Chapitre II. Les contenus d’enseignement
p. 83-140
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Index géographique : France
Texte intégral
1« Nous ne renonçons à rien mais nous voulons autre chose1 ». Cette phrase de Louis Liard, refusant de n’être pas classique et se voulant résolument moderne, condense l’esprit de la réforme des lycées et collèges mise en application par l’arrêté du 31 mai 1902 et résume la position majoritaire qui s’est dégagée des travaux de la commission Ribot. Cherchant à définir un nouvel équilibre, le plan d’études institue la diversification de l’instruction au sein d’un enseignement secondaire unique, correspondant à la diversité des aptitudes et des nécessités sociales. Assurant la reconnaissance des « modernes » en posant le principe d’égalité d’études – les termes de classique et de moderne laissent place aux termes de sections –, égalité consacrée par une même durée et une même valeur des études ponctuées par un baccalauréat unique à options, le nouveau système a pour but d’élargir la base sociale des établissements secondaires. À cet effet, les études sont organisées en deux cycles. Le premier, faisant suite au cours d’études primaires, c’est-à-dire offrant en théorie les mêmes possibilités à tous les enfants, rend possible une scolarité courte en mettant en place des modalités de sortie après quatre ans d’études secondaires. Les réformateurs y voient le moyen d’attirer vers les établissements secondaires une partie de la clientèle habituelle des Écoles primaires supérieures, issue d’une bourgeoisie modeste. Le second cycle, a contrario, permet aux élèves d’EPS de prolonger leurs études. Dans les deux cas de figure, ces combinaisons ne peuvent s’effectuer que si un enseignement sans latin, correspondant à l’ancien enseignement moderne, est proposé à ces enfants « d’un niveau moins élevé2 (sic) ». Offrant en outre une palette d’options en sciences et langues vivantes, le plan est présenté par ses concepteurs comme la conciliation – voire la réconciliation – des cultures littéraire et scientifique. De fait, il est un compromis entre une conception traditionnelle de l’enseignement secondaire et son nécessaire ajustement à la société moderne ; il garantit l’unité des études et la primauté des langues anciennes, principes essentiels de l’enseignement des humanités, puisque le latin est représenté dans trois sections sur quatre et qu’en même temps la liberté de choix permet de ne l’enseigner qu’à des élèves « capables d’en apprécier les bienfaits3 ». Cependant, il introduit des ruptures en mettant fin à l’exclusivité de la culture classique et à la continuité des études secondaires et supérieures. Au demeurant, l’introduction des cycles est la mesure la plus importante de la réforme, tant par son sens que par ses effets.
2L’organisation de ce dispositif conduit à un nouveau partage des disciplines et à une redéfinition des contenus et des méthodes. L’enjeu des nouveaux programmes de la matière historique est la transposition de l’enjeu de la réforme. Il s’agit d’adapter l’enseignement de l’histoire sans altérer ni son identité ni sa fonction au sein de l’enseignement dans lequel il s’inscrit. Nous avons vu l’ampleur que cette réflexion a prise dans les dernières décennies du siècle précédent. Le chemin est en partie débroussaillé et le plan d’études de 1890 a amorcé les principales orientations. C. Seignobos l’a d’ailleurs salué comme « la charte de l’enseignement historique4 », insufflant un nouvel esprit dont il va se faire lui-même le propagandiste zélé. En effet, douze ans après E. Lavisse, c’est à son tour d’inspirer la réflexion de la commission qui soumet au CSIP les nouveaux programmes. Républicain, l’homme est plus engagé en politique qu’E. Lavisse. Dévoué à la cause de la méthode, il exerce, selon l’expression de J. Isaac qui trace de son maître un portrait coloré, une sorte de « dictature pédagogique et méthodologique5 ». Ses centres d’intérêt débordent les études supérieures. Il écrit en 1906 dans un petit ouvrage, L’histoire dans l’enseignement secondaire : « Un des grands bonheurs de ma vie a été d’avoir collaboré à la transformation des programmes qui a achevé dans la méthode la révolution commencée en 1890 ». Dans cet opuscule, C. Seignobos édicte peu de grands principes mais décompose de façon minutieuse les choix et la démarche que suppose le nouveau programme. Considérant qu’un enseignement raisonnable exige qu’on sache la raison de ce qu’on enseigne, il propose la lecture qu’il a lui-même faite du cours secondaire pour confectionner un manuel conforme aux nouveaux besoins, transposant vingt ans de notes de cours d’agrégation et de travaux personnels. Ainsi disposons-nous d’une clé essentielle pour approcher au-delà des intitulés des chapitres, la cohérence du projet où la transformation des méthodes est au moins aussi importante que la modification des contenus.
Le plan de 1902
Les programmes
3En agençant la scolarité en deux cycles, le plan d’études conduit à redistribuer la connaissance historique traditionnellement répartie sur sept ans de façon à ce qu’elle forme un tout dans chaque cycle. Il en résulte une nouvelle périodisation et un nouveau choix des faits à enseigner. Comme il est inconcevable qu’un élève quitte le lycée ou le collège sans avoir parcouru toute l’histoire universelle et « acquis un bagage de connaissances, modeste sans doute, mais formant un ensemble complet en soi et utilisable6 », les études du premier cycle consistent en un resserrement de la matière historique sur quatre ans, tandis que le contenu du second cycle est redéfini. Les horaires d’histoire sont fixés à deux heures par semaine dans les sections A et B de la sixième à la troisième et dans les sections C et D des classes de seconde et première, Philosophie et Mathématiques. En seconde et première, les élèves des sections A, latin-grec et B latin-langues vivantes reçoivent deux heures supplémentaires d’histoire ancienne7 (tableau 6, p. 179).
4Dans le premier cycle, le programme d’histoire, comme dans les plans précédents, commence avec l’étude des peuples les plus anciennement établis en Orient qui, les premiers, ont fait usage de l’écriture. Mais toute l’Antiquité est dorénavant enseignée en sixième, alors qu’elle était auparavant répartie sur trois ans. La conception selon laquelle l’étude de l’histoire devait accompagner celle des langues anciennes n’a plus lieu d’être dans la perspective de l’instruction d’élèves moyens, venant aussi bien des classes primaires qu’élémentaires et n’apprenant pas tous le latin. Cependant les élèves doivent connaître les principales formes d’organisation des sociétés antiques dont l’héritage s’est transmis jusqu’à eux. L’accent est donc mis sur les principaux épisodes de l’histoire grecque et latine – par exemple les guerres médiques et la conquête romaine –, sur les grands personnages qui y sont associés et sur quelques formes matérielles de la vie sociale susceptibles de rendre familière une époque complètement étrangère à un nombre croissant d’enfants. Car comme l’avait souligné de façon remarquable A. Ribot : « Par vocation naturelle, tous les enfants de notre démocratie ne sont pas capables de vivre en communion avec les chefs-d’œuvre de l’Antiquité8 ». Néanmoins, leur entrée dans l’enseignement secondaire leur ouvre les portes d’une culture supérieure. Il faut donc permettre aux enfants non latinistes des divisions B qui n’auront pu « goûter les choses exquises du genre humain9 » grâce à l’étude des textes anciens, d’accéder de façon moins ardue à des pans de connaissance qui restent extérieurs à l’instruction primaire et leur faire partager la valeur exemplaire des civilisations antiques.
5Ce cantonnement de l’histoire de l’Antiquité à la classe de sixième est une innovation considérable. Des coupes sombres ont été effectuées dans le programme de 1890, notamment dans l’histoire de l’Orient et de la Grèce. Une grande partie de l’événementiel a donc été éliminée pour concentrer en moins d’un trimestre ce qui faisait l’objet du travail d’une année. Par exemple, l’étude des Phéniciens, en 1902, est centrée sur les traits les plus représentatifs, le commerce et les colonies. Des questions d’histoire grecque sont abandonnées, la période archaïque, la cité de Thèbes, le démembrement de l’empire d’Alexandre. L’histoire romaine, réorganisée, de façon plus thématique qu’événementielle, en deux ensembles, la République et l’Empire, tire mieux son épingle du jeu. Cette répartition reflète d’ailleurs le mouvement interne aux humanités par lequel le grec, dont le déclin a été amorcé dès 1880, devient, en 1902, un enseignement facultatif de la section A à partir de la quatrième. Certes, dans les sections A et B du second cycle, l’histoire ancienne est enseignée parallèlement à l’étude des langues mortes, mais l’histoire scolaire prend définitivement son indépendance par rapport aux humanités auxquelles elle était liée depuis plusieurs siècles. Il s’agit pour elle d’un tournant que certains historiens, comme C. Seignobos, souhaitaient mais qui, en définitive, n’a été rendu possible que parce que leurs vœux se sont conjugués à la volonté politique de transformer la nature et les contenus de l’enseignement secondaire.
6Proportionnellement, les autres périodes de l’histoire ont subi moins d’amputation. Cependant, est traitée en deux ans l’histoire jusqu’en 1789, alors que dans le programme de 1890, elle occupait les années de troisième, seconde et rhétorique. Le Moyen Âge, jusqu’en 1453, est le thème de la classe de cinquième : mille ans en une année scolaire, mais E. Lavisse avait très nettement exposé, lors de l’enquête de 1899, qu’il était « possible de faire de grandes économies sur le temps consacré aux Mérovingiens, aux Carolingiens et aux premiers Capétiens », l’histoire du Moyen Âge étant à peu près « inintelligible » (sic) sauf les grands faits10. Il semble avoir été entendu. Les chapitres de la première partie retracent essentiellement la lente constitution du royaume de France mais n’apportent aucune connaissance du haut Moyen Âge. L’existence de l’Empire chrétien d’Orient n’est pas plus mentionnée. La seconde partie, organisée thématiquement, épouse, pour l’étude de la Chrétienté au Moyen Âge, la même démarche que celle adoptée en sixième, le choix du concret et du simple. Enfin, les xive et xve siècles sont centrés sur la France (deux chapitres sur trois) et, à cause du « resserrement », la perspective nationale s’affiche beaucoup plus tôt – et donc plus longuement – que dans le programme de 1890, où elle n’était sensible qu’en classe de seconde.
7Pour les classes de quatrième et de troisième, il a fallu organiser une matière abondante (1453-1889). La coupure choisie entre les deux classes est celle de 1789. La scolarité du premier cycle se termine donc avec le centenaire de la Révolution et la date de 1889 est symbolique de l’enracinement de celle-ci. En quatrième, l’articulation du cours, fondée sur l’étude de chacun des trois siècles, induit une répartition trimestrielle. Les principaux États européens figurent au programme. Mais leur étude semble constituer une étape liminaire à la compréhension de la politique extérieure de la France, puisqu’après les avoir vus à la fin du xve siècle, on ne les retrouve qu’au xviiie. Il est précisé, comme le soulignait déjà E. Lavisse, que le professeur ne doit pas se perdre dans le dédale des guerres, s’il veut arriver au dernier chapitre, Louis XVI et la convocation des États Généraux. Le programme de troisième commence en effet en 1789, après un bref rappel des caractéristiques de l’Ancien Régime – grandes vacances obligent –. Après une étude de la France essentiellement politique qui correspond à la moitié du cours, l’étude se fait plus générale, tant spatialement que thématiquement. Enfin, le dernier chapitre de troisième, « Le gouvernement de la France au xixe siècle », n’est pas sans rappeler la fin du cours de Philosophie, parce que, concentrant à la fin des études du premier cycle les réalisations de la République française, – la presse, le droit de réunion et d’association ; la démocratie : le droit de suffrage ; l’instruction populaire ; le service militaire obligatoire ; la législation du travail depuis 1848 – il fait de la France l’apogée et le modèle de la civilisation. Sans doute n’est-il pas inutile de rappeler que la première obligation des professeurs était alors de finir les programmes.
8De l’ensemble des périodes historiques, il apparaît donc que l’époque contemporaine est la seule à ne pas avoir subi de contraction en 1902. Il est cependant difficile de comparer les nouveaux programmes avec les précédents : d’un part, ils ne s’adressent pas aux mêmes classes d’âge ni à des populations socialement identiques ; d’autre part, en raison de l’institution du second cycle, ils ne sont que le tremplin d’une connaissance plus fine. C’est la raison pour laquelle ils ont l’air de n’être que le squelette des anciens programmes. Le second cycle offre en effet la possibilité de reprendre cette étude, c’est-à-dire de réinvestir les acquis et donc de les consolider, éventuellement d’approfondir.
9Le second cycle couvre la période allant du xe siècle à la fin du xixe, et dans les sections A et B de seconde et première, l’étude respectivement de l’Orient et de la Grèce, puis de la République et de l’Empire romains. La répartition chronologique de l’ensemble du programme est très déséquilibrée puisque les deux dernières années scolaires sont consacrées à la période 1715-1889, soit moins de deux siècles. En seconde, au sein d’une étude générale des Temps modernes, est refoulé dans la quatrième partie « le xviie siècle où il ne s’est produit aucune transformation profonde, en dehors des révolutions d’Angleterre11 ». Cette formulation si explicite qu’elle en est abrupte explique que le règne de Louis XIV auquel E. Lavisse avait attaché son nom tienne une très modeste place (deux chapitres sur vingt-trois). Quant à la partie initiale portant sur l’Europe du xe au xve siècle, elle ne représente qu’une révision sommaire du Moyen Âge, sans doute par concession aux médiévistes, encore plus mal lotis que les antiquistes. Si l’on en croit C. Seignobos, les choses importantes commencent en première avec l’étude de la France de Louis XV, prolongée par celle de tous les grands États européens et de la formation des États-Unis. Dans l’esprit de la commission qui a préparé les programmes et suivant le conseil méthodologique de procéder à des « groupements de faits12 », cet ensemble munit les grands élèves d’une culture générale fournie. La seconde partie étudie la France du règne de Louis XVI à 1815. Il se dessine donc un plan thématique à l’intérieur du cadre chronologique d’un xviiie siècle élargi qui permet de suivre les mutations à l’œuvre et d’insérer la Révolution française dans une évolution à laquelle participent l’Angleterre, les États-Unis et l’Europe du despotisme éclairé. Cette périodisation allant de la monarchie au régime impérial intègre, en outre, 1789 dans un processus de transformation des institutions bien plus que de la société, dont l’étude n’est que l’item d’un chapitre. Elle reprend donc l’interprétation de G. Monod qui souhaitait établir un trait d’union entre la France de l’Ancien Régime et la France contemporaine et montre aux élèves les institutions en train de se transformer et de se renouveler.
10Les classes de philosophie et de mathématiques abordent la période de 1815 à 1889. On retrouve les deux thèmes majeurs de la classe précédente : une approche institutionnelle qui conduit à adopter comme périodisation interne la succession des régimes de la France : 1815-1848, 1848-1870, 1870-1889, aux dépens des rythmes propres aux autres histoires nationales, comme celles de l’Autriche-Hongrie ou de la Russie ; une approche géographique d’autant plus large que le programme, actualisé par rapport à celui de 1890, prend en compte l’expansion coloniale en Afrique et en Asie. En dépit des critiques dont il était l’objet, le dernier chapitre de l’ancien cours de Philosophie est assez textuellement repris. Le titre est cependant plus neutre puisqu’il s’agit dorénavant de traiter « les caractères généraux de la civilisation contemporaine ». En même temps, il est vrai que par rapport au programme de 1890, celui de 1902 s’affirme davantage comme la connaissance du monde contemporain, du moins européen, la place libérée par le fait que la Révolution soit traitée en première se trouvant occupée par le panorama des principaux États voisins de la France dans le dernier tiers du xixe siècle. Ainsi, comme nous l’avons constaté à propos du premier cycle, le programme d’histoire contemporaine est-il le seul à ne pas avoir été réduit par rapport au plan d’études antérieur. Alors que les élèves de rhétorique et de philosophie étudiaient la période 1610-1875, les jeunes gens en 1902 doivent connaître celle allant de 1715 à 1889. C’est sur ces programmes qu’ils sont interrogés au baccalauréat, une fois à la fin de la classe de première, une autre à la fin de la classe terminale. Les élèves de la section A ont, en fin de première, une interrogation supplémentaire d’histoire ancienne.
11Dans chaque cycle, les connaissances répondent aux objectifs du plan d’études de constituer un « tout ». Mais ce tout étant proche de l’infini dans une histoire qui se veut universelle, il a fallu faire des choix. Dictés par l’état de la science historique, ils résultent également de l’indispensable articulation entre les finalités et les contenus qui gouverne l’élaboration du savoir scolaire.
12C. Seignobos fait état de la sélection drastique que les concepteurs du programme ont opérée dans l’histoire générale, employant à plusieurs reprises le terme de « sacrifices13 ». De même dans le manuel qu’il rédige, il laisse tellement de choses de côté qu’il précise que ce sont des lacunes volontaires ! Il expose comment il a procédé. « J’ai fait cette étude suivant la méthode de la critique historique qui consiste à remonter aux sources contemporaines et à en faire la critique. J’ai recueilli dans les documents et les travaux de première main les détails caractéristiques et les déclarations des contemporains qui donnent une idée vivante et précise de chaque société et de chaque événement… J’ai pu renouveler la provision de faits caractéristiques certains dont l’enseignement doit être nourri14 ». Sa démarche qui associe un travail d’historien à un travail de pédagogue rend compte que les choix du savoir scolaire sont à l’intersection de deux types de contraintes. N’est retenu que ce qui est scientifiquement fondé et en même temps pertinent sur le plan didactique. Si, de 1890 à 1902, la référence scientifique est la même, l’enseignement moderne institué en 1891 est fondu en 1902 dans un système nouveau et les finalités assignées par les instances officielles à l’enseignement secondaire ont été précisées, notamment à partir des conclusions de l’enquête parlementaire.
13La matière des programmes d’histoire traduit donc d’abord la conception de l’histoire érudite qui établit et met en ordre les faits, c’est-à-dire ce qui s’est passé et qui a laissé une trace. Parmi les faits, les grands événements de la politique intérieure et extérieure sont les mieux connus puisque l’existence de documents qui ont été l’objet d’une politique d’archives systématique permet de les attester. Une fois les faits rassemblés, ils sont organisés de façon soit à décrire un état de choses à un moment donné, selon le mode du tableau, soit à retracer une évolution. Le tableau lui-même s’insère dans l’ordre chronologique que C. Seignobos, avec beaucoup de prudence – ou de naïveté ? – recommande de suivre, « parce que c’est celui dans lequel on est sûr que les faits se soient produits15 ». Dès lors ils parlent d’eux-mêmes puisqu’ils reçoivent leur sens de l’avant et l’après, post hoc ergo propter hoc, et donc de leur position sur l’axe du temps. C’est en vertu de cette conception que C. Seignobos peut écrire : « L’histoire fait connaître… elle décrit, elle montre ainsi la société, elle fait apercevoir »… et il ajoute : « l’élève voit16 ». Il voit pour ensuite comprendre, mais on ne peut s’empêcher de penser à ce qu’Antoine Prost écrit : « Pour C. Seignobos, il faut commencer par établir les faits, l’interprétation vient en second. C’est-à-dire qu’elle ne vient pas17 ». La tâche de l’historien est essentiellement narrative, et l’enchaînement qui se dégage de la narration est un enchaînement linéaire, de cause à effet, chaque question étant organisée de façon à montrer l’état des choses ancien et la « chaîne des épisodes » qui amène une situation nouvelle. Par exemple, l’étude de la Révolution consiste à présenter l’Ancien Régime, les forces en présence, – l’Assemblée législative, le roi, le parti républicain – et « à procéder ensuite comme pour une lutte entre deux États, en montrant les épisodes décisifs, les étapes (périodes) du conflit18 » – un chapitre est ainsi intitulé « la période monarchique de la Révolution », – enfin à décrire le régime nouveau, ici le gouvernement consulaire et impérial. Ce schéma étendu aussi bien aux faits de civilisation qu’aux événements politiques trouve dans la continuité chronologique des programmes scolaires un cadre idéal. Il doit rendre les élèves sensibles à la loi du développement et « aptes à se diriger dans la vie sociale et politique » puisqu’ils connaissent le processus des transformations19. Bien qu’insistant moins que G. Monod sur les solidarités avec les hommes du passé, bien que plus ouverte sur l’avenir, parce que, vingt-six ans séparant les deux écrits, les forces de modernité sont devenues plus perceptibles, la réflexion de C. Seignobos reprend fidèlement les principes de la Revue historique.
14La seconde considération dans l’établissement des programmes est d’ordre didactique. Dans le cas de ceux de 1902, le tri des connaissances a été fait en fonction de trois nécessités. La première était de ne conserver que ce qui avait une utilité incontestable, ce qui justifiait l’existence de l’histoire dans la société du xxe siècle. C. Seignobos, face aux professeurs de lycée essentiellement parisiens réunis au Musée pédagogique, justifie a posteriori en termes très nets l’économie générale du programme, et surtout le contenu des deux dernières années du second cycle, consacrées à la période 1715-1889, qui sont finalement une reprise des études de troisième. « Ce qu’il a le plus besoin de connaître en détail, ce sont ses antécédents historiques et ses alentours géographiques immédiats. Les évènements du xixe siècle agissent plus fortement sur la France contemporaine que ceux du douzième, les peuples européens plus fortement que les Chinois. Voilà pourquoi les rédacteurs du nouveau programme, voulant faire de l’histoire un procédé d’éducation politique, ont donné une part prépondérante aux deux derniers siècles, parce qu’ils sont plus voisins de nous, aux peuples d’Europe parce qu’ils sont en relations plus étroites avec la France20 ». Le message est clair, franchement moderne et franchement européocentrique. C. Seignobos ne drape pas sa pensée dans d’inutiles considérations philosophiques. L’exercice de la méthode lui a appris à les éviter.
15Sans doute aborde-t-on là la principale innovation du plan de 1902. Car s’il se coule dans le moule de la périodisation institutionnalisée au xixe siècle, l’importance qu’il accorde à la période contemporaine est une entorse aux traditions et aux règles de la profession historienne. La constitution de l’histoire contemporaine soulève en effet de nombreuses questions méthodologiques dont fait état E. Bourgeois21, venu d’ailleurs lui-même de l’histoire du Moyen Âge à l’histoire diplomatique du xixe siècle. Le terme est flou et les limites chronologiques sont mal définies. Faut-il appeler contemporaine l’histoire postérieure à 1789, alors que cette coupure n’a rien de scientifique ? Comment faire l’histoire d’un domaine si vaste ; peut-on y appliquer les habituelles modalités de la recherche ? Car la question essentielle est bien celle de la méthode. L’historien est « exposé toujours à juger sans avoir tout entendu22 », l’état des sources et le manque de recul rendent l’exercice de la critique plus incertain. En raison de ces préventions, l’histoire contemporaine et même moderne ne s’impose comme secteur de la recherche qu’au début du xxe siècle, lorsqu’à cause de la virulence du débat politique, il apparaît impératif aux historiens d’en faire un champ d’étude soumis, comme les autres périodes, à l’observation. Or cette défiance méthodologique est moindre dans le domaine scolaire comme le montre le fait qu’au fil des éditions successives du Petit Lavisse la partie contemporaine du programme d’histoire de France conquière une place croissante23. Le plan d’études de 1902 est donc l’occasion de donner au cours secondaire la même inflexion, dans la logique d’un enseignement affirmé comme civique et moderne. Cette décision à laquelle E. Lavisse
et C. Seignobos sont personnellement très favorables, comme l’indiquent les déclarations qu’ils ont faites devant la commission d’enquête, provoque en revanche les plus vives réticences de G. Monod. « On peut craindre qu’un cours trop développé d’histoire contemporaine ne devienne aisément un cours de politique24 ». E. Lavisse et C. Seignobos sont prêts à franchir le pas.
16Le choix d’accroître la part de l’histoire contemporaine dans les deux cycles de l’enseignement secondaire – et en amont dans l’enseignement primaire – illustre donc la capacité qu’a l’institution scolaire de produire son propre savoir même sans l’existence préalable d’un savoir scientifique de référence, quand cela lui apparaît une nécessité sociale. Comme l’a montré André Chervel à partir de l’enseignement de la grammaire25, la discipline scolaire a une autonomie relative par rapport à la science qui lui sert de matrice et ce processus d’autonomisation accentue entre les deux domaines les différences. La seconde nécessité présidant au tri des connaissances selon C. Seignobos permet de confirmer ce point de vue. L’enseignement de l’histoire « ne doit tenir compte que des événements capitaux qui ont laissé des traces profondes et durables26 ». Ainsi la réorganisation de la matière historique dans un sens finaliste se trouve-t-elle accentuée. La compression du Moyen Âge dans le programme de 1902 résulte de ce parti de « choisir son point de départ dans le présent pour expliquer le passé27 ». Si on peut admettre l’intérêt pédagogique d’une telle démarche, le terme d’« expliquer » ne manque pas d’interroger sur la lecture des faits. En outre, subordonnée en partie à la connaissance de la société dans laquelle vivent les élèves, l’histoire scolaire acquiert une valeur nettement instrumentale. Mais, cette évolution, dictée par les finalités, permet, selon les rédacteurs du programme, d’endiguer l’érudition.
17Enfin, il importe de choisir les faits dont l’assimilation est possible par les élèves. « Avant d’admettre un fait – on remarquera que le vocabulaire employé est le même, que C. Seignobos expose sa démarche scientifique ou pédagogique – on devra se demander d’abord quelle action éducative il peut avoir – ce sont les nécessités présentées ci-dessus –, puis si on dispose de moyens suffisants pour le faire voir et comprendre à l’élève. On devra écarter tout fait peu instructif ou trop compliqué pour être compris, ou sur lequel nous n’avons pas de détails qui le rendent intelligible28 ». Il faut prendre l’expression « faire voir » à la lettre. En effet, particulièrement pour le premier cycle, C. Seignobos se préoccupe de tout ce qui peut s’adresser à l’imagination visuelle. C’est la raison pour laquelle il demande de décrire, de raconter avec force de détails et d’éviter, a contrario, les formules abstraites, les listes de noms propres ou de dates. E. Lavisse avait déjà insisté sur l’intérêt du pittoresque et de la description dans l’étude des questions difficiles. Mais la réflexion de C. Seignobos va plus loin. Pour lui, le récit fait naître l’image, au sens où Cousinet dans le Dictionnaire de Pédagogie la définit en référence à l’associationnisme29, c’est-à-dire des sensations produites dans le cerveau, qui font naître des copies plus ou moins exactes d’elles-mêmes et viennent suppléer la difficulté à se représenter ce qui n’est pas des réalités. Les sensations, par association avec des images, conçues comme une sorte de copie du réel, aident à construire l’idée et la connaissance. C. Seignobos en donne de nombreux exemples, notamment dans la lettre qu’il écrit à E. Lavisse en 1883, où il développe le cas pour les notions d’institutions et de classes sociales. Il note : « Si l’on ne se représente rien, il n’entre dans l’esprit qu’une formule30 » ; des mots, dit-il plus loin, que les élèves emploient sans savoir ce dont ils parlent. Il faut donc faire naître des images fortes, et aussi justes. En effet, « si l’image est fausse, l’idée de l’institution est fausse ; or l’esprit ayant besoin de se figurer les choses pour construire des notions abstraites va s’imaginer instinctivement des hommes semblables à ceux qu’il est habitué à voir. De là ces assemblages monstrueux qui hantent la tête de tant de gens cultivés31 ». À l’intérieur des limites des théories de son époque, C. Seignobos est donc conscient de l’importance des représentations dans le processus cognitif.
18On est là au centre d’une véritable didactique car la prise en compte des processus cognitifs de l’élève rejaillit sur le choix du savoir scolaire et pas seulement sur les conditions de son enseignement. En même temps, c’est la nature même du savoir historique qui suggère à C. Seignobos cette réflexion dans la mesure où l’élève est finalement dans une situation comparable à celle de l’historien. Si l’histoire est d’abord une science descriptive, elle n’a pas les ressources des sciences expérimentales. Il n’est donné ni à l’historien ni à l’élève d’observer les faits. « En histoire, on ne voit rien de réel que du papier écrit32… » et le document lui-même ne permet qu’une connaissance indirecte, puisqu’il n’est que le signe de « l’impression produite par le fait sur l’esprit du témoin33 ». Dès lors, comme il ne peut y avoir d’enseignement expérimental de l’histoire, la nécessité de placer les choses avant les mots, précepte d’une pédagogie qui se veut non dogmatique, commande de privilégier les situations historiques concrètes. Ces considérations renforcent en conséquence le caractère factuel, événementiel et personnalisé du récit historique.
19Finalement, les élèves apprennent-ils, après 1902, plus d’histoire ? Ils étudient, tous, plus d’histoire des temps modernes et contemporains, ne serait-ce que parce qu’ils les parcourent deux fois. Quant aux élèves latinistes, ils étudient aussi plus d’histoire ancienne et à un âge où ils peuvent davantage l’approfondir. Tous brassent toutes les périodes, les échelles (sauf l’échelle locale) et une multitude de faits. Étudient-ils une histoire différente de celle qui a été enseignée à leurs aînés, moins militaire et diplomatique comme le souhaitait E. Lavisse en 1890 et plus attentive aux usages et aux croyances, aux caractères des sociétés ? L’énoncé des programmes ne permet pas de répondre nettement à cette question bien que, dans le premier cycle, la société et les formes de la civilisation fassent toujours partie des thèmes retenus et donc développés dans les manuels, ce qui fait écrire à Georges Weill : « L’histoire de la civilisation a pris heureusement la place qui lui revient à côté de l’histoire militaire ou politique34 ». D’autre part, les guerres, les actions politiques, le jeu des institutions sont à considérer comme des faits sociaux, au sens où ils expriment une psychologie collective. À partir des faits diplomatiques et militaires, « le professeur doit s’efforcer de faire comprendre… les différences entre les façons de penser, de vivre et d’agir qui furent propres à chaque époque35 », voire à chaque peuple. Si cette approche entend rompre avec celle des prédécesseurs36, la distinction entre l’histoire politique et l’histoire sociale ne fait pas partie de l’outillage conceptuel des historiens de cette époque. « L’histoire a pour but de décrire au moyen des documents les sociétés passées et leurs métamorphoses37 », déclare C. Seignobos, mais il ajoute que comprendre une société revient à : « Apercevoir les rapports qui unissent entre eux les hommes qui la forment : la division en classes, l’organisation du gouvernement, le recrutement du personnel, la répartition des opérations, le mécanisme des fonctions », toutes notions qu’il appelle lui-même les notions fondamentales de la politique. De façon encore plus nette, quand il affirme que faire acquérir par les élèves la notion de transformation sociale, c’est leur montrer qu’« une nation peut changer de gouvernement, de lois, d’institutions, même d’organisation sociale », il se réfère essentiellement à des phénomènes politiques parce que pour lui, ceux-ci sont inexplicables en dehors de la société qui les produit. C’est pourquoi le fait que l’histoire, au niveau des études secondaires, fît connaître « de front avec les grands événements, les mœurs de chaque temps38 » lui paraissait la meilleure introduction des études supérieures consacrées à l’histoire des institutions.
20En fait, l’histoire scolaire, au début de ce siècle, reste dominée par l’histoire des États, de leurs transformations et de leurs conflits, une histoire où n’est guère dépassé le stade de la description de la société. Si certains esprits en perçoivent les carences, comme A. Thalamas, s’exclamant à l’heure où la production historique sur la Révolution est renouvelée par les travaux de A. Mathiez ou de J. Jaurès : « On pourrait examiner l’histoire de la société française contemporaine car il ne suffit pas de mettre : état social de la France en 1789, pour que cela montre d’une manière complète les transformations profondes postérieures à cette date et qui expliquent seules l’histoire politique39 », bien des formes du social ne sont pas encore pensables. La conception de la diversité du monde ne répond pas davantage à nos schémas conceptuels. Les peuples non-européens n’existent que lorsque leur histoire croise celle des conquêtes de l’Occident. L’Europe seule concentre toutes les richesses morales et matérielles de l’humanité, et si l’on en croit le ministre G. Leygues, surtout « la petite partie du monde qui commence à la Grèce et qui finit à Paris et à Londres40 » ; l’Entente cordiale est en toile de fond. La conception étroite que les historiens de la méthode avaient du document, en les prévenant de s’aventurer hors des chemins balisés des archives françaises, ne les portait guère à des vues différentes.
21S’il est possible de dégager les lignes de force du programme de 1902 grâce à l’abondante littérature de C. Seignobos, la réalité est que le programme est livré aux professeurs sans qu’ils en aient véritablement le mode d’emploi. La théorie qui sous-tend l’enseignement historique est loin d’être connue de tous les enseignants. Le seul document officiel de référence, et donc la seule norme d’enseignement, est ce découpage de la matière selon les classes, cette juxtaposition de rubriques qui trace pour le professeur et les élèves un itinéraire obligé. Le réflexe professoral est de chercher des points d’appui et conduit donc à essayer de retrouver dans le programme modifié ce qui était enseigné dans l’ancien41, alors que la répartition selon les deux cycles et la proportion complètement nouvelle de chaque période induisaient une révision totale des cours. En outre, pour les concepteurs de la réforme, la rénovation de l’enseignement secondaire passe autant par l’esprit de l’enseignement que par les contenus. Il est nécessaire de réformer les procédés d’enseignement afin d’armer les lycéens et collégiens d’une méthode, plus encore que de connaissances générales. Ceci ne peut qu’inquiéter davantage les praticiens et il n’est pas certain que la diffusion de la brochure de C. Seignobos L’histoire dans l’enseignement secondaire auprès de tous les professeurs de lycée et collège ait contribué à les rassurer.
La place centrale des méthodes
22On retiendra la définition qu’H. Marion propose dans le Dictionnaire de Pédagogie, par extension du sens originel de chemins de la connaissance. Le terme « désigne l’ensemble des voies et moyens qu’on adopte, d’une façon expresse et réfléchie, pour accomplir une œuvre quelconque, pour mener à bien une entreprise42 ». Or, selon son avis, l’éducation demande particulièrement, en raison de l’enjeu fondamental qu’est la formation de la personne humaine, à ce qu’on agisse avec méthode, en suivant quelques lignes essentielles qui donnent un ordre aux choses qu’on enseigne et en facilitent l’assimilation par les élèves. Dans cette acception, la méthode se différencie des procédés d’enseignement. Mais ceux-ci, se référant à la pratique, à l’application des règles générales, font partie, de fait, de la réflexion.
23La question de la méthode a toujours été au centre de la pédagogie de l’enseignement secondaire puisque celui-ci a pour fin première de former l’esprit et de développer les aptitudes intellectuelles des élèves. Mais elle se pose en termes différents dans la mesure où on attend de la réforme de 1902 un renouvellement relatif de la population scolaire. Cependant, la raison essentielle n’est sans doute pas là. Le principe de la réforme est de moderniser l’enseignement secondaire. Aussi apparaît-il nécessaire de rompre avec certaines pratiques anciennes qui ne se justifient plus, quand on prend en considération les besoins de la société présente. C’est le cas notamment de la méthode catéchétique. Concernant à l’origine toute forme d’enseignement où les élèves apprenaient par cœur, elle n’a plus lieu d’être appliquée, si l’on en juge d’après le Dictionnaire de Pédagogie, que dans l’instruction religieuse. La modernisation de l’enseignement, indissociable en effet de sa laïcisation, impose de promouvoir des pratiques autonomes qui ne soient pas le simple décalque des procédés employés dans les collèges religieux et la rivalité avec l’enseignement privé passe par la pédagogie. Cela explique que la réforme des structures en 1902 soit mise à profit pour essayer de diffuser de nouvelles idées auxquelles, nous l’avons vu, une partie du corps universitaire porte de l’intérêt. On continue en même temps à se pencher sur les expériences étrangères. M. Tourneur intervient, dans le cycle de conférences sur l’enseignement de l’histoire et de la géographie, à propos de « l’enseignement historique à l’étranger » et principalement en Allemagne. Il en conclut que « le mouvement de rénovation l’emporte partout à des degrés divers43 ». Selon C. Seignobos, il est engagé en France depuis 1890 mais se heurte à la force de la tradition.
24Il est certain que G. Monod et E. Lavisse ont soulevé la question des méthodes de l’enseignement historique. Se demandant comment enseigner, ils se sont interrogés sur ce qu’était « savoir l’histoire. « Définissons ce terme : savoir son histoire. Lequel sait son histoire de deux écoliers dont l’un voit comment vivait et gouvernait un roi d’Angleterre à telle date, et l’autre récite par cœur le tableau généalogique des descendants de Guillaume Ier44 ? ». E. Lavisse, ayant présenté l’alternative en ces termes, ne juge pas utile d’y répondre. Son opinion, ici implicite, se retrouve à partir des recommandations qu’il donne aux professeurs : savoir pour l’élève c’est non seulement connaître, mais être capable de discerner, c’est-à-dire de hiérarchiser les faits et se forger une idée des choses45. Savoir l’histoire au sens strict dit C-V. Langlois, est impossible. On « ne sait que de l’histoire46 ». Pour que ces connaissances ne constituent pas un ensemble disparate et que l’enseignement ait quelque chance d’efficacité, il importe de fixer un certain nombre de règles. La réflexion sur les méthodes procède donc d’une volonté de rationaliser l’acte d’enseigner.
25La première règle est de « placer l’élève au point exact d’où il verra bien et comprendra vite47 ». Cela suppose, dans un programme donné, de déterminer des choix et de ne pas accumuler les détails. Pour ne pas s’égarer dans la multitude des faits, le professeur – et donc l’élève, du moins théoriquement – doit avoir une perception de l’ensemble de la question. Le maître doit « composer son cours48 », c’est-à-dire choisir ses points de départ et d’arrivée. C’est ce qu’E. Lavisse appelle la méthode démonstrative. L’expression n’est pas reprise dans les instructions ministérielles de 1908 qui s’attachent davantage aux procédés qu’aux principes mais il est signalé que le professeur d’histoire et géographie « devra éviter d’encombrer ses leçons de détails oiseux, mettre en relief les faits essentiels, ceux qui ont une portée générale et des conséquences lointaines, ceux qui ont eu sur la suite de l’histoire une répercussion certaine49 ». La dernière partie de la phrase rappelle la façon même dont les concepteurs du programme avaient procédé pour en établir l’économie générale. Si ces recommandations nous paraissent banales, il importe toutefois de préciser que les habitudes d’érudition qu’une partie des professeurs ont contractées pendant leurs études universitaires les prédisposent à un enseignement plutôt pointilleux et qu’il leur est demandé là un effort pédagogique.
26La deuxième règle est d’adapter l’enseignement à l’âge de l’élève. La période où s’organise en France un enseignement d’État voit la mise en œuvre des théories de la fin du xviiie siècle de Rousseau et Pestalozzi, dont les réformateurs se proclament héritiers. L’idée dominante de la pédagogie est qu’en matière d’éducation, il faut suivre la loi de la nature. Les procédés mécaniques comme celui d’apprendre par cœur sont des procédés artificiels. L’éducation intellectuelle doit suivre le développement mental, « mettre en jeu hardiment la raison de l’enfant, mais sans la susciter prématurément, car s’il importe qu’il apprenne à penser, il importe d’abord qu’il soit de son âge50 ». Cette conception ordonne l’activité du professeur. Avec les jeunes élèves, il recourt aux descriptions et récits, ce qu’E. Lavisse rassemble sous l’expression de méthode pittoresque et dont nous avons vu que C. Seignobos attend l’intelligence des faits historiques. Pour lui, c’est dans les classes de quatrième et de troisième que l’enseignement est le plus difficile car « les périodes étudiées requièrent des explications abstraites auxquelles l’esprit n’est pas prêt. Dans le second cycle, il est possible d’expliquer51 ». « À la fin seulement, en rhétorique et philosophie, il [le professeur] – pourra en toute liberté parler raison52 » disait E. Lavisse. Si on peut s’inquiéter du fait que l’abstraction soit si peu pratiquée, l’opinion qui prévaut est qu’en donnant le goût de l’étude historique par un enseignement concret et vivant, l’élève est préparé à accueillir plus tard d’autres connaissances. C. Seignobos, imaginant l’instruction idéale du degré secondaire, se fait l’écho de cette conception : « L’élève sorti de cet enseignement serait habitué à se représenter les hommes du passé comme des êtres, non comme des mots… Les ayant vus, il s’intéresserait à eux et se plairait à entendre parler d’eux ; il irait de lui-même à l’étude de leurs institutions53 ». En effet, appliquer à l’étude l’ordre cartésien de la progression des éléments de connaissance, des plus simples aux plus complexes, offre pense-t-on, matière à ce que l’esprit de l’enfant mûrisse en s’exerçant. Ainsi, se développe l’aptitude au savoir qui, dans une éducation dite désintéressée, est plus importante que le savoir lui-même54.
27La troisième règle, empruntée à Rousseau, est qu’il n’y a pas d’efficacité de l’éducation si celle-ci n’utilise pas les capacités d’activité propres à l’enfant. Certes, le rôle de l’activité dans la formation de l’intelligence n’est encore ni analysé scientifiquement, ni théorisé, mais l’expression de « méthodes actives », employée dans le plan d’études de 1880, en traduit la conscience empirique. En 1890, les instructions mentionnent : « dans l’enseignement historique, le péril c’est l’inertie de l’élève… le principal objet de la réforme doit être de stimuler l’enfant à l’activité55 ». Il faut tenir la classe en éveil. Dans cette optique, les instructions de 1908, pourtant très libérales et indicatives plus que normatives, proscrivent les procédés passifs qui condamnent l’enseignement historique à la monotonie et l’ennui et encouragent la paresse intellectuelle, à savoir la rédaction qui n’est que la reproduction d’un cours ou d’un manuel, la récitation mot à mot et le cours dicté, toutes formes qui étaient déjà dénoncées comme non éducatives par l’enquête de Himly et Levasseur en 1871 ! La parole du professeur apparaissant l’obstacle essentiel à l’activité de l’élève, le ministère tend à encourager la collaboration entre le maître et les élèves et le travail de la classe. « Le rôle du maître est de provoquer et de diriger l’effort intellectuel de l’élève, il n’est pas de verser des connaissances dans des mémoires dociles56 ».
28L’idéal pédagogique de l’activité dépasse cependant la lecture qu’en fait l’institution. L’activité suppose en effet un travail personnel de l’élève, une action réelle sur les connaissances qu’il a à assimiler. Dans la réflexion que C. Seignobos consacre à cette question, dès la rédaction de l’Introduction aux études historiques, ses propositions pour une pédagogie historique formant des intelligences actives vont bien au-delà de ce que les instructions officielles de 1908 indiquent. Rompre avec la primauté de la parole professorale, c’est faire autre chose qu’un cours, c’est faire travailler les élèves, c’est-à-dire les faire chercher, choisir, mettre en ordre et leur demander une véritable production. En conséquence, la pédagogie de l’activité que propose C. Seignobos repose sur des exercices qui, s’inscrivant dans les cadres que trace la spécificité de la discipline, sont envisagés en relation avec les étapes de la connaissance historique et celles du développement mental, de façon à exercer la pensée de l’élève. Il s’agit d’abord, à partir d’images et de récits, de développer l’observation, voire la capacité d’imaginer pour conduire l’élève aux premiers stades de l’analyse, identifier et caractériser. Puis des opérations mentales plus élaborées sont demandées, comparer, distinguer ; par exemple, à propos de la conquête romaine, un des exercices proposés consiste à faire ressortir la différence entre l’armée romaine et l’armée de Pyrrhus. En outre, l’élève est amené à élaborer des tableaux chronologiques ou des croquis géographiques. À ce propos, C. Seignobos insiste sur la nécessité d’éviter la reproduction servile de la carte57. La description qu’il donne des tâches de l’élève montre bien qu’il s’agit d’un croquis, c’est-à-dire de la transposition dans un langage graphique d’un certain nombre de données, obligeant l’élève à réfléchir sur ce qu’il choisit de représenter et selon quelles modalités il le fait – « il devra discerner les régions où ont dominé des groupes différents de façon à attribuer à chacun une couleur différente58 » – Enfin, l’élève doit être capable, dans un exposé, de mettre les faits en relation, c’est-à-dire de retracer une évolution. La nature des activités de l’élève est donc pensée à partir d’une progression des compétences. Tout le cheminement du projet pédagogique, tel qu’on le conçoit actuellement est en germe dans cette réflexion : la recherche des éléments de connaissance cohérents sur le plan épistémologique, la mise au point des exercices permettant de construire cette connaissance ; la vérification du travail – l’évaluation – la rectification éventuelle des erreurs.
29En outre, la définition d’un corpus d’activités propres à la discipline historique est un moyen d’affirmer l’indépendance de celle-ci par rapport aux autres matières. C. Seignobos s’indigne que les conditions de transmission du savoir soient restées en histoire celles du Moyen Âge avant l’imprimerie et enfermées dans des pratiques périmées. Mais il refuse des travaux qui soient le simple décalque de ceux mis au point dans d’autres disciplines : il est ainsi très hostile à la dissertation historique qu’il présente comme « un assez mauvais exercice, artificiel et superficiel59» et très méfiant à l’égard des pratiques rhétoriques qui « détournent l’attention des objets60 ». Il préfère qu’on utilise « le langage exact et sobre des sciences naturelles ». En fait, il souhaite que l’histoire s’affranchisse des études littéraires mais ne s’indigne pas qu’elle se rapproche des matières scientifiques.
30En effet, selon lui, l’enseignement historique ne peut reposer sur d’autre autorité que celle de la méthode. La méthode doit définir la pédagogie historique, parce que c’est par l’étude critique que l’histoire est pédagogique. Aussi plaide-t-il pour que la méthode historique, entendue comme processus de connaissance, entre dans les classes, pour que les élèves les plus âgés soient initiés à la confrontation des sources et à la critique des témoignages. « C’est ainsi qu’ils auront acquis l’habitude de ne pas tout croire sans examen, l’habitude de se défier s’il n’arrive pas à en connaître la provenance61 », habitudes qui pourront ensuite s’exercer dans les situations quotidiennes de la démocratie moderne : « il est indispensable qu’il puisse ne pas être la dupe et le prisonnier de son journal62 ». L’esprit critique prépare donc l’élève à exercer plus tard sa liberté de conscience. Pourtant, C. Seignobos ajoute que la critique des témoignages ne sera que ponctuelle et guidée par le professeur. Ces réserves, qui semblent mal correspondre à ses vues profondes, s’expliquent peut-être par le fait que l’opportunité de transférer dans les classes l’exercice de la méthode restait très controversée. C. Seignobos ne pouvait ignorer que G. Monod avait déclaré : « L’enseignement secondaire n’enseigne pas à faire l’histoire ; il ne peut qu’en enseigner les résultats. La critique historique doit être exclue de l’enseignement secondaire ou n’y figurer qu’accessoirement et accidentellement, soit qu’on indique aux enfants de quelle manière, grâce à quelles sources, on connaît l’histoire, soit qu’on leur indique les discussions auxquelles tel point important de l’histoire a donné lieu63 ». Les propositions de C. Seignobos, bien que modestes, concernent donc un point sensible : il est certain que le développement du sens critique est une arme à double tranchant, et qu’en ce sens il est peu compatible avec la fonction normative de l’enseignement.
31Prise dans sa globalité, la réflexion de C. Seignobos reflète cependant l’intérêt des milieux favorables à la réforme pour les méthodes dites « nouvelles » qu’ils opposent à la routine de l’ancien système. La Revue universitaire fait paraître une première liste d’exercices en juin 189664, inspirés des leçons de pédagogie que C. Seignobos fait à la Sorbonne. Mais le mouvement ne concerne que quelques professeurs qui se démarquent de l’institution. Parmi ceux-ci, A. Thalamas, jeune professeur au lycée de Saint-Quentin, relate dès 1893 sa propre expérience qui a eu, précise-t-il, l’aval des inspecteurs65. Fondée sur le constat que le cours ne peut rendre l’élève actif, la classe a comme partie principale les exercices et comme accessoires les procédés oraux, ce qui renverse l’ordre traditionnel de la séance et réduit le cours à vingt cinq minutes. Or ces innovations offrent après la réforme de 1902 des pistes pour insuffler un esprit nouveau dans l’enseignement secondaire. La tenue d’une conférence de Louis Gallouédec au Musée pédagogique en 1907 consacrée aux « méthodes et procédés de l’enseignement de l’histoire » est à ce titre symbolique. En effet, le musée, devenu depuis sa réorganisation en 1901, un office d’informations, est un haut lieu de la pédagogie et, avec la mise en application du nouveau plan d’études, la tradition des conférences pédagogiques reprise à l’intention des professeurs parisiens témoigne de l’extension de ses compétences à l’enseignement secondaire. C’est dans ce cadre qu’intervient L. Gallouédec, ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé en 1888, professeur au lycée Louis-le-Grand qui, auteur de plusieurs manuels, jouit de l’estime de l’institution. Acquis à la cause de la réforme, mais prenant acte du « désarroi momentané66 » qu’elle a provoquée, il se prononce personnellement, au cours de son intervention, en faveur des méthodes modernes, centrées sur l’activité de l’élève, notamment dans le second cycle. Il évoque les bienfaits de la « maïeutique collective67 », qui n’est pourtant présentée dans le Dictionnaire de Pédagogie que comme « une méthode accessoire qui ne peut en aucun cas remplacer la méthode ordinaire d’enseignement68 ». Certes, la remarque s’adresse aux maîtres de l’école primaire mais elle est révélatrice de la méfiance que la méthode de Socrate inspire. Très favorable aux procédés d’enseignement fondés sur l’utilisation d’instruments de travail au nombre desquels figure le manuel, L. Gallouédec propose de recourir également dans les classes supérieures aux exposés oraux et « à ces commentaires de textes importants, comme la Déclaration des droits de l’homme, qui éveillent et forment insensiblement, comme par occasion, l’esprit critique69. L’expression commentaire de texte70 surgit là, à la place des habituelles lectures commentées. L’idée d’une intelligence active éclaire les propos de L. Gallouédec. Il s’interroge en effet sur le mécanisme de transmission des connaissances et le fonctionnement du cerveau de l’enfant et soupçonne avec pertinence que l’histoire enseignée n’est pas l’histoire reçue. « Il ne faut pas considérer l’esprit humain comme une sorte de boîte qui se remplit de ce qu’on veut… Ce n’est pas en apportant à l’esprit de l’enfant une matière toute coordonnée d’avance qu’on fera naître chez lui des connaissances ordonnées, c’est en lui présentant des éléments en apparence décousus et en suscitant son désir et son pouvoir de les associer71 ». Reprenant la conception selon laquelle la connaissance se constitue à partir de l’association spontanée d’éléments, L. Gallouédec considère que la tâche du professeur est de provoquer le processus en tenant compte de l’âge des élèves. Aussi souscrit-il explicitement au programme d’exercices élaboré par C. Seignobos.
32La réflexion sur les méthodes ne manque donc pas d’éléments novateurs, dont la discussion qui suit la conférence montre toute la hardiesse. Les professeurs parisiens ne sont pas prêts à accueillir les propositions qui remettent si radicalement en cause leurs pratiques et les représentations de leurs fonctions. Si L. Gallouédec est brillant, comme peut le laisser penser sa carrière ultérieure où, dans la fonction d’inspecteur général de la discipline de 1911 à 1931, son influence va prendre toute sa mesure, il n’a, en 1907, que trente-trois ans et est sévèrement contré par ses collègues chevronnés. Du débat, fuse la crainte que le désordre s’installe dans la classe et que les élèves aient une image de l’histoire confuse, en raison de l’éclatement des activités. L. Gallouédec a lui-même abordé ces risques72, espérant ainsi désamorcer les objections mais ses interlocuteurs ont repris la balle au bond.
33Tout d’abord, les professeurs estiment que toutes les méthodes se valent. Seul Thalamas ne se rallie pas à cette opinion générale, qu’expriment notamment Malet et Kergomard, professeurs au lycée Louis-le-Grand, Moniot et Cahen, professeurs au lycée de Reims. En conséquence, ils considèrent avoir le droit de choisir leurs méthodes. C’est leur liberté73. Cahen insiste sur le fait que dans la réalité – et il cite l’exemple de ses classes – les principes d’enseignement diffèrent selon les élèves74. Au nom de cette liberté, les enseignants sont hostiles à tout texte officiel qui leur imposerait des règles de conduite et les exposerait au désaveu de l’Administration. L’absence de texte normatif les protège, pensent-ils, de l’intrusion des proviseurs et des inspecteurs d’Académie dans des domaines où ceux-ci n’ont aucune compétence. L. Gallouédec retourne l’argument en disant que des instructions officielles, écrites mais non rigides, seraient au contraire une garantie. De même, Thalamas y voit une sécurité pour les maîtres qui appliquent les méthodes expérimentales et modernes75. Affirmant cela, il suppose que l’institution trancherait en faveur des méthodes nouvelles, alors qu’en fait elle se refuse à franchir le pas pour ne pas heurter le corps professoral. En effet, malgré l’intérêt pour la question, sourd une certaine inquiétude.
34La réserve des professeurs réunis au Musée pédagogique à l’égard de la pédagogie de l’activité transparaît dans la façon dont ils défendent le cours, la forme la plus courante d’enseignement. Le cours est la parole vibrante du professeur. Supprimer le cours, faire travailler l’élève avec des livres, c’est, s’exclame Malet, « réduire à néant le rôle du maître, le livre vivant » et lui substituer « un maître mort76 », remarque d’autant plus intéressante qu’elle nous indique à quel rôle devait se cantonner selon lui les manuels qu’il était en train de rédiger. Plus loin, il emploie l’expression « s’inféoder à un manuel » où se dessine la crainte de perdre son pouvoir de professeur, pouvoir que fonde le verbe. « Le cours, quand il est fait comme il doit l’être… ne laisse pas l’élève passif77 ». Il n’y a pas de mauvaises méthodes, il n’y a que de mauvais professeurs et le fait qu’il y en ait ne doit pas priver les autres des moyens d’exercer leur rayonnement. Comme on est loin des vœux de C. Seignobos qui conseillait au professeur de « réserver son effort de parole pour les questions qui lui plairont », mais qui n’avait pas beaucoup d’illusion puisqu’il ajoutait que la méthode qu’il préconisait était « inconciliable avec l’habitude prise dans les classes d’histoire d’opérer exclusivement par la parole78 ».
35Il semble en fait que les interlocuteurs n’abordent pas la question sous le même angle. La conclusion de la conférence de L. Gallouédec fait nettement apparaître qu’il recherche des voies nouvelles pour mettre en œuvre les principes généraux de l’enseignement de l’histoire. Ses propositions s’inscrivent dans une perspective de rénovation des études où la réforme des méthodes est le complément nécessaire de la réforme des contenus engagée depuis 1902. Voulant que l’enseignement mette les élèves face à leurs responsabilités de citoyens, – et non seulement l’élite, mais « la masse qu’il faut former malgré elle, pour ainsi dire, en forçant son attention et son intérêt… en la contraignant à devenir active79 » –, il s’interroge sur la pratique du cours. Ce sont donc des considérations idéologiques qui sous-tendent son discours, ce qui explique que la phrase finale de son intervention évoque l’intérêt de l’enseignement public : la démocratie demande qu’on enseigne autrement. Mais cette question de la philosophie de la réforme tend à être évacuée dans la conférence au profit des aspects plus techniques, aussi bien par l’orateur que par l’assistance, parce que l’enseignement est d’abord une pratique. Or, plus encore que le programme de L. Gallouédec, la méthode nouvelle de C. Seignobos dont il attend lui-même qu’elle marque une révolution de l’enseignement historique n’est qu’un système théorique. Faut-il rappeler qu’il n’a jamais enseigné en lycée et que J. Isaac notait, au demeurant sans aucune méchanceté, « assis dans une chaire de lycée, le beau chahut que ce petit bonhomme eût déchaîné80 » ?
36Les instructions ministérielles de 1908 ne suivent pas une réflexion aussi hardie. Dans leur présentation, le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Gaston Doumergue, précise qu’elles sont « inspirées par l’expérience commune que la pratique de l’enseignement a donnée aux inspecteurs comme aux professeurs eux-mêmes81 ». Dès lors elles restent très proches de celles de 1890 dans leur esprit. Beaucoup plus courtes que les précédentes, elles évacuent les principes généraux resserrés dans deux paragraphes finals et exposent les procédés d’enseignement considérés « comme les plus efficaces et les plus pratiques82 ». Au cas où C. Seignobos ou Gallouédec auraient fait école, il est expressément mentionné « le manuel ne peut être substitué, dans le travail de la classe à l’action et à la parole du maître et devenir l’élément unique de l’enseignement. Dans les divisions du second cycle, il ne saurait être question de proscrire la leçon magistrale83 ». Quant aux exercices dont C. Seignobos avait présenté tout un panel dans le dernier chapitre de L’histoire dans l’enseignement secondaire, ils deviennent des devoirs instamment recommandés, au moins une fois ou deux dans chaque trimestre, un rythme d’activité que les élèves devaient pouvoir supporter sans trop de peine. Pourtant, C. Seignobos a semé des idées car les exemples d’exercices que citent les instructions reprennent ceux qu’il avait rassemblés : exposer un ensemble de faits, dresser un plan ou un tableau chronologique, comparer des époques. Mais, dans la mesure où les conditions de réalisation ne sont plus du tout celles qu’il avait envisagées, l’esprit même est dénaturé. S’étonnera-t-on que son manuel ait eu si peu de succès ?
37La question des méthodes fait partie des enjeux de la réforme de 1902. L’opinion commune reconnaît la nécessité d’une méthode, au sens d’un principe d’ordre qui, organisant la matière à enseigner, la rend plus facilement assimilable par l’élève et contribue donc à développer ses facultés et à lui faire contracter, par imprégnation, des habitudes d’esprit. Cependant, cette unanimité sur l’importance de la rigueur dans l’enseignement conduit à confondre l’amélioration des méthodes avec l’amélioration des procédés de transmission : exposer avec plus d’ordre et de clarté, introduire plus de vie. Mais, pour ceux qui considèrent que les finalités sociales de l’histoire scolaire importent autant que ses finalités intellectuelles, les méthodes sont à repenser de façon à ce que l’histoire enseignée devienne un processus de connaissance, conduisant l’élève à juger et agir plus tard en connaissance de cause. Ces préceptes sont dans la logique de la conception positive du savoir. Au lieu de prendre « les résultats de la science pour les éléments de l’enseignement84 », il faut mettre l’élève en situation d’observation des faits, d’où jaillit leur intelligibilité. À la vérité imposée, s’oppose la vérité trouvée.
38Appliquant à la lettre cette philosophie qui inspirait toutes les réformes de l’instruction républicaine et laïque, C. Seignobos a posé les questions majeures : Comment se fait l’histoire ? Qu’est-ce que la vérité en histoire ? Pour y répondre, il propose de fournir aux élèves les matériaux avec lesquels l’histoire est construite. Quelques voix isolées lui font écho lors de la conférence relative aux méthodes sans avoir de réponse85. L’enseignement est écartelé entre sa mission intégratrice et son rôle d’éveilleur. Quatre-vingts ans plus tard, il est enfermé dans les mêmes contradictions ; l’éducation historique ne prévoit pas de donner aux Français une conscience historiographique qui les doterait d’une mémoire critique.
« 1902 ou le triomphe passager de quelques maniaques modernistes
et scientistes français86 ? »
39Cette remarque acerbe de Charles Péguy situe l’état d’esprit avec lequel une partie des intellectuels français ont accueilli la réforme. Bien loin de mettre un terme au débat, le nouveau plan d’études fait rebondir la question des humanités et des méthodes qui va s’envenimer au cours de la décennie. Si C. Péguy exprime à travers Notre jeunesse ou L’argent une rancœur en partie personnelle qui se traduit dans la loghorrée persiflante dont il fait preuve contre E. Lavisse ou C-V. Langlois, il reproche à l’enseignement supérieur d’être dénué de toute valeur spirituelle et subordonné à des intérêts temporels. Nostalgique de l’enseignement secondaire qu’il a connu, il craint que « l’envahissement de la barbarie » n’y submerge la culture. Car le « parti intellectuel » règne sur l’Université comme en politique, impose son commandement, alors que ce despotisme ne repose que sur une « métaphysique grossière87 » et l’illusion de croire que la critique et les méthodes scientifiques peuvent épuiser le réel. Ainsi se retrouvent sous la plume de l’écrivain les attaques que les partisans de la culture classique conduisent contre L’esprit de la Nouvelle Sorbonne, selon le titre que donnent Henri Massis et Alfred de Tarde88, sous le pseudonyme d’Agathon, à l’ouvrage regroupant les articles qu’ils ont publiés dans l’Opinion du 13 juillet au 31 décembre 1910. Influencés par les idées de Charles Maurras, ces deux jeunes étudiants de la Sorbonne critiquent violemment l’institution universitaire, comme le fait pour l’Action française Pierre Lasserre89, agrégé de philosophie et docteur ès lettres. Parallèlement, l’agitation est entretenue dans la rue au sein des étudiants parisiens par la Ligue de l’Action française.
40En raison de sa position de force à l’Université, l’histoire est la cible privilégiée ; elle est accusée de contaminer par sa méthode l’enseignement supérieur et notamment l’enseignement des lettres où la prépondérance que Gustave Lanson accorde à l’histoire littéraire dans l’approche de l’œuvre apparaît comme une négation de la culture du goût. Les historiens sont conspués pour la stérilité de leurs travaux d’érudition, leur sécheresse, leur manque d’ampleur. Ce sont des travaux manuels, le système des fiches est stigmatisé, des travaux de « tâcherons90 », qui sacrifient le talent, menacent la culture intellectuelle et donc le génie national. La culture française est avant tout philosophique et littéraire ; elle ne se satisfait ni de la « paperasse », ni d’un entassement de faits d’où sortiraient des manières de penser et de sentir objectives91 ; « elle veut un ordre, des idées maîtresses, clairement et sobrement énoncées ». C’est l’opposé de la lourdeur germanique qu’ont imposée l’Université et le professeur « juif et huguenot », G. Monod, « fourrier des méthodes allemandes en Sorbonne92 », accusé d’avoir rejeté dans l’ombre l’œuvre de Fustel. « Pendant quinze ans, l’insecte a vaincu le lion93 ». Or, « la bataille de Fustel » provoquée par la décision de l’Action française de célébrer le soixante-quinzième anniversaire de la naissance de Fustel de Coulanges montre l’affrontement de deux conceptions de l’intelligibilité de l’histoire, l’une la postulant dans la constance de la nature humaine et la force des héritages, l’autre dans le progrès des sociétés. Pour les maurrassiens, l’histoire de la Nouvelle Sorbonne n’est qu’un « credo historico-politique94 », soumis à la loi de l’évolution. Proscrivant, selon eux, l’idée, l’interprétation et l’élégance du style, l’histoire des E. Lavisse, A. Aulard, C. Seignobos marque la victoire de l’esprit anti-classique et est une atteinte à la culture de l’intelligence. La confusion de la pédagogie et de la science en est une autre manifestation, et C. Péguy s’élève véhémentement contre la réorganisation de l’École normale supérieure en 1903, la réduisant à n’être plus qu’une annexe pédagogique de la Sorbonne95.
41La réforme de 1902 n’est elle-même analysée dans les écrits nationalistes que comme une étape supplémentaire du déclin de la culture française, d’une part parce qu’elle entraîne une crise des humanités qui sont pour les Français leurs « défenses naturelles96 », c’est-à-dire les sources de leur identité menacée, d’autre part parce qu’elle tend à abolir la distinction entre le primaire et le secondaire, « le barbare et le civilisé », puisque l’élève du secondaire n’est plus qu’un « primaire abruti, tatoué de textes, dénationalisé97 ». S’il est certain qu’avec les attaques de l’Action française, l’hostilité du plan d’études de 1902 prend une dimension idéologique nouvelle, la réforme faisant partie de la mainmise de l’« État métèque98 » sur le gouvernement de la France, les failles du nouveau système sont dénoncées dans des sphères plus larges que celles de l’extrême-droite. Dès la mise en application de la réforme, rejouent les clivages entre classiques et modernes.
42Le diagnostic le plus défavorable est celui de la « crise du français ». Le thème apparaît dès 1907 dans la Revue universitaire sous la plume de professeurs qui s’inquiètent des effets de la suppression de la rhétorique99. Il trouve ensuite un écho élargi dans l’article de l’académicien Émile Faguet, paru dans la Revue des deux mondes le 22 septembre 1910. Assimilant l’enseignement secondaire à un enseignement primaire supérieur, quelques mois après le décret du 28 avril 1910 instituant l’accès direct aux grades de l’enseignement supérieur des Lettres et des Sciences des diplômés des baccalauréats délivrés antérieurement à 1902 (donc du baccalauréat moderne) et des diplômés de l’enseignement primaire, le verdict de Faguet ne manque pas d’alerter tous ceux pour qui une équivalence ne peut remplacer la culture secondaire et en première ligne desquels se trouvent les professeurs de l’enseignement secondaire eux-mêmes100. Aussi la publication du décret va-t-elle contribuer à amplifier l’opposition à la réforme, les adversaires de celle-ci y voyant une incitation au moindre effort, aggravant l’affaiblissement de la culture générale et la baisse du niveau des études secondaires.
43La critique de la spécialisation relève de la même appréciation. Perçue comme un renoncement à l’idéal des humanités que semble entériner l’institution en 1907 de licences spécialisées à la place de la licence ès lettres, l’orientation des études secondaires vers un enseignement de spécialités, terme qui remplace souvent celui de discipline, apparaît accrue par certaines dispositions introduites en 1902, provoquant des doléances dont la RIE et la Revue universitaire se font l’écho ; l’établissement de la durée des classes à une heure morcelle l’enseignement ; la suppression de facto d’un professeur principal dirigeant les études qui était avant la réforme celui qui enseignait les trois langues classiques, le français, le latin et le grec, empêche de diriger – de modeler ? – les esprits… et les consciences. Enfin la multiplication des matières accroît la charge de travail tout en entraînant une dispersion de l’effort. La lourdeur des programmes produit le même effet. G. Monod, lui-même par exemple, considèrait que le programme d’histoire manquait d’idées directrices101. De fait, l’unité de la connaissance à laquelle aspiraient les encyclopédistes n’a pas remplacé l’unité des études qui caractérisait l’enseignement secondaire lorsqu’il s’organisait autour de l’étude des textes anciens. Aussi les adversaires de la réforme ont-ils beau jeu de proposer une « éducation intégrale », quitte à en dévoyer le sens et à faire d’un projet d’éducation libertaire un élément de leur propagande nationaliste.
44Moins de dix ans après la réforme, on peut penser, comme le fait C. Péguy, qu’elle est condamnée. Les demandes de révision se multiplient, soutenues par des ligues telles que « Les Amis du latin » ou « Pour la culture française » où se retrouvent Péguy, Massis et de Tarde, et par des associations comme la Société franco-ancienne qui défend les traditions classiques. Même le Comité des Forges se plaint que les ingénieurs soient incapables de présenter leurs idées dans des rapports clairs et bien rédigés. Face à cette levée de boucliers, se constitue en juillet 1910, à l’initiative de Ferdinand Brunot, « la Société des Amis du français et de la culture moderne » qui édite une brochure au titre significatif, l’Éducation nouvelle. Plusieurs enquêtes sont conduites, avant que la discussion du budget de l’Instruction publique en février 1911, offre à son rapporteur devant la Chambre, Steeg, l’occasion de tenter de mettre un point d’orgue au débat102. Il préconise une position de juste milieu, réaffirmant, comme ses prédécesseurs, la double nécessité de défendre les traditions de culture générale et d’adapter les programmes aux modifications de la vie économique et sociale. Devenu ministre de l’Instruction publique peu de temps après, il maintient la réforme et le décret sur les équivalences, mais propose un allègement et une plus grande coordination des programmes.
45Si, en raison d’autres urgences, le débat perd de sa virulence après 1911, les difficultés auxquelles certains professeurs ont été confrontés dans l’exercice de leurs fonctions ont contribué à alimenter l’opposition à la réforme. Il est à noter que si la Société des professeurs d’histoire et de géographie ne se constitue pas contre la réforme, elle naît toutefois de la remise en cause de ses conditions d’application, dans lesquelles les professeurs voient des menaces pour leur enseignement, s’inscrivant ainsi dans l’essor des corporatismes que paradoxalement, la réforme de 1902, en donnant plus de poids à des disciplines jusque là mineures, provoque103.
46Pour la majorité des enseignants, les préoccupations essentielles ont été liées aux transformations concrètes qu’introduisaient le nouveau plan d’études et particulièrement l’institution des deux cycles. En effet, soit il en résultait une surcharge des programmes du premier cycle et tout risquait d’être vu de façon superficielle – « Les anciens disaient sagement non multa sed multum. Le système des cycles a renversé la formule : non multum sed multa104 », écrit Dupont-Ferrier – soit la matière historique, d’où les rédacteurs du programme avaient voulu évacuer la nomenclature, devenait confuse, et la plus grande partie des élèves concluaient que « les faits, les noms et les dates n’ont aucune importance105 ». Les professeurs ont donc dû élaguer, ce qui a supposé de leur part un travail de recomposition. S’il est probable qu’il a pu être fait, comme semble l’attester l’expérience de Georges Weill, déclarant : « Nous qui étions habitués à enseigner avec l’ancien programme, nous avons dû réfléchir sur les coupures les plus justifiées, comparer les divers ordres de faits, choisir ce qui devait rester106 », certains choix ont été improvisés. Albert Malaurie, professeur agrégé au Lycée de Brest, écrivant à la Revue universitaire pour proposer quelques retouches des programmes, note : « Pratiquement, chacun organise son cours à sa fantaisie et expose brièvement ou rapidement les questions qui l’intéressent le moins pour donner tout son temps à celles qui l’intéressent le plus107 ». Généralise-t-il à partir de son cas personnel ? Il est difficile de le savoir, puisque ne se sont exprimés dans les revues que les professeurs dotés d’une certaine notoriété et il n’est pas rare que ce soit ceux qui étaient présents aux conférences pédagogiques de 1907. On ne peut retenir que quelques impressions dominantes livrées par les contemporains.
47La périodisation adoptée, conséquence elle aussi de l’organisation des cycles – nous l’avons montré – rend perplexe plus d’un professeur108. L’histoire ancienne, parcourue en une seule année, laisse les élèves des sections C et D du deuxième cycle, le futur « état-major du travail » – ignorants de l’Antiquité. On comprend que, celle-ci étant perçue comme le socle de la culture générale, cet état de faits ait alimenté la thèse de l’appauvrissement et de la primarisation du secondaire. L’histoire médiévale, plus encore que l’histoire ancienne, est devenue, semble-t-il, inintelligible en raison des coupes qu’elle effectue en cinquième et en seconde. Le programme d’histoire contemporaine est trop chargé et accumule les faits. Or cette surcharge des programmes nuit à l’élève qui consacre de moins en moins de temps au travail personnel, à la véritable étude.
48Toutes les appréciations ne sont cependant pas aussi pessimistes. Ne serait-ce que par son horaire, l’histoire a été valorisée. Certains professeurs s’accommodent aisément de l’unité horaire. Mais le plus positif ne tient-il pas dans une note de J. Kergomard, élève à Louis-le-Grand de 1880 à 1885, professeur d’histoire et géographie au même lycée depuis mars 1911 ? Parmi les conséquences du plan sur les études, il signale : « Les rapports entre élèves et professeurs sont devenus plus intimes, plus confiants… Jamais l’idée ne me serait venue d’aller demander une explication supplémentaire à un de mes professeurs, ou lui parler des faits du jour109 ». Est-ce là l’aurore d’une pédagogie de la liberté, telle que Lavisse la prônait en 1899 devant la commission d’enquête ?
49La réforme n’a pas modifié la nature de l’enseignement secondaire. Il reste un enseignement général et désintéressé parce que tous conviennent qu’il doit former l’esprit, le rendre libre et l’éclairer, qu’il est une discipline au sens où il soumet la raison à un exercice. Toute autre orientation le déprécie et donc le dénature. Mais à partir du moment où se définissait ainsi l’identité de l’enseignement secondaire, il n’était pas très difficile pour les adversaires de la réforme de s’appuyer sur cette conception pour alimenter la polémique contre l’esprit qui avait présidé à l’organisation des programmes. Il revenait alors aux mandataires de l’Instruction publique la charge de justifier le bien-fondé de la politique du ministère, dans les conférences ou les publications pédagogiques. Ainsi, H. Marion écrit-il à l’intention de ceux qui s’étonneraient de l’intrusion de considérations sociales dans une formation intellectuelle : « La formation de l’esprit civique est une fin relativement particulière qui se justifie en elle-même et par des raisons spéciales d’ordre en partie historique et temporel110 ». Sans doute, pense-t-il qu’en ce début du siècle, les raisons spéciales ne manquent pas. Et si, comme il l’ajoute plus loin, cette éducation civique a toujours été faite parce que former un homme est former un citoyen, les termes de cette seconde proposition peuvent-ils s’inverser ? Oui111, bien sûr pour des hommes imprégnés d’humanisme et des idéaux de 1789, mais l’autre France fait une autre lecture. Dans un contexte où l’animosité entre les deux camps est renforcée par la suppression de l’enseignement congréganiste, le plan d’études de 1902 met quelquefois les enseignants dans une situation délicate. Pas plus qu’E. Lavisse, ils ne séparent toujours politique et histoire. S’il est clair qu’A. Thalamas déclare cela pour se défendre112, son cas n’est pas un cas isolé, même si à cause des menées du député nationaliste Georges Berry – et peut-être de sa propre personnalité – il a pris des proportions graves. A. Thalamas lui-même, en 1907, fait état de plusieurs incidents où les autorités académiques et le ministère, pris dans leurs contradictions, n’ont pas soutenu les professeurs113. Un autre intervenant confirme les propos d’A. Thalamas, en soulignant que des associations catholiques surveillent l’enseignement de l’État, et cite comme exemple le Sillon. Pour lui, il est difficile d’« éviter d’avoir des affaires114 ». Cependant la majorité des présents qui participent à la discussion de la conférence de C. Seignobos considèrent que c’est le professeur lui-même qui est responsable, plus que les programmes, puisqu’il n’a à enseigner que les points historiquement solides. La question est toutefois suffisamment sensible pour qu’à deux reprises elle rebondisse malgré le rappel à l’ordre du jour. Elle montre combien, traversé d’enjeux sociaux et politiques, l’enseignement historique déborde souvent du cercle des praticiens et s’expose implicitement à un droit de regard de la société – ici les pères de famille honorables et les pouvoirs locaux – droit de regard qui s’exerce par une surveillance étroite des autorités administratives, comme nous l’avons constaté précédemment. Il est certain que, sans même prendre en compte le débat historiographique qui opposait les maurrassiens à l’histoire méthodique, plusieurs affaires attachées aux noms d’agrégés d’histoire, comme Syveton ou Hervé115, ne contribuaient pas à donner de Clio une image d’impartialité.
50Le plan de 1902 a vécu vingt ans, non pas parce que les modernistes ont triomphé plus longuement que ne le pensait C. Péguy. L’ambition de l’Université positiviste d’offrir à l’esprit des « réalités116 » sur lesquelles il pût s’exercer n’a rejailli sur les programmes scolaires que dans les disciplines où le « faire » ne menaçait pas le « dire » auquel depuis des siècles avait entraîné l’art du discours. Le plan se veut en quelque sorte un point d’équilibre mais dans le court terme, il est loin d’être la pause espérée et relance la controverse sur l’enseignement secondaire et supérieur et au-delà sur la nation française.
51L’émancipation de l’histoire scolaire par rapport aux humanités classiques, le statut privilégié de l’histoire contemporaine, la volonté d’introduire plus d’intelligence dans un enseignement déconsidéré par la prépondérance de la mémorisation entrent dans la logique de la réforme. En même temps ces options s’inscrivent dans la continuité de l’œuvre de V. Duruy. L’étude de l’histoire doit être utile à la chose publique, sans se confondre avec l’éducation civique. Globalement, le programme de 1902, si on s’en tient au strict libellé des questions à étudier, suit cette ligne. Mais le fait que la demande d’un enseignement civique distinct de l’enseignement historique pointe117 et soit débattu, notamment lors des congrès des professeurs de lycées et collèges, et que les opinions individuelles qui s’expriment en réponse aux propositions de C. Seignobos soient très réservées, indique que les professeurs entendent rester fidèles à la tradition humaniste de l’enseignement secondaire. « Nos élèves auront toute la vie pour discuter passionnément sur la politique ; qu’ils emploient leurs années de lycée à l’étude objective des faits118 ». Cette remarque de G. Weill, non suspect d’hostilité à la réforme, prend, au début du siècle, valeur de sentence.
La postérité de la réforme
52Nous interroger sur la postérité de la réforme c’est chercher dans celles qui lui ont succédé la trace de l’action engagée par les historiens qui, de 1880 à 1902, ont arrêté les orientations des études d’histoire dans les établissements secondaires. Dans la mesure où le plan de 1902 est marqué du sceau de l’idéologie républicaine et laïque, il nous a semblé cohérent de suivre l’évolution de la discipline jusqu’à la fin de la Troisième République. En revanche, il n’y avait aucune raison pour établir une coupure de 1914 à 1918, étant donné que le problème global de l’enseignement et la question des corrections à apporter à la réforme ont ressurgi dès 1919 dans le débat public selon des termes quasi inchangés. Si, dans un premier temps, le ministre Léon Bérard, personnellement favorable aux humanités classiques, rétablit par le décret du 3 mai 1923 l’obligation du latin pour tous les élèves de l’enseignement secondaire, la réforme n’est toutefois pas mise en application en raison de la victoire du Cartel des Gauches aux élections législatives.
53Le débat scolaire de l’après-guerre soulève des problèmes aigus. Il est, en effet, fortement marqué par l’influence des Compagnons de l’université nouvelle, groupe à l’origine d’universitaires, constitué dans la fraternité du combat, fraternité qu’ils veulent transposer dans la nation par la réalisation d’une école unique. Face au problème social, posé dès avant 1914, de la scolarisation des enfants du peuple et de leur accès à l’enseignement secondaire, voire supérieur, les Compagnons proposent une réforme de l’institution scolaire et demandent la gratuité des études secondaires. Cette dernière, votée dans le cadre de la loi de finances du 27 décembre 1927 dans les établissements publics auxquels sont annexées des Écoles primaires supérieures ou des Écoles techniques, puis le 16 avril 1930 pour la classe de sixième de tous les établissements secondaires, est étendue à toutes les classes secondaires publiques par la loi de finances du 31 mai 1933, Anatole de Monzie étant premier ministre de l’Éducation nationale. Ainsi, dans la logique de la réforme du début du siècle, l’enseignement secondaire va-t-il au cours des années trente progressivement s’ouvrir à une clientèle plus diversifiée. Or cet élargissement du public des lycées et collèges retentit sur les contenus. Dans la perspective d’un enseignement secondaire qui soit une étape entre les enseignements primaire et supérieur, accessible à tous ceux qui méritent de le fréquenter, le mouvement favorable à l’allègement des programmes et à leur adaptation à la culture moderne trouve un écho amplifié.
54Confronté aux clivages sociaux, l’enseignement secondaire reste, en outre, séparé par la question cléricale. Les cléricaux reprennent, dix mois après la victoire électorale du Cartel des Gauches, l’offensive avec la déclaration des cardinaux et archevêques français, le 10 mai 1925, contre la laïcité et la franc-maçonnerie. Leur opposition à la gratuité de l’enseignement secondaire et au projet d’école unique, développée par des associations et des campagnes dans la presse, leur permet de se poser en défenseurs de la culture et des valeurs menacées dans les écoles de l’État. Ainsi, entre 1931 et 1938, malgré la gratuité des études publiques, les effectifs des établissements secondaires confessionnels continuent-ils d’augmenter119. Dès lors, comme avant la loi de séparation des Églises et de l’État, les fondements rationalistes et l’universalité de ce qui est enseigné sont, dans les établissements laïques, la seule garantie de la neutralité et de la morale.
55La réorganisation des contenus, à l’ordre du jour depuis 1911, n’est donc pas uniquement un problème interne à chaque discipline. Autant qu’en 1902, c’est une question sociale. Sachant que restaurer pour sept ans l’étude des langues anciennes est, de facto, orienter vers l’enseignement primaire supérieur, pour des raisons économiques et culturelles, une partie de la population scolaire potentielle, la section moderne du premier cycle est rétablie dès la rentrée 1924, dans la continuité de la philosophie qui avait inspiré la réforme de 1902 et, à partir de la réforme de 1925 120, les études s’organisent en trois nouvelles sections autour d’un tronc commun de français, langues vivantes, d’histoire et de géographie, et de sciences. Alourdissant cependant la charge des élèves, la réforme soulève un débat public où les disciplines se dressent les unes contre les autres. L’administration de l’enseignement secondaire, dirigée par F. Vial, favorable à la rénovation qui s’est engagée depuis le début du siècle, arbitre et décide un allègement des horaires et des programmes en 1931.
56En 1936, la victoire aux élections législatives du Front populaire met les radicaux et les socialistes en position de donner forme au projet d’école unique, contre lequel la droite cléricale avait jusqu’alors voté. Pour articuler les enseignements secondaire et primaire, Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale pendant trente-neuf mois, réorganise la scolarité en deux degrés et rattache les Écoles primaires supérieures au second degré. À la rentrée de l’année 1937, les programmes des classes de sixième des lycées et collèges et ceux des cours préparatoires des écoles primaires supérieures sont identiques, dans la perspective à long terme d’une fusion des EPS et des Cours complémentaires qui leur sont annexés, et de l’enseignement dispensé en collèges et lycées. L’arrêté du 11 avril 1938 étend la « coordination » aux programmes de la cinquième à la troisième de façon à permettre, entre les EPS et les lycées et collèges, les passages d’un premier cycle à l’autre. Il entérine dès lors le retour aux deux cycles. Cette transformation des structures s’accompagne d’une rénovation des enseignements qui s’appuie sur la recherche pédagogique. Enfin, une sixième d’orientation est créée dans des établissements expérimentaux.
57C’est donc dans ces cadres généraux que se moule l’enseignement historique et qu’à deux reprises, programmes et instructions sont redéfinis. Les deux réformes relèvent d’une politique d’éducation commune, du moins au niveau de l’idée républicaine qui la sous-tend. Yvon Delbos qui fait appliquer le plan de 1925 et Jean Zay sont radicaux et Y. Delbos succède d’ailleurs à J. Zay en 1939. Mais la réforme de J. Zay, en ébauchant la réalisation de la plate-forme de l’école unique, compromet les dispositions conciliatrices que traduisait le plan de 1925, cherchant à corriger celui de 1902.
Les révisions de 1925 et 1938
58L’arrêté ministériel du 3 juin 1925 fixant les nouveaux programmes reprend le projet voté en janvier par le Conseil supérieur de l’Instruction publique, préparé par une sous-commission dans laquelle siègent les inspecteurs généraux Gallouédec, Gidel et Petit-Dutaillis, le président de la Société d’histoire moderne Pagès, l’inspecteur de l’Académie de Paris Benaerts, le délégué des agrégés Moniot et les président et vice-président de la Société des professeurs d’histoire et de géographie, Busson et Morizet. Les plus âgées de ces personnalités ont été engagées dans la réforme de 1902 et les trois professeurs agrégés Moniot, Busson et Morizet font partie du groupe qui, le 10 mars 1910, signe la circulaire fondatrice de la Société. Pour la première fois, Busson et Morizet collaborent avec les quatre inspecteurs à la rédaction des instructions ministérielles soumises ensuite à l’approbation du directeur de l’enseignement secondaire et du ministre et ils enregistrent avec satisfaction le fait d’avoir été consultés121.
59La particularité du plan de 1925 est d’organiser l’enseignement historique sur sept ans et donc de renoncer au système des deux cycles auxquels les historiens, en grande majorité, n’avaient jamais été favorables. L’organisation chronologique adoptée en 1902 s’en trouve donc bouleversée. Lorsque cette architecture est à nouveau modifiée par le ministre J. Zay, les professeurs et les inspecteurs généraux élèvent de vives protestations. L’assemblée générale de la Société des professeurs d’histoire et de géographie vote à l’unanimité moins trois abstentions le 23 décembre 1937 la motion suivante : « L’assemblée rappelle que la Société a toujours été opposée au système des cycles ; elle confirme son opposition à un système que vingt trois ans d’expérience (1902 à 1925) ont condamné. Outre qu’il laisse, notamment parmi les élèves du premier cycle une impression d’extrême confusion, il mutile les parties de l’histoire qui, comme l’histoire ancienne et l’histoire du Moyen Âge ont le plus de valeur pédagogique pour de jeunes esprits122 ». Cependant, l’assemblée est fort consciente de l’inefficacité de sa protestation, parce qu’est en jeu une réforme des structures qui dépasse les intérêts de la discipline et parce qu’elle est la seule association de spécialistes à s’opposer aux cycles123.
60En juillet 1937, les nouveaux programmes de sixième sont rédigés par l’inspecteur général J. Isaac de façon très précipitée, puisque leur mise en vigueur est prévue à la rentrée suivante. Les programmes de 1938 sont le fruit d’une concertation plus étendue, des commissions de réflexion ayant été instituées pour chaque discipline. La commission unique d’histoire et géographie, formée d’une quinzaine de membres représentant les trois enseignements primaire, secondaire et technique afin que soit assurée la coordination des programmes, délègue elle-même l’essentiel du travail de préparation à une sous-commission composée de quatre inspecteurs généraux, du directeur adjoint de l’enseignement technique et de quatre enseignants, dont Boucau, le président de la Société des professeurs d’histoire et les deux délégués des agrégés au CSIP, Madeleine Schwab et Albert Troux. Après avoir été examinés par le CSIP, les nouveaux programmes du premier cycle sont applicables à partir de la rentrée de 1938.
61Au-delà des incidences de l’institution ou non des cycles, cependant essentielles pour le strict découpage chronologique, il importe de savoir si nous retrouvons dans les programmes et les instructions ministérielles qui les précisent, les choix de la réforme de 1902, à savoir la proportion attribuée à chaque période, les critères de sélection des faits et la volonté de promouvoir une pédagogie moderne. La comparaison paraît d’autant plus envisageable que l’objectif essentiel de l’enseignement historique est toujours de contribuer à la formation de la culture générale à partir des spécificités de la discipline, la connaissance du passé et la notion d’évolution.
62Une première lecture des textes officiels nous renseigne tout de suite. Les instructions de 1925 sont en grande partie « empruntées, sous une forme abrégée aux instructions de 1890124 ». Elles en reprennent, sans en avoir changé les termes, l’énoncé des finalités et les principales considérations méthodologiques. Quant au texte de 1938, il se réfère explicitement à l’expérience de 1902, seul exemple antérieur de la répartition par cycles, cite E. Lavisse, mais s’en inspire plus librement et fait preuve de plus d’imagination en développant longuement la section relative aux méthodes – trois colonnes contre deux réservées à la présentation des programmes125 –.
63Si on reprend la structure générale des programmes, on peut constater que ce que Paul Veyne a appelé « le continuum spatio-temporel 126 » structure toujours l’histoire scolaire. La continuité chronologique reste le principe organisateur. D’ailleurs les titres du programme de 1938 indiquent nettement qu’on étudie des périodes, les « quatre grandes périodes de l’histoire », l’Antiquité en sixième, le Moyen Âge en cinquième, les Temps modernes en quatrième et l’Époque contemporaine en troisième. Répartie sur sept ans, la même progression chronologique a prévalu dans le plan de 1925. Deux ans sont consacrés à l’histoire de l’Antiquité, un an deux tiers à l’histoire médiévale, un an un tiers à l’histoire moderne et les deux derniers à l’histoire contemporaine. Il y a donc, quand le système des cycles disparaît, un rééquilibrage des périodes. Cependant le fait que l’Antiquité et la période contemporaine soient privilégiées est significatif de la façon dont l’enseignement secondaire, classique en même temps que moderne, gère sa dualité. La question est d’autant plus complexe que jouent les intérêts propres à chaque sous-section historique. Les antiquistes, par exemple, perdent en 1925 les avantages conquis en 1902 par l’étude de l’histoire ancienne dans certaines classes du second cycle. La Société d’histoire moderne, quant à elle, souhaite que les périodes récentes, à cause de leur complexité, soient enseignées dans les classes supérieures127. Les instructions de 1938 notent que l’étude de l’époque contemporaine, depuis 1789, est une question difficile.
64En effet, un nouveau paramètre intervient dans la réorganisation des programmes, l’ordre des faits qu’il convient d’adopter, compte tenu de l’âge des enfants – et non plus seulement la façon de les présenter –. Si l’unanimité se fait sur la nécessité de donner un enseignement chronologique dans les premières classes d’histoire, certains plaident pour l’organiser autour des grandes fresques de l’histoire de France128. C’est pourquoi les instructions de 1938 jugent utiles de justifier le découpage adopté et de préciser : « il a paru indispensable que l’histoire de l’Antiquité continuât de figurer au début des études secondaires 129 ». Elles traduisent l’avis général selon lequel, comme l’Antiquité est au commencement de l’histoire dont elle forme la première période et la plus étendue, il serait peu rationnel de ne pas commencer par elle les études historiques. Par ailleurs, il ne semble pas que l’opinion soit toujours dégagée de l’influence des idées biologiques de la fin du siècle précédent selon lesquelles « l’enfant est comme un raccourci d’humanité130 » et le développement de l’esprit parallèle à celui de la civilisation. Jeune, il est plus proche des premières civilisations et il les comprend mieux. C’est pourquoi l’étude de l’Antiquité est supposée avoir une valeur pédagogique plus grande à cet âge qu’à tout autre, d’autant plus qu’elle peut être conduite de façon concrète. On n’est guère éloigné des préjugés de C. Seignobos qui affirmait que l’histoire descriptive du début de la scolarité secondaire était particulièrement « appropriée aux sociétés peu complexes131 ».
65Dans la préparation des programmes du premier cycle, la notion de continuité est donc un des bastions que la corporation a défendu. L’histoire continue d’un passé homogène est associée à celle d’un espace, l’Europe, au sein duquel la France occupe une place privilégiée. En 1925, par exemple, les titres des cours de quatrième et de troisième sont « Histoire de l’Europe et particulièrement de la France ». Le plan d’études affirme, comme les précédents et pour les mêmes raisons, encadrer l’histoire de France dans l’histoire générale. En réalité, l’histoire du monde est celle des États européens. Elle ne devient une histoire des principaux États étrangers (États-Unis et Extrême Orient) que pour le xixe siècle. Cette perspective est particulièrement nette dans le programme de 1938. En effet, comme leurs prédécesseurs, les rédacteurs des programmes ont fait des « sacrifices », tant dans le choix des questions que dans le choix des faits, selon les mêmes principes de sélection : leur importance et leur facilité à être assimilés. Il est donc recommandé dans les deux textes de ne retenir que les grands événements, quelques personnages illustres et quelques notions de civilisation, précise le texte de 1938.
66On peut penser qu’il est difficile d’aller plus avant dans la comparaison. Les horaires d’enseignement varient selon les réformes (Tableau 6, p. 179). D’autre part la forme de la rédaction des programmes et textes afférents diffère. Le programme de 1925 est accumulateur, érudit, au sens commun du terme, et pointu. Par exemple, à propos du tableau de l’Europe en 1328 en classe de troisième, il indique qu’« il s’agit de révéler aux enfants un monde ignoré du public français cultivé ». L’ambition est haute. En revanche, celui de 1938 procède par thèmes qui regroupent un certain nombre de données, comme « Les transformations de l’Europe vers la fin du xviie siècle » ou « France et Angleterre du xie au xive siècle ». Ceci correspond à des nécessités pédagogiques qui s’étaient déjà imposées dans les remaniements de 1931. Pour éviter que les professeurs ne s’égarent dans des détails excessifs, avaient été seulement indiquées les têtes de chapitre et c’est cette forme de rédaction que reprend le programme de 1938, espérant laisser ainsi plus d’initiative au professeur. Mais dans cette présentation moins analytique, peut se lire aussi une conception de l’histoire qui n’est plus exclusivement centrée sur les faits historiques, et s’intéresse davantage aux phénomènes : la révolution religieuse des temps modernes, la crise de 1848, les mouvements nationaux. Le programme de 1938 conceptualise davantage. Il problématise même : « Comment une petite cité de l’Italie, Rome, est-elle devenue la plus grande puissance du monde antique ? » – le seul cas cependant – Il se soucie de suivre les transformations économiques et sociales du xixe siècle en Europe depuis leur genèse dans l’Angleterre du xviiie et d’injecter dans l’histoire scolaire un peu de la vitalité de l’historiographie, des travaux de Henri Hauser à ceux des historiens qui renouvellent l’histoire générale. Il aborde des thèmes nouveaux tels que la politique européenne de 1815 à 1848, dont le libellé fait plus penser à une histoire des relations internationales, comme la pratique alors Pierre Renouvin qu’à la traditionnelle histoire des politiques extérieures des États.
67La diversification de la matière historique conduit à questionner la notion de fait. Comme en 1925, le texte relatif aux programmes précise que « l’importance d’un fait se mesure généralement à l’ampleur et à la durée de ses répercussions ». Mais si le fait se définit toujours par son retentissement, l’ajout du « généralement » tend à nuancer la proposition. Les faits généraux occupent, à côté des événements, une place croissante dans les travaux récents et l’interrogation méthodologique sur le fait historique traverse la corporation. En même temps, une analyse plus détaillée des programmes montre qu’en 1925 comme en 1938 les faits retenus ne sont plus les mêmes. Le programme de 1925 attire par exemple l’attention des enseignants sur la nécessité d’étudier synchroniquement la France et la Grande Bretagne car la connaissance de celle-ci et de ses relations avec la France est nécessaire à « l’éducation de la génération actuelle ». Dans le programme de 1938, au libellé très succinct, une mention spéciale concerne, pour la période de 1815 à 1848, la conquête de l’Algérie. Ces exemples prouvent bien que l’ampleur et la durée des conséquences sont appréciées relativement aux préoccupations du présent. La conscience de l’interaction présent-passé commence à infléchir la réflexion des historiens et Marc Bloch met en garde contre le risque de confondre, dans l’enseignement, fait important et fait récent et de négliger les « réalités sociales profondes132 ».
68Il en résulte que, alors que le programme de 1938 rappelle spontanément celui de 1902, il en diffère beaucoup plus que celui de 1925. Si les contenus sont organisés selon les mêmes axes, on trouve toutefois, à l’intérieur d’une histoire toujours chronologique et encyclopédique, les échos d’une autre manière de faire l’histoire qui, elle-même, progresse lentement. Jules Isaac rappelait opportunément à ses collègues, lors d’une assemblée extraordinaire de la Société d’histoire moderne consacrée à l’enseignement historique le 3 avril 1938 : « N’oublions pas que l’enseignement de l’histoire est fonction de l’état d’avancement du travail historique : pour que certaines questions puissent être abordées dans l’enseignement, il faut que dans le domaine scientifique, elles aient dépassé un certain stade de prospection et de déblaiement133 ».
69La fonction d’inspection de J. Isaac s’inscrit dans ce moment de transition où le règne de l’Université positiviste s’achève et où la relève s’effectue, y compris dans les cadres universitaires et notamment à la Sorbonne. Élève de E. Lavisse et de C. Seignobos, agrégé en 1902 et nommé d’abord au lycée de Nice, puis de Sens, J. Isaac fait partie de ces historiens qui unissent dans la même réflexion l’histoire et l’enseignement parce que les deux activités participent d’un même idéal qui s’est forgé dans le compagnonnage de Péguy au moment de l’affaire Dreyfus. En ce sens, l’action de J. Isaac relaie celle de ses prédécesseurs, même si elle n’est pas orientée exactement vers les mêmes buts. Car les idées pour lesquelles il a adhéré à la Ligue française des droits de l’homme le conduisent après la guerre à consacrer son combat à la recherche de la vérité et à la faire progresser tant dans l’enquête scientifique sur les origines de la guerre que sur le terrain de l’histoire scolaire. C’est pourquoi il œuvre pour le rapprochement entre les peuples et le « désarmement moral », d’abord dans le cadre de la procédure Casarès adoptée par la Commission internationale de coopération intellectuelle, organe de la Société des Nations, pour épurer de façon concertée les manuels d’histoire le 29 juillet 1925134, puis au sein des conférences internationales pour l’enseignement de l’histoire, celle de La Haye en 1932 placée sous la présidence de Rafael Altamira y Crevea135, professeur à l’Université de Madrid, et celle de Bâle en 1934. Enfin, J. Isaac fait partie des délégués français qui rencontrent les délégués de l’association allemande des professeurs d’histoire en novembre 1935, pour harmoniser les deux enseignements, négociations dont il fallut finalement constater l’échec en 1938.
70Cette action de J. Isaac s’imprime dans un large mouvement venu d’initiatives diverses qui recherche, depuis le début des années vingt, les moyens de développer dans les jeunes générations le sentiment de la solidarité humaine. La première phase en est en 1923 une enquête publiée par la dotation Carnegie sur le chauvinisme dans les livres scolaires d’après-guerre. En août 1926, le huitième Congrès international de l’enseignement secondaire examine quel peut être le rôle de l’enseignement de l’histoire et de la géographie et émet le souhait qu’esprits national et international s’épaulent. Sollicités également dans le cadre des réunions de l’Institut international de coopération intellectuelle, les historiens français affirment une position univoque. La seule garantie contre l’esprit partisan est d’enseigner l’histoire d’un point de vue exclusivement scientifique sans la prétention de servir ni la patrie ni la paix. Ce principe étant établi, J. Isaac et d’autres historiens français sont habilités par les associations qu’ils représentent à rechercher les moyens d’aménager l’enseignement de l’histoire de la manière la plus conforme à la science et à la pédagogie. Ainsi, la conférence de La Haye, malgré des débats houleux où s’opposent historiens et éducateurs, les premiers reprochant aux seconds de vouloir régenter l’enseignement de l’histoire, parvient-elle à conclure que « l’histoire en tant qu’élément d’éducation ne doit se proposer expressément aucun idéal particulier à promouvoir… L’enseignement de l’histoire offrira une valeur expérimentale et morale d’autant plus grande qu’il se gardera de démontrer et de moraliser ».
71On ne peut pas imaginer que la rédaction des programmes de 1938 n’ait pas été dominée par cette question de l’objectivité amplement présente dans les débats des années trente. Certes, il y a dans cette conviction que l’histoire échappe à l’idéologie une grande part d’idéalisme, entretenu par plusieurs décennies d’exercice de la méthode critique visant à ce que les preuves des historiens soient toujours mieux assurées. De surcroît, cette image de la vérité contribue à évacuer les enjeux sociaux de l’enseignement et à ne voir dans l’histoire enseignée qu’une valeur de connaissance intemporelle. Mais se définit dans cette prise de position des historiens une ligne de conduite qui, sans être autre que celle de G. Monod avait tracée, garantit, dans le contexte des années de crise, une sorte de sécurité intellectuelle et morale. Au sein d’un monde incertain, le rôle de l’histoire dans l’éducation ne peut plus s’exposer dans les termes péremptoires que C. Seignobos employait. Dès lors, les marques les plus personnelles qu’il avait imprimées au cours de 1902 n’ont plus de raison d’être : le choix de sacrifier certains siècles du Moyen Âge, le chapitre final d’éducation civique en troisième. Alors que l’heure est au scepticisme, donnant aux propos de Paul Valéry un retentissement inespéré136, l’enseignement de l’histoire se fait modeste. Il doit permettre d’accéder à la connaissance du passé, de mieux faire comprendre la liaison des faits dans le temps et dans l’espace, dans l’espoir de mieux faire connaître les hommes. Ainsi s’explique, nous semble-t-il, l’absence de toute considération politique – au sens large du terme – sur l’enseignement de l’histoire dans les débats relatifs aux programmes et les instructions ministérielles de 1938. Le paragraphe consacré encore en 1925 à la culture du sentiment national, le rappel des devoirs d’homme et de citoyen n’y figurent plus. Plus encore, l’enseignement historique comparé à celui de 1902 a perdu ses accents militants.
72Comme leurs prédécesseurs, les hommes de 1938 considèrent que l’enseignement historique, par son objet, l’expérience des hommes, a intrinsèquement une mission civique. C’est pourquoi il est encore moins nécessaire de la rappeler explicitement, même si les professeurs ont toute liberté d’interpréter les programmes. Tacitement on suppose que le faisant en leur âme et conscience, ils rempliront leurs devoirs.
73Cependant, alors que la paix et les libertés démocratiques sont en péril et que plus aucun dialogue avec les professeurs allemands n’est envisageable, ce parti pris ne manque pas d’interroger. Il nous apparaît, en fait, comme une forme intellectuelle de la « non-intervention » représentative de l’attitude d’une majorité des Français à la fin des années 1930. Le sentiment que la paix peut et doit être préservée par tous les moyens – et l’enseignement en est un – conduit à évacuer tout discours susceptible d’être interprété comme une incitation à la guerre et à refuser d’employer contre l’adversaire les armes que lui-même utilise, à savoir un enseignement de l’histoire partisan et nationaliste. En ce sens, la volonté délibérée de réserve sur les questions graves de l’époque procède de l’esprit qui va prévaloir à Munich.
74Cette attitude ne provoque pas d’ailleurs une totale unanimité. Un professeur du lycée Louis-le-Grand, à Paris, essaie par l’intermédiaire du Bulletin de soulever le débat. Il dénonce, en octobre 1938, l’impassible objectivité, « l’excessive sérénité empruntée aux méthodes idéales des sciences137 ». À la démission qu’il condamne, un de ses contradicteurs oppose « la dignité calme et résolue138 » dont a fait preuve le peuple français en septembre 1938, bref échange de vues qui illustre néanmoins la réalité des clivages de l’opinion. Enfin, L. Febvre, évoquant en novembre 1938 les tentatives de coopération internationale entreprises en 1935, peut en souligner « la valeur presque tragique » et l’ambiguïté. « On pourra admirer, écrit-il, l’idéalisme impénitent de ces Français qui, sans doute, tenaient qu’il n’est pas besoin d’espérer pour agir ou bien s’étonner que ces historiens s’appliquassent avec tant d’énergie à méconnaître l’histoire la plus contemporaine d’un grand pays voisin139 ». La discussion qui, après 1945, va dominer l’interrogation méthodologique, est ouverte : Est-il possible d’écrire ou d’enseigner une histoire du passé indépendante des réalités politiques du présent où elle est produite, sous prétexte qu’elle a été élaborée selon les règles de la critique ?
75La stabilité des programmes dans l’entre-deux-guerres reflète la pérennité des finalités assignées à l’enseignement historique. Les principes fondamentaux sont intangibles. Mais le programme de 1938 montre comment, après la phase constitutive de la discipline qui façonne celle-ci durablement, peu à peu les centres d’intérêt se déplacent, dans un double mouvement de concordance avec le renouveau historiographique digéré par petites doses et avec l’évolution des sensibilités. Car l’un et l’autre marquent l’ébranlement des certitudes de la période positiviste. On peut dès lors se demander si l’acte de foi pédagogique que représentait la réforme de 1902 a eu quelque longévité.
La pédagogie de Lavisse au fil des ans
76Clarté et vie, telles sont les voies qu’E. Lavisse avait conseillé aux professeurs d’emprunter. Les instructions de 1925 reprennent celles de 1890 recommandant de concilier la méthode démonstrative et la méthode pittoresque et, dans le plan de 1938, l’introduction du très long développement relatif aux méthodes rappelle ces « principes directeurs ». Il est vrai que les rédacteurs des programmes, tant en 1925 qu’en 1938, ont tous été des professeurs qui ont pratiqué ainsi leur métier, plus par bon sens d’ailleurs que par référence à une doctrine pédagogique. Le témoignage de J. Isaac est évocateur : « après le dur apprentissage de Nice, j’ai pu, là, – à Sens – prendre pleine possession de mon métier, donner à mon double enseignement – histoire et géographie – méthode et vie140 ». Le professeur d’histoire doit en effet restituer « âme et vie » au passé, rendre vivant un passé mort, tout en y introduisant « une netteté de lignes et un ordre que le réel ignore141 ». Une grande partie du plaisir d’enseigner a dû résider là pour plus d’un professeur.
77Cependant, les instructions de 1925 sont très fermes sur la nécessité de recourir aux procédés descriptifs. « L’enseignement doit cesser d’être livresque pour devenir de plus en plus concret142 ». Les années vingt sont marquées par toute une politique d’encouragement à l’enseignement visuel, dit « enseignement par l’aspect », qui s’était d’abord développé dans le cadre de l’éducation populaire. C’est à l’intention des sociétés d’instruction populaire que le Musée pédagogique s’était doté, sous la direction de J. Steeg en 1896, d’un service des vues. En 1903 est définie officiellement, au nombre de ces missions, celle de bibliothèque de l’enseignement public, pour tous les degrés. Puis aux lendemains de la réforme de 1902, lorsque l’histoire scolaire affiche de nettes prétentions scientifiques, J. Steeg, devenu ministre, met en application l’arrêté du 11 février 1911 instituant la Commission du matériel d’enseignement historique et géographique, organisée selon la procédure employée pour le matériel de physique-chimie et d’histoire naturelle – le directeur de l’Enseignement secondaire était alors Lucien Poincaré, lui-même physicien –. À la même date, la Société des professeurs d’histoire et géographie prend forme et la question des outils de travail est très tôt l’un de ses principaux champs d’intervention, puisqu’elle s’était fixée explicitement comme but de « grouper tous renseignements utiles pour le service de nos bibliothèques et collections143 ». De fait, on ne saurait sous-estimer la pression que la Société a exercée sur les divers directeurs de l’enseignement secondaire pour obtenir du matériel et des crédits et l’action qu’elle a menée en direction de ses adhérents. Elle recense les ressources disponibles au Musée pédagogique qui se charge d’envoyer les documents. Elle informe des parutions dans les grandes maisons d’édition qui, de leur côté, trouvent un annonceur dans le Bulletin et encourage la constitution de fonds documentaires composés de reproductions d’œuvres d’art, d’autant plus que les professeurs d’histoire sont chargés d’assurer à partir de 1925 une demi-heure d’histoire de l’art en classes de troisième et dans les sections modernes de seconde, première et philosophie. La Société engage également les enseignants à utiliser les cartes postales et organise une bourse d’échanges entre collègues. Il est manifeste que comme l’institution, elle est convaincue que l’élargissement des possibilités techniques va permettre le renouveau des procédés d’enseignement. La projection collective, notamment, permet de donner le maximum d’efficacité possible à l’enseignement par l’image, professeur et élèves regardant ensemble le document. Fleurit alors dans la deuxième moitié des années 1920 toute une gamme de nouveaux appareils qui projettent les corps opaques et pour la publicité desquels le Bulletin ouvre largement ses colonnes. En 1929, persuadée que l’emploi des projections est appelé à se généraliser, la Société demande pour seconder l’effort du Musée pédagogique la constitution de dépôts régionaux de clichés. Puis peu à peu, l’intérêt pour la projection s’élargit aux images mobiles, pour lesquelles le Musée pédagogique avait en 1920 organisé le service des films144. Par l’arrêté du 2 décembre 1935, le ministère crée la Commission du cinématographe d’enseignement chargée d’étudier les questions relatives à l’emploi du cinématographe dans tous les établissements publics, parmi lesquelles figure la possibilité de produire des courts métrages, étude dont est chargé Albert Troux pour l’enseignement historique et géographique. Ainsi, les instructions de 1938 citent-elles l’illustration filmée parmi les moyens mis à la disposition des professeurs. Enfin, en janvier 1937, ont lieu les premières émissions de radiophonie scolaire pour que l’enseignement de l’histoire puisse proposer des « évocations vivantes et originales145 ».

Figure 1 – L’enseignement par l’image, Annonce publicitaire pour les collections de vues, éd. Mazo, BSPHG, n° 49, nov. 1926.
78Cette attention aux formes les plus nouvelles de l’enseignement n’exclut pas la mention des moyens relativement traditionnels tels que la lecture de textes, l’usage de la carte murale et les excursions ou visites. On peut toutefois se demander si ces dernières ne sont pas uniquement mentionnées par révérence envers les professeurs parisiens qui sortent leurs élèves, comme le faisaient eux-mêmes lorsqu’ils enseignaient certains rédacteurs des instructions de 1925, tels L. Gallouédec et G. Pagès146.
79En 1925, les conceptions en matière de méthode restent encore très proches de celles du début du siècle. Montrer les choses est supposé faciliter l’apprentissage des élèves. L’enseignement concret montre, et parce qu’il montre, il apprend. « Placée sous les yeux des élèves, la carte… leur impose la connaissance des noms principaux et des situations relatives147 ». Or, la méthode intuitive au sens étymologique d’intuitio, la vue, est celle que privilégient les séances d’« exercices pratiques » institués par le décret du 3 juin 1925 et rappelés par la circulaire ministérielle du 27 août 1927, comme « un complément obligatoire de l’enseignement historique et géographique », à raison d’une heure par semaine pour les élèves de sixième, cinquième et quatrième B, et d’une demi-heure pour les élèves non latinistes de troisième, seconde, première148. Aucun programme impératif ne définit le contenu de ces séances dont on attend surtout qu’elles donnent un surcroît de culture aux élèves qui ne font pas d’humanités et qu’elles éveillent le sens de l’observation historique et géographique. Les exemples cités pour éclairer les professeurs laissent penser que la plus grande partie du temps est utilisée à des projections que le professeur commente. Les exercices consistent à observer, distinguer pour établir des relations de comparaison ou de synchronisme dans les classes supérieures. Ainsi, la voie ne semble pas bien définie entre des procédés qui mettent en jeu des facultés intellectuelles et ceux qui consistent seulement à remplacer la parole du maître – ce que Jean Piaget appelle le « verbalisme du mot » – par un verbalisme plus élégant et plus raffiné, celui de l’image149. Car dans le premier cas, le verbalisme repose sur l’idée d’une correspondance terme à terme entre les notions du professeur et celles de l’écolier ; dans le second, il repose sur l’idée que la connaissance revient à se donner une copie figurative de la réalité. « Une visite à Pompei, à Timgad, fera pénétrer dans l’intimité de la vie romaine. Une promenade au forum permettra de montrer la politique et l’éloquence en action » notent, avec beaucoup d’optimisme, les instructions de 1925.
80Or, depuis le début du xxe siècle, les travaux d’Alfred Binet, directeur du laboratoire de psychologie et de physiologie de la Sorbonne, devenu, en 1902, président de la Société libre pour l’étude de la psychologie de l’enfant, font progresser, à partir de l’observation des enfants et de l’expérimentation d’instruments nouveaux comme les tests, la psychologie expérimentale. Les expériences scolaires que conduisent parallèlement Dewey à Chicago de 1896 à 1904 et Claparède à la Maison des petits de Genève utilisant l’environnement de l’enfant pour stimuler son développement, établissent le rôle de la motivation et de l’activité intellectuelle dans l’acquisition des connaissances. Après la guerre, prenant appui sur les diverses expériences d’éducation intégrale, se structure en 1921 la Ligue internationale pour l’Éducation nouvelle dont le groupe français est constitué en janvier 1922, dans la continuité de l’action menée par le Bureau international des Écoles nouvelles créé à Genève en 1899 par A. Ferrière. Ce mouvement cherche à promouvoir une éducation conciliant l’individualité de l’enfant et ses intérêts innés mais reste très marginal. Cependant, alors que des techniques éducatives nouvelles sont mises au point par les médecins Maria Montessori et Ovide Decroly, les recherches d’Henri Wallon et de Jean Piaget qui portent sur la genèse de la personnalité de l’enfant, la spécificité de ses structures mentales par rapport à celles de l’adulte, offrent à la réflexion pédagogique des ressources nouvelles. Peu à peu, leurs études sur la formation de l’intelligence, la caractérisation par J. Piaget des divers stades du développement intellectuel s’infiltrent dans la doctrine officielle de l’Éducation nationale. La collaboration d’H. Wallon et de J. Piaget à la rédaction de l’Encyclopédie française en 1937 reflète cette influence croissante. Si l’Encyclopédie française n’est pas une œuvre d’État, le projet a été toutefois lancé en août 1932 par A. de Monzie pour faire l’inventaire de « tout ce qui occupe et doit occuper le cerveau des hommes modernes ». Dirigée par G. Berger et mise en œuvre par L. Febvre, l’encyclopédie rassemble les contributions d’intellectuels éminents et dresse pour ce qui relève de l’éducation française l’état des lieux et des perspectives150. En ce qui concerne ces dernières, il est clair qu’un renouvellement de la pédagogie est attendu.
81On retrouve la trace de cette réflexion dans le préambule du plan de 1938, avant la présentation des instructions par disciplines. L’objet de l’enseignement secondaire est la formation de « l’esprit des enfants ». L’expression « l’esprit des enfants » est employée à plusieurs reprises, indiquant la spécificité qui lui est reconnue. Le premier principe pédagogique d’adapter l’enseignement à l’intelligence et à la personnalité des enfants est donc présenté comme un impératif. La connaissance s’effectuant à partir de processus opératoires, la méthode la mieux adaptée aux fins de formation intellectuelle est la méthode active, c’est-à-dire la méthode qui met en œuvre l’initiative créatrice de l’enfant. Ainsi est explicitement recommandée la méthode inductive, qui fait trouver à l’enfant ce qu’il ne connaît pas, à partir de ce qu’il connaît, de ses expériences et de ses centres d’intérêt. En développant le raisonnement par induction, cette méthode met au centre de la situation pédagogique le travail de l’élève et reprend certains autres aspects des méthodes dites nouvelles. Notamment, la pédagogie active génère un autre type de relations maître-élèves et définit autrement l’action du pédagogue. Celui-ci n’est plus, comme le pensait J. Isaac151, le sculpteur qui façonne, qui pétrit, qui crée. C’est celui qui met en œuvre les méthodes les plus appropriées à la construction du savoir par l’enfant lui-même, à qui il revient de « mesurer, diriger, contrôler152 » le travail collectif en privilégiant notamment les interactions entre élèves et la vie sociale de la classe.
82Mais les instructions relatives à l’enseignement historique paraissent être un écho assez assourdi de ces considérations générales. Alors que le préambule indiquait que dans le cadre de la méthode inductive, le professeur ne faisait ni cours ni leçon ex cathedra, le texte précise en premier lieu, avant d’examiner les autres procédés, que « rien ne vaut la parole du maître153 ». Plus loin, tout en accordant que la mise en jeu de l’activité des élèves est un des buts essentiels de tout enseignement, il introduit une réserve importante : « Mais l’enseignement historique se doit pour l’atteindre de faire un effort exceptionnel », allusion au fait qu’il est un enseignement déclaratif où il est difficile de partir du concret que connaît l’enfant. Aussi l’application des principes généraux au cas particulier de l’enseignement historique est-elle envisagée sans directivité et avec beaucoup de nuances. Certains points sont signalés à l’attention des professeurs : l’intérêt de l’histoire locale dans le cadre de la démarche inductive, moyen d’aborder l’histoire générale auquel les exercices pratiques recouraient depuis 1925 ; l’importance des notions instrumentales sur le temps enseignées en début de sixième ; la nécessité de fixer un vocabulaire par des définitions élaborées avec le concours de l’élève. Mais on reste très éloigné des perspectives du constructivisme. Le discours des instructions officielles ne se dégage pas de l’assimilation des méthodes intuitives aux méthodes actives et privilégie donc l’approche concrète, ce qui explique que l’enseignement en premier cycle ait été fondé sur une histoire racontée à la façon d’E. Lavisse154 et que les documents aient été longtemps cantonnés dans l’histoire scolaire au rôle d’illustration. En outre, l’activité des élèves étant conçue comme une réponse aux sollicitations du maître, elle est suscitée par sa plus ou moins grande ingéniosité. C’est lui qui, en fonction de sa propre logique, dirige les opérations ; ce ne sont pas les élèves qui les conduisent.
83La nouveauté du plan d’études de 1938 réside dans l’espoir d’atteindre l’objectif traditionnel de culture générale à partir des aptitudes potentielles de l’enfant que de bonnes méthodes peuvent développer. On peut y voir un essai de synthèse théorique entre la pédagogie habituelle, axée sur la qualité des contenus de la discipline, et une pédagogie plus soucieuse du développement de l’élève. C’est cette inspiration qui perce dans les instructions de 1938 relatives à l’enseignement de l’histoire. Loin d’être le manifeste d’une révolution pédagogique, ces instructions introduisent des recommandations nouvelles en les insérant dans le discours traditionnel sur la pédagogie historique. Elles le précisent, elles l’affinent, sans porter atteinte à l’esprit des textes précédents. Est-ce l’aboutissement, grâce au progrès des sciences humaines, des idées qu’E. Lavisse prônait ou une simple habileté stratégique pour faire évoluer les pratiques, voire une des formes inhérentes du genre que constituent les textes officiels de l’Instruction publique ? Un de leurs rôles est, en effet, de canaliser les forces de changement qui s’exercent au sein de l’institution.
De nouveaux chantiers
84Alors que la Société des professeurs d’histoire et de géographie ronronnait depuis 1931 – il n’est qu’à lire les procès-verbaux des assemblées générales –, la rédaction des programmes du premier cycle, puis la préparation de ceux du second provoquent en 1938 un débat entre l’administration scolaire et les historiens et entre les historiens eux-mêmes.
85Le 20 décembre 1937, l’administration centrale de l’Éducation nationale a proposé comme base de discussion des nouveaux programmes un texte conseillant de procéder dans les classes de seconde, première et philosophie, « dans toutes les disciplines, par échantillonnage discontinu étudié en profondeur155 » afin d’éviter une simple doublure des programmes du premier cycle. L’expression d’échantillonnage discontinu heurte d’emblée le principe de continuité qui est l’essence même de l’enseignement historique. Pour chacun de ces échantillons, l’étude en profondeur prévoit l’analyse critique de textes choisis. Évoquée à l’assemblée générale de la Société par Albert Troux qui ne se prive pas de laisser poindre son avis personnel en insistant sur le caractère « inquiétant » de telles mesures, la proposition suscite des réactions défavorables, même si André Meynier, intervenant au nom des professeurs d’Henri IV, admet qu’il est possible de s’accommoder des suggestions officielles156. À l’unanimité des voix moins une abstention, le vœu suivant est voté : « La Société demande que, si le système des cycles est adopté, les programmes du second cycle soient allégés non d’échantillonnages mais d’options sans que l’on renonce aux notions de continuité historique et à l’étude des faits essentiels ». Une relative souplesse apparaît donc envisageable pour les plus grandes classes, à l’intérieur d’un cadre chronologique pré-établi et à condition qu’il ne soit pas porté pas atteinte au principe de continuité, la discontinuité étant jugée antinomique de l’enseignement historique. Au demeurant, A. Troux en précisant que les innovations recommandées ne sont pas l’œuvre d’un historien statue d’emblée sur leur irrecevabilité.
86C’est dans ce contexte que l’historien Georges Lefebvre, professeur à la Sorbonne, publie dans la Revue historique du premier semestre de 1938, sur l’invitation du Comité de direction de cette revue, un article véhément qui sonne l’alarme et avive les susceptibilités corporatives, la discontinuité y étant présentée comme « la négation même de l’histoire », la dénaturation d’un enseignement qui deviendrait « un enseignement sociologique157 ». Lors de l’assemblée générale extraordinaire de la Société d’histoire moderne, qu’il préside le 3 avril 1938, il soumet au débat la question « de l’esprit et des méthodes de l’enseignement historique dans les établissements du second degré158 ». Après une communication de l’inspecteur général Chevaillier159, auteur de la proposition si décriée, A. Troux et J. Isaac défendent très nettement le principe de la succession des faits dans le temps, parce que c’est leur ordre réel, et que seul cet ordre peut enseigner la notion d’évolution. Leur position est reprise par le bureau de la Société qui, au nom de l’assemblée générale, émet le vœu que « dans l’élaboration des programmes du second cycle, soient respectés les principes qu’elle considère comme le fondement de tout enseignement historique : notion de la succession dans le temps, notion de la continuité de l’évolution et de l’enchaînement des faits ».
87Cependant, des avis plus nuancés se sont exprimés. M. Bloch et G. Pagès perçoivent très nettement qu’il y a dans ce débat l’occasion de faire évoluer l’enseignement de l’histoire dans les établissements secondaires. « Un sain respect, bien entendu, de la « continuité » et des synchronismes. Mais sans oublier que nous sommes toujours forcés de choisir ». M. Bloch et G. Pagès s’évertuent donc à montrer que la continuité historique n’est qu’apparente ; « l’esprit, dit M. Bloch, tranche toujours dans le continu ». Une conception trop étroite de la continuité évacue le questionnement sur les liaisons des faits autres que celles établies par l’ordre du temps, nuit au renouvellement des problématiques et cantonne dans la routine l’historien aussi bien que l’élève. En ce sens, la réflexion de M. Bloch rejoint celle des enseignants qui, comme A. Meynier, voyaient dans l’échantillonnage le moyen de promouvoir un enseignement plus réfléchi. Si, cependant, ces positions restent minoritaires, c’est parce qu’en fait, l’organisation chronologique correspond fondamentalement aux finalités de l’enseignement historique, en véhiculant l’image d’une évolution linéaire et homogène qui ancre la conscience des héritages et des solidarités.
88Un autre débat se profile donc derrière le précédent. L’échantillonnage, auquel les historiens ne sont pas hostiles s’il s’exerce au sein d’une progression chronologique, contraint à s’interroger sur les critères du choix des échantillons. Quelle histoire veut-on enseigner ? Celle qu’on a enseignée jusqu’à présent ou, comme le propose G. Pagès, une histoire orientée vers la compréhension du monde actuel160. C’est sur ce point que porte surtout l’intervention de M. Bloch, qui reprend les principes directeurs qu’il avait présentés dans sa longue « note sur la réforme de l’enseignement historique » adressée à la Société des professeurs d’histoire et de géographie en avril 1938161 (Cf. texte en annexe). Mais celle-ci n’est elle-même que l’approfondissement d’un point de vue qu’il avait exprimé dès 1921 en prenant position sur les programmes d’histoire de 1902162. Certes, l’objet de l’enseignement historique est de fournir à l’élève le cadre général de l’évolution historique. Mais il doit aussi lui donner « le sentiment des différences », dans la connaissance conjointe de la diversité des temps et des espaces. « Décrire les civilisations antiques ou médiévales, c’est ouvrir les yeux de l’enfant à la variété du monde163 » pour préparer la tâche de l’enseignement historique du second cycle, celle d’ouvrir les esprits164 à l’intelligence du monde. Pour ce faire, d’une part, M. Bloch propose de centrer l’étude des classes supérieures sur les grandes civilisations mondiales, « toutes165 les civilisations dont la connaissance importe à la compréhension de notre monde » ; d’autre part, il remet en cause la place privilégiée qu’occupent les périodes les plus récentes de l’histoire dans les deux dernières années des études secondaires car, pour comprendre le présent, les événements les plus récents ne sont pas nécessairement les plus importants. Il faut examiner « les réalités sociales profondes » et faire place à l’histoire du Moyen Âge et des Temps modernes. Ainsi, son propos résonne-t-il comme le contre-pied total des pré-supposés de C. Seignobos : l’histoire des pays et des faits les plus proches des élèves n’est pas plus indispensable qu’une autre à leur culture, et encore moins à la formation de l’esprit historique. Le couperet tombe : ces orientations ont été « un des plus funestes effets du parti pris purement politique qui jusqu’ici a trop exclusivement dominé l’enseignement166 ».
89En fait, souhaitant qu’on fasse dans les classes une histoire qui donne l’intelligibilité du présent, M. Bloch plaide pour que soient enseignés les faits, dans l’acception la plus large et en tenant compte de l’interaction des phénomènes. Il s’agit de rendre l’histoire scolaire propre à « expliquer le monde au monde167 », selon l’expression qu’emploiera plus tard L. Febvre. Or, les suggestions de M. Bloch, dans lesquelles on reconnaît les paradigmes qui fondent l’histoire de la revue des Annales d’histoire économique et sociale, rencontrent les plus grandes réticences. Lui répondant personnellement, J. Isaac concède qu’on peut envisager que l’histoire explicative prenne le pas168 sur l’histoire narrative – mais M. Bloch préconisait une histoire « résolument explicative » – qu’il faut accorder plus de place à l’histoire économique, sociale et religieuse, mais ne veut pas subordonner les faits politiques aux autres. En fait, l’opposition de J. Isaac, comme celle de Georges Lefebvre qui fait partie du noyau des Annales, ne relève pas d’une conception de l’histoire différente de celle de M. Bloch mais de divergences sur les fins de l’histoire scolaire. L’histoire enseignée même en second cycle doit apporter la connaissance du temps présent car la connaissance169 seule donne toute sa mesure à l’explication. Or l’organisation des programmes du premier cycle ne donne pas aux élèves le temps d’acquérir des bases suffisantes. Le point de vue que défend J. Isaac est un point de vue fonctionnel et en ce sens il n’est pas étonnant qu’il trouve le projet de M. Bloch ambitieux. Ce n’est pas une querelle d’écoles qui oppose les historiens entre eux, c’est une divergence de points de vue au sens premier du terme. Certes, les inspecteurs généraux – et c’est particulièrement le cas de J. Isaac – peuvent être l’interface de la recherche historique et de l’enseignement secondaire mais leur fonction au sein de l’administration les conduit à avoir un raisonnement appliqué aux choses de l’éducation. Ils connaissent le terrain et c’est bien à cette réalité de la classe d’histoire que fait allusion G. Lefebvre lorsqu’il conclut, après une défense ardente de la continuité dans l’enseignement, que le plus mauvais juge, en matière de programmes, est « celui qui n’a jamais eu l’occasion de faire une classe d’histoire », ajoutant de façon assez féroce, « ou, qui l’ayant eue, ne s’en souvient plus170 ».
90L’étude en profondeur, censée « donner des notions complémentaires aux élèves du second cycle à l’aide d’explications de textes », selon les termes mêmes de l’inspecteur général Chevaillier ne reçoit pas un meilleur accueil que l’échantillonnage de la part des historiens car elle est interprétée comme la substitution à la leçon synthétique de l’examen analytique d’un texte. Or la culture secondaire étant une culture générale, l’esprit de synthèse est à privilégier à la connaissance dispersée et érudite. G. Lefebvre et P. Renouvin soulignent que les « explications de textes » sont un exercice propre à l’enseignement supérieur, souvent, insistent-ils, peu réussi par les étudiants, qu’il leur paraît impossible de transposer dans l’enseignement secondaire. Cette méthode où il s’agit de se livrer à une reconstruction historique à partir des documents est une méthode scientifique qui ne peut s’appuyer que sur une véritable culture de spécialiste. J. Isaac souscrit à leur analyse et affirme : « Faire de l’explication des textes la base de l’enseignement historique, c’est beaucoup trop demander à de jeunes esprits en pleine formation171 ».
91Pour les professeurs de l’enseignement secondaire, voire pour les inspecteurs, le recours aux textes – et non l’analyse – est essentiellement appréhendé sous l’angle des méthodes actives. On peut envisager une exploitation pédagogique des « explications de textes », y voir un procédé pour faire travailler les élèves, ce qui était déjà la perspective des directives de 1925172. Y figurait, pour la classe de troisième moderne, l’introduction à titre obligatoire de l’explication de textes. Dès lors, les recueils de textes font partie du matériel jugé indispensable pour enseigner et plusieurs sont rédigés conformément aux programmes de 1925. Certains regroupent des textes historiques, d’autres présentent davantage des écrits d’historiens et de mémorialistes. En effet, l’usage en est très divers, puisqu’il va de la simple lecture à l’illustration de la leçon, plus rarement à la sensibilisation au métier d’historien. Mais, prenant place dans les exercices pratiques et non dans le cours, l’exploitation d’un – ou de plusieurs documents écrits s’ils sont courts – vient toujours après le développement magistral ou livresque. Il n’est guère là encore que M. Bloch à avoir une opinion contraire ; il préconise, en effet, dans une approche interdisciplinaire, le « contact vivifiant des textes » et l’initiation aux méthodes propres de la critique historique en Philosophie et Mathématiques173.
92Cependant, la remise en cause de la valeur pédagogique de la leçon traditionnelle suscite des prises de position identiques à la sienne qui trouvent dans le Bulletin de la Société des professeurs d’histoire et de géographie une tribune privilégiée. Le mouvement est lancé en mars 1932 par la Régionale de Nancy qui entend « réagir contre l’impopularité de l’histoire174 », et propose d’adopter dans cette perspective une pédagogie nouvelle, débarrassée du double mal qui la caractérise, « la faiblesse de conception et la faiblesse de réalisation », et où l’outil de la transformation pédagogique est l’exercice d’histoire. En effet, si la finalité de l’enseignement historique est le développement de l’esprit critique, l’élève doit travailler – et le mot travail est opposé par l’auteur de l’article au mot étude – sur les sujets les plus importants à partir de documents. Dans la logique de ce raisonnement, le rédacteur cite, en précisant qu’il les approuve sans réserves, les termes de l’introduction d’un recueil de textes qu’il recommande : « L’histoire ne doit pas être enseignée comme un théorème dont on ne donnerait pas la démonstration… Si l’historien dissimule toute sa méthode, tout le travail qui est à la base de sa recherche, il déforme la science historique, cette discipline faite toute de critique et de nuances. Un historien doit, dans toute la mesure du possible, poser un problème, le résoudre et non point imposer une situation toute faite. Ceci est vrai également pour l’enseignement de l’histoire. Et nous croyons que cet enseignement n’est formateur qu’à ce prix. Car l’histoire n’est utile à l’homme que dans la mesure où elle lui donne le sens du relatif. Or, rien ne contribue davantage à lui donner cette qualité trop rare que la critique avisée des textes historiques. D’autre part, rien n’est plus révélateur d’une époque que les documents eux-mêmes175 ». Prenant appui sur la spécificité de la discipline, cette réflexion n’est pas sans rappeler celle de C. Seignobos qui voyait dans l’exercice de la méthode le seul intérêt des études d’histoire.
93Pour provoquer l’avis des sociétaires, la Régionale de Nancy fait publier dans le Bulletin une enquête sur les méthodes176 dont A. Troux, en tant que membre fondateur de la Régionale, fait la synthèse en la complétant par quelques remarques personnelles177. Son opinion incarne une voie moyenne entre les suggestions les plus avant-gardistes de ses collègues et l’indifférence majoritaire des enseignants. Or son élection comme délégué des agrégés d’histoire au CSIP en décembre 1933 donne à son avis la dimension d’une position officielle. Celui-ci reste très nuancé et ne comporte pas moins de quatre restrictions : « L’explication des textes d’histoire générale ou locale doit être, dans l’enseignement secondaire, un procédé auxiliaire, intermittent, réservé aux grandes classes et recommandé surtout pour les compositions ». Tirant les conclusions de son expérience, il est convaincu, en raison d’impératifs pédagogiques – et notamment les effectifs et le niveau des élèves – qu’il faut borner ses ambitions. Il reçoit sur cette question, en 1938 au moment de la discussion des programmes, le soutien total de l’inspecteur général J. Isaac qui emploie, à propos du projet de faire de l’explication de textes la base de l’enseignement historique, les termes d’« outrance » et de « dangereux bouleversements178 ».
94Quand le projet de réforme est examiné par les membres de la Société d’histoire moderne, l’avis majoritaire selon lequel on ne saurait construire l’histoire devant les élèves en se servant uniquement des textes, conduit l’assemblée à émettre le vœu « que l’enseignement historique initie l’élève à la discussion critique ; mais elle estime qu’il n’est pas possible de donner pour base essentielle à cet enseignement l’explication de textes179 » . Ceci revient à rejeter le projet Chevaillier et la première proposition n’est guère qu’une clause de style. La motion est d’ailleurs très proche de la proposition qu’A. Troux a toujours défendue. On y retrouve, en effet, les mêmes restrictions : « C’est seulement comme illustration de l’exposé du maître que l’explication de textes peut et doit être un procédé efficace, dans toute la mesure que permettent le temps et les moyens matériels accordés à l’enseignement de l’histoire ». Il est clair que, même comme procédé, le recours aux documents écrits peut être sacrifié à l’impératif du « parcours intégral » du programme.
95Soutenue par les universitaires les plus renommés, l’Inspection générale n’encourage pas le travail sur documents, alors que, par son pouvoir, elle a les moyens de peser en faveur de l’évolution des pratiques. Dès lors, elle le freine puisqu’il aurait fallu que les initiatives de quelques professeurs soient relayées institutionnellement pour que l’expérience soit généralisée. Or, le statut d’auxiliaire pédagogique auquel est confiné le texte concerne par ricochet l’histoire locale. En effet beaucoup de recueils de textes étaient composés de documents d’histoire locale ou régionale, souvent rassemblés par le travail d’archivistes et d’érudits locaux. En mettant les élèves en contact avec les traces directes d’un passé qui leur était généralement proche géographiquement, et donc affectivement, ces documents présentaient l’intérêt d’éveiller la curiosité et le sens historique en rendant l’histoire plus facilement accessible aux élèves que l’histoire nationale, voire parisienne. Mais, n’ayant guère eu d’autre cadre que celui des exercices pratiques et l’exploitation des textes restant marginale, l’histoire locale et régionale, en dépit de ses qualités formatrices, et bien qu’elle connaisse sur le plan institutionnel ses plus belles heures180, continue d’être une intruse dans des cours étroitement corsetés par les programmes nationaux, ou seulement un procédé pour assurer aux leçons « une intensité de vie et un relief particuliers181 »
96Si on comprend que les images qui ne sont pas encore promues dans la méthode historique au rang des sources restent cantonnées dans un rôle illustratif, on peut s’étonner que les historiens quelquefois, comme A. Troux, auteurs de recueils de textes, n’aient pas souhaité mettre à profit la réforme du deuxième cycle pour faire travailler les élèves sur les matériaux de l’histoire. Sans doute est-ce parce que précisément formés à la critique des sources écrites, ils en connaissent les exigences et savent que toute situation scolaire basée sur le document ne peut être qu’une imitation grossière de la pratique historienne. Leur vigilance méthodologique les rend défiants, parce que même lorsque le document est donné comme source, il n’en est qu’imparfaitement une. Il faut que le texte ne soit ni trop long ni trop difficile. Il est donc – et Mousnier le fait remarquer avec beaucoup de justesse à l’assemblée générale de la Société – « choisi arbitrairement en fonction de faits déjà établis par les historiens », c’est-à-dire qu’il est utilisé dans une situation complètement inverse de celle où se trouve l’historien, voire avec une problématique complètement différente : il ne s’agit plus d’aller chercher dans les sources une réponse à un questionnement ; il s’agit d’amener les élèves à trouver ce à quoi on veut les conduire.
97D’autre part, pour ces hommes, tous élèves de l’école méthodique, le travail sur les sources n’est qu’une étape parmi les opérations historiques. L’analyse ne vaut que par la synthèse. Mais à supposer que les élèves décomposent, faute de temps et de culture, ils ne peuvent recomposer. Il est vain de penser, comme le faisait – ou le faisait croire – C. Seignobos que la méthode historique est transférable en classe d’histoire. Au mieux, le travail sur les textes offre au professeur l’occasion de montrer aux élèves comment procède l’historien.
98Sur les trois questions qu’a fait naître le projet de réforme des programmes du second cycle, continuité-discontinuité, histoire politique ou histoire des civilisations, méthode analytique ou synthétique, la tendance des spécialistes, qu’ils soient historiens de métier ou professeurs – beaucoup d’ailleurs sont les deux – n’est pas aux bouleversements. Certes, tous conviennent que des améliorations sont souhaitables, mais peu s’engagent dans des voies novatrices. Morizet, ancien président de la Société des professeurs d’histoire et géographie, mentionne à propos de la discussion sur les contenus à la séance de la Société d’histoire moderne du 5 février 1939 qu’il voit revenir, depuis qu’il est entré dans l’enseignement en 1898, toujours les mêmes projets182. Pourtant, depuis 1902, c’est la première fois que les professeurs de faculté se mobilisent pour l’enseignement de l’histoire dans les lycées et collèges. Le contexte est cependant très différent. En 1902, la définition de l’enseignement de l’histoire dépendait de la réorganisation des structures de l’enseignement secondaire en fonction d’un projet social auquel adhéraient les historiens les plus influents de la communauté scientifique. Cette fois, il s’agit de questions internes à la discipline. Les certitudes positivistes ont été ébranlées. Sous l’influence des sciences sociales voisines auxquelles Henri Berr ouvre, au début du siècle, les colonnes de la Revue de Synthèse historique, l’histoire s’est renouvelée et a élargi son territoire. Aussi le débat sur l’enseignement porte-t-il la marque de cette configuration spécifique des années trente où en marge d’une école encore hégémonique, règne une grande effervescence intellectuelle. Derrière le relatif isolement de M. Bloch et l’absence d’écho que rencontre le projet qu’il avait soumis à la Société des professeurs d’histoire et de géographie en avril 1938, se lit le repli de la corporation sur ses traditionnelles lignes de force. C’est pourquoi M. Bloch s’inquiète de la sclérose de l’enseignement historique et tente de la combattre non seulement individuellement mais par l’intermédiaire des Annales.
99Dans un article co-signé des Annales d’histoire économique et sociale en mars 1937, M. Bloch et L. Febvre affirment ne pas s’être désintéressés des questions de l’enseignement mais avoir dû surseoir à leur étude, à cause d’autres tâches183. Il est certain qu’on ne recense dans la revue que trois textes écrits de 1929 à 1939, dont deux longuement consacrés à l’agrégation, et un à l’enseignement de l’histoire économique. Mais les trois déplorent plus ou moins explicitement les carences d’une éducation historique où sont traitées des leçons « privées de leur substrat social184 ». L’engagement de L. Febvre dans l’Encyclopédie française, les positions de M. Bloch185 en faveur des cycles, voire de l’échantillonnage, en font des acteurs potentiels des mutations de l’enseignement historique et Olivier Dumoulin a montré que M. Bloch avait utilisé toutes les instances d’enseignement pour promouvoir ses conceptions186. Il n’en reste pas moins qu’on peut s’interroger sur leur réelle diffusion dans le milieu des professeurs de l’enseignement secondaire. Lors d’une des discussions du colloque consacré en 1981 à « Cent ans d’enseignement de l’histoire », la majorité des intervenants ont fait état d’une très faible influence du mouvement des Annales auprès des professeurs de lycée187, ce qui n’est pas très étonnant puisque le Bulletin de la Société des professeurs d’histoire et de géographie, par exemple, rend compte des travaux de M. Bloch et L. Febvre en des termes mitigés188 et que les publications auxquelles collaborent les historiens de la nouvelle mouvance n’ont encore qu’un rayonnement limité.
100D’autre part, si dans la préparation des programmes les universitaires ont été invités à émettre leur avis, les décisions finales ne relèvent pas d’eux. Dans la procédure d’élaboration des programmes, puis lors de leur vote, le poids de l’Inspection générale est décisif. Il s’est renforcé depuis le début du siècle, d’une part parce que les inspecteurs généraux de la discipline – et non plus d’un ordre d’enseignement – sont plus nombreux, d’autre part parce qu’avec la lourdeur croissante du dispositif général de l’enseignement secondaire, leur fonction administrative s’est affirmée. Il est donc certain qu’en dernier ressort c’est l’opinion de l’administration qui détermine le canevas des programmes. Au printemps 1939, les périodes prévues pour les classes de première et de philosophie-mathématiques diffèrent peu de celles enseignées depuis 1925 mais la question n’est pas réglée pour la classe de seconde.
101C’est donc la stabilité qui l’emporte. Prudence ou réalisme ? Sans doute prudence par réalisme. Car, même si les doléances fusent abondamment au sein de la corporation, on peut penser que l’enseignement historique a atteint entre les deux guerres dans les établissements secondaires une situation d’équilibre.
102Dans un contexte moins favorable à l’histoire que celui de la réforme de 1902, l’enseignement de la discipline suit les chemins tracés depuis sa genèse. Il s’affirme en priorité comme un enseignement de connaissances qui concourt à l’acquisition de la culture générale et participe conjointement aux autres matières scolaires à la formation intellectuelle des élèves. Or celle ci reste la mission première qu’assigne à l’enseignement secondaire une société pour laquelle la culture générale est un gage d’honorabilité. La stabilité des contenus n’est que l’adaptation des savoirs disciplinaires à la stabilité structurelle de l’enseignement secondaire de l’entre-deux-guerres, « notre tout puissant Empire du milieu », comme le dénommait L. Febvre189. Certes, il y a eu une augmentation des effectifs masculins scolarisés dans les établissements secondaires due à une évolution des pratiques de recrutement, mais la politique scolaire a consisté à appeler dans les collèges et lycées grâce au système des bourses les meilleurs élèves des écoles primaires plus qu’à ouvrir largement les portes190. C’est ce souci de préserver les études secondaires d’une éventuelle baisse de niveau que pouvait provoquer un afflux de population qui explique l’opposition prolongée à la gratuité et, quand elle a été votée, l’établissement de l’examen d’entrée en sixième. Tout en paraissant favorable aux classes populaires, ce dispositif a entériné le caractère élitiste de l’enseignement secondaire. La réforme de J. Zay, en transformant celui-ci en enseignement du second degré, établit théoriquement plus de continuité entre le primaire et le secondaire ; mais c’est plus un premier pas vers la réalisation du projet d’école unique, combat des Compagnons de l’université nouvelle aux lendemains de la guerre, qu’une réelle modification des conditions de scolarisation de la jeunesse française.
103En conséquence, à partir du moment où son public est le même, sinon socialement, du moins par ses capacités intellectuelles potentielles, l’enseignement secondaire n’a aucune raison de modifier son projet pédagogique. Sa responsabilité est de faire de cette élite de la population scolaire l’élite de la nation française. Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi l’Éducation nationale n’a emprunté dans le renouveau de la pensée psychologique et pédagogique que ce qui permettait de rajeunir les méthodes sans ébranler les cadres.
104Dans ce contexte de stabilité, la période 1880-1902 est marquée par une affirmation des études historiques, tant quantitativement que qualitativement. Tous les élèves de l’enseignement secondaire ont des cours d’histoire, en moyenne une heure et demie à deux heures par semaine. En outre, l’histoire est une discipline affranchie, « un enseignement de spécialité » qui a conquis l’espace que les humanités ne lui laissaient pas occuper. Enfin, une réflexion didactique, sur le savoir – qu’enseigner ? – et sur les méthodes – comment enseigner ? – se développe, animée particulièrement par E. Lavisse et C. Seignobos. Se fixe à travers les programmes ce que la République attend de l’enseignement historique, dans un mouvement de réforme dont les caractères et les fins propres de l’enseignement secondaire définissent les principes directeurs, mais à un moment où la conjoncture pèse lourdement sur le choix des finalités. Ainsi, comme l’ensemble du plan de 1902, les dispositions relatives à l’histoire essaient de concilier ces contraintes antagonistes et de réaliser la synthèse entre deux conceptions différentes de la culture.
105Cependant, dans la hiérarchie des disciplines, l’histoire ne devient pas une matière essentielle. Les humanités classiques résistent, d’autant plus que leurs partisans contre-attaquent au lendemain de la réforme. Sans succès les professeurs réclament une épreuve écrite à la deuxième partie du baccalauréat qui consacrerait l’importance des études historiques. D’autre part, malgré l’ambition de l’établir sur des bases scientifiques, la connaissance historique est tributaire du discours et des livres, vit par la forme d’expression qui lui est donnée, qu’elle soit orale ou écrite, et relève de facto de la culture littéraire. Le fait qu’à partir de 1925, lui soit associée l’histoire de l’art dans les sections modernes et que, dans les secondes et premières classiques, elle soit enseignée parallèlement aux langues anciennes renforce cette appartenance. Le classement proposé dans l’Encyclopédie française en prend acte, son auteur précisant toutefois que l’histoire est une culture particulière191 au sein de l’ensemble littéraire, puisqu’elle repose sur une démarche scientifique, – mais celle-ci, nous l’avons vu, n’a pas trouvé sa place à l’école –. Aussi ne s’impose-t-elle pas sur le plan institutionnel autant qu’avaient pu l’espérer les historiens de l’école méthodique. Elle ne prend pas dans l’organisation du cursus scolaire la place centrale qu’occupaient au xixe siècle le latin et le grec et les humanités modernes restent plus une idée qu’une réalité. L’histoire est une des catégories du savoir scolaire, définie par ses horaires, ses programmes, éventuellement ses méthodes, en concurrence avec les autres matières, et on peut se demander ce qu’est devenu le principe d’unité des études cher aux réformateurs.
106L’évolution de la discipline historique se fait donc sans rupture sous la houlette d’une administration qui ne fait aucun prosélytisme et où les historiens sont moins influents que dans les dernières années du siècle précédent. En effet, même si l’historiographie française reste très prestigieuse, la philosophie et la sociologie ont imprimé leur marque au débat intellectuel. L’histoire est à plusieurs reprises au cœur des discussions mais elle occupe des positions plus défensives que conquérantes. Le champ historique se recompose. Mais, à travers les nouveaux questionnements, la recherche est la même : comment renouveler l’enseignement de l’histoire de façon à ce que, face à un monde changeant, il aide les élèves à le décrypter et les prépare à la vie ? Si un premier équilibre est à trouver entre ces finalités et les contenus d’enseignement, ni les programmes ni l’exposé théorique des méthodes n’y suffisent. Encore faut-il que les modalités de transmission du savoir permettent que la connaissance des faits conduise à plus de compréhension et plus d’intelligence. L’enjeu n’est que partiellement dans les programmes. En eux-mêmes ils ne définissent pas l’enseignement historique, même lorsque derrière la lettre, on cherche l’esprit. Car leur philosophie subit l’épreuve de la classe.
Notes de bas de page
1 Liard (L), « Le nouveau plan d’études secondaires », RIE, t. 44, 1902, 2, p. 499-502.
2 Ribot (A.), Discours politiques, 1901-1905, Paris, Plon, 1905.
3 Ibidem.
4 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, A. Colin, 1906.
5 Isaac (J.), Combat pour la vérité, Paris, Hachette, 1970.
6 BAIP, n° 1522, 1902, p. 739-746.
7 Ibid.
8 Ribot (A.), Discours politiques, 1901-1905, Paris, Plon, 1905.
9 Ibid.
10 Lavisse (E.), Déposition orale, JO, 1899, Documents parlementaires, SO, Chambre des députés,
Annexe n° 866, p. 1015 sq.
11 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, 1906.
12 Langlois (C.V.) et Seignobos (C.), Introduction aux études historiques, Paris, 1897.
13 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, 1906.
14 Ibid.
15 Ibidem.
16 Ibid.
17 Prost (A.), « Seignobos revisité », Vingtième siècle, Revue d’histoire, n° 43, juillet-septembre 1994.
18 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, 1906.
19 Ibid.
20 Seignobos (C.), L’enseignement de l’histoire comme instrument d’éducation politique, Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907.
21 Bourgeois (E.), « L’histoire contemporaine et la science de l’histoire », RIE, t. 45 II, 1886, n° 1, p. 329-345.
22 Ibid.
23 Nora (P.), « Lavisse, instituteur national », Les lieux de mémoire, op. cit., p. 265 sq.
24 Monod (G.), « Les programmes d’histoire », Bulletin historique, Revue historique, t. 77, 1901, p. 98-100.
25 Chervel (A.), « L’histoire des disciplines scolaires », Histoire de l’éducation, n° 38, mai 1988, p. 59-119.
26 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, 1906.
27 Lavisse (E.), « L’enseignement historique en Sorbonne et l’éducation nationale », Questions d’enseignement national, Paris, 1885.
28 Seignobos (C.), op. cit.
29 Cousinet, Notice « Imagination », Nouveau Dictionnaire de Pédagogie et d’instruction primaire, Paris, éd. 1911.
30 Seignobos (C.), « L’enseignement de l’histoire dans les facultés », (III), RIE, t. 8, 1884, 2, p. 35-60.
31 Ibid., p. 41.
32 Langlois et Seignobos, Introduction aux études historiques, Paris, 1897.
33 Ibid.
34 Weill (G.), « L’application des nouveaux programmes d’histoire, À propos d’un ouvrage récent », RU 15e A, t. 1, 1906, p. 106-116. L’ouvrage en question est le manuel rédigé par C. Seignobos. G. Weill, alors professeur au lycée Louis-le-Grand en fait le plus grand éloge.
35 Introduction de l’instruction ministérielle relative au programme de 1902 restée non publiée. A. Malet en cite des extraits lors de la discussion de la conférence de Gallouédec, Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 170.
36 Ibid., p. 171, « Le professeur s’interdira toute énumération de batailles. Il évitera même le détail des négociations et des traités ».
37 Seignobos (C.), « L’enseignement de l’histoire comme instrument d’éducation politique », Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907.
38 Seignobos (C.), « L’enseignement de l’histoire dans les facultés », RIE, t. 8, 1884, 2, p. 42.
39 Thalamas (A.), Discussion consécutive à la conférence de Gallouédec, Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 149-150.
40 Leygues (G.), Lettre adressée par le ministre au président de la Commission de l’enseignement de la Chambre des députés, BAIP, n° 1504, 1902, p. 97-106.
41 Voir partie II.
42 Marion (H.), « Méthode », Nouveau Dictionnaire de pédagogie…, op. cit., p. 1290-1292.
43 Tourneur (M.), Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907.
44 BAIP, 1890, supplément au n° 922, p. 489.
45 Lavisse (E.), Conférence faite aux étudiants de la faculté des lettres de Paris, juin 1884, Questions d’enseignement national, Paris, 1885.
46 Langlois (C.V.), Questions d’enseignement et d’histoire, Paris, 1902, p. 181.
47 BAIP, 1890, supplément au n° 922.
48 Ibid., p. 478.
49 BAIP, n° 1818, 1908, p. 347-351.
50 Marion (H.), Notice « Méthode », Nouveau Dictionnaire de pédagogie, op. cit.
51 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, 1906.
52 BAIP, 1890, supplément au n° 922.
53 Seignobos (C.), « L’enseignement de l’histoire dans les facultés », (III), RIE, t. 8, 1884, 2, p. 35-60.
54 BAIP, 1890, supplément au n° 922, lettre de L. Bourgeois, p. 415.
55 Ibid. p. 488.
56 Cahen (A.), « L’enseignement secondaire », conférence faite à l’ENS le 8-1-1921, RU 30e A, 1921, 1, p. 251-269.
57 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, 1906.
58 Ibid., p. 17.
59 Ibidem, p. 15.
60 Ibid., p. 39.
61 Seignobos (C.), « L’enseignement de l’histoire comme instrument d’éducation politique », Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 22. Cf. texte 3, Annexe 3.
62 Ibid., p. 22.
63 Monod (G.), « La pédagogie historique », RIE, t. 53, 1907, 2, p. 199 à 207.
64 Seignobos (C.), « Une expérience d’exercices historiques », RU, 5e A, 1896, 2, p. 17-26.
65 Thalamas (A.), « Cours, sommaires et notes », RU, 2e A, 1893, 2, p. 133-145.
66 Gallouédec (L.), Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 62-77.
67 Ibid., p. 69. « Rien ne vaut cette sorte de maïeutique pour faire réfléchir et penser l’élève ».
68 Compayré (O.), Notice « Méthode expérimentale », Nouveau Dictionnaire de pédagogie…, op. cit., p. 589.
69 Gallouédec (L.), Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 76.
70 Souligné par nous.
71 Ibid., p. 70-71.
72 Ibid., p. 69.
73 Discussion de la conférence de M. Gallouédec, p. 158-163. Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 158-163. Bougier, dans la Revue historique, fait état d’une position unanime, Bulletin historique, RH, t. 95, 1907, n° 3, p. 340-345.
74 Ibid., p. 152.
75 Ibidem, p. 178.
76 Ibid., p. 138.
77 Ibid., p. 161.
78 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, 1906.
79 Gallouédec (L.), Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 64.
80 Isaac (J.), Combat pour la vérité, Paris, 1970.
81 BAIP, n° 1818, 1908, p. 347-351.
82 Ibid., p. 348.
83 Ibid., p. 349.
84 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, 1906.
85 Discussion de la conférence de Gallouédec, Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907, p. 159-162.
86 Péguy (C.), Prose, Œuvres en prose complètes, Paris, Gallimard, 1986, p. 997.
87 Ibid., p. 1116-1136.
88 Alfred de Tarde est le fils de Gabriel (de) Tarde, titulaire de la chaire de philosophie moderne au Collège de France. Henri Massis (1886-1970), entré dans le compagnonnage de Péguy en 1910, fondateur avec Bainville et Maritain de la Revue universelle, est une des figures de proue de l’activité littéraire de l’extrême droite entre les deux guerres.
89 Lasserre (P.), 1867-1930, signe avec R. de Marans un ouvrage très polémique, La doctrine officielle de l’Université, critique du haut enseignement d’État, défense et théorie des lettres classiques, Paris, Mercure de France, 1912.
90 Agathon, L’esprit de la Nouvelle Sorbonne, La crise de la culture classique, La crise du français, Paris, Mercure de France, 1911, p. 60.
91 « La question de la Sorbonne », Action française, 10-12-1910.
92 Daudet (L.), « L’envahissement allemand », Action française, 26-8-1910.
93 Maurras (C.), « Les Monod », Action française, 22-9-1908. Cet article paraît en première page.
94 Lasserre (P.), La doctrine officielle de l’Université…, op. cit., p. 366.
95 Décret du 10 nov. 1903. L’ENS est réunie à l’Université de Paris et devient un institut pédagogique, chargé de la préparation pratique des futurs professeurs. BAIP, n° 1596, 14 nov. 1903, p. 1002-1004.
96 Daudet (L.), « L’envahissement allemand », Action française, 26 août 1910.
97 Ibid.
98 Maurras (C.), « Les Monod », Action française, 22 sept. 1908.
99 Ces opinions s’expriment dans le cadre de l’enquête que la Revue universitaire ouvre sur la décadence du français au baccalauréat. RU, 16e A, 1907, 1, p. 1-47.
100 Balz (A.), Chronique du mois, RU, 20e A, 1911, 1, p. 58.
101 Monod (G.), « Questions d’enseignement et d’administration », Bulletin historique, Revue historique, t. 80, 1902, n° 3, p. 83.
102 JO, 1911, Débats parlementaires, SO, Chambre des députés, 13-16 février. La séance du 14 février est marquée par une longue intervention de Thalamas qui défend la réforme de 1902 et l’œuvre de la commission Ribot (JO, 15/2/1911, p. 681-698). Couyba rapporte quant à lui devant le Sénat où s’expriment les plus fortes inquiétudes sur le caractère de plus en plus utilitaire de l’enseignement secondaire.
103 Citron (S.), Aux origines de la Société des professeurs d’histoire et de géographie, Thèse de 3e cycle, Paris, 1974.
104 Dupont-Ferrier, Du collège de Clermont au lycée Louis-le-Grand, la vie quotidienne d’un collège parisien pendant plus de trois cent cinquante ans, Paris, De Bocard, 1925, 3 vol. Dupont-Ferrier, ancien professeur d’histoire et de géographie dans l’établissement, professeur à l’École des chartes, dédie son ouvrage à la mémoire des anciens élèves du lycée morts pour la France.
105 Ibid., Réponse de Kergomard au questionnaire que lui avait adressé Dupont-Ferrier. Kergomard cite les propos d’un élève à son père, « L’histoire et la géographie, c’est très chic : plus de noms, plus de dates, rien que des blagues », p. 482.
106 Weill (G.), « L’application des nouveaux programmes d’histoire », RU, 1906, 15e A, 1, p. 106-116.
107 Malaurie (A.), « Quelques retouches à apporter aux programmes d’histoire et de géographie », RU, 1911, 20e A, 1, p. 102-107.
108 Ibidem, cf. aussi les articles publiés dans la Revue universitaire cités ci-dessus.
109 Dupont-Ferrier, Quelques réponses à notre enquête, Appendice, op. cit., t. 3, p. 477 sq.
110 Marion (H.), Article « Méthode », Nouveau Dictionnaire de pédagogie…, op. cit.
111 Ibid., p. 1291 : « On peut établir que faire un bon citoyen est le meilleur moyen, sinon le seul, de faire un homme.
112 Thalamas (A.), « La crise de l’enseignement historique dans les lycées et les collèges », RLC, n° 2, janv. 1905. L’affaire Thalamas est révélatrice du climat politique. Elle est évoquée de façon détaillée par Sirinelli (J.-F.), Génération intellectuelle, khâgneux et normaliens de l’entre-deux-guerres, Paris, Fayard, 1988.
113 Thalamas (A.), Conférences du Musée pédagogique, p. 128, Paris, 1907.
114 Bougier, Conférences du Musée pédagogique, p. 131, Paris, 1907.
115 G. Syveton fonde avec H. Vaugeois et L. Dausset, deux autres professeurs de l’enseignement secondaire, la Ligue de la Patrie française. Sommé de choisir entre son enseignement et ses activités militantes, il démissionne de ses fonctions de professeur. G. Hervé, quant à lui, militant socialiste, passe à plusieurs reprises en justice pour avoir publié des articles anti-militaristes. Sirinelli (J.-F.) (dir.), Histoire des droites en France, Paris, Gallimard, 1992, 3 vol.
116 Liard (L), « Le nouveau plan d’études de l’enseignement secondaire », RIE, t. 44, 1902, 2, p. 499-502.
117 Levy-Guenot (R.), « L’histoire et l’enseignement civique », RU, 29e A, 1920, 2, p. 341-356.
118 Weill (G.), « L’application des nouveaux programmes d’histoire », RU, 15e A, 1906, 1, p. 106-116.
119 Prost (A.), Histoire de l’enseignement en France (1800-1967), Paris, 1968.
120 JO, 1925, 57e A, n° 140, 17/6/1925, Décret du 13mai 1925 abrogeant celui du 3 mai 1923, p. 5574.
121 Morizet, rapport du président à l’assemblée générale du 27/12/1925, BSPHG, n° 46, janv. 1926, p. 6-7.
122 Assemblée générale du 23/12/1937, BSPHG, n° 94, 1938, p. 120-137.
123 Ibid., p. 126.
124 JO, 1925, 57e A, n° 206, 3/9/1925, Instructions pour l’enseignement de l’histoire et de la géographie, p. 8662-8670.
125 JO, 1938, Annexes, Instructions du 9-10-1938, p. 1197-1235.
126 Veyne (P.), Comment on écrit l’histoire, Paris, Le Seuil, 1971.
127 « Les projets de réorganisation des programmes », BSHM, 20e A, n° 35, 4-3-1920, p. 378.
128 Gustave Monod, inspecteur de l’Académie de Paris, après avoir défendu cette position, se rallie au maintien de l’Antiquité en 6e, Compte rendu de TROUX, BSPHG, n° 94, 1938, p. 127.
129 JO, 1938, Annexes, p. 1216-1219
130 Paul (A.), « Le cycle unique des nouveaux programmes », BSPHG, n° 43, avril 1925, p. 19-23.
131 Seignobos (C.), L’histoire dans l’enseignement secondaire, Paris, A. Colin, 1906.
132 Bloch (M.), « L’enseignement historique dans les lycées et collèges », BSHM, 38e A, n° 9, avril 1938, p. 7. Marc Bloch (1886-1944), professeur aux lycées de Montpellier et d’Amiens, quitte en 1936 la faculté des lettres de Strasbourg pour la Sorbonne. Tant par ses livres que par les articles qu’il publie dans les Annales HES, dont il assure la direction en collaboration avec Lucien Febvre, il fait partie des grands universitaires des années 1930.
133 Ibid., p. 10.
134 Sur la proposition du savant espagnol Casarès, le travail de révision est confié aux 40 commissions nationales constitutives de l’Organisation internationale de coopération intellectuelle.
135 Altamira y Crevea (R.), L’enseignement de l’histoire, Madrid, 1891.
136 Valéry (P.), « De l’Histoire », (1931), Œuvres, t. II, Paris, Gallimard, 1960, p. 935.
137 Faureau (P.), « Profession de foi », BSPHG, n° 98, janv. 1939, p. 165-168.
138 Baudin (P.) BSPHG, n° 100, juin 1939.
139 Febvre (L.), « Éducation et instruction », t. XV, 15-42-2, L’Encyclopédie française, Paris, Larousse, 1939.
140 Isaac (J.), Combat pour la vérité, Paris, 1970.
141 JO, 1938, Annexes, p. 1216-1217.
142 JO, 1925, n° 206, p. 8665.
143 Circulaire aux historiens des lycées pour la création de la Société, 10 mars 1910, reproduite à l’occasion du 25e anniversaire, BSPHG, n° 85, nov. 1935, p. 1-2.
144 Cette diversification des tâches conduit en 1936 à la constitution du Centre national de documentation pédagogique.
145 BSPHG, n° 91, mars 1937, p. 271.
146 Voir leurs témoignages, Conférences du Musée pédagogique, Paris, 1907.
147 JO, 1925, 57e A, n° 206, p. 8662-8670.
148 La nécessité de la circulaire s’explique par le fait que beaucoup de professeurs utilisaient le temps des exercices pratiques pour réaliser le programme annuel.
149 Piaget (J.), Psychologie et pédagogie, Paris, Denoël, 1969, p. 103.
150 L’Encyclopédie française, Paris, Larousse, 1939. Le tome XV, dirigé par Célestin BOUGLÉ est consacré à l’éducation et l’instruction.
151 Isaac (J.), Combat pour la vérité, Paris, 1970.
152 JO, 1938, Annexes, p. 1197-1198.
153 Ibid.
154 M. Bloch lui même n’envisage guère une autre manière d’enseigner aux jeunes enfants, BSHM, 38e A, n° 9, 1938, p. 6.
155 « La réforme de l’enseignement », BSPHG, n° 94, janv. 1938, p. 128.
156 Ibidem, p. 131
157 Lefebvre (G.), « À propos de l’enseignement historique », Revue historique, t. 182, 1938, n° 1, p. 1-6.
158 « L’enseignement historique dans les lycées et collèges », BSHM, n° 9, 38e A, 1938, p. 2-11.
159 Chevaillier, professeur de Première supérieure au lycée Henri IV à Paris a été nommé inspecteur général de l’Éducation nationale en 1937.
160 Pages (G.), agrégé en 1889, inspecteur de l’Académie de Paris (1911-1916), puis inspecteur général de l’Instruction publique (1916-1921) a été nommé en 1922 professeur d’histoire moderne à la faculté des lettres de Paris. Il avait déjà proposé en 1906, alors qu’il était professeur au collège Rollin à Paris, une réflexion sur les buts de l’enseignement de l’histoire assez proche de celle qu’il expose là. « L’enseignement de l’histoire au lycée », Revue de synthèse historique, t. 13, 1906, p. 107-110.
161 Bloch (M.), « Note sur la réforme de l’enseignement historique », BSPHG, n° 96, juin 1938, p. 343-351.
162 Bloch (M.), Sur les programmes d’histoire dans l’enseignement secondaire, BSPHG, nov. 1921, p. 15-17
163 Ibid.
164 Souligné par nous.
165 Souligné par M. Bloch, BSHM, 38e A, n° 9, 1938, p. 7.
166 Bloch (M.), « Note sur la réforme de l’enseignement historique », BSPHG, op. cit., p. 347.
167 Febvre (L.), « Face au vent », Manifeste des Annales nouvelles, Annales ESC., 1, 1946, repris dans Combats pour l’histoire, Paris, A. Colin, 1953, p. 34-43.
168 Souligné par nous.
169 Souligné par nous.
170 Lefebvre (G.), « À propos de l’enseignement historique », Revue historique, t. 182, 1938, n° 1, p. 1-6.
171 Intervention de Jules Isaac, à l’assemblée extraordinaire de la SHM, BSHM., 38e A, n° 9, 1938 p. 9-11
172 Intervention d’A. Troux, Ibid., p. 8.
173 Bloch (M.), «Note sur la réforme de l’enseignement historique », BSPHG, n° 96, juin 1938, p. 347.
174 Lacoste, À propos d’un recueil de textes, un enseignement méprisé, BSPHG, n° 71, mars 1932, p. 219-227.
175 Ibid., p. 221.
176 « Les méthodes à employer pour l’enseignement de l’histoire », Questionnaire proposé par la Régionale de Nancy, BSPHG, n° 74, janv. 1933, p. 479-480.
177 Troux (A.), « Enquête sur la méthode de notre enseignement », BSPHG, n° 78, janv. 1934, p. 161-171.
178 Isaac (J.), BSHM, op. cit., p. 9.
179 BSHM, 38e A, n° 9, 1938, p. 11.
180 Les instructions de 1925 relatives aux exercices pratiques retiennent en effet, comme contenu des séances en seconde (c’est-à-dire à raison d’une demi heure par semaine), des notions d’histoire locale, mais précisent dès l’introduction que « l’enseignement de l’histoire locale n’interviendra ici que comme une illustration concrète de l’histoire générale, et non point comme un enseignement ayant en soi ses fins et ses méthodes ». JO, 1925, p. 8668-8670. Cette interprétation est, au demeurant, partagée par les enseignants qui plaident en faveur d’une histoire des petites patries qui « vivifie et complète celle de la grande », mais ne fasse l’objet d’un enseignement ni supplémentaire ni particulier. Le sujet reste toutefois peu abordé. Nous avons dénombré trois articles dans les revues générales pour la période de 1902-1939. Hermann (L.), « L’enseignement de l’histoire et de la littérature régionales et locales dans les lycées et collèges », RU, 29e A, 1910, 1, p. 31-33 ; Vallée (G.), « L’histoire loale dans l’enseignement secondaire », RU, 35e A, 1926, p. 310 ; Prentout (H.) « L’enseignement de l’histoire locale au lycée et à l’école primaire », RIE, t. 70, 1916, p. 36-52.
181 A.D. Ille-et-Vilaine, 1T (R), Dossier E. C…, I.G. Huby, 1943, classe de 4e, La vie économique au Moyen Âge.
182 « Les programmes d’histoire du 2e cycle de l’enseignement du second degré », BSHM, 39e A, mars 1939, p. 3.
183 Bloch (M.), Febvre (L.), « Pour le renouveau de l’enseignement historique », Annales d’histoire économique et sociale, n° 44, mars 1937, p. 114-129.
184 Bloch (M.), Febvre (L.), « À propos d’un concours », Annales d’histoire économique et sociale, n° 27, mai 1934, p. 265-266.
185 Bloch (M.), « Problèmes d’enseignement », Annales d’histoire économique et sociale, n° 47, sept. 1937, p. 491.
186 Dumoulin (O.), Le marché universitaire de l’histoire, M. M. Bloch aujourd’hui, Histoire comparée et sciences sociales, Paris, éd. de l’EHESS, 1990.
187 « Colloque Cent ans d’enseignement de l’histoire (1881-1981) », Paris, 13-14 nov. 1981, Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° hors-série, 1984, p. 50 (intervention de P. Goubert et P. Lévêque).
188 Citron (S.), « Positivisme, corporatisme et pouvoir dans la société des professeurs d’histoire et de géographie », Revue française de science politique, nos 4-5, août-oct. 1977, p. 691-716.
189 Febvre (L.), Éducation et instruction, t. XV, 15-04-9, L’Encyclopédie française, Paris, Larousse, 1939.
190 Briand (J.-P.), Chapoulie (J.-M.), Peretz (H.), « Les conditions institutionnelles de la scolarisation des garçons entre 1920 et 1940 », RHMC, t. 26, juil.-sept. 1979, p. 391-421.
191 Vial (F.), Éducation et instruction, t. XV, section B, 15-34-12, L’Encyclopédie française, op. cit.
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