The Cid, A Tragicomedy, out of French made English: By Joseph Rutter
La traversée du Cid de Corneille en Angleterre : enjeux et défis de la traduction
p. 189-208
Résumé
Écrite en 1636 et créée au théâtre du Marais en janvier 1637, Le Cid de Pierre Corneille (1606-1684) déclenche un débat théorique sans précédent autour de la dramaturgie classique qui prend petit à petit son assise en France à cette époque, la célèbre Querelle du Cid. La même année, de l’autre côté de la Manche, cette tragi-comédie connaît un destin fulgurant. Traduite en anglais par Joseph Rutter, « un des fils de Ben Jonson » qui écrit surtout dans les années 1630, Le Cid est joué à la cour par la troupe Beeston’s Boys avant d’être reprise au Cockpit Theatre à Londres. Comme en France, la pièce remporte un franc succès en Angleterre, donnant ainsi à Corneille une place très importante dans l’histoire littéraire du pays. Le chapitre commence par aborder très brièvement le contexte – la genèse – de cette traduction, avant de traiter des deux textes qui permettent de saisir la démarche traductive de Rutter, sa dédicace à Dorset et son adresse au lecteur, afin de voir si ces paratextes offrent l’idée d’une ébauche de théorie de la traduction. S’agit-il d’une traduction fidèle ou Rutter se permet-il quelques libertés ? Il est ensuite question des différences structurelles entre la pièce originale et sa traduction, dont les dissemblances les plus flagrantes sont soulignées, et des stratégies de Rutter pour angliciser l’œuvre de Corneille. Enfin, le recours à des sources primaires de l’époque contribue à mettre en avant quelques différences majeures entre les dramaturges français et anglais au XVIIe siècle.
Texte intégral
1Voici comment Pierre Corneille débute sa dédicace à Madame de Combalet lors de la première publication du Cid le 23 mars 16371 :
« Ce portrait vivant que je vous offre, représente un héros assez reconnaissable aux lauriers dont il est couvert. Sa vie a été une suite continuelle de victoires ; son corps, porté dans son armée, a gagné des batailles après sa mort et son nom au bout de six cents ans vient encore de triompher en France. Il y a trouvé une réception trop favorable pour se repentir d’être sorti de son pays, et d’avoir appris à parler une autre langue que la sienne2. »
2Sans pour autant le citer, Corneille renvoie au héros de la légende médiévale espagnole, emblème de l’histoire castillane, Rodrigo Diaz de Bivar. Il mélange sans détour la vie supposée réelle du héros castillan à celle du personnage auquel il a prêté son nom et son titre, comme s’il s’agissait d’une résurrection. C’est comme si Rodrigo avait quitté la terre espagnole où reposent ses cendres pour franchir la frontière et arpenter la scène du théâtre du Marais, où la pièce fut créée3, non sans avoir au préalable appris le français.
3Pour écrire cette tragi-comédie, qui deviendra tragédie quelques années plus tard, en 1648, Corneille s’inspire de Las Mocedades del Cid, une comedia écrite en 1621 par Guillén de Castro4. Corneille est immédiatement accusé de plagiat, notamment par Jean Mairet (1604-1686). Mais il se défend de n’avoir été qu’un simple traducteur. Dans sa Lettre Apologétique à Scudéry, il écrit : « Vous m’avez voulu faire passer pour simple Traducteur5. » Comme l’explique Christian Biet, si « Corneille n’a jamais cherché à nier la dette qu’il a contractée à l’égard du texte de Guillén de Castro6 », la comparaison entre les deux pièces suffit à attester du caractère original de son Cid.
4Tel n’est pas le cas de Joseph Rutter qui assume sans façon son rôle de simple traducteur en faisant voyager le personnage mythique de l’autre côté de la Manche, en un temps… record ! Sa traduction est jouée dès le début du mois de janvier 1637 à la cour de Charles Ier. Elle est ensuite publiée le 26 janvier selon l’imprimatur de l’édition. Aussi étrange que cela puisse paraître, à première vue, il semblerait donc que la traduction de Rutter ait été publiée en Angleterre avant même que le texte de Corneille ne le fût en France, puisque la publication française date du 23 mars 1637. Toutefois, un article publié par Élisabeth Woodrough en 1985 porte un éclairage important sur la chronologie des éditions anglaise et française :
« On peut trouver noir sur blanc dans les documents contemporains les arguments pour et contre la parution d’un Cid en anglais avant que ne paraisse l’édition française. D’une part la première édition de la traduction de Rutter porte sur la page titre la date de 1637, tandis qu’à la fin de la pièce l’on précise que, le privilège ayant été obtenu le 12 janvier 1637, le texte a été imprimé le 26 du même mois, la version française n’ayant paru qu’au mois de mars 1637. D’autre part, The Stationer’s Register de Londres, source plus officielle, place Le Cid, tragi-comédie traduite du français de Pierre Corneille, à la date du 29 janvier, et donne entre parenthèses l’année 1638. Mais il faut surtout rappeler que le calendrier grégorien qui a été adopté en France en 1582 ne fut adopté en Grande-Bretagne qu’au milieu du XVIIe siècle. Le décalage entre la date qui figure sur le texte du Cid anglais et celle qui se trouve dans The Stationer’s Register s’expliquerait donc assez facilement, car, à l’époque de Corneille, l’année commençait le 25 mars en Angleterre et non pas le 1er janvier comme en France7. »
5Ce télescopage temporel et éditorial reflète cette « Europe baroque » qui ne connaît pas de frontières8.
6Dans sa dédicace au Lord Chamberlain de la reine Henriette-Marie, Edward Sackville, quatrième comte de Dorset, Rutter emploie en effet le verbe « translate » : c’est le sens qu’il faut tout simplement donner selon The Oxford English Dictionary9 à l’expression quelque peu alambiquée « out of French made English ». L’usage de cette expression n’est en effet pas courant. Henry Herbert, Maître des menus plaisirs sous Charles Ier écrit quant à lui plus simplement « translated out of French » lors du droit de la publication de la pièce. Pour sa traduction des Essais de Montaigne, Florio utilise « done in English ». Exprimée par le verbe et le complément d’adjectif, ce « made English » reflète peut-être tout de même une volonté particulière, celle d’accommoder la tragi-comédie française à la sauce anglaise, ou à la sensibilité anglaise, pour employer un terme moins familier.
7Contrairement à ses homologues italiens, qui ont doté dès le XVIIe siècle leurs traductions du Cid de Corneille de nouveaux titres tels que Amore et Honore, Honore contra Amore, L’amante l’inimica overo il Rodrigo gran Cid delle Spagne10, Rutter recourt à un équivalent direct en anglais, The Cid.
8Il convient de remarquer que le nom de Corneille n’est par ailleurs jamais cité, ni dans le titre ni dans l’adresse au lecteur, ce qui paraît encore étrange pour une traduction assumée en tant que telle.
9Nous rappellerons d’abord brièvement le contexte – la genèse11 – de cette traduction et traiterons ensuite des deux textes qui permettent de saisir la démarche traductive de Rutter, sa dédicace à Dorset et son adresse au lecteur, afin de voir si ces paratextes offrent l’idée d’une ébauche de théorie de la traduction. En effet, depuis plus de vingt ans, ce sujet a le vent en poupe au vu des nombreux articles et ouvrages critiques parus12 tant en anglais qu’en français13, un des premiers théoriciens anglais étant Lawrence Humphrey (c. 1527-1589), qui publie en latin en 1559 un traité de six cents pages intitulé Interpretatio linguarum (La traduction des langues)14. En France d’ailleurs, deux ans avant Le Cid, Gaspard Bachet de Méziriac (1581-1638), écrit dans De la traduction : « la beauté du langage ne suffit pas pour faire estimer une traduction excellente. Il n’y a personne qui n’avoue que la qualité la plus essentielle à un bon traducteur, c’est la fidélité15 ». Il poursuit et explique qu’il faut que le traducteur respecte trois choses : « qu’il n’ajoute rien à ce que dit son Auteur, qu’il n’en retranche rien, et qu’il n’y rapporte aucun changement qui puisse altérer le sens16 ». Nous aborderons ensuite certaines des différences structurelles entre la pièce originale et sa traduction, afin d’en souligner succinctement les différences les plus flagrantes. Ainsi nous verrons comment Rutter met en œuvre sa « stratégie d’anglicisation17 » pour reprendre l’expression de Marie-Alice Belle.
Vers une théorie de la traduction ? Texte et contexte : la dédicace et l’adresse au lecteur18
10Dans An Account of the English Dramatick Poets, Gerard Langbaine écrit en 1691 à propos de la vie de Rutter :
«For some years Rutter was tutor to the two sons of Edward Sackville, fourth earl of Dorset, and the earl “commanded” him to translate Corneille’s Le Cid19.»
« Pendant quelques années, Rutter fut le tuteur des deux fils d’Edward Sackville, quatrième Earl de Dorset, ce dernier lui ordonnant de traduire Le Cid de Corneille. »
11La traduction du Cid en anglais est donc une commande passée par Dorset à Rutter. Le fils de Dorset, Richard Sackville, participe à la traduction selon Rutter lui-même, qui écrit dans sa dédicace de The Cid :
«In fine, my Lord, I hope you will looke with more content upon this Peece, when you shall reade there some places of my Lords your sonnes translation20…»
« In fine mon seigneur, j’espère que vous verrez d’un œil plus satisfait cette pièce quand vous lirez là, en quelques passages du texte, la traduction de votre fils. »
12Cette traduction semble donc avoir eu aussi une finalité pédagogique. Le fils de Richard, Charles Sackville – auquel plus tard John Dryden (1631-1700) dédiera son An Essay on Dramatic Poesy – participera à la « traduction collective21 » du Pompée de Corneille sous le règne de Charles II, ère que Dorothea Canfield qualifie de « l’âge d’or des traductions de tragédies françaises22 ». Le poète Edmund Waller y participe aussi.
13Les Anglais sont des traducteurs avérés23. Ils s’emparent dès la période élisabéthaine d’un corpus de textes riche et varié : non seulement des pièces de théâtre ou leurs sources, mais encore des traités politiques et historiques. Il ne s’agit donc pas ici de la première traduction d’une pièce française mais, tout de même, de la première traduction d’une pièce de Corneille en Angleterre. Le Cid ouvre la voie à la traduction de toute une série de pièces cornéliennes, ce qui placera Corneille, comme le rappelle Line Cottegnies dans L’Éclipse du regard : la poésie anglaise du baroque au classicisme, « au rang des auteurs étrangers les plus traduits en Angleterre au XVIIe siècle, avec Molière24 ». Cette « gallomanie25 », d’après l’expression de Louis Charlanne, s’explique dans les années 1630 par la présence à la cour d’Henriette-Marie. À travers son goût pour les masques, auxquels elle participe, son attirance pour le théâtre et son penchant pour la préciosité, la reine française exerce une grande influence dans de nombreux domaines culturels26. Quoi de plus naturel alors que de traduire une pièce française et de la faire jouer à la cour par la troupe Beeston’s Boys avant qu’elle ne soit reprise au Cockpit Theatre à Londres ? Le roi lui-même prend plaisir à la découverte du répertoire français. Il passe en effet commande à Rutter de la traduction de La Vraie suite du Cid de Nicolas-Marc Desfontaines, pièce publiée en 1640 comme en atteste la dédicace de The Second Part of the Cid :
«it pleased his Majesty to thinke it worth translating, and commanded it to be put into my hands27…»
« Il plut à sa Majesté de penser que cette pièce devait être traduite et il ordonna qu’on la mît entre mes mains. »
14Ce choix de pièces portant sur l’héroïsme et le devoir du héros face à l’État, fait inévitablement songer aux vers de Don Diègue lorsqu’il dit à son fils : « L’amour n’est qu’un plaisir, et l’honneur un devoir » (III, 6, v. 1069). Dans L’Éclipse du regard, bien qu’elle se réfère aux poètes de cour, dans « “An English Antick” : le culte du héros et le pouvoir royal », pour les années qui nous concernent, Line Cottegnies explique :
« La figure du noble valeureux est cependant présente en Angleterre à cette époque, en particulier dans le théâtre écrit pour les milieux courtisans […] Le Cid […] semble avoir été un modèle […] C’est la figure du héros valeureux se soumettant à la raison d’État qui a pu intéresser le roi, vivant alors un climat politique difficile28… »
15Le contexte politique spécifique de ce moment du règne de Charles Ier n’est sans doute pas indifférent en effet : entre 1629 et 1640, Charles Ier dissout son parlement, d’où le terme d’absolutisme qui qualifie souvent son règne29. Mais j’ajouterai aussi que la dimension générique de la pièce n’est pas à négliger. Le genre tragi-comique se prête parfaitement aux questions politiques30, un genre que les Anglais connaissent très bien grâce à des auteurs tels que William Shakespeare (1564-1616) et John Fletcher (1579-1625), écrivant bien avant 1637.
16Dans sa dédicace, Rutter loue la parfaite maîtrise que son destinataire a du français :
«[You] are not onley a perfect understander, but an exact speaker of both languages. So that what we with much labour compasse, is your daily exercise.»
« [N]on seulement vous comprenez parfaitement les deux langues, mais vous les parlez aussi avec la même exactitude. Ainsi, ce que nous comprenons avec labeur est pour vous une activité quotidienne. »
17Que Dorset ait eu un niveau de français parfait ne surprend pas : il a été ambassadeur à deux reprises à la cour de Louis XIII31. Conformément à l’usage qui veut que l’auteur se diminue face à son dédicataire, il se complaît ensuite en une fausse modestie affectée, non sans souligner ce qui oppose la langue française à la langue anglaise :
«How could I hope any thing from mine owne sufficiencie, […] being little exercised in the French tongue, and finding such a contumacy in their phrase to our manner of speaking.»
« Comment pourrais-je espérer quelque chose de ma propre compétence […] quand j’ai si peu de pratique en français et trouve une telle discordance entre leurs phrases et notre façon de parler. »
18Dans son adresse au lecteur, qu’il considère comme un prologue, Rutter sollicite la bienveillance de son lecteur face à ses lacunes :
«The place of a Prologue let this leafe take up; which would gently advise you to suspend your censure of this translation, till you be skilled in both the languages; for from the ignorant in either I may suffer.»
« Que cette page serve de Prologue ; il vous conseillera, avec aménité, de suspendre votre censure de cette traduction jusqu’à ce que vous soyez apte aux deux langues, car il se peut bien que je souffre d’ignorance dans les deux. »
19Cette fausse modestie dont l’usage est très répandu à l’époque ne sert cependant pas seulement à flatter l’orgueil du dédicataire ou du lecteur. Il protège en effet a priori le traducteur contre toute éventuelle critique. Comme l’explique Anne Coldiron:
«In a venerable topos, translators claim they are unskilled or inexperienced in the relevant languages. This claim, combined with the frequent explanation that the translator was asked, hired, or compelled by someone else to translate, tends to place the responsibility for the text onto source author or patron rather than on the translator. The translator can then make some form of advance apology for any faults, often begging the reader’s patience32.»
« Dans un topos vénérable, les traducteurs prétendent qu’ils sont expérimentés ou non dans leurs langues respectives. Cette requête, qui s’associe à l’explication fréquente qu’une demande avait été faite auprès du traducteur, qu’il avait été engagé ou forcé de traduire par quelqu’un d’autre, tend à placer la responsabilité du texte sur l’auteur source, ou sur le mécène, plutôt que sur le traducteur. Ce dernier peut ainsi avancer des excuses pour d’éventuelles erreurs, implorant souvent la patience du lecteur. »
20Dans cette adresse, écrite en prose, Rutter traite ensuite de suffisamment d’aspects liés à la traduction pour que le lecteur puisse saisir sa démarche. Dans une syntaxe économe et claire, il nous livre des informations précieuses sur la manière dont il va procéder. Il formalise pour ainsi dire sa pratique traductive et justifie ses choix :
«Some places in the Originall I have changed, but not many: two Scenes I have left out, as being soliloquies and little pertinent to the businesse: some things I have added, but scarce discernable: where he would give me leave, I have followed close both the sense & words of the Author, but many things are received wit in one tongue which are not in another.»
« J’ai changé l’ordre de quelques passages dans l’original, mais ils ne sont pas nombreux : j’ai omis deux scènes car ce sont des soliloques et peu pertinents au regard de l’action : des choses ont été ajoutées, mais elles sont à peine perceptibles. Là où cela m’a été permis, j’ai suivi de près le sens et les mots de l’auteur, mais il y a beaucoup de choses qui sont considérées comme étant pleines d’esprit dans une langue mais qui ne le sont pas dans une autre. »
21Le terme central, que l’on trouve d’une manière récurrente dans les paratextes de l’époque lorsqu’il s’agit de traduction, est la référence à l’« original », souvent opposé à la « copie ». Rutter s’approprie l’original pour établir une version inévitablement remaniée et donc infidèle. Comme l’écrit Marie-Alice Belle : « L’on se demandera dans quelle mesure l’effort de théorisation dont témoignent les différentes préfaces de traductions signale un infléchissement majeur de la pratique de la traduction littéraire dans l’Angleterre du milieu du XVIIe siècle33. » Estimant que ce qui passe dans une langue ne passe pas nécessairement dans une autre, Rutter s’autorise des coupes et des ajouts, qu’il considère lui-même comme étant à peine perceptibles. S’agit-il pour autant d’une « approche libre de la traduction » pour reprendre l’expression d’Abraham Cowley (1618-1667) au sujet de sa traduction des Odes de Pindare en 165634 ? Cette liberté n’est cependant pas du goût de tous. Katherine Philips (1631-1664), la grande traductrice de Corneille, dans une lettre à son mentor, Sir Charles Cotterell, alias Poliarchus, s’en offusque lorsqu’elle commente la traduction de Pompée (1663) :
«But I cannot but be surpriz’d at the great Liberty they have taken in adding, omitting, and altering the Original as they please themselves; This I take to be a Liberty not pardonable in Translators and unbecoming the Modesty of that Attempt35.»
« Mais je ne peux que m’étonner de la grande liberté qu’ils ont prise en ajoutant, omettant et changeant le texte original comme bon leur semblait. Je considère cette liberté comme étant impardonnable chez un traducteur et inappropriée pour une pratique qui devrait rester modeste. »
22Toujours est-il que Rutter achève son adresse au lecteur en louant la pièce originale de cet auteur qu’il ne nomme pourtant pas. Il invite ses contemporains à s’inspirer de son style :
«The Playe it selfe […] I would willingly propose to be imitated of our undertakers in the like kinds, I meane for the conveyance and (as I may call it) the Œconomy of it: for what concerns the wit and natural expressions in it.»
« Quant à la pièce […] je proposerais volontiers que nos auteurs s’en inspirent, je veux dire pour ce qui est du développement de l’intrigue et (pour ce que je nomme) l’économie de la pièce : à savoir l’esprit et les expressions naturelles qu’elle contient. »
23Rutter reproche en effet aux dramaturges anglais d’utiliser trop d’hyperboles – « hyperboles which is the wit in fashion » – et les incite à adopter un style plus naturel.
Le Cid et The Cid : miroir imparfait l’un de l’autre ?
Dramaturgie : observations structurelles
24Sur le plan structurel, Rutter crée des différences notables au niveau de ce que Corneille appelle « la liaison des scènes ». La manière dont il agence les scènes diffère de l’original. Si, selon Georges Forestier, « Corneille est l’un des premiers vers 1640 à stabiliser son usage, et par là à donner à la scène son sens classique : toute entrée ou sortie de personnage détermine un changement de scène36 », Rutter regroupe certaines scènes. À titre d’exemple, le monologue de Don Diègue à la scène 5 de l’acte I chez Corneille se trouve dans la continuité de la scène 4 chez Rutter. Cette différence typographique « n’a (pourtant) aucun effet sur l’action et n’est pas sensible à la représentation37 ».
25Rutter ne respecte pas non plus scrupuleusement les indications scéniques. Dans « Didascalies, entre “petit secours” et grand embarras : étude des variantes », Ève-Marie Rollinat-Levasseur note que « les indications scéniques sont plus nombreuses dans les pièces de la période 1630-1640 que dans les œuvres ultérieures. […] Les tragi-comédies des années 1630 montrent que le discours didascalique a pu être conçu comme la voix de l’auteur ou d’un narrateur38 ». Le Cid contient cependant peu de didascalies. Malgré cela, Rutter en gomme la plupart. À la scène 4 de l’acte I, les deux gestes qui mènent les personnages au point de non retour dans leur querelle sont indiqués par les deux didascalies suivantes dans le texte français : « Il lui donne un soufflet » et « Ils mettent l’épée aÌla main ». Ces indications ne figurent pas dans la traduction anglaise. La première est intégrée dans la réplique du comte, à travers une expression déictique : « Take that, rash Dotard, for thy impudence » (« Prends ça, vieux gâteux, pour ton impudence »). La seconde est également traitée en tant que « didascalie interne39 » : « What dost thou hope to doe thou feeble foole, / Thy sword is mine, but yet I scorne to take it » (Qu’espères-tu faire, faible sot / Ton épée est mienne, mais je ne daigne pas la prendre). Cette manière d’écrire les indications scéniques dans le texte dialogué de la pièce sera préconisée par l’abbé d’Aubignac (1604-1676) en 1657 dans sa Pratique du théâtre, qui estime que les didascalies doivent être intégrées aux vers. Corneille, quant à lui, sera d’un avis différent, prônant en 1660 dans son Discours des trois unités que le poète les écrive dans la marge afin de ne pas alourdir ses vers.
Faire parler les personnages en anglais : l’alexandrin contre le vers libre ou le pentamètre iambique non rimé
26À la lecture de The Cid, la première chose qui frappe l’oreille, est la disparition de l’alexandrin40. En français, nous avons :
elvire
Entre tous ces amants dont la jeune ferveur
Adore votre fille, et brigue ma faveur,
Don Rodrigue et Don Sanche à l’envi font paraître
Le beau feu qu’en leur cœur ses beautés ont fait naître. (I, 1, v. 1-4.)
27La traduction des premiers vers de la pièce prononcés par Elvira donne ainsi :
elvira
Mongst all the youthfull lovers whichadore
Your daughters beauty, and implore my aid,
Don Roderigo and Don Sancho strive
Who shall shew most the fire her beauties rais’d.
28En dehors de quelques occurrences que je qualifierais d’accidentelles, les vers ne riment pas, contrairement aux alexandrins. Alors que l’alexandrin est à son apogée en France dans les années 1630, les Anglais ont généralement recours au pentamètre iambique non rimé ou blank verse, que Saint-Évremond nommera plus tard, en 1668, le « vers anglais41 » lorsqu’il écrit à Corneille par rapport à sa célébrité en Angleterre. Cela étant dit, certains dramaturges anglais ont bel et bien utilisé l’alexandrin, comme en atteste An Essay of Dramatic Poesy de John Dryden, où l’on peut lire :
«for the Verse it self we have English Precedents of elder date then any of Corneille’s Plays: (not to name our old Comedies before Shakespeare, which were all writ in Verse of six feet, or Alexandrin’s, such as the French now use)42».
« quant aux vers, nous avons des modèles anglais plus anciens qu’aucune des pièces de Corneille : (sans parler de nos vieilles comédies d’avant Shakespeare, qui furent toutes écrites en vers de six pieds, ou Alexandrins, tels que les utilisent à présent les Français) ».
29Mais outre-Manche, la rime n’a pas toujours la côte. Dès 1575, Georges Gascoigne (1542-1577), poète et soldat anglais, déconseillant aux auteurs de se laisser guider par la prétendue nécessité d’une rime au détriment du sens de ce qu’ils cherchent à exprimer, écrit par exemple :
«I would exhort you also to beware of rhyme without reason43.»
« Je vous exhorte de vous méfier de la rime sans raison. »
30Sir Philip Sidney (1554-1586) écrit quant à lui dans son An Apology for Poetry :
«it is not rhyming and versing that maketh a poet – no more than a long gown maketh an advocate, who though he pleaded in armour should be an advocate and no soldier44».
« ce n’est pas la rime et les vers qui font le poète, pas plus que la toge fait l’avocat, lequel, même s’il plaidait en armure, serait encore avocat, pas soldat ».
31L’idée selon laquelle la contrainte de la rime ou de la métrique peut mener l’auteur à une altération du sens n’est cependant pas étrangère aux Français eux-mêmes. Ainsi Scudéry critique férocement Corneille dès le premier vers. Ce n’est certes pas le recours à l’alexandrin qui est critiqué mais la maladresse de certains d’entre eux. Quand Corneille parle de « la jeune ferveur », Scudéry réplique, dans ses Observations sur le Cid, que : « C’est parler françois en allemand, que de donner de la jeunesse à la ferveur45. » Scudéry, comme Chapelain dans Les Sentiments de l’Académie, dénonce ainsi le vocabulaire choisi par Corneille, ses constructions qui leur paraissent erronées, ses fausses rimes, ses césures aléatoires, etc. Corneille tiendra d’ailleurs compte de ces remarques, puisque, comme le souligne Raymond Lebègue, il corrige en 1656 « cinquante des quelques passages incriminés46 ».
32Les Anglais n’ont généralement que faire de ce genre de carcan, qui déforme le sens, malmène le fond au bénéfice de la forme. Le recours aux vers blancs est un choix poétique délibéré, une valeur sûre, typiquement anglaise, une façon d’angliciser la pièce française : « out of French made English ». L’oreille du spectateur anglais ne sera pas sollicitée de la même manière que celle du spectateur français, car comme le dira Samuel Sorbière (1615-1670) plus tard dans Relation d’un voyage en Angleterre (1664) :
« Les Comedies sont en prose mesurée, qui a plus de rapport au langage ordinaire que nos vers, & qui rend quelque mélodie. Ils ne peuvent s’imaginer que ce ne soit une chose importune, d’avoir continuellement l’oreille frappée de la mesme cadence ; & ils disent, que d’entendre parler deux ou trois heures en vers Alexandrins, & voir sauter de cesure en cesure est une manière de s’exprimer moins naturelle, et moins divertissante. […] Mais il ne faut pas disputer des gousts, & il vaut mieux laisser chacun abonder dans son sens47. »
Des coupes
33Dans The Playhouse to Be Lett (1663), William Davenant (1606-1668), dramaturge et poète de cour en charge des masques dans les années 1630, critique les longueurs des auteurs français :
«The French convey their Arguments too much
In Dialogue: their Speeches are too long48.»
« Les Français expriment leurs querelles en recourant trop au dialogue
Leurs discours sont trop longs. »
34Rutter partage vraisemblablement cet avis, puisqu’il procède à des coupes :
«Two Scenes I have left out, as being soliloquies and little pertinent to the businesse.»
« J’ai coupé deux scènes, car il s’agissait de soliloques qui n’apportaient pas grand-chose à l’action. »
35La première coupe significative intervient à la scène 5 de l’acte II. Rutter supprime l’intégralité de cette scène où l’Infante fait part de son désarroi à Léonor : « Ce qui va séparer Rodrigue de Chimène / Fait renaître à la fois mon espoir et ma peine » (II, 5, v. 511-512). L’Infante imagine que, si Rodrigue « sort vainqueur du combat » contre le comte, elle pourra enfin « l’aimer sans honte ».
36En 1648, Corneille lui-même qualifie le personnage de l’Infante d’« épisodique ». En parlant du Cid et d’Horace, il écrit :
« Sabine ne contribue non plus aux incidents de la tragédie dans ce dernier, que l’Infante dans l’autre, étant toutes les deux des personnages épisodiques qui s’émeuvent de tout ce qui arrive selon la passion qu’elles en ressentent, mais qu’on pourrait retrancher sans rien ôter de l’action principale49. »
37Le rôle de l’Infante focalise les critiques de Scudéry50. Le même Scudéry rappelle qu’il « nous est enjoint par les maîtres de ne mettre rien de superflu dans la scène […] les épisodes font une partie de la beauté d’un poème ; mais il faut, pour être bons, qu’ils soient plus attachés au sujet51 ». Chapelain écrit quant à lui dans Les Sentiments de l’Académie sur Le Cid :
« nous sommes entièrement de l’avis de l’Observateur, et tenons tout l’épisode de l’Infante condamnable ; car ce personnage ne contribue rien, ni à la conclusion, ni à la rupture de ce mariage, et ne sert qu’à représenter une passion niaise, qui d’ailleurs est peu séante à une princesse, étant conçue pour un jeune homme qui n’avait encore donné aucun témoignage de sa valeur52 ».
38On pourrait ainsi dire que Rutter anticipe donc la critique, plutôt pour resserrer l’action que par souci de « bienséance », cette notion ne paraissant pas à travers ses paratextes comme une de ses préoccupations.
39La deuxième coupe significative concerne encore le rôle de l’Infante. Il s’agit de la scène 2 de l’acte V où elle exprime l’amour qu’elle éprouve pour Rodrigue, sentiment qui la tourmente profondément. Pour parler brutalement, on dirait aux mêmes maux les mêmes remèdes. Ça ne sert à rien, on coupe !
40Pourtant, ce serait faire injure à Corneille que de penser que ces scènes n’ont strictement aucun intérêt. En les supprimant, Rutter gomme la lutte intérieure d’un personnage qui vacille entre sa raison et sa passion. En reléguant ce personnage en proie aux passions, en plaçant les sentiments au second plan pour resserrer l’action de la pièce afin que tout se concentre sur ce que Christian Biet appelle « le thème canonique des amours contrariées auquel Corneille associe l’honneur du lignage et l’autorité de l’État53 », Rutter réduit tout de même le fameux « dilemme cornélien ». Sa volonté, clairement annoncée dans son adresse au lecteur, d’aller à l’essentiel en ne gardant que ce qui est « pertinent pour l’action54 » ne laisse guère de place pour les états d’âme ou la poésie. Et les monologues en stances de Corneille, qui sont selon l’auteur « quelque espèce de fard, […] qui embellit (l’)ouvrage, et nous aide à mieux atteindre le but de notre art qui est de plaire55… », ne survivent pas au pragmatisme anglais. Les stances apportent une touche singulière aux pièces de Corneille, qui les utilisent pour créer un effet de contraste. Il s’agit, selon la définition que l’auteur en donne lui-même dans l’examen d’Andromède :
« de vers inégaux, les uns courts, les autres longs, avec des rimes croisées et éloignées les unes des autres, que de ceux dont la mesure est toujours égale, et les rimes toujours mariées […] les déplaisirs, les irrésolutions, les inquiétudes, les douces rêveries, et généralement tout ce qui peut souffrir à un acteur de prendre haleine, et de penser à ce qu’il doit dire ou résoudre, s’accommode merveilleusement avec leurs cadences inégales, et avec les pauses qu’elles font faire à la fin de chaque couplet56 ».
41Dans « L’évolution de la pratique des stances théâtrales : un chemin de traverse du baroque vers le classicisme » en parlant d’une écriture « poétique » insérée dans un texte « théâtral », Magali Brunel explique que « c’est parce qu’elle introduit une variété métrique intéressante, qui permet de rompre avec la lancinante suite des alexandrins, qu’elle est si prisée, au moment où le goût pour le foisonnement et l’ornementation baroque se développe57 ». Elle poursuit avec une citation de La Mesnardière qui écrit dans sa Poétique, quant à lui, que « les Approbateurs des stances disent que ce changement est agréable à l’oreille58 ». Il s’agit bien effectivement pour citer Corneille d’« une surprise agréable que fait à l’oreille ce changement de cadences imprévu59 ».
42Par leur hétérométrie, les stances introduisent une rupture stylistique et prosodique face à l’alexandrin. Mais il faut bien reconnaître qu’elles perdent leur relief sans les alexandrins qui les entourent. Rutter n’a pas besoin de rompre avec la petite musique de l’alexandrin puisque d’alexandrin il n’en compose aucun. Il traduit donc les stances de la même façon que les alexandrins, c’est-à-dire en vers blancs. L’absence des stances ou d’équivalent dans le texte de Rutter entraîne donc un changement esthétique, au sens étymologique du terme, au niveau de l’αἴσθησις, c’est-à-dire au niveau des sens sollicités. Mais non satisfait de ne pas les dissocier des autres vers de la pièce, Rutter les réduit drastiquement. Le monologue en stances de Rodrigue à la scène 7 de l’acte I, composé de six strophes de dix vers chacune, soit une soixantaine de vers dans la version de Corneille, ne représente plus que seize vers dans la traduction de Rutter :
RODERIGO alone.
Strooke to the very heart, with a blow as fatall
As un-foreseene; what shall I doe? I must
Revenge my father, and provoke my mistresse,
Either betray my honour, or my love,
It were a better choice for me to die
Than to doe either:
If I revenge my father, I must lose
My love; if not, I must live infamous;
How can I live, having lost all I live for?
But infamy pursues me after death.
On then my soule, and rather chuse to die
Losing thy love, than live ingloriously,
And start not at the name of the offender,
Because he is the father of thy mistresse,
But rather thinke thine owne receiv’d the offence,
And thou art bound to give the recompence.
RODERIGO seul.
Frappé jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle. Que devrais-je faire ?
Je dois venger mon père, et provoquer ma maîtresse,
Soit trahir mon honneur, soit mon amour,
Ce serait un meilleur choix pour moi de mourir
Que de choisir l’un ou l’ autre :
Si je venge mon père, je dois perdre
Mon amour ; sinon, je dois vivre dans l’ infamie ;
Comment puis-je vivre, ayant perdu tout ce pour quoi je vis ?
Mais l’infamie me poursuit après la mort.
En avant donc mon âme, et plutôt choisir de mourir
Perdant ton amour, que de vivre sans gloire,
Et ne crains pas le nom de l’offenseur,
Car c’est le père de ta maîtresse,
Mais pense plutôt que ton propre père a reçu l’offense,
Et que tu es contraint à donner la récompense.
43Il apparaît assez clairement que la traduction de Rutter n’est pas fidèle à l’original. Dans cette première moitié du XVIIe siècle anglais, comme l’explique Marie-Alice Belle, la « conception de la traduction littéraire telle que nous la connaissons encore, et selon laquelle le traducteur se doit d’imiter la forme du texte original60 », n’est pas de mise. Comme le souligne Michel Ballard : « On estime généralement que les XVIIe et le XVIIIe siècles furent en France (comme ailleurs) l’âge d’or d’un type de traduction qui fut baptisé “la belle infidèle61”. »
44Rutter ne revendique cependant pas une « attitude créatrice62 » comme le fit George Chapman (c. 1559-1634), connu pour ses traductions anglaises d’Homère. Dans son adresse au lecteur, Rutter dit avoir voulu respecter l’esprit et la lettre :
«I have followed close both the sense & words of the Author.»
« J’ai traduit de près et le sens et les paroles de l’auteur. »
45Mais il dresse lui-même le constat d’un certain échec ou plutôt d’une impossibilité poétique :
«[B]ut many things are received wit in one tongue which are not in another.»
« Mais beaucoup de choses sont perçues comme étant pleines d’esprit dans une langue et pas dans une autre. »
46Contrairement à lui, Katherine Philips, en 1663, s’emploie à traduire Corneille avec une régularité à la française et en restituant la versification par le biais du heroic rhyming couplet63 ou pentamètre rimé qui, comme l’explique Gordon Braden, marque l’écriture théâtrale anglaise après dix-huit années de fermeture des théâtres :
«The heroic couplets which she used as her equivalent to Corneille’s alexandrines were a major step in establishing the reign of that medium in Restoration theatre64.»
« Son recours aux distiques “héroïques” en lieu et place des alexandrins de Corneille contribua de manière très significative à établir leur prépondérance dans le théâtre de la Restauration. »
47La traductrice, qui de son propre aveu a « une incorrigible tendance à la folie de la rime65 », écrit au sujet de son travail :
«The Rule that I understood of Translations till these Gentlemen informed me better was to write Corneille’s sense as it is to be suppos’d Corneille would have done, if he had been an Englishman, not confined to his Lines nor his Numbers (unless we could have donee it happily) but always to his Meaning66.»
« La règle que j’avais comprise de toute traduction jusqu’à ce que j’aie été mieux informée par ces Messieurs c’était d’écrire le sens de Corneille comme Corneille l’aurait fait, s’il avait été Anglais, en ne se tenant pas à ses vers, ni à ses nombres (sauf si nous avions pu le faire avec bonheur) mais toujours en tenant compte du sens. »
48Sa traduction de Pompée est louée par ses pairs, qui vont jusqu’à prétendre que la copie dépasse l’original :
You English Corneil’s Pompey with such flame,
That you both raise our wonder and his fame;
If he could read it, he like us would call
The Copy greater than th’Original; […]
The French to learn our Language now will seek,
To hear their greatest Wit more nobly speak67…
Vous traduisez Pompée de Corneille avec une telle flamme
Que vous attisez notre émerveillement et augmentez sa gloire
S’il pouvait lire votre traduction, comme nous, il dirait
Que la copie est supérieure à l’original […]
Les Français chercheront maintenant à apprendre notre langue,
Afin d’entendre ce grand esprit parler plus noblement encore…
49Il est cependant amusant de constater qu’en procédant à ses coupes, Rutter renforce la régularité de la tragi-comédie de Corneille. On pourrait croire qu’il tient compte des critiques de Scudéry ou de Chapelain – ce qui est un comble pour un auteur anglais quand on sait à quel point les dramaturges baroques, de William Shakespeare à Richard Brome, ne se soucient pas le moins du monde en Angleterre des règles qui excitent tant de passions en France. Multiplicité d’actions, changement de lieu, élasticité du temps dramatique sont monnaie courante dans les tragi-comédies anglaises. La traduction de Rutter est à nouveau publiée en 1650 avec l’indication « The Second Edition Amended and Corrected », la seconde édition amendée et corrigée. Elle aurait par ailleurs encore été jouée à Londres en 1662 selon le célèbre diariste Samuel Pepys (1633-1703)68.
50Comme nous le mentionnions en introduction, Corneille s’offusquait que Scudéry tente de le « faire passer pour simple traducteur ». Les multiples traductions de son œuvre lui offrirent une revanche certaine sur les attaques dont Le Cid fut la cible. Nous aimerions pour finir sur ce point donner le dernier mot à Corneille, qui écrivit :
« je serais ingrat envers la mémoire de cette héroïne, [Il s’agit de Chimène] si, après l’avoir fait connaître en France et m’y être fait connaître par elle, je ne tâchais de la tirer de la honte qu’on lui a voulu faire, parce qu’elle a passé par mes mains. Je vous donne donc ces pièces justificatives de la réputation où elle a vécu, sans dessein de justifier la façon dont je l’ai fait parler français. Le temps l’a fait pour moi, et les traductions qu’on en a faites en toutes les langues qui servent aujourd’hui à la scène, et chez tous les peuples où l’on voit des théâtres, je veux dire en italien, flamand et anglais, sont d’assez glorieuses apologies contre tout ce qu’on en a dit69 ».
Notes de bas de page
1 Pour la date de publication de la pièce, voir Pierre Corneille, Le Cid, 1637-1660, éd. Georges Forestier, Paris, Société des Textes Français Modernes, 1992, p. xiii.
2 Pierre Corneille, Le Cid, Tragi-Comédie, 1637, dans Œuvres complètes, éd. Georges Couton, Paris, Gallimard, 1980, t. I, p. 691. Sauf indication contraire, toutes les citations de la pièce proviennent de cette édition.
3 Dans son édition de la pièce, Georges Forestier livre une chronologie très circonstanciée concernant la naissance et la vie du Cid : « 5 ( ?) janvier 1637. Première du Cid sur la scène du théâtre du Marais (rue Vieille-du-Temple) : “[Depuis quinze jours, le public a esté diverti du Cid et des deux Sosies à un point de satisfaction qui ne se peut exprimer” (Lettre de Jean Chapelain au comte de Belin, datée du 22 janvier). » Voir « Présentation. Le Cid de 1637 à 1660, ou le destin d’une tragi-comédie », dans Pierre Corneille, Le Cid, éd. Georges Forestier, op. cit., p. xi.
4 Sans vouloir revenir sur les sources de la pièce, il convient de dire qu’au moment où le dramaturge français écrit son œuvre, comme l’explique Jean Serroy dans son édition du Cid, « la légende du Cid […] a totalement transformé la réalité historique du personnage […] : dès le premier Poème du Cid célébrant, au XIIe siècle, les exploits de Rodrigue de Bivar, et les “romances” qui suivent, l’accent est fortement mis sur les aventures personnelles du héros […] le caractère romanesque se trouv(ant) renforcé par Guillén de Castro, dont Corneille fait sa source essentielle ». Voir Pierre Corneille, Le Cid, Tragi-comédie, éd. Jean Serroy, Paris, Gallimard, 1993, p. 16. Sur les sources utilisées par Corneille, voir aussi Liliane Picciola, Corneille et la dramaturgie espagnole, Tübingen, Gunter Narr Verlag, Biblio 17, 2002. Voir surtout, « Deuxième partie. Dramaturgies de l’histoire : Le Cid ou l’imitation créatrice », p. 145-231.
5 Pierre Corneille, Lettre Apologétique Du Sieur Corneille, contenant sa réponse aux Observations faites par le sieur Scudéry sur Le Cid, éd. G. Couton, op. cit., t. I, p. 801.
6 Pierre Corneille, Le Cid, éd. Christian Biet, Paris, Librairie Générale Française, 2001, p. 156.
7 Élisabeth Woodrough, « Corneille et la Grande-Bretagne : l’intérêt que suscite l’œuvre de Pierre Corneille outre-Manche au XVIIe siècle », dans Alain Niderst (dir.), Pierre Corneille, Paris, PUF, Paris, 1985, p. 76. Pour tout l’article, voir p. 73-82.
8 Sur la question du baroque, voir Claude-Gilbert Dubois, Le Baroque en Europe et en France, Paris, PUF, 1995 et Gisèle Venet, « L’Angleterre dans l’Europe baroque », dans Didier Souiller (dir.), Le Baroque en Question(s), Littératures Classiques, no 36, 1999, p. 153-163.
9 Voir la 34e entrée de l’édition en ligne de The Oxford English Dictionary, consulté le 7 mars 2014. http://www.oed.com.faraway.u-paris10.fr/.
10 Voir Irène Mamczarz, « Pierre Corneille et l’Italie aux XVIIe et au XVIIIe siècles », dans Alain Niderst (dir.), Pierre Corneille, op. cit., p. 105. Pour tout l’article voir p. 103-126.
11 Cette métaphore de genèse est répandue dans les écrits de l’époque lorsqu’il s’agit d’écrire sur la traduction. Sur ce point voir surtout Anne E. B. Coldiron, « 3.3. Commonplaces and Metaphors », dans Gordon Braden, Robert Cummings et Stuart Gillepsie (dir.), The Oxford History of Literary Translation in English, Oxford, Oxford University Press, 2010, vol. 2, p. 109-117.
12 Sur ce point voir Marie-Alice Belle, Traduction et Imitation dans les Iles Britanniques aux XVIe et XVIIe siècles : Les Métamorphoses du Livre IV de L’Enéide de Virgile, (1513-1697), thèse sous la direction de Line Cottegnies, soutenue le 18 septembre 2010 à l’université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, p. 14-21. Je remercie Marie-Alice Belle de m’avoir envoyé une version électronique de sa thèse, qui est à paraître chez Garnier. On peut aussi consulter avec profit The Oxford History of Literary Translation in English, précédemment cité, mais aussi toute l’introduction dans MHRA Tudor and Stuart Translations, vol. 9, éd. Neil Rhodes, Gordon Kendal et Louise Wilson, Londres, The Modern Humanities Research Association, 2013, p. 1-68, ainsi que l’entrée sur Lawrence Humphrey, p. 263-294.
13 À titre d’exemple, voir Michel Ballard, De Cicéron aÌ Benjamin : traductions, traducteurs, réflexions, Lille, Presses universitaires du Septentrion, (1992) 2007 ; et Antoine Berman, Pour une critique des traductions : John Donne, Paris, NRF, 1995.
14 Le titre complet du traité est Interpretatio linguarum seu de ratione conuertendi & explicandi autores tam sacros quam prophanos, Libri tres.
15 Cité dans Michel Ballard, De Cicéron aÌ Benjamin, op. cit., p. 164.
16 Ibid., p. 164-165.
17 Marie-Alice Belle, Traduction et Imitation dans les Iles Britanniques aux XVIe et XVIIe siècles, op. cit, p. 197-198, 217.
18 La dédicace et l’adresse au lecteur « font apparaître la portée théorique, explicative et justificative, de l’ensemble du paratexte. […] La préface et/ou l’examen fournissent le cadre théorique où l’auteur prend explicitement la parole afin de donner au lecteur les principes nécessaires à une juste appréciation de la pièce ». Voir Véronique Lochert, « “Faire que la tragédie soit aussi belle à la lecture qu’à la représentation” : pratiques paratextuelles de Corneille », dans Myriam Dufour-Maître (dir.), Pratiques de Corneille, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2012, p. 464. Pour tout l’article, voir p. 461-475.
19 Gerard Langbaine, An Account of the English Dramatick Poet: Or, Some Observations and Remarks, On the Lives and Writings, of all those that have Publish’d either Comedies, Tragedies, Tragi-Comedies, Pastorals, Masques, Interludes, Farces, or Opera’s in the ENGLISH TONGUE, Oxford, imprimé par L. L. for George West and Henry Clements, 1691, p. 431. Pour toute l’entrée sur Rutter, voir p. 430-433. J’ai effectué la traduction de toutes les citations anglaises. Je remercie le Professeur émérite Gisèle Venet pour la relecture et la correction qu’elle en a faites.
20 Toutes les citations de The Cid proviennent de l’édition en ligne de 1637, consultée grâce à Early English Books Online, [EEBO]. The Cid a tragicomedy, out of French made English: and acted before their Majesties at court, and on the Cock-pit stage in Drury-lane by the servants to both their Majesties, Londres, imprimé par Iohn Haviland pour Thomas Walkly, 1637.
21 Terme emprunté à Élisabeth Woodrough, « Corneille et la Grande-Bretagne », art. cité, p. 78. Parmi les traducteurs, il y a Sir Edmund Waller, Sir Charles Sedley et Charles Sackville.
22 « [G]olden period of translations from French tragedies. » Dorothea Frances Canfield, Corneille and Racine in England, A Study of the English Translations of the Two Corneilles and Racine, with Especial Reference to their Presentation of the English Stage, New York, Columbia University Press, 1904, p. 28.
23 « Théodore Savory estime que l’époque élisabéthaine fut la première grande période de la traduction anglaise » (Michel Ballard, De Cicéron a Benjamin, op. cit., p. 126).
24 Line Cottegnies, L’Éclipse du regard : la poésie anglaise du baroque au classicisme (1625-1660), Genève, Droz, 1997, p. 126, no 94.
25 Louis Charlanne, L’Influence française en Angleterre au XVIIe siècle. La Vie Sociale, Genève, Slatkine, (1906) 1971, p. 229.
26 À titre d’exemple voir Jean Jacquot, « La Reine Henriette-Marie et l’influence française dans les spectacles à la cour de Charles Ier », Cahiers de l’Association Internationale des Études Françaises, no 9, juin 1957, p. 128-160, Erica Veevers, Images of Love and Religion. Queen Henrietta Maria and Court Entertainments, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, et Sophie Tomlinson, Women on Stage in Stuart Drama, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.
27 Nicolas-Marc Desfontaines, The Second Part of the Cid, Londres, 1640. Pièce consultée grâce à Early English Books Online (EEBO). Cette phrase provient de la dédicace de Rutter à Theophila Cooke. Avec l’obéissance qu’un sujet doit à son roi, Rutter ne perd pas de temps et traduit la pièce en 1640. À noter qu’à la suite de cette traduction y figurent de nombreux titres publiés, dont la plupart sont des traductions. « Englished », « translated », etc. Sur ce point et la traduction, voir aussi Dorothea F. Canfield, Corneille and Racine in England, op. cit., p. 4.
28 Line Cottegnies, L’Éclipse du regard, op. cit., p. 128.
29 À titre d’exemple voir Kevin Sharpe, The Personal Rule of Charles I, New Haven, Yale University Press, 1992.
30 Dans le contexte de la tragi-comédie française de la même période que celle étudiée ici, Hélène Baby écrit : « Si le politique reste un cadre utile et fécond, il est, dans la tragi-comédie, décor de la création littéraire. Même chez Corneille, du moins dans sa tragi-comédie du Cid, le politique est ornement : la singularité politique naît de la singularité dramatique, même si plus tard, la trajectoire cornélienne semble lier tragique et politique. » Hélène Baby, La tragi-comédie de Corneille aÌ Quinault, Paris, Klincksieck, 2001, p. 202.
31 Voir Dorothea F. Canfield, Corneille and Racine in England, op. cit., p. 3.
32 Anne Coldiron, « 3.3. Commonplaces and Metaphors », art. cité, p. 110.
33 Marie-Alice Belle, Traduction et Imitation dans les Iles Britanniques aux XVIe et XVIIe siècles, op. cit., p. 189.
34 « [L]ibertine way of translating ». Cette « approche libre de la traduction » est abordée par Lawrence Venuti : voir « Chapter 2. Canon », The Translator’s Invisibilty. A History of Translation, Londres/New York, Routledge, (1995) 2002, p. 39.
35 Katherine Philips, The Collected Works of Katherine Philips, The Matchless Orinda, vol 2, The Letters, éd. Patrick Thomas, Stump Cross (GB), Stump Cross Books, 1990, p. 103-104.
36 Voir Georges Forestier, « Scène », dans Michel Corvin (éd.), Dictionnaire encyclopédique du théâtre, L-Z, Paris, Bordas, p. 807.
37 Ibid, p. 807.
38 Ève-Marie Rollinat-Levasseur, « Didascalies, entre “petit secours” et grand embarras : étude des variantes », p. 133-148. La citation provient de la page 135 dans Myriam Dufour-Maître (dir.), Pratiques de Corneille, op. cit.
39 Anne Ubersfeld, Les termes clés de l’analyse du théâtre, Paris, Seuil, 1996, p. 37.
40 « Les poètes font appel à l’alexandrin dans l’exercice de la traduction […] Jodelle est le premier à porter l’alexandrin sur le théâtre dans la tragédie Cléôpatre qu’il fait représenter en 1552. » Julia Gros de Gasquet, En disant l’alexandrin : L’acteur tragique et son art, XVIIe-XXe siècle, Paris, Honoré Champion, 2006, p. 32.
41 Cité dans Élisabeth Woodrough, « Corneille et la Grande-Bretagne », art. cité, p. 82.
42 John Dryden, An Essay of Dramatick Poesie, Londres, (1668) 1693, p. 30. Consulté sur Early English Books Online (EEBO) le 8 février 2014.
43 George Gascoigne, Certayne notes of Instruction concerning the making of verse or ryme in English, dans The Posies of George Gascoigne, Esquire, corrected, perfected, and augmented by the author [1575], dans English Renaissance Literary Criticism, éd. Brian Vickers, Oxford, Clarendon Press, 1999, p. 166.
44 Sir Philip Sidney, An Apology for Poetry (or The Defence of Poesy) [1595], 3e éd. avec introduction et notes augmentée par R. W. Maslen, Manchester, Manchester University Press, 2002, p. 87.
45 Georges Scudéry, Observations sur le Cid, dans Les Sentiments de l’Académie Françoise Sur La Tragi-comédie du Cid, précédés des Observations sur le Cid par Scudéry, Paris, Hachette, 1912, p. 15.
46 Pierre Corneille, Œuvres complètes, éd. Raymond Lebègue, présentation et notes de André Stegmann, Paris, Seuil, 1963, p. 215.
47 Samuel Sorbière, Relation d’un voyage en Angleterre, où sont touchées plusieurs choses qui regardent l’estat des sciences et de la religion et autres matières curieuses, Paris, I. Jolly, 1664. Consulté en tant que document numérisé, cote NUMM-8702382, le 11 juillet 2014, grâce aux ressources électroniques de la Bibliothèque nationale de France.
48 The Play-house to be Let dans The Works of Sr. William Davenant, Kt. Consisting of Those which were formerly Printed, AND, Those which he design’d for the Press : NOW PUBLISHED Out of the Authors Originall Copies, Londres, 1673, p. 75. Consulté sur Early English Books Online [EEBO] le 8 février 2014.
49 Pierre Corneille, Au Lecteur [1648], éd. G. Couton, op. cit., p. 189.
50 « La troisième scène est encore plus défectueuse en ce qu’elle attire en son erreur toutes celles où parlent l’Infante ou don Sanche : je veux dire qu’outre la bienséance mal observée, en une amour si peu digne d’une fille de roi, et l’une et l’autre tiennent si peu dans le corps de la pièce, et sont si peu nécessaires à la représentation, qu’on voit clairement que D. Urraque n’y est que pour faire jouer la Beauchâteau, et le pauvre don Sanche pour s’y faire battre par don Rodrigue. » J. Chapelain, Les Sentiments de l’Académie Françoise Sur La Tragi-comédie du Cid, précédés des Observations sur le Cid par Scudéry, op. cit., p. 10.
51 Ibid.
52 Ibid., p. 34.
53 « Préface », Pierre Corneille, Le Cid, éd. C. Biet, op. cit., p. 13.
54 « [P]ertinent to the business. » « To the Reader », The Cid a tragicomedy, out of French made English, op. cit.
55 « Examen 1660-1682, Andromède », Pierre Corneille, et éd. G. Couton, op. cit., t. II, p. 454. Corneille répond ici à l’Abbé d’Aubignac qui voyait dans les alexandrins l’expression de la prose.
56 Ibid., p. 455-456.
57 Magali Brunel, « L’évolution de la pratique des stances théâtrales : un chemin de traverse du baroque vers le classicisme », Œuvres & Critiques, XXXII, 2, 2007, p. 123. Pour tout l’article voir p. 121-134.
58 La Mesnardière, La Poétique, chapitre « Des Stances de Théâtre », 1639, p. 559.
59 Pierre Corneille, « Examen 1660-1682, Andromède », éd. G. Couton, t. II, op. cit., p. 456.
60 Marie-Alice Belle, Traduction et Imitation dans les Iles Britanniques, op. cit., p. 14.
61 Voir Michel Ballard, « Chapitre iv. Les “Belles Infidèles” et la Naissance de la Traductologie », De Cicéron aÌBenjamin, op. cit., p. 145. Pour tout le chapitre, voir p. 147-197. Il s’agit de la métaphore de Gilles Ménage, qui parlait d’une traduction de Perrot d’Ablancourt en ces termes.
62 Ibid., p. 131.
63 Voir « Chapter ii. Canon » dans Venuti, The Translator’s Invisibilty, op. cit., p. 47.
64 Gordon Braden, « 6. I Tragedy, Gordon Braden », The Oxford History of Literary Translation in English, op. cit., p. 262-279. La citation vient de la p. 277.
65 « [A]n incorrigible inclination to the folly of riming. » Voir « Preface » rédigée par Katherine Philips dans Katherine Philips, POEMS By the most deservedly Admired Mrs KATHERINE PHILIPS The Matchless ORINDA. To which is added MONSIEUR CORNEILLE’S POMPEY & HORACE}, With several other Translations Out of FRENCH, Londres, 1669. Consulté grâce à Early English Books Online [EEBO].
66 The Collected Works of Katherine Philips, The Matchless Orinda, op. cit., p. 103-104.
67 Voir « The Earl of Orrery to Mrs. Philips » dans Katherine Philips, POEMS By the most deservedly Admired Mrs KATHERINE PHILIPS The Matchless ORINDA, op. cit.
68 Voir l’entrée des « 1-3 décembre » dans The Diary of Samuel Pepys. A New and Complete Transcription [1662], éd. Robert Latham et William Matthews, Londres, Bell & Hyman, 1970, vol. 3, p. 273.
69 Pierre Corneille, Avertissement [1648-1657], éd. G. Couton, op. cit., t. I, p. 693. Dans son édition de la pièce, Raymond Lebègue explique que Le Cid, « sera traduit du vivant de Corneille dans toutes les langues connues […] sauf l’escalvone et la turque ; Selon Fontenelle, Corneille possédait un exemplaire de chacune de ces traductions » (Pierre Corneille, Œuvres complètes, éd. R. Lebègue, op. cit., p. 215).
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