Patria et Libertà dans le drame en musique : avant Verdi1
p. 27-44
Texte intégral
1Divers fut l’usage, et diverses les acceptions, des mots patrie et liberté dans l’histoire italienne, au cours des différents conflits opposant les états, dans la difficile reconnaissance d’une identité commune et dans la confrontation avec les étrangers, envahisseurs et dominateurs. Essentielle, naturellement, est la référence aux modèles classiques, à l’horizon de la romanité, à la patria et à la libertas latines qui passent directement dans la langue italienne. Et si patrie renvoie de façon plus directe à un contexte ethnique, municipal, communautaire ou même militaire, à un enracinement dans une origine qu’il faut conserver, défendre, regretter sinon développer, liberté acquiert des significations variées, liées non seulement à un horizon politique, mais aussi à une ouverture plus ample de la vie, au cadre tout entier des rapports humains, au domaine social, à celui de l’existence et des comportements individuels et collectifs, à la morale et à la religion.
2Dans le langage théâtral et musical du XVIIIe siècle, le mot patrie s’inscrit avant tout dans un espace historique, en référence aux mises en scène variées d’aventures historico-politiques souvent tirées de la littérature classique. La reprise du modèle romain met en jeu un couple patrie-liberté, suivant le modèle héroïque de la virtus républicaine, même dans des contextes totalement adhérents à l’absolutisme monarchique. Ce couple prend un relief tout particulier dans les « drames romains » de Métastase, tout d’abord dans Catone in Utica (1728), qui suit la ligne idéologico-politique professée par son maître, Gravina. Et du reste, pendant tout le XVIIIe siècle, la figure de Caton produit un élan d’héroïsme, une tension vers une liberté au-delà des limites de l’absolutisme, déjà projetée vers les fureurs républicaines qui s’imposent avec la révolution. On avait déjà assisté à un premier grand retour de la figure du héros romain en Angleterre en 1712, avec le Caton de Addison, qui en avait exalté la lutte pour « la cause/de l’honneur, de la vertu, de la liberté et de Rome ». Dans le Catone in Utica de Métastase, écrit pendant sa période romaine, comme dans un précédent poème en terza rima intitulé La morte di Catone, il est possible de saisir encore en filigrane, comme le montre sa fortune pendant tout le siècle, une tension républicaine, alors que dans le plus tardif Trionfo di Clelia (1763) la « liberté » de la « patrie » romaine est entendue essentiellement comme autonomie et indépendance, toutes deux conquises par des démonstrations de vertu capables de susciter l’admiration même chez un ennemi comme Porsenna, souverain sage, vrai despote éclairé, que les actions vertueuses des Romains convainquent de donner la liberté à Rome. En revanche, dans deux autres grands drames en musique romains, Attilio Regolo et La clemenza di Tito, c’est la patrie et non la liberté qui est au premier plan.
3On trouve chez Métastase, en dehors du contexte politico-historique, d’autres acceptions de liberté qui agissent ensuite de façon variable sur le langage théâtral, et mélodramatique : une liberté contre l’esclavage amoureux, à laquelle est dédiée la célèbre chanson La libertà ; une liberté dans la pureté de la vie naturelle, dans la fuite loin des contraintes sociales, selon le topos arcadique alimenté par de nombreux textes antérieurs, en particulier l’Aminta de Tasse : voyez par exemple la scène 4 de l’acte II de L’Olimpiade, où le chœur accueille Argene en répétant plusieurs fois : « Oh, chères forêts,/oh, chère et heureuse liberté ! » Et, plus insidieuse, une liberté du libertinage, présente dans les comportements de personnages négatifs pour qui l’amour est simplement un jeu, en opposition à la vertueuse fidélité et constance qui caractérise les héros positifs : c’est la morale de Olinto dans le Demetrio, avec son célèbre air du Phénix.
4Cette liberté du libertinage érotique trouve des réalisations littéraires et musicales nombreuses jusqu’à l’expansion dionysiaque du maestoso dans Don Giovanni de Mozart (I, 21) : « C’est ouvert à tous :/Vive la liberté », où la transformation musicale du mot, sa dilatation créée par les instruments et les voix semblent proposer un espace de participation absolue, une promesse de partager l’univers de la joie et du plaisir, contredite aussitôt par les actes de don Giovanni, par sa conception de la liberté : une appropriation subjective du monde, la tendance à réduire en objets ceux-là même qu’il invite au partage. Le verdien duc de Mantoue se situe dans le sillon de la liberté dongiovanesque, avec sa déclaration explicite de libertinage au début de Rigoletto : « Pas d’amour, s’il n’y a pas de liberté. »
5Le lien entre patrie et liberté, en référence explicite à un horizon national italien, ouvert à des perspectives d’indépendance, s’affirme directement dans la période jacobine et napoléonienne, pour agir ensuite à différents niveaux dans les formes théâtrales. Et si le drame en musique, comme l’on sait, assume un rôle essentiel de miroir, de prise de conscience, de poussée énergétique pour les luttes du Risorgimento, c’est en affichant diversement les deux termes dans l’écriture des livrets, en référence à des moments et situations historiques diverses, avec des substitutions, des déviations, des extrapolations, des censures en tout genre selon les réalités italiennes, qui restent toujours en arrière-plan. Les mots agissent d’autant plus fort, dans leur épaisseur sémantique, qu’ils sont soutenus, exaltés, emphatisés, transmis par la vigoureuse intensité de la musique. Et il n’est peut-être pas nécessaire, me semble-t-il, d’opposer à la vulgate qui reconnaît à l’opéra un rôle fondamental dans le processus risorgimentale, le fait que le texte poétique soit encore conçu en continuité avec des formes et des schémas de la tradition classique.
6Pour un rapide excursus sur l’affirmation des termes patrie et liberté dans les œuvres des grands maîtres du XIXe siècle, on peut partir, à la fin de l’époque napoléonienne, de L’Italiana in Algeri de Rossini (1813), où, bien qu’à l’intérieur d’une situation comique, la scène 11 de l’acte II commence par le chœur des Italiens qui se prépare à fuir Alger : « Nos armes et nos mains sont prêtes/Pour fuir d’ici avec vous./Ce que valent les Italiens/Cette épreuve le montrera », à quoi répond le rondò d’Isabella, adressé à Lindoro : « Pense à la patrie et, intrépide,/Accomplis ton devoir./Vois comme dans toute l’Italie/Renaissent les exemples de hardiesse et de valeur. » En 1848, à Bologne, Rossini se rappellera ce chœur et ce rondò comme une preuve de l’esprit patriotique, opposable à ceux qui lui reprochent sa propre adhésion au régime bourbonien français, culminante ensuite avec le Viaggio a Reims pour le couronnement de Charles X : et du reste ces appels à la patrie du livret de Angelo Anelli furent considérés comme irrecevables dans l’Italie des Restaurations, où le vers initial du rondò fut généralement déformé en « Pense à ta fiancée » ou « Pense à ta fuite2 ».
7Rossini, même sans montrer un engagement patriotique particulier en venait donc à proposer, entre l’Italie et la France, quelques sujets qui, par leur thématique et leur relief musical, ne pouvaient pas ne pas provoquer des identifications libérales et indépendantistes essentielles. En ce sens, une place particulière doit être faite à Mosè in Egitto (théâtre San Carlo de Naples, carême 1818), dont le livret, dû à Andrea Leone Tottola, mettait en scène la lutte du peuple hébraïque pour se libérer de l’esclavage égyptien. L’œuvre s’ouvrait sur une scène nocturne, où le chant du chœur culminait dans une invocation à la liberté qui ne pouvait être ignorée dans le contexte napolitain de ces années-là :
« Ô Dieu d’Israël !
Si tu veux la liberté
Pour ton peuple fidèle,
Aies de lui, de nous, pitié3 ! »
8À la reprise de 1819, Rossini inséra la puissante prière finale Dal tuo stellato soglio4, qui pouvait assumer une valeur de cri patriotique de liberté et d’indépendance, et elle l’assuma certainement si l’on en croit les suggestions qu’on en tira par la suite : la projection du message patriotique sur la thématique biblique proposée par le Mosè allait s’imposer plus directement et avec une résonnance plus grande dans le Nabucco de Verdi bien des années plus tard.
9Du matériel thématique fourni par de nombreux livrets rossiniens, en dehors même des intentions réelles du musicien, jaillissaient des appels à la lutte, à l’amour pour la liberté et la patrie. Le thème de l’amour de la patrie, à travers des personnages où il est en conflit avec l’amour porté à un étranger (selon un schéma constant de l’opéra romantique), est bien présent dans l’opéra rossinien de 1819, Bianca e Faliero (même si par patrie on entend l’ancienne Venise), puis dans le Maometto II de 1820. Il trouve ensuite une nouvelle vigueur en terre française, à la fin des années 1820, avec les deux réécritures façon « grand opéra » pour le théâtre de l’Académie royale de musique, Le siège de Corinthe (9 octobre 1826) et Moïse et le Pharaon (26 mars 1827), puis explose dans le Guillaume Tell de 1829. L’esprit patriotique du premier Mosè a même laissé une trace suggestive dans le récit d’Honoré de Balzac, Massimilla Doni, écrit certes après un voyage en Italie accompli en 1837, mais sous l’effet d’une représentation parisienne du Mosè, advenue en 1832 : y est amplement décrite une représentation imaginaire de cet opéra des premières années de la Restauration à la Fenice de Venise, avec une chanteuse dont le nom, Clara Tinti, fait écho Laura Cinti, l’interprète de la première du Siège de Corinthe, du Moïse français et de la version italienne représentée à Paris, et y est relevé l’enthousiasme patriotique suscité par la prière Dal tuo stellato soglio (II, 1, n. 15). Les accords de harpe qui introduisent la prière provoquent une agitation particulière dans la loge où est assise la duchesse Massimilla Doni avec les protagonistes de l’histoire, et le narrateur rapporte les commentaires d’un Milanais et d’un Romagnol pendant que toute la salle demande un bis :
« – Il me semble avoir assisté à la libération de l’Italie, pensait un Milanais.
– Cette musique relève les tètes courbées, et donne de l’espérance aux cœurs les plus endormis, s’écriait un Romagnol5. »
10Maometto II est créé pour le San Carlo de Naples le 2 décembre 1820, juste au moment où le royaume des Deux-Siciles est ébranlé par la première secousse qui trouble l’ordre rigide de la Restauration, manifestant un sentiment national déjà alimenté par la domination française et le règne de Murat. À Naples, sous l’effet des mouvements carbonari, le roi Ferdinand Ier avait été contraint d’accorder la Constitution d’Espagne, qu’il récusa aussitôt après, à la suite de l’invitation des Autrichiens qui en janvier 1821 le convièrent à la conférence de Lubliana, puis envoyèrent vers le sud une armée, que Guglielmo Pepe et les constitutionnels tentèrent d’affronter, mais en vain : ils subirent de cruelles défaites à Rieti et Antrodoco (7 mars 1821) dont le souvenir est inscrit par exemple dans les Paralipomeni della Batracomiomachia de Leopardi. Écrit pendant la brève période constitutionnelle, le livret de cet opera seria rossinien que Cesare della Valle, duc de Ventignano, tire de sa propre tragédie, Anna Erizo, bien qu’ayant comme thème le siège de Négroponte défendue par les Vénitiens (1470), fait allusion au destin de l’Italie et contient de nombreux éléments patriotiques. La résistance contre les Turcs est conduite par le Provéditeur Paolo Erisso, dont la fille Anna est aimée par l’héroïque Calbo (contralto), à qui son père voudrait la donner en mariage. Anna cependant aime Uberto qu’elle a connu à Corinthe le croyant seigneur de Mytilène. Elle découvre maintenant que sous les traits d’Uberto se cache son ennemi, l’empereur turc Mahomet II (Maometto6), qui est à Corinthe en mission d’espionnage. Après que son identité a été reconnue, Maometto emmène Anna avec lui pour l’épouser. Mais elle lui oppose alors la fidélité à sa patrie en lui préférant l’amour de Calbo. Quand ce dernier est fait prisonnier, elle le sauve en affirmant qu’il s’agit de son frère, et après avoir favorisé sa fuite avec son père, afin qu’ils puissent tous deux continuer à combattre efficacement contre les Turcs, face à la fureur de Maometto Anna se suicide sur la tombe de sa mère. À diverses reprises est évoquée la valeur italienne et vénitienne, comme dans la première scène où Calbo affirme ainsi sa volonté de résister à l’assaut :
« Que le fier tyran apprenne
Que difficile, qu’amère
Est la victoire pour qui combat
Contre le glaive italique.
Face à ce noble exemple
Face à l’horrible carnage,
Que la colère accroisse
Les ardeurs des Vénitiens. »
11Puis les Vénitiens, en chœur, prêtent serment sur les « glaives italiques » et sur les « glaives vénitiens ». Au début de l’acte II, à Maometto qui lui dit son amour et lui promet de la faire reine de l’Italie dont il veut faire la conquête :
« Oui, reine de l’Italie
Tu seras à mes côtés, car dans mon esprit
J’ai déjà mûri ce dessein, et non en vain. »
12Anna, retenue prisonnière dans sa tente, répond, indignée, en invoquant sa fidélité à la patrie et à son père :
« Je refuse ce trône… ta main… je la hais.
Heureuse avec toi… ! Moi… ? Moi, reine, avec toi ?
Contre ma patrie… ? Pour qu’éternellement nous endurions
Cette honte, mon père et moi… ? »
13Toutes ses actions seront ensuite effectuées au nom de la patrie, notamment celle qui organise la fuite de Calbo et de son père. À l’acte II, scène 5, attendant d’être sacrifiée, elle projette même la valeur de ce sacrifice dans le futur :
« Ô ma patrie, peut-être, un jour, adviendra-t-il
Que tu sauras ce que je fais pour toi,
Et alors, où qu’elle soit répandue, ma cendre
Exultera pour t’avoir été consacrée. »
14Et le chœur des femmes exalte ainsi cette fidélité :
« Écoutant ces paroles si pieuses
Qui pourrait retenir ses larmes ?
Éternelle sera la gloire de l’Italie
Grâce à une telle fidélité. »
15La voix d’Anna mourante conclut la pièce, en opposant aux prétentions de l’envahisseur étranger la grandeur héroïque des familles italiennes :
« Toi qui penses… conquérir… l’Italie,
Apprends ici…, d’une femme italienne,
Qu’elle est aussi la patrie des héros. »
16Bien que située en Grèce, la résistance à l’invasion turque est ainsi toute entière confiée aux colonisateurs vénitiens, d’un point de vue entièrement « italien » et contre l’étranger indigne et barbare dont les élans de tendresse envers Anna demeurent des élans prédateurs. En cette année cruciale de 1820, situer cette revendication de la valeur italienne dans un espace grec, en exaltant une résistance héroïque contre l’envahisseur étranger, et exhiber sur scène un sacrifice féminin, signifie inaugurer, au-delà des intentions du musicien, les parcours et les contradictions du drame en musique du Risorgimento.
17Cette perspective de Maometto II, avec son extrapolation spatiale de la conquête de la Grèce par les Turcs ramenée vers l’Italie, est ensuite dépassée, avec un regard direct et solidaire envers le monde grec – et en concomitance avec les rapides développements que la lutte pour l’indépendance prend en Grèce dans ces mêmes années –, dans la réécriture parisienne plus ample et plus complexe, Le Siège de Corinthe, dont le livret entièrement réécrit en français par Luigi Balocchi et Alexandre Soumet substitue le siège de Négroponte par celui de Corinthe (1458), mettant au centre de l’histoire une résistance héroïque confiée non plus aux colonisateurs vénitiens, mais directement aux Grecs. L’intrigue et la répartition des voix restent naturellement identiques, seuls les noms changent (mis à part celui de Mahomet II). La jeune Pamyra (dont le rôle revint à cette Laura Cinti qui chantera l’année suivante dans Moïse et le Pharaon) est amoureuse d’Almanzor, qu’elle a rencontré à Athènes, alors que son père Cléomène voudrait la marier au guerrier Néoclès (voix de ténor, qui dans la version successive redevient contralto, comme le Calbo de Maometto II). Le choix du personnage de Pamyra apparaît toutefois ici moins immédiat et déterminé, l’héroïne est plus chargée de conflits : dans un premier temps, reconnaissant en Mahomet celui qu’elle croit Almanzor, elle semble succomber à la « funeste puissance » de l’amour. Au début de l’acte II, alors qu’elle se trouve dans le pavillon de Mahomet, le chœur l’invite à accepter le mariage avec ce dernier, justement pour sauver la Grèce qu’il a conquise, parce qu’elle pourrait ainsi la gouverner avec modération à ses côtés. Et dans le courant de l’acte, malgré ce qui déchire le cœur de Pamyra, la célébration a presque lieu, quand Néoclès est fait prisonnier. Pamyra déclare qu’il est son frère et le rituel du mariage est alors interrompu par le soulèvement du peuple de Corinthe qui, dans la ville, reprend les armes contre les conquérants. Cela convainc définitivement Pamyra de choisir Néoclès et de passer du côté des combattants. Le troisième acte se déroule dans le cimetière de Corinthe où les Grecs se sont réunis pour une dernière résistance, sans espoir. Là, Pamyra reçoit le pardon de son père et le mariage avec Néoclès est célébré devant la tombe de sa mère. Après la bénédiction du grand prêtre Hiéros et le serment de mourir pour la patrie, les Grecs affrontent tous unis la dernière bataille : Pamyra reste avec les femmes dans le cimetière, et après la dernière prière (« Juste ciel. Ah ! Ta clémence »), Mahomet arrive avec ses troupes et assiste à son suicide tandis que le mur s’écroule et que s’élèvent les flammes de l’incendie de Corinthe7.
18Avec une amplification chorale adaptée aux formes du grand opéra, la matière patriotique de Maometto II acquiert ici une plus grande intensité : la perspective grecque et la destination française de l’opéra la rendent plus directement praticable et apte à susciter l’enthousiasme du public parisien, qui l’accepta aussi dans la version italienne de Calisto Bassi, représentée pour la première fois au théâtre Ducal de Parme le 31 janvier 18288. Les interventions sur la version italienne, par ailleurs, semblent proposées différemment de ce qui arrive peu après pour celle Guillaume Tell (livret du même Bassi). La rédaction définitive du livret ne montre aucune utilisation du terme liberté, alors que dans un premier temps la pièce devait se conclure sur le cri : « Liberté ! Tous nos fils se lèvent à ton nom », un cri dont la censure parisienne imposa le retrait9. Le traducteur italien n’eut besoin d’aucune censure ultérieure, et la présence fréquente du terme patrie ne semble avoir posé aucun problème dans la mesure où il s’agissait d’une Grèce chrétienne qui, en ces années-là, cherchait précisément à se soustraire au joug turc et musulman, et à laquelle les puissances de la Sainte Alliance ne pouvait pas refuser, au moins en apparence, une bienveillante neutralité.
19Si dans la première scène Neoclès déclare son engagement à verser son sang pour sa patrie (« En nous seuls la patrie/désormais se confie ;/au prix de notre vie,/nous devons la sauver »), le mot même de patrie a dans la version française une dizaine d’occurrences. Mais il est vrai que la situation textuelle est très confuse, car on trouve d’autres versions françaises qui correspondent plus directement à la version italienne, où le mot patria, proféré par Pamyra et un chœur de femmes, scelle la fin de l’opéra. Sans parcourir ici toutes ces occurrences, nous pouvons noter que le serment de Cléomène dans la première scène (« Ah ! Sur l’autel de la patrie/jurons de vaincre ou de mourir ») se prolonge au début de la deuxième scène avec l’affirmation de la liberté persistante de la Grèce. Ici, la version italienne ne suit pas vraiment l’affirmation décidée de l’original français (« La Grèce est libre encor ; nous vaincrons nos tyrans »), préférant insérer de nouveau le mot patrie, en substituant toutefois l’adjectif libre par sauvée (« E’salva anco la patria »), et tyrans par ennemis (« Struggeremo i nemici10 ») : Il valait mieux ne pas parler de tyrans dans l’Italie de la Restauration !
20Dans la huitième scène de l’acte I, à Mahomet qui donnait aux soldats grecs l’ordre de déposer les armes, Cleomène répondait que ceux-ci, de toute manière, n’obéiraient pas (« Ils n’obéiront pas,/La Grèce à sa gloire est fidèle »), alors qu’au début de l’acte II, Pamyra, suivie par le chœur qui l’invite à accepter les propositions de Mahomet, invoque la patrie, doutant de pouvoir la sauver dans la position d’épouse de l’empereur (ces vers manquent dans la version italienne, comme aussi dans l’une des versions françaises) :
« Ô patrie infortunée !
Quelle affreuse destinée !
Ah ! De gloire environnée,
Je voudrais briser tes fers. »
21Et si au début de l’acte II, dans le cimetière de Corinthe, Adraste, confident de Cleomène, doit affirmer que « la patrie, hélas ! N’est plus qu’en ces tombeaux », le point culminant de la tension politique et patriotique de la pièce, avec un regard attentif aux événements contemporains, est donné par la prophétie que le grand prêtre Hiéros (basse, évidemment), adresse aux combattants qui jurent de se donner corps et âme à la dernière et inutile attaque :
« Marchons ; mais, ô transports ! Ô prophétique ivresse !
Dieu lui-même commande à mes sens agités ;
Il dévoile à mes yeux l’avenir de la Grèce…
Avant de mourir, écoutez.
Chœur général
Dieu, dévoile à ses yeux l’avenir de la Grèce,
Écoutez ! Écoutez !
Hieros
Quel nuage sanglant a voilé ce rivage !
Tout un peuple s’endort du sommeil du trépas ; Je vois peser sur lui cinq siècles d’esclavage,
Et le bruit de ses fers ne le réveille pas !
Chœur Général
Et le bruit de ses fers ne le réveille pas !
Hélas ! Hélas !
Hieros
Il se réveille enfin ; peuples, séchez vos larmes.
Chœur Général
Séchons, séchons nos larmes.
Ô patrie !
Hieros
Tous tes fils se lèvent à tonnom.
Le vent fait voler sur leurs armes
La poussière de Marathon.
Chœur Général
Marathon ! Marathon !
Hieros
Comme un grand bouclier, Dieu protège nosvilles,
Notre cendre féconde enfante des soldats ;
L’écho sacré des Thermopyles
Se souvient de Léonidas.
Chœur Général
Léonidas ! Léonidas ! »
22La poussière de Marathon et l’écho sacré des Thermopiles sont évoqués comme équivalents de la force qui suscite la lutte enthousiaste de la Grèce pour l’indépendance, d’une Grèce qui se réveille après cinq siècles d’esclavage. Et ce bruit de ses fers qui ne réveille pas encore un peuple qui dort peut être facilement appliqué à la situation italienne, à une Italie qui semble dormir au moment où la Grèce s’est enfin réveillée, justement au nom de Marathon et de Léonidas. Au nom de Léonidas, la voix de Hiéros s’élève dans un hymne formidable, constitué d’une strophe chantée sur un vigoureux rythme de marche, reprise ensuite par toutes les voix et par le chœur, dans un morceau anticipant déjà l’énergie de tant et tant d’airs et de chœurs patriotiques des années suivantes :
« Hieros
Répondons à ce cri de victoire,
Méritons un trépas immortel ; Nous verrons dans les champs de la gloire
Le tombeau se changer en autel.
Tous Ensemble
Répondons à ce cri de victoire,
Méritons un trépas immortel ;
Nous verrons dans les champs de la gloire
Le tombeau se changer en autel. »
23Ce n’est pas un hasard si cette scène de la prophétie, dans ses divers développements, a constitué un point de référence essentiel pour la prophétie de Zaccaria à la fin du troisième acte du Nabucco de Verdi, et si son accompagnement musical fut arrangé pendant les mouvements de 1848 pour un hymne national, sur des paroles italiennes du poète de Macerata Francesco Ilari, dédié à la Légion civile romaine mobilisée, dont le début est : « Italiens, l’esclavage est fini !/Dieu nous appelle pour sauver la patrie11. »
24L’esprit patriotique et l’exaltation de la liberté, avec un sens clairement antiautrichien, même si transposé dans un contexte helvétique et destiné à un public français, trouve une issue plus forte dans le Guillaume Tell de Étienne de Jouy et Hippolyte-Louis-Florent Bis, livret tiré du dernier drame de Schiller représenté à Paris le 3 août 1829, dans ce moment fébrile où se manifestent les prémisses de la révolution de 1830. Ici patrie et liberté sont évoquées plusieurs fois, par Guillaume dans le quatuor de la première scène, à propos du chant joyeux du pêcheur :
« Quel fardeau que la vie !
Pour nous plus de patrie !
Il chante, et l’Helvétie
Pleure sa liberté. »
25Mais patrie et liberté, lancées de surcroît contre les dominateurs autrichiens, ne pouvaient pas avoir un espace d’expression en Italie, même si le terme patrie semblait sans doute moins dangereux quand il se référait à la patrie des autres. Il est intéressant de constater que, dans le télescopage entre le langage mélodramatique et l’Italie de la Restauration, le mot patrie a rencontré moins d’obstacles que le mot liberté, ne serait-ce que parce que, comme on l’a vu, il était souvent référé à des situations lointaines que l’on ne pouvait pas immédiatement identifier avec l’Italie contemporaine. Un premier exemple est précisément ce passage de Guillaume Tell que je viens de citer où, dans la version italienne de Calisto Bassi, représentée pour la première fois à Lucques le 17 septembre 1831, le mot patrie demeure, mais liberté, plus dangereuse, est supprimée :
« Perché vivere ancora,
or che non v’è più patria ?
Ei canta, e Elvezia intanto,
ahi, quanto piangerà12 ! »
26Cette version de Callisto Bassi qui a accompagné le Guglielmo Tell italien pendant presque tout le XXe siècle censure avec insistance tous les passages dangereusement « libéraux » et certainement antiautrichiens de la version française13. Dans la quatrième scène de l’acte II, où Arnold est convaincu par Guillaume et par Walter d’abandonner le camp des oppresseurs, Arnold affirme tout d’abord sa fidélité à l’armée de Gessler, son ennemi. Voici la version française :
« Guillaume
Quand l’Helvétie est un champ de supplices
Où l’on moissonne nos enfants,
Que de Gesler tes armes soient complices,
Combat et meurs pour nos tyrans !
Arnold
Les camps rappellent mon courage ;
Aux camps règne la loyauté.
Déjà la gloire marqua mon passage ;
Elle remplace aussi la liberté. »
27Dans la version italienne, le traître Gessler remplace les ennemis tyrans, et la dangereuse liberté n’est pas opposée au désir de gloire :
« Guglielmo
Allor che scorre – de’forti il sangue !
che tutto langue –, che tutto è orror,
la spada impugna –, Gessler difendi,
la vita spendi – pel traditor.
Arnoldo
Al campo volo –, onor m’attende,
ardir m’accende –, m’ accende amor.
Desìo di gloria – m’invita all’ armi :
è di vittoria – ardente il cor14. »
28La scène 4 de l’acte II culmine elle aussi dans le trio où Arnold lui-même, ayant appris que les Autrichiens ont tué son père, s’associe au cri de vengeance au nom de l’indépendance et de la liberté :
« Guillaume, Arnold, Walter
Ou l’indépendance ou la mort !
(Ils se donnent la main)
Embrassons-nous d’un saint délire !
La liberté pour nous conspire ;
Des cieux ton/mon père nous inspire,
Vengeons-le, ne le pleurons plus. »
29La version italienne élimine de façon nette l’indépendance, assurément plus dangereuse, en la remplaçant par une liberté qui ici conserve une résonnance classicisante. Mais elle ne peut ensuite pas soutenir cette liberté qui « conspire » et doit la transformer en une très rhétorique gloire :
« Arnoldo, Guglielmo, Gualtiero
O libertade o morte.
La gloria infiammi – i nostri petti,
il ciel propizio – con noi cospira ;
del padre l’ombra – il cor c’ispira,
chiede vendetta – e non dolor15. »
30La triomphale célébration de la liberté qui conclut Guillaume Tell en reprenant une mélodie populaire suisse ne pouvait pas non plus s’entendre sur le sol italien :
« Liberté, redescends des cieux,
Et que ton règne recommence ! »
31Ici, la version italienne de Bassi, de façon très réductrice, adopte l’une des formules les plus génériques et récurrentes du langage mélodramatique :
« Quel contento che in me sento
non può l’anima spiegar16. »
32Dans l’annonce du règne de la liberté à la fin de Guillaume Tell, nous pouvons certes lire une prophétie de la toute proche révolution de juillet 1830. Du reste, c’est à Paris dans les années 1830, avec la présence de tant d’exilés italiens, que se réalise l’une des plus déterminantes expériences opéristiques tendues vers le Risorgimento : le magnifique duetto de I Puritani de Bellini, joué à Paris au Théâtre-Italien sur commande de Rossini, le 14 janvier 1835, avec un livret en italien, en vérité très artificiel et désordonné, de ce Carlo Pepoli auquel Leopardi avait dédié son Epistola en vers de 1826. Nous sommes à la fin de la scène 4 de l’acte II, quand la basse Giorgio et le baryton Riccardo s’apprêtent à combattre pour défendre leur patrie contre un prochain assaut ennemi. Patrie et liberté ne font plus qu’un dans leur formidable détermination galvanisée par un rythme de marche :
« Giorgio
Voici que sèment la terreur
Patrie, victoire, honneur !
Giorgio, Riccardo
Que sonne le clairon et, intrépide,
Je combattrai en brave,
Il est beau d’affronter la mort
En criant : liberté !
L’inébranlable amour de la patrie
Récolte des lauriers sanglants ;
Qu’ensuite les sueurs et les pleurs
Soient essuyés par la piété.
Riccardo
À l’aube !
Giorgio
À l’aube !
Giorgio, Riccardo
À l’aube !
Riccardo
Aube qui surgit pour unpeuple,
Qui se confie à la liberté,
Joyeuse, sourie-lui,
Annonciatrice d’un éternel soleil.
Aube qui surgit pour les perfides
Tyrans de la terre,
Annonce-leur la guerre
Et une aube d’éternelle douleur17. »
33L’enthousiasme suscité par l’opéra fut tel que Bellini reçut la Légion d’Honneur (31 janvier) et ce fut Rossini qui lui remit la médaille, au théâtre, le 3 février. Le duetto (« Suoni la tromba ») fut aussitôt pris comme emblème patriotique et la princesse Cristina di Belgioioso en commanda au moins six transcriptions pour piano, réalisées par Franz Liszt, Frédéric Chopin, Sigismund Thalberg, Henri Herz, Carl Czerny et Johann Peter Pixis. Mais dans les représentations italiennes de l’opéra, la scène et le duo furent systématiquement et directement supprimés.
34Peu après I Puritani, le 12 mars 1835, on représenta à Paris au Théâtre-Italien Marino Faliero de Donizetti, sur un livret d’Emanuele Bidera, tiré en partie d’une tragédie de Casimir Delavigne et du drame homonyme de Byron adapté par Agostino Ruffini, subtil mélange d’attention et de rivalité entre Donizetti et Bellini, puisque Marino Faliero fut chanté par les mêmes solistes que I Puritani et fut représenté comme lui à Londres.
35Marino Faliero représente un point d’arrivée et de rupture dans l’élaboration de la musique risorgimentale préverdienne, si l’on considère l’enthousiasme qu’il suscita chez Giuseppe Mazzini qui, dans son essai de 1836, Filosofia della musica, voit en Donizetti, sur la base de cette œuvre, l’inventeur d’un nouvel art musical capable de reconnecter l’individualité et l’idéal. Dans le heurt entre le doge Faliero et l’aristocratie, compliqué par l’amour que porte à sa femme Elena son neveu Fernando, la patrie qui est interpellée est celle dont le salut est confié justement au peuple, aux artisans sur lesquels le doge s’appuie dans une lutte sans quartiers contre l’arrogance de l’aristocratie et du conseil des Quarante. À la scène 12 de l’acte I, on trouve un duetto entre Faliero et Israele Bertucci, capitaine de l’Arsenal, qui lui propose de participer à une conjuration contre la noblesse, en commençant par abattre l’insolent Steno. Le doge émet des doutes sur la possibilité, pour le peuple, de pouvoir résister à la violence des tyrans et à la réaction des partisans de Steno :
« Faliero
Si tu réussis à l’occire,
Tu en auras tué un, et mille autres
Surgiront pour le venger.
Qui de vous, esclaves frémissants,
À cette horrible tyrannie,
Qui peut résister ?
Israele
Surgiront comme unéclair
Pour punir l’inique Steno,
Pour sauver la Patrie opprimée,
Mille épées et mille héros.
Mille barbares pourront surgir
Tous tomberont, ou moi je tomberai18. »
36Faliero finit par être convaincu, également pour des raisons personnelles, et la cabalette qui suit aborde l’un des nœuds les plus dramatiques de l’action révolutionnaire : devoir frapper, par amour de la patrie, des concitoyens et des personnes avec lesquelles on entretenait des rapports de solidarité et d’amitié, situation plus déchirante encore pour le doge :
« Israele
Tu trembles et tu frémis,
Tu hésites à frapper :
Le sang vénitien
Te fait frissonner d’horreur.
Mais s’ils oppriment la patrie
Qui gémit dans les tourments,
Que périssent les tyrans
Sauvons donc notre patrie.
Faliero
Ils furent nos frères, nos amis :
Contre eux, armer nos mains…
Ce sang est vénitien !
Je frémis d’horreur.
Mais s’ils oppriment la patrie
Qui gémit dans les tourments,
Que périssent les tyrans
Sauvons donc notre patrie. »
37L’acte I se conclut sur une fête donnée chez le noble Leoni, membre du Conseil des Dix. Dans un ample concertato, les voix des protagonistes se superposent à celle de l’adversaire Steno, masqué. Cinq voix, parmi lesquelles celles d’Israele et de Faliero (I, 19) échangent ces répliques où le salut de la patrie se projette dans le refus de toute pitié envers les ennemis, et dans l’affirmation d’une authentique, véritable liberté :
« Israele (à Faliero)
Parmi les danses et l’allégresse
Ta patience nous insulte !
Est-ce justice qu’ils restent impunis ?
Et pitié d’eux tu aurais ?
Que périssent les tyrans,
Ou Venise périra.
Faliero (à Israele)
Tais-toi, ami, retiens-toi :
Ta fureur peut ici te trahir
Garde ta colère pour le grand dessein
Qui punira leur arrogance.
Une heure encore ! Et commencera
La véritable liberté. »
38Les mêmes termes sont repris peu après, dans les dernières répliques de l’acte I (scène 20) :
« Israele (à Faliero)
Il reste ferme dans son projet
Car la pitié est crime.
Si les tyrans ne périssent pas
C’est ta patrie qui périra.
Faliero (à Israele)
Ils périront ! Mon projet
Est ferme comme rocher
Une heure encore, et commencera
La véritable liberté19. »
39Une trahison fait découvrir la conspiration, et l’acte III est celui du martyre des conjurés, qui l’affrontent avec un courage sublime, certains d’avoir cherché le bien du peuple et de la patrie. Après avoir rappelé les anciennes victoires militaires, celles à Zara et à Rhodes, Israele et le chœur des conspirateurs condamnés entonnent une cabalette très significative (III, 8, no 12) où ils affirment héroïquement le caractère sublime du martyre, offrant ainsi un exemple pour de futurs martyrs et héros :
« L’échafaud est un triomphe,
Nous y montons en riant :
Car le sang des valeureux
Ne sera pas perdu.
D’autres nous suivront,
D’autres martyrs et héros : Et si pour eux aussi le sort
Est adverse et cruel,
Montrons pourtant comment
On se prépare à mourir. »
40Marino Faliero allie donc de cette façon le motif patriotique, à la perspective d’une lutte entre le peuple et l’aristocratie, et les thèmes de la conspiration, de l’exemple et du martyre, tout à fait déterminants dans la lutte mazzinienne. Du reste, Agostino Ruffini a certainement eut une influence dans la rédaction du livret20.
41Au début de son essai La filosofia della musica, Mazzini s’adressait « aux âmes qui espèrent et aiment, qui s’approchent avec vénération des œuvres des grands, à ceux qui gémissent sur la dernière pensée de Weber et frémissent en écoutant le duetto de Faliero et Israello Bertucci », et plus loin, après avoir cité encore une fois Marino Faliero, il exalte Donizetti, voyant en lui le fondateur possible d’une nouvelle école musicale « italo-européenne », le « seul dont l’intelligence progressiste révèle des tendances régénératrices » contre les imitateurs serviles, un guide et un point de référence pour la « veillée d’armes » à laquelle la musique aussi était appelée. L’attente de Mazzini, liée à ce moment particulier de la carrière de Donizetti, ne trouvera pas dans le musicien bergamasque la suite qu’il appelait de ses vœux, le compositeur ayant accepté en 1842 la charge de maître de chapelle et compositeur de la cour de Vienne. Mais 1842 est aussi l’année de Nabucco. Avec Verdi commence cette veillée d’armes peut-être différente de celle que souhaitait Mazzini, mais certainement dotée d’une exceptionnelle vigueur patriotique. Une nouvelle histoire musicale de patrie et de liberté se dessine, particulièrement intense et conflictuelle dans les années qui suivent, avec les opéras verdiens I lombardi alla prima Crociata, Ernani, Giovanna d’Arco, Attila, Macbeth, et jusqu’à La battaglia di Legnano (sur un livret du très mazzinien Salvatore Cammarano), représenté à Rome pendant la brève République romaine, le 27 janvier 1849, dont le vibrant chœur d’ouverture, « Viva Italia forte ed una », résonna ensuite dans Milan à peine libéré, en juillet 1859.
Notes de bas de page
1 Traduction de ce chapitre par Françoise Decroisette.
2 Cf. Philip Gossett, Dive e maestri. L’opera italiana messa in scena, Milan, il Saggiatore, 2009, p. 170.
3 Pour les citations des livrets rossiniens, on a utilisé Tutti i libretti di Rossini, éd. Marco Beghelli, Nicola Gallino, Milan, Garzanti, 1991 ; très utile aussi Paolo Fabbri, « introduction », in Tutti i libretti d’opera, éd. Piero Mioli, Rome, Newton & Compton, 1997.
4 [Depuis ton seuil étoilé.] Stendhal parle de l’enthousiasme suscité par cet air dans le chapitre consacré à Mosé de la Vie de Rossini, après avoir raconté, selon une anecdote peu crédible, qu’il aurait été composé « en huit ou dix minutes au plus, sans piano, et la conversation continuant entre les amis, et à très haute voix », cf. Stendhal, L’Âme et la Musique. Vie de Haydn, de Mozart et de Métastase. Vie de Rossini. Notes d’un dilettante, éd. Suzel Esquier, Paris, Stock, 1999, p. 572.
5 Pierre Georges Castex, « Préface », in Honoré de Balzac, La Comédie humaine, présentation et notes de Pierre Citron, Paris, Le Seuil, vol. 6, p. 571. Pour le passage de l’opéra napolitain à l’opéra parisien, cf. Paolo Isotta, « Da Mosè a Moïse », in Bollettino del centro rossiniano di studi, [11], 1971, p. 87-117. Sur Massimilla Doni, cf. Michel Butor, « Venezia come Fenice », in Paola Decina Lombardi (dir.), Balzac e l’Italia, Rome, Donzelli, 1999.
6 Nous conservons les noms des personnages dans la langue du livret original (NdT).
7 Sur les diverses interprétations équivoques des mises en scène contemporaines, et sur la complexité du rapport entre Maometto II et Le siège de Corinthe, cf. Philip Gossett, op. cit., p. 42-46, 145-149. Pour les différences entre la partition pour piano et chant, celle pour orchestre, et les différents livrets, cf. toujours de Philip Gossett, Le Siège de Corinthe. A Facsimile Edition of the Printed Orchestral Score, Garland, New York, 1980. Cf. aussi le riche numéro de L’Avant-Scène Opéra, no 81, novembre 1985, Le siège de Corinthe (Maometto II), commentaire musical et littéraire de Jean Cabourg.
8 On sait qu’elle fut précédemment représentée à Barcelone, le 24 juillet 1827, à Rome pendant l’hiver 1827, à Venise au printemps 1828, avec une action située en Espagne, sous le titre L’assedio di Granata, à Naples le 4 octobre 1828, subissant un jeu de transformations impossible à suivre.
9 Cf. les textes des deux censeurs Louis Laya et Charles Lacretelle transcrits par Anselm Gerhard, « La “liberté”– inadmissible à l’Opéra », in L’Avant-Scène Opéra », op. cit., p. 69-71.
10 Dans la première scène de l’acte I, du reste, Bassi évitait le mot tyran. De « Pour fuir le joug du tyran » on passait à « Per torne all’empio giogo » (Pour nous soustraire au joug impie).
11 Cf. Philip Gossett, Dive e maestri, op. cit., p. 147, 576.
12 (Pourquoi vivre encore/Or que la patrie n’est plus./Il chante, mais l’Helvétie,/Hélas, l’Helvétie pleurera.)
13 Ibid., p. 412-416 (avec les indications sur l’intervention de la version Bassi dans l’acte II et dans le finale de Guillaume Tell).
14 (Guglielmo : Alors que coule – le sang des braves,/Que tout languit – Et n’est qu’horreur/Tu saisis ton fer – tu défends Gessler/Tu perds ta vie – pour ce vil traître. Arnoldo : Je vole au camp – l’honneur m’attend,/L’audace m’enflamme – amour aussi/Désir de gloire – m’invite aux armes/Et de victoire – avide est mon cœur.)
15 (Arnoldo, Guglielmo,Gualtiero : Ou la liberté ou la mort./Que la gloire – enflamme nos poitrines/Le ciel propice – avec nous conspire,/Que l’ombre de mon père – nos cœurs inspire/Il veut la vengeance – et non pas la douleur.)
16 (Ce contentement qu’en moi je sens/Mon âme ne peut l’expliquer.)
17 Pour le livret de I Puritani, cf. Tutti i libretti di Bellini, éd. Olimpio Cescatti, Milan, Garzanti, 1994.
18 Pour le livret de Donizetti, cf. Tutti i libretti di Donizetti, éd. Egidio Saracino, Milan, Garzanti, 1993.
19 Dans la scène qui ouvre le finale (I, 16), Israele lit à Faliero la liste des conjurés parmi lesquels se trouve un gondolier : au doge qui s’en étonne, Israele répond ainsi : « Avec cent autres assis sur la proue,/Il entonnera le premier/Un chant de liberté. » L’histoire de la fortune de Marino Faliero et des modifications qu’il a subies en Italie est encore à faire.
20 Pour la position de Donizetti dans le cadre Risorgimento et pour ses rapports avec les mazziniens, cf. Antonio Rostagno, Gaetano Donizetti, in Beatrice Alfonzetti, Silvia Tatti (dir.), Vite per l’unità, Rome, Donzelli, 2011, p. 51-65.
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