« Ay, my mother,/With all my heart I thank thee for my father » – Inconstance féminine, inconstance masculine dans King John
p. 47-60
Texte intégral
1Dans l’Angleterre Tudor, un roi devient schismatique pour divorcer de sa première femme qui ne lui donne pas d’héritier mâle et fait exécuter sa deuxième femme sur des accusations d’adultère, ce qui n’empêche pas leur fille, après la mort de son frère cadet et de sa sœur aînée, d’accéder au trône et de régner pendant quarante-cinq ans. C’est dire si pour les Élisabethains les questions de légitimité, d’adultère et d’identité sexuée sont liées.
2Aliénor en soldat, Constance, figure du droit bafoué, Blanche, gage d’une alliance éphémère, Lady Faulconbridge, maîtresse de Richard Cœur de Lion ; les personnages féminins dans King John sont variés mais leur féminité les lie à la menace d’adultère, expression d’une inconstance traditionnellement considérée comme une caractéristique typiquement féminine, et obsession masculine dans une pièce dont l’enjeu est le respect de la lignée patriarcale. Parce que leurs prises de parole ou leurs manifestations de douleur outrepassent les limites du décorum, les femmes sont rejetées dans le camp des bouffons, des perturbateurs de l’ordre public et des briseurs de négociations, en compagnie de Philip le Bâtard : « Women and fools, break offyour conference » (2.1.150) intime le Dauphin Louis1. Pourtant, alors que les femmes disparaissent de l’intrigue après le troisième acte, la mort de Constance et d’Aliénor étant évoquée en quelques vers, le personnage de Philip gagne en respectabilité, jusqu’à devenir le garant de l’unité politique anglaise. Quelle est donc la morale politique de cette pièce qui jette en permanence le soupçon sur la constance des femmes, mais présente comme véritable héros le fruit d’une union adultère ? Ce paradoxe s’exprime dans la réplique de Philip à sa mère, Lady Faulconbridge, à la fin du premier acte : « Ay, my mother,/With all my heart I thank thee for my father » (1.2.269-270). Il reconnaît la responsabilité de sa mère dans l’acte d’adultère, et la remercie de l’avoir placé dans une position marginale qui lui donne une grande liberté de ton et d’action et finit par le ramener au centre de l’intrigue. Les références à l’adultère, omniprésentes dans la pièce, permettent de prendre la mesure de la liberté de ton et d’action conférée aux femmes par leur marginalité.
3L’adultère contamine la pièce au niveau thématique, à travers l’obsession de la pureté du lignage, mais aussi structurel, devenant le paradigme de tous les serments brisés. Dans le monde inversé qui est celui de la pièce, l’adultère apparaît comme le modèle du fonctionnement politique par excellence. Les femmes demeurées constantes dans leurs alliances politiques et leurs allégeances privées sont alors des témoins gênants2. Pourtant, si les hommes écartent les femmes de la scène de l’Histoire, ce n’est peut-être pas parce qu’elles sont des antithèses de leur propre comportement, mais plutôt des miroirs.
L’adultère comme menace pour le monde patriarcal – la femme suspecte
Évaluations de l’adultère
4La pièce s’ouvre sur des négociations politiques autour de l’héritage de Richard Cœur de Lion, revendiqué par son frère Jean et par leur neveu, le jeune Arthur, soutenu par le roi de France. Les tractations entre Jean et Chatillon, l’émissaire français d’Arthur, sont à peine achevées que surviennent les frères Faulconbridge. Robert, le cadet, accuse de bâtardise son aîné Philip et réclame l’héritage de leur père. Jean s’étonne que le cadet des Faulconbridge réclame l’héritage de l’aîné et en conclut que les frères n’ont pas la même mère, c’est-à-dire que leur père a été infidèle à son épouse légitime3 : « You came not of one mother, then, it seems » (1.1.57). Pourtant, c’est l’inverse que lui révèle Philip – la possibilité d’infidélité est du côté de la mère :
Most certain of one mother, mighty king;
That is well known; and, as I think, one father:
But for the certain knowledge of that truth
I put you o’er to heaven and to my mother:
Of that I doubt, as all men’s children may (1.1.57-63).
5Philip présente la bâtardise comme une éventualité qui menace tous les enfants, et Jean confirme que tous les hommes mariés s’exposent à l’adultère et doivent gérer cette possibilité avec discrétion. Il conclut donc en faveur de Philip, malgré le testament qui désigne Robert comme héritier légitime4.
6La menace d’adultère se retrouve sur la scène politique, lorsque les mères des deux prétendants au trône d’Angleterre s’accusent mutuellement d’infidélité, chacune défendant le droit de son fils. Constance avance ainsi le droit du fils aîné du fils cadet de Henri II (Arthur) face au droit du benjamin de Henri II (Jean) tandis qu’Aliénor brandit un testament pour appuyer la légitimité de son fils Jean5 :
Eleanor: Out, insolent! thy bastard shall be king,
That thou shall be a queen, and check the world! […]
Constance: My boy a bastard! By my soul, I think
His father never was so true begot:
It cannot be if thou wert his mother (2.1.122-123, 127-129).
7Selon Constance, l’adultère dont elle accuse Aliénor6 pervertit la transmission de l’identité de père en fils sur laquelle repose la conception patriarcale de la société ; le lien symbolique entre le père et son fils est remplacé par une généalogie du péché, dans laquelle la transmission est une contamination physique qui passe par les femmes (2.1.175-1827).
8La dispute privée au sein de la famille Faulconbridge fournit ainsi un miroir à la dispute publique autour de l’héritage divisé de Richard Cœur de Lion ; en effet, dans les deux cas, le droit d’aînesse s’oppose aux dernières volontés inscrites dans un testament. Pourtant, Jean, dont le droit s’appuie sur le testament de Richard, statue contre Robert, qui appuie ses revendications sur le testament de son père. Cette dispute mêle aussi les deux domaines, car Philip est immédiatement reconnu comme le fils bâtard de Richard, adoubé par Jean et enrôlé par Aliénor dans la milice qu’elle lève contre la France. En choisissant de revendiquer sa bâtardise et d’abandonner l’héritage Faulconbridge qui vient de lui être garanti par Jean, Philip (désigné dans toutes les didascalies par « Bastard »), opère un renversement des valeurs qui le conduit à préférer l’aventure à la sécurité et l’adultère à la fidélité. Ainsi présente-t-il Lady Faulconbridge comme la responsable de sa paternité illégitime, ce dont il la remercie :
Ay, my mother,
With all my heart I thank thee for my father!
[…] when Richard me begot,
If thou hadst said him nay, it had been sin;
Who says it was, he lies: I say’twas not! (1.1.269-270, 274-276).
9L’adultère n’est pas un péché, c’est un non-être, « not », mais aussi « naught », une aventure sexuelle. Dans ce jeu de mots Philip résume la philosophie de la pièce selon laquelle une chose peut être à la fois elle-même et son contraire, le péché une sainte action. Philip et Jean, hommes dont la légitimité est douteuse, minimisent les dangers de l’adultère physique, tandis que les femmes utilisent l’accusation d’adultère comme symbole de l’illégitimité de leur opposant politique.
L’inconstance féminine comme métaphore de l’inconstance masculine
10La bâtardise constitue en effet l’antithèse de l’honnêteté, ce que le bâtard Philip, renommé Richard et anobli par son oncle Jean, souligne malicieusement lorsqu’il commente la composition des deux armées en présence : en intercalant dans le catalogue des fidèles à l’un et l’autre roi les remarques « Bastards and else » puis « Some bastards too », il met en doute la légitimité de l’une et l’autre prétention (2.1.273-280).
11La métaphore de l’adultère, dont Philip est, selon Ralph Berry, l’incarnation8, est diffusée dans les discours des personnages ; le serment de mariage devient alors le paradigme de tous les serments et l’adultère celui des serments brisés. Le rapport d’un monarque à son pays est exprimé par la métaphore amoureuse, c’est donc logiquement qu’une situation d’usurpation se traduit par le lexique du viol et de l’adultère. Philippe Auguste se conforme à ce code langagier lorsqu’il présente l’usurpation dont il accuse Jean sous la forme d’un viol, « a rape/Upon the maiden virtue of the crown » (2.1.97-98). Quant aux serments, ils prennent la forme d’un mariage, non seulement le mariage physique de Blanche et Louis, mais le mariage symbolique entre les nouveaux alliés. Philippe Auguste, hésitant malgré les injonctions de Pandulph à rompre une alliance à peine conclue avec Jean, explique que trahir Jean équivaudrait à tromper un conjoint : il évoque « the marriage bed/of smiling peace » (3.1.171-172).
12Malgré les hésitations, les serments finissent tous par être brisés, et la seule fidélité qui demeure est celle à la figure éminemment volage de la Fortune. L’appréciation de cette figure est différente selon que le jugement est émis par un homme ou par une femme. Elle est ainsi présentée par Philip comme une parodie de dame courtoise qui décidera de la victoire devant Angers : « fortune shall cull forth/Out of one side her happy minion » (2.1.391-392), alors que Constance la décrit comme une véritable prostituée :
But fortune, O, […]
Sh’adulterates hourly with thine uncle John, […]
France is a bawd to fortune and King John,
That strumpet fortune, that usurping John! (2.2.54, 56, 60-61).
13Le parallèle établi dans ce dernier vers entre adultère et usurpation souligne le rôle métaphorique de l’inconstance sexuelle féminine pour exprimer l’inconstance politique masculine. L’idée de la fortune volage se retrouve au chapitre xxv du Prince de Machiavel : « car la fortune est femme et il est nécessaire, si l’on veut la culbuter, de la battre et de la bousculer9 ».
14La métaphore de l’adultère, comme en témoignent les présentations de la Fortune par Philip et Constance, n’a pas la même valeur pour tous les personnages : ceux pour qui l’adultère n’est pas un crime, c’est-à-dire ceux qui sont sous le coup d’une plausible accusation d’illégitimité, la manient à leur gré, tandis que ceux qui ne disposent pas de la force pour appuyer leur revendication, développent une véritable ontologie sexuelle, dans laquelle toutes les relations sont exprimées en termes de rapport sexuel licite ou illicite. De coupable potentielle, la femme mariée devient la victime des liens qui la soumettent à son époux. S’opposent ainsi Constance et Blanche d’une part, dépendantes d’une force masculine, et Aliénor de l’autre, moteur masculin de l’action.
Le monde à l’envers de la Commodité – la femme trahie
Impuissance de la constance
15Si Aliénor dispose d’une force armée qu’elle commande et peut donc espérer jouer le rôle d’un conseiller précieux pour Jean10, il n’en va pas ainsi de Constance et Blanche. Ainsi, à l’acte 3, scène 1, alors qu’Aliénor utilise l’impératif pour s’adresser au dauphin Louis, Constance a recours à la supplication, commençant ses phrases par « O », et finissant même à genoux, face à Blanche, elle aussi à genoux devant son mari. Mais dans cette scène, ce ne sont pas les injonctions ou les supplications des femmes qui l’emportent, mais la casuistique de Pandulph, qui argumente pour la préséance des serments et menace Philippe Auguste d’excommunication.
16Le rappel de la puissance d’un serment ne suffit pas à convaincre un roi ; en effet, Constance doit reconnaître que la parole d’un roi (« I have a king’s oath to the contrary » – 2.2.10) n’a rien de définitif. Face à Philippe Auguste venu lui confirmer la nouvelle de l’alliance qu’il vient de conclure avec Jean, elle doit admettre son impuissance, en des termes qui font d’elle une femme modèle selon la vision patriarcale – une faible femme dépendante des hommes :
For I am sick and capable of fear,
Oppress’d with wrongs and therefore full of fears,
A widow, husbandless, subject to fears,
A woman, naturally born to fears (2.2.12-15).
17Les vociférations de Constance ne serviraient alors qu’à insister sur son impuissance à agir sur l’action. Pure déploration, Constance n’a, semble-t-il, pas de pouvoir politique11. Dans le monde à l’envers de la commodité politique, la femme est condamnée à être trahie, ou sacrifiée à la raison d’État, ainsi qu’en témoignent les malheurs de Blanche.
18À la rupture de l’alliance entre Jean et Philippe Auguste, Blanche se trouve prise dans un dilemme entre sa loyauté envers son oncle Jean et la fidélité qu’elle doit à son nouveau mari Louis. Importée dans l’intrigue pour servir une fonction passive de monnaie d’échange, parce qu’une dot s’accompagne d’une épousée, elle s’était pliée aux volontés de Jean lors des négociations pour son mariage avec le Dauphin de France (« My uncle’s will in this respect is mine » – 2.1.510). Après l’échec de sa tentative pour convaincre Louis de ne pas attaquer l’Angleterre, elle se contente d’émettre des lamentations qui traduisent sa situation désespérée. Prise entre deux allégeances contradictoires, Blanche ne peut pas choisir ; son impuissance naît de sa réticence à privilégier une loyauté au détriment d’une autre, c’est-à-dire de son impossibilité à choisir quel serment doit l’emporter. Philippe Auguste et Jean, on le voit tout au long de la pièce, sont confrontés à des choix similaires, et renient leurs promesses passées pour lier d’autres relations qui leur semblent plus avantageuses. La seule loyauté est donc celle qui s’adresse à son propre intérêt. C’est l’enjeu du célèbre discours sur la Commodité de Philip à la fin de l’Acte 2, scène 1. C’est pourtant une maxime que le Bâtard aura bien du mal à suivre12.
L’exclusion des femmes
19Paradoxalement, c’est le personnage du Bâtard, aux côtés des femmes, qui incarne la fidélité à l’idéal patriarcal. Les commentaires des femmes et des bouffons représentent ainsi un contrepoint permanent à l’action des hommes. Selon Ralph Berry, Philip est la voix de la réalité dans King John. Berry ajoute: « it is a function that elsewhere Shakespeare allots to his clowns and to women13 ». La réduction au silence des voix de la réalité est donc indispensable pour la poursuite des négociations entre les hommes politiquement volages, ainsi que l’ont démontré Juliet Dusinberre et Phyllis Rackin14. Comment éliminer ces voix subversives de la scène ? L’analyse de Berry l’indique : en les assimilant à des personnages de comédie. Puis en les faisant mourir hors scène, la mention du décès de Constance et Aliénor, à trois jours d’intervalle15, n’occupant que quelques vers à l’acte 4, scène 2, 119-130.
20Le principal reproche adressé par les hommes aux femmes est l’accusation de manquement au décorum, et en premier lieu dans leurs prises de parole16. En effet, les femmes parlent trop, et hors de propos, au goût des hommes, s’imposant dans des conversations auxquelles elles n’étaient pas conviées. Aliénor intervient dans l’affrontement entre Jean et Philippe Auguste : « Who is it thou dost call usurper, France ? », lance-t-elle, à quoi Constance répond : « Let me make answer » (2.1.120 sqq.). Constance couvre d’insultes le duc d’Autriche, mais celui-ci ne peut réagir, parce que le statut de femme de Constance empêche que l’on réponde à ses défis verbaux : « O that a man should speak those words to me ! » (3.1.5617). Afin de pouvoir continuer les négociations sans que les interventions des femmes ne viennent rappeler la gravité d’un parjure, il est impératif pour les hommes de faire taire les femmes. Ainsi, dès la première scène, l’interruption d’Aliénor suscite-t-elle une réponse négative de la part de Jean : « Silence, good mother ; hear the embassy » (1.1.6). Le manquement au décorum manifeste dans l’attitude des femmes leur vaut d’être rappelées à la bienséance par Philippe Auguste : « Peace, lady ! pause, or be more temperate » (2.1.195). Jean, exaspéré, réclame le silence encore plus violemment : « Bedlam, have done » (2.1.184). Quant à Louis, il associe les femmes et Philip dans la même dépréciation : « Women and fools, break offyour conference » (2.1.150).
21Mais Constance refuse de se taire, et à l’acte 3, en face de Philippe Auguste venu lui présenter le mariage de Blanche et Louis comme un « holy day », elle oppose sa conception d’un « wicked day », un jour où les femmes enceintes refuseront d’accoucher et les marchands de conclure des affaires (3.1.9-21), résumant ainsi les deux obsessions de la pièce : la naissance d’un héritier et l’établissement d’un pacte. Précisément au moment où elle semble perdre contact avec la réalité et sombrer dans la folie, Constance démontre une conscience exacerbée des enjeux de la politique. Après la capture d’Arthur, ses cheveux défaits et ses discours décousus suscitent un diagnostic sans appel : « Lady, you utter madness, and not sorrow » (3.3.43). L’expression physique de ce qui va très vite être diagnostiqué comme de l’hystérie est le refus de Constance de suivre le messager qui l’invite à se présenter devant Philippe Auguste : elle se laisse tomber au sol afin de manifester son opposition au roi. Constance dénonce le monde à l’envers de la Commodité politique en renversant le symbole de la majesté et en faisant du point le plus bas, le sol, le trône des vaincus demeurés loyaux à leurs serments.
22La solution pour expulser Constance de la scène est de la présenter comme une démente, ou comme une mégère. À l’acte 2, scène 1, Aliénor appelle ainsi Constance « thou unadvised scold » (191). Pour Constance, du sublime de la douleur maternelle au grotesque de la mégère transformée en harpie, il n’y a qu’un pas, que les hommes essaient de lui faire franchir18. Il me semble qu’au-delà de cet embarras causé par la constance féminine, la négation du féminin est nécessaire à l’affirmation d’une identité héroïque masculine non pas tant parce que le féminin est contraire au masculin, mais plutôt parce qu’il lui est semblable.
La fidélité en question
Identité générique
23Une peur de la contagion par l’hystérie associée au comportement féminin est manifeste tout au long de la pièce et se cristallise sur la production lacrymale, faiblesse féminine par excellence. Si dans les premiers actes de la pièce les larmes sont le signe de la détresse féminine, à partir de l’acte 4 et de la disparition des femmes de la scène, les larmes coulent aussi des yeux des hommes. Hubert s’étonne d’être ému du sort d’Arthur: « How now, foolish rheum!/[…] I must be brief, lest resolution drop/Out at mine eyes in tender womanish tears » (4.1.33, 35-36). « Women and fools » sont de nouveau associés dans cette tentative de réprimer la pitié qui monte en lui. Lorsqu’il s’adresse aux barons qui viennent de trahir Jean au prix de leurs larmes, Louis oppose les « lady’s tears », qui sont « ordinary inundation », à « this honourable dew, such manly drops », qui le laissent perplexe (5.2.47, 48, 45, 49). Les larmes d’émotion non contenue versées par le Prince Henri à la mort de son père (5.7.4-45) et au retour des barons (5.7.108-109), qui sont des larmes d’enfant, contrastent avec la détermination de Philip qui presse Hubert de lui révéler sans circonlocution la mauvaise nouvelle qu’il apporte : « Show me the very wound of this ill news :/I am no woman, I’ll not swound at it » (5.6.21-22).
24L’identité masculine et la possibilité d’action militaire qui la caractérise sont mises en péril lorsque les hommes se comportent comme des femmes, mais aussi lorsque des femmes se comportent comme des hommes, voire quand il devient difficile de déterminer le sexe d’un soldat. Lorsque Chatillon décrit l’armée que Jean a entraînée à sa suite, il évoque la compagnie hétéroclite et hautement suspecte qui forme ses troupes : Aliénor, comparée à la déesse de la discorde, Blanche, le Bâtard,
And all the unsettled humours of the land,
Rash, inconsiderate, fiery voluntaries,
With ladies’ faces and fierce dragons’ spleens (2.1.63-68).
25La présence aux côtés de Jean de femmes et de bâtards représente une menace d’indifférenciation générique pour l’activité guerrière, menace qui se condense dans le physique composite des volontaires mi-femmes mi-dragons. Philip, qui est pourtant souvent associé aux femmes par sa marginalité, est le plus enclin à insister sur la différence radicale entre les hommes et les femmes. Ainsi à l’acte 5 accuse-t-il les barons d’avoir entraîné dans leur révolte leurs femmes et servantes sur le champ de bataille :
For your own ladies and pale-visag’d maids
Like Amazons come tripping after drums,
Their thimbles into armed gauntlets change,
Their needl’s to lances (5.2.154-157).
26La figure de l’Amazone19 symbolise le risque encouru par la société patriarcale lorsque l’épouse quitte le domaine privé du foyer, où doit s’ancrer sa fidélité, pour se mêler aux hommes sur le terrain public des activités politiques.
« Ambitious Constance » ?
27En contradiction avec la guerrière Aliénor, Constance semble représenter un exemple de soumission féminine au modèle patriarcal ; en effet, elle souligne sa fidélité aux hommes qui définissent son identité, son mari et son fils, en se présentant comme une veuve et une mère : « My name is Constance ; I was Geoffrey’s wife ;/Young Arthur is my son, and he is lost ! » (3.3.46-47). Pourtant, il est un aspect de sa personnalité qui passe inaperçu dans la pièce sauf pour deux autres personnages, qui se trouvent être des femmes. La première mention de Constance est faite par Aliénor à l’issue de l’entrevue avec le messager français, et la mère d’Arthur est désignée par les termes « that ambitious Constance » (1.1.31-34). La maternité et l’ambition sont de nouveau associées par Aliénor pour critiquer violemment Constance, cette fois-ci par le biais de l’accusation d’adultère : « thy bastard shall be king,/That thou mayst be a queen, and check the world ! » (2.1.122-123). Intrigante, conspiratrice, Constance n’aurait rien à envier à Aliénor en termes de stratégie politique ; le vrai Machiavel serait-il à chercher parmi les femmes ?
28L’autre suspicion jetée sur l’honnêteté de Constance émane de Blanche ; aux exhortations de Constance qui tente de convaincre le Dauphin de se rallier à Pandulph contre Jean, Blanche rétorque : « The Lady Constance speaks not from her faith,/But from her need » (3.1.137). Faith et need, qui devraient s’opposer, sont en fait interchangeables, et c’est le dialogue entre les mégères qui révèle cette vérité sur les stratégies masculines. Si Constance est un témoin du renversement des valeurs, elle en est aussi une participante active, et elle ne le dénonce que lorsqu’il s’est fait à son détriment sans espoir de réparation, c’est-à-dire lorsque son fils est fait prisonnier.
29À l’instar des accusations d’adultère, ces soupçons sur la constance de Constance représentent davantage que les arguments typiques des scolds de comédie : ils montrent que les femmes aussi ont une ambition. Le genre de fidélité qu’elles incarnent est donc à réexaminer.
La découverte du second corps du roi
30Phyllis Rackin souligne que le monde de King John est rempli de veuves et de mères20 : les deux personnages féminins principaux, Aliénor et Constance, sont en effet deux veuves cherchant à faciliter l’accession au pouvoir de leurs fils respectifs. Les maris et les pères sont morts, laissant une certaine autonomie aux femmes. Blanche, qui passe de la dépendance à son oncle à la soumission à son mari, ne dispose en revanche d’aucune autonomie.
31Le trait caractéristique de la fidélité féminine est, il me semble, sa nature personnelle. Si les femmes peuvent critiquer les renversements d’alliance au niveau politique, c’est parce qu’elles conçoivent la fidélité comme une relation privée entre un mari et sa femme, ou une mère et son fils. La lutte d’influence entre Constance et Aliénor est une lutte entre mères ; que leur fidélité soit ou non un moyen détourné d’accéder au pouvoir, elle s’adresse au corps naturel du roi.
32Le parallèle avec Philip est une nouvelle fois frappant. En effet, dès qu’il accepte de suivre Jean et Aliénor, il s’attache personnellement à Jean, comme en témoigne son chagrin à la mort du roi. Pourtant, c’est lui qui prononce l’hymne à la Nation qui clôt la pièce, montrant qu’il a su transférer son allégeance de la personne à la fonction, et à la patrie. Les variations autour du référent de « England » au cours de la pièce reflètent cette évolution. « England », c’est tout d’abord Jean lui-même ; il est en effet traditionnel pour un roi de se présenter comme l’incarnation de son pays. C’est pourquoi il répond à la question des citoyens d’Angers : « Who is it ? », « England, for itself » (2.1.201-202), employant it pour montrer sa volonté de représenter son pays. Si Jean entend être l’incarnation de l’Angleterre, Arthur en était la synecdoque, comme il était le condensé de son père. À la mort de l’enfant, Philip s’étonne: « How easy dost thou take all England up/From forth this morsel of dead royalty » (4.3.142-143). Lorsqu’il accuse les barons de trahison, il attribue à l’Angleterre le genre féminin dans une métaphore de matricide, « ripping up the womb/Of your dear mother England » (5.2.152-153). Ce n’est qu’après la disparition de Jean qu’il comprend la théorie des deux corps du roi21 et transfère son dévouement de la personne physique à l’entité abstraite qu’est la Nation : « Nought shall make us rue/If England to itself do rest but true ! » (5.7.117-118)22.
33Deux ruptures de serment invitent toutefois à nuancer cette nouvelle fidélité : Hubert trahit Jean en épargnant Arthur à l’acte 4, scène 1 et Melun trahit Louis pour sauver les barons à l’acte 5, scène 4. Ces deux trahisons ont pour conséquence de préserver, une première fois provisoirement, la deuxième fois plus efficacement, l’Angleterre contre les menaces de sédition. Pourquoi Hubert brise-t-il son serment ? Il ne parvient pas à se l’expliquer. Pourquoi Melun, à l’article de la mort, révèle-t-il aux barons le projet de Louis de se débarrasser d’eux après les avoir utilisés ? Il évoque un grand respect pour Hubert (qu’il n’a jamais rencontré) et un ancêtre anglais. Comme le montre Sigurd Burckhardt23, ce sont donc deux relations éminemment personnelles qui décident du mouvement de l’histoire.
34La peur de l’adultère qui frappe les sociétés patriarcales est une peur de l’indifférencié : le fils légitime et le « faux » fils ne sont différenciables que par la mère, ce qui lui donne un pouvoir sur la transmission du patrimoine et de l’identité sans commune mesure avec son statut inférieur sur le plan économique. Cette peur de l’indifférencié se retrouve dans King John à travers les tentatives des personnages masculins d’éliminer les personnages féminins de la scène de l’Histoire, afin d’éviter la contagion de leur hystérie. C’est du moins ce qu’ils prétendent. Car l’hystérie féminine, dans le monde à l’envers des tractations politiques, est en réalité l’expression d’une fidélité et d’une stabilité gênantes pour les aspirants Machiavels24. Mais la constance des femmes est elle-même mise en question : si les femmes avaient le pouvoir, agiraient-elles différemment des hommes ? La réponse n’est pas nécessairement positive. En effet, les comportements des femmes entre elles reflètent ceux des hommes, ainsi qu’en témoigne le parallèle métaphorique et scénique entre accusations d’adultère et d’usurpation.
35La redéfinition de la constance des femmes met en relief leur revendication d’une loyauté aux fils et aux maris, aux liens du sang, valeur éminemment patriarcale ; mais elles représentent aussi une menace pour la patriarchie, précisément parce qu’elles en sont les garantes exclusives. Cette ambivalence s’incarne dans le personnage du Bâtard magnifique, figure transgressive qui, après avoir gravi les échelons et être devenu le conseiller privilégié de Jean, conclut la pièce en rappelant les barons à leur devoir et en renvoyant les femmes à leur foyer.
36King John illustre comment le manquement au serment de fidélité, qui est condamné chez la femme parce qu’il met en péril la lignée, est nécessaire chez les hommes : il s’agit de renoncer à la fidélité à la personne (ce que l’on exige des femmes dans le domaine privé) pour apporter son adhésion à la fonction publique. L’éducation de Philip a pour résultat la découverte du second corps du roi, et l’acceptation de l’adultère politique25 ; c’est à ce prix que l’Histoire peut être écrite, même si les événements qui la constituent ne sont pas le fruit de la Providence, mais des actes de nature personnelle et privée26, c’est-à-dire féminine.
Notes de bas de page
1 Shakespeare William, King John, éd. E. A. J. Honigmann, 1951; The Arden Shakespeare, Londres, Thomson, 2002.
2 Howard Jean et Rackin Phyllis dans Engendering a Nation. A Feminist Account of Shakespeare’s English Histories, Londres et New York, Routledge, 1997, soulignent l’importance de la présence féminine dans la pièce: « in King John Shakespeare goes as far as he will ever go in making women, women’s skeptical voices, and women’s truth central to the history he staged », p. 133.
3 Lawrence Stone remarque qu’au XVIe siècle, engendrer des enfants illégitimes était une pratique courante et n’était pas considéré comme honteux. Stone Lawrence, The Family, Sex and Marriage in England, 1500-1800, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1977, p. 499. Jean témoigne donc d’une largeur d’esprit henricienne.
4 Vaughan Virginia M., « King John. A Study in Subversion and Containment », in Curren-Aquino Deborah (dir.), King John – New Perspectives, Newark, University of Delaware Press, Londres et Toronto, Associated Press, 1989, rappelle que selon le droit féodal, le fils aîné hérite, sans qu’aucun testament ne puisse prévaloir ; selon les nouveaux statuts entrés en vigueur sous Henri VIII, un héritier direct peut être déshérité par testament (p. 66). On voit bien comment la pièce donne naissance à des paradoxes liés à la double situation temporelle, l’action se déroulant au début du XIIIe siècle et la représentation ayant lieu à la fin du XVIe. Les deux systèmes légaux apparaissent côte à côte et sont utilisés tour à tour par les personnages. Phyllis Rackin, dans son article « Patriarchal History and Female Subversion in King John », in Curren-Aquino D., op. cit., souligne la dangerosité d’une telle décision pour le modèle patriarcal: « By admitting that the relationship between father and son is finally no more than a legal fiction, John attacks the very basis of patriarchal history », p. 86.
5 Dans la pièce contemporaine de celle de Shakespeare qui aborde le même sujet, The Troublesome Raigne of King John, la dispute entre Aliénor et Constance porte sur la légitimité du testament, ici à peine évoquée, et non pas sur la chasteté des deux mères. Cf. Miscellaneous Pieces of Ancient English Poesie, viz – The Troublesome Raigne of King John, Written by Shakespeare, Extant in no Edition of his Writings. The Metamorphosis of Pigmalion’s Image, and certain satyres by John Marston. The Scourge of Villanie, by the same, Londres, Robert Horsefield, 1764, C4r°. Quant aux sources historiques, selon Nina S. Levine, elles ne mettent pas en doute la légitimité de Jean. Levine Nina S., Women’s Matters. Politics, Gender, and Nation in Shakespeare’s Early History Plays, Newark, University of Delaware Press, Londres, Associated Press, 1998, p. 131. Sur la fortune historiographique de Jean, on se reportera notamment à Levin Carole, Propaganda in the English Reformation. Heroic and Villainous Images of King John, Studies in British History, vol. 11, Lewiston, New York et Queenston, Ontario, The Edwin Mellen Press, 1988; et Church S. D. (dir.), King John: New Perspectives, Woodbridge, The Boydell Press, 1999.
6 Ainsi que le rappelle Carole Levin, Aliénor d’Aquitaine était effectivement connue pour ses mœurs légères; cf. Levin Carole, « “I Trust I May Not Trust Thee”: Women’s Visions of the World in Shakespeare’s King John », in Carole Levin et Jeanie Watson (dir.), Ambiguous Realities. Women in the Middle Ages and Renaissance, Detroit, Wayne State University Press, 1987, p. 224.
7 Lorsqu’il revendique à son tour la couronne d’Angleterre, le Dauphin de France fonde ses prétentions au trône sur son mariage avec Blanche, fille d’Aliénor, sœur de Jean ; il confirme donc la transmission du pouvoir royal suivant une lignée féminine. Ainsi que Pandulph le lui a expliqué: « You, in the right of Lady Blanche your wife,/May then make all the claim that Arthur did » (3.3.142-143); à l’acte V, Louis rappelle au même Pandulph venu lui demander de se soumettre à Jean: « You taught me how to know the face of right,/[…] I, by the honour of my marriage bed,/After young Arthur, claim this land for mine » (5.2.88, 93-94).
8 « In King John the controlling metaphor for the issues of right and authority is bastardy and legitimacy, and the metaphor is incarnate in Faulconbridge »; Berry Ralph, The Shakespearean Metaphor, Studies in Language and Form, Londres, The MacMillan Press, 1978, p. 5.
9 Machiavel Nicolas, Le Prince, 1532 ; trad. Jean-Louis Fournel et Jean-Claude Zancarini, Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 203.
10 Les Chroniques de Holinshed racontent que dès l’accession au trône de Jean, sa mère a joué un rôle essentiel: « And all this was done chiefly by the working of the Kings mother, whom the nobility much honoured and loved. For she being bent to prefer her son John, left no stone unturned to establish him on the throne » (Holinshed Raphael, The Chronicles of England, Scotland, and Ireland, in Six Volumes, vol. II, England, 1577, 1587 ; Londres, 1807, p. 274). Virginia M. Vaughan (op. cit., p. 67) relie influence politique et puissance militaire: « The guarantors of lineal right – the women who attest to male legitimacy – are powerless without armies behind them. »
11 Dans The Troublesome Raigne, Constance défie Aliénor, ce qui donne l’impression qu’elle va prendre part à la bataille elle aussi : « I hale thee to the field » (op. cit., Ev°), et ses lamentations sur la perte de son fils sont réduites à huit vers (idem, E3r°) : le personnage semble ainsi plus actif que dans la version shakespearienne. Juliet Dusinberre reproduit certaines réactions de critiques face aux déplorations, parfois jugées excessives, de Constance (Dusinberre Juliet, « King John and Embarrassing Women », Shakespeare Survey no 42, 1989, p. 37-53) ; ainsi Kenneth Muir déclaret-il : « in my experience most audiences feel that the lady doth protest too much » (Muir Kenneth, The Sources of Shakespeare’s Plays, Londres, Methuen, 1977, p. 83).
12 Voir Dusinberre Juliet, Shakespeare and the Nature of Women, 1975; Basingstoke et New York, Palgrave Macmillan, 2003, p. 60, et Charney Maurice, Shakespeare on Love and Lust, New York, Columbia University Press, 2000, p. 46. J. Dusinberre et M. Charney assimilent tous deux le personnage de Philip aux autres bâtards des pièces de Shakespeare, Edmund dans King Lear et Don John dans Much Ado About Nothing. Selon Charney, ces trois personnages sont avides de revanche ; selon Dusinberre, ils symbolisent une nouvelle liberté. Il ne me semble pas que ces deux analyses rendent compte des actes et discours de Philip, bâtard très différent d’Edmund et de Don John.
13 Berry, op. cit., p. 28.
14 Phyllis Rackin, in Curren-Aquino D., op. cit., affirme: « a world that truly includes the feminine is a world in which history cannot be written », p. 78. Juliet Dusinberre souligne l’importance de la présence féminine comme source d’embarras pour les hommes: « up till the end of Act 3 the dramatic action is dominated by the women characters, and this is a cause of extreme embarrassment to the men on stage, while it also provides a pretext for their own determination to create embarrassment for these women » (« Embarrassing Women », p. 40). Elle continue : « the play goes to pieces once the women leave the stage », p. 51 ; la fin de la pièce ne me semble pas décousue : sa structure répétitive et morcelée reflète les retournements d’alliance et les faux serments.
15 Ce détail n’est pas conforme à la réalité historique : Constance est morte en 1201, soit trois ans, et non trois jours, avant Aliénor.
16 Pour une analyse féministe de ces joutes verbales, on se reportera à Dusinberre, Nature of Women, op. cit., p. 280.
17 Ironiquement, c’est Philip, lui aussi rejeté en marge des règles du duel par sa naissance illégitime, qui répond à la sollicitation du duc et répète les injures de Constance, ce qui lui vaut d’être réprimandé par Jean : « We like not this ; thou dost forget thyself » (3.1.60).
18 Holinshed décrit ainsi le caractère d’Aliénor: « So hard it is to bring women to agree in one mind, their natures commonly being so contrary, their words so variable, and their deeds so indiscreet » (Chronicles, loc. cit.). Lisa Jardine dans Still Harping on Daughters, Women and Drama in the Age of Shakespeare, Brighton, Sussex, The Harvester Press et Totowa, New Jersey, Barnes and Nobles, 1983, cite certains lieux communs sur les femmes (p. 40) extraits de la Historia Animalium (IX.i) d’Aristote: « Woman is more compassionate than man, more easily moved to tears, at the same time, more jealous, more querulous, more apt to scold and strike. She is, furthermore, […] more void of shame and self-respect, more false of speech, more deceptive, and of more retentive memory » (cité par Maclean Ian, The Renaissance Notion of Woman, Cambridge, Cambridge University Press, 1980, p. 42).
19 Pour une analyse de cette figure à l’époque élisabéthaine, on se reportera notamment à Wright Celeste Turner, « The Amazons in Elizabethan Literature », Studies in Philology no 37.3, juillet 1940; Shepherd Simon, Amazons and Warrior Women, Varieties of Feminism in Seventeenthcentury Drama, Brighton, Sussex, The Harvester Press, 1981.
20 Cf. Rackin, in Curren-Aquino, op. cit., p. 81.
21 Kantorowicz Ernst, Les Deux Corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen-Age (The King’s Two Bodies, 1957), trad. Jean-Philippe Genet et Nicole Genet, Paris, Gallimard, 1989. Traister Barbara H., « The King’s One Body. Unceremonial Kingship in King John », in Curren-Aquino, op. cit., décrit ainsi Jean: « a king without a second body, whose physical presence alone proves inadequate to maintain loyalty in his subjects and order in his kingdom », p. 98. C’est dans l’allégeance à Henri que se révèle le second corps du roi, nécessaire à la cohésion de la Nation, p. 97.
22 Dans The Troublesome Raigne, Philip conclut en insistant non pas sur le pays, mais sur ses habitants, dont la cohésion est essentielle face à des ennemis précisément nommés : « If England’s Peers and people joyne in one,/Nor Pope, nor France, nor Spain, can do them wrong » (op. cit., K5r°).
23 Burckhardt Sigurd, « King John: The Ordering of This Present Time », ELH no 33.2, juin 1966, p. 134-138, p. 150-152.
24 Rackin, in Curren-Aquino, op. cit., généralise ces remarques à l’ensemble des pièces historiques: « in Shakespeare’s history plays, women are often cast as opponents and subverters of the historical and historic enterprise », p. 76.
25 Greenblatt Stephen, Shakespearean Negotiations. The Circulation of Social Energy in Renaissance England, 1988; Oxford, Clarendon Press, 1999, cite Franco Moretti à propos du « machiavélisme » de Shakespeare, que Moretti présente ainsi: « the only dramatist who rises to the level of Machiavelli in elaborating all the consequences of the separation of political praxis from moral evaluation » (« “A Huge Eclipse”: Tragic Form and the Deconsecration of Sovereignty », in Greenblatt Stephen [dir.], The Power of Forms and the Forms of Power in the English Renaissance, Norman, Oklahoma, Pilgrim Books, 1982, p. 31). Phyllis Rackin confirme ce rapprochement entre Shakespeare et Machiavel: « In many ways, King John offers a Machiavellian antithesis to the providential thesis so insistently laid down and retroactively imposed upon the entire tetralogy in Richard III » (Rackin Phyllis, Stages of History. Shakespeare’s English Chronicles, Ithaca, Cornell University Press, 1990, p. 66).
26 Braunmuller A. R., « King John anf Historiography », ELH no 55.2, juin 1988, p. 323, cite le jugement de F. J. Levy sur l’écriture de l’histoire anglaise par Hayward: « the first realization in England of a history in which the causes of events are seen in terms of the interrelationships of politics and character rather than in terms of the working out of God’s providence » (Levy F. J., « Hayward, Daniel, and the Beginnings of Politic History in England », Huntington Library Quarterly 50, 1987, p. 2-3).
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