Les Haïkus de Jonas Mekas dans Lost Lost Lost (assemblé et sorti en 1976)
p. 239-254
Texte intégral
J’ai rêvé mon film se faisant au fur et à mesure
Sous le regard,
Comme une toile de peintre éternellement fraîche
Robert Bresson1
1Lost Lost Lost a une genèse hors du commun, et il convient en premier lieu d’esquisser le processus de création de ce film. Trois heures de film pour relater une décennie de vie, d’apprentissage du cinéma et de sa pratique assidue. Le cinéaste, le « filmeur » (« filmer ») comme il se nomme, Jonas Mekas, est un Lituanien émigré en Amérique en 1949 et installé à New York depuis (d’abord à Williamsburg, Brooklyn, puis à Manhattan). Jonas Mekas et son frère Adolfas ont été portés par le vent de l’histoire : contraints de quitter la Lituanie durant la Seconde Guerre mondiale, ils vont errer de camps de travail en camps de réfugiés avant de finalement rejoindre Ellis Island, le port de transit de New York, en novembre 1949. Les deux jeunes hommes sont arrivés avec rien en poche, et leur installation se fait dans la précarité et la douleur de l’exil, car il s’agit d’un triple exil (d’où le tercet Lost Lost Lost : trois fois perdu) : un exil physique (le déracinement géographique), un exil linguistique (la découverte d’une langue étrangère, et pour l’écrivain qu’il est, de nouvelles images, de nouveaux rythmes, mais surtout un écartèlement jamais résolu entre les deux langues) ET un exil vers ce que Patrice Rollet2 définit comme « la patrie de ceux qui ont tout perdu » : le cinéma. Avec leurs premiers dollars en poche, ils achètent cependant une caméra Bolex et commencent à tourner leurs déambulations dans New York, les rues, les gens, les saisons qui se succèdent, la solitude, le froid, la faim… À l’époque, le cinéma « documentaire » n’était pas naturellement réflexif, on avait plutôt coutume de tourner la caméra vers le monde extérieur, vers les autres ; aussi les deux frères entreprennent-ils de « documenter » la communauté lituanienne tout en explorant l’espace ouvert devant la caméra, d’abord timidement, puis en s’installant progressivement dans le plan. Ils tournent des images (sans sons diégétiques) de manière quasi compulsive, avec un souci particulier pour les célébrations, les chants et les réunions politiques de ceux qui pensent agir pour leur pays. Ce qui se dessine au fil des prises, c’est en fait un journal filmé dont l’objet est presque d’archiver les images, fétiches d’une réalité qui leur échappe et les aliène ; « quand on n’a aucun contrôle sur la réalité, écrit encore Mekas3, filmer devient aussi une manière de réfléchir ». Mais c’est aussi pour résister à l’érosion de la mémoire, à l’oubli :
It’s my nature now to record, to try to keep everything I’m passing through…… to keep at least bits of it…… I have lost too much…… So now I have these bits that I have passed through4.
2Ils tournent ainsi quotidiennement, au fil des années, sans songer à en faire un film, un peu comme on écrit ses mémoires, fascinés qu’ils sont alors, jeunes hommes pétris de littérature et caressant le rêve de vivre de leur plume, par le concept de caméra-stylo développé par Alexandre Astruc. Dans les années 1960, Mekas entreprend cependant plusieurs projets de films, fictions et documentaires. Son premier film sera Walden (1969) puis ce sera Reminiscences of a Journey to Lithuania, images tournées durant l’année 1971, alors qu’il peut enfin retourner dans son pays, revoir sa mère, son autre frère. Mais au lieu de filmer les changements intervenus, il filme l’immuable, la mère devant sa datcha, son foyer, les gamelles cuisant lentement, la nature environnante insensible aux tourments de l’histoire… C’est très probablement – tout au moins à mon sens – ce voyage « dans le temps » qui insuffle à Mekas l’envie de monter les images de ses premières années d’exil, comme s’il voulait revivre par le film ces longues années d’apprentissage ; comme si, en explorant sa mémoire, seule véritable source d’inspiration mais source inépuisable, il la recréait au fur et à mesure de son exploration.
3Si la séquence de haïkus se situe à la cinquième et avant-dernière bobine de ce film-fleuve, c’est dès les premières images, tremblées, hallucinées, du commencement – plus que pour tout autre cinéaste sans doute, chaque film de Mekas est une fractale où se dessinent le commencement et les origines – qu’il met en place son travail d’écriture cinématographique ciselé et unique, marqué du sceau de la subjectivité la plus radiante et la plus créatrice5. On ne peut que remarquer l’aspect textuel des images et l’aspect imagé de la voice over, avec notamment l’emploi récurrent de l’anaphore, ressort poétique qui martèle la souffrance du déraciné, la réactualise encore et toujours :
Ça s’est logé en moi comme une hache et c’est resté coincé, et je mourrai comme ça, comme une vieille souche, avec le tranchant d’une hache planté en moi6.
4On notera également le travail de glissement progressif des systèmes symboliques, et comment le paysage américain s’approprie la symbolique slave. Et en effet, à voir et revoir la première bobine de Lost Lost Lost, on pourrait presque croire que Mekas n’a jamais quitté sa Lituanie natale, à la vision de Prospect Park transformé par la magie du plan en une vaste plaine enneigée, les silhouettes des skieurs figurant les arbres dans le vent qu’il ne se lasse pas de filmer, comme si la pellicule mekasienne n’était qu’un palimpseste et que sous la géographie newyorkaise battait le cœur de Simeniskaïa, son village à la frontière russe, véritable ligne de démarcation. Mekas filme le monde qui l’entoure comme son univers intime, comme s’il n’y avait pas de distinction entre les deux univers : « Ce que vous voyez, écrit-il dans son Journal7 , c’est mon monde imaginaire qui n’est pas du tout imaginaire mais bien réel. » En filmant son monde imaginaire, il met le doigt sur la vision elle-même, dans une tentative de réconciliation, tout au moins de dialogue entre les principaux pôles du film.
5Au bout des trois heures de film, on comprend comment tout le processus créatif de Mekas s’est mis en place, et l’on se crée, pour ainsi dire, des souvenirs communs aux siens. C’est l’expérience que l’on acquiert à fréquenter ses films : un travail de la mémoire, l’inscription de la vie dans le plan, l’unicité de l’expérience. C’est une histoire de reconnaissance, une re-connaissance de soi dans la peau d’un autre – ce qu’il appelle prosaïquement une « DP » (Displaced Person). Le JE qui s’impose progressivement dans le tissu du film est et restera un autre – son vrai lui est ailleurs, dans le point de balancement entre passé et présent, ici et ailleurs, dans l’épiphanie d’un plan – nous le verrons avec le haïku. Quant à nous, spectateurs attentifs, nous accréditons la thèse aristotélicienne selon laquelle : « Nous reconnaissons ce que nous connaissons déjà, mais que l’artiste a su mettre sous nos yeux. » Je cite Mekas : « Alors, si vous lisez bien les détails (les détails du réel), même si on ne me voit pas marcher ou parler, on peut tout connaître de moi8. »
6Le film est composé de 6 bobines présentant quelques similitudes formelles, notamment dans leur ouverture et leur clôture (les femmes, figures de Mère Courage ou déesses, ponctuent ces 6 volets). Les deux premières bobines sont principalement consacrées à l’installation de Jonas et d’Adolfas, leur intégration à la communauté lituanienne, leur exploration du territoire, leurs premières déceptions. Les deux bobines suivantes se concentrent sur les activités artistiques des deux frères, la prise de conscience de leur enfermement à Brooklyn, leur envie de traverser l’Hudson pour continuer leur route et vivre enfin leur (vraie) vie, comme Ulysse voyant Ithaque se profiler au loin. Enfin, les deux dernières bobines reflètent l’expérimentation formelle, la recherche d’un style propre, capable de restituer les visions de l’artiste. Plutôt qu’à l’aspect expérimental et politique de l’expression mekasienne, nous nous intéresserons principalement à la mise en place d’une poétique et en particulier à la composition des haïkus.
7Techniquement, Mekas va assembler les séquences choisies – même si l’ensemble donne ce sentiment d’improvisé, d’aléatoire – et y ajouter une bande-son composée principalement d’une voice over dite par Mekas lui-même, qui se fait tantôt confidence tantôt supplique, dans cet anglais si particulier qu’il en devient poétique : « Je parle avec un accent, et vous ne savez même pas d’où je viens. » répète-t-il à qui veut l’entendre9. Il y ajoute des sons évocateurs, des musiques folkloriques de l’Est, des chants religieux et autres incantations, et enfin un thème musical emprunté à Wagner : Parsifal. Le leitmotiv wagnérien, caractérisé par de très longs intervalles, connotant les grands espaces aussi bien que les aspirations nobles – rappelons que Wagner ancre sa composition musicale dans les récits mythologiques – se prête particulièrement bien à cette quête du « héros » solitaire et à sa mélancolie. Et si Mekas se place sous la tutelle d’Ulysse dans son récit de voyageur involontaire et dans ses liens avec le monde historique, la figure mythique de Parsifal apporte la dimension romantique de la quête et l’espoir d’une rédemption, si chers à Mekas. Sur le plan formel, cette partition, cette mélodie « sans fin » ainsi qu’Adorno10 qualifie l’ouverture de Parsifal, apporte un continuum salutaire et harmonieux aux séquences brèves et hétérogènes. Contrairement à Thoreau, son autre figure tutélaire, l’objet de sa quête inquiète n’est pas « le fond longtemps perdu du lac », mais c’est « percer le mystère du val », (Par-si-fal). Le Lituanien est un poète qui laboure sa terre, qui enfonce ses pieds dans le sol, qui laisse des traces. Suivre le sillon pour savoir ce qu’il y a au bout du chemin, et si la route vaut la peine d’être parcourue11.
8Du point de vue humain comme du point de vue créatif (les deux sont indissociables), l’espace de Lost Lost Lost offre le spectacle du passage de l’innocence à l’expérience, pour faire une allusion à un autre poète visionnaire, William Blake12. Le film sera achevé en 1976 ; c’est dans ce décalage entre le tournage des images et l’ajout de son fil conducteur, la voice over, dans l’ajournement de la transmission d’une perception vieille de quinze ans ou plus, que le film émeut, en présentant plusieurs stades de l’expérience humaine (de fait plusieurs niveaux de conscience, plusieurs façons de restituer la perception du monde) et Mekas gourmand les explore toutes, comme dans son journal I had nowhere to go/je n’avais nulle part où aller13. Il alterne, en fonction des sujets abordés, diverses stratégies narratives, bien que le fil narratif global se caractérise par des ellipses, lacunes et autres ruptures, tout en gardant intacte la chronologie des événements : fragments de journal (souvent documentant la vie quotidienne, des petits films qu’il appelle « News of the Day »), lettre adressée à des amis (intellectuels en transit, en exil ou d’autres encore restés au pays), conte, historiettes inspirées principalement du folklore slave, histoires courtes dont le trait dominant est l’humour, souvent absurde, souvenirs (moments récurrents de l’enfance, l’arrivée de la neige, son anniversaire le jour de Noël), la fable aux intonations panthéistes marquées, si typiques de l’âme slave, petits poèmes en prose basés sur l’assonance, ainsi que l’exige la tradition, et enfin le haïku, figure à laquelle nous allons plus longuement nous intéresser.
The Rabbit Shit Haïkus
(littéralement « les Haïkus crottes de lapin »)
9Ce qu’il y a au bout du chemin, c’est précisément l’objet du cinéma compulsif de Mekas et c’est évidemment l’objet de ses haïkus. La séquence des haïkus compose l’essentiel de la cinquième bobine. Ayant constaté l’absence désespérante de neige à New York, Mekas part dans le Vermont avec quelques amis – ce seront les images les plus tardives de Lost Lost Lost, qui seront recyclées, une première fois dans les séquences suivantes du film, mais aussi dans d’autres films aux mêmes tonalités élégiaques (parfois remontées, parfois exploitées en séquences). Mekas va composer ces haïkus visuels en les orchestrant en séquences brèves introduites par des chiffres et nombres qui viennent s’inscrire plein cadre, scandés d’un ailleurs par la petite sonnette d’un pope ou d’un bonze. Contrairement aux chiffres exponentiels d’Eisenstein, annonçant la séquence extatique14, ici, il s’agit plutôt d’une mise en ordre du monde selon un rituel simple, mathématique, où sourd une philosophie orientale, qui est censée apporter harmonie et apaisement : ralentir la cadence, se retourner, refaire une partie du chemin en sens inverse – le cinéma permet tous ces stratagèmes spatio-temporels, ou presque. Revenir au rapport primitif de l’enfant avec le langage, au moment précis où le divorce n’était pas consommé entre le passé et le présent, entre les blocs de l’Est et de l’Ouest, et où Mekas parlait encore sa langue maternelle, avant même d’aller à l’école et d’être forcé d’abandonner son dialecte pour le lituanien officiel, la langue du père, la langue du pouvoir. Revenir à un état du langage où le mot valait pour la chose, où la pensée s’exprimait à travers quelques images naturelles et familières : « A sort of masterpiece of nothing… personal little celebrations and joy… miracles of everyday, little moments of paradise15. »
10Pour Mekas, écrire un haïku, c’est unir dans un même espace-temps l’esprit et les sens, le passé et le présent, l’image et le texte, l’ici et maintenant. Ces haïkus sont conçus comme une célébration du langage cinématographique : exprimer la note dominante de chaque instant de notre expérience, saisir le moment, le retenir, comme le faire verser dans l’infini de la perception, et plus l’observation est précise, plus elle se rapproche de l’image pure. Pour ces haïkus, Mekas travaille la page blanche comme le peintre oriental ses estampes, et les images minimalistes de paysages ensevelis sous la neige rappellent la page blanche que vient couvrir à son gré la main de l’artiste. Le simple fait de peindre, comme le simple fait de parler est une manière de vivre au présent, un style de vie que Mekas veut absolument expérimenter, ne serait-ce qu’un instant dans le film. En fait, la séquence des haïkus vient formaliser une tendance poétique que Mekas distillait jusqu’à présent au hasard des séquences. Une phrase répétée résonne dans notre tête, si parfaite qu’elle sonne comme un vers : « Long, lonely days, long lonely nights » (longues et solitaires journées, longues nuits de solitude) et l’on poursuit la liste dans notre for intérieur avec « lithu-ània », tout en constatant le décalage prosodique et en imaginant le labyrinthe linguistique duquel il tire sa richesse mais aussi sa tristesse. Fort heureusement, le Moi de l’auteur s’exprime dans toute la pluralité des voix, même dans cette modeste polka qu’il joue sur son accordéon diatonique (minimalisme encore). Ou encore dans la main qui agite cette petite sonnette qui attise l’oreille du spectateur et l’invite à voir aussi bien qu’à entendre.
11Choisir la figure du haïku, c’est quitter l’univers littéraire européen et revenir sur les terres lituaniennes – seuil géographique et psychologique entre l’Orient et l’Occident – et l’on pense aux grands cinéastes russes qui ont su travailler sur cette ligne de fracture Orient/Occident riche de multiples figures et associations. Je pense aux images extatiques du Géorgien Paradjanov mais aussi aux images affectives de Tarkovski dans Le Miroir notamment ; je pense aussi à la fascination d’Eisenstein pour l’estampe japonaise qui y voyait une préfiguration du cinéma, avec cette idée de tableau-rouleau qui s’apparente tant au panoramique. Et puis, le paysage et le climat japonais d’Honshu, l’île principale du Japon qui est la mère nourricière du haïku, entretiennent des similitudes avec ce coin du monde, à la fois dans le cycle de ses saisons (longs hivers et printemps tardifs) mais aussi dans leurs représentations artistiques. Il en va ainsi de ce Noir et Blanc qui est plus que la métaphore textuelle qui flatte notre esprit occidental ; ce Noir et Blanc, saturé et presque synesthésique, donne le ton de ce film. Je cite Mekas : « Comment un Lituanien peut-il passer un hiver sans neige ? Comment vivre en permanence dans les rouges, les bruns, les verts ? En regardant ces étendues blanches, quelque chose s’éveille en vous, une chose si intime16 … » Travail du souvenir, mais aussi travail du deuil pour renaître après.
Comment définir le haïku, et en quoi ces petites séquences de la cinquième bobine sont-elles des haïkus ?
12D’abord parce que Mekas les appelle ainsi. Il nous oriente vers une lecture orientale alors que l’on aurait pu y lire un simple texte aux consonances poétiques. Cette séquence sert en fait d’écrin à l’allégorie de l’homme qui va voir ce qu’il y a au bout du chemin, qui revient et que personne ne croit. L’allégorie, construite sur une anaphore, est ainsi enchâssée dans le tissage poétique de cette séquence ; elle fonde les figures de la répétition et de la progression qui caractérisent tout ce segment. Et puis, si le haïku est un acte de pure création, il n’en reste pas moins une figure vivante et évolutive. C’est pour ces qualités que le haïku a ainsi essaimé dans le monde entier, apportant ses règles canoniques et absorbant les cultures d’accueil.
13Le haïku est une forme poétique brève et simple, presque improvisée. Sa brièveté est censée garantir la perfection, sa simplicité sa profondeur. Cette règle canonique se fonde sur deux principes mythiques : le mythe classique qui fait de la concision une œuvre d’art, et le mythe romantique qui attribue une prime de vérité à l’improvisation (une sorte d’anti poetic diction). Ainsi, tout en étant intelligible, le haïku ne veut rien dire, et par cette double condition il semble offert au sens d’une façon particulièrement disponible. Sur le plan stylistique, c’est une forme concrète, qui évite le conceptuel, surtout l’emploi de métaphores, comparaisons et autres procédés typiquement occidentaux qui n’ont pas la légèreté de l’ellipse et sont des figures trop faciles, quand le poète japonais désire laisser le « pont inachevé », pour reprendre les règles canoniques édictées par Basho. Trouver le chemin le plus court entre ce que l’on veut et la forme définitive de l’image : c’est l’entreprise de Mekas, mais le cinéma est un langage double, complexe, qui va bouleverser quelque peu la figure originelle.
14Le haïku consiste à produire un effet saisissant par la juxtaposition d’impressions sensorielles, de perceptions visuelles. Prenons un exemple classique : un haïku de Basho souvent cité :
un vieil étang/old pond…
une grenouille y saute/a frog leaps in
bruit de l’eau/water’s sound17
15Je peux également essayer d’écrire un haïku, en prenant par exemple le thème du colloque, la lettre :
Sur la neige
Les feuilles colorées
du texte
16Ainsi, je donne une idée de la saison par le mot « neige », j’effectue une juxtaposition (celle-ci n’est pas très bonne, elle tend vers la métaphore). Je donne une idée dynamique, presque joyeuse en suggérant le texte qui danse sur la page blanche.
17Le haïku peut ainsi produire un moment de conscience aiguë du monde extérieur. Celui qui se sent enfermé en lui est invité, comme poussé hors de lui pour considérer l’unité de la nature, dont il fait partie intégrante. Le haïku met par conséquent l’accent sur les choses du monde, derrière lesquelles peuvent se trouver, par implication, les idées et les émotions du monde intérieur. Double mouvement donc : d’extériorisation, d’empathie, puis d’introspection en effet retour – et ces deux dynamiques arrivent à s’infléchir l’une l’autre. C’est bien toute la démarche de Mekas : tourner la caméra vers le monde et s’identifier à ce monde-là en étant lui-même en retour. Comme pour le rouleau de papyrus qui sert de cadre à l’estampe ou au haïku, cette dialectique s’exprime chez Mekas par la figure de la fenêtre, avec ces plans récurrents de Jonas et d’Adolfas, les deux frères, vus d’une fenêtre ou regardant par la fenêtre : médiatisation de la nature et médiatisation offerte par le dispositif cinéma, comme pour empêcher la fuite des mots hors de la page, hors des livres, l’envahissement incontrôlé par la poésie de la réalité18.
La forme textuelle du haïku
18Le haïku est un mince horizon de mots. Comme les maîtres du haïku japonais (j’ai déjà cité Basho, premier poète au xvie siècle à véritablement identifier la forme du haïku qui auparavant n’était que le début d’un poème plus long, une sorte d’épigramme d’un « Linked Verse »), Mekas pratique une économie du langage assez drastique. « Toute conduite verbale est orientée vers un but », avance Jakobson dans son chapitre consacré au poétique19 et ce but est de raccourcir le monde à quelques unités sémantiques dont la pertinence sera un reflet de l’état d’âme du poète. Les maîtres japonais pratiquent la sélection et la combinaison dans le souci d’immortaliser au plus juste une impression ressentie. La langue japonaise se prête particulièrement bien à cet exercice : par exemple, elle renvoie à la périphérie de la phrase, bord cadre pour ainsi dire, le sujet, et de même, peut s’accommoder de l’absence de verbe. On obtient une expression poétique débarrassée de sa gangue syntaxique, extrêmement dense et souple, basée sur la juxtaposition de mots qui créent l’image visée par le poète.
19Mekas quant à lui patine sur l’axe de la combinaison, dans une réduction linguistique extrême qui résume l’idée du haïku au simple balbutiement d’un mot trois fois répété : « The childhood, the childhood, the childhood. » Le haïku mekasien a donc pour figure principale le tercet qui se définit par l’usage séquentiel d’unités équivalentes, ou parfois d’un mot qui fait retour deux fois (comme exemple de séquence haïku réduite à une seule unité signifiante, on a « frost » et « wind » – comme si le mot une fois prononcé se suffisait à lui-même pour faire exister la chose, et que le gel venait immédiatement arrêter l’appel du poète). Les trois temps du haïku représentés par les trois lignes du poème traditionnel – montée, suspense, conclusion – s’annulent dans ce balbutiement mekasien. À la verticalité japonaise et à la progression structurale du poème, répondent le bégaiement du temps et le déroulement horizontal de l’image cinématographique – l’image-mouvement, qui doit être neutralisée pour que le haïku soit cet instant volé au temps – mais même les procédés ironiquement tautologiques n’empêchent pas le défilement de l’image et donc du temps.
20Rester fidèle à l’esprit du haïku japonais, c’est ce qui importe, vous diront les maîtres contemporains, et quelque peu iconoclastes, du haïku. Mekas y reste fidèle à sa manière, avec les moyens dont il dispose ; certains éléments structuraux subsistent en effet du haïku canonique : ses haïkus sont des formes brèves à la syntaxe dépouillée à l’extrême, et au langage visuel très évocateur, avec une référence systématique à la nature et aux saisons – encore que la nature ne soit en fait qu’une des figures de son travail de mémoire, une synecdoque en fait. On remarque également la disparition de son contenu : le micro événement qui faisait la force et l’unicité du haïku. Ou bien alors, l’événement est hors texte : c’est le souvenir même.
21Même dans la radicalité qui caractérise son œuvre20, il s’agit surtout pour Mekas de rester fidèle à une certaine idée de la poésie slave, objet de ses premières amours – rappelons aussi que Mekas continue en parallèle à écrire de la poésie en prose en lituanien. Par ailleurs, les chefs de file de la poésie slave recherchent des formes raccourcies, et préconisent la destruction de la syntaxe, en faveur de groupes indépendants d’adjectifs et d’adverbes – ce qui montre bien que la forme du haïku est un modèle universel.
22La séquence des haïkus nous fournit le corpus idéal pour nous plonger dans le processus linguistique de Mekas, en particulier dans sa découverte de l’anglais. Le haïku, c’est avant tout pour Mekas un travail de la langue étrangère, et donc un travail sur le verbe, sur la sonorité, sur le pur signifiant, comme pour redessiner les contours d’une écriture à la limite, à la lettre, littérale. Je cite Jakobson dont les origines slaves peuvent aider à comprendre les entrelacs linguistiques – Jakobson, qui, comme Barthes en parlant du japonais dans L’Empire des Signes, s’avère enthousiaste à l’idée d’explorer une langue étrangère : « L’influence étrangère peut servir de stimulus, en accord avec les règles de la prosodie du langage en question ; sous l’influence étrangère, même une violation du système phonologique est possible21. » Les courbes ondulatoires et la gradation syllabique, principes de la prosodie slave, se retrouvent elles aussi réduites à une séquence régulière atonale qui devient cependant musique ; on en retrouve un écho dans la séquence « the wind », qui devient ensuite « window » et qui se répète à son tour. Le changement linguistique n’induit pas seulement des variations prosodiques, mais aussi et surtout des glissements affectifs. L’exemple que nous avons pris « wind-window » n’est à cet effet pas anodin : d’une part quand on sait que « window » veut dire « porte du vent », on est ébloui par la simplicité et l’évidence du haïku. Et puis, de la fenêtre d’où il regarde et d’où il regardait tomber la neige à la fenêtre de la caméra, la lucarne, Mekas aime ce signifiant qu’il nomme « langas », qui a grandi en lui lentement, au fil des années, depuis l’enfance, s’enrichissant avec le temps de souvenirs et de significations multiples. Je cite Mekas :
They all come back to me when I write that word « langas » in a sentence in Lithuanian. Now the English word « window » is still very bare and stripped in my mind. When I write « window », it’s just a dictionary word, plain and bare, with no memory, no poetry to me. The souls of English words are still growing in me, little by little. That’s why I keep writing, that’s why I keep touching them, again and again, on my typewriter, trying to put some life into them22.
23En effet, dans la litanie de ces mots égrenés, la langue semble parfois n’être plus qu’un vêtement transparent, que seul le fait de porter longtemps peut rendre confortable.
24Malgré l’altérité des mots et des images, Mekas travaille encore à approfondir son style, comme un barde travaille sa diction, sa musicalité ; il travaille également son style, sa voix, comme une sorte d’élévation spirituelle dans la droite lignée transcendentaliste des Emerson et des Thoreau : une empreinte vocale définissable entre toutes, la voix hésitante rappelant dans ses erraillements et ses ratés la raideur des doigts de Mekas l’ouvrier immigré, qui ne peut plus écrire et qui tape à la machine avec deux doigts seulement. Une voix qui indique sans l’ombre d’un doute qu’il y a un auteur derrière la caméra, qu’il y a une subjectivité qui habite le film, le hante, le propulse.
La forme visuelle des haïkus
25Sur le plan visuel, le haïku mekasien suit cette ligne épurée du texte. Tout comme son maître de cinéma, le « documentariste » Flaherty, Mekas privilégie la séquence. Comme souvent, le montage se fait presque exclusivement à la prise de vue ; il n’intervient plus ensuite, pour ne pas perdre l’instant magique du moment où la caméra s’est posée sur un arbre dans le vent, ou sur une pomme givrée au petit matin, dans l’aléatoire d’un plan pris sur le vif. Et ces plans pris sur le vif s’accompagnent nécessairement d’une imperfection technique qui devient pour lui perfection esthétique, malgré parfois l’opacité assumée de l’objet filmé. Ainsi, grâce, ou à cause du plan en plongée et du contre-jour occasionné par une journée lumineuse, le plan furtif sur les crottes de lapin chaudes dans la neige rappellent les nuages noirs dans un ciel annonçant la neige. C’est l’allégorie filée entre les séquences d’haïkus qui permet de lire le plan, et de percevoir l’humour décalé de Mekas, dans un souci paradoxal sans doute de dé-réalisation, de dé-naturalisation23.
26Et puis, est-ce que l’équivalence des sons signifie l’équivalence des sens ? Dans ces tercets qui se répètent à intervalles aléatoires, les images diverses apportent des couleurs différentes, des sensations différentes, fidèles au haïku japonais dans son refus catégorique de la moindre allusion à un sens définitif de l’image – l’image est une charade qui se déchiffre progressivement. En fait, ce que Mekas perd dans sa pratique volontairement minimaliste du langage parlé, il le retrouve dans la richesse et le pouvoir évocateur des images et de leurs associations. Comme dans des vases communicants, le sens va de l’un à l’autre, circule, n’est fixé ni par le texte, ni par l’image – il n’y a pas que des éléments iconiques dans l’image, pas plus qu’il n’y a que du texte dans la parole orale d’un cinéaste contant son histoire.
27Sur le plan technique, dans ces deux bobines de haïkus, le trait est généralement souple, léger, aérien, alors que dans les bobines précédentes, le trait pouvait être dur, nerveux. La caméra devient plus amicale encore, elle s’adoucit, s’oublie presque, le geste se fait plus léger qu’une plume. Sous la poussée mémorielle, le cadre se relâche, cessant d’être un carcan quasi dialectique. Ceci s’exprime par l’emploi presque unique de la caméra à l’épaule, cadrant par conséquent hommes et éléments naturels à hauteur d’homme, épousant l’épaule de son opérateur dans l’harmonie et la disponibilité totale, s’autorisant des sursauts légers, naturels et humains. Elle opère de légers recadrages, panoramiques, entame encore et toujours son ascension vers la cime des arbres qui sont les alphabets d’une langue primitive ressurgissant par endroits, puis elle redescend, revient, s’approche d’une fenêtre… C’est comme si Mekas réussissait à agir sur la marche du temps, comme si le temps s’accélérait ou se ralentissait au rythme des images, à la force du souvenir, comme si le temps se repliait, se condensait, se faisait haïku. Dans ces quelques images choisies, l’image n’est pas, ou n’est plus, une quelconque idée exprimée par le cinéaste, mais tout un monde miroité par des cristaux de glace, dans un ciel nuageux ou une rivière sous la neige…
L’épiphanie du plan
28Cette sensation de collision passé/présent, ici/là-bas, s’actualise dans l’épiphanie de quelques plans. Venant du mot grec signifiant « apparition », l’épiphanie consiste en un moment où la conscience est aiguisée par des stimuli (langagiers, visuels ou sonores) et où on assiste à une révélation : « Irruption soudaine dans le champ de la conscience d’une réalité seconde rendue sensible par la présence d’un objet quelconque ou d’une personne transfigurée par l’expérience » – c’est la définition qu’en donne l’alter ego fictionnel de Joyce, Stephen Dedalus24, définition occidentale plus ou moins équivalente à l’expérience proposée par le haïku (j’entends ici les haïkus des maîtres japonais). Je pense ici à ces plans flous et sous-éclairés de Mekas lisant près d’une fenêtre, dans une pièce tapissée de bois rappelant la datcha familiale ; la caméra s’approche, s’acclimate à la pénombre et tente de cadrer le jeune homme plongé dans ses pensées, tenant ostensiblement un livre ouvert. Le cadre vacille pour nous laisser entrevoir le nom de l’auteur « Blake ». Si l’épiphanie mekasienne s’apparente autant aux épiphanies romantiques (de Wordsworth ou de Shelley) qu’aux épiphanies joyciennes (l’image nous rappelle bien ce portrait de l’artiste en jeune homme25), Mekas appartient aussi à une famille de cinéastes de l’épiphanie, dont le père spirituel serait sans doute Robert Flaherty, avec ces moments de révélation intense à l’œuvre dans Nanook of the North ou encore dans Louisiana Story, films silencieux et magiques avec des survivances du sacré. Mekas, c’est une sorte de Nanook se donnant sans réserve à la caméra, livrant sa vraie vie, mais un Nanook filmé par lui-même ; l’épiphanie, c’est aussi ici ce moment de rencontre médiatisé et de vacillement entre sujet et objet, soi et l’autre.
29L’épiphanie, point de rencontre miraculeuse entre le réel et la langue, nous l’avons vu, a maille à partir avec la construction des tercets qui, dans l’arrêt du processus sémantique, suspendent le sens. L’occasion est trop belle de ne pas mentionner, dans ces glissements de sens et de régimes des images et des sons, le tercet lacanien « RIS » – réel, imaginaire, symbolique – comme le cœur enfoui de la langue mékasienne. Patrice Rollet, spécialiste de Mekas, y voit le réel qui insiste trois fois, mais que serait le réel au cinéma, sans son langage et sans l’imagination du poète ?
30Cette séquence de haïkus reste inachevée et partiellement satisfaisante pour Mekas qui prend toute la dimension du gouffre infranchissable entre l’expérience (vécue, qu’on ne peut pas vraiment médiatiser) et sa représentation (extériorisée), et c’est, semble-t-il, le vrai sens du titre Lost, Lost, Lost. Quant à nous, cela nous a permis de réaliser que le pur signifiant anglais pour Mekas peut être une délectation mais aussi une souffrance :
- Délectation que décrit Barthes comme « la masse bruissante d’une langue inconnue qui constitue une protection délicieuse ; elle enveloppe l’étranger d’une pellicule sonore, en arrêtant à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle26 ».
- Souffrance pour les mêmes raisons, en fait, pour cette aliénation de la langue maternelle dont parle Barthes ; mais souffrance aussi que représente le sacrifice qu’il a fallu faire, dans la sélection des images et des mots, et dans l’absence de résolution… Et pourtant, dans son esthétique indiscutable et sa liberté d’écriture, dans son raccourci du monde et son immédiateté, l’équilibre ténu entre légèreté et gravité, le haïku peut cependant mener à une guérison, en proposant pour certains artistes une expérience quasi cathartique (j’ajoute qu’à ma connaissance personne ne s’est encore penché sur ces haïkus, ce qui signifie que ma subjectivité a joué dans ce travail).
31Le cinéma propose ce « purgatoire » de l’entre-deux, de l’interstice, de la fissure du temps dans une immobilité concertée et parfois ténue. Dans une certaine mesure, le cinéma résiste à cette entreprise poétique, car, comme le dit encore Barthes, le signifiant y est toujours lisse ; c’est sans rémission un continuum d’images. Les contraintes de la représentation obligent à tout recevoir d’un homme qui marche dans la neige. Comment dans ce dispositif rendre le fragmentaire du haïku, sa véritable fulgurance ? La séquence des haïkus a principalement permis de fournir un écrin à cette allégorie du sens de la vie et de l’art, et à ce fantasme de fusion entre l’art et la vie. Mekas reprend ensuite la figure du haïku et la travaille métonymiquement, cette fois-ci dans un long plan de femme jouant dans les feuilles mortes, où la voix de Mekas scande une litanie de deux mots qui s’éternise : « The leaves the leaves the leaves the leaves the leaves… » ; il appelle ces haïkus « the Fool’s haïkus ». Avec cette conclusion ironique, et quelque peu lucide, le passage nécessaire par le haïku et les épiphanies que cette figure a permises montre bien le glissement de la nostalgie originale, douloureuse, vers l’optimisme soudain d’un « entre en cinéma ». S’étant ainsi ménagé une échappée belle, le film peut enfin se redéployer et achever sa course dans une atmosphère plus libérée – comme si Jonas était enfin passé de l’autre côté du temps, imprimant positivement la pellicule dans les dernières séquences où la couleur s’invite enfin à cette célébration du cinéma.
Notes de bas de page
1 Robert Bresson, Notes sur le cinématographe, Paris Gallimard, coll. « Folio », 1975, p. 11.
2 Patrice Rollet, « Les Exils de Jonas Mekas », dans The Lost Lost Lost Book, ed. by Pip Chodorov & Elodie Imbeau, Paris Expérimental, Re : Voir Video, 2000, p. 101.
3 Jonas Mekas, Je n’avais nulle part où aller/I had nowhere to go (trad. du Lituanien), Paris, POL, 2004, p. 156.
4 « Ces fragments que je suis en train d’enregistrer avec ma caméra… ces images… ces morceaux que j’ai enregistrés sur les lieux où je suis passé… c’est ma nature maintenant d’enregistrer tout ce que je traverse. »
5 Ces premières séquences sont l’occasion pour Mekas d’orchestrer son apparition dans le champ du film, avec cette scène magique où on le voit traverser littéralement l’écran, presque en fraude, longeant les rues qu’il filme compulsivement, et s’éloignant à son tour vers le fond du plan, comme pour aller voir ce qu’il y a au-delà de la surface…
6 Jonas Mekas, Je n’avais nulle part où aller/I had nowhere to go, op. cit., p. 151.
7 Ibid., p. 156.
8 « Therefore, if one knows how to “read” them [the details of the actual], even if one doesn’t see me speaking or walking, one can tell everything about me. »
9 Bobine 1.
10 T. W. Adorno et H. Eisler, La Musique au cinéma, Paris, Éditions de l’Arche, 1997, p. 124.
11 Cette définition de l’âme lituanienne n’est pas propre à l’univers de Mekas. On ajoutera que la poésie est un genre littéraire majeur en Lituanie et que l’on retrouve dans plusieurs ouvrages et anthologies de poésie slave cette même idée du poète décrit comme un laboureur.
12 Le chemin parcouru par Mekas, de Lost Lost Lost à ses derniers films, mais aussi le chemin parcouru dans chacun de ses films et en particulier dans Lost Lost Lost s’apparentent, toutes proportions gardées, au chemin parcouru par Blake, de Songs of Innoncence à Songs of Experience.
13 Jonas Mekas, op. cit., p. 414.
14 Procédé d’inscription sur l’écran que l’on retrouve dans plusieurs films d’Eisenstein, en particulier dans La Ligne Générale.
15 Fragments de voice over dans son dernier film As I Was Moving Ahead, I Saw Brief Glimpses of Beauty, 2000 : « Une sorte de chef-d’œuvre du rien… petites célébrations personnelles, la joie, petits miracles du quotidien, instants infimes de paradis… »
16 Jonas Mekas, Je n’avais nulle part où aller/I had nowhere to go, op. cit., p. 289.
17 William H. Higginson, The Haiku Handbook : How to write, share and teach haiku, Tokyo-New York-London, Kodansha International, 1989, p. 9.
18 Cette idée est particulièrement développée par le poète Lautréamont.
19 Roman Jakobson, « Poétique » dans Essais de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit, coll. « double », 1963, p. 210-211.
20 L’expression cinématographique de Mekas privilégie le fragment, la discontinuité, l’association d’idées, en droite ligne des chefs de file d’un nouvel art américain, tel John Cage qui appelle tous les artistes à un renoncement à toute idée d’ordre.
21 Roman Jakobson, « Poétique », op. cit., p. 224-227.
22 « Tous les souvenirs me reviennent lorsque j’écris ce mot “langas” dans une phrase en lituanien. En revanche, le mot anglais “window” est encore extrêmement vide et nu dans mon esprit. Quand j’écris “window”, ce n’est qu’un mot du dictionnaire, plat et vide, sans mémoire, sans poésie pour moi. L’âme des mots anglais grandit encore en moi, peu à peu. C’est pourquoi je continue à écrire, pourquoi je continue à les effleurer, sans cesse sur ma machine à écrire, à essayer de leur insuffler de la vie. »
23 Je tiens à insérer ici la remarque que certains participants me firent lors de la présentation de cette communication au colloque de Rennes : l’art du haïku comprend un certain nombre de traditions, notamment une tradition scatologique, humoristique, érotique etc. Il semble évident que Mekas détourne à ses propres fins une tradition bien ancrée dans l’histoire du haïku.
24 Ma traduction d’après James Joyce, A Portrait of The Artist as a Young Man, London, Penguin Classics, 1993, p. 186.
25 D’autant, nous l’avons déjà évoqué, qu’un plan similaire ouvre Lost Lost Lost, où l’on confond les deux frères, figures doubles du jeune homme et de l’artiste…
26 Roland Barthes, L’Empire des signes, Paris, Seuil, coll. « Points essais », 1970-2005, p. 83.
Auteur
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