Introduction
p. 9-23
Texte intégral
Le but de l’art est presque divin : ressusciter s’il fait de l’histoire ; créer s’il fait de la poésie.
Victor Hugo, Préface de Cromwell.
1Deux démarches ont conduit l’élaboration de ce volume. L’une, commémorative, l’inscrivait dans la dynamique des manifestations universitaires suscitées, en France comme en Italie, par le cent-cinquantième anniversaire de la proclamation du royaume d’Italie en 1861. L’autre en faisait la conclusion d’une réflexion développée à l’université Paris 8 en 2009-2011 par l’Équipe « Histoire et pratiques du spectacle vivant en Italie1 » autour du couple antinomique « le Théâtre et l’Histoire », exploré surtout par les auteurs et metteurs en scène, et plus récemment par l’histoire culturelle et l’esthétique théâtrale2. Y avaient été interrogés divers usages dramatiques et scéniques de l’Histoire, depuis les représentations de la guerre en Europe au XVIIe siècle3 jusqu’aux formes très contemporaines de récit dramatisé proposées, en Italie, par les auteurs-acteurs du teatro di narrazione.
2Les deux démarches concordaient opportunément. Rarement en effet dans l’histoire du théâtre européen les poètes dramatiques, ainsi qu’on les nommait encore parfois, se sont interrogés comme au XIXe siècle sur la manière dont l’histoire s’écrit et se dit derrière les rideaux de scène. Rarement ils ont autant puisé leur inspiration dans les figures et les événements du passé en cherchant à concilier les deux termes de l’équation posée comme irréductible par la Poétique aristotélicienne : le poète, dramatique ou épique, n’est pas un historien, son domaine est le possible non le réel, il invente et comble par l’imagination les lacunes de la documentation et les silences des archives. Il dit des histoires et non l’Histoire. La seule obligation à laquelle il est tenu dans sa narration est celle du vraisemblable, non celle de la véridicité à laquelle doit tendre l’historien. Les temps étaient propices à abattre définitivement la « vieille masure scolastique », au demeurant déjà très ébranlée, que Victor Hugo critique en 1827 dans la Préface de Cromwell4. L’onde de choc de la Révolution française ayant rouvert le théâtre à l’histoire comme problématique5, la scène romantique pouvait renouer avec la vocation politique fondamentale de l’art théâtral – instruire, débattre, dénoncer – jusqu’à devenir l’espace d’où surgit l’événement : la révolution belge catalyse, le 25 août 1830, quand un groupe de patriotes enflammés par La Muette de Portici d’Auber, au sortir du théâtre, détruit les images du pouvoir monarchique, conjuguant les temporalités diverses du théâtre et de l’histoire.
3Partout en Europe, on cherche de nouvelles formes d’expression dramatiques et scéniques libérées des contraintes structurelles et stylistiques héritées des genres classiques, afin de mieux exprimer sur scène les mouvements de l’histoire en marche. On abandonne les vieux mythes universels, on se prend de passion pour les sujets et les figures historiques susceptibles de fournir des modèles et des incitations à l’action, de répondre aux interrogations et aux aspirations politiques du présent. À cette fin, on invente des cadres narratifs capables d’atteindre la « vérité » et la « nature6 », l’humain dans ses particularités et non dans son universalité : on veut peindre sans affectation, ni convenances stylistiques, les sentiments qui révèlent « l’homme à l’homme7 ». La scénographie et la décoration elles-mêmes – ce qu’en France l’on commence à appeler « mise en scène » – sont repensées afin d’emporter l’adhésion sans réserve du spectateur non plus au vraisemblable du récit dramatique, mais à la vérité des actions et des personnages représentés sur les plateaux.
4Les auteurs prétendent servir le vrai d’autant plus légitimement que la fiction dramatique, à la différence de la fiction littéraire romanesque, est performative : au livre, au stylet et à l’encrier, « instruments de l’Histoire8 », le théâtre ajoute le corps, la voix, le geste. Le poète dramatique invente, oui. Ce faisant, il annule toute distance avec le passé, il anime les lieux et les personnages figés dans les documents, les récits, sur les toiles des peintres. Il verbalise les sentiments enfouis dans les écrits des archives pour tenter d’effleurer, comme le préconisait Lucien Febvre, la « vie affective » des figures de l’histoire9. Il les « ressuscite » au sens propre en les faisant s’incarner sous les yeux du public et lui parler en première personne dans le présent singulier, factice et réel à la fois, de la représentation scénique. Le nouveau drame historique, dans ses diverses formes, à jouer ou à lire, affirmait ainsi, avec naïveté peut-être, mais avec force, le désir de rapprocher narration théâtrale et narration historienne. Du même coup, il peut être considéré, dans sa polysémie fondamentale, représentation textuelle et représentation scénique, comme un lieu privilégié où l’événement – dans notre cas, l’unification de l’Italie dans sa complexité – se dit, s’organise, se fabrique et est fabriqué10, où se façonnent la rhétorique et les mythes qui prolongent ensuite sa mémoire, où s’expriment les interprétations plurielles qu’il a suscitées et suscite toujours aujourd’hui. Il fait partie de plein droit de ce « mécanisme générateur de la conscience nationale, composé de mémoire et d’affabulation » que Mario Isnenghi appelle la rammemorazione11, il alimente les « figures profondes12 » du discours national que les historiens soucieux de proposer une approche « autonome » des événements et des faits cherchent hors des archives afin de « de faire entendre les voix de Mazzini, D’Azeglio, Garibaldi, Cavour, au lieu de voir leurs mots filtrés par un historien qui les interprète13 ». Mais ces recherches explorent essentiellement les textes littéraires, iconographiques ou cinématographiques en excluant encore le plus souvent les écritures scéniques14.
5Les œuvres qui accompagnent, dans la première moitié de l’Ottocento, le « réveil » de la nation italienne et la marche vers l’Unité témoignent d’une même effervescence théorique et pratique autour du nécessaire renouvellement de la scène dramatique. Dès 1801, Melchiorre Gioia, dans la dédicace de sa « tragédie en prose », éminemment politique et idéologique mais jamais représentée, La Giulia, ovvero l’interregno della Cisalpina, revendique, pour mieux toucher le public, le droit d’abandonner l’écriture en vers et de puiser son intrigue dans un épisode « réellement advenu15 » de la chronique milanaise des années de la République Cisalpine. C’est peut-être à de telles expérimentations que pense Alessandro Manzoni lorsqu’il élabore successivement, en 1816 et 1820, sa tragédie Il conte di Carmagnola et sa célèbre Lettre à Monsieur Chauvet sur l’unité de temps et de lieu dans la tragédie, pour se libérer de la rhétorique qui l’empêche « de faire parler les hommes comme ils parlent habituellement16 ». Et sur ces mêmes bases, en 1830, dans son article sur le drame historique, Giuseppe Mazzini tranche la question de la dichotomie entre poètes dramatiques et historiens, au bénéfice des premiers, seuls capables, selon lui, de faire par la puissance de leur « invention », « revivre efficacement les personnages historiques ». Il entend libérer ainsi les auteurs de toute « servilité » au vrai historique, nocive, écrit-il, pour le « génie du poète », et il le fait avec d’autant plus de conviction qu’il estime, anticipant à sa manière les débats actuels sur les frontières passant entre littérature et histoire17, que ceux qu’il appelle les « chroniqueurs » ne sont que des hommes, comme tels « soumis aux préjugés et aux factions, aux mémoires fragmentaires », et donc susceptibles d’erreurs dans leur narration des faits et des personnages historiques18.
6Les scènes italiennes deviennent alors, selon l’expression utilisée par Federico Doglio en 1961, année centenaire, un « creuset bouillonnant de tendances esthétiques tendues vers un but unique, l’unité de la Patrie », où se reflètent « les figures et les épisodes majeurs de l’histoire politique du Risorgimento19 ». Ce bouillonnement se manifeste non seulement par l’importance numérique de la production20, mais aussi par sa diversité formelle et thématique, et par une intense réflexion théorique et pratique sur la nécessité d’inventer une dynamique théâtrale nationale porteuse d’idéaux patriotiques et sur la mise en adéquation de la dramaturgie tragique ou comique au nouveau contexte politique.
7Dans le choix anthologique qu’il proposait pour l’illustrer, Federico Doglio avait fait ressurgir trois textes dits mineurs, représentatifs de la diversité des expérimentations en matière d’expression dramatique de l’histoire : la tragédie en prose de Melchiorre Gioia, citée ci-dessus ; une comédie néo-goldonienne, I legittimisti in Italia, écrite en 1861 par Luigi Suner, écrivain-soldat toscano-cubain engagé en 1859 dans la bataille de Montebello, où sont dramatisés les débats enflammés des années 1850 entre patriotes et légitimistes ; et le drame choral de Vincenzo Padula, Antonello, capobrigante calabrese, publié en 1864 à Cosenza, qui, immédiatement après l’Unité, brosse la vie quotidienne et la fin tragique d’un groupe de brigands calabrais à l’époque de l’épisode héroïque des frères Bandiera (1844). D’autres textes inédits remis récemment à l’honneur par des historiens de la culture montrent que les auteurs ne se contentent pas d’innover dans le choix des sujets historiques, mais qu’ils prennent conscience aussi du problème posé par les processus d’identification du spectateur aux personnages, et de la dangereuse confusion entre réalité et fiction qui peut le saisir face à la représentation des événements du présent lorsque ceux-ci ne sont pas relayés par la connaissance des codes et des conventions dramatiques et scéniques, et par la mémoire. C’est le cas par exemple de l’acteur-dramaturge bolonais Agamennone Zappoli, qui propose en octobre 1848 une « comédie d’instruction et d’éducation politico-morale du peuple italien » intitulée Schiavitù e libertà ovvero la libertà per tutti, composition « jamais encore tentée » destinée aux exclus de la lecture et de la réflexion sur l’histoire, où il voulait représenter, dans une seule et grande fresque divisée en trois « époques » distinctes, le passé, le présent et le futur de l’Italie21. Sans renoncer au réalisme des tableaux et des dialogues, ni prétendre de ses acteurs ou de ses spectateurs une quelconque « distanciation » de type brechtien, Zappoli se sent obligé d’insérer dans sa préface-manifeste ce très suggestif avertissement aux spectateurs : « Les acteurs qui dans ce drame sont contraints de représenter des personnages odieux, affirment qu’ils ne partagent pas les sentiments des ennemis de l’Italie, et ils prient les spectateurs de les écouter avec calme et retenue22. »
8Pourtant le théâtre du Risorgimento reste le parent pauvre de l’histoire du théâtre italien : « la Cendrillon des arts » écrivait le dramaturge Giuseppe Costetti en 1893 en tentant déjà de le réhabiliter et d’en faire un symbole de la nouvelle nation « aussi bien du point de vue de la création que de celui de l’interprétation23 ». Entreprise sans lendemain, puisque Federico Doglio constatait encore en 1961 que les historiens du théâtre ne voyaient dans le théâtre du Risorgimento qu’un « phénomène de mœurs pittoresque, animé par la fougue de quelques “grands acteurs” et par l’adhésion momentanée du public ». Et cette opinion est encore sous-jacente en 1991 chez Claudio Meldolesi et Ferdinando Taviani qui, prenant à témoin Théophile Gautier24, déplorent le déclin des « grands auteurs » (Manzoni, Pellico, Niccolini, Monti, Foscolo, Giraud) « court-circuités », selon eux, dans les années 1830-1856, par les grandi attori, ces acteurs-stars militants25 devenus les seuls soutiens, avec le drame en musique, du « bios dramatique » sur les scènes du Risorgimento.
9Revenir aujourd’hui sur cet immense répertoire pour interroger la manière dont l’histoire complexe du Risorgimento s’écrit derrière les rideaux de scène, s’imposait. Comment ?
10Après avoir rappelé l’effervescence des débats critiques sur ce que pouvait ou devait être un « genre national », tragique ou comique, et sur les modèles à suivre ou à dépasser (I. Débats autour d’un théâtre national), nous sommes revenus sur les auteurs majeurs de la période dite « des Restaurations » (Manzoni, Pellico, Niccolini, Benedetti), promoteurs d’une écriture tragique travaillant les épisodes et les figures d’une histoire passée potentiellement commune pour la ramener métaphoriquement au présent de l’action unificatrice (II. L’affresco storico. Écrire le présent dans l’histoire passée). Nous avons pris en compte aussi les auteurs, restés parfois anonymes et inédits, que l’histoire du théâtre a relégués aux oubliettes au nom d’une moindre valeur esthétique de leurs créations, qui n’en sont pas moins une source précieuse pour sonder les arcanes des imaginaires collectifs. Sont ainsi questionnées les déclinaisons du drame historique à tableaux produites dans les années du « Risorgimento des masses », de 1848 à 185926, lorsque le théâtre rejoint la chronique et se veut documentaire, transformant la fresque historique en « petits tableaux de genre » pédagogiques, souvent écrits en dialecte, où l’histoire des insurrections et des batailles notamment se raconte à chaud, dans son immédiateté, à travers les héros plus quotidiens que sont les femmes du peuple ou les soldats anonymes27 (III. Dramaturgies d’en bas).
11Dans la double démarche qui était la nôtre, les limites chronologiques assignées au Risorgimento par Federico Doglio – 1796/1861 – devaient toutefois être revues. Parler aujourd’hui des « écritures scéniques du Risorgimento » supposait en effet que l’on prît en compte l’extrême complexité sémantique du terme Risorgimento et les divers temps, non linéaires, étroitement imbriqués, qu’il recouvre28 : le temps historique, celui de la lente construction d’un territoire unifié à travers les luttes révolutionnaires, les insurrections et les engagements militaires, puis la diplomatie, couronné par la proclamation de l’Unité en mars 1861, mais prolongé jusqu’en 1870, avec la libération de la Vénétie et la résolution de la « Question romaine » ; le temps historiographique, celui de l’élaboration des mythes de la nation et de l’interprétation scripturaire, difficilement datable chronologiquement, variable selon les contextes idéologiques, italiens mais aussi européens, qui le produisent et qui portent sur la réalisation effective de l’Unité nationale – ce « faire les Italiens » qui, selon Massimo d’Azeglio, restait à accomplir après 1861 –, des regards souvent contradictoires, alternant exaltation et scepticisme, acceptation et rejet, mythification et démythification, détournements et réinterprétations29. Federico Doglio tout en se situant essentiellement dans le temps historique de la construction, suggérait déjà que les dates affichées étaient arbitraires et pouvaient être remises en question. S’il voit, à juste titre, l’origine de son objet d’étude « dans les premiers textes et spectacles du théâtre jacobin30 réalisés durant la campagne napoléonienne de 1796, et pendant la République Cisalpine », d’où la présence de la Giulia dans son corpus anthologique, il reconnaît toutefois que le terme ad quem des œuvres à prendre en compte peut être reporté « jusqu’après la prise de Rome31 », d’où l’inclusion dans son anthologie du drame Antonello, capobrigante calabrese qui ouvre implicitement sur la question du brigandage méridional. Il va même au-delà, puisqu’il fait référence en conclusion à un texte de 1896, dont le titre fait écho au cycle verghien des Vinti32, I vincitori, de Pompeo Bettini et Ettore Albini, traduit par la suite en dialecte milanais sous le titre La guera, « triste contrechant », selon lui, « au chœur festif des auteurs trop optimistes, rappel sévère pour un retour à une moralité individuelle, seule base solide pour assurer l’équilibre social et politique du nouvel État33 ».
12À la notion de « théâtre patriotique » qu’il emploie, liée surtout aux prémisses révolutionnaires du Risorgimento et marquée par les impératifs de la célébration, nous avons préféré celle de « scena risorgimentale », mieux à même de rassembler les multiples temps qui constituent ce moment historique, le temps court de son surgissement et le temps long des processus symboliques qu’il engendre34. Les « écritures scéniques du Risorgimento », sous-titre volontairement ambigu qui traduit la notion de scena risorgimentale, sont donc tout autant celles produites pendant la phase de construction de l’Unité, qui circulent même hors d’Italie, que celles qui en fabriquent et en prolongent aujourd’hui la mémoire plurielle (IV. La scena risorgimentale. Réception, mémoire, interprétations). De ce fait, le terme ad quem de nos réflexions ne pouvait qu’être celui des créations théâtrales proposées ces dernières années et en 2011 (V. Faire saigner les pierres35 : quels héros sur les scènes de la commémoration ?).
13Inclure le théâtre patriotique de la période révolutionnaire aurait alors rendu le corpus trop abondant. Nous avons donc pris comme terme a quo du Risorgimento le tournant historique décisif de la restauration des anciennes monarchies et principautés après le Congrès de Vienne, scandé notamment par la canzone d’Alessandro Manzoni, Il Proclama di Rimini, ébauchée en mars 1815 en réponse à l’appel de Joachim Murat, et jamais terminée, dont le vers célèbre « Liberi non sarem se non siam uni36 » affirmait la nécessité de penser “autrement” l’indépendance nationale. Pour l’historien du théâtre, cette date est d’autant plus légitime que c’est l’année où, comme nous l’avons dit, Manzoni ébauche également sa tragédie-manifeste, Il conte di Carmagnola.
14S’est posée également la question de l’inclusion, dans le corpus, du théâtre chanté, dont on sait l’importance dans la vie sociale et politique des Italiens depuis le XVIIe siècle, et le rôle fondamental qu’il a joué dans la formation du sentiment d’appartenance à une patrie commune. Le pouvoir mobilisateur et unificateur de l’opéra, que Giuseppe Mazzini lui-même soulignait en 1836 dans sa Filosofia della musica37, n’est plus à démontrer. Il est désormais acquis qu’aussi bien en tant que lieu architectural uniforme, présent dans toutes les villes italiennes, et de ce fait moteur essentiel de la vie publique38, qu’en tant qu’œuvre déjà implicitement « nationale » par son histoire propre, il fait partie du « patrimoine de mémoire » italien fixé après 186139. Toutefois, dans la création hybride qu’est l’œuvre dramatique chantée, la question de la véridicité du récit d’histoire se profile de façon différente. Elle est toujours biaisée, voire niée, par le caractère non directement référentiel du langage musical qui pèse fortement sur l’écriture poétique des livrets, elle-même très stéréotypée et réglée par les contraintes de la mise en musique, par les structures de production et par la censure. La visée prioritairement allégorique et émotionnelle de l’œuvre musicale chantée modifie par ailleurs le rapport que le spectateur peut entretenir avec l’histoire racontée et mise en scène40. Il a même été récemment montré que les œuvres lyriques italiennes dites romantiques ont parfois peiné à inclure dans leurs intrigues des sujets à proprement parler nationaux41, même s’il ne fait pas de doute qu’un va et vient constant existe entre les événements politiques de la période, les intrigues des livrets et l’esthétique musicale42. Sans l’exclure totalement, nous avons donc réduit sa présence à deux communications qui scandent les deux termes chronologiques de notre corpus. La première, placée symboliquement en ouverture, propose une réflexion sur la resémantisation progressive, dans les livrets d’opéra avant Verdi, des deux concepts majeurs hérités de la période révolutionnaire et jacobine, liberté et patrie, qui entrent en résonance avec la nouvelle situation politique et sur lesquels s’élabore ensuite toute la rhétorique complexe de la représentation de l’histoire sur la scena risorgimentale : on en trouvera les échos divers serpentant au fil des contributions. La seconde porte sur une « épopée lyrique » au titre symptomatique, Addio Garibaldi, commandée en 1972 par la France au compositeur italien Girolamo Arrigo. Cette œuvre « francoitalienne », foisonnante de citations verdiennes, soumise à la censure et refusée par le public français, donne du « héros des deux mondes », véritable « catalyseur d’événements », une interprétation non plus triomphante mais nostalgique et provocatrice. Elle prolonge sur scène les multiples controverses historiographiques soulevées par la figure garibaldienne depuis le XIXe siècle43, et introduit le débat sur les réécritures et les interprétations des mythes et des héros du Risorgimento par les créateurs contemporains, illustré dans la dernière partie.
15Parler d’écritures scéniques signifiait d’abord considérer les stratégies textuelles mises en œuvre par les auteurs dans leur face-à-face direct ou différé avec l’Histoire. Alessandro Manzoni se sert du paratexte des préfaces pour fonder en vérité la dramatisation d’événements passés et élabore progressivement des formes chorales inédites où s’exprime une « voix » populaire nouvelle ; Francesco Benedetti réactive et actualise des thématiques historiques propres à la tragédie et au drame en musique antérieurs, la conjuration, les complots, les batailles, en les irrigant par ses expériences de carbonaro et de franc-maçon ; Silvio Pellico expérimente l’autofiction dans Iginia d’Asti où l’on peut lire un transfert dramatisé du procès politique subi par l’auteur ; Giovan Battista Niccolini, dans Giovanni da Procida, récupère les potentialités de l’anachronisme pour dramatiser sa propre pensée politique, tendue entre rêve de fraternité universelle et défense de la souveraineté nationale.
16Mais le caractère performatif des écritures analysées imposait aussi une approche excédant celle du seul texte dramatique. Il voulait que l’on prît en compte, sinon la globalité du texte spectaculaire, du moins la médiation actoriale, particulièrement importante dans les années 1848-1859, quand les acteurs-patriotes – Modena, Zappoli, Aglebert, Pepoli – s’engagent politiquement et militairement dans ce qu’ils appellent une « croisade en faveur de l’indépendance italienne » et, comme Adelaide Ristori, se font en scène, à l’intérieur et hors du territoire italien, les « porte-drapeaux » de l’unité en marche. Et cette médiation fondamentale du corps et de la voix de l’acteur est toujours présente dans les créations contemporaines même si le spectacle s’y efface, et si auteur et acteur ne font plus qu’un en assumant un statut de « récitant ».
17Pour la même raison, une attention particulière a été portée aux traces de la réception des œuvres, qui permettent d’apprécier l’impact social et politique des créations dramatiques et scéniques à partir de celui qui regarde. Il peut s’agir d’un spectateur privilégié, engagé, comme le librettiste Felice Romani, érudit classicisant connu pour sa production de livrets d’opéra à sujets histoirques, mais aussi auteur d’innombrables critiques journalistiques sur la production dramatique des années 1835-1860 ; ou le lexicographe tourmenté Niccolò Tommaseo, dont les évocations du monde de la scène et les définitions des termes du théâtre sont filtrées négativement par son vécu politique. C’est aussi plus largement le « nouveau public » de l’Italie à peine unifiée, en construction, identifiable à partir des programmations des théâtres et des comptes rendus de la presse des deux capitales successives, Turin et Florence. Or il apparaît qu’après 1861, on peine à trouver ce public « unifié », ce « popolo » parlant d’une même voix et suivant les mêmes valeurs, rêvé par Mazzini, puis façonné sur les scènes par Manzoni, Pellico, Niccolini, et par tous les auteurs patriotes de la phase des Restaurations. Du répertoire très éclectique proposé aux nouveaux Italiens dans les deux capitales, n’émerge pas un « théâtre civique » de haut niveau artistique, ni l’expression scénique d’une « identité nationale » véritablement libérée des particularismes régionaux.
18Les contributions étant toutes parcourues par un même fil rouge, celui des usages divers – littéraire, théâtral ou historique – de la mémoire, la frontière passant entre les différents chapitres est poreuse. Ainsi la question de l’utilisation et de la critique des sources historiques par les auteurs traverse tout le volume. Manzoni interroge et met en cause les sources de ses sujets tragiques dans un paratexte d’un type nouveau – les Notizie storiche –, qui développe de façon argumentative et discursive les anciens “avis au lecteur” des librettistes du XVIIe siècle44 et s’impose jusque dans le théâtre populaire45. Amelia Rosselli fait de même quand elle écrit en 1913 son drame historique, San Marco, centré sur l’épisode de l’éphémère République de San Marco de 1848, alors que se pose encore la question de la réunion des “terres irrédentes” de Trieste et de Trente, en superposant aux écrits des historiens et aux chroniques vénitiennes ses souvenirs personnels. Et les auteurs d’aujourd’hui, quoique libérés de la volonté d’écrire le vrai et de toute convention générique, s’affichent perméables aux récents débats sur l’écriture de l’histoire et sur les usages des documents46, jusqu’à suggérer que les correspondances, ces « écrits du for privé » comme on les nomme aujourd’hui47, moins marqués, selon les historiens, par l’auctorialité que les sources littéraires, sont déjà en soi chargées de théâtralité et transposables sans modifications, ou presque, sur la scène.
19Même s’il y a un abîme entre la représentation de l’histoire passée véhiculée par les tragédies manzoniennes, celle mise en jeu dans les récits scéniques de l’histoire « immédiate », guerrière et militaire, des années 1859-1860 et celle, distanciée et interrogative, proposée par les auteurs contemporains autour des figures des pères de la patrie, une question traverse tout le corpus : celle des processus mémoriels mis en jeu dans cette fiction-réalité unique et vivante qu’est la représentation « derrière le rideau ». Ils fondent la mise en fiction dramatique par Silvio Pellico de sa tragique expérience patriotique récente, dans Iginia d’Asti, ou celle des rituels carbonari dans les tragédies de conjuration de Benedetti, tout comme la vision critique de la mise en place des instances politiques nationales brossée par le jeune Verga, à travers la référence à Tartuffe, dans sa comédie néo-goldonienne de 1864. Ils fondent aussi la démarche d’auteure d’Amelia Rosselli, inscrivant sa restitution du temps des révolutions de 1848 dans une structure dramatique mêlant les formes du théâtre dialectal vénitien, celles du drame historique militant désormais presque abandonné, et sa mémoire familiale. Et le « travail de mémoire » étant au cœur des nouvelles esthétiques élaborées par le teatro di narrazione, ce « presque genre » où la mémoire des événements, proches ou lointains, est réinventée à travers un récit oral inspiré par les sources anonymes et les histoires individuelles48, elle est plus que jamais présente, et problématisée, dans les fresques modernes – voire postmodernes – proposées à l’intérieur des manifestations artistiques de la commémoration, comme celle de Marco Baliani, Fratelli di Storia, qui parcourt l’histoire de trois générations de révolutionnaires et revient, comme beaucoup d’autres49, sur l’épisode de la République romaine de 1849 et sur l’action mazzinienne.
20Notre panorama de la rammemorazione dramatique et scénique ne se prétend aucunement exhaustif. Pour ne pas réduire les œuvres à une fonction de document historiographique, nous avons privilégié des auteurs représentatifs d’une réflexion sur l’écriture dramatique : le jeune Verga, par exemple, pour qui le théâtre semble être un laboratoire pour l’écriture romanesque comme il l’avait été précédemment pour Manzoni, ou Amelia Rosselli qui fait émerger sur les scènes du début du XXe siècle une écriture dramatique « au féminin ». Les œuvres prises en compte, tout en revendiquant une allégeance admirative aux modèles tragiques et comiques italiens, Alfieri et Goldoni en tête, se veulent en rupture avec l’écriture normée. C’est le cas des fresques populaires à tableaux qui revendiquent fortement leur originalité et leur adéquation à l’histoire en train de se faire, ou de la comédie bourgeoise florissante après 1861 qui interprète le modèle goldonien, revendiqué désormais comme « national », pour trouver des formes d’expression de l’intime et du privé au moment où il faut passer de la construction militante du territoire à la construction des hommes et des femmes. Mais c’est aussi le cas du théâtre musical de l’après 1970 qui veut rompre avec les formes figées, mortes pour certains, de l’opéra ; du teatro di narrazione, héritier des esthétiques déconstruites, fragmentées, du théâtre dit postdramatique où l’institution théâtrale, la place de l’acteur, son rapport au public, le rôle du spectateur dans la représentation sont entièrement repensés dans un sens anti-spectaculaire50. C’est enfin le cas du « teatro di antinarrazione » ou « anarchico-dadaïste51 » comme celui de Daniele Timpano, qui, en réaction au précédent redonne une place au geste, le travaille et l’amplifie de façon provocatrice52.
21Politiquement, le regard désacralisant que la création théâtrale contemporaine porte sur les pères de la Patrie, les héros, les victoires et les échecs de l’Unité italienne, apparait en rupture avec la volonté politique affirmée à la veille de la célébration-anniversaire par le chef de l’État italien, Giorgio Napolitano, pour donner aux manifestations commémoratives valeur de mobilisation en faveur de l’union nationale53. À l’évidence, sur les scènes, les créateurs n’y répondent pas, pas plus qu’ils ne répondent à l’appel lancé en 2007 par l’historien Mario Isnenghi : « Il est temps de bien parler de Garibaldi54. » Ni les récits scéniques de Marco Baliani, qui, parallèlement à Fratelli di storia, produit un spectacle au titre programmatique sur les déceptions post-unitaires et l’épineuse question méridionale, Terra promessa, briganti, migranti, ni les textes élaborés, à partir des correspondances intimes ou familières, par l’atelier de création théâtrale de l’université de Turin autour de la jeunesse amoureuse de Cavour, d’un Mazzini « prisonnier de la révolution » et d’une Cristina di Belgioioso – figure inconnue jusqu’ici sur la scena risorgimentale – plus pathétique qu’héroïque, et encore moins les « corps encombrants » de Daniele Timpano, ne semblent en effet avoir voulu suivre à la lettre cette recommandation historienne, pas plus que ne semble l’avoir suivie Ascanio Celestini dans son dernier opus, Pro patria55. Ils rejoignent tous en cela le réalisateur Mario Martone dans son adaptation cinématographique très libre du roman d’Anna Banti, Noi credevamo, couronnée au festival de Venise en septembre 2010, où les icônes du Risorgimento, Garibaldi et encore Mazzini, n’apparaissent qu’en toile de fond, et désacralisés56.
22Faut-il pour autant voir dans cet effacement des héros, dans leur humanisation ou, au contraire, dans leur présence désincarnée sous forme de cadavres-marionnettes manipulés en scène par les auteurs eux-mêmes, une remise en question du processus unificateur et de l’unité nationale ? Au terme de notre parcours, il nous semble qu’il s’agit avant tout, pour les créateurs, d’interroger, à la suite des historiens, les ambiguïtés constitutives de la représentation historienne. Sur ce point, l’écriture scénique de Daniele Timpano, qui procède « par sauts logiques, et rapprochements contradictoires de sources historiques réelles [rendant] vaine toute tentative pour trouver une version univoque de l’histoire57 », et qui, dans Risorgimento pop, dès 2009, affronte la question de la commémoration de l’Unité dans un sens anti-commémoratif, est éloquente. Et si la destruction provocatrice des images des pères de la Patrie nous parle de la crise actuelle des identités nationales, en Italie comme ailleurs, si elle dénonce, de façon paradoxale, l’oubli de l’histoire commune – ou son rejet –, cette performance verbale et corporelle désacralisante, comme les récits scéniques du teatro di narrazione, est d’abord l’expression d’un refus de toute forme de construction symbolique et rhétorique, y compris théâtrale. Elle se veut un questionnement actualisé, et toujours d’actualité, des tensions séculaires passant entre la vérité des faits et l’inspiration du poète58.
Notes de bas de page
1 Équipe interne du laboratoire d’études Romanes (EA 4385).
2 Peter Sellars, Théâtre et histoire contemporains, I et Bailly, Lavaudant, Théâtre et histoire contemporains, III, 1 et 5, Actes-sud, 1994, 1995, coll. « Apprendre », à propos du spectacle Les Perses, mis en scène par Peter Sellars (MC Bobigny, 1993), et Jean-Claude Bailly, Lumières I et II (Près des ruines, Sous les arbres), mise en scène par Georges Lavaudant (MC Bobigny 1995). Cf. aussi Stéphane Haffemayer, Benoît Marpeau, Julie Verlaine (dir.), Le Spectacle de l’Histoire, Rennes, PUR, 2012, qui aborde la question dans une optique d’histoire culturelle, prenant en considération l’ensemble des arts du spectacle (théâtre, fêtes, cirque, arts de la rue, cinéma, télévision et autres médias audiovisuels).
3 Jean François Lattarico (dir.), La Guerre mise en scène. Théâtre et conflits dans l’Italie du XVIIe siècle, Chemins it@liques – Actes,Paris, Éditions Chemins de tr@verse,2012.
4 Victor Hugo, La préface de Cromwell, éd. Alain Quesnel, Paris, PUF, 1996, p. 57.
5 Jean Christophe Bailly, « L’Histoire, mais sans l’épopée », in Bally, Lavaudant, Théâtre et histoire contemporains III, op. cit., p. 27.
6 Victor Hugo, La préface de Cromwell, op. cit., p. 21, 71.
7 Madame de Staël, « De l’art dramatique », in De L’Allemagne, XV, Paris, F. Didot, 1847 (1810), p. 190.
8 Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000, commentaire de l’illustration de couverture.
9 Lucien Febvre, Combats pour l’histoire, Paris, Armand Colin, 1982 (1952), p. 221-234.
10 Arlette Farge, « Penser et définir l’événement en histoire. Approches des situations et acteurs sociaux », in Terrain, no 38, 2002, p. 69-78.
11 Mario Isnenghi, Garibaldi fu ferito, Storia e mito di un rivoluzionario disciplinato, Rome, Donzelli, 2007, p. 7. Et idem (dir.), I luoghi della memoria. Simboli e miti dell’Italia unita, Bari, Laterza, 1996 ; idem (dir.), I luoghi della memoria, Strutture e eventi dell’Italia unita, Bari, Laterza, 1997 (en français, L’Italie par elle-même : lieux de mémoire italiens de 1848 à nos jours, préface de Gilles Pécout, Paris, Rue d’Ulm-ENS, 2006).
12 Alberto Mario Banti, Paul Ginsborg (dir.), « Introduction », in Il Risorgimento, in Storia d’Italia, Annali 22, Turin, Einaudi, 2007, p. 28.
13 Idem, Nel nome dell’Italia, Il Risorgimento nelle testimonianze, nei documenti e nelle immagini, Bari, Laterza, 2010, p. 15-16.
14 Elles ne figurent pas dans les « formes narratives de la nation » qu’Alberto Mario Banti questionne à nouveau dans Sublime madre nostra. La nazione italiana dal Risorgimento al fascismo, Bari, Laterza, 2011.
15 Melchiorre Gioia, Opere complete, vol. 5, Lugano, Ruggia, 1838-1840, dédicace « Alla società del teatro patriottico di Milano ».
16 « Après avoir lu attentivement Shakespeare, et certaines choses qui ont été écrites ces derniers temps sur le théâtre, et après y avoir bien pensé, mes idées ont changé », Alessandro Manzoni, lettre du 25 mars 1816 à Fauriel à propos de l’ébauche du Conte de Carmagnola, in Lettre à Monsieur Chauvet sur l’unité de temps et de lieu dans la tragédie, éd. Umberto Colombo, Azzate, Edizioni Otto/Novecento, 1995, appendice I, p. 163. La première rédaction de la Lettre est de 1820. Selon Camillo Ugoni, dans la préface à son édition des Opere di Alessandro Manzoni, milanese, Tragedie ed altre opere, vol. 1, Paris, Baudry, 1830, p. 14, Il conte dei Carmagnola marquerait la transition entre « le genre tragique hérité des grecs et celui hérité de Shakespeare ».
17 Pierre Nora, « Histoire et roman : où passent les frontières ? », in L’histoire saisie par la fiction. Le débat, no 165, mai-août 2011, p. 6-12, et passim.
18 Giuseppe Mazzini, « Del dramma storico », in L’Antologia, tome 39, juillet 1830, p. 46-48.
19 Federico Doglio, Teatro e Risorgimento, San Casciano, Cappelli, 1961, p. 5-6.
20 Emilio Faccioli parle de « l’incommensurable production du siècle », comptabilisant, pour la seule tragédie, « 234 auteurs et 1 350 textes entre la Virginia de Francesco Saverio Salfi(1798) et le Nerone de Pietro Cossa (1872) », in Il Teatro italiano, V, La tragedia dell’Ottocento, tome 1, Turin, Einaudi, 1991, p. 12.
21 Agamennone Zappoli, Schiavitù e libertà, ovvero la libertà per tutti, in Mirtide Gavelli, Fiorenza Tarozzi, Risorgimento e teatro a Bologna 1800-1849, Bologne, Clueb, 1998, p. 89-134. Les trois « époques » sont : « L’Italie comme elle était avant le 16 juillet 1846, l’Italie comme elle est aujourd’hui, l’Italie comme elle devrait être. »
22 Agamennone Zappoli, Schiavitù e libertà, op. cit., manifeste pour la représentation de Bologne, daté du 9 décembre 1848.
23 Giuseppe Costetti a laissé deux ouvrages, aujourd’hui dépassés mais fondateurs, l’un consacré au répertoire de la Compagnia Reale sarda, la plus grande compagnie d’acteurs active dans la première moitié du siècle (La Compagnia reale sarda e il teatro italiano dal 1821 al 1855, Milan, Kantorowicz, 1893), l’autre ébauchant la première histoire du théâtre italien du XIXe siècle, à partir de ses souvenirs : Il teatro italiano nel 1800. Indagini e ricordi, Rocca San Casciano, L. Cappelli, 1901.
24 Claudio Meldolesi, Ferdinando Taviani, Il Teatro del primo Ottocento, Bari, Laterza, 1991, p. 224-226. Gautier mettait au compte de l’absence de liberté et de la domination de la musique le manque de sensibilité politique et théâtrale des écrivains italiens (Revue dramatique, in Le Moniteur universel, 29 mai 1855).
25 Cf. Daniela Quarta, « Gustavo Modena », et Céline Frigau, « Maria Malibran », in Beatrice Alfonzetti, Silvia Tatti (dir.), Vite per l’Unità. Artisti e scrittori del Risorgimento civile, Rome, Donzelli, 2011, p. 103-116, 149-166.
26 La distinction entre période des Restaurations et Risorgimento des masses est reprise à Alberto Mario Banti, Nel nome dell’Italia, op. cit., p. 63, 150.
27 Cf. Luigi Ploner, Galleria di piccoli quadri appena abbozzati, lavoro storico drammatico diviso in parti (1848), in Fiorenza Tarozzi, Mirtide Gavelli, Risorgimento e teatro a Bologna, op. cit., p. 138-257.
28 Gilles Pécout, Naissance de l’Italie contemporaine 1770-1922, Paris, Armand Colin, 2010 (Nathan, 19931), p. 14-22.
29 Sur la remise en question historiographique et les usages publics détournés du Risorgimento, cf. Massimo Baioni, Risorgimento conteso. Memorie e usi pubblici nell’Italia contemporanea, Reggio Emilia, Diabasis, 2009, qui prolonge La « religione della patria ». Musei e istituti del culto risorgimentale (1884-1918), Quinto di Treviso, Pagus Edizioni, 1993, et Risorgimento in camicia nera. Studi, istituzioni, musei nell’Italia fascista, Turin, Carocci Editore, 2006.
30 Sur le teatro giacobino, cf. Paolo Bosisio, La Parola e la scena, teatro tra Settecento e Novecento, Rome, Bulzoni, 1987 ; idem, Tra ribellione e utopia : l’esperienza teatrale nell’Italia delle repubbliche napoleoniche (1796-1805), Rome, Bulzoni, 1990, ainsi que Pietro Themelly, Il teatro patriottico fra rivoluzione e Impero, Rome, Bulzoni, 1991, et Beatrice Alfonzetti, Teatro e tremuoto. Gli anni napoletani di Francesco Saverio Salfi, Milan, Franco Angeli, 1994 ; idem, Congiure. Dal poeta della botte all’eloquente giacobino, Rome, Bulzoni, 2001.
31 Federico Doglio, Teatro e Risorgimento, op. cit., p. 5.
32 I Vinti est le titre d’un cycle de cinq romans que Verga entreprend autour des thèmes de la lutte pour l’existence et de l’humanité confrontée au progrès. Il ne termine que les deux premiers, I Malavoglia (1881), et Mastro Don Gesualdo (1889). Le troisième, La duchessa di Leyra n’est qu’ébauché. Des deux derniers, L’onorevole Scipioni et L’uomo di lusso nous n’avons que les titres.
33 Le drame raconte les « vicissitudes d’une famille de propriétaires terriens du Milanais, à la frontière du Piémont, en 1859 » et offre « une satire impitoyable des lâches camouflés en héros, des profiteurs des victoires du Risorgimento, des politiciens arrivistes », ibid., p. 48.
34 Paul Ricœur, Temps et récit 1, Paris, Le Seuil, 1983, p. 250.
35 L’expression est de Roberto Alonge, cf. textes de présentation des créations du Laboratorio di scritture drammaturgica su tematiche risorgimentali, in Turin D@ams Review, 20novembre2009.
36 [Nous ne serons pas libres si nous ne sommes pas un.]
37 Cf. Giuseppe Mazzini, Filosofia della musica, in L’Italiano. Foglio letterario, juin-août 1836. Cf. Rafaello Monterosso, La musica nel Risorgimento, Milan, Vallardi, 1948, p. 10-29. Réédition, Maria Adelaide Bartoli Bacherini (dir.), Florence, LoGisma, 2011.
38 Cf. Carlotta Sorba, Teatri. L’Italia del melodramma nell’età del Risorgimento, Bologne, Il Mulino, 2001.
39 Giovanni Morelli, « L’opera », in Mario Isnenghi (dir.), I luoghi della memoria. Strutture e eventi dell’Italia unita, op. cit., p. 43-115. Alberto Mario Banti voit aussi dans les livrets d’opéra romantiques l’une des formes canoniques du discours national italien (notamment Temistocle Solera, Attila, Nabucco et La Battaglia di Legnano, in La nazione del Risorgimento, op. cit., p. 68, 72).
40 Cf. Gérard Loubinoux, « Du temps romanesque au temps opératique », in Camillo Faverzani (dir.), Sur l’aile de ces vers. L’Écriture et l’Opéra, Paris 8, Travaux et documents, no 50, 2011, p. 23-30.
41 Luca Zoppelli, « La nazione assente nel melodramma », in Beatrice Alfonzetti, Francesca Cantù, Marina Formica, Silvia Tatti (dir.), L’Italia verso l’Unità, letterati, eroi, patrioti, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2011, p. 465-477. Philip Gossett a aussi interrogé la réalité de l’engagement politique des œuvres verdiennes, « Giuseppe Verdi », in Beatrice Alfonzetti, Silvia Tatti (dir.), Vite per l’Unità, op. cit., p. 167-180.
42 Cf. Antonio Rostagno, « Melodramma e mentalità della giovane generazione », B. Alfonzetti, F. Cantù, M. Formica, S. Tatti (dir.), L’Italia verso l’Unità, op. cit., p. 479-494.
43 Cf. Jean-Yves Fretigné, « Légende dorée et légende noire de Garibaldi en France », in Cosimo Ceccuti, Maurizio Degl’Innocenti (dir.), Giuseppe Garibaldi tra storia e mito, éd. Piero Lacaita, Bari/Rome, 2008, et Jean-Yves Fretigné, Paul Pasteur (dir.), Modèle, contre modèle, Mont Saint-Aignan, Publications des universités de Rouen et Le Havre, 2011. La théâtralisation de Garibaldi provoque déjà un scandale en décembre 1880 au Théâtre Historique de Paris à la création du drame Garibaldi de Joseph Toussaint Bordone, ancien « Mille », farouche républicain, bras droit de Garibaldi en France pendant la campagne de l’Est en 1871. Cf. Jules Barbey d’Aurévilly, « Garibaldi », in Théâtre contemporain 1870-1883, Paris, Tresse et Stock, 1892, p. 181-185. Cf. Françoise Decroisette, « Sguardi scenici francesi su Garibaldi alla fine dell’Ottocento », in Giulio Ferroni, Matilde Dillon (dir.), Il Risorgimento visto dagli altri, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2013, p. 245-260.
44 Dans les drames en musique inspirés à l’histoire greco-romaine ou médiévale, les librettistes distinguent ce qui est « pris à l’Histoire », étayé par des références, et ce qui relève de l’invention.
45 Francesco Dall’Ongaro écrit par exemple à Naples en 1858 un drame historique Il Fornaretto di Venezia, inspiré par un fait divers tragique réellement advenu à Venise au XVIe siècle. Dans une longue préface, il évalue les diverses sources qui l’ont inspiré : les sources judiciaires (registre des sentences du Tribunal) qu’il juge insuffisantes, les chroniques du temps, qu’il juge lacunaires, et leur préfère in fine la « tradition », « source légitime », selon lui, « non seulement de la poésie, mais aussi de l’Histoire ».
46 Carlo Ginzburg, Il filo e le tracce, vero falso finto, Milan, Feltrinelli, 2006.
47 Sur l’utilisation des « écrits du for privé », cf. Christian Jouhaud, Dinah Ribard, Nicolas Schapira, Histoire Littérature Témoignage, Paris, Gallimard, 2009, p. 11.
48 Simone Soriani, Sulla scena del racconto, Arezzo, Zona, 2009, p. 5. Cf. aussi Fabio Caffarena, « A voce per iscritto. La memoria come metodo storico e narrazione », in Beatrice Barbalato (dir.), Le Carnaval verbal d’Ascanio Celestini. Traduire le théâtre de narration ?, PIE, Peter Lang, 2011, p. 201-211.
49 La République romaine est également au centre du dernier monologue d’Ascanio Celestini créé en octobre 2011 à Rome et tout récemment publié sous le titre Pro patria, Turin, Einaudi, 2012.
50 Hélène Jacques, « Nommer le “théâtre nouveau”, le théâtre postdramatique », in Jeu : revue de théâtre, no 108, (3) 2003, p. 169-171, et Anna Montfort, « Après le postdramatique : narration et fiction entre écriture de plateau et théâtre néo-dramatique », in Trajectoires, 3, Mondes en narration, 2009.
51 Expressions de Graziano Graziani, « Lo strano olezzo del corpo del re » et Paolo Puppa, « Gian Burrasca e i cadaveri eccellenti », in Daniele Timpano, Storia cadaverica d’Italia (Dux in scatola, Risorgimento pop, Aldo morto), éd. Graziano Graziani, Pise, Titivillus, 2012, p. 7, 189.
52 Antonio Audino, « La marionetta e il postumano », ibid., p. 178.
53 Cette ligne commémorative unificatrice s’est exprimée scénographiquement, sinon théâtralement, dans l’exposition interactive au titre emblématique, Fare gli Italiani, parcours à rebours dans l’histoire de l’Italie unie, présenté à Turin dans un lieu tout aussi emblématique puisque en restructuration, les Officine Grandi Riparazioni (mars-novembre 2011).
54 Mario Isnenghi, Garibaldi fu ferito, op. cit., p. 3.
55 La même remarque concerne la pièce en duo, Garibaldi, amore mio créée au Teatro Giacosa de Ivrea, en février 2010 par Alberto Oliva, adaptée du roman homonyme de Maurizio Micheli. L’expédition des Mille y est racontée par Giosuè Borghini, homosexuel, soldat des armées pontificales qui, à la suite d’une farce d’inspiration arétinienne jouée par ses amis, est enrôlé dans l’armée garibaldienne et se prend, pour le héros, d’une passion impossible.
56 Cf. Laurent Scotto D’Ardino, « Le Risorgimento de Mario Martone : un “théâtre de guerre” », in Laura Fournier-Finocchiaro, Jean-Yves Frétigné (dir.), L’Unité italienne racontée, vol. 2 : Voix et images du Risorgimento, Transalpina, no 16, 2013, p. 173-191.
57 Graziano Graziani, in Daniele Timpano, Storia cadaverica d’Italia, op. cit., p. 7.
58 Giuseppe Mazzini, Il dramma storico, op. cit., p. 46.
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