Les Travaux d’Hercule d’Antoine Duhamel
p. 245-262
Texte intégral
1Qui connaît les œuvres lyriques d’Antoine Duhamel ? Les éditions discographiques ou les quelques ouvrages consacrés au compositeur envisagent essentiellement l’aspect cinématographique de son œuvre1, tels que son emblématique Pierrot Le Fou2, ses collaborations avec Tavernier, Truffaut, Trueba… et le générique d’un Belphégor3 qui en son temps marqua l’histoire de la télévision. S’il évoque le cinéma avec passion dans ses conversations avec Stéphane Lerouge4, son œuvre ne saurait cependant être réduite à cette seule facette. Il s’agit ici de combler en partie un oubli en s’arrêtant sur ce qui demeure l’un des aspects majeurs de l’œuvre de Duhamel : l’opéra.
2Cependant, plutôt que de survoler l’ensemble des productions qui, de l’aube des années 1970 à la fin des années 1980, l’occupèrent durant une vingtaine d’autres et qui, de Lundi, Monsieur vous serez riche5 à 93, restent pourtant dans l’ombre, le propos sera concentré sur Les Travaux d’Hercule. Fruit de la collaboration étroite d’une véritable équipe, ce projet singulier demeure un modèle du genre : Duhamel compose cet opéra au moment où, dans sa carrière, il décide de se consacrer à la pédagogie en prenant en charge l’ouverture de l’école de musique de Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon. Cette concomitance entre projet artistique et pédagogique permet à Duhamel de tester en direct ses idées en animant des ateliers pour les enfants et s’investissant dans tout le processus de création avec eux.
3Nous explorerons en premier lieu la genèse de l’œuvre : en nous appuyant sur des sources parfois inédites provenant soit des archives de l’Opéra national de Lyon, soit de celles des divers protagonistes, nous remonterons le fil du processus créateur, expliquant les buts recherchés, les divers obstacles, les réussites et les renoncements. Puis nous tenterons de décrypter le style duhamelien à travers l’analyse de son écriture thématique qui apparaît comme le ferment de l’unité, de la cohérence d’une œuvre conçue comme un patchwork.
Opéra pour enfants ou opéra par les enfants ?
4Le projet artistique des Travaux d’Hercule est tout à fait original. Véritable œuvre à trois têtes6, la pièce est en fait un opéra composé à la fois pour les enfants et joué par les enfants : nombre de productions de l’Opéra national de Lyon adoptent ce principe d’intégrer des scolaires au cœur même de l’action puisque Les Travaux d’Hercule n’est pas destiné à des jeunes musiciens, mais doit être interprété par des collégiens et des écoliers issus de n’importe quelle école. Ce choix pédagogique préfigure des projets qui créeront un véritable répertoire d’œuvres destinées non seulement au jeune public mais à être également interprétées par ce jeune public7, comme le répertoire des Mômeludies8.
5Pour s’adresser aux enfants, il fallait impérativement trouver un sujet qui leur parle et donne lieu à plusieurs niveaux de lecture. La légende d’Hercule s’impose à Duhamel naturellement :
« La légende du demi-dieu grec est, plus ou moins vaguement, dans toutes les mémoires. La série de ses travaux est riche en péripéties, en images fabuleuses, en épisodes parfois comiques ou tragiques. À la fois une bande dessinée et l’un de ses mythes éternels par lesquels l’humanité dans son ensemble cherche à se comprendre et à se raconter.
Une connaissance suffisante des innombrables grandes légendes donne le sentiment qu’elles nous racontent toujours une même et unique histoire. Rien d’étonnant car l’homme est un, quelles que soient ses facettes à travers la planète, les temps, les civilisations.
C’est toujours d’un héros avant l’Histoire qu’il s’agit, dont la grandeur des actes tient du divin, alors même qu’il reste homme, lié aux fragilités de notre condition.
Il est lié de façon cosmique à tout ce qui nous entoure : les animaux, réels ou monstrueux, les forces naturelles et météorologiques, l’espace géographique et céleste, la terre, le ciel, le feu, l’eau et ce qui est au-delà – plus loin, au-dessus, en dessous.
Il y applique, face à ces problèmes, tout l’acquis que représente le savoir et ses techniques, son rôle étant le plus souvent d’apporter, à de nouveaux problèmes, des solutions neuves. Expérience créative !
Il est en butte à des forces hostiles, mais il connaît des alliés précieux. Bien souvent, quelque souverain débile ou méchant lui imposera des lois et des devoirs absurdes. Des ancêtres, des puissances tour à tour maléfiques ou bénéfiques pèseront lourdement sur les événements de sa vie.
Et si père et mère, maître, ami ou adversaire marqueront les points cardinaux de son univers mental, sa vie restera tendue vers l’espoir de la femme promise, avec les bonheurs ou les pièges qu’elle peut représenter.
Ces constantes nous apparaissent dans Hercule, et c’est d’elles que nous avons rêvé de parler, pensant, à travers le héros grec, à tout ce qui le rapproche de tant d’autres, babyloniens ou bantous, égyptiens ou japonais, chrétiens ou arabes, grecs ou amazoniens, bibliques ou païens, de haute littérature ou d’ethnologie9. »
6Héros universel, le choix d’Hercule aurait pu donner lieu à l’écriture d’une œuvre aux objectifs philosophiques, une réflexion sur l’humain et le divin destinée à un public averti et cultivé. Or Duhamel dirige cette réflexion vers un public d’enfants, jeune public qui trouve ainsi matière à penser, grâce à un travail pédagogique réalisé en amont, tout en participant à une œuvre ludique, mêlant à la fois le rire, la tristesse, la peur, la couardise même mais aussi le courage.
7Duhamel insiste sur le fait qu’il ne s’est pas contenté de retranscrire les douze travaux : y figurent les différents épisodes bien connus, l’Hydre de Lerne côtoie le Lion de Némée, le Sanglier d’Erymanthe ou les Bœufs de Geryon. Mais Duhamel insiste aussi, se référant à Euripide, sur la folie qui frappe Hercule. Il n’oublie pas que le demi-dieu a aussi ses faiblesses et rejoint ainsi une vision moins purement glorieuse ou édulcorée d’un personnage qui, tout au long de l’Antiquité, a vu sa représentation évoluer.
« Un trait a orienté sa légende, au cours d’une longue évolution, vers une croissante gravité. Condamné à la lutte depuis le moment de sa naissance, Héraclès est l’être le mieux fait pour symboliser la condition humaine dans sa misère et dans son indomptable espérance. Il est le héros souffrant. D’une part, un de ses Travaux est la conquête des pommes des Hespérides, premier gage de l’immortalité qu’il conquerra pleinement par le supplice du bûcher. […] Lorsque les chrétiens ont cherché dans les mythes des pressentiments de la révélation, ils ont fait d’Héraclès une image du Christ, un Sauveur qui triomphe des puissances infernales pour accomplir la volonté du Père10. »
8Finalement, les prétendus Dieux duhameliens se révèlent sinon des imposteurs du moins des acteurs tenant un rôle. Et lorsque le héros leur demande s’ils sont « vraiment des Dieux ? », Zeus répond : « Mais non, c’est la comédie du monde que nous avons donnée. Nous y avons joué les Dieux. Mais nous ne sommes que des saltimbanques11. » Mais sous l’imposture, se révèle la vraie nature du héros. Zeus poursuit : « Toi aussi, tu y as joué ton rôle. Mais ton rôle était d’être le héros. Pour nous montrer ce que peut être un homme12. » Tout, dès lors, costumes, décors, musique, scénographie et même lieu de diffusion se dirige vers ce but ultime : mettre en scène la comédie du monde.
« Partant d’un projet né entre Christine Marest et moi, qui plut à Louis Erlo, puis auquel Pierre Barrat vint s’associer, nous rêvâmes longtemps sur la légende dont nous voulions faire de ce spectacle pour jeune public, dans un lieu autre qu’une salle d’opéra, et que nous voulions utiliser d’une façon éclatée.
Nos entretiens sur la scénographie, les décors, la disposition de l’action autour des spectateurs eux-mêmes intégrés, appelés à jouer un rôle dans l’action, ordonnèrent peu à peu le récit. Je l’avais beaucoup retourné dans ma tête, enrichi de réflexions, et Pierre Barrat me fournit de précieuses orientations pour parvenir enfin à l’articuler en une succession logique, qui devait être brève.
De cette première continuité apparaissait un scénario qui satisfaisait à nos exigences communes, simplifiant, raccourcissant variant une histoire trop riche.
J’entrepris simultanément l’écriture du texte et celle de la musique, trouvant sans cesse chez Homère, Euripide, les poètes grecs, ou dans mon propre fond, les mots dont j’avais besoin13. »
9La mise en place d’un tel projet se heurte nécessairement à quelques difficultés, quelques ajustements : gérer des enfants au sein d’un spectacle n’est pas aisé. Les souvenirs de Christine Marest, costumière et décoratrice du projet, témoignent de ce long cheminement :
« L’option de ne pas faire le spectacle dans une salle à l’italienne (l’Opéra de Lyon) a été dès le départ pour Antoine Duhamel et moi-même la condition qui nous permettait de faire participer les enfants.
L’absence d’espaces vides en location nous a fait accepter le chapiteau.
À l’ébauche de la conception des “Travaux”, je rêvais d’un espace ludique qui aurait pu servir à l’acteur-chanteur-danseur-acrobate comme aux enfants. Un espace foire-cirque-train fantôme-bande dessinée, etc.
Antoine a commencé à écrire le synopsis. Parallèlement, je concrétisais mon travail :
Le premier projet concernait l’organisation du chapiteau avec la piste centrale et les gradins ; cependant sur les gradins la “montagne” occupait une place importante ainsi que des scénettes éclatées au milieu des enfants. La notion des “voyages d’Hercule” gigantesques pour l’époque me paraissait importante à exprimer.
Pierre Barrat venait de se joindre à nous ; cet espace lui convenait peu. Il aurait préféré un grand tréteau vide et frontal. Son expérience de la participation des enfants le rendait plus réaliste que nous qui rêvions de déplacements importants en même temps que participation vocale et musicale. L’ouvrage s’ébauchait lentement, il y avait encore beaucoup de “tunnels” !
Nos travaux réagissaient les uns sur les autres.
Je ne pouvais me résoudre à la frontalité14. »
10Jusqu’au bout, l’une des difficultés semble avoir été la gestion des déplacements des enfants au cours du spectacle.
« Nous sommes arrivés à préciser les déplacements des enfants qui nous paraissaient faisables. De ce fait nous devions supprimer les gradins. Tout était remis en question.
J’ai envisagé un moment qu’une série de rideaux aurait permis aux enfants de suivre chaque “travail” d’Hercule successivement et qu’en même temps l’espace, le monde, la compréhension devenaient plus vastes. On a vite écarté cette idée. La montagne devenait de plus en plus le centre du monde.
Tout partait de là.
Alors pourquoi ne pas la mettre au centre de cet espace rond comme la terre qu’est le chapiteau ?
Et pourquoi tout autour ne seraient pas les lieux des travaux que les enfants découvriraient au fur et à mesure ?
Mais combien d’enfants de tailles différentes, peu disciplinés auraient vu le spectacle ?
Et si l’on déplaçait la montagne sur la périphérie et que les enfants s’asseyent au centre sur la piste où le jeu se ferait aussi ? À la périphérie les lieux d’Hercule seraient dévoilés par les rideaux.
Deux déplacements ont survécu encore : le passage dans le labyrinthe (abandonné au cours des répétitions pour des problèmes de durée) et le passage de la mer.
Après deux représentations, il a fallu se rendre à l’évidence, la récréation était bien difficile à contrôler.
Voici donc comment du rêve à la réalité sont nés les “Travaux d’Hercule”15. »
11La partition éditée par Mario Bois16 conserve un schéma de ce que devait être l’espace scénique prévu pour la création (ill. 1). On y remarque les différents lieux où se déroulent les divers moments de l’action, le public, intégré dans le corps même du spectacle et ces trois groupes, verts, bleus et rouges, représentants les trois groupes d’enfants préparés pour intervenir dans le déroulement de l’action.
12Dans un texte d’intention au sujet de la méthodologie de travail à mettre en œuvre pour Les Travaux d’Hercule, Duhamel définit le prototype des interventions en milieu scolaire telles qu’elles se déroulent encore. Même les préparations consacrées à des spectacles auxquels les enfants ne participent pas en tant qu’acteurs proposent aujourd’hui le même schéma.
« Dans nos représentations, environ trois classes (CM1, CM2, 6e, 5e [sic]) étaient préparées pour intervenir et participer avec des tâches précises au déroulement du spectacle.
Connaissant l’histoire, la structure de cette représentation, mais n’ayant jamais la possibilité de participer à des répétitions, elles devaient servir de médiateur entre d’autres jeunes spectateurs non préparés et un spectacle très organisé dont elles devaient aussi être bénéficiaires.
Ces spectateurs privilégiés se devaient d’être, même simplement, un peu costumés, masqués et maquillés ; ils étaient munis de quelques instruments simples, si possible fabriqués par eux :
- les verts : bois frappés (wood blocks, claves)
- les bleus : sonnailles (grelots, clochettes, sistres)
- les rouges : flûtes à bec (ou flûtes de Pan avec fa# et si)
La préparation comprenait : une formation préalable (éveil musical), une information sur le sujet et la forme du spectacle (traduite souvent par des dessins), le travail des chants, certaines interventions rythmiques, des interventions sur le texte, des réactions organisées ou spontanées, la participation à certaines ambiances sonores17. »
13Plusieurs classes ont participé au projet ainsi qu’à l’enregistrement de l’œuvre18. Leur formatrice, Geneviève Lièvre précise :
« Il ne s’agit pas de transformer de jeunes spectateurs en chanteurs ou comédiens mais, en amont du spectacle de leur permettre une écoute active et une ouverture sur des domaines dits réservés, en aval du spectacle de donner aux enseignants qui les côtoient des idées d’éveil gestuel, vocal, rythmique à la portée d’un établissement non spécialisé, et de faire comprendre que la musique est multiple, la façon et le plaisir de la faire, de l’écouter également.
Dans la production (juin 1981 : création – avril 1982 : reprise) de l’Opéra de Lyon, chaque représentation comportait 3 classes préparées, chaque groupe de 3 classes assurant 2 ou 3 spectacles. La préparation, étendue sur un trimestre, s’est faite à un rythme qui permet aux enseignants de prendre le relais entre les différentes interventions dans les établissements scolaires :
III. Apprentissage des chants (mais il n’y a pas qu’une façon de chanter et les pratiques des cours de récréation – dérision, moquerie, emphase, sont bonnes à prendre même à l’opéra).
IV. Travail rythmique (on découvre avec étonnement qu’il faut y préparer tout le corps et que l’entraînement préalable ressemble à celui du sport).
V. Confection des masques (des oiseaux, mais qu’ils soient méchants !).
VI. Fabrication d’instruments élémentaires – claves, sistres, flûtes de Pan – (le système D règne, l’économie et aussi la récupération, mais l’oreille fait vite la différence entre le “n’importe quoi” et le “ qui sonne”).
En fin de parcours, comédien et percussionniste viennent stimuler les derniers efforts et faire prendre la mesure entre une “préparation” et un “ métier”.
Les classes préparées n’assistent pas aux répétitions et découvrent le spectacle global en même temps que le reste du public qui, à son tour se trouve souvent poussé à intervenir, l’incitation venant de jeunes de son âge plutôt que d’une autorité adulte. Et la préparation n’a rien défloré de la découverte : la prégnance de l’événement théâtral est telle que l’on oublie parfois son rôle “d’initié”19. »
L’écriture musicale : un fouillis d’influences maîtrisées
14Antoine Duhamel revient à son tour sur le projet :
« [La musique] s’organise en rapport étroit avec l’histoire et l’ensemble des musiciens et acteurs.
Les dieux, les forces qui entourent Hercule, sont représentés par 6 chanteurs. À la fois l’équipe d’un cirque (car nous sommes sous un chapiteau) et Zeus (Loyal-Zeus), Hermès, Eurysthée (Géryon), Héra, Athéna, Alcmène. Un sextuor vocal, avec tout ce qui peut se faire comme ensembles, trios, duos, et solos.
Les 8 musiciens jouent la musique, mais en s’intégrant physiquement à l’action, comme ces musiciens qui soutiennent le jeu des conteurs et des bateleurs dans les anciennes foires.
Hercule, seul contre tous, est comédien et acrobate.
Six danseurs représentent tous les protagonistes – hommes ou animaux.
Des groupes d’enfants préparés en vue du spectacle sont en quelque sorte le chœur antique ; médiateurs entre les acteurs et les spectateurs, ils connaissent l’histoire, la commentent et la soutiennent, intervenant vocalement, rythmiquement, scéniquement.
La composition musicale s’articule sur des contrastes précis d’un épisode à l’autre : formation vocale et instrumentale chaque fois renouvelée ; contraste chant parlé/jeu instrumental ; styles opposés, du style sérieux au cirque, de l’archaïsme au rock, de la composition rigoureuse aux improvisations collectives20. »
15Musique de contrastes, les « zones d’influence » sont cependant clairement perceptibles d’une séquence à l’autre. D’un point de vue général, on pense, avec ces Travaux, au Ravel de L’Enfant et les Sortilèges. De nombreux points communs lient les deux œuvres, à commencer par leur aspect composite : elles regardent dans différentes directions et jouent, comme le souligne Duhamel, de « styles opposés ». Se mêlent ainsi le cirque21, le jazz, le rock22 avec le même traitement sur des pédales ou cellules récurrentes, un traitement similaire de la voix, la musique « sérieuse », selon Duhamel, l’acousmatique (quoique son usage soit ici modéré) et, enfin, cheval de bataille du Duhamel des années 1970, l’improvisation collective. L’écriture thématique crée l’unité de l’ensemble, usant de motifs simples, de récurrences au sein d’une écriture harmonique puisant également dans une multiplicité de styles. D’un point de vue formel, Duhamel présente son intrigue en seize tableaux précédés d’une parade23, le premier tableau faisant également office de prologue. Chaque tableau se subdivise ensuite en « scènes » ou « numéros », signalés par une lettre (1A, 1B…) :
1er tableau : « Prologue »
2e tableau : « La cour d’Eurysthée, le premier des travaux : Le Lion de Némée »
3e tableau : « L’Hydre de Lerne »
4e tableau : « 1re apparition de la Biche »
5e tableau : « Le sanglier d’ Erymanthe »
6e tableau : « La Fête des Fous »
7e tableau : « Les Oiseaux de Stymphale »
8e tableau : « La Biche »
9e tableau : « Les bœufs de Geryon »
10e tableau : « Le Minotaure »
11e tableau : « Les Amazones »
12e tableau : « Les écuries d’Augias »
13e tableau : « Le Jardin des Hespérides »
14e tableau : « Annonce de la prochaine épreuve : la capture de Cerbère »
15e tableau : « La descente aux enfers, la capture de Cerbère »
16e tableau : « Finale »
16Chaque partie adopte une structure propre suivant son style, savant ou populaire. Les chanteurs sont accompagnés par un ensemble instrumental de huit musiciens dont le chef d’orchestre. Chacun d’entre eux peut jouer de plusieurs instruments. Le chef, par exemple, joue de plusieurs percussions. Le flûtiste prend en charge non seulement les différentes flûtes (à bec, de la basse au sopranino, jazzo flûte – à coulisse – traversière et flûte de pan) mais aussi le serpent, le cromorne, le cornet à bouquin et même le saxophone alto. Le joueur de saxophone joue du soprano ou du ténor mais aussi de la clarinette (alto ou basse). Le trompettiste (qui joue du bugle et de la trompette en sib) joue également la deuxième flûte basse dans la scène de Géryon. S’ajoutent un contrebassiste et un claviériste auquel est confié un piano droit (punaisé) et un orgue électrique. Les percussions, nombreuses (batterie, tambour militaire, vibraphone, marimba, glockenspiel, grosse caisse de défilé avec cymbales – portable – dum-dum ou tambour africain, djembé, crotales suspendues accordées, cloches tubes, claves et maracas) sont assurées par deux musiciens. À cet ensemble s’ajoutent les instruments joués par les chanteurs acteurs. Ainsi Hera et Zeus jouent-ils d’un grand gong tandis qu’un gong portable est confié à Hera. Eurysthée joue d’un petit gong de boxe (celui servant à annoncer le début et la fin des rounds). On entend encore des trompes libres (tuyaux d’arrosage en plastique…) et des tubes sonores. L’ensemble instrumental est complété par la diffusion d’une bande sonore : les rugissements du Lion de Némée, de violents cris d’oiseaux, des bruits de taons ou de mouches et des cris sauvages. Cet ensemble disparate permet au compositeur de jouer avec les textures sonores. Maniable et modulable, la nomenclature choisie permet de s’adapter à la multiplicité des genres musicaux employés.
L’écriture vocale : entre théâtre et opéra
17L’éclectisme stylistique se retrouve dans le traitement des voix. Bien que son écriture se rapproche très souvent du théâtre musical – les rôles parlés abondent – Duhamel compose une œuvre lyrique et, en dehors des zones purement théâtrales construites sur des dialogues ou des monologues, on trouve profusion de duos, trios, ensembles et solos.
18Le chant de consolation entre Héra et Hermès est un duo24. Il est précédé par le trio des déesses (1E) et par un magnifique sextuor (1F, 3 déesses et 3 dieux) sans paroles. La brève complainte du Lion de Némée est introduite par un ensemble où se mêlent chant et parlé chanté en un style plus jazzy et débutant en unisson et octave (la cellule de l’entrée d’Héra à la 3e mesure réapparaît en de multiples endroits de la partition). Suit un premier air de Zeus Lion mi-chanté mi-parlé, ponctué à la fin par cette même cellule mélodico-rythmique d’Hera et des déesses. Puis vient la « Complainte du Lion », soutenue par un chant bouche fermée des enfants et autres dieux. Il faut encore noter les nombreuses ponctuations vocales virtuoses chantées – rappelant encore Ravel et l’épisode du feu – par l’un ou l’autre des personnages, surtout féminins.
19Nous pourrions, au fil de la partition, multiplier les exemples d’airs et d’ensembles confiés aux voix et dont l’écriture est dans la plus pure tradition lyrique. Mais, usant d’un ensemble instrumental à la nomenclature originale, Duhamel n’oublie pas les instrumentistes et en particulier le saxophone auquel il confie un long solo, symbolisant en fait un personnage muet : la Biche de Cerynie, « image de la femme rêvée et toujours recherchée », ou encore le rôle confié au bugle introduisant le combat avec le Lion.
L’écriture thématique
20Duhamel unifie Les Travaux d’Hercule par le retour d’éléments thématiques clairement identifiables que l’on ne peut pourtant pas comparer à des Leitmotive : leur récurrence ne signifie pas systématiquement le retour d’une action ou d’un personnage précis. En outre, des unités stylistiques entre différents motifs rendent aisée la mémorisation d’un certain nombre de thèmes. Liés à la présence d’enfants non musiciens, les motifs qu’il nous faut souligner en premier lieu sont ceux que nous nommons les « comptines », autrement dit, tous les éléments thématiques destinés à être chantés par les enfants.
21D’une écriture simple, rappelant souvent par leur caractère diatonique les refrains imités de rengaines enfantines ou de comptines, ils conviennent à des chanteurs non lecteurs et non-musiciens, usant parfois simultanément de petites percussions comme dans le motif du sanglier. Le second motif de la « Parade », d’abord présenté uniquement aux instruments, et qui ouvre l’enregistrement, est le premier chant de ce type entonné par les enfants.
22La simplicité d’écriture de la ligne mélodique, permet à Duhamel d’en faire de multiples usages. Il est notamment repris dans le prologue lorsque Zeus Lion annonce la naissance d’Eraklès (Hercule) (1B) puis lorsque Eurysthée veut nier l’exploit réalisé par Hercule vainqueur du Lion de Némée25. Il est encore transformé en « chant de marins » lorsque Hercule rejoint les Amazones (10F).
23L’écriture s’adapte ici au genre et se fait plus sobre : accompagnement en alternance d’accords parfaits de tonique et dominante.
24Le second motif de la parade est encore dans le prologue. Il proclame d’abord qu’Eurysthée est un grand héros. Son caractère rappelle les rengaines moqueuses des cours de récréation.
25Nous appelons le troisième « comptine du sanglier ».
26Sa répétition à quatre reprises permet à Duhamel de créer un jeu d’accumulation thématique remarquable avec d’abord l’intervention d’Alcmène puis celle d’Athéna – sans paroles – et enfin Zeus, en homorythmie avec Alcmène.
27Enfin, la dernière comptine sert pour la descente aux enfers, pour la remontée sur terre et pour le final :
28Quelques motifs, bien que non chantés par les enfants, entrent aussi dans cette catégorie des comptines, comme ce court motif chanté par Eurysthée, proche de « dodo l’enfant do » :
29L’exemple 1 puis le chant de marins montrent que les récurrences thématiques sont un élément de cohérence essentiel dans les Travaux. Dès le début de l’action, le thème initial de la Parade est déjà un motif dont la récurrence sera très clairement perceptible, sa cellule initiale revenant souvent au cours de l’œuvre (voir ex. 7).
30De même, le « chant de consolation26 » se retrouve dans l’interlude à la « mi-temps » des travaux (7C).
31De la complainte du Lion, Duhamel extrait un motif mélodique qu’il réutilise lors de la victoire sur l’Hydre27 ou lors de l’épisode des oiseaux28. L’appel de trompette entendu lorsque Zeus-Loyal annonce « vous allez voir un grand héros29 ! » se retrouve très légèrement déformé à la trompette puis à la jazzo-flûte sous « pourquoi Zeus lui-même a-t-il été trompé30 ? ». Il réapparaît à la fin de l’épisode du Lion et lors de « la Tauromachie31 ». Ainsi, les cellules mélodiques, thèmes et autres motifs créent la cohérence de l’ensemble, unifiant cette œuvre dense, au-delà de la multiplicité des styles qu’elle convoque.
32Créés sous chapiteau dans le cadre du 36e Festival international de la ville de Lyon et du Congrès mondial des assemblées internationales du Théâtre pour l’enfance et la jeunesse en juin 1981, Les Travaux d’Hercule connaissent un succès immédiat. Le rôle d’Hercule est confié à Jean-Louis Robert, tandis que François Le Roux joue Eurysthée et que Colette Alliot-Lugaz en alternance avec Monique Pouradier-Duteil, tient celui d’Athéna. La presse reconnaît une œuvre majeure :
« Cela se passe sous un chapiteau, comme un spectacle de cirque […]. On a vite compris que cet étrange théâtre est un lieu magique où un piano, une trompette, une flûte ne sont plus tout à fait piano, trompette, flûte. Tout est d’ailleurs plus ou moins piégé : pas un montant, pas une rampe où ne soit dissimulé quelque instrument inattendu […]. Dans ce beau magasin d’accessoires, évoluent des personnages aux costumes merveilleux […].
Ce qui fait vivre tout cela, c’est un véritable opéra, inspiré pour l’argument des exploits du demi-dieu antique, et réunissant avec cette grâce de l’imprévisible qui caractérise toutes les œuvres de Duhamel, le jazz et le bel canto, le carillon populaire et les rythmes de danses modernes, les chœurs et les ensembles de toutes sortes, la mélopée sentimentale et l’incongruité d’un borborygme de saxophone32. »
33Et l’année suivante :
« On ne peut que se réjouir de ce retour, l’œuvre d’Antoine Duhamel apparaissant comme l’une des plus accomplies parmi les pièces du genre qu’il nous a été donné de voir. C’est qu’Antoine Duhamel, à la fois auteur de la musique et du texte (avec l’aide d’Euripide pour cette dernière partie…) a su trouver exactement le ton juste convenant à ce genre de spectacle. Il a su être à la fois discrètement didactique sans être pontifiant ; il a su être amusant sans tomber dans le genre “enfantin” ; il a su, surtout, situer le jeune spectateur à la place exacte qu’il convient de lui donner par rapport à l’œuvre et à son interprétation, ni trop en dehors (donc passif), ni trop en dedans (donc décalé par rapport à une théâtralité qu’adulte il se contentera le plus souvent de vivre “de la salle”)33. »
34Tandis que Le Progrès s’enthousiasme pour une musique « [qui] se faufile partout, s’amuse à être de circonstance, blues, tango ou jazz, à flirter avec le lyrisme emphatique et le bel canto, à se regarder dans un miroir, et à se trouver belle34 ». Cette réussite, quoique représentée deux années de suite à Lyon, n’a guère connu de reprise depuis – mais n’est-ce pas là l’un des drames de l’opéra contemporain ?
35Malgré tout, l’œuvre a droit aux honneurs de l’édition discographique. Une édition, tronquée de quelques pages de musique afin de rester dans les normes d’un album vinyle simple, paraît dans la collection « musique française d’aujourd’hui » du label Erato (Era 9248), après un enregistrement réalisé en mai 1982. On y retrouve Jean-Louis Robert et François Le Roux, Colette Alliot-Lugaz ; Monique Pouradier-Duteil cède la place à Michèle Lagrange pour le difficile rôle d’Athéna.
36Pièce importante, sans doute l’une de ses plus belles réussites en ce domaine, Les Travaux d’Hercule côtoient d’autres entreprises théâtrales de bonne facture, même si parfois elles sont, dans leur esthétique, marquées du sceau de leur époque35. L’Opéra des Oiseaux, d’après Aristophane (1971), première collaboration avec l’Opéra de Lyon, Ubu à l’Opéra monté à Avignon en 1974 dans une mise en scène de Georges Wilson avec Armande Altaï et Dave ; Gambara d’après Balzac (Lyon, 1978), œuvre la plus lyrique, 93 (d’après Hugo) créé à Lyon lors du bicentenaire de la Révolution – mais souffrant d’un livret faible – et, enfin, Le Transsibérien (d’après Cendrars, créé à Paris au théâtre des Bouffes du Nord en 1983), sont autant de bornes marquant quelques vingt années que le compositeur consacra à l’opéra.
37Des Travaux d’Hercule, Louis Erlo dit :
« [Œuvre] à la scène éclatée en multiples endroits d’un chapiteau, au milieu du public assis par terre, est un souvenir demeuré vivace chez les adultes que sont devenus les spectateurs dont certains avaient été préparés pour intervenir […]. Cependant le personnage que tous citent d’emblée, le sourire aux yeux, c’est le chef d’orchestre avec sa queue-de-pie trop longue concurrençant ses trop longs bras, ses efforts permanents pour maintenir la cohésion de musiciens peu coutumiers de la discipline d’un ensemble symphonique, chef qui marmonnait ou chantonnait toutes les répliques : Antoine Duhamel, compositeur de la catégorie-oxymore des inclassables – donc des indispensables36. »
38Compositeur inclassable, Duhamel s’est une dernière fois intéressé au théâtre en 1991. Il compose alors un opéra en un acte, en collaboration avec Fawzi Al Aiedy et sur un livret de Michel Beretti Les Aventures de Sindbad le marin. Créé à Colmar (La Manufacture) en février 1991. Il retrouve pour l’occasion Pierre Barrat. Il retourne ensuite au cinéma, entamant entre autres une carrière en Espagne. Son œuvre théâtrale, aussi éclectique qu’elle soit, est sans doute l’une des plus intéressantes qui ait été produite dans la deuxième moitié du XXe siècle. Certes, certains modes d’expression ont aujourd’hui fait long feu et, déjà, lassé de certains d’entre eux (comme l’improvisation en vogue dans les années 1970) Duhamel cherchait-il, dès Gambara à se tourner vers une musique plus « écrite », à se renouveler tout en conservant cette faculté de pouvoir passer sans coup férir d’un langage savant à un propos plus populaire. Sans doute l’expérience du cinéma fut-elle cruciale pour sa production lyrique mais il est certain que la proposition inverse est également vraie et que l’œuvre de Duhamel in fine forme un tout cohérent. Il n’empêche. À l’heure où nous écrivons ces lignes, son œuvre théâtrale reste encore à redécouvrir.
Notes de bas de page
1 L’Avant-scène Opéra a tout de même consacré l’un de ses numéros à Gambara : no 7A, hors série, collection « Opéra d’Aujourd’hui », 1995, 82 p.
2 Film de Jean-Luc Godard sorti en 1965.
3 Série télévisée réalisée par Claude Barma (1965).
4 Lerouge Stéphane, Conversations avec Antoine Duhamel, Paris, Éditions Textuel, 2007.
5 Livret de Remo Forlani, créé en 1969 à Lyon.
6 Si la musique et le texte sont signés du seul Duhamel, on ne peut négliger, dans la conception scénique, l’apport fondamental de Christine Marest (décors et costumes) et de Pierre Barrat (mise en scène).
7 Voir dans ce volume la contribution de Coralie Fayolle.
8 http://www.momeludies.com/, consulté en janvier 2015. Voir aussi, dans le même ordre d’idées, le répertoire pour le jeune public dirigé vers la création acousmatique : Les Acoustiludes 1, Lyon, Lugdivine, 2003, 36 p. + un CD.
9 Duhamel Antoine, Les Travaux d’Hercule, pochette du disque Erato ERA 9248 (1983). Le tapuscrit de ce texte est également conservé dans les archives de l’Opéra national de Lyon. Il m’a été communiqué par Geneviève Lièvre que je remercie ici.
10 Delcourt-Curvers Marie, « Introduction à La Folie d’Héraclès », Euripide, Tragédies complètes I, Paris, Gallimard, coll. « Folio Classique », 1962, p. 465.
11 Duhamel Antoine, livret des Travaux d’Hercule, disque Erato, p. 14.
12 Ibid. Nous soulignons.
13 Ibid., p. 15.
14 Marest Christine, sans titre, tapuscrit de deux pages daté du 20 août 1982, fonds de l’Opéra national de Lyon. Sans doute destiné au livret accompagnant l’édition discographique, il n’a – à ma connaissance – jamais été publié.
15 Ibid.
16 Duhamel Antoine, Les Travaux d’Hercule, partition chant et piano, éditions Mario Bois, Paris, s. d. Le texte d’introduction comprend 10 pages (numérotées de 1 à 10), le texte musical en lui-même reprend ensuite une numérotation de pages à partir de 1. Le schéma se trouve p. 5 du texte introductif. Reproduit, comme tous les exemples musicaux de cette contribution, avec l’aimable autorisation de l’éditeur.
17 Duhamel Antoine, Les Travaux d’Hercule, livret du disque ERATO, op. cit.
18 En l’occurrence une classe du collège Lacassagne (Lyon 3e), l’école municipale de musique de Villeurbanne et le collège Louis Armand de Villeurbanne. Les classes étaient préparées par Geneviève Lièvre (de l’Opéra) et Antoine Duhamel.
19 Lièvre Geneviève, « L’intéressement » du public dans les “Travaux d’Hercule”, tapuscrit d’une page, inédit, archives de Geneviève Lièvre.
20 Duhamel Antoine, Les Travaux d’Hercule, livret du disque ERATO, op. cit.
21 La parade initiale évoque L’Histoire du Soldat de Stravinsky.
22 L’épisode des bœufs de Geryon, s’il rappelle des litanies ou prières notamment tibétaines, évoque également, que cela soit conscient ou non, la section finale du « Little Red Robin Hood Hit the Road » de Robert Wyatt, sur l’album Rock Bottom de 1974 (Virgin records)
23 Dans l’unique version enregistrée de l’œuvre la parade initiale manque ainsi que d’autres sections qui ont été purement et simplement supprimées ; voir infra.
24 Duhamel Antoine, Les Travaux d’Hercule, partition éditée par Mario Bois, op. cit., p. 24.
25 Duhamel Antoine, Les Travaux d’Hercule, partition, op. cit., p. 36.
26 Duhamel Antoine, Les Travaux d’Hercule, partition, op. cit., chiffre 10, p. 24.
27 Ibid., p. 45.
28 Ibid., p. 60.
29 Ibid., chiffre 1.
30 Ibid., p. 5.
31 Ibid., p. 34 (Le Lion) et p. 75 (La Tauromachie).
32 Andriot Philippe, « L’Opéra de Lyon sous chapiteau », Le Journal Rhône-Alpes, 20 juin 1981.
33 Corneloup Gérard, « Quand l’Opéra de Lyon gâte les enfants », Le Journal Rhône-Alpes, 27 avril 1982. Nous remercions Monsieur Gérard Corneloup pour avoir mis à notre disposition l’ensemble de ses archives.
34 Quirot Odile, « Les Travaux d’Hercule, cirque opéra », Le Progrès, 23 juin 1981.
35 Un travail exhaustif sur l’œuvre lyrique de Duhamel est accompli : ne manque qu’un éditeur intéressé par le sujet.
36 Erlo Louis, « Préface », P. Gonin, Le Théâtre Lyrique d’Antoine Duhamel, inédit.
Auteur
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