires d’histoire (1880-1938). (Sources : BAIP 1890, supplément au n° 922, p. 434-435 ; BAIP 1902, n° 1522, 7 juin 1902, p. 742-745 ; JO 1925, 57e A, n° 130, 5 juin 1925, p. 5191 ; JO, 1931, 63e A, n° 107, 7 mai 1931, p. 5044 ; JO, 1938, 70e A, n° 135, 10 juin 1938, p. 6526.) Les heures indiquées entre parenthèses sont celles qui s’ajoutaient à l’horaire commun pour les élèves non-latinistes. À partir de 1925, ce sont des heures d’exercices pratiques.

68Le mouvement général qui se dessine de 1890 à 1940 est donc une augmentation des heures de classe aux dépens des heures d’étude, ou encore une amputation du temps de travail personnel. Le rapport théorique, une heure d’étude pour une heure de classe, est rompu. Or cette orientation est contraire à la conception de l’enseignement secondaire selon laquelle l’effort intellectuel de l’élève s’exerce dans l’approfondissement personnel des contenus qui lui ont été transmis, et notamment par la lecture et l’écriture. Ainsi les enseignants se plaignent-ils que les élèves lisent de moins en moins ! Cependant, l’étude du soir conserve pour les internes, demi-pensionnaires et externes surveillés, son caractère d’astreinte au travail et au silence qu’elle avait hérité des traditions scolaires antérieures. Mais le morcellement des matières s’y trouve reproduit, en proportion de la plus ou moins grande importance dans l’horaire global du cours. En conséquence, l’histoire occupe peu de temps, relativement à d’autres disciplines, mais surtout parce qu’elle est une matière d’oral. Cette situation permet au président de la Société des professeurs d’histoire et de géographie de présenter l’histoire devant la Commission du surmenage comme une discipline requérant peu de travail hors des cours141. De fait, nos correspondants considèrent que l’essentiel de l’enseignement se déroulait en classe.
69En théorie, l’organisation pratique des matières et la répartition du travail scolaire relèvent des réunions de professeurs. Le ministère invite les professeurs d’une même classe à se réunir pour s’entretenir de l’état de la classe et des progrès des élèves, il n’en fait pas une obligation. En outre, la convocation de l’assemblée est soumise à la décision du chef d’établissement, seul habilité à en arrêter l’ordre du jour142. Dans ces conditions, on s’explique que le rapport Raiberti de la commission d’enquête de 1899 souligne, à partir des dépositions faisant état de l’inutilité et de l’impuissance des conseils, que « quand ils se réunissent, c’est pour prendre des décisions illusoires ou dérisoires143 ». Réduits au rôle de chambre d’enregistrement, très souvent ils ne siègent pas144. Le texte ministériel de 1925 évoque quelques essais « partiels, isolés et sporadiques » pour les organiser et tente d’impliquer les chefs d’établissement dans l’application des instructions145. En effet, il est de nouveau demandé aux professeurs de se réunir au commencement de l’année et une fois par trimestre pour planifier le travail des élèves en dehors de la classe.
70Dans les années trente, la nécessité du conseil de classe devient encore plus nette, étant donné, si on se réfère aux différentes études qui ont été faites de la composition sociale des lycées et collèges146, que l’enseignement secondaire recrute au-delà de la bourgeoisie et accueille des élèves sélectionnés sur leurs capacités intellectuelles, mais éloignés culturellement des codes de la société dominante, pour lesquels l’internat accentue le déracinement. Parallèlement, le nombre croissant d’élèves externes, surtout dans les grands lycées urbains, introduit des éléments d’hétérogénéité supplémentaires. Au temps d’étude et au temps de classe, vient s’ajouter un temps qui échappe à l’institution scolaire. Face à cette diversification des conditions de scolarisation, le conseil de classe devient une institution utile, comme le révèlent les termes de l’arrêté du 24 juillet 1939, selon lesquels le conseil pourra appeler à titre consultatif toute personne – même un élève ? – susceptible de l’éclairer. Sa composition et ses obligations sont fixées. Le conseil de classe constitue et tient à jour le dossier scolaire et le registre de ses délibérations est mis à la disposition de tout le personnel enseignant, c’est-à-dire professeurs et répétiteurs. Dès lors, l’élève n’est plus soumis à l’autorité discrétionnaire du proviseur pour les faits ordinaires de la vie scolaire.
71On aurait tort cependant de croire que l’ère de la pédagogie de la liberté qu’en 1899 E. Lavisse prônait de façon généreuse devant la commission parlementaire fût advenue, ou même que la méthode de l’autorité fût devenue « absolument étrangère à l’esprit de l’enseignement secondaire » comme le déclarait le préambule des instructions de 1938147. L’esprit de discipline et l’austérité restent constitutifs de l’éducation dispensée dans les établissements secondaires, dont Jules Benda écrivait en 1936 qu’elle avait rempli son rôle en lui donnant « le respect de l’homme d’étude, de l’homme qui, silencieusement assis devant une table, lit, s’instruit, écrit, prend des notes148 ». Les temps de repos sont courts. La discipline de l’esprit étant en même temps une discipline du corps, les mouvements entre les cours sont effectués dans le silence le plus complet et en rangs. Ne parlons pas de la promenade du dimanche pour les internes ! Les punitions, de la « retenue » à l’exclusion, et a contrario les tableaux d’honneur font partie de l’arsenal des moyens de pression d’une pédagogie qui manie la carotte et le bâton. L’émulation entretenue par tout un cérémonial qui va de la distribution des prix à la remise des copies de la composition en présence du censeur des études est un autre aiguillon. Dans un cadre aussi cœrcitif, on peut se demander quelle est la place de la libre expression des élèves. Une des objections à l’adoption du cours dialogué était en effet qu’il risquait de nuire à la discipline et, dans les années 1920, certains professeurs refusaient de faire des projections pendant les séances de travaux dirigés par peur que les élèves chahutent dans l’obscurité ! D’une façon plus large, tous les procédés qui rompaient l’ordonnance habituelle du travail étaient perçus comme favorables à la dissipation de l’esprit149. Par exemple, apprendre à regarder était une tâche complètement nouvelle dans l’enseignement secondaire où la vertu suprême était d’écouter. C’est pourquoi les théories sur l’activité des élèves, bousculant les traditions établies, pouvaient être interprétées comme une mise en péril du système.
Les situations de travail
72Compte tenu de l’organisation du temps scolaire, on peut, pour des commodités d’exposition, distinguer les activités qui se déroulent en classe et celles qui se déroulent en étude, même si elles sont complémentaires et relèvent des mêmes finalités.
73En classe, même dans les cas où l’exposé magistral domine, l’élève est conduit à montrer qu’il a appris et qu’il sait. Aussi l’interrogation, moment – clé de l’évaluation des lycéens par les enseignants, est-elle cette phase du cours où les élèves sont les acteurs. Depuis 1880, elle s’inscrit dans un mouvement de développement des exercices oraux, afin de réagir contre la faible efficacité pédagogique des rédactions, et complète la pratique du résumé, lequel, fixant l’essentiel, offre un moyen simple d’en vérifier l’acquisition. Mais elle peut prendre également la forme de questions de cours écrites. C’est l’interrogation imprévue, d’une vingtaine de minutes, que les élèves découvrent lorsque le professeur ne sort pas, comme aux autres heures, son carnet d’interrogations, annoncée par un « Prenez une copie ! » qui s’est gravé dans quelques mémoires, suivi du « livres, cahiers et serviettes au plancher150 ». Sa fonction est la même que celle de l’interrogation orale mais elle permet de vérifier le travail de la classe entière. Pourtant cette procédure ne devient un rituel que dans les années trente. On ne la trouve d’ailleurs que hâtivement mentionnée dans toutes les instructions. Est-ce parce que l’interrogation orale est un des rares moments d’entraînement à la parole ou en raison du surcroît de travail que l’écrit entraîne pour les professeurs, déjà confrontés à la correction des devoirs ? Il semble en effet qu’un exercice chasse l’autre. En 1908, le devoir est instamment recommandé, « parce que l’épreuve écrite confirme et achève l’épreuve orale en fixant la pensée et que l’élève marche à son pas et non au pas du maître151 ; sont donc encore attribués au devoir les bienfaits qu’aurait eus la rédaction si, au fil du temps, elle n’était devenue une simple copie du manuel. En 1925, le devoir est présenté comme un exercice possible. En 1938, il est conseillé d’y renoncer dans le premier cycle, en raison de la surcharge qu’il entraîne pour les élèves et pour les professeurs, et de le remplacer par de brèves interrogations écrites.
74Souvent le seul exercice écrit du trimestre est la composition dont la date est fixée à l’avance et pour laquelle le programme des révisions est établi. Ceci signifie que beaucoup d’élèves ne font, dans l’année scolaire, que trois devoirs écrits si bien que les professeurs ne peuvent envisager d’en réduire encore le nombre. Bien qu’ils insistent sur l’intérêt intellectuel de l’épreuve, qui doit entraîner à « penser juste et écrire en français152 », les compositions, encore plus que les interrogations, s’inscrivent dans la logique exclusive de l’évaluation des connaissances, ce dont les élèves sont bien conscients. Pour les moins intéressés ou les moins travailleurs, la composition permet d’apprendre peu d’histoire le reste du trimestre153. Au mieux, quand elle permet d’établir que l’élève a travaillé et compris le sens des événements, elle lui donne un prix ou un accessit, un bon livret et quelques points de plus à l’interrogation du baccalauréat. Aussi les instructions officielles de 1925 rappellent-elles que « l’unique composition trimestrielle, sans autre exercice préparatoire, ne permet pas aux élèves, même aux meilleurs, de donner leur mesure154 » et recommandent-elles avec insistance aux professeurs de recourir à des exercices qui impliquent des efforts plus personnels et plus féconds.
75La mise en place par le ministère en 1925 de séances de direction du travail est un pas important dans l’innovation pédagogique. Conçues pour éveiller le sens de l’observation historique et géographique, elles prennent la forme d’exercices pratiques à partir de supports divers, le plus fréquemment cependant écrits et visuels. C’est notamment dans ce cadre qu’encouragés à titre un peu expérimental par l’institution, ont lieu les premiers commentaires de textes. Le Bulletin de la Société des professeurs d’histoire et de géographie suit attentivement les publications de recueils, encourage les polycopies – c’est l’époque où les établissements commencent à se doter d’appareils à reproduire – et essaie de faciliter la tâche des collègues souvent obligés de mener ces séances sans matériel. Le manque de moyen et les économies budgétaires de la première moitié des années trente compromettent en effet la réalisation des travaux dirigés. Les heures n’en sont pas toujours confiées à des spécialistes de la discipline et sont les premières victimes des réductions d’horaires en 1931. Le fait que les professeurs n’aient pas toujours su mettre à profit la liberté et les moyens que leur offrait ce nouveau cadre – par exemple les groupements d’heures – et qu’ils n’aient pas, faute d’expérience, fait preuve de l’inventivité souhaitée a, en effet, donné des arguments à la politique de restriction du ministère. Les séances pouvaient être supprimées puisque, malgré les mises en garde des circulaires, elles faisaient double emploi avec la classe.
76Un seul rapport d’inspection fait état d’une séance en classe de cinquième que l’inspecteur général trouve « bien conçue et bien construite ». Les élèves, dirigés par leur professeur, « avec autorité, précision et entrain », commentent phrase par phrase les textes proposés à leur étude, l’un de Florus retraçant la vie d’Antoine en Égypte, l’autre le testament d’Auguste. « Ils suivent avec l’intérêt le plus vif. C’est pour eux comme une révélation de voir les faits énoncés dans le manuel prendre à la lumière des textes de la couleur et du relief », note l’inspecteur évoquant ainsi l’incidence sur la participation des élèves d’un enseignement rendu concret et vivant155. Un cahier de l’année scolaire 1928-1929 nous permet de suivre sur l’année le programme des activités156. Dominent les séances consacrées au résumé de lectures et au commentaire de courts récits historiques, pour lesquels le questionnement est guidé de façon brève et précise, de telle sorte que l’élève comprenne que la méthode de la critique des textes existe157. À la fin du programme, l’étude des châteaux de la Loire inclut la réalisation d’une carte, la description des châteaux d’Amboise et de Blois, et une réflexion sur l’intérêt de ces constructions et la raison de la prédilection des rois de France pour la Loire. L’exercice vise donc le développement de capacités – localiser, observer, décrire, expliquer – mais aussi l’élaboration d’un travail construit. Le cahier du même élève en quatrième comprend des cartes et pour les questions d’art, des croquis auxquels il semble que les projections ou l’observation dans le livre aient donné lieu. Plus rarement, l’élève a établi un tableau chronologique, une généalogie, rédigé une biographie à partir d’une lecture personnelle. Certes, ce sont des travaux modestes mais qui mettent les élèves en situation d’approfondir le cours et qui les entraînent à restituer des informations sous une autre forme que la récitation mécanique. L’exercice a pu être d’autant plus profitable qu’il est corrigé quand le cahier est relevé par le professeur au moment de l’interrogation.
77La pratique de l’exposé oral est beaucoup plus rare. « Il n’y a pas lieu d’envisager la question des devoirs ou des exposés oraux : ceux-ci paraissent prématurés dans le premier cycle ». Cette note des instructions de 1938 reprend fermement l’esprit de celles de 1925, où l’exposé « pratiqué avec mesure et prudence » était mentionné comme un exercice possible dans les classes supérieures, à condition que le professeur mette entre les mains de l’élève les matériaux indispensables pour le réaliser. C’est ainsi que la tradition des bibliothèques de classe s’est trouvée maintenue dans certains lycées. Par ailleurs, l’exposé oral a été la forme sous laquelle le travail collectif des élèves s’est introduit dans les lycées et collèges. Mais il reste associé pour cette période à une pédagogie innovante et marginale, qui, en raison de la médiocrité des résultats eu égard au temps consacré par les élèves158 ne provoque pas l’enthousiasme de l’institution.
78Ainsi, le président de la Société des professeurs d’histoire et de géographie, dans son rapport à la Commission du surmenage, s’autorise-t-il à noter que le travail des élèves en histoire se fait en classe159. L’étude est consacrée à la révision du cours, quelquefois très longuement développé, complétée ou non selon les professeurs par la lecture du manuel. Les pratiques semblent avoir été très diverses. Alors que certains de nos correspondants ont noté que la lecture du manuel était « tolérée », elle a été sans doute demandée par d’autres professeurs. Dans les cahiers conservés au Musée national de l’Éducation, des élèves ont marqué les pages qu’ils avaient à lire, portant par exemple sur une question non ou peu traitée dans le cours par le professeur, comme l’y incitaient les instructions. En revanche, la pratique du devoir d’histoire rédigé à la maison ou à l’étude est presque totalement abandonnée ; n’étant dans les faits que la reproduction du manuel, il est une tâche aussi « passive » que l’ancienne rédaction160.
79En conséquence, en prenant en compte toutes les activités, il apparaît que l’essentiel du travail de l’élève en histoire concerne le cours et se situe par rapport à lui ; soit qu’il faille le préparer, soit qu’il s’agisse de l’apprendre ou de le compléter. On ne peut donc nier que c’est en grande partie un travail qui a pour but, par la lecture ou la ré-écriture, de graver les connaissances des programmes dans les mémoires. Si les séances pratiques restent très éloignées de ce qui est une véritable pédagogie de l’activité et ne sont qu’une application très dénaturée de la réflexion de Seignobos, elles ont toutefois permis, lorsqu’elles ont été vraiment organisées, d’insuffler un peu d’air frais dans l’enseignement magistral et livresque. Les exercices sur les textes, les vues et les gravures avaient pour but de « laisser des impressions », comme le recommandait E. Lavisse, de rendre l’élève curieux d’histoire, en attendant que l’esprit mûrisse. Mais à la fin des années trente, domine encore l’idée que le jeune élève n’est pas apte à toutes les activités intellectuelles et l’opinion officielle sur l’exposé en est un exemple net. Cette conception conforte la propension du corps enseignant à voir dans le cours magistral la pédagogie la plus efficace, même si le risque en est « l’inertie de l’élève ».
Des élèves passifs ?
80Liminairement il importe de définir ce qu’E. Lavisse et ses contemporains appellent l’inertie de l’élève ou sa passivité. Dans la guerre que la pédagogie laïque livre à l’Église, la passivité est à combattre parce que l’élève passif reçoit le savoir comme une vérité révélée et que, ne pensant pas par lui-même ou cantonné à des exercices mécaniques, il reste un être soumis. Mais être actif ne signifie pas nécessairement entreprendre une réalisation observable. Dans la conférence où E. Lavisse met en scène des élèves modèles161, ceux-ci écoutent : « l’élève a entendu toutes ces choses », et, ayant écouté, ils savent… et ils comprennent. Le professeur a suscité leur attention et donc leur intérêt et les élèves l’ont suivi dans sa démonstration. La forme dans laquelle Lavisse relate ce moment d’enseignement est là pour nous en convaincre. E. Lavisse passe du sujet qu’il expose à l’attitude des élèves, dans un mouvement de va et vient continuel puisque neuf fois, il note : « les élèves savent ». Ainsi, la participation au cours ne passe pas nécessairement par la prise de parole ; elle est mentale. L’écoute est active parce que l’esprit est attentif. C’est la raison pour laquelle le cadre scolaire, même moins claustral, préserve le silence, afin que l’attention s’exerce le mieux possible.
81Les ambitions pédagogiques sont modestes. Si l’enseignement historique laisse dans l’imagination et l’esprit de l’élève des impressions, « des commencements d’idées162 » sur lesquelles l’esprit travaillera plus tard, il a atteint son but. En ce sens, dans un système d’éducation où les processus de connaissances sont appréhendés en termes de sensations, le cours dialogué, parce qu’il sollicite les élèves et les incite à participer de façon extériorisée, est pour le professeur un moyen de tenir les esprits en éveil et de s’assurer que le cours est suivi. Par ailleurs, la mise en activité se heurte à la nature même de la matière enseignée. L’histoire scolaire a été instituée pour transmettre des connaissances et, à travers elles, véhiculer un message dont la fonction est de forger une connaissance partagée du passé. L’enseignement ainsi conçu relève donc de l’énonciation. L’élève ne peut produire cette connaissance par lui-même, si ce n’est dans des situations factices où l’inconnu ne surgit du connu que parce que l’activité est soigneusement encadrée et programmée. La méthode interrogative et a fortiori la méthode maïeutique sont donc en histoire essentiellement des artifices pédagogiques.
82En revanche, malgré les marques extérieures de la passivité, « le cours magistral lui-même est […] un échange puisque la prouesse du virtuose s’adresse implicitement à des sujets dignes de la recevoir et de l’apprécier163 » – la future élite culturelle du pays -… voire de la reproduire, si on se réfère aux termes par lesquelles l’inspecteur juge, au cours d’une interrogation orale, « l’effort intelligent et heureux (des élèves) pour expliquer » ou « la sûreté de (leurs) connaissances164 », appliquant à la performance des élèves la même grille qu’à celle des professeurs. Le cours magistral est en effet, pour les contemporains, comme nous l’avons noté ci-dessus, la forme pédagogique où s’exerce le mieux l’imprégnation, c’est-à-dire la marque d’empreintes extérieures, voire l’influence d’un modèle, tant sur le plan intellectuel que moral. La lecture des rapports d’inspection rend le même écho : elle suggère implicitement qu’il est impossible que l’information, si le discours professoral est composé avec rigueur et présenté avec éloquence, n’ait pas été reçue par les élèves. De même E. Lavisse, ayant postulé que les élèves écoutent attentivement, affirme : « ils savent ». Au demeurant, un professeur cherchant à cerner l’attente de ses élèves note au début des années vingt dans la Revue universitaire165 : « ils jugent instinctivement qu’un professeur a, d’abord, pour devoir d’adapter à leurs besoins la science, qu’eux-mêmes ne sauraient acquérir qu’au prix de pénibles efforts dont le professeur a pour fonction de les dispenser. Le cours doit être dans cette pensée une course réglée à travers un champ scientifique dont l’exploration est obligatoire ». Ayant intériorisé la règle la plus apparente de l’institution scolaire, celle de « faire » le programme, les lycéens se satisfont d’une attitude d’enregistrement dans laquelle ils trouvent un certain confort.
83On notera cependant que le message transmis, reposant sur le postulat d’une conformité culturelle de l’émetteur et du récepteur, n’a pas toujours été reçu. De nombreux élèves boursiers ont dû, par le travail, s’approprier un savoir qui leur était étranger, appropriation qui était la condition de la réussite scolaire et, au-delà, de la promotion sociale. À ceux-là, le cours magistral, discursif, souvent allusif, s’adressant uniformément à tous les élèves – ce qui est aussi une façon de les mettre sur un pied d’égalité, même si c’est factice –, ne facilitait pas la tâche. Sans doute y a-t-il eu ainsi une catégorie d’élèves qui écoutaient plus par devoir que par goût. En revanche, ceux qui « aimaient » l’histoire gardent aujourd’hui un souvenir des cours que le temps a encore embelli. D’autres, enfin, n’écoutaient pas. Mais aucun de nos correspondants ne pense à contester la pédagogie du cours magistral. Quelques-uns seulement doutent de l’impact que les cours qu’ils ont suivis aurait aujourd’hui.
84Dans un système scolaire qui encadrait étroitement l’élève et où la relation professeur-élève était une relation d’autorité fondée sur la distance naturelle de l’adulte et de l’enfant et accentuée par la compétence présupposée du professeur, le refus du cours a pris la forme de chahuts. Ils ont sévi en histoire comme ailleurs. Suzanne Citron évoque le cas d’un chahut qu’elle qualifie de légendaire166, celui du président de la Société des professeurs d’histoire et de géographie, dans les classes duquel la situation ne cesse de se dégrader de 1904 à 1935, au point que cela inquiète vivement l’administration qui, sans doute en raison de la situation publique de ce professeur, ne prend pas de sanction et attend qu’il parte à la retraite. Quelques dossiers de l’académie de Rennes comportent la mention de chahuts analogues, où la classe ressemble plus à un « champ de foire167 » qu’à une salle de cours. Sifflements, jets de papier, de bouteilles d’encre – et la notice précise avec bris –, porte fermée à clef par les élèves pour empêcher la direction de l’établissement d’intervenir, obligent l’administration à prendre les mesures ad hoc, c’est-à-dire souvent le déplacement de l’enseignant. Quelquefois, le professeur doit demander à ses frais les services d’un surveillant qui est présent pendant le cours pour maintenir le bon ordre168. Ces mesures interviennent après que les professeurs ont usé de l’arme de la punition : retenues, blâmes et avertissements, punitions collectives, exclusions d’élèves par groupes de la part, par exemple, de ce professeur agrégé, « glacial, qui s’ennuie et ennuie169 » et distribue, dans le trimestre, trois fois plus de sanctions que la moyenne par professeur dans l’établissement.
85Il est difficile de savoir sous quelle autre forme l’opposition des élèves a pu se manifester. Les familles prenaient éventuellement le relais des doléances auprès de l’administration. Cependant, un dossier se distingue des autres. En 1905, un élève du Lycée de Lorient adresse une lettre au recteur : « J’ai l’honneur de vous prévenir au nom de mes camarades de Seconde A et B que notre professeur d’histoire, M. B… nous dicte un cours rédigé à sa façon pendant les deux heures de classe que nous avons avec lui par semaine, de sorte que chez nous, nous avons une douzaine de pages à recopier, ce qui nous prend un temps énorme. De plus, il faut les savoir par cœur et si on ne les sait pas, on est puni. Je vous prie, Monsieur le Recteur de remédier à cette situation170 ». La requête est finalement déboutée, bien que soient consignés là les pires défauts de l’enseignement historique, la dictée et la leçon apprise par cœur, prohibées depuis 1890. Ce cas est le seul où l’attitude des élèves est motivée par la pédagogie du professeur. En ce qui concerne les chahuts, la pédagogie semble moins souvent en cause que la personnalité, mais il est très difficile de l’affirmer. Autant ils sont présents dans les souvenirs des anciens élèves, autant ils restent un versant de l’histoire scolaire qui échappe à l’investigation.
86Conclure que professeurs et élèves s’accommodent du cours parlé, quelle que soit sa forme, continue ou discontinue, est la négation même de la pédagogie historique que prônaient C. Seignobos et C-V. Langlois et d’une façon plus large tous ceux qui pensaient que 1902 marquerait une révolution dans l’enseignement. L’activité des élèves ne se déroule pas dans des formes innovantes. Elle n’existe que par rapport au cours ou au manuel qui remplissent la même fonction de transmission d’un savoir. En outre, elle s’insère dans le cadre des études secondaires qui, présentées par leur caractère désintéressé comme la recherche d’un idéal humain, reconnu comme universel, s’organisent en un parcours d’élévation intellectuelle et morale à chaque degré de la scolarité. La pédagogie historique n’est donc pas un ensemble autonome que les historiens peuvent élaborer exclusivement par rapport à la nature de la connaissance historique en fonction des finalités formatrices qu’ils en attendent. Elle relève d’une pédagogie globale qui est celle de l’enseignement secondaire dans la société du premier xxe siècle et en tant que telle, elle est subordonnée à des fins sociales que C. Seignobos a négligées. Sa réflexion achoppe sur ce point fondamental. C. Seignobos construit son système pédagogique dans une logique de formation, alors que l’enseignement secondaire participe d’une logique de sélection.
87La pédagogie du cours magistral est la mieux adaptée à cette fin de l’enseignement secondaire. Privilégiant le savoir sans le séparer du savoir – dire mais sans jamais apprendre aux élèves les moyens d’acquérir et de restituer des connaissances, consacrant la supériorité intellectuelle à travers des qualités auréolées d’un prestige séculaire, le cours est en même temps le produit de la culture des élites et le moyen de la produire. Vecteur d’une éducation qui s’affirme désintéressée et se donne pour but, essentiellement par la vertu de l’exemple, l’épanouissement des facultés virtuelles, creuset de l’orthodoxie culturelle qui fonde la réussite, le cours magistral est la forme scolaire de l’acculturation par laquelle les meilleurs élèves des milieux populaires accèdent à la culture sociale des classes supérieures. Or la promotion sociale, obtenue à partir de résultats scolaires qui sanctionnent, surtout, l’aptitude à assimiler les codes de la culture dominante, accrédite le discours de la République selon lequel l’instruction secondaire est un instrument du renouvellement des élites. Ainsi le système entretient-il l’illusion méritocratique, notamment dans les couches de la société qui forment la clientèle potentielle des établissements secondaires et constituent en même temps les plus gros effectifs des électeurs. Dès lors, on comprend que l’institution ne soit guère encline à promouvoir une autre pédagogie. En proposant d’autres formes que l’enseignement verbal dans une matière qui, par sa structure, se prête mal aux apprentissages, le programme de Seignobos n’a pas sa place dans les lycées et collèges car ni la société ni les professeurs ni les élèves n’en ressentent le besoin. Il paraît même compromettre l’équilibre de l’édifice des études.
88Cet échec d’une pédagogie résolument novatrice condamnait-elle l’enseignement historique à n’être qu’un enseignement doctrinal ? Le rôle quasi exclusif du maître reléguait-il l’élève à celui de réceptacle ? Le fait qu’étudier l’histoire ne soit pas en créer n’offrait-il comme solution que d’en « ingurgiter171 » ?
Notes de bas de page
1 Souligné par nous.
2 Langlois (C-V.) et Seignobos (C.), Introduction aux études historiques, Paris, 1897, p. 285. Sans doute est souligné par nous.
3 Dupont-Ferrier, Du collège Clermont au lycée Louis-le-Grand, op. cit., p. 198.
4 Morizet, Déposition de la Société des professeurs d’histoire et de géographie à la Commission du surmenage, BSPHG, n° 63, mars 1930, p. 195-205.
5 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R).
6 Briand (J.-P.) et Chapoulie (M), Les collèges du peuple…, op. cit., p. 426.
7 Ibid.
8 BAIP, n° 2500, 15 nov. 1922, p. 481-482.
9 BSPHG, n° 86, janv. 1936, Compte-rendu de l’AG du 26/12/1935. Si une des fonctions de la Société des professeurs d’histoire est d’attirer l’attention des assemblées générales sur les menaces qui pèsent sur les conditions de l’enseignement, on ne peut oublier que la politique budgétaire en matière d’éducation est, de 1931 à 1935, de moins en moins aux libéralités.
10 Thalamas (A.), Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 145.
11 Déplorée par Moniot, délégué des agrégés du CSIP (RIE, t. 56, 1908, n° 2, p. 10-30) l’hétérogénéité des élèves est également signalée par Dupont-Ferrier, à partir de l’enquête qu’il a menée auprès de ses collègues, op. cit., « Les classes n’étaient pas homogènes » écrit-il, « Entre leur tête et leur queue, il y avait souvent un abîme…». On en retrouve mention lors des débats relatifs au surmenage des élèves.
12 Pimienta (R.), « Réponse à l’enquête de la Revue universitaire sur l’amalgame des classiques et modernes », RU, 36e A, 1927, 1, p. 413-427. Pimienta s’exprime au nom de l’Amicale des professeurs du lycée de garçons de Troyes.
13 Thalamas (A.), Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907.
14 BAIP, n° 265, 1872.
15 A.M. B5248.
16 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R), Dossiers de professeurs.
17 Thalamas, selon ses déclarations à la conférence du Musée pédagogique, en avait constitué une. Le rapport d’Himly et Levasseur de 1872 en signale également.
18 BAIP, n° 1976, 22-29 avril 1911, p. 511-512.
19 Morizet, Rapport du Président à l’Assemblée générale du 27/12/1927, BSPHG, n° 54, janv. 1928, p. 73.
20 Morizet, Déposition de la Société des professeurs d’histoire et de géographie, BSPHFG, n° 63, mars 1930, p. 195-205.
21 Bourgin (H.), « Les méfaits de la classe d’une heure », RU, 16e A, 1907, 1, p. 317-320 ; Machat (J.), « La classe d’une heure en géographie », RU, 15e A, 1906, 2, p. 93-101.
22 Le début des vacances est reporté du 1er août au 15 juillet après maints débats en 1904. La rentrée s’effectue le 1er octobre.
23 Madame F.Mayeur indique que dès 1915 les Sévriennes remplacèrent les mobilisés. Mayeur (F.), L’enseignement secondaire des jeunes filles sous la Troisième République, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1977, p. 399.
24 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R), Dossiers de professeurs, Laval, 1924.
25 Ibid.
26 Rapport d’Himly et Levasseur, BAIP, n° 265, p. 320.
27 AG du 27/12/1927, BSPHG, n° 54, janv. 1928, p. 73.
28 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R), Dossiers de professeurs.
29 Ibid., Dossier A. F…., Pontivy, 1913.
30 Ibid., P…, IG Gallouédec, 193…
31 Ibid., Dossier A. L…, Lorient, 1917. L’inspecteur d’Académie note « vient en sabots ».
32 Ibid., D…, professeur au lycée de Lorient, 1907.
33 Ibid., Dossier A. F…., Pontivy, 1913.
34 Décret du 12 mars 1920.
35 JO, 1900, Documents parlementaires, Chambre des députés. SE, Annexes 1196, rapport XI, p. 506 sq.
36 Le plus virulent contre le corps des inspecteurs est Thalamas. Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907. p. 121, Il deviendra lui-même inspecteur d’Académie.
37 JO, 1938, Annexes, p. 1216-1217.
38 JO, 1925, 57e A, n° 206, p. 8664.
39 Ibid., « On ne saurait, pour justifier un retard, arguer de la longueur d’un programme ».
40 JO, 1899, Documents parlementaires, Chambre des députés, SO, Annexe 866, Dépositions orales, p. 1001 sq.
41 Morizet, Dépositions de la Société des professeurs d’histoire et de géographie à la Commission du surmenage, BSPHG, n° 63, mars 1930, p. 197-205.
42 BAIP 1890, supplément du n° 922.
43 Ou la Suisse du xixe (programme de 1902), question inutile, Dossier Y. A…., Quimper, Inspection 1924).
44 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R).
45 Isaac (J.), Expériences de ma vie. Combats pour la vérité, Paris, 1970.
46 Lacoste (A.), À propos d’un recueil de textes, un enseignement méprisé, BSPHG, n° 71, mars 1932, p. 219-227.
47 Lettre de M. R.…, élève au lycée de L… de 1937 à 1944. Souligné par nous.
48 Lavisse (E.), Conférence faite aux étudiants de la faculté des Lettres de Paris en juin 1884, Questions d’enseignement national, Paris, 1885.
49 « La session du Conseil supérieur de l’Instruction publique », RU, 46e A, 1937, 1, p. 307-333. Legaret, inspecteur général, répond aux délégués des professeurs qui souhaitent une rédaction plus précise que celle qui a été adoptée correspond au souci d’éviter un programme encyclopédique, p. 323.
50 Cahier 79. 37728, R. D…., 1937, classe de philosophie, étude non précisée, Musée national de l’Éducation, Rouen.
51 Une communication du Bulletin cependant confirme cette relation. « Dans tels établissements où la spécialisation est partiellement ignorée, mieux ne vaudrait pas d’enseignement historique qu’un mauvais enseignement historique, tissu de faits sans la trame des idées ». LENOIR (M.), « Disciplines et compositions de mémoire », BSPHG, n° 82, janv. 1935, p. 192-197.
52 Dupont-Ferrier, Du collège Clermont au lycée Louis-le-Grand…, op. cit. Appendice, t. 3, p. 466.
53 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier A. L…., Inspection 1923.
54 On peut en attester la survivance jusqu’aux années 1970.
55 JO, 1938, Annexes, p. 1197.
56 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). D…, 1925. L’élève est « harcelé de questions », l’interrogation est « précipitée » et « hachée ».
57 Ibid., Gidel, 1926.
58 Ibid., Inspection de 1922.
59 Ce deuxième objectif est très largement artificiel. Comme l’a souligné Roger Cousinet, la récitation de la leçon et la leçon elle-même sont pour l’élève des faits scolaires distincts. Reproduire un exposé et en écouter un ne procèdent pas des mêmes compétences. Cousinet (R.), Leçons de pédagogie, Paris, PUF, 1950. Mais, relativement à la logique de la discipline, la récitation, outil de l’enchaînement des leçons, consolide le fil de la continuité. C’est pourquoi, nous semble-t-il, elle a eu une longévité particulière en histoire.
60 Thalamas (A.), « Cours, sommaires et notes en histoire », RU, 2e A, 1893, n° 2, p. 133-145.
61 Langlois (C.V.) et Seignobos (H.), Introduction aux études historiques, Paris, 1897.
62 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossiers des professeurs. Inspections au lycée de Saint-Brieuc (1902) et Lorient (1906).
63 Ibid., Dossier de A.L., lycée de Lorient, IG 1911 « bon manuel », IA 1912 « enseignement efficace dans les classes à concours ».
64 Ibid., Proviseur, 1915.
65 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R), IG Gidel, 1926.
66 BAIP, n° 265, 1872, p. 326.
67 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). L…, Inspection en classe de philosophie, 1928
68 Ibid., Dossier de A.L., I.A., 1901, 1912. Ce professeur est le même que celui qui dicte pour maintenir la discipline. Agrégé d’histoire en 1890, il a en charge la préparation à Saint-Cyr. De 1901 à 1914, il procède de la même façon, dictant « en se promenant de long en large ». Seul, l’inspecteur Debidour, en 1906, établit un rapport favorable, ne mentionnant pas que le cours est dicté.
69 Dossier de J.B., Agrégé d’histoire, Inspection de Gallouédec, 1925.
70 Liard (L.), RU, 12e A, 1903, 1, p. 109.
71 BAIP, n° 2500, 1922, p. 478-480.
72 JO, 1925, 57e A, n° 206, p. 8664-8665 ; JO, 1938, Annexes, p. 217.
73 Ibid., Dossier de Y.A., sous admissible à l’agrégation d’histoire, lycée de Quimper, IG, 1923. Gidel écrit, « Il a gardé de l’usage des cours dictés l’habitude de parler lentement ». Le professeur, âgé de 54 ans en 1923, a, à peu près, vingt-cinq ans de métier derrière lui.
74 Ibid., Dossier de J.B., IG, 1931.
75 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier G.G., IG, 1917 (Gallouédec). « C’est l’ancien exposé magistral qui laisse les élèves passifs, qui peut apprendre un peu d’histoire à ceux qui le suivent mais qui est sans profit, ou presque, pour la formation de leur esprit.
76 BAIP, 1890, supplément au n° 922, p. 415 sq.
77 BAIP, n° 1818, 1908, p. 347-351.
78 « Raison de plus pour supprimer le cours », s’écriait-il (p. 73). Mais il affirme lors de la discussion avoir désigné « l’exposé dogmatique que le professeur faisait » et non « la méthode orale d’enseignement ». Conférences du Musée pédagogique, op. cit., p. 162.
79 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossiers des professeurs, L.L., IG, Gallouédec, 1908.
80 Ibid., P…, IA, 1941 – M…, IA, 1944, IG, 1944.
81 Ibid., F.B., IG, Pagès, 1919, « la bonne méthode, la méthode de collaboration entre la classe et le professeur », H.C., Gallouédec, 1914.
82 Ibid., B…, IG, Gidel, 1923.
83 JO, 1925, 57e A, n° 206, p. 8664-8665.
84 Cahier 79. 37602, classe de 3e, Année 1925-26, lycée Janson de Sailly, Paris. Musée national de l’Éducation, Rouen.
85 Quinzaine universitaire, n° 378, 1/12/1938, p. 141.
86 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier B. B…., collège de St Servan, Inspection G. Gallouédec 1909. « M. B… doit exiger des élèves un cahier de sommaires qu’il rédigera lui-même. Ce sommaire occupera la moitié d’une page divisée en deux, l’autre partie étant destinée à recevoir les notes ou croquis reproduits par l’élève et qui seront comme une illustration de la leçon et du sommaire ».
87 Nous n’en avons trouvé qu’un cas dans les dossiers du personnel consultés. IG, 1912. Il est spécifié que le professeur se sert du tableau, « se remue (sic), cherche et travaille ».
88 Note du vice-recteur de Paris aux proviseurs des lycées et principaux des collèges de l’académie de Paris, 30/1/1903. Revue universitaire, 12e A, 1903, n° 30, 1, p. 109-111.
89 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier E.G., licencié, IG, 1938.
90 Interview de R.V., élève du lycée de L., de 1937 à 1944.
91 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R), G.L., IA, 1918, Laval.
92 Ibid., E.C., IG, Isaac 1938, avec ce commentaire « méthode excellente, la meilleure qui soit ».
93 Lavisse (E.), Conférence faite aux étudiants de la faculté des lettres de Paris, juin 1884, Questions d’enseignement national, op. cit.
94 Malet (A.), Discussion de la conférence de Gallouédec, Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 161.
95 Lacoste, À propos d’un recueil de textes, un enseignement méprisé, BSPHG, n° 71, mars 1932, p. 218-227.
96 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R), AG, IG Isaac, 1938.
97 Ibid., C. D…. IG, 1906.
98 Ibid., V…
99 Villat, « La pédagogie de l’interrogation », RU, 29e A, 1910, 2, p. 199-206.
100 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R), dossier de G. L.…
101 Gallouédec (L.), Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907.
102 Ammann (A.) et Coutant (E.), Cours d’histoire 6e, Préface, Librairie Nathan, 1902. « Nous avons voulu rendre nos livres réellement utiles au plus grand nombre d’élèves ».
103 Lettre de J. G…, élève au lycée de L… (1937-1944).
104 BAIP, n° 971, 1891, p. 275-276.
105 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier G. L…, Laval, Proviseur, 1915.
106 BAIP, n° 2524, 1923, p. 485.
107 Troux (A.), Quinzaine universitaire, 21e A, n° 380, 15/1/1939.
108 Weill (G.), « L’application des nouveaux programmes d’histoire », RU, 15e A, 1906, 1, p. 106-116.
109 Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907.
110 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier L…, IG, 1923.
111 Ibid., Dossier L.…, Laval, IG, 1933.
112 Gallouédec, Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907.
113 Thalamas (A.), Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907.
114 Lettre d’E.V., élève du lycée de L…, de 1929 à 1935.
115 JO 1938, Annexes, p. 1217.
116 A.D. Ille-et-Vilaine, A. L…, lycée d’Angers, 1909.
117 Ibid., B.B., St Servan, IA, 1909.
118 Ibid., IG, 1909, Dossier B…, IG, 1931.
119 JO 1925, 57e A, n° 206, p. 8664-65.
120 JO 1938, Annexes, p. 217.
121 Lettre de M. L…, élève au collège Chaptal, Paris, 1933-39.
122 Interview R.V., élève du lycée de L…, de 1937 à 1944.
123 Isaac (J.), Cours de Première, éd. Hachette, 1931.
124 Alba (A.), « Esprit critique et internationalisme », Actes du colloque J. Isaac, organisé par l’Université de Haute-Bretagne, Rennes, déc. 1977, Paris, Hachette, 1979.
125 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier A… R.
126 Ibid., Dossier F. B…, lycée d’A., IG Gidel, 1926.
127 Ibid., IG Gallouédec, 1928. « de très bonnes qualités, connaissances étendues et sûres, composition ferme, langue solide et pleine autorité et maîtrise ».
128 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Synthèse des dossiers. Leçon substantielle, nourrie (5f) méthodique (3f) culture étendue, actuelle (3f) autorité paternelle souriante (3f).
129 Ibid., Dossier A. R…, Rennes, Recteur.
130 J.O. 1925, 57e A, n° 206, p. 8664-65. Les instructions notent que, dans les classes supérieures, l’importance du manuel est moindre l’élève devenant plus capable d’« émanciper sa pensée ».
131 Girardet (R.), Le Goff (J.) et al., Essais d’ego-histoire, Paris, Gallimard, 1987.
132 Lettre de M.R., élève au lycée de L…, 1937-1944.
133 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Synthèse des dossiers, exemple : A…, St-Servan, 1912. « Bon enseignement donné sans brillant et ardeur, mais avec méthode et sérieux ».
134 Lavisse (E.), Conférence faite aux élèves de la faculté des lettres de Paris, juin 1884, op. cit.
135 « Je crois pour ma part que l’histoire est à la fois une science et un art… C’est la science qui décompose et analyse la vie. C’est l’art qui recrée la vie » déclare Monod lors de l’hommage qui lui est rendu en 1907 par l’ENS, RIE, t. 53, 1907, 2, p. 267.
136 Bougier évoque le souvenir d’Arago et de Fustel de Coulanges, Discussion de la conférence de Gallouédec, Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 141.
137 Ibid., « Le maître est un livre vivant, le livre est un tyran mort », p. 138.
138 JO 1938, Annexes, p. 1217.
139 JO 1925, 57e A, n° 206, p. 8664-65.
140 BSPHG, n° 81, nov.1934, p. 52-59.
141 Morizet, Déposition de la Société des professeurs d’histoire et de géographie à la Commission du surmenage, BSPHG, n° 63, mars 1930, p. 197-205.
142 BAIP, n° 1325, 1898.
143 JO, 1899, Documents parlementaires. Chambre SO, Annexe n° 866. Rapport II – Titre II.
144 « Les conseils de classe », RU, 13e A, 1904, 1, p. 112-116. L’article, signé « un inspecteur d’académie » expose les moyens de remédier à cette situation.
145 JO, 1925, 57e A, n° 206, p. 8651.
146 Cf. l’article de Briand (J.-P.), Chapoulie (J.-M.) et Peretz (H.), « Les conditions institutionnelles de la scolarisation des garçons entre 1920 et 1940 », op. cit.
147 JO 1938, Annexes, p. 1196-97.
148 Benda (J.), La jeunesse d’un clerc, Paris, Gallimard, éd. 1968. J. Benda est entré au lycée Charlemagne à Paris à onze ans, en 1878.
149 Weill (G.), « L’application des nouveaux programmes », RU, 15e A, 1906, 1, p. 107. « Pédagogie de contrainte, dit-on. Non pas, mais pédagogie de redressement et de direction », statuent les instructions de 1925. JO 1925, n° 206, p. 8651.
150 Lettre de H.R., élève au lycée de L…, 1937-1944.
151 Pecaut (F.), Notice « Exercice », Nouveau Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, éd. 1911.
152 BAIP, n° 1318, 1908, p. 350.
153 Lettre de M. L…, élève au collège Chaptal, Paris, 1933-39.
154 JO, 1925, 57e A, n° 206, p. 8665.
155 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier L. K…, lycée de Brest, IG Gidel, 1926.
156 Cahiers 82. 397, R. C…, Montluçon, classe de 3e.
157 JO 1925, 57e A, n° 206, p. 8669.
158 Troux (A.), « Enquête sur la méthode de notre enseignement », BSPHG, n° 78, janv. 1934, p. 161-171.
159 Morizet, Déposition de la Société des professeurs d’histoire et de géographie à la Commission du surmenage, BSPHG, op. cit., p. 203.
160 Lévy (R.), « Contre le devoir d’histoire », RU, 19e A, 1910, 2, p. 401-405.
161 Lavisse (E.), Conférence faite aux étudiants de la faculté des lettres de Paris, juin 1884.
162 Ibidem.
163 Bourdieu (P.) et Passeron (R.), Les Héritiers, les étudiants et la culture, Paris, éd. De Minuit, 1964.
164 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R), Dossier F. B…, Rennes, IG Gidel, 3/3/1926. « Ces résultats font grand honneur au professeur », note l’inspecteur qui trouve ensuite la leçon « vraiment excellente ».
165 Tourneur-Aumont (J.-M.), « Cours et conférences », RU, 30e A, 1921, 1, p. 197-205.
166 Citron (S.), Aux origines de la Société des professeurs d’histoire et de géographie, thèse de 3e cycle, Paris, 1974, p. 275-277.
167 A.D. Ille-et-Vilaine 1T (R). Dossier L. L…, 1905.
168 Ibidem.
169 Ibid., Dossier P. J…, IG Gidel, 1926.
170 Ibid., Dossier L. B…, Lorient, 1905.
171 « C’est au professeur d’étudier. L’élève reçoit. Le cours apparaît comme une étude de professeur transvasée dans un esprit d’auditeur », Tourneur-Aumont (J.-M.), « Cours et conférences », RU, 30e A, 1921, 1, p. 200.
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