Introduction
p. 9-21
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Index géographique : France
Texte intégral
« Je définis la Révolution, l’avènement de la Loi, la résurrection du Droit, la réaction de la Justice. »
Jules Michelet,
Histoire de la Révolution française1.
1L’image de la justice révolutionnaire que la postérité a généralement retenue est celle de la guillotine. Les jugements sommaires et les exécutions capitales lors de la Révolution française ont été évoqués dans d’innombrables travaux historiques, par des écrivains du xixe siècle comme Dickens et Balzac, et plus récemment au cinéma2. Même dans le cercle relativement restreint des historiens professionnels, les procès politiques de la Terreur sont encore, à juste titre, une source de réflexion et de débats3. Cependant, le spectre de l’échafaud ne doit pas occulter les réalisations constructives de la Révolution française dont, paradoxalement, les réformes judiciaires ne furent pas les moindres4.
2Pour les premiers révolutionnaires, une chose allait de soi : une société fondée sur les principes de liberté et d’égalité civile ne pourrait prendre racine que si ces principes étaient affirmés et défendus au moyen de la loi. La sphère de la justice était donc le lieu où devaient se réaliser les idéaux les plus élevés de la Révolution. Le droit à un conseil, l’élection des magistrats par le peuple, l’unité du processus judiciaire pour tous, sans tenir compte de la naissance ou du statut social, et le droit de toute personne accusée d’un crime de comparaître devant un jury – toutes ces mesures furent introduites sur le continent européen par la France révolutionnaire. Bien sûr, d’un point de vue cinématographique ou littéraire, ces tentatives d’établir le règne du droit sont moins « passionnantes » que la mise en scène de près de dix-huit mois d’exécutions politiques et publiques. Mais pour saisir pleinement la tragédie de la Terreur, il faut comprendre les idéaux de justice et d’égalité devant la loi qui animaient les révolutionnaires et déterminer dans quelle mesure ces aspirations ont été réalisées sur le terrain, dans les tribunaux de justice « ordinaires ».
3S’il est une institution qui incarna à la fois les idéaux sublimes et la réalité versatile de la justice pendant la Révolution, ce fut bien le procès par jurés. Emprunté à la jurisprudence anglaise, le jury trouva aisément sa place dans l’univers normatif de la Révolution française : quoi de plus naturel, en effet, pour une nation de citoyens que de faire juger un homme par ses concitoyens ? Et, de fait, la création du système des jurés fut l’une des réformes les plus applaudies de cette période. Bien peu de voix dissidentes se firent entendre quand les députés de l’Assemblée constituante débattirent de la mise en place de cette nouvelle justice criminelle : de Sieyès et Robespierre pour la gauche à Malouet et Clermont-Tonnerre pour la droite, ses avantages furent largement acclamés5. On insista sur sa conformité avec les idéaux de 1789. Le roi recommanda publiquement la procédure lors de sa création, proclamant qu’elle serait une source de « vertus publiques » et invitant les citoyens à accueillir chaleureusement la « loi des jurés6 ». Les premiers procès par jurés en France depuis le Moyen Âge se déroulèrent en 1792. De nouveaux tribunaux criminels furent instaurés (un par département), dont les jurés étaient chargés de déterminer la culpabilité ou l’innocence de l’accusé7. Ces tribunaux survécurent jusqu’en 1811, puis furent abolis par Napoléon qui créa les cours d’assises8. Celles-ci fonctionnent encore, avec des jurés, et constituent les principales institutions appelées à entendre les affaires criminelles. Le système des jurés représente ainsi l’un des héritages les plus durables de la Révolution et forme une pierre angulaire de la justice contemporaine dans de nombreux pays européens.
4Mais dans les faits, quel type de justice rendaient les nouveaux tribunaux criminels établis en 1792 ? Une fois le système mis en branle, les jurés français furent confrontés à de sérieux dilemmes. Il est difficile en effet d’exercer un pouvoir judiciaire dans une période de profondes dissensions civiles et de conflits armés. Leurs réponses à ces pressions – leurs verdicts – constituent l’un des seuls baromètres de l’« opinion » dans la France provinciale sous la Révolution et Napoléon. Les historiens ont accès à de nombreux documents provenant des assemblées et comités gouvernementaux, et le mouvement populaire parisien a également été étudié en profondeur et de façon fort nuancée. Toutefois, on a du mal à apercevoir ce qui se profile derrière les silhouettes imposantes des « politiques » et à explorer le comportement des simples citoyens de la France profonde9.Le fonctionnement des jurys nous permet de voir ces gens à l’œuvre dans un forum public. Bien loin de la routine de leur vie privée, les jurés devaient résoudre des conflits en établissant des preuves et de mobiles. Ils avaient à juger des personnes aussi différentes que des paysans illettrés ou des bourgeois aisés – et ces accusés luttaient souvent désespérément pour sauver leur tête. Bien sûr, les représentants de l’État tentaient d’influencer la décision du jury, notamment dans les procès politiques. Mais celui-ci gardait le pouvoir ultime de prononcer la culpabilité ou l’innocence. En examinant la façon dont ils ont exercé ce pouvoir, nous pouvons mieux comprendre la façon dont ces simples membres de la société civile se sont acquittés des tâches que leur assignait l’État révolutionnaire puis napoléonien.
5L’enjeu était considérable. Pour les députés de l’Assemblée constituante qui furent ses principaux architectes, le système des jurés n’était pas un but en soi. Outre ses mérites intrinsèques, il était un moyen d’atteindre des objectifs plus vastes. Plusieurs courants de pensée ont participé aux débats qui ont précédé sa mise en place. Ces courants, qui se chevauchaient parfois, exprimaient l’ensemble des préoccupations politiques, sociales ou intellectuelles des élites politiques de la nation au cours des phases initiales de la Révolution10.
6Tout d’abord, de nombreux Constituants pensaient que le système judiciaire devait servir d’exemple et favoriser l’avènement de la raison dans le domaine de la vie publique. Certes, l’idée d’une réorganisation rationnelle de la société avait déjà été formulée au long du xviiie siècle dans le cadre d’une conception monarchique du pouvoir. Chez Turgot et Condorcet, en revanche, le triomphe de la raison se fondait sur les vertus d’une citoyenneté investie de pouvoir : cette synthèse théorique se développa dès le début de la Révolution11. Cependant, la version classique, autoritaire, du rationalisme ne disparut jamais complètement de la scène. Certains Constituants doutaient de la capacité des citoyens ordinaires à faire des choix judicieux et efficaces. Ainsi, l’abbé Sieyès affirmait avec véhémence que les jurys devaient être composés exclusivement de « gens de loi » et d’hommes « recommandables par leurs lumières et leur sagesse12 ». Son enthousiasme pour des jurys d’experts qualifiés et son mépris pour ceux qui incluraient de simples citoyens lui valurent l’hostilité de certains de ses collègues de l’Assemblée constituante – mais pas de tous : sa proposition ne fut rejetée qu’après de longs débats13. Toutefois, le scepticisme à l’encontre des capacités intellectuelles de la masse des citoyens français subsista au cours des années 1790. Il se renforça sous Napoléon, l’apôtre suprême du rationalisme autoritaire, qui envisagea même d’abolir le système des jurés après que ses magistrats se furent plaints que des jurés « ignorants » mettaient en péril le bon fonctionnement de la justice criminelle14.
7Si le rationalisme de certains législateurs tempérait leur enthousiasme pour le jury « citoyen », d’autres souhaitaient ardemment qu’il devienne la clé de voûte de la justice criminelle. Ces derniers n’étaient nullement hostiles au rationalisme en tant que tel, mais étaient davantage inspirés par le principe de la souveraineté populaire15. Ce qui importait à leurs yeux, c’était moins l’instauration d’un ordre public efficace que la création d’un ordre public contrôlé par le peuple et non plus par le monarque. Ce courant de pensée fut défendu avec vigueur par Jacques-Guillaume Thouret, un membre influent du comité de constitution. Son argumentation en faveur du jury se fondait essentiellement sur l’idéal de la souveraineté populaire et sur la conviction que la « nation » devait contrôler le pouvoir judiciaire. Faisant montre d’un franc mépris pour la proposition de Sieyès d’instituer un jury d’experts, Thouret soutenait qu’il fallait de « vrais jurés, pris dans la classe commune des citoyens16 ». Et pourtant, ses arguments n’intégraient pas l’idée chère au libéralisme anglo-américain de la séparation des pouvoirs. Thouret niait par exemple que le système des jurés puisse être un moyen de protéger la liberté politique : pour lui, celle-ci serait déjà assurée par l’élection des administrateurs et des députés. En tout état de cause, il préconisait « l’entière subordination des cours de justice à la puissance législative17 ».
8Tandis que de nombreux révolutionnaires célébraient le système des jurés comme expression de la volonté du peuple en matière de justice criminelle, le député Adrien Duport allait encore plus loin et défendait une variante de libéralisme plus inspirée par ce que l’historien J. G. A. Pocock a appelé « l’humanisme légal » du xviiie siècle18. Duport, un des Feuillants les plus en vue et le porte-parole le plus respecté de l’Assemblée en matière de justice criminelle, affirmait que le jury contribuerait de façon décisive à protéger la société civile des empiétements arbitraires du gouvernement.
« Mais ce qu’il faut toujours redire, ce qu’on ne saurait trop répéter, c’est que, sans jurés, il n’y a pas de liberté dans un pays. Sans jurés, aucune élection n’est libre ; sans jurés, des ministres bas et corrupteurs, comme il est bien à craindre qu’ils ne le soient toujours, excluront ceux qui leur déplairont ; sans jurés, il n’y a plus de mœurs dans une monarchie19. »
9En considérant que le jury avait un rôle de garde-fou contre les tendances potentiellement despotiques du pouvoir politique, Duport se rapprochait de la tradition de l’idéologie « oppositionniste » anglaise et américaine du xviiie siècle (« country ideology »)20. Mais il pensait aussi que le jury servait à faire progresser l’humanité.
« Cette institution sainte des jurés peut seule bannir du cœur d’un citoyen la crainte et la nombreuse escorte de vices qui la suivent, et lui donner cette confiance, principe de toutes les affectations généreuses, en lui assurant sa vie, sa fortune, sa liberté, son honneur : c’est elle qui fait sentir à l’homme qu’il n’est pas seul sur la terre ; qu’il existe pour lui une protection contre l’injustice, et que cette protection il la trouvera parmi ceux qui l’environnent, parmi des voisins qui ne demandent, en retour, qu’une disposition semblable de sa part, Voilà le vrai moyen de donner aux hommes des mœurs, une humanité profonde, l’amour de l’égalité, de la fraternité […]21. »
10Ainsi, les procès par jurés serviraient à renforcer la loyauté civique dans le pays, à rapprocher les citoyens, et leur apprendraient à exercer ensemble leur responsabilité pour le bien-être de la communauté. Dans la conception de Duport du jury, les intérêts privés et publics n’étaient pas en soi antagonistes – comme c’était le cas dans la vision du monde de Robespierre – mais se complétaient et se renforçaient mutuellement.
11Enfin, le débat sur le jury témoigne d’un souci majeur des députés : le maintien de l’ordre social. Pour les hommes qui dominaient le comité de constitution et l’Assemblée dans son ensemble, cette question revêtait un caractère particulièrement urgent à la lumière de l’agitation populaire des débuts de la Révolution. En 1790, l’Assemblée constituante décréta, sur proposition du comité, que les jurys seraient composés exclusivement d’hommes qui payaient assez d’impôts pour devenir des électeurs départementaux dans le nouveau système politique22. « Est-ce donc là ce que vous appelez être jugés par ses pairs ? », s’exclama Robespierre à la tribune de l’Assemblée23. Mais la plupart des députés prirent parti pour Duport, qui soutenait qu’un minimum de restrictions s’imposaient si l’on voulait avoir des jurés « généralement capables d’attirer la confiance pour d’aussi importantes fonctions24 ». Les critères censitaires décrétés par les Constituants en 1791 pour les électeurs au second degré servirent de tamis social25. Et la sélection était sévère : selon une récente estimation, le droit de servir comme électeur départemental ou comme juré de jugement était réservé à 500 000 hommes, soit 7 % de la population adulte mâle en 179126.
12Il n’en reste pas moins que le système français des jurés était globalement inspiré par les projets et les idéaux de 1789. Et de fait, les Constituants adoptèrent le procès par jurés afin d’élargir la prééminence de la souveraineté du peuple dans la vie publique du pays. Certes, ils avaient d’autres visées : maintenir l’ordre social, protéger les libertés individuelles et civiles, apprendre aux citoyens à exercer leurs responsabilités civiques. Cependant, en confiant de larges pouvoirs aux simples citoyens en matière de justice criminelle, les Constituants couraient un risque : celui de voir les jurés négliger ces devoirs. Au lieu de réprimer les délinquants, de protéger les libertés et de développer leur capacité individuelle à exercer le pouvoir, ils pouvaient parfaitement acquitter des criminels, subordonner les libertés civiles à l’arbitraire politique, ou encore considérer le service du jury comme une corvée plutôt que comme un honneur. Les acclamations qui ont salué la création du système des jurés ne doivent pas occulter les dangers qu’il comportait. Comme bien d’autres réformes initiées par l’Assemblée, le procès par jurés constitua une expérience décisive – un saut dans l’inconnu, tant pour les institutions de la justice que pour la société civile.
13À coup sûr, le déroulement de cette expérience allait affecter non seulement la réalisation des ambitions générales de ses initiateurs mais également le destin de tout le système de procédure criminelle. De nombreux traits fondamentaux de la justice française moderne trouvent leur origine dans les codes de procédure de 1791, qui rompaient avec des siècles de jurisprudence nationale et survécurent, avec peu de modifications, tout le temps que durèrent les tribunaux criminels, de 1792 à 181127. Mais comment ces codes furent-ils appliqués en pratique ? Quelle était l’ampleur de l’écart entre la vision des Constituants et la pratique judiciaire au fond des provinces françaises, loin de l’emprise centralisatrice des législateurs et des juristes parisiens ? L’épreuve suprême du nouveau système procédural serait, à n’en point douter, sa mise en œuvre sur le terrain28. Et le juge ultime de ses résultats serait l’État lui-même : son appréciation des procès par jurés dans les années 1790 et 1800 allait contribuer à déterminer la forme à venir du droit criminel en France.
14Le procès par jurés allait ainsi influencer, à bien des égards, la société française. Il joua d’emblée un rôle dans le maintien de l’ordre et dans la résolution des tensions politiques et sociales ; il eut également un impact sur le développement de la jurisprudence et l’évolution des institutions nées de la Révolution. Malgré leur importance, les tribunaux criminels n’ont commencé que récemment à recevoir l’attention qu’ils méritent29. Les travaux de Bernard Schnapper, Jean-Pierre Royer, Jean-Louis Halperin, Renée Martinage, leurs étudiants et bien d’autres en France – ainsi que d’Isser Woloch outre-Atlantique – ont souligné l’importance du droit pénal révolutionnaire et ont enrichi nos connaissances en la matière. Par ailleurs, la recherche en Belgique, et notamment les contributions de Xavier Rousseaux et Marie-Sylvie Dupont-Bouchat, ont illustré le fonctionnement des institutions judiciaires françaises transplantées en territoire conquis30. L’étude des procès par jurés représente un projet historique majeur pour l’avenir : elle dépasse de loin le cadre d’un seul ouvrage. Ici, nous avons voulu offrir, fût-ce de façon modeste, un tableau qui relie le fonctionnement concret des tribunaux criminels à l’histoire sociale, politique et institutionnelle de la France révolutionnaire et napoléonienne. Qui siégeait dans les jurys ? Quels verdicts ces hommes ont-ils rendu tout au long des vingt années d’existence des tribunaux criminels ? Les jurés ont-ils condamné plus souvent les femmes que les hommes, ou les accusés illettrés que ceux qui savaient signer leur nom ? La nature des décisions des jurys a-t-elle changé radicalement dans les affaires politiques ou de droit commun lors de l’accession au pouvoir des Jacobins, après leur chute à Thermidor ou après les purges de Fructidor ? Les nouveaux codes de procédure et pénaux ont-ils répondu de façon adéquate aux exigences de la justice criminelle dans une période de tensions profondes dans la société ?
15Parmi les 83 tribunaux criminels institués en France en 1792, c’est à celui de Dijon (Côte-d’Or) que nous avons consacré les recherches les plus détaillées. Pour obtenir une vision plus vaste du fonctionnement de la justice criminelle, nous avons consulté des documents judiciaires dans plusieurs autres archives provinciales. Notre attention s’est portée plus particulièrement sur seize tribunaux départementaux, dont nous avons analysé les verdicts des jurés. Ces tribunaux criminels ont été choisis parce qu’ils offraient une documentation abondante et un champ politique et social diversifié. Ainsi, les tribunaux de la Vendée, de la Mayenne et du Finistère siégeaient dans des départements en proie à une insurrection paysanne contre l’État révolutionnaire et les gens de la ville. Par contre, en Gironde, dans le Rhône ou dans le Gard, les conflits découlaient de tensions au sein des communautés urbaines qui explosèrent lors de la crise fédéraliste, et dont les répercussions se firent sentir jusque sous le Directoire. L’histoire politique de la Haute-Garonne fut moins mouvementée ; la ville de Toulouse échappa en grande partie aux soulèvements fédéralistes et demeura fermement sous l’influence des néo-Jacobins à la fin des années 1790. Les tribunaux de l’Ain, du Cher, de la Côte-d’Or, de la Creuse, des Landes, des Hautes-Pyrénées, de la Haute-Saône, de la Seine-et-Oise et de la Somme opéraient dans des départements plus tranquilles. Nous avons également souhaité étudier les procès par jurés dans des contextes sociaux variés. Parmi les seize tribunaux choisis, plusieurs tenaient leurs audiences dans de grandes villes commerciales ou manufacturières (Lyon, Bordeaux, Toulouse, Amiens, Nîmes), d’autres dans des villes moyennes ou des capitales régionales (Versailles, Dijon, Bourges) et d’autres, enfin, dans des gros bourgs devenus chefs-lieux de département (Tarbes, Vesoul, Guéret). Les questions concernant la composition du jury et la procédure criminelle ont également été explorées dans d’autres archives départementales ainsi qu’aux Archives nationales de Paris.
16Il convient de souligner que ce travail examine la pratique judiciaire des tribunaux criminels créés en France au niveau du département31. Il ne s’agit pas d’une enquête sur la criminalité elle-même, ni d’une exploration des niveaux inférieurs du système judiciaire : tribunaux municipaux, juges de paix, et tribunaux correctionnels qui avaient à juger d’infractions comme les voies de fait, les menus larcins, les insultes ainsi que la plupart des délits sexuels32. Le présent ouvrage sur les tribunaux départementaux envisage plutôt le traitement judiciaire de crimes représentant un défi majeur à l’ordre social et politique : vol aggravé, homicide, viol, rébellion, faux, détournement de fonds. Il s’efforce en outre d’analyser la pratique des procès par jurés et d’éclairer la façon dont les simples citoyens ont usé des pouvoirs considérables dont ils furent investis par la Révolution.
17Lorsque les députés de l’Assemblée constituante – dont beaucoup étaient des hommes de loi – réfléchissaient sur les traditions juridiques de l’Ancien Régime, ils avaient à faire à des principes presque entièrement différents de ceux qui fondaient les procès par jurés33. Sous l’Ancien Régime, la justice criminelle exprimait les postulats philosophiques et politiques de la royauté. Tout d’abord, la justice dérivait de la personne du roi34. La mission du roi en tant que gardien et source de la justice était chargée d’une puissance symbolique que la monarchie n’hésitait pas à afficher, notamment lors des cérémonies du couronnement et dans certaines œuvres d’art. Mais si la justice criminelle émanait de la personne royale, elle accordait également un traitement spécial à certains prévenus selon leur statut. Les nobles et les ecclésiastiques accusés de crimes pouvaient demander à être jugés par la Grand’Chambre et la Tournelle assemblées au parlement de Paris, et ne pouvaient être soumis à certaines juridictions, notamment à celle des prévôts de maréchaux35. Pour le reste de la population, les procès avaient invariablement lieu devant des juridictions de droit commun ou d’exception, selon la nature du crime dont ils étaient accusés. Les tribunaux de bailliage ou de sénéchaussée jugeaient les affaires criminelles les plus graves en première instance, et les parlements statuaient en dernier ressort36.
18La procédure en vigueur dans ces tribunaux était strictement réglementée par l’Ordonnance de 1670. Cette Ordonnance fut l’une des réalisations majeures de Louis XIV, dans le cadre de son projet de codifier le droit français ; elle régissait la pratique de la justice criminelle avant la Révolution. En accord avec ses dispositions, les magistrats professionnels jugeaient les crimes selon une procédure écrite et le « système des preuves légales ». Après leur arrestation, les prisonniers étaient soumis à un interrogatoire par un juge d’instruction. Ce magistrat réunissait également les preuves matérielles, ainsi que les dépositions des témoins, et présentait ses conclusions à l’assemblée des juges de la cour avec ses recommandations concernant le jugement final. Afin de déterminer s’il existait une « preuve pleine », les juges suivaient des règles très strictes : pour qu’un accusé soit déclaré coupable, il fallait une confession de l’accusé, le témoignage de deux témoins dignes de foi, ou diverses formes de preuves indirectes ou matérielles lorsqu’il existait un seul témoin fiable. Les juges votaient aussi bien pour décider de la culpabilité de l’accusé que pour prononcer leur sentence. Parmi les peines prévues figuraient la peine de mort, les travaux forcés, le bannissement, et diverses formes de châtiments corporels, de blâmes et d’humiliations publiques37.
19Des écrivains du xviiie siècle comme Montesquieu, Beccaria et Voltaire ont critiqué ce système de justice criminelle, en affirmant que ses châtiments étaient inhumains et que des peines plus modérées serviraient mieux les buts de la répression. Avant tout, ils contestaient l’usage de la torture. Jusqu’en 1780, les juges royaux pouvaient, dans certains cas, y avoir recours afin d’obtenir la confession d’un accusé (« question préparatoire »), et jusqu’en 1788 pour obtenir les noms des complices de condamnés à mort (« question préalable »). Mais dans la pratique, comme l’a montré l’historien Richard Andrews, la torture fut rarement appliquée au cours des dernières années de l’Ancien Régime. Quant au système des preuves légales dans les tribunaux royaux, elles tournaient souvent à l’avantage des accusés38. Néanmoins, les critiques des philosophes finirent par être largement diffusées en France39. On retrouve un grand nombre de leurs revendications dans les cahiers de 1789, aux côtés d’une opposition au symbole le plus puissant des pouvoirs arbitraires de la Couronne : les lettres de cachet, qui permettaient au roi de détenir des personnes sans jugement. Ainsi, dans les années qui précédèrent la Révolution, la justice royale était devenue l’une des principales cibles des doléances visant la monarchie40.
20C’est dans cet état d’esprit que l’Assemblée nationale se consacra à la refonte de la justice criminelle. Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, publiée le 26 août 1789, les citoyens devaient être à l’abri des arrestations arbitraires, des peines arbitraires et étaient présumés innocents tant que leur culpabilité n’avait pas été établie41. Six semaines plus tard, l’Assemblée adopta une loi garantissant une meilleure protection pour les inculpés comparaissant devant des juridictions royales. Les jours de la justice criminelle royale étaient comptés. En 1790, l’Assemblée constituante dissout les parlements et autres cours royales ; elle attribua provisoirement la tâche de juger les crimes aux nouveaux tribunaux de districts et, à Paris, à six tribunaux provisoires42. Après de nombreux débats et de longues négociations, les députés ont également dessiné une nouvelle carte judiciaire du pays, fixant les sièges des nouveaux tribunaux appelés à fonctionner dans les départements, districts et cantons43. Enfin, en 1791, les députés achevèrent près de deux années de délibérations consacrées aux dispositions du nouveau droit pénal. La loi des 16 et 29 septembre 1791, ainsi que le Code pénal et le Décret en forme d’instruction qui l’accompagnaient, établissaient un nouveau système de justice criminelle en France. Ce fut là la dernière grande réalisation de la Constituante. Les nouveaux tribunaux criminels furent mis en place vers le début de l’année 1792. Malgré des modifications ultérieures – notamment, le Code des délits et des peines conçu largement par Merlin de Douai en 1795 – les principales caractéristiques du système sont restées intactes jusqu’à son abolition par Napoléon en 181144. Pendant vingt ans, la justice criminelle française se conforma à la conception juridique d’ensemble proclamée en 1791. Les tribunaux criminels de la Révolution se situent donc historiquement entre la justice royale de l’Ancien Régime et le système des cours d’assises inauguré en 181145. Du fait de leur brève existence, on risque de négliger leur importance ou de les considérer comme une expérience avortée et close par les réformes introduites par Napoléon. Et pourtant, c’est bien le système de 1791 qui a établi les fondements de la justice criminelle moderne en France. La présente étude tentera d’approfondir nos connaissances du système, contribuant ainsi à éclairer ce lieu de rencontre entre pouvoir et société, dans une période décisive pour les institutions françaises.
Notes de bas de page
1 Michelet (J.), Histoire de la Révolution française, Paris, Gallimard 1952, t. I, p. 21.
2 Courteix (R.-A.), Balzac et la Révolution française, Paris, PUF, 1997 ; Dupuy (P.), « La diffusion des stéréotypes révolutionnaires dans la littérature et le cinéma anglo-saxons, 1789-1989 », AHRF, 1996, n° 305, p. 511-528. Le bicentenaire de la Révolution française a donné lieu à une réprobation considérable à l’égard de la Terreur, notamment chez Fayard (J.-F.), La justice révolutionnaire, Paris, R. Laffont, 1987 ; Arasse (D.), La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987 ; Kermina (F.), Les dernières charrettes de la Terreur, Paris, Perrin, 1988 ; Lerat (B.), Le terrorisme révolutionnaire, Paris, Éditions France-Empire, 1989 ; Sédillot (R.), Le coût de la Terreur, Paris, Perrin, 1990 ; Varaut (J.-M.), La terreur judiciaire : La Révolution contre les droits de l’homme, Paris, Perrin, 1993 ; Jacotey (M.-L.), Le tribunal révolutionnaire au service de la Terreur, Paris, Guéniot, 1995.
3 L’essentiel de l’œuvre de François Furet concerne, d’une façon ou d’une autre, la Terreur et ses origines, et les débats du bicentenaire ont souvent reflété l’importance interprétative que revêt cette période pour les historiens. Voir Kaplan (S. L.), Adieu 89, Paris, Fayard, 1993.
4 Pendant et après le bicentenaire, des historiens ont collaboré à plusieurs volumes consacrés aux réformes judiciaires de la Révolution, dont Pertué (M.) (dir.), La Révolution et l’ordre juridique privé. Rationalité ou scandale ?, Paris, PUF, 1988 ; Badinter (R.) (dir.), Une autre justice, 1789-1799, Paris, Fayard, 1989 ; Boucher (P.) (dir.), La révolution de la justice, Paris, de Monza, 1989 ; Martinage (R.) & Royer (J.-P.) (dir.), Les destinées du jury criminel, Lille, L’Espace juridique, 1990 ; Lorgnier (J.), Martinage (R.), Royer (J.-P.) (dir.), Justice et République(s). Actes du colloque de Lille, 17 septembre 1992, Lille, L’Espace juridique, 1993 ; Bart (J.) & Naudin-Patriat (F.) (dir.), 1791, la première Constitution française. Actes du colloque de Dijon, 26 au 27 septembre 1991, Paris, Economica, 1993 ; La Révolution française et le droit, Droits 1993, n° 17 ; Jacob (R.) (dir.), Le juge et le jugement dans les traditions juridiques européennes, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1996 ; Rousseaux (X.), Dupont-Bouchat (M.-S.), Viel (C.) (dir.), Révolutions et justice pénale en Europe, modèles français et traditions nationales, 1780-1830, Paris, L’Harmattan, 1999.
5 Concernant Sieyès, voir Archives parlementaires t. XII, p. 249-258 ; pour Robespierre, AP t. XII, p.574-578 ; pour Malouet, AP t.XII, p.590-592 ; et pour Clermont-Tonnerre, AP t. XII, p. 587590 et t. XV, p. 347-349. Voir aussi Du Bus (C.), Stanislas de Clermont-Tonnerre et l’échec de la Révolution monarchique, 1757-1792, Paris, Librairie Félix Alcan, 1931, p. 470.
6 AN AD III 46, « Proclamation du roi concernant l’exécution de la loi des jurés, 15 janvier 1792 ».
7 Les premiers présidents, accusateurs publics et greffiers des tribunaux criminels furent élus en septembre 1791. La plupart des ces nominations furent approuvées par le roi en novembre-décembre, et les « installations » formelles par les conseils généraux des communes se déroulèrent le plus souvent au début de janvier 1792 (certaines eurent toutefois lieu fin décembre 1791). En tout état de cause, ce n’est qu’en 1792 que ces tribunaux convoquèrent les jurés et commencèrent à siéger. Comme l’a fait remarquer Frédéric Chauvaud : « Le tribunal criminel n’est véritablement organisé qu’en 1792. » Voir Chauvaud (F.), Le juge, le tribun et le comptable, Paris, Anthropos, 1995, p. 62.
8 En 1804, Napoléon a changé le nom des « tribunaux criminels », qui sont devenus des « cours de justice criminelle » sans toutefois subir de modifications. Par commodité, j’ai étendu le terme de tribunaux criminels à tous les tribunaux de cette nature en exercice entre 1792 et 1811.
9 Cette situation est particulièrement évidente pour la période de la Terreur : voir Martin (J.-C.), Révolution et Contre-révolution, Rennes, PUR, 1996, p. 102.
10 Les débats des Constituants sur la réforme de la justice criminelle ont été décrits et analysés par plusieurs historiens. Voir, parmi d’autres, Godechot (J.), Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, 2e éd., Paris, PUF, 1968, p. 143-146 ; Esmein (A.), Histoire de la procédure criminelle en France, et spécialement de la procédure inquisitoire depuis le xiiie siècle jusqu’à nos jours (1882), Frankfurt an Main, Verlag Sauer & Auvermann, 1969, p. 431-437 ; Fitzsimmons (M.), The Remaking of France, Cambridge, Cambridge University press, 1994, p. 98-108 ; Padoa Schioppa (A.), « La giuria all’Assemblea costituente francese », dans The Trial Jury in England, France, Germany, 1700-1900, Berlin, Duncker et Humblot, 1987, p. 75-163 ; Padoa Schioppa (A.), « Le jury d’Adrien Duport », dans La Révolution et l’ordre juridique privé, rationalité ou scandale ?, CNRS, Paris, PUF, 1988, p. 609-622 ; Ranouil (P.-Ch.), « L’intime conviction » dans Les destinées du jury criminel, éds. Jean-Pierre Royer & Renée Martinage, Lille, L’Espace juridique, 1990, p. 85-101 ; Royer (J.-P.), Histoire de la justice en France, Paris, PUF, 1996, 2e éd., p. 290-300 ; Seligman (E.), La justice en France pendant la Révolution, 1789-1792, Paris, Plon-Nourrit, 1901, t. I, p. 435-465.
11 Baker (K. M.), Condorcet, Chicago, University of Chicago press, 1975, p. 202-303 ; Badinter (E.), Badinter (R.), Condorcet : un intellectuel en politique, Paris, Fayard, 1988 ; Rosanvallon (P.), Le Sacre du citoyen : histoire du suffrage universel en France, Paris, 1992, p. 172-176 ; et Raynaud (P.), « Y a-t-il une philosophie girondine ? » dans La Gironde et les Girondins, Paris, 1991, p. 291-304.
12 Sieyès, « Aperçu d’une nouvelle organisation de la justice et de la police en France, » AP t. XII, p. 249-258 et surtout p. 253-254. Voir aussi le rejet du procès par jurés exprimé par Brillat-Savarin (AP t. XV, p. 317-318) ainsi que les doutes mêlés de craintes de Fréteau (AP t. XV, p. 343).
13 Furet (F.) & Halévi (R.), La monarchie républicaine : La constitution de 1791, Paris, Fayard, 1996, p. 211.
14 Woloch (I.), The New Regime : Transformations of the French Civic Order, 1789-1820s, Norton, New York, 1994, p. 367-374 ; Esmein (A.), Histoire de la procédure criminelle en France, op. cit., p. 481-526 ; Halperin (J.-L.), « L’Empire hérite et lègue » dans Boucher (Ph.) (dir.), La Révolution de la justice, Paris, de Monza, 1989, p. 242-244 ; Lascoumes (P.), Poncela (P.), Lenoël (P.), Au nom de l’ordre : une histoire politique du code pénal, Paris, Hachette, 1989, p. 233244 ; Cruppi (J.), Napoléon et le jury, Paris, Marchal et Billard, 1896.
15 Voir Schnapper (B.), « Le jury criminel » dans R. Badinter (dir.), Une Autre Justice, Paris, Fayard, 1989, p. 153.
16 AP t. XV, p. 318. Voir aussi le discours de Thouret du 24 mars 1790 (AP t. XII, p. 345).
17 AP t. XII, p. 344. Concernant les principales déclarations de Thouret sur le jury au printemps de 1790, voir AP t. XII, p. 344-348 et p. 550-558 ; AP t. XV, p. 318-322. On peut appréhender son approche de la question de la liberté politique dans AP t. XII, p. 552 et p. 555. La position de Thouret se rapproche du « discours de la volonté » décrit par Keith Michael Baker, tout comme la vision de Sieyès du jury reflète de ce que ce dernier appelle le « discours de la raison ». Voir Baker (K. M.), « On the Problem of the Ideological Origins of the French Revolution » dans Inventing the French Revolution, Cambridge, Cambridge University press, 1990, p. 27. Cet ouvrage a été traduit : Baker (K. M.), Au tribunal de l’opinion : essais sur l’imaginaire politique au xviiie siècle, Paris, Payot, 1993.
18 Il qualifie ce courant de pensée de « Language of manners ». Cette référence m’a été aimablement communiquée par Charles Sullivan. Sur Duport, voir Martucci (R.), « La robe en question : Adrien DuPort et le jury criminel (29/30 mars 1790) », La Revue Tocqueville XVIII, 2, 1997, p. 25-47 ; Poncela (P.), « Adrien Duport, fondateur du droit pénal moderne », Droits 17, 1993, p. 139-147 ; Padoa Schioppa (A.), « Le jury d’Adrien Duport », op. cit., p. 609-622.
19 AP t. XII, p. 435. Voir aussi le discours de Duport du 27 novembre 1790 (AP t. XXI, p. 61). Pour un point de vue opposé sur le rôle politique du jury, voir le discours de Tronchet du 29 avril 1790 (AP t. XV, p. 327-333), suivi de la réponse de Duport le lendemain (AP t. XV, p. 342).
20 Bailyn (B.), The Ideological Origins of the American Revolution, Cambridge, Mass., Harvard University press, 1967.
21 AP t. XII, p. 436.
22 Woloch (I.), op. cit., p. 363 ; Le Cour Grandmaison (O.), Les citoyennetés en Révolution, 17891794, Paris, PUF, 1992, p. 29-38.
23 AP t. XII, p. 575. Voir Padoa Schioppa (A.), « Robepierre et le jury » dans Les destinées du Jury criminel, Martinage (R.) & Royer (J.-P.) (dir.), op. cit., p. 19-28.
24 AP t. XXI, p. 60. Voir aussi les déclarations de Duport dans AP t. XXII, p. 758.
25 Voir le chapitre IV.
26 Gueniffey (P.), Le nombre et la raison, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1993, p. 101. Voir aussi Edelstein (M.), « Les électeurs dijonnais de 1790 : étude sociale et politique » dans Mélanges Michel Vovelle, Bertaud (J.-P.) & Hincker (F.) (dir.), Paris, Société des études robespierristes, 1997, p. 165-169.
27 Parmi les histoires générales du droit pénal, voir, entre autres, Lebigre (A.), Histoire de droit pénal, Sceaux, Faculté de droit, 1976 ; Laingui (A.) & Lebigre (A.), Histoire du droit pénal, 2 t., Paris, Cujas, 1979 ; Carbasse (J.-M.), Introduction historique au droit pénal, Paris, PUF, 1990 ; Laingui (A.), Histoire du droit pénal, Paris, PUF, 1993 ; Martinage (R.), Histoire du droit pénal en Europe, Paris, PUF, 1998 ; Carbasse (J.-M.), Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, PUF, 2000.
28 Notre étude reprend donc dans la distinction entre « l’idéologie juridique » et « la réalité juridique ». Voir Beaud (O.), « L’histoire juridique de la Révolution française est-elle possible ? » Droits 17, 1993, p. 7-8.
29 Outre les travaux collectifs mentionnés plus haut dans la note 4, voir la bibliographie pour les ouvrages récents traitant des tribunaux criminels. Gilles Landron note avec raison que les monographies sur les tribunaux criminels à la fin du xixe siècle et durant la première moitié du xxe, quelle que soit leur valeur, subissent une influence positiviste et traitent d’une gamme de questions plutôt limitée. Voir Landron (G.), Justice et démocratie : le tribunal criminel de Maine-et-Loire (1792-1811), thèse de droit, Poitiers, 1993, p. 26-27.
30 Voir surtout Juges, délinquants et prisonniers dans le département de Sambre-et-Meuse (1794-1814), Namur, Société archéologique de Namur, 1998.
31 Ainsi, cet ouvrage n’aborde pas le sujet intéressant des tribunaux criminels établis hors des frontières de 1789.
32 Plus précisément, cette étude n’explore pas la phase antérieure de l’instruction, notamment les décisions des jurys d’accusation. Nous n’avons pas non plus examiné les activités des tribunaux criminels en appel des jugements des tribunaux correctionnels.
33 Concernant la justice criminelle sous l’Ancien Régime, voir, parmi bien d’autres, Andrews (R.), Law, Magistracy, and Crime in Old Regime Paris, 1735-1789, Cambridge, Cambridge University press, 1994 ; Aubry (G.), La jurisprudence criminelle du Châtelet de Paris sous le règne de Louis XVI, Paris, 1971 ; Bongert (Y.), Cours d’histoire du droit pénal, I : Le droit pénal français médiéval de la seconde moitié du xiiie siècle à l’ordonnance de 1493 ; II : Le droit pénal français de la fin du xve siècle à l’ordonnance criminelle de 1670, Paris, Les Cours du Droit, 1973 ; Cameron (I.), Crime and Repression in the Auvergne and the Guyenne, 1720-1790, Cambridge, Cambridge University press, 1981 ; Castan (N.), Justice et répression en Languedoc à l’époque des Lumières, Paris, Flammarion, 1980 ; Esmein (A.), op. cit. ; Gasparri (F.), Crimes et châtiments en Provence au temps du roi Réné : procédure criminelle au xve siècle, Paris, Léopard d’Or, 1989 ; Laingui (A.), Lebigre(A.), Histoire du droit pénal, Paris, Cujas, 1979 ; Lebigre (A.), La justice du roi : la vie judiciaire dans l’ancienne France, Paris, A. Michel, 1988 ; Plessix-Buisset (C.), Le criminel devant ses juges en Bretagne aux xvie et xviie siècles, Paris, Maloine, 1988 ; Reinhardt (S.), Justice in the Sarladais, 1770-1790, Baton Rouge, Louisiana State University press, 1991 ; Royer (J.-P.), Histoire de la justice en France de la monarchie absolue à la République, Paris, PUF, 3e édition, 2001 ; Ruff(J.-R.), Crime, Justice and Public Order in Old Regime France : The Sénéchausees of Libourne and Bazas, 1696-1789, London, 1984 ; Schnapper (B.), Voies nouvelles en histoire du droit, Paris, PUF, 1991.
34 Jean Bart et Jean-Jacques Clère ont souligné que la justice de l’Ancien Régime était, en principe, une « justice personnelle » du roi. Voir Bart (J.) & Clère (J.-J.), « Les lois du roi » dans Boucher (Ph.) (dir.), La Révolution de la justice, op. cit., p. 15. Voir aussi Martin-Lebigre (A.), « Juger dans la France moderne » dans Jacob (R.) (dir.), Le juge et le jugement dans les traditions juridique européennes, op. cit., 1996, p. 155.
35 Marion (M.), Dictionnaire des institutions de la France aux xviie et xviiie siècles, Paris, Picard, 1984, p. 107, 397, 425.
36 Carbasse (J.-M.), Introduction historique au droit pénal, op. cit., p. 111-113.
37 Lorsque les juges n’avaient pas de preuve complète, ils pouvaient ordonner le maintien des accusés en détention par un jugement jusqu’à « plus ample informé », indiquant par là qu’ils avaient besoin de temps pour éclaircir les faits. Voir Laingui (A.), Lebigre (A.), Histoire du droit pénal, op. cit., t. II, p. 102-103 ; Andrews (R.), Law, Magistracy, and Crime, op. cit., p. 437-441 ; Peronnet (M.), « L’art de punir » dans Boucher (Ph.) (dir.), La Révolution de la justice, op. cit., 1989, p. 75-102.
38 Voir Andrews (R.), op. cit., p. 441-472, 494-504. Jean-Pierre Royer note aussi que la jurisprudence criminelle a évolué au xviiie siècle dans un sens plus favorable aux accusés. Voir Royer (J.-P.), « Parole d’avocat… remarques sur la plaidoirie pénale, de la fin de l’Ancien Régime à la Révolution », Droits 17, 1993, p. 104.
39 Schnapper (B.), « La diffusion en France des nouvelles conceptions pénales dans la dernière décennie de l’Ancien Régime » dans Voies nouvelles en histoire du droit : la justice, la famille, la répression pénale (xvie-xxe siècles), op. cit., p. 187-205.
40 Montesquieu, De l’esprit des lois (1748), Paris, Éditions Garnier frères, 1961, t. I, Première partie, Livre sixième ; Beccaria, Des délits et des peines (1763), Paris, Flammarion, 1991 ; Voltaire, Commentaire sur le livre Des délits et des peines (1766) ; Poumarède (J.), « Montesquieu, Voltaire, Beccaria » dans Boucher (Ph.) (dir.), La révolution de la justice, op. cit., p. 103-126 ; Trousson (R.), « Voltaire et la réforme de la législation criminelle », Bulletin de l’Académie royale de langue et de littérature française 71, 3-4 (1993), p. 226-240 ; Esmein (A.), Histoire de la procédure criminelle en France, op. cit., p. 362-370 ; Porret (M.), Beccaria : le droit de punir, Paris, Michalon, 2003 ; Delmas-Marty (M.), « Le rayonnement international de la pensée de Cesare Beccaria », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1989, p. 252-260 ; Kaufman (J.), « In Search of Obedience : The Critique of Criminal Justice in Late Eighteenth-Century France, » dans Proceedings of the Sixth Annual Meeting of the Western Society for French History, Santa Barbara, 1979 ; Beccaria et la culture juridique des Lumières : actes du colloque européen de Genève, 2526 novembre 1994, Porret (M.) (dir.), Genève, Droz, 1997. Sur les cahiers, voir Aubin (R.), L’organisation judiciaire d’après les cahiers de 1789, Paris, Jouve, 1928 ; Lascoumes (P.), Poncela (P.), Lenoël (P.), Au nom de l’ordre : une histoire politique du code pénal, Paris, Hachette, 1989, p. 43-59 ; Lebigre (A.), « 1789 : la justice dans tous ses états » dans Badinter (R.) (dir.), Une Autre Justice, op. cit., p. 39-55.
41 Carbasse (J.-M.), « Le droit pénal dans la déclaration des droits », Droits 8, 1988, p. 123-134 ; Lascoumes (P.), Poncela (P.), Lenoël (P.), Au nom de l’ordre : une histoire politique du code pénal, op. cit., p. 88-97.
42 Voir les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la loi du 8 octobre 1789 et celle du 25 août 1790. Voir aussi Lafon (J. L.), La Révolution française face au système judiciaire d’Ancien Régime, Genève, Droz, 2001, et Wills (A.), Crime and Punishment in Revolutionary Paris, Westport, Greenwood press, 1981.
43 Jacques Ellul met l’accent, de façon fort éloquente, sur la « rationalisation juridictionnelle » imposée par la Révolution. Voir Ellul (J.), Histoire des Institutions, le xixe siècle, Paris, PUF/Quadrige, 1999, p. 62-63. Concernant la carte judiciaire, voir surtout Chavaud (F.), Le juge, le tribun et le comptable, Histoire de l’organisation judiciaire entre les pouvoirs, les savoirs et les discours (1789-1930), op. cit., p. 89-131.
44 Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV a introduit peu de changements notables dans le domaine de la procédure criminelle. De nombreux articles de la loi du 16 septembre 1791 furent intégrés presque mot à mot par Merlin de Douai dans le code de l’an IV. Certains points de procédure sont explicités d’une manière plus élaborée et précise, tandis que d’autres sont modifiés. Plutôt qu’une transformation du système de 1791, le Code des délits et des peines constituait une réaffirmation de ce système après la Terreur et une tentative de l’ajuster aux nouvelles structures administratives ainsi qu’aux circonstances politiques.
45 Sur le droit de la Révolution, voir surtout Jean-Louis Halperin, qui est réticent à l’idée de droit intermédiaire. Halperin (J.-L.), L’impossible Code civil, Paris, PUF, 1992, p. 9.
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