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La rencontre et la raison graphique

Dersou Ouzala (Akira Kurosawa, 1975)

p. 155-170


Texte intégral

1La rencontre est au cœur du cinéma : un auteur rencontre une histoire, un producteur, des lieux, des acteurs ; les acteurs rencontrent leur personnage, les images rencontrent une musique, etc. Plus généralement, le mot rencontre jouit d’un large succès, ne fût-ce que parce que nos vies sont faites de bonnes et de mauvaises rencontres. C’est un thème universel, mais il est tellement valorisé dans notre morale judéo-chrétienne, que l’on se donne un idéal de rencontre, que l’on se fait un devoir de rencontre. Après la Seconde Guerre mondiale, dans le déni des horreurs qui venaient de se dérouler et dans l’enthousiasme de la reconstruction, le succès intellectuel et éthique de rencontres prescrites ne pouvait qu’envahir les médias, où il n’est question que de « rencontres enrichissantes ». En témoignent les centaines d’intitulés de festivals, de titres ou d’annonces sur le modèle : « rencontre avec un philosophe », « rencontre avec l’Islam », « rencontre avec un shaman tibétain », quand ce n’est pas « Rencontre du troisième type ». Dans un registre plus austère, le thème de la rencontre intéresse au premier chef l’anthropologue puisqu’elle est au centre de son activité professionnelle : la rencontre est la forme physique de la confrontation avec l’autre.

2D’une certaine manière, le film Dersou Ouzala se présente, à quelques réserves près, comme une épure anthropologique : en 1902, un jeune géographe militaire, le Capitaine Vladimir Arseniev, chargé de reconnaître le cours de l’Oussouri, entre Khabarovsk et Vladivostok, se prend d’amitié pour un homme de la forêt, qu’il rencontre d’abord par hasard, qu’il recherche ensuite. Quelques années plus tard, la rencontre se répète sous forme de retrouvailles. Cet homme de la taïga, c’est Dersou Ouzala, un vieux chasseur golde, un groupe de Sibériens nomades dont il est, dans cette région, le dernier représentant. Dans le film, de petites rencontres périphériques sont également traitées avec brio, notamment celle de la colonne des « explorateurs » avec un vieux Chinois qui habite une petite cabane enfouie sous la neige. Ce dernier n’a que du thé à offrir, mais, aimable et intimidé à la fois, il le renverse à force de courbettes.

3La rencontre ne prend son sens plein que si elle réunit des êtres très différents, aux personnalités affirmées. À vrai dire, quand ce thème m’a été proposé, j’avais pensé prendre pour objet les œuvres de Jean Renoir, un grand organisateur de rencontres, comme celle du voleur et du baron dans Les Bas-fonds, du braconnier et du Marquis dans La Règle du jeu, de l’Inde et de l’Occident dans Le Fleuve, mais Dersou Ouzala d’Akira Kurosawa m’a semblé plus riche et plus proche de mes centres d’intérêt habituels d’anthropologue. D’autres films de Kurosawa auraient d’ailleurs pu convenir. Rashomon, l’histoire d’une mauvaise rencontre, n’illustrerait pas mal l’angoisse de l’anthropologue sur le terrain, face aux versions contradictoires relatant un même événement. Vous connaissez l’histoire de Rashomon : après un événement horrible – un viol suivi d’un meurtre –, les spectateurs, confrontés à une multiplicité de récits divergents, sont dans l’impossibilité d’accéder à la vérité1. En tant que scénariste, Kurosawa est un maître de la rencontre : dans un autre film, face au charisme de Toshiro Mifune, qui incarnait un gangster de la mafia, son adversaire, un médecin idéaliste, ne faisait pas le poids. Les scénaristes, Kurosawa et son ami, Keinosuke Uegasa, avaient beau faire : il apparaissait comme mièvre et sans consistance. C’est alors que Kurosawa s’est souvenu d’un personnage réel qu’il avait connu dans sa jeunesse, dans les bas-fonds de Yokohama : un médecin des pauvres rustre et alcoolique, un « ange ivre ». La densité de la rencontre était sauvée2.

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Rashomon

Une expérience critique

4L’expérience de terrain à laquelle se prête l’ethnographe, c’est-à-dire la rencontre avec des êtres humains « fabriqués » autrement, possède une valeur critique, car elle altère profondément le regard de l’ethnographe sur sa propre société, et par la suite celle de ses lecteurs. C’est également le cas de certains films. On pourrait dire que cinéastes et écrivains formulent un projet anthropologique, dans la mesure où ils entreprennent de révéler des êtres humains à d’autres humains. Une citation de Kurosawa illustre cette proximité des deux propos :

« Avec les films que j’ai faits, j’ai vécu de nombreuses existences, et pour chacune d’elles, j’ai fait l’expérience de différentes façons de vivre. Pour chaque film, ma vie s’est fondue avec celle de toutes sortes de gens très différents et j’ai vécu leurs vies. À cause de cela, la préparation d’un nouveau film à tourner demande un effort considérable pour oublier ceux qui travaillaient sur le film précédent3. »

5Évidemment, la manière d’utiliser les idées n’est pas la même en sciences sociales et dans l’art cinématographique ou dans la littérature. Les ethnographes sont tenus à un effort de continuité et de rigueur, les artistes sont libres de proposer des raccourcis, des fulgurances fondées sur une aura des personnages, des lieux et des objets, qui garde sa part de mystère. Les deux domaines ne sont pourtant pas exclusifs : l’expression artistique d’une idée anthropologique peut frapper, sensibiliser, ravir, renverser, bouleverser, bien davantage que de longues descriptions et de froides démonstrations. Les spécialistes ne sont pas les seuls concernés par ce que l’on a appelé la « rencontre ethnographique ». Bien avant la naissance d’une anthropologie universitaire, les philosophes savaient le parti épistémologique que l’on peut tirer d’un jugement ou d’un effort de compréhension décentré par rapport aux évidences d’une vie quotidienne localisée. Les philosophes des Lumières sont passés maîtres dans cet exercice ; il suffit de penser aux Persans de Montesquieu et aux Tahitiens de Diderot.

6De sa rencontre avec Dersou, le géographe Arseniev ressort « altéré » et il travaille sur lui-même, à la manière de Victor Segalen. Il apprend à éviter d’occuper la position de surplomb que semble lui autoriser son statut, il accepte une situation d’inconfort pour refonder son raisonnement à partir de l’autre. Idéalement, dans une rencontre digne de ce nom, chacun doit faire un bout de chemin vers l’autre, mais il faut qu’un point de rencontre arrête cette démarche, faute de quoi, si le soi devient l’autre et l’autre devient soi, le chiasme se rétablit en position symétrique inverse des points de départ. Nous butons sur une contradiction majeure de l’anthropologie qui fait aussi sa grandeur : si l’autre reste l’autre, je ne peux le comprendre, mais si j’arrive à le comprendre tout à fait, il cesse d’être vraiment l’autre4.

7La rencontre implique que l’anthropologue – même si, en l’occurrence, comme Arseniev, il est géographe – se transforme, et l’effort de compréhension de la nature de ce changement engendre un savoir positif sur l’autre. Mais en même temps, un processus inverse se déroule : ce qui était proche devient plus distant. La compréhension de l’autre exige une mise à distance de soi, elle jette un doute sur des principes jusqu’alors indiscutés. Ce renversement ultime, par lequel l’anthropologue apprend à voir sa propre culture du point de vue de l’autre, comme s’il était devenu lui-même un étranger, fait également partie de la posture anthropologique.

8Or, en défamiliarisant son monde, en le mettant à distance, le point de vue anthropologique rejoint la démarche esthétique ou poétique, telle que l’ont pratiquée des gens comme Kurosawa, Pasolini et bien d’autres.

L’échange inégal

9Un travail de terrain – qu’il s’agisse d’enquêtes ethnographiques, de relevés cartographiques, de tournages de films – comporte nécessairement une dimension d’échange, plus ou moins implicite, voire ambiguë, avec les habitants du lieu. Il serait exagéré de dire qu’on achète l’image de l’autre, mais pour obtenir le don d’image, il y a toujours un contre-don, sous forme de cadeaux, de paiements, de gratifications. En ethnographie, cette dimension est souvent occultée et jusqu’à très récemment, elle a constitué une sorte de tabou. C’est notamment pour rompre ce tabou que notre collègue Stéphane Breton a fait de ces relations transactionnelles le topos de son film, Eux et moi (2001). Par rapport à une tradition un peu dédaigneuse qui déplore l’échange inégal, mais n’envisage l’autre que comme une victime passive, ce film a le grand mérite de détailler les subtilités de la négociation. Dans certains contextes, ces échanges inégaux peuvent revêtir une dimension plus tragique. C’est notamment le cas du film, beaucoup moins bien réalisé que celui de Breton, mais édifiant : Ishi, The Last of the Yahi. Il raconte comment, en 1911, le dernier survivant d’un groupe indien du nord de la Californie a été recueilli, soigné, engagé comme « informateur » et presque comme une pièce de musée vivante par les anthropologues, avant de mourir, en 1916, de la tuberculose. Destin remarquablement parallèle à celui de Dersou. À la différence de ce dernier, Ishi joue un rôle dans son nouveau lieu de vie : au grand plaisir des enfants de touristes, il fait semblant de tirer à l’arc dans l’enceinte du musée. En ville, recueilli par Arseniev, Dersou, vieillissant, devient, malgré la bonté de tous et même à cause d’elle, une sorte d’animal domestique, un ours en peluche géant pour l’enfant du géographe. Finalement, il meurt d’avoir reçu un cadeau trop beau et trop dangereux : un fusil perfectionné qui attire la concupiscence de bandits. C’est là aussi une parabole très évocatrice pour les anthropologues, qui croyant bien faire, ou pour alléger une certaine culpabilité quant aux inégalités de fortune, font des dons qui se retournent contre les bénéficiaires. Les exemples abondent dans la littérature et dans les films, d’« informateurs » accusés de sorcellerie par leurs voisins envieux ou de « vedettes » de films documentaires jalousées par leurs « amis5 ».

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« Celui qui les regarde fait partie du spectacle », photogramme extrait du film Eux et Moi, de Stéphane Breton.

Les présupposés de la rencontre

10La rencontre de l’autre, même frappée du sceau de l’étrangeté, ne se joue jamais « à neuf », elle n’est jamais exempte, de part et d’autre, de la charge d’un passé. Doublement située puisqu’elle concentre deux déterminismes en un seul lieu et un seul temps, elle est guettée par de nombreux écueils.

11– Je peux voir le même partout et involontairement imposer à l’autre ma manière de voir, au nom d’une universalité que j’affirme. C’est une vision ethnocentrique, mais qui n’est pas toujours fondée sur la discrimination et le désir d’en tirer profit ; simplement, elle ignore la différence en faisant de l’autre une extension de soi. Je ne rencontre jamais qu’un autre moi-même.

12– Je peux, à l’inverse, voir l’autre partout. Je peux fantasmer sur l’autre, exagérer ses différences, ce fantasme se divisant entre un pôle négatif et un pôle positif.

13– Au pôle négatif, je juge l’autre inférieur, primitif, sous-développé, illettré, superstitieux, etc.

14– Au pôle positif, je l’idéalise en le créditant d’un savoir supérieur, que j’ai perdu ou que j’ignore encore.

15Le premier fantasme est hétérophobe, le second, forme noble de l’exotisme, hétérophile.

16Cette dernière posture, qui n’est pas neuve – on se souvient de la barbarophilie chez les Grecs –, a joué un rôle de premier plan en anthropologie, non seulement sous ses formes vulgarisées ou amateurs, mais aussi sous sa forme savante. Les civilisations expansionnistes célèbrent souvent les modes de vie des « minorités » qu’elles acculent brutalement au changement. Les rares groupes nomades de chasseurs-collecteurs ou d’éleveurs ont souvent tenu la vedette dans le box office du « bon sauvage » : les San (anciens « Bushmen ») d’Afrique australe, les pygmées d’Afrique centrale, les Maasaï du Kenya, les Touaregs du Sahara, les Inuits (anciens Esquimaux), ont ainsi tenu la vedette dans maintes productions littéraires ou cinématographiques sous le mode des last of… Maintenus hors du train du monde, ils font fréquemment figure de derniers « résistants » à une uniformisation planétaire sévèrement condamnée par ceux qui en sont précisément les agents.

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Dersou Ouzala

17Dersou Ouzala s’inscrit certainement dans cette tendance. C’est un film nostalgique, qui déplore la disparition de chasseurs vivant en osmose avec la nature et la conquête de la planète par la civilisation machiniste, urbaine et cartographe. Cette nostalgie était parfaitement en phase avec la culture savante du début des années soixante-dix. En fait, elle a toujours été très présente en anthropologie et l’est encore aujourd’hui. L’ethnographie de terrain, sur laquelle se fonde la réflexion anthropologique, n’est vraiment née qu’à la fin des années vingt, début des années trente, mais ses pères fondateurs, comme Franz Boas du côté américain, Malinowski du côté anglais, un peu plus tard, Griaule et Lévi-Strauss du côté français, se sont tous émus de la disparition des sociétés et des cultures qu’ils découvraient. Les premiers anthropologues professionnels, sans doute parce qu’ils prenaient leurs distances par rapport à leur propre société, ont perpétué un certain nombre de représentations que l’on peut à bon droit qualifier de mythiques, en ce sens qu’il ne venait généralement pas à l’esprit d’en contester le bien-fondé. Dans nos sociétés industrielles, qui apparaissent comme polluantes, dépersonnalisantes et inégalitaires, frustrations et insatisfactions se traduisent souvent par une idéalisation de sociétés considérées comme plus proches de la nature. Comme si, des aspects négatifs d’un mode de production particulier, pouvaient se déduire sans examen la convivialité, l’égalitarisme et la conscience écologique de ceux qui échappent encore à son emprise6. À partir des années quatre-vingt, aiguillonnée par la philosophie, la critique littéraire, les études post-coloniales et l’histoire culturelle (cultural studies), l’anthropologie a été amenée à traquer ses propres mythes et à remettre en question certains de ses paradigmes fondamentaux et de ses procédés rhétoriques. Aujourd’hui, l’idéalisation du rapport privilégié avec la nature, la condamnation de la domestication du monde sauvage et l’opposition binaire entre Eux (les « primitifs » ignorant l’écriture, le machinisme et la lutte de classes) et Nous (agents d’un système conquérant et destructeur), peuvent paraître naïves. Mais Vadimir Arseniev (1872-1930) et Akira Kurosawa (1910-1998), à quarante ans de distance, sont bien de leurs temps. Ces deux artistes, observateurs des soubresauts du monde, reflètent un idéalisme anthropologique spontané qui est, certes, mis à mal depuis les années quatre-vingt, mais qui reste très vivace aujourd’hui. D’autant plus vivace que globalement il n’apparaît pas comme infondé, car les déséquilibres planétaires ne cessent de s’aggraver.

18Mais les jugements de l’histoire sont riches en revirements. La critique de l’image idéalisée du noble sauvage est ancienne, mais elle s’énonce aujourd’hui avec davantage de vigueur dans les pays anciennement colonisés eux-mêmes, ce qui change la donne. Les ethnologues, qui pensaient le plus souvent défendre les sociétés locales qu’ils étudiaient contre les politiques assimilationnistes des pouvoirs coloniaux, sont accusés d’avoir enfermé les sociétés « tribales » dans un passé éternel7. Le cliché du bon sauvage, que l’on qualifie souvent hâtivement de rousseauiste, n’apparaît juste que parce que la révolution industrielle a dramatiquement augmenté la vitesse de changement de tous les milieux naturels et de toutes les formes d’organisation sociale. En même temps, les notions pour un temps optimistes de rationalisme et de progrès, cruellement démenties par deux guerres mondiales, par l’horreur suprême de la Shoah et par l’effondrement des régimes planifiés, ont été sérieusement malmenées. La rationalité économique dont se targuent les riches sociétés occidentales présentées comme idéales, bute sur une ironie démographique : elles ne se reproduisent plus ; on n’y fait plus (assez) d’enfants.

19Toutefois, la disparition progressive de la diversité humaine, qui était une véritable hantise d’auteurs très différents – Malinowski, Lévi-Strauss, Segalen, Griaule, Jaulin (La Paix blanche, 1970)8, Morin (Le Paradigme perdu, 1973)9, Deleuze et Guattari (L’Anti-Œdipe, 1972)10 –, ne s’est pas réalisée : au contraire, la mondialisation s’accompagne d’une prolifération des différences, au point que l’on pourrait presque parler d’emballement. Toutefois, les identités plus ou moins bricolées qui animent cet emballement sont assez éloignées de la pureté perdue d’un Dersou Ouzala.

20D’autre part, le désir quelque peu anxieux de retenir le mouvement du monde, en enregistrant l’expérience humaine, en la conservant, en la reconnaissant comme (ou en la transformant en) patrimoine de l’humanité (une des missions de l’Unesco), est aujourd’hui analysé comme propre à une époque et à un contexte de transition historique. C’est un phénomène moderne lié aux impérialismes, à la conquête du monde par certaines de ses provinces et au témoignage un peu affolé de ceux qui observent les menaces pesant sur les « mondes locaux ».

La figure du chiasme

21La figure du chiasme – celle du point de rencontre entre deux trajectoires – joue un rôle prépondérant dans le rapport de l’anthropologue à son objet ainsi que dans la manière de voir de l’anthropologie. Elle est sans doute également au cœur du rapport de l’individu à l’autre et au cœur de la démarche poétique. Je ne parle pas ici du chiasme comme figure de rhétorique mais plutôt comme schème, comme structure, si l’on me permet d’introduire une notion qui a beaucoup servi. Il s’agit ici en quelque sorte, pour parler dans le langage des épistémologues, du modèle de construction d’un objet d’étude ou, pour parler comme les artistes, d’une loi de composition formelle. Cette figure, dont on verra qu’elle est sous tension, transporte également un lot de préoccupations morales ; tant il est vrai que l’épistémologique, l’esthétique et l’éthique résistent mal aux opérations de tri et de filtrage. Le chiasme, cette structure en croix, ou en X – le mot chiasme venant tout droit du x grec –, implique généralement, dans les traités de rhétorique, un balancement entre deux termes inverses. Boris Wiseman, de l’Université de Durham, a récemment proposé une lecture de l’œuvre de Lévi-Strauss11 à partir de la notion de chiasme conçue comme un parallélisme inversé ou une symétrie inversée, une relation antithétique entre deux termes ; de telle sorte que chaque terme offre en miroir une image inverse de l’autre. Pour Wiseman, cette figure est un mécanisme central, non un procédé rhétorique, au sens péjoratif du terme. Le mixte résultant du texte d’Arseniev et du film de Kurosawa fonctionne lui-même comme un mythe, les unités de premier niveau étant les événements qui composent le récit. Les deux personnages entament un mouvement en chiasme : ils marchent l’un à la rencontre de l’autre, ils se rencontrent, mais ne peuvent s’arrêter sur cette rencontre car l’un, vieillissant, doit mourir en son lieu, puisqu’il est incapable de vivre dans l’espace de l’autre. En forçant le récit, on pourrait dire que nous voyons le chiasme, mais que le croisement n’a lieu qu’en raison d’une illusion d’optique car il se produit à des profondeurs de champ différentes. Ce schéma est exactement celui de la rencontre ethnographique telle que nous l’avons analysée plus haut : nous sommes des étrangers, à l’occasion d’une expérience de terrain, nous lions des relations d’amitié, puis nous prenons à nouveau une certaine distance. Sur le terrain, en effet, nos hôtes éprouvent de la peine à comprendre vraiment « ce que nous faisons » de cette expérience, à comprendre vraiment ce que peut être notre vie académique d’anthropologues. C’est, d’une certaine façon, ce que Claude Lévi-Strauss entend par « regard éloigné12 ».

22L’avant-dernier acte de Dersou Ouzala illustre assez bien ce quiproquo : en ville où son ami géographe l’a « recueilli », Dersou est tellement peu dans son monde, il n’est tellement plus rien, qu’il estime ne pouvoir y mourir. Mais ce qui rend l’histoire du héros plus dramatique encore que le thème de la perte d’authenticité cher à une certaine anthropologie, c’est que, comme Le Dernier des Mohicans, Dersou incarne une société qui n’existe déjà plus puisqu’il est le dernier, l’unique en son genre. Seul, l’individu ne forme pas une société, il est privé d’existence sociale. Sa mort n’en est que plus dramatique, car dans une société qui se respecte, les relations entre les morts et les vivants se fondent sur l’échange. Les vivants font ce qu’il faut pour que le mort ne se perde pas, pour qu’il trouve sa place parmi les morts et protège les vivants. Un mort isolé, sans descendance, ne se recycle pas ; sa substance vitale, sa force, son âme éventuellement se perdent.

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Science du concret contre science de l’abstrait

23La rencontre entre Arseniev, le géographe voyageur, et Dersou, le chasseur nomade, tourne autour du savoir ou, plus exactement, de deux conceptions du savoir. Bien sûr l’écrivain, puisque le film se base sur un livre, a déjà préparé la besogne du cinéaste, mais Kurosawa possède un talent particulier. Il nous donne l’impression que Dersou représente un monde par rapport auquel il nous tient – nous spectateurs – dans une position d’entre-deux. D’une manière subtile, une subtilité qui évoque les chausse-trappes de la quête initiatique, il nous invite à entrer dans ce monde, mais suggère en même temps que nous n’y avons pas droit ; il nous tient à l’écart de secrets dont nous ignorions que nous les avions perdus.

24Entre ce que l’on dit et ce que l’on fait, il peut y avoir un sérieux écart, mais entre ce qui est écrit sur papier et ce qu’on voit dans le réel, le décalage est souvent plus scandaleux encore. Une des leçons du film, comme l’a bien vu Serge Daney, porte moins sur la morale que sur une grande question d’ordre cognitif : la raison graphique suggère qu’il n’est guère besoin de regarder le terrain, il suffit de regarder le livre, la carte, la boussole. L’expert graphique pense qu’il n’a plus besoin de ses sens, de son corps, de sa perception physique, ni de son intuition. Or, son expertise le rend incapable de bien voir. La lecture porte un savoir, mais si le lecteur se préoccupe peu de vérifier si le réel y répond, ce savoir porte un extraordinaire pouvoir destructeur13. C’est une leçon forte, que les technocrates de nos sociétés graphiques ont parfois perçue, même s’ils sont bien incapables d’inverser la vapeur. Certains économistes, une corporation en général peu encline au sentimentalisme, distinguent, par exemple, les relations F2F (Face to face ; ironiquement, le jeu de mots est plus graphique que phonique) et les relations B2B : business to business. Trop peu de F2F, reconnaissent-ils dans leur style quelque peu déshumanisé, peut menacer des édifices complexes.

25D’une manière très remarquable, le film d’Arseniev et de Kurosawa semble avoir une conscience aiguë d’un des grands problèmes de l’anthropologie. La rencontre entre deux personnages est d’autant plus difficile qu’ils ne sont pas « fabriqués » de même manière : l’un vit en contact étroit avec la nature, il semble intimement lié aux cycles cosmologiques, l’autre ne voit le monde qu’à travers des instruments de mesure et des notes écrites. Sans être sciemment teinté de théorie anthropologique, le film pose, de manière brillante, le problème.

26Ce que l’on a appelé la « literacy thesis », selon laquelle une grande ligne de partage séparerait les sociétés avec écriture de celles qui en sont dépourvues, a fait couler beaucoup d’encre. Ce n’est pas le lieu de rendre compte de la complexité du débat, mais on peut sans doute évoquer un des épisodes les plus marquants. Dans toute une série de textes dont le plus connu est La Raison graphique, Jack Goody s’est fait le principal défenseur de la « literacy thesis », selon laquelle le raisonnement logique reposerait fortement sur l’écriture. On pourrait traduire l’expression « literacy thesis » par « thèse de la révolution scripturale » : la logique serait le produit de l’écriture ; l’écriture alphabétique ayant joué un rôle fondamental dans les Lumières grecques des cinquième et quatrième siècles avant Jésus-Christ14.

27Cette vertu cognitive de l’écriture – comme productrice exclusive de la logique – a été contestée, mais elle garde une certaine force. On peut raisonnablement concevoir que la conservation écrite permette un examen critique systématique hors de portée des moyens mnémotechniques propres aux traditions orales. Sans conteste, l’écriture facilite un processus de connaissance cumulatif. Néanmoins, avant de proposer une grande division à l’échelle de la planète, il paraît prudent de multiplier les enquêtes pour étudier ce que l’on fait de l’écriture, et ce que l’on fait des textes oraux dans les différents contextes culturels, historiques, sociaux, politiques, etc. Goody, d’ailleurs, n’a cessé de nuancer sa position et s’est défendu contre les accusations de déterminisme technologique. Il évite d’affirmer des causalités transitives, en parlant plutôt de ce que l’écriture « rend possible » ou « facilite ». La thèse de la révolution scripturale comporte plusieurs facettes. Selon certains auteurs, l’écriture (notamment les listes, les tableaux, les cartes géographiques) a eu des incidences sur les modes d’encadrement humains, sur le développement du commerce, l’émergence d’un marché du travail, etc. Mais la thèse de Goody est plus « mentaliste » : l’écriture a des implications dans le domaine de la pensée, elle influence les processus cognitifs et les modes de pensée.

28À l’hypothèse de la révolution scripturale, qui d’une certaine manière affirme la supériorité de l’écriture, s’est opposée l’herméneutique de l’oralité qui a émergé comme une sorte de dénonciation du meurtre de la prestation orale lors de sa transcription, lors de sa transition à l’écrit. Comment la signification est-elle produite et comprise par ceux qui participent à un acte de communication ? Au cours d’une ethnographie que l’on peut définir comme la description écrite des usages locaux, une déperdition importante se produit. En effet, même s’il est assez doué pour les langues, c’est souvent a posteriori et à partir d’une retranscription que l’anthropologue comprend ce qui s’est vraiment dit lors d’une situation où ce qui s’est dit ne l’a pas été pour être écrit. Il y a là un problème épistémologique sérieux et riche en contradictions. C’est grâce aux écrits de Platon que nous connaissons les objections orales que Socrate formulait contre l’écriture15. Walter Ong fait un parallèle très amusant entre la condamnation de l’écriture formulée par Platon et l’actuelle condamnation de l’informatique par les humanistes qui la considèrent comme une machinerie anonyme opposée au vrai savoir. Pour Platon, la machinerie anonyme, c’était l’écriture16.

29Dans le film, l’opposition des cultures incarnées par Arseniev et Dersou ne porte pas tant sur l’écrit et l’oral (car Dersou est seul de son monde), mais entre la lecture du monde à travers l’écrit, une lecture médiatisée par l’écrit, et une lecture directe du monde. Dersou interprète les signes du monde en fonction d’une culture orale entièrement dépendante de la mémoire individuelle, donc de son corps propre, tandis que le géographe ne cesse de se référer à ce qu’il a appris dans les livres. C’est en somme l’opposition proposée par Claude Lévi-Strauss entre « science du concret » et « science de l’abstrait17 ».

La théorie de l’espace

30Dans ce film d’autant plus admirable qu’il est, paraît-il, aussi nippo-russe qu’il est russo-japonais (les Russes l’ont trouvé assez russe), le spectateur vit intensément, en se projetant dans l’un ou l’autre des personnages, la difficulté de lecture du monde de l’autre.

« L’espace de l’anthropologie, explique Marc Augé, est nécessairement historique puisqu’il est précisément un espace investi par des groupes humains, autrement dit un espace symbolisé. Cette symbolisation, qui est le fait de toutes les cultures humaines, vise à rendre lisible à tous ceux qui fréquentent le même espace un certain nombre de schèmes organisateurs, de repères idéologiques et intellectuels qui ordonnent le social. Ces trois thèmes sont l’identité, la relation et précisément l’histoire18. »

31Dans son analyse de Dersou Ouzala, parue dans les Cahiers du cinéma et republiée dans La Rampe, Serge Daney, qui est un critique de cinéma et non un anthropologue, place de manière très remarquable la discussion sur le plan optique : « L’œil du géographe, écrit-il, voit large mais l’œil du chasseur voit juste19. » En effet, Arseniev regarde moins le paysage qu’il ne le confronte avec le tracé de sa carte.

32La structure d’un récit de rencontre peut se comparer à un jeu. Un jeu engendre le plus souvent de l’asymétrie, puisqu’il y a un vainqueur et un vaincu. Mais dans Dersou Ouzala, le récit ne repose pas sur ce principe. Au delà de leurs différences, les deux héros ont découvert l’universel sous forme d’un sentiment qui les unit. Un sentiment difficile à définir fait de respect et – le mot n’est pas trop fort – d’amour. Malgré leur sincérité, les deux hommes ne peuvent véritablement se trouver, car ils ne vivent ni dans le même espace ni dans la même temporalité. Ils sont dans un autre chronotope, dans une autre représentation du monde. Sans l’avoir théorisé, Kurosawa semble très sensible à ce thème des espaces symbolisés, qui était déjà présent dans son film précédent, Dodeskaden. Dans une scène magnifique, un enfant un peu particulier, conduisant sa locomotive imaginaire, renverse un peintre amateur qui a posé son chevalet sur les rails invisibles, pour peindre un bidonville, qu’il est le seul à voir comme une œuvre d’art. Là aussi, les deux personnages se situaient dans deux espaces imaginaires différents. Jusqu’au bout, Arseniev pense qu’il suffit de combler le vide spatial qui le sépare de Dersou pour les rapprocher, mais celui-ci, sitôt transplanté dans l’espace d’Arseniev, perd ses marques et, déterritorialisé, dépérit.

33En même temps, cet échec ne plaide pas pour une fermeture des deux mondes sur eux-mêmes, car de ce difficile réglage de la distance résulte un récit, celui d’Arseniev, repris par Kurosawa. Des auteurs aussi divers que Lévi-Strauss, Foucault et Bakhtine ont réfléchi sur ce problème de la distance. Lévi-Strauss parle de regard éloigné. Foucault distingue l’hétérotopie de l’utopisme, car dans l’hétérotopie, le cadre de la pensée est ailleurs. Michael Bakhtine introduit la notion d’exotopie : une vie trouve son sens seulement si elle est vue de l’extérieur, comme un tout ; elle doit être entièrement englobée dans l’horizon de quelqu’un d’autre ; et pour un personnage, ce quelqu’un d’autre est, bien entendu, l’auteur.

Le cru et le cuit du cinéma

34Le génie de Kurosawa, qui repose largement dans ce film sur son talent à filmer la nature, consiste à suggérer que c’est la nature elle-même qui commande le mouvement du film. Les films de Kurosawa, en général, sont d’autant plus forts, sur le plan dramatique, que le destin des individus semble pris dans les mouvements cosmologiques et le déchaînement des éléments. Pour le spectateur, la suspension de l’incroyance fonctionne totalement, car ce qui se passe semble imposé par la nature. Même dans le cas d’un film plus théâtral, comme Rashomon, la fluidité et l’énergie du montage masquent le caractère très préparé du cinéma de Kurosawa. Ce caractère, le réalisateur, qui n’a jamais caché son goût pour le travail en studio, l’assume pleinement. Son art consiste à cacher sous une énergie cosmique sa fabrication. Ce n’est pas pour rien que dans nombre de ses films, un typhon ou une tempête intervient comme un climax particulièrement convaincant. On a dit que Dersou Ouzala était un grand film classique, qui ne donne au spectateur aucun indice l’invitant à s’interroger sur le projet filmique, sur le film en train de se faire. Ce n’est pas tout à fait juste, même si cela peut être l’effet qu’il produit. Il suffit de considérer sa structure temporelle, que résume bien Hubert Niogret :

« Dersou Ouzala enchâsse dans un cadre au présent un retour en arrière composé de deux grands morceaux enchaînés l’un à l’autre par une intervention en voix off (la première rencontre de Arseniev et de Dersou Ouzala en 1901, la seconde en 1907). Le troisième registre temporel du film, au présent, dans lequel Arseniev identifie la dépouille mortelle du vieux chasseur, est restreint à l’épilogue20. »

35Dans l’art de faire des films, intervient une rhétorique de l’image, qui révèle une tension commune à tous les genres cinématographiques. Davantage que les mots, les images filmiques sont des choses pourvues de qualités physiques, matérielles, presque charnelles. Elles ne sont jamais uniquement des signes, même si le réalisateur veut les utiliser comme telles. Il y a donc une tension entre l’utilitarisme, qui invite à instrumentaliser l’image (pour les besoins d’un récit, par exemple) et l’esthétisme, c’est-à-dire le respect de l’image en tant qu’elle est dense ou ténue, granuleuse ou lisse, jaune ou rouge, violente, froide ou chaude, ferme ou fragile, bornée ou infinie. Les images sont des choses capables de résister aux impositions de sens et le génie de Kurosawa consiste à faire passer des états d’âme dans des paysages, du déchaînement des éléments au reflet sur une lame de hache, du miroitement de la lumière sur les feuilles à la confusion des corps et du décor. Dans Rashomon, lorsque le bandit fait la sieste dans la forêt, couché sur un rocher à l’ombre trompeuse des arbres, son corps fait partie du paysage et cet homme (Mifune) à quelque chose d’animal, il fait partie de la nature et non de la culture, laquelle sera bientôt symbolisée par l’arrivée d’un élégant attelage. Quelques critiques minimalistes ont critiqué le côté « belles images » du film et sa musique moins décalée que dans ses autres films, mais la beauté plastique du film est indéniable. Il n’a rien d’un film de commande : Kurosawa avait adoré le livre d’Arseniev alors qu’il n’était encore qu’assistant, pendant la guerre. Très tôt, notamment à la lecture d’écrivains russes comme Tourgueniev, il s’est montré sensible aux beautés de la nature21. Par ailleurs, sa première vocation était la peinture et en regardant le film, le spectateur ne peut manquer de penser à des tableaux de grands maîtres. Peut-être Kurosawa a-t-il tant de talent que le spectateur, captivé, ne cherche pas trop à décrypter les structures mises en jeu. Sans doute, les oppositions signifiantes lui échappent-ils, mais on peut imaginer qu’elles n’en exercent pas moins leur effet. Le mythe de Dersou tel qu’il est conté par Arseniev semble se situer du côté du donné plutôt que de celui du construit ou de l’exercice théorique. Livre et film ne démystifient rien, ils enchantent, comme si l’histoire sortait des éléments naturels eux-mêmes. Pour Kurosawa, la nature, comme réalité sensible, n’est pas un simple donné, il la saisit d’une certaine manière, il l’organise, la transforme en œuvre, l’ouvrage, et magnifie sa force. Sans avoir l’air d’y toucher, il la cultive, la culturalise en lui donnant une forme recevable par un public. Et ce public marche, bien qu’il reçoive, en début de film, une invitation à entrer dans l’histoire, qui s’exprime presque sur le mode « il était une fois ». Si, à travers Dersou Ouzala, Kurosawa lance une critique acerbe contre l’urbanisation qui saccage la nature (dans la première séquence, des hommes défrichent la forêt pour construire une ville), le film prend une allure quasi religieuse, en prêtant foi aux esprits de la nature : Dersou comprend que sa fin est proche lorsqu’il blesse un tigre, animal sacré. Sa vieillesse qu’il considère désormais comme une malédiction l’empêche alors de survivre.

Notes de bas de page

1 Ce film qui en 1951 remporta le Lion d’Or à Venise et l’Oscar du meilleur film étranger aux États-Unis, valut la consécration sur le plan international, non seulement au réalisateur, mais au cinéma japonais dans son ensemble.

2 Akira Kurosawa, Comme une autobiographie, Paris, 1995, Petite Bibliothèque des Cahiers du cinéma, pp. 255-264.

3 Akira Kurosawa, op. cit., pp. 214-215.

4 Voir à ce sujet, Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Paris, Plon, 1955, p. 398.

5 Voir à ce sujet, la remarquable séquence où N!ai, une femme Kung filmée épisodiquement pendant une trentaine d’années par John Marshall, est confrontée à la jalousie de membres de sa communauté. N!ai, The Story of a !Kung Woman, Marshall, John, 1979, 16 mm, Couleur, 59 minutes, Distributeur : DER, USA.

6 Voir Jean-Loup Amselle, (dir.), Le Sauvage à la mode, Paris, Le Sycomore, 1978.

7 Johannes Fabian, Time and The Other : How Anthropology Makes its Object, New York : Columbia University Press, 1983.

8 Robert Jaulin, La Paix blanche. Introduction à l’ethnocide. Paris, Le Seuil, Combats, 1970.

9 Edgar Morin, Le Paradigme perdu : la nature humaine. Paris, Seuil, 1973.

10 Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe – Capitalisme et schizophrénie. Paris, Éditions de Minuit, 1972, (coll. « Critique »).

11 Boris Wiseman, « Claude Lévi-Strauss, Chiasmus and the Ethnographic Journey ». Arachnofiles, Issue 2., DELC Editor, University of Edinburgh, 2001. Boris Wiseman and Judy Groves, Introducing Levi-Strauss and Structural Anthropology. U. K. Icon Books, 2000.

12 Voir Claude Lévi-Strauss ,Les Mythologiques, quatre volumes, Paris, Plon, 1964-71. Vol. III : L’Origine des manières de table, 1968, p. 158.

13 On pourrait très facilement dans de nombreux domaines, à commencer par la politique internationale, trouver des illustrations de ce principe.

14 Goody Jack, The Domestication of The Savage Mind. Cambridge (Eng.) ; New York : Cambridge University Press, 1977, trad. fr. La Raison graphique. La Domestication de la pensée sauvage, Paris, éd. de Minuit, 1980.

15 Platon, Les Lettres de Platon, trad. de L. Brisson, Paris, Garnier Flammarion, 1987.

16 W. Ong, Orality and Literacy : The Technologizing of the Word (London and New York : Routledge), 1982, pp. 79-83 ; C. Jan Swearingen, « Oral Hermeneutics during the Transition to Literacy : The Contemporary Debate. » Cultural Anthropology, 1986, 1(2) : pp. 138-156.

17 Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.

18 Marc Augé, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Le Seuil, 1994, p. 14.

19 Serge Daney, La Rampe, Cahier critique 1970-1982, Paris, Gallimard, 1983, p. 102.

20 Hubert Niogret, Kurosawa, Paris, Rivages/cinéma, 1995, p. 79.

21 Akira Kurosawa, Comme une autobiographie, Paris, 1995, Petite Bibliothèque des Cahiers du cinéma, 1995, p. 88.

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