Ville et clergé dans la traditionnelle entrée des évêques d’Orléans (xviie-xviiie siècles)
p. 245-266
Texte intégral
1L’entrée d’évêque est une oubliée de l’historiographie. Seul Michel Péronnet, citant le Pontifical romain de 1645 en dresse très brièvement la forme. Il mentionne que l’accueil du prélat doit se faire « par le clergé et la noblesse [et précise] qu’il va de la porte de la ville à la cathédrale sous un baldaquin porté par le premier magistrat de la ville »1. Pourtant, à Orléans, elle est présentée comme un événement majeur de la vie urbaine et une source de réjouissances générales. Elle donne lieu à la manifestation de trois privilèges que sont la procession dans son ensemble, le droit d’être porté par quatre barons sur une grande partie du parcours, et, surtout, le privilège de libérer tous les prisonniers détenus à Orléans.
2Le contraste entre le premier constat et la richesse de l’entrée semble donc pour le moins paradoxal. Cet état de fait même a motivé notre recherche ; curiosité accrue car d’autres entrées, et surtout les royales, sont, elles, parfaitement connues. La bibliographie fait ressortir pour ces dernières quatre caractéristiques principales de l’entrée cérémonielle.
3Premièrement, elle est un phénomène total. D’abord parce qu’elle est « révélatrice d’une combinaison rhétorique de gestes, de paroles et d’objets »2et qu’elle se trouve à la conjonction de circonstances événementielles données, d’un lieu et d’un temps3. Ces deux facteurs motivent donc une analyse globale.
4Ensuite, elle revêt un aspect festif évident qui a été analysé notamment par Yves-Marie Bercé qui parle à leur sujet de « parades sociales »4. Cependant si elles sont des fêtes, elles se rangent dans la catégorie des fêtes octroyées, que le peuple ne commande pas5. Il faut tenir compte de ces caractères.
5En troisième lieu, l’entrée reflète et, le plus souvent, revendique un enracinement dans la tradition à tous les niveaux. Sa constitution résulte donc d’une sédimentation dont le processus a été démontré par Bernard Guenée pour les entrées royales. Une fois définie, elle se développe par le renvoi à la coutume, référence absolue de l’entrée6.
6Enfin, elle porte une signification politique complexe (au double sens du mot politique) et évolutive. Pour la cité, elle donne à voir une hiérarchie et des rapports de pouvoir ; pour le roi ou le héros de l’entrée, elle est une illustration de la souveraineté ou du pouvoir, et de son évolution7. Elle est donc bien un rituel politique qui instaure un dialogue, plus ou moins cordial, entre les deux protagonistes.
7Compte tenu de ces préalables, l’entrée des évêques d’Orléans appelle deux niveaux d’analyse. Le premier réside dans une confrontation des structures de l’entrée épiscopale avec celle du roi. Malgré une différence de statut évidente et une dimension politique moindre pour la première, les deux organisations sont dans l’ensemble parallèles, à l’exception de l’importance du passage des portes de la ville. Le second comprend une réflexion sur la logique interne de l’entrée orléanaise, sur son organisation, sa signification et son évolution, marquée par son dépérissement en 1734. En effet, à cette date, l’entrée perd sens face à l’évolution politique du royaume, mais aussi à un certain détachement par rapport à une conception de la fête qui accordait une grande place au sacré ; deux facteurs qui sapent les fondements même de l’entrée.
8Loin de s’exclure réciproquement, ces deux questionnements doivent être menés simultanément pour permettre une prise en compte globale de l’entrée. Dans le but de saisir ces fonctionnements et cette rupture, nous nous attacherons aux xviie et xviiie siècles. Ce sont donc les entrées d’Alphonse d’Elbène en 1648, de Pierre du Cambout de Coislin en 1666, de Gaston-Louis Fleuriau d’Armenonville en 1707 et de Nicolas-Joseph de Paris en 1734 qui seront analysées.
9Plusieurs documents ont trait à ces cérémonies et en fournissent des approches diverses. En effet, le regard de ces textes marque le passage d’une vision religieuse à une vision plus historique. Par ces éléments méthodologiques, le corpus s’anime d’une dimension supplémentaire. Trois thèmes ressortent alors de sa lecture. Tout d’abord, l’aspect urbain et municipal de la fête qui définit une image hiérarchisée de la ville face à un évêque qui est à la fois seigneur justicier et incarnation des saints fondateurs. Ensuite, il permet la saisie du versant ecclésiastique où les aspects juridiques sont majeurs et font de l’entrée le cadre des rapports de force. Enfin, nombre de ces documents sont produits par la disparition de l’entrée que nous avons déjà mentionnée.
Les discours de l’entrée
10L’annonce de l’entrée suscite une floraison d’imprimés de genres divers. Faute des procès-verbaux notariés (détruits pour cette période), nous nous appuierons sur ces documents. Cependant, l’écart qui existe entre le livre et l’entrée, dû à la distorsion temporelle et à la soumission du lecteur à la position du narrateur, amène à réfléchir à la portée et à la validité de ces sources8.
Des documents multiples
11Par ordre d’importance et en croisant le ton et le temps de publication, nous pouvons distinguer trois catégories. D’une part les écrits destinés à remettre la cérémonie dans son contexte, ce que Christian Jouhaud appelle des « modes d’emploi »9, et qui se caractérisent par l’absence de noms, et un récit idéal qui donne lieu à des digressions historiques. D’autre part, les relations après coup qui abondent en détails. Enfin, les textes rhétoriques qui sont peu nombreux et qui consistent essentiellement en éloges.
12Cette catégorisation peut se doubler d’une autre si nous envisageons maintenant le but annoncé par ces textes dans leur titre et leur dédicace lorsqu’ils en possèdent. Nous ne parlons ici que des textes imprimés, ce qui exclut les deux relations postérieures à l’entrée. Nous aboutissons cette fois à une bipartition. D’un côté, nous avons de courts récits qui se limitent à des indications. Ce sont les plus nombreux et ils insistent dès leur titre sur les événements saillants que sont la procession et les privilèges. Citons le Récit véritable de toutes les cérémonies observées en la magnifique entrée de Messeigneurs les Evesques d’Orléans. Préparées pour celle que doit faire le 19 octobre Messire Pierre du Cambout de Coislin, evesque d’Orléans, dans lequel on apprendra l’ordre et la marche qu’il doit tenir, et les particularités et circonstances de la Procession qui s’y fait, où il est traitté du pouvoir qu’il a de délivrer les criminels qui se trouvent à son Entrée (Orléans, Pierre de Bresche, 1666) ou le Triomphe d’Orléans par celuy de la Magnifique Entrée de messire Louis Gaston Fleuriau d’Armenonville son Evesque et les circonstances de ce qui se passera de plus remarquable le 1er jour de mars 1707, tant en la délivrance des Criminels, que autres particularités très curieuses et agréables (Orléans, Paris et Jacob, 1707), exemples pris parmi d’autres.
13De l’autre côté, nous trouvons de réels traités voués à une remise en perspective historique en citant des documents de référence. Ce sont les trois travaux de Guyon, Dusaussay (deux auteurs ecclésiastiques) et du juriste Polluche10. Un même auteur peut jouer sur les deux tableaux. Ainsi, le Récit véritable ne cesse de renvoyer à Guyon, qui est sans doute l’auteur des deux textes, mais qui, symptomatiquement, n’a pas mis son nom sur le moins prestigieux.
14Il est tentant de voir, dans cette bipartition, une différence de réception entre public populaire et public lettré, ou tout du moins entre public curieux ponctuellement et pressé et public cultivé ; cela reste du domaine de l’hypothèse. Cependant, le corpus orléanais se caractérise par l’absence de fleurons, tels ces livres magnifiquement reliés et superbement illustrés que présentent toutes les entrées analysées ailleurs. Par ce premier trait, s’affirme une spécificité. Attardons-nous maintenant sur les trois textes majeurs précédemment cités.
Vers une évolution
15Leur but est identique comme nous l’avons vu, mais ils ne l’approchent pas de la même façon. Trois critères très significatifs peuvent être distingués.
16Premièrement, le traitement du thème qu’ils se sont proposés. L’entrée se décompose en effet en six grandes périodes : les préparatifs et la visite à la Cour-Dieu l’avant-veille (monastère à l’extérieur d’Orléans), la résidence à Saint-Euverte (abbaye de chanoines réguliers) la nuit de l’entrée, la procession et la cérémonie à Saint-Aignan (principale collégiale de la ville), la rencontre des prisonniers, la messe à la cathédrale, le dîner et la libération des prisonniers. Or, la répartition en est très inégale dans ces trois textes. En effet, celui de Guyon (1648) consacre 18 de ses 37 pages à la rencontre avec les prisonniers et 6 à Saint-Aignan, alors que Dusaussay (1707) en consacre 7 sur 24 à chacun de ces moments (soit 14 en tout). Seul Polluche se distingue avec dix pages sur Saint-Euverte et un équilibre pour les 27 autres. Une évolution se manifeste donc, puisque les deux premiers textes présentent un écart plus ou moins marqué qui insiste, comme le font les simples récits, sur l’élément le plus caractéristique qui constitue ainsi pour les auteurs et leur public la véritable spécificité de l’entrée. Prééminence qui s’atténue, dans les discours tout au moins, au xviiie siècle. La rupture est plus nette encore dans le ton qui devient plus neutre au fil des textes et qui, au xviiie siècle, laisse de côté éloges et termes dithyrambiques. Notons qu’un autre texte de 1648 revient, lui, davantage sur la procession ecclésiastique. Il faut préciser que Polluche et Dusaussay ont consacré chacun un traité spécial aux questions de privilège, ce qui peut expliquer cet écart.
17Enfin, et c’est l’évolution la plus patente, les récits se dégagent peu à peu de la tradition. Il existe en effet dans l’entrée une pesanteur de la coutume. Les écrits s’en ressentent, et reprennent le même corpus de références et d’exemples. Cependant une innovation apparaît : la place faite aux légendes relatives à l’origine des privilèges est révélatrice. Rappelons brièvement ces dernières avant de voir leur utilisation. Concernant la libération des prisonniers, les auteurs renvoient à saint Aignan (évêque d’Orléans au ve siècle et patron de la ville) qui, voulant faire son entrée dans sa ville épiscopale, demande au gouverneur romain le droit de libérer les prisonniers. Ce dernier refuse et, quelques jours plus tard, est victime de la chute d’une pierre qui le met en danger de mort, épreuve dont triomphe le saint par une guérison miraculeuse. Interprétant celle-ci comme un signe divin, le Romain autorise alors Aignan à libérer les prisonniers, droit acquis pour ses successeurs. Le port par les barons est justifié quant à lui par la libération de quatre barons prisonniers des infidèles pendant la Croisade ; condamnés à mort, ils ne durent leur salut qu’à une intervention miraculeuse qui, la veille de leur exécution, les transporta de Mansourah à la cathédrale d’Orléans. En signe de remerciement, les barons portent l’évêque à son entrée.
18Les trois auteurs considèrent diversement ces légendes. Ainsi Guyon les reprend à bon compte pour expliquer les privilèges des évêques ; la seule nuance qu’il émet concerne l’ancienneté du premier privilège, qui est pour lui peut-être encore plus importante. Au contraire en fin de période, sans les oublier, Polluche oriente davantage la réflexion vers une origine féodale pour le port de l’évêque et rappelle le rôle juridique ancien des prélats pour la libération des prisonniers. Dusaussay avait déjà entamé la même démarche et préfère ne pas s’interroger sur les causes du privilège (il peut s’agir de saint Aignan), pour en faire plutôt ressortir la continuité.
19Ces textes ont donc une fonction de dévoilement, ils orientent la lecture sans la surcharge de l’explication de symboles qui n’existent pas ici. Il y a ainsi passage dans le discours d’un type religieux à un type historique, comme le marquent les titres ; et plus profondément, pour les privilèges, d’une logique de l’origine à une logique de la durée. Cette mutation reflète un outillage mental différent.
20Ces écarts sont à prendre en considération dans notre analyse, les points de vue ne sont pas les mêmes. Cependant la trame du déroulement, elle, reste identique. La réflexion doit ainsi être menée à la fois au plan des représentations et à celui des réalités.
Une procession urbaine
21Une première lecture au niveau purement urbain (et non ecclésiastique) fait ressortir deux aspects. D’une part, l’entrée fournit une image de la ville faite à la fois d’unité et d’unanimisme dans la figuration du public, mais aussi de hiérarchie dans la procession. D’autre part, elle donne à voir les rapports multiples de l’évêque et de sa ville.
Une image de la ville
22La première concerne le public qui est représenté très nombreux et joyeux. En effet, les textes insistent sur l’affluence du public qui peut être telle qu’elle fait obstacle à la bonne marche de l’entrée. Ainsi une mention manuscrite à la fin du Triomphe nous précise que « le plus beau de cette entrée est la grande affluence des peuples de toutes parts depuis les greniers jusque dans les rues avec si grande confusion à grande peine on peut faire ses seremonies (sic). Tous les corps quittant après avoir fait leurs harangues ne pouvant marcher dans les rues ». Par conséquent, l’évêque apparaît comme un centre, le support d’unanimité pour la ville, au-delà des conditions et des âges. Cependant, cette aura dépasse le cadre urbain. Toutes les campagnes semblent se donner rendez-vous à Orléans, même Paris qui est nettement représentée par les invités personnels de l’évêque11. Le prestige en est donc accru par la présence de personnalités connues et de grand renom. Pourtant, l’affluence est également le fait des repris de justice qui cherchent par tous les moyens à se faire emprisonner à Orléans pour bénéficier du privilège épiscopal. Ces accusés ou condamnés sont libres, viennent d’eux-mêmes de tout le royaume à Orléans où ils doivent échapper à la vigilance du guet chargé d’éviter un afflux trop important de cette population. Les récits multiplient à ce propos les scènes burlesques12.
23Il en ressort donc une image d’unanimité de toute la ville représentée dans une attente fébrile. Orléans devient, par une image littéraire courante, une sorte de foyer de l’Univers. Cette référence à un poncif caractéristique de nombreuses histoires locales, générales ou ponctuelles des xviie et xviiie siècles n’exclut pas l’existence d’une ferveur réelle. Cependant, aucune autre source ne peut nous en assurer et il est également impossible de rendre compte des motivations de ce public. Cette attraction, comme pour toute réjouissance, s’est sans doute manifestée. Pourtant dans le récit même, le public disparaît au profit d’une autre réalité.
24L’entrée est en effet surtout le lieu de manifestation de la hiérarchie sociale qui prend forme au cours de la procession, véritable cristallisation des rapports de force et des sujétions. Nous retrouvons ce caractère démultiplié dans l’entrée des évêques d’Orléans. Ainsi dès l’invitation, les questions de préséance se posent13. Le jour même, les harangues de l’évêque par les différents corps obéissent à des règles de temps et de lieu très précises. Elles manifestent un premier niveau de hiérarchie. Dès Saint-Euverte, ce sont l’Université et le Corps de Ville qui s’y appliquent, la première au jubé, le second à la sortie ; les corps judiciaires doivent attendre la porte Bourgogne pour s’exécuter.
25Le poids des préséances et des honneurs de corps est tel que certains n’assistent pas du tout à l’entrée pour ne pas avoir à céder le pas, comme le Bureau des Finances face au Bailliage (malgré un arrêt de 1682) ou l’Élection face à la Prévôté. Pour les autres, la coutume les insère dans la procession : l’Université entre le clergé et le chapitre cathédral. Derrière l’évêque défilent à main droite le Bailliage et présidial, la Prévôté puis la Maréchaussée et les maîtres des Eaux et Forêts, à main gauche, le Corps de Ville, les capitaines de la Ville et les lieutenants. Tous sont en vêtements d’apparat aux couleurs vives. Pour autant, les entorses, et donc les contestations, sont nombreuses. Ainsi en 1734, se développe un conflit entre la Prévôté et la Maréchaussée qu’un arrêt du Conseil d’État du 15 février 1734, antérieur à l’entrée, règle au profit de la seconde. À sa suite, le prévôt royal préfère ne pas paraître, ce qui entrave le déroulement du rituel puisque les autres membres de la Prévôté ont cru « devoir rendre les mêmes honneurs qui ont été rendus de tems immémorial aux évêques sans néanmoins luy présenter les prisonniers pour crimes écroués de l’ordonnance dudit Sieur Prevost d’Orléans ny prester le serment à cet égard »14. D’autres documents témoignent des tentatives de conciliation de l’intendant jusqu’à la veille de la cérémonie, ce qui montre le souci de maintenir l’entente et donc le déroulement de l’entrée.
26Ces conflits ne sont pas futiles dans une société empreinte de droit, car « les positions occupées dans le cortège ont une fonction fondamentale de classement : elles serviront de précédent »15. Dans le même esprit, nous pouvons noter le rôle du syndic du chapitre cathédral, vraie mémoire de l’entrée, qui rappelle que toute entorse, dont ces questions de préséance, ne saurait préjuger de l’avenir. Il en est ainsi en 1734, lorsque le Bailliage se retire de la procession faute de place pour tenir son rang.
27L’entrée est donc un rituel traditionnel mais aussi un support pour certains corps permettant de manifester leur rôle et leurs prétentions, d’où certains accrocs qui font de la cérémonie un enjeu de querelles socio-juridiques. Quoi qu’il en soit, l’entrée est occasion de rencontre de toute la société urbaine avec l’évêque dans différentes positions, « qui dans le cortège, qui à attendre, qui à regarder »16.
L’évêque dans sa ville
28Comme nous l’avons vu, les privilèges épiscopaux, outre les harangues et autres manifestations, caractérisent l’entrée et par conséquent insèrent l’évêque dans sa ville. Les deux principaux consistent à faire porter l’évêque par quatre barons de Saint-Aignan à Sainte-Croix et surtout à libérer les prisonniers détenus dans les prisons civiles et ecclésiastiques le jour de l’entrée, ce qui est également un des sept droits du joyeux avènement royal17.
29Le premier privilège a fait l’objet d’une synthèse relativement récente sur un plan juridique, par Jacques-Yves Guerold. Nous ne reviendrons donc pas ici longuement sur la question de l’origine. L’auteur en rappelle deux variantes : l’une miraculeuse et l’autre correspondant à l’exercice d’un droit d’immunité. Cette thèse établit une démonstration convaincante des deux sources de ce privilège : le rôle de l’Église dans l’Empire et l’immunité accordée aux grands propriétaires comme l’évêque d’Orléans. Ce droit s’est développé au xe siècle, des seigneurs exerçant alors la haute justice. L’auteur marque également le changement de caractère de cette pratique « au fur et à mesure de la disparition de la féodalité et du rétablissement de l’autorité royale. C’est alors que l’on fera état tout particulièrement des cérémonies d’entrée des évêques d’Orléans et que l’on ne manquera pas de souligner le nombre des prisonniers délivrés pour bien marquer la réalité et l’importance du privilège ainsi que son caractère exceptionnel18. »
30Ainsi ce passage du droit au privilège a suscité un besoin de confirmation dont la légende de saint Aignan est un exemple de justification à rebours qui remonte certainement au xiie siècle, comme l’atteste la rédaction de la nouvelle Vita du saint qui se distingue des versions plus anciennes par cet ajout19. Confirmations que les auteurs recueillent avec attention constituant ainsi un corpus où ils puisent et qui leur permet d’assurer la continuité de l’application, preuve juridique. Nous pouvons notamment mentionner l’ordonnance du 6 avril 1670 qui réaffirme l’existence du privilège et son caractère propre (à la différence d’une simple délégation de l’autorité royale)20. Quoi qu’il en soit, ce mélange des deux pouvoirs et d’un caractère royal et religieux marque d’un trait particulier le privilège, et l’entrée dans son ensemble. Cette particularité même contribue à élaborer une image prestigieuse de l’évêque, supérieur à la hiérarchie des pouvoirs et justicier suprême.
31L’application en est très ritualisée. Elle consiste tout d’abord à demander la confirmation au roi qui l’accorde. L’évêque établit ensuite un bureau composé de magistrats et d’officiers de sa justice temporelle destiné à étudier le cas des prisonniers sur pièces ou déclarations. Cet examen peut se dérouler avant ou après le procès, ce qui explique l’afflux de prisonniers. Cependant sa portée en est théoriquement limitée, en raison de l’existence de cas irrémissibles comme le guet-apens, assassinat, incendie, fausse monnaie, viol, duel et autres cas royaux21. Il existe des aménagements à ce cas général en fonction des circonstances du crime : ainsi les homicides involontaires, ou dus à la force des passions ou à la légitime défense sont pardonnables22. Le caractère religieux de la grâce implique également quelques conditions comme la réparation par une mission, la confession et un repentir sincère.
32Une fois cette enquête établie, les prisonniers sont rassemblés le jour de l’entrée à la porte Bourgogne où ils attendent l’évêque. À son arrivée, ils implorent, à genoux, par trois fois « Miséricorde », alors que les magistrats qui en étaient chargés prêtent serment à l’évêque de ne pas en avoir gardés. Puis les repentants prennent la tête de la procession sous le contrôle des officiers du prélat, ce qui pour J.-Y. Guerold relève d’un véritable transfert de juridiction. Les prisonniers vont ainsi à la cathédrale pour y entendre la messe, puis à l’évêché où, après une exhortation sévère du théologal, ils sont bénis par l’évêque. Le lendemain ils obtiennent leur lettre de grâce pleine et entière qui sera reconnue par tous les tribunaux.
33Cet épisode marque véritablement l’entrée en affirmant la pleine puissance de l’évêque. Ce dernier est ici, à l’image du roi, en position de juge qui réunit rigueur et miséricorde, les deux pouvoirs spirituel et temporel. Ainsi le cas d’Orléans est souvent cité par les juristes de l’époque. J.-Y. Guerold a fait justice de la spécificité orléanaise par rapport au chapitre de Rouen qui ne fait qu’intercéder auprès du parlement et pour un seul prisonnier23. L’entrée des évêques de Beauvais, qui par ailleurs présente une structure très proche de celle d’Orléans, donne également lieu à une libération de prisonniers, mais uniquement pour dettes civiles et ce au titre de comte et pair de la ville24. Sans être absolument unique, le cas est donc rare, ce qui met en valeur son faste. Par conséquent, l’entrée, où l’évêque remplit les attributs du roi, devient un acte de justice, nous y reviendrons, mais aussi un acte religieux par excellence où l’évêque qui gracie est parfois assimilé au Christ. L’utilisation du dais, qui lie les images du héros de l’entrée et celle du Saint-Sacrement de la Fête-Dieu, y contribue indirectement25. En effet, pour Chevillard, « tel estoit l’ornement de son triomphe, telle estoit la pompe et l’éclat de son Entrée, et telle est encore aujourd’huy celle de tous ses successeurs, à l’exemple même du premier des Evesques, lequel voulant faire la sienne dans les Cieux, environna son char d’un million de pauvres ames qu’il avoit tiré de l’enfer »26. Quoiqu’il en soit, l’entrée insère pleinement l’évêque dans la communauté.
34Nous retrouvons cette notion de faste et les mêmes limites dans le privilège d’être porté dans un siège, de Saint-Aignan à Sainte-Croix, par les quatre barons de Sully-sur-Loire, Yèvre-le-Chatel, Cheray et Aschères. D’autres évêques bénéficient de ce droit, et le juriste Polluche en publie une liste dans son traité de 173427. Il s’agit donc sans doute ici d’une redevance féodale, car les barons concernés étaient vassaux de l’évêque, comme l’atteste un cartulaire de l’évêché de 1312, allégué dès le xviiie siècle, et publié en 190328. En effet, dès le xviiie siècle, Dusaussay et Polluche réfutaient les origines miraculeuses de ce rituel. Ils en ont fait de même pour un autre droit de l’évêque qui consiste à recevoir de ces barons, le 2 mai (jour de l’Invention de la Sainte Croix), une gouttière de cire29. Cette pratique découle également de la libération miraculeuse selon Guyon et les plus anciens auteurs et, à ce titre, est étroitement associée avec le droit d’être porté à l’entrée. Un dossier manuscrit indique en outre que cette redevance est maintenue jusque dans les années 1780 au moins, donc bien au-delà de la suppression de l’entrée, et ce malgré la proposition du procureur du duc de Sully « d’alléger une servitude, vestige bizarre de vanité et de superstitions qui pourroit être remplacé par une redevance plus utile au prélat, en argent ou en grains »30.
35Par ces deux droits, l’évêque apparaît comme un grand seigneur, il s’insère d’une certaine manière dans la société nobiliaire, et acquiert une dimension plus politique. L’affirmation de cette autorité peut même prendre un caractère plus direct. Ainsi en 1648, à l’entrée de Monseigneur d’Elbène, les hommes du duc de Sully dont la terre était nouvellement érigée en duché-pairie, tentent d’affirmer la préséance de leur chef par l’épée. L’évêque intervient alors manu militari pour faire revenir le calme31.
36Ainsi, par l’entrée, le prélat considère la ville et sa nouvelle fonction, il apprend le contexte local, les rivalités et rapports de force et investit ainsi pleinement la dignité de son prédécesseur32.
37À ces aspects politico-judiciaires essentiels, il faut ajouter l’autorité spirituelle de l’évêque qui se manifeste par la libération des prisonniers, nous l’avons vu, mais également par d’autres dimensions. En effet l’évêque est d’abord présenté comme un pasteur accompli selon le modèle tridentin. Les textes font ressortir à l’envi l’humilité, la piété vive et sincère, la charité, l’affabilité, la sagesse… Autant de qualités que l’entrée met en scène dans ses différents épisodes33. Certains écrits ne visent même qu’à énumérer dans le plus grand détail ses qualités personnelles et familiales comme les éloges académiques. Nous en avons deux exemples pour Orléans, de De Boesne, Discours académique en forme d’Harangue préliminaire à Monseigneur l’illustrissime et révérendissime évêque d’Orléans sur son Entrée Solanele le Premier de mars 1707 (Orléans, Borde, 1707, 13 p.) et Discours académique en forme d’Harangue préliminaire à Monseigneur l’illustrissime et révérendissime évêque d’Orléans Monseigneur Nicolas Joseph de Paris (Orléans, Jacob, 1734, 16 p.). Cependant, il est intéressant de constater qu’à l’exception des mentions familiales, les deux exemplaires reprennent le même texte, à 27 ans d’écart, pour deux évêques différents. Il s’agit donc d’un portrait idéal, d’un topos, auquel se conforme l’évêque.
38Nous abordons ainsi une nouvelle dimension de l’entrée, sorte d’archétype dans lequel un évêque idéal entre dans une ville rendue idéale par les tapisseries et autres décors qui ornent ses rues. Il ne faut pas négliger ces images qui étaient sans doute présentes à l’esprit des contemporains. Nous retrouvons ici les origines légendaires des privilèges qu’il convient de considérer précisément. Car si elles sont contestées dans les récits du xviiie siècle, elles sont encore présentes dans ceux du xviie siècle et sans doute également dans les mentalités du suivant. Or l’actualisation du privilège dans l’entrée fait de l’évêque le vrai successeur des saints fondateurs (Euverte et Aignan) qu’il incarne alors pleinement, parallèle parfois étendu au Christ comme nous l’avons vu. La tradition devient ainsi un gage de permanence de la signification par le maintien des formes une « recharge sacrale », non seulement un juridisme étroit.
39L’entrée est donc une fête octroyée qui mobilise un grand public qui bénéficie de réjouissances dont ne parlent pas les sources. C’est également un lieu politique où la ville se donne à voir dans une hiérarchie socio-juridique immuable avec ses querelles. Au-delà, elle offre une définition de la figure de l’évêque : à la fois seigneur haut justicier, père de ses fidèles, modèle tridentin et incarnation des saints fondateurs. Tout ceci contribue au faste qui s’ajoute à sa dignité personnelle et familiale. Il se rapproche ainsi, par bien des voies, du modèle royal. Cependant, il s’en distingue par la dimension ecclésiastique.
Une image de la société ecclésiastique et de l’histoire cléricale de la ville
40L’entrée de l’évêque est avant tout un événement religieux et ecclésiastique. L’image du prélat tridentin qui entre dans sa ville pour y conduire son troupeau est ainsi très présente tout au long des récits. Cependant, la dimension première, selon les auteurs contemporains, eux-mêmes souvent clercs, réside dans une cérémonie ecclésiastique. Le clergé de toute la ville épiscopale y trouve l’occasion de se montrer en corps et de faire ressortir tout son éclat dans un ordre hiérarchique immédiat. L’espace de la procession est ainsi très ecclésiastique, avant d’être urbain.
Une procession ecclésiastique
41La procession s’inscrit dans un cadre étroit, celui du castrum romain, preuve de l’antiquité de la pratique qui s’est fixée au Moyen-Âge. Ainsi les agrandissements du xvie siècle ne sont pas touchés. De même, elle ne passe pas par les lieux forts du pouvoir civil que sont l’Hôtel de Ville, les tribunaux, l’intendance, la place du Martroi. Il y a par conséquent concentration sur un espace ecclésiastique et ancien, mis en valeur au Moyen-Âge et très dense en églises, comme le montrent les cartes 1 et 2 (p. XXVI et XXVII). Nous touchons là une grande différence avec les entrées royales, qui empruntent « les artères qui cristallisent l’identité urbaine »34.
42L’entrée est ainsi axée sur le facteur ecclésiastique. Reprenons-en les quatre étapes majeures : le séjour à Saint-Euverte, le parcours vers Saint-Aignan et les cérémonies dans la collégiale, la libération des prisonniers et l’office à la cathédrale, comme on peut le voir sur les cartes 3 (p. XXVIII). Une seule, la troisième, n’a pas pour but une église, mais se rattache tout de même à une pratique religieuse. Cette simple approche met en valeur trois grands points que sont les trois églises les plus importantes de la ville. Les reliant, la procession fait le lien avec les saints fondateurs et renoue le fil de l’histoire.
43De même que pour les laïcs, la procession donne à voir le clergé dans un ordre socio-juridique. Elle est également soumise aux questions de préséance notamment entre l’Université qui revendique de marcher derrière les deux chapitres secondaires, et donc juste devant le chapitre cathédral, dès 1666. L’intervention personnelle de l’évêque met fin à ces querelles qui reprennent à l’entrée suivante en 1707. Cette année-là, un arrêt affirme la prééminence de l’Université35.
44L’Église comme institution apparaît pleinement avec les enfants de l’aumône, les ordres religieux selon leur ancienneté et non leur date d’installation dans la ville (à la différence des autres cités), puis le clergé séculier, les deux collégiales de Saint-Pierre-Empont et de Saint-Pierre-le-Puellier et enfin le chapitre cathédral. Ainsi constituée, elle parcourt la ville pour aller quérir l’évêque à Saint-Euverte, en silence et sans luminaire. Le prélat prend alors rang derrière son clergé pieds nus et en chemise blanche, sans ornement, la crosse recouverte d’un voile blanc. Cette présence vivifie le corps qui se met à chanter. L’ordonnancement a motivé les métaphores et notamment celle de l’Église-épouse et de l’évêque-époux, la version la plus aboutie étant celle de Chevillard qui compare point par point la procession à un corps féminin : les enfants de l’aumône représentent ses chaussures, les ordres religieux sa jupe, les membres de l’Université sa ceinture, les curés et vicaires son « sein virginal », les chapitres secondaires ses mains, le chœur des musiciens de la cathédrale sa gorge, les chanoines du chapitre cathédral ses bras, les archidiacres ses épaules et l’évêque sa tête36.
45Certains tentent cependant de s’extirper de cet anonymat pour rendre un hommage personnalisé, comme Guyon, curé de Saint-Victor, qui, outre sa publication, fait édifier trois arcs à la gloire de l’évêque aux limites de sa paroisse, qu’il fait orner de devises latines peu originales qui chantent les louanges de son prélat37. C’est d’ailleurs la seule mention d’arcs que nous possédions. On peut sans doute y voir un souci de promotion individuelle.
46Hors de ces éclats, la prédominance du caractère ecclésiastique dans le parcours et l’organisation de la procession est nette. Elle est également patente dans les principaux moments de la procession que nous avons déjà évoqués.
Immunités et serments
47Les relations de l’évêque et de son clergé dans le cadre de l’entrée sont essentiellement dominées par le droit et les questions de juridiction, et non par l’aspect religieux. Le prélat visite cinq lieux ecclésiastiques : la Cour-Dieu (abbaye cistercienne fondée en 1118 située à l’extérieur d’Orléans), Saint-Loup (communauté de bernardines), Saint-Euverte, Saint-Aignan et Sainte-Croix. Dans toutes, il prie à l’autel, est installé dans un fauteuil, baise la croix et les évangiles, donne sa bénédiction et l’on chante un Te Deum.
48Les deux premières communautés sont extérieures à la ville et se ressemblent dans la mesure où elles sont de fondation épiscopale, et que l’évêque y a droit de visite. Il ne fait guère que passer à Saint-Loup et n’y vient même plus à partir de 1666. Le séjour est plus long à la Cour-Dieu puisque le prélat y passe une nuit et fait la visite de la maison. Cela contribue à la réaffirmation de l’autorité épiscopale, mais également au prestige de l’abbaye, car en 1707 le prieur vient à Saint-Euverte protester contre la non-venue de l’évêque38. Dans ces deux communautés, l’autorité épiscopale est donc acceptée, mais celle-ci s’en désintéresse au xviiie siècle.
49Les relations sont très différentes avec les deux autres pôles, urbains cette fois, que sont Saint-Euverte et Saint-Aignan. Dans la première, l’opposition porte sur deux points que sont le droit de visite et le traitement durant la nuit avant l’entrée. Le premier est revendiqué par l’évêque qui pose des questions sur la vie de la communauté comme en 1707, auxquelles les religieux refusent de répondre au nom de leurs privilèges39. Le second est le droit très ancien de l’évêque d’y passer la nuit de la veille de son entrée. L’usage est en effet établi depuis au moins le xiie siècle, comme l’atteste une lettre très souvent citée dans laquelle il est également précisé que les prélats y étaient enterrés à cette date. Cependant le traitement y est limité depuis le xive siècle à deux œufs frais, un lit et une botte de paille malgré les contestations de l’évêque. Au nom de la cordialité, le prieur fait une entorse à ces règles en offrant à l’évêque une portion au réfectoire en 1707.
50Saint-Aignan jouit d’une situation plus complexe, comme fondation royale exemptée de l’autorité de l’ordinaire. L’importance du chapitre transparaît dans la cérémonie dans la mesure où c’est par cette visite que le nouveau nommé acquiert sa pleine dignité. Il y arrive pieds nus, avec une mitre en toile blanche, une crosse recouverte d’un voile blanc et habillé d’une chemise de même couleur, sans insignes de sa fonction. Il en ressort tout de rouge vêtu, la mitre richement ornée, la crosse découverte, pourvu de tous les insignes de sa position. Saint-Aignan joue ainsi un rôle charnière dans la structure de l’entrée et marque un changement de statut. De plus, à Saint-Aignan, le prélat n’est pas seulement le chef de son diocèse, il est aussi chanoine. Avant son installation à ce titre, il doit, comme tous ses collègues, prêter serment de respecter les privilèges et l’immunité du chapitre. De plus, pour signifier son absence de juridiction, les deux premières dignités lui tiennent les mains pendant tout son séjour dans l’église. Ainsi, l’enclos collégial représente une enclave importante face au pouvoir de l’évêque. Beaucoup d’historiens locaux ont d’ailleurs fait ressortir ce facteur comme limitation du pouvoir épiscopal. Cela change en 1674 avec un arrêt du Parlement, rendu à la demande de Monseigneur de Coislin, cardinal et aumônier du roi, qui confirme la juridiction épiscopale sur le chapitre40. Les conséquences sont immédiates sur le plan de l’entrée, puisque en 1707 Monseigneur Fleuriau bénit librement dans l’église et, s’il prête toujours comme chanoine, le serment, il en ôte les termes de libertés, immunités et exemption41. La cérémonie prend là toute sa dimension de reflet des rapports de force juridiques et s’adapte à leurs variations : que ce soit dans le sens de l’affirmation du pouvoir épiscopal (Saint-Aignan) ou d’un certain désintérêt (la Cour-Dieu et Saint-Loup).
51Les relations nouées avec le chapitre cathédral lors de l’entrée en relèvent également, car le chapitre est présenté comme le conservatoire des droits de l’évêque et comme épouse de ce dernier. Son entrée dans la cathédrale parachève donc ses noces avec la ville et au-delà avec le diocèse. La cérémonie en est très ritualisée. Devant les portes fermées, le prélat baise les reliques, la croix et l’Évangile, puis prête serment de conserver les droits de l’Église et de l’Évêché. À cette seule condition, il peut entrer dans l’église dont il prend possession par la sonnerie des cloches, l’intronisation comme chanoine et la célébration de la messe. Dans l’ensemble, les auteurs montrent une certaine indifférence pour cet épisode dans la mesure où il reprend les structures de toutes les entrées dans les cathédrales, qu’elles soient le fait du roi ou d’autres évêques42. Il en est de même pour le repas offert par l’évêque à son chapitre comme le mentionne le Mercure de France en juillet 1733 à l’occasion de l’entrée de l’évêque d’Amiens43.
52Un dossier manuscrit de 1734, relatif à un incident concernant la rédaction du procès-verbal de l’entrée, est beaucoup plus éclairant sur ces rapports44. Il précise en effet que le procès-verbal est établi conjointement par le notaire de l’évêché et celui du chapitre pour éviter les contestations. À cette date, une divergence importante apparaît, puisque le notaire de l’évêché mentionne à la suite du serment sur les droits du chapitre ces mots comme dits par le prélat : « sauf mon droit ». Il tente ainsi de réduire à néant la portée du serment et sans doute de créer un précédent favorable aux droits de l’évêque. Les chanoines protestent alors vivement et le prélat menace de les assigner au bailliage. Une médiation de l’intendant, qui obtient un recul du plaignant, met fin à la querelle. Ce dernier doit en effet reconnaître que l’ajout a été fait « par inadvertance, que son intention est que ledit serment soit pur et simple et sans aucune restriction suivant l’usage ». Cette affaire illustre donc bien les rapports de force qui peuvent prendre place durant l’entrée. Elle est même dans ce cas une préfiguration de l’épiscopat qu’elle inaugure et qui a mis aux prises maintes fois Monseigneur de Paris et son chapitre45.
53Sur le plan ecclésiastique, l’entrée est avant tout un événement juridique qui fournit une vision de la hiérarchie et une réaffirmation ou une contestation des droits et immunités. Par conséquent, elle est le résultat d’une sédimentation des acquis de chacun et donc le reflet de l’histoire ecclésiastique de la ville au plan institutionnel. Elle complète la prise en compte par le prélat de la complexité de la situation locale.
54Au total, nous ne pouvons pas vraiment parler d’une entrée, puisque le franchissement de l’enceinte de la ville est sans importance et se fait la veille. Ce trait est très différent de l’entrée de Beauvais par exemple où le passage de la porte de la ville est marqué par la présence du Corps de Ville. Il convient plutôt pour Orléans de parler d’une démultiplication et d’une fragmentation de l’entrée dans les cérémonies à Saint-Euverte, Saint-Aignan et Sainte-Croix. L’acteur fondamental est l’Église comme corps. Or, les rituels de visites dans le diocèse reprennent le même schéma, le serment et les privilèges en moins, en précisant que « Monseigneur l’évêque n’est reçu de cette manière qu’à la première entrée et Visite dans les Villes et gros lieux du Diocèse »46. D’après ce texte, la cérémonie ne serait ainsi qu’une variation de la visite pastorale.
55L’entrée des évêques d’Orléans est donc complexe. D’une part elle repose sur une base ecclésiastique selon laquelle le clergé accueille son chef et la ville son pasteur comme toute paroisse, enracinant ainsi une liturgie dans l’espace. D’autre part, elle y superpose un aspect politico-juridique dans lequel l’évêque est à la fois grand seigneur et juge, et à l’occasion duquel la ville se donne à voir.
Interférences
56Compte tenu des développements précédents, la disparition, ou le dépérissement, de ce cérémonial après 1734 peut sembler paradoxale. Cependant le paradoxe n’est qu’apparent car elle s’enracine pour nous dans trois mouvements indépendants des conditions locales qui sapent les fondements même de l’entrée.
La reprise en main royale de la justice ou l’absolutisme royal
57Dans son entrée, l’évêque d’Orléans remplit un rôle judiciaire important, notamment par l’intermédiaire de la libération des prisonniers. Or, cette ampleur même pose problème, et ce dès le xve siècle. Les parlements ont notamment contesté ce pouvoir et ont rendu à ce sujet des arrêts contradictoires47. Le privilège est fragile car il repose sur la coutume et dépend des confirmations royales. Dès 1648, Guyon précisait que « comme l’une des principales marques de la Roiauté en la Monarchie françoise, est le pouvoir de vie et de mort qu’a le Souverain sur ses sujets privativement à tous autres ; il est certain qu’aucun ne peut user de ce droit s’il ne luy est communiqué de grâce spéciale par le même souverain »48. Et l’attitude royale changea.
58Ce sont d’abord les officiers de justice qui dès 1707 demandent des précisions au chancelier sur la portée du privilège. Pontchartrain répond par une lettre circulaire qui est reprise à l’identique par d’Aguesseau en 173449.
59Elle souligne les points qui font problème : la validité même du privilège, les deux abus que sont l’étendue et le peu de rigueur de son application et l’abolition des peines alors que ce droit est régalien50. La volonté est claire : circonscrire la portée d’un privilège que la pratique aurait accrue de façon exponentielle. Le tableau ci-dessous, établi grâce aux chiffres fournis par Polluche, vient renforcer cette analyse et montre la croissance du nombre de prisonniers libérés dans les deux dernières entrées. Ces chiffres sont pourtant à nuancer car il est impossible de les confirmer ou de les infirmer par aucune autre source, les registres d’écrous ayant disparu.
60Ces éléments se relient au mouvement plus général de reprise en main de la justice par le pouvoir royal. À cet égard, le privilège devient proprement exorbitant. Ainsi la lettre s’attache-t-elle à préciser que « il ne seroit pas juste que les Accusez, à qui cet Évêque donne des Grâces, fussent traitez plus favorablement que ceux qui obtiennent du Roy des Lettres de Rémission », et plus loin que les lettres délivrées par le prélat doivent être vues « moins comme un titre décisif qui emporte de droit une décharge absolue, que comme une exception que les Accusez peuvent oposer aux poursuites ». Dans cette vision, la grâce ne devient qu’un facteur suspensif.
61Une nouvelle étape est franchie avec l’édit de novembre 1753 qui apparaît comme la conclusion logique des remises en cause antérieures. Cet édit est prononcé en prévision de l’entrée de Monseigneur de Montmorency-Laval51. Dès le préambule, le privilège est limité à « un accès favorable aux supplications de ses ministres » au motif que « cet usage n’étant pas soutenu par des titres d’une autorité inébranlable, et ses effets trop susceptibles d’abus n’ayant jamais reçu ni les bornes légitimes, ni la forme régulière qui auraient pu leur convenir ». Les moyens de cette légalisation sont multiples : d’une part, l’intercession épiscopale ne peut plus concerner que des crimes commis dans les limites du diocèse ; d’autre part, les lettres ne deviennent que des moyens d’intercession auprès du roi pour une durée de six mois ; enfin, les cas irrémissibles sont très précisément fixés. La sujétion au pouvoir royal est ainsi totale et le privilège vidé de sa substance.
62L’entrée perd par conséquent sa principale spécificité, résultat du mouvement de concentration de la justice. Elle n’est pas la seule. Même les entrées royales sont victimes de l’absolutisme qui entraîne un changement de conception du pouvoir dans laquelle l’entrée n’est plus utile comme affirmation de souveraineté52. Ce facteur semble indispensable pour expliquer la conjoncture des entrées qui marque un apogée au xvie siècle quand le pouvoir royal se définit et a encore besoin d’un enracinement local. Au contraire, lorsque celui-ci est rendu inutile par l’établissement d’un pouvoir central suffisamment fort, l’entrée est surannée et abandonnée, comme au xviiie siècle. Bien que capitale, cette évolution n’est pas suffisante pour expliquer le déracinement du rituel comme fête.
La remise en cause de la fête
63L’entrée revêt une dimension festive évidente. Or celle-ci a également été touchée. Le rituel s’insère ainsi dans « la fin des triomphes citadins » qu’a enregistrée Y.-M. Bercé53. Il en a avancé plusieurs facteurs explicatifs : l’unification étatique, l’affaiblissement du patriotisme de la cité et la négation de la coutume et de la tradition. Il est certain que les deux premiers ont joué leur rôle comme nous l’avons vu au sujet de l’unification étatique. La remise en cause de la coutume a également été influente, puisque le xviiie siècle a contesté les origines légendaires des privilèges. Cependant ces éléments ne sont pas suffisants et ils s’enrichissent par leur croisement avec les explications avancées par Michel Vovelle pour la fête provençale54. Cette dernière évolue sous l’influence de l’institutionnalisation et de la municipalisation de la fête, de la rupture de l’unanimisme et de l’évolution profane qui entraîne une perte de la signification sacrée de la fête. Or, ces éléments sont en creux ceux que nous avons déterminés comme constitutifs de l’entrée des évêques. Par conséquent, la cérémonie orléanaise obéit sans doute aux paramètres proposés par ces deux auteurs ; d’autant qu’elle n’est pas seule dans ce cas.
64En effet, la même altération affecte le cérémonial des entrées des évêques de Mâcon par exemple. Un analyste explique à leur propos que dès le xviie siècle l’ordonnancement « ne fut presque plus observé », et que parfois le rituel se limitait au seul serment. Nous retrouvons une simplification identique à Beauvais55. Au-delà, une synthèse nationale sur le phénomène festif au xviiie siècle conclut à « une déliquescence de l’unanimisme » et à « une banalisation et un affadissement de la fête »56.
65Orléans n’a sans doute pas échappé à ce mouvement qui consiste en ce que nous pourrions rassembler sous une dénomination générale de « mutation mentale » dont on voit que chaque facteur affecte une dimension de l’entrée.
66La disparition de l’entrée est donc une manifestation de ce changement. À titre d’hypothèse nous pouvons nous demander si le patriotisme et l’unanimisme, que nous avons vu précédemment s’investir dans ce cérémonial, ne se sont pas transférés vers la fête du 8 mai, qui commémore la libération de la ville par Jeanne d’Arc. Plus fréquente et moins ecclésiastique, elle représente un investissement affectif et politique plus fort. Les registres de délibérations du Corps de Ville en témoignent indirectement pour cette institution. Les notions de « métamorphose », ou plus précisément de transfert, et non de simple disparition, seraient plus adéquates pour rendre compte de l’évolution. Orléans se place ainsi dans un schéma plus national où se manifeste un retournement de valeurs au détriment des rituels religieux et anciens.
Le désintérêt des évêques
67Au-delà de l’interrogation sur les causes, le constat de la faible réaction des évêques est étonnant. Nous pouvons le traduire en désintérêt. Il s’explique par la prise en compte des prélats qui se sont succédés depuis l’édit de 1753 et notamment les deux derniers de l’Ancien Régime. Le premier, Jarente de la Bruyère, est en effet chargé de la Feuille des bénéfices et est peu présent à Orléans, siège dont il prend possession par procureur. Le second, Jarente d’Orgeval son neveu, est longtemps coadjuteur avant de succéder à son oncle ; ses soucis financiers sont un obstacle de plus. Cependant ils ne font que parachever un mouvement qui s’était initié dès le début du xviiie siècle, date à laquelle les évêques, rompant avec la tradition, ôtaient des cérémonies annexes comme la visite à la Cour-Dieu ou à Saint-Loup. La distance avec la tradition s’affirmait déjà.
68L’altération du cérémonial nous révèle donc l’existence de deux plans. D’abord un niveau étatique caractérisé par la reprise en main de la justice et la fin des particularismes judiciaires ; ensuite, un niveau local, où se manifestent un détachement de la fonction épiscopale et, peut-être, un affaiblissement de la notion de sacré ou tout du moins une rupture avec la tradition, dont nous avons vu toute la signification au travers de la représentation des saints fondateurs. C’est ainsi sans émotion et sur un ton neutre de constat qu’Étienne-Pierre Brasseux, marchand drapier, mentionne dans son journal au moment de l’entrée de 1734 que « c’est la dernière qui ait été faite avec toute la pompe et tous les privilèges »57. Nous ne trouvons de même aucun écrit postérieur à cette date concernant une entrée. L’intérêt semble bien avoir disparu.
69La conjonction de tous ces facteurs explique ainsi, sans doute, l’altération de l’entrée des évêques. Elle se transforme en un lieu de mémoire qui se limite à un plan symbolique comme l’atteste la libération d’un prisonnier par Monseigneur de Varicourt à son entrée au xixe siècle. Cependant aujourd’hui il n’en reste plus de traces, à la différence de la procession du 8 mai toujours vivace.
70Notre démarche aboutit donc à une image complexe de l’entrée épiscopale. Elle est proche de l’entrée royale dans ses structures : elle répond aux grands traits définis dans l’introduction, et notamment, elle est lieu d’expression de relations de pouvoir. Pourtant, analogie ne signifie pas similitude. Bien que porté par les barons et capable de libérer les prisonniers, l’évêque n’est pas le roi. Les deux pouvoirs diffèrent de niveau. L’entrée orléanaise est soumise à une réaffirmation constante. Au-delà, le cérémonial orléanais se distingue par l’absence de marquage du franchissement de la porte de la ville ou par la concentration sur un espace plus ecclésiastique que politique. Cette absence, et au contraire la démultiplication de l’entrée dans les édifices religieux, est la principale spécificité locale, outre la libération des prisonniers ; de même, l’aspect politique (au sens royal) est peu présent dans le rituel épiscopal à la différence des entrées royales. Proches dans leurs formes, les deux cérémonies renvoient à des référents distincts.
71Également, l’entrée porte des images de la ville, du clergé et de l’évêque. Moins politiques que juridiques, celles-ci se fondent dans une hiérarchie de pouvoirs et de représentations qui se renouvelle, et donc se justifie, à chaque entrée. Il est manifeste que, par ce cérémonial, l’évêque incarne un idéal et remplit pleinement la succession épiscopale. La dimension religieuse en témoigne, puisqu’elle se traduit dans un implicite qui est la réanimation permanente de la figure des saints fondateurs. Image sous-jacente qui l’emporte sur les cérémonies extérieures.
72Cependant, malgré leurs différences, les deux niveaux se rejoignent paradoxalement dans la rupture de la première moitié du xviiie siècle où tous deux perdent sens face à l’élaboration d’une nouvelle logique, marquée notamment par un fort pouvoir central au plan politique. Par conséquent, l’entrée, phénomène total, est un lieu pour déceler les transformations de la signification de la fonction de l’évêque, mais aussi de la fête, et plus largement des mentalités dans leur ensemble. Par conséquent, on peut se demander dans quelle mesure l’évolution des cérémonies orléanaises, ainsi caractérisée, et surtout leur disparition ou leur dépérissement après 1734, ne représente pas un des aspects de ce que, faute de mieux, les historiens ont nommé la laïcisation.
Notes de bas de page
1 Cité par Péronnet (Michel), Les Évêques de l’ancienne France, Lille, Atelier de reproduction des thèses, 1977, tome II, p. 869.
2 Boutier (Jean), Dewerpe (Alain) et Nordman (Daniel), Un Tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, Aubier, 1984, p. 293.
3 Mc Allister-Johnson (William), « Essai de critique des livres d’entrée français au xvie siècle », Fêtes de la Renaissance, Paris, CNRS, 1975, tome III, p. 187-200.
4 Bercé (Yves-Marie), Fête et révolte, Paris, Hachette, 1994.
5 Voir au sujet des rapports peuple/fêtes, outre le livre de Bercé (Yves-Marie), les travaux de Chartier (Roger), « Discipline et invention : la fête », repris dans Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime, Paris, 1987, p. 23-44 et Muchembled (Robert), Culture populaire et culture des élites dans la France moderne (xvie-xviiie siècles), Paris, Flammarion, 1978, p. 158-188.
6 Bryant (Lawrence M.), The King and the City in the Parisian royal Entry ceremony, Genève, Droz, 1986. L’auteur a montré que cette référence s’imposait même pour justifier une nouveauté, p. 71.
7 De nombreuses études se sont attachées à ce caractère dont celles de Guenée (Bernard) et Lehoux (Françoise), Les Entrées royales françaises de 1328 à 1515, Paris, CNRS, 1968, Boutier (Jean) et alii, Un tour de France royal, op. cit. et de Bryant (Lawrence-M.), The King and the City, op. cit. Pour une analyse dans un cadre provincial, voir Janik (Antonia), « L’entrée et le séjour de Louis XIII à Toulouse en novembre 1621 », Annales du Midi, 1996, p. 421-440. Pour un exemple d’entrée non royale, voir Coulomb (Clarisse), « “L’heureux retour”, Fêtes parlementaires dans la France du xviiie siècle », Histoire, Économie, Société, 2000, p. 201-215.
8 Sur ces questions, je me permets de renvoyer aux articles de Mc Allister-Johnson (William) déjà cités et de Jouhaud (Christian), « Imprimer l’événement. La Rochelle à Paris », Les Usages de l’imprimé, Paris, Fayard, 1987, p. 381-438.
9 « Imprimer l’événement », p. 392.
10 Guyon (Jacques), La Solemnelle et joyeuse entrée des révérends évêques d’Orléans en leur église avec les cérémonies, particularitez et circonstances de la Procession qui se fait en icelle, et ou le privilège desd. Seigneurs evesques de délivrer les criminels le jour de leurdite Entrée est rapporté et approuvé par authorité et antiquité, Orléans, Claude et Jacques Borde, 1648, 37 p. et réédition en 1666 ; Dusaussay (Louis), L’Entrée célèbre des évêques ou Description exacte de toutes les cérémonies qui se pratiquent à l’entrée célèbre des évêques d’Orléans, Orléans, Pierre et François Borde, 1707, 24 p. et Polluche (Daniel), Description de l’Entrée des Evesques d’Orléans et des Cérémonies qui l’accompagnent, Avec des remarques historiques, Orléans, François Rouzeau, 1734, 43 p.
11 Sur ces questions, voir les Relations manuscrites. Ainsi à l’entrée de Mgr de Coislin étaient présents sa mère, le duc de Coislin, la duchesse de Sully et la comtesse de Rochefort, Monsieur Fieubert, chancelier de la reine et six conseillers d’État (p. 3).
12 De nombreux exemples dans la Lettre en forme de relation contenant les particularités de l’entrée de Monseigneur de Coislin dernier évêque d’Orléans.
13 Sur ces questions, voir Polluche (Daniel), op. cit.
14 Archives départementales du Loiret, 2J 1748. Documents préparatoires pour le procès-verbal du 2 mars 1734
15 Jouhaud (Christian), « Imprimer l’événement », op. cit., p. 391.
16 Boutier (Jean) et alii, op. cit., p. 298.
17 Bryant (Lawrence. M.), The King and the City, op. cit., p. 24.
18 Guerold (Jacques-Yves), Le Droit de grâce des évêques d’Orléans, Orléans, thèse de Doctorat, 1969, p. 33.
19 Idem, p. 96-99.
20 Idem, p. 35-39.
21 Polluche (Daniel), Discours sur l’origine du Privilège des evesques d’Orléans avec des remarques historiques, Orléans, François Rouzeau, 1734, p. 24.
22 Lettre en forme de relation, op. cit., p. 13-15.
23 Op. cit., p. 71-79.
24 Les procès-verbaux de 1713, 1742 et 1772 sont conservés à la Bibliothèque Nationale.
25 Voir sur ce sujet, Guenée (Bernard) et Lehoux (Françoise), op. cit., p. 17. Pierre Dufraigne a montré, dans son travail sur l’entrée à l’époque romaine, un même glissement entre les images christiques et l’entrée des évêques notamment, Dufraigne (Pierre), Adventus Augusti, adventus Christi, Paris, Institut d’études augustiniennes, 1994.
26 Pour l’entrée royale, voir Janik (Antonia), « L’entrée et le séjour de Louis XIII à Toulouse en novembre 1621 », op. cit., p. 435 ; la comparaison christique est notamment développée dans Chevillard, Les Cérémonies de l’entrée magnifique de révérendissime père en Dieu Messire Alphonse d’Elbène evesque d’Orléans en son église, Paris, Jean Bessin, 10 p.
27 Dissertation sur l’Offrande de cire appellée les gouttières que l’on présente tous les deux ans, le 2e jour de may, à l’Église d’Orléans ; et sur l’usage où sont les évêques de cette ville, d’être portez le jour de leur Entrée, Orléans, François Rouzeau, 1734, p. 22-23. Les évêques concernés par ce droit sont notamment ceux de Soissons, Poitiers…
28 Cuissard (Charles), Origine de la gouttière de cire présentée par les quatre barons orléanais et liste des fiefs de l’évêché d’Orléans (1292-1312), Orléans, Auguste Gout, 1903, 91 p.
29 Il s’agit d’une offrande en cire coulée dans une caisse en bois qui a ainsi la forme d’une gouttière.
30 Archives départementales du Loiret, 2J 1748. Dossier de lettres manuscrites de 1782.
31 Polluche (Daniel) Description de l’Entrée des Evesques d’Orléans, op.cit., p. 23. En effet les questions de préséance entre les barons sont fréquentes.
32 Konigson (Elie) a bien fait ressortir cet aspect initiatique de l’entrée pour le roi dans son article « La Cité et le prince : premières entrées de Charles VIII (1484-1486) », Les Fêtes de la Renaissance, Paris, CNRS, 1975, tome III, p. 55-69.
33 Nous trouvons un exemple de lecture de l’entrée sous cet angle dans la Lettre en forme de relation, op. cit., p. 8.
34 Boutier (Jean) et alii, Un Tour de France royal, op. cit., p. 299. Sur ce point voir également la carte de Janik (Antonia), dans son article déjà cité, p. 428.
35 Résumé de cette querelle et commentaires à son sujet dans la Lettre en forme de relation, p. 6 et dans Polluche (Daniel), Description de l’Entrée des Evesques d’Orléans, op. cit., p. 15.
36 Chevillard, Les Cérémonies de l’entrée magnifique, op. cit., p. 5-7.
37 La Relation véritable déjà citée s’en fait l’écho et présente ces arcs dans leurs détails, p. 7-8.
38 Relation de l’Entrée de Monseigneur Louis Gaston Fleuriau d’Armenonville évêque d’Orléans faite le 1er mars 1707, manuscrit, fol. 5v°. Ce manuscrit est conservé aux Archives départementales du Loiret, 2J 1748.
39 Idem, et Polluche, Description de l’Entrée des Evesques d’Orléans, op. cit., p. 9.
40 Polluche (Daniel), Description de l’Entrée des Evesques d’Orléans, op. cit., p. 19.
41 Polluche (Daniel), Idem, p. 20 et Relation de l’Entrée, op. cit., f° 7v°.
42 Pour les entrées royales, voir Bryant (Lawrence. M)., The King and the City, op. cit., p. 59-60 et pour les évêques voir les récits d’entrées de Beauvais, Chalons ou Die conservés à la Bibliothèque Nationale.
43 Cité par Polluche (Daniel), Description de l’Entrée des Evesques d’Orléans, op. cit., p. 34.
44 Il est conservé aux Archives départementales du Loiret, 2J 1748.
45 Deux études nous donnent un récit circonstancié de ces querelles, celles de Guillaume (Paul), Essai sur la vie religieuse du diocèse d’Orléans, tome II, Orléans, 1957 et de Duchateau (l’abbé), Histoire du diocèse d’Orléans, Orléans, 1888.
46 Ordre des cérémonies qui doivent être gardées à la Visite que doit faire Monseigneur l’Évêque d’Orléans, dans les églises de son diocèse, Orléans, Couret de Villeneuve, 1736, p. 13.
47 Celui de Bordeaux de 1522, favorable aux droits de l’évêque, est souvent cité.
48 Guyon (Jacques), La solemnelle et joyeuse entrée des révérends évêques d’Orléans, op. cit., p. 12.
49 Copie de cette dernière lettre qui mentionne qu’il reprend une circulaire antérieure, aux Archives départementales du Loiret, 2J 1748.
50 Sur ce dernier point, voir Guerold (Jacques.-Yves), Le Droit de grâce, op. cit., p. 85-90.
51 Les Archives départementales du Loiret en conservent plusieurs copies sous la cote 2J 1748.
52 Voir notamment les travaux de Bryant (Lawrence. M), The King and the City, op. cit., qui montrent bien ce retournement. Le xviiie siècle est ainsi peu réputé en entrées, à la différence du xvie par exemple.
53 Bercé (Yves-Marie), Fête et révolte, op. cit., chapitre III.
54 Vovelle (Michel), Les Métamorphoses de la fête en Provence de 1750 à 1820, Paris, Aubier, 1976, notamment le chapitre IV : « La fête a changé ».
55 Pour Mâcon, Bazin (Jean-Louis), Cérémonial de l’entrée des évêques de Mâcon, Mâcon, Protat, 1885, citation p. 19, pour Beauvais, il convient de comparer les différents procès-verbaux conservés à la Bibliothèque Nationale.
56 Cassan (Michel), article « Fêtes », dans Dictionnaire de la France d’Ancien Régime, Paris, PUF, 1996, sous la direction de Bely (Lucien).
57 Cité dans Cuenin (Micheline), Orléans dévoilé, Orléans, 1999, p. 123.
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D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008