L’étranger dans les revues de la guerre 1914-1918
p. 141-160
Texte intégral
1Le premier tableau de L’École des civils, une revue de Rip, grand spécialiste du genre, créée au théâtre de l’Athénée en novembre 1915, se situe en Suisse, sur la terrasse de l’hôtel « Guillaume Tell », à l’heure du petit déjeuner. Il s’ouvre sur un chœur de servantes locales qui font le ménage, frottent et nettoient, pour assurer « la propreté » qui est leur « spécialité1 » (fig. 1). Puis la gérante se plaint des conséquences de la guerre sur sa clientèle :
« Ah ! ça n’est pas rigolo un hôtel neutre ! Tous les clients se regardent en chiens de faïence !… Vous pensez ! Des Français, des Allemands, des Américains, des Anglais… […] Au commencement du repas, ils se lancent des yeux… comme s’ils allaient se bouffer2… »
2S’ensuit un pot-pourri où, sur différents airs choisis, les clients font leur entrée, présentés par le chœur et la gérante, et se présentant eux-mêmes. C’est d’abord « Miss Massachusett / L’Américaine du trent’sept », fille du roi des flanelles dont la fortune a explosé avec la guerre, qui, sur un air américain, conclut une affaire de fournitures au téléphone et commente : « Encore un milliard de gagné. /Je peux prendre mon p’tit déjeuner ! » Entre ensuite « Stamboulo-Chemkuit, / Le vieux Turc du numéro huit », que le chœur salue à la Aristide Bruant, sur l’air de la Marche turque de Mozart : « Le voilà/Par Allah ! / Oh ! là là ! c’te gueul’ qu’il a ! » Et le Turc de répondre : « Je m’em… made in Germany ! » Arrivent ensuite un Autrichien « vaseux », puis deux élégantes Allemandes, « aux toilettes discutables », et que la gérante présente comme « les deux produits de la grande koultour / Les demoiselles Boch’s qui demeurent dans la cour ». Sur l’air de Ce p’tit bijou de Parisienne, Bertha et Frida – ce sont leurs noms – chantent un éloge paradoxal de l’élégance des Berlinoises, dont « les crânes carrés ont rendu cubistes / Tous [les] modistes3 ».
3Même si elle ne fait défiler que des représentants des neutres ou de la Triple Alliance, cette séquence est tout à fait représentative d’un certain type de spectacle appelé à une grande fortune entre 1914 et 1918, la « revue de guerre » (c’est d’ailleurs le sous-titre que Rip donne à sa revue). Présente aussi bien à Paris qu’en province et aux armées, la revue de guerre fait en effet intervenir, en écho aux événements de la guerre mondiale, un très grand nombre de personnages étrangers et de figures de l’Autre. Si la revue faisait déjà fréquemment usage, avant-guerre, de la figure de l’étranger, le contexte international de l’actualité lui donne, après le déclenchement des hostilités, une place centrale. Outre les « neutres » et les « embusqués », on y trouve également les belligérants, ennemis comme alliés, convoqués dans l’espace de la revue au titre de leur actualité et de leur identité dans la guerre. Or cette actualité et cette identité, comme le montre bien le texte de Rip, s’intègrent aux protocoles spectaculaires de la revue, qu’elles perpétuent et modifient tout à la fois. Les étrangers clients de l’hôtel Guillaume Tell se voient en effet attribuer une identité tout à fait stéréotypée, depuis leur nom jusqu’aux caractéristiques très schématiques qui les font reconnaître : la propreté des Suisses, la richesse et le sens des affaires des Américains, l’apparence orientale et la religion des Turcs, l’absence d’élégance des Allemandes. À ces clichés, qu’on pourrait dire stables ou préexistants – et surdéterminés par le choix des musiques fréquemment redondantes –, s’ajoutent des attributs nouveaux et spécifiques, liés à la position et à la définition des nations dans le conflit existant (la neutralité, l’alliance « made in Germany » pour le Turc, la promotion de la Kultur allemande pour les Berlinoises). La revue de guerre met en spectacle ces stéréotypes culturels traversés par les nouveaux modes de xénophobie et de xénophilie engendrés par le conflit, lesquels influent partiellement, en retour, sur ses modes de représentation.
4Variante circonstancielle de la revue, la revue de guerre n’est en réalité que l’adaptation de ce genre spectaculaire au nouveau contexte créé par le conflit : il s’agit plutôt d’une revue en temps de guerre que d’un genre spécifique. Elle conserve en effet, si l’on met de côté sa dimension fréquemment propagandiste, un grand nombre des caractéristiques de la revue. Celle-ci, née au début du XIXe siècle, trouve sa forme dans les années 1830 et connaît son âge « classique » dans les trente dernières années du siècle, sous le nom de « revue de fin d’année4 ». Devenue « revue » tout court, elle existe au début du XXe siècle sous de multiples formes. La « revue de théâtre », jouée, en fin ou en début d’année, dans un théâtre du boulevard, subsiste mais a perdu de sa régularité ; de nouvelles salles, petites et luxueuses, comme les Capucines, s’en sont fait cependant une spécialité. Le genre s’est en revanche acclimaté au café-concert et au music-hall, où il prolifère ; il y présente deux extrêmes : la revue de chansonniers, donnée en petit format dans les cabarets et petits cafés-concerts, et la revue à grand spectacle, avec ses bataillons de petites femmes voire de « girls », qui règne dans les grandes salles comme la Scala, l’Eldorado ou le Moulin Rouge. Le genre s’est imposé, par ailleurs, en dehors de sa forme parisienne, comme la forme principale des théâtres amateurs et de société : revues de cercle, d’écoles et de régiments voisinent avec les revues locales des théâtres de province et des casinos. Malgré sa variété de publics, de formes, sa plus ou moins grande distinction, la place plus ou moins importante qu’y prennent la chorégraphie et l’érotisme, la revue conserve des caractéristiques stables. Organisée comme un défilé de scènes et tableaux reliés à l’actualité, discontinus et sans lien fictionnel, elle est conduite par un duo, le compère et la commère, qui en fournit en quelque sorte le cadre. Fondée sur l’exhibition, satirique ou encomiastique, d’actualités personnifiées ou évoquées, la revue accorde une place importante à la musique, à la danse et surtout à la chanson. Celle-ci perpétue généralement le vieux principe du timbre issu du vaudeville : les couplets sont chantés sur un air connu, ancien ou récent, et leurs textes jouent avec le souvenir des paroles originales. La dimension parodique est donc fondamentale au genre, qui repose sur la connivence et la reconnaissance. L’esthétique de la revue accorde ainsi une place fondamentale aux stéréotypes et aux clichés, véhiculés notamment par la presse ; les clichés ethniques n’y sont, en conséquence, qu’un cas particulier d’un fonctionnement général.
5La Grande Guerre va précisément voir une explosion du nombre de revues. À Paris, environ 400 sont représentées entre 1915 et 19185. Pour ce qui est du théâtre aux armées, une recension sommaire de 1916 fait état de plus de cinquante revues6, jouées majoritairement au front, mais aussi dans les dépôts, et dans les camps de prisonniers tenus par les Allemands. Dans ces revues de guerre, la figure de l’étranger intervient de façon massive et généralement redondante, avec des variantes liées au public et à la localisation – selon notamment qu’il s’agit d’une revue au front ou à l’arrière. Envisagée d’un point de vue typologique, elle rejoint sans doute les représentations du discours social et de l’imagerie médiatique ; les revues sont envahies par les « Boches » et par les « Tommies » – ces figures du soldat anglais –, par les alliés (Belges, Italiens ou Serbes), les neutres (Espagnols, Suisses, Américains surtout) et les ennemis (Autrichiens, Turcs ou Bulgares), par les indigènes des colonies mobilisés au front ou enrôlés comme travailleurs civils, puis par les Américains et les permissionnaires de toutes les nationalités qui peuplent l’espace urbain de la capitale.
6Face à cette surreprésentation de l’Autre, liée à la mondialisation que représente la guerre, l’approche typologique s’avère vite redondante7. Il paraît préférable d’interroger la manière dont la construction dramaturgique et spectaculaire de l’identité, dans la revue de guerre, rencontre la question de l’altérité et les répercussions que cette rencontre provoque sur le spectacle lui-même. On se penchera tout d’abord sur la construction – et la destruction – de la figure de l’ennemi, centrale dans le contexte de guerre, à travers le personnage du « Boche ». On envisagera dans un deuxième temps les reconfigurations identitaires de la figure de l’étranger liées au conflit, en explorant notamment leurs conséquences sur le langage spectaculaire et sur l’espace de la revue elle-même.
« Les Huns… et les autres » : construire et détruire l’ennemi
7L’ennemi allemand, presque systématiquement qualifié de « Boche » – parfois aussi de Prussien – semble présent dans l’ensemble des revues de la période, à titre de personnage effectif, mais aussi à travers des récits ou des portraits. Le soldat allemand, peu représenté à Paris à cause de la censure8, mais présent aux armées, y partage avec son empereur Guillaume II la tête d’affiche, à côté d’autres figures, civiles, qui sont chargées indirectement d’incarner l’esprit de l’ennemi – comme les deux élégantes de la revue de Rip. Ces diverses formes de présence construisent une identité polémique en phase avec la propagande officielle, qui répand une définition de part en part négative du « Boche ». L’énumération de quelques titres suffit à indiquer l’orientation antigermanique de la revue de guerre : Débochons-nous ! (cinq titres aux armées, un à Paris), À Boche-que-veux-tu ! (deux titres), La Revue antiboche, Nous les aurons, Teuton-Tontaine, Made in Germany ! !…, Un trou dans les Boches, Tu rigoles Boche ?, Ah c’qu’t’es Boche !9… Comme l’affirme la commère de la revue du Perchoir, un petit cabaret de chansonniers appelé à un grand succès après-guerre : « sur l’échelle de la haine, les Allemands occupent tant de degrés qu’ils ont laissé très peu de place à nos ennemis10 ». Si les autres membres de la Triple Alliance, Autrichiens et Turcs au premier chef, font les frais de la satire revuistique, les Allemands se définissent par des critères de distinction absolus et radicaux. Ils semblent les seuls, en particulier, à relever de la véhémence polémique noble – dans la lignée, si l’on veut, des Châtiments hugoliens –, qui s’exprime dans des scènes dramatiques, parfois versifiées.
8Ces scènes, qui mettent en place des situations variées, reposent sur une rhétorique récurrente, héritée de la guerre de 1870, qui oppose, sur le mode de l’argument a fortiori, la sauvagerie de l’Allemand conquérant à la civilisation, cette dernière étant éminemment représentée par la France. Dans la revue du 114e régiment d’artillerie lourde, jouée à Valence en 1916, le compère évoque en alexandrins un « Voyou de la Marne », internationaliste et voleur, devenu patriote et héros en réaction au crime de guerre d’un général allemand sur un enfant qui jouait avec un drapeau, crime dont « l’apache » est le témoin :
« je vis travailler ces sauvages
Devant qui mes exploits palissent en tremblant :
Ils avaient amené un malheureux enfant
Qu’interrogea leur chef, tout écumant de rage.
[…]
Et sans peur, crânement, il répondit, le mioche
“C’était pour m’amuser au beau soldat français !”
Et l’autre en sa fureur lui trancha les poignets
D’un coup de son canif, vite pris dans sa poche11 ».
9« L’apache » bondit, tue le général, emporte ses papiers et les confie à un commandant : ils se révèlent être de précieux documents stratégiques. Le voleur, qui meurt peu après de ses blessures, devient donc un héros de guerre ; l’apache, au contact de bien plus sauvage que lui, s’est converti à la vertu patriotique12.
10Ce type de rhétorique se retrouve fréquemment dans les revues, pour justifier l’engagement enthousiaste du poilu blessé, de l’internationaliste pacifiste13, bref de toutes les incarnations possibles de la démoralisation. Elle s’incarne de la façon la plus concrète dans le recours à la figure du sauvage ou de l’homme préhistorique. Ainsi, une scène remarquée d’une revue jouée au théâtre Réjane en 1917, intitulée « L’homme des cavernes et l’homme des casernes », met face à face un soldat prussien avec un Troglodyte enfermé dans une grotte depuis l’époque préhistorique et qui se retrouve à l’air libre, traumatisé par les fracas de la guerre, après qu’un coup de canon a découvert l’entrée de son antre. Le Prussien se présente à cette figure de l’ignorance – et de l’innocence – comme un représentant de la « race » allemande, dont il déroule les caractéristiques stéréotypées :
« Ah ! nous sommes un peuple étonnant ! d’une audace
Surhumaine… et de Dieu les enfants préférés.
Nous sommes des savants au suprême degré
[…]
Nous sommes, enfin, le peuple humanisé, le plus civilisé14… »
11Au fil du dialogue, le Troglodyte fait valoir naïvement à son interlocuteur les règles de la guerre ancienne, reposant sur le face-à-face direct, la parcimonie des armes, la motivation des conflits ; le Prussien, incapable de dire pourquoi il fait la guerre, répond « gaz asphyxiants », « anhydride », « nitro glycérine et trinitronuol », zeppelin, sophistication et puissance des armements15. Et le Troglodyte de conclure :
« Vous ne vous battez plus dans ce siècle allemand
Que déloyalement, scientifiquement !
En méprisant, comme il convient, les autres âges
Vous vous croyez savants et nous jugez sauvages16 ! »
12Le sauvage préhistorique choisit finalement de rentrer dans sa grotte, pour « qu’on [le] laisse en paix jusqu’au jour reposer/Où les hommes enfin seront civilisés17 ».
13De manière moins grandiloquente, dans une revue de l’éphémère Concert Le Peletier intitulée Vas-y… Tommy, un barbare Hun vient protester auprès de la Commère « contre l’abus que font les Français, les Italiens, les Anglais et les Russes18 » de comparer ses congénères aux Allemands. La Commère le reconnaît : « le fait est qu’on n’appelle plus les Boches que les Barbares, et Guillaume II, Attila19 ». La revue ne fait ici que concrétiser et citer une comparaison figée ressassée notamment par la presse, et que la caricature ne se prive pas d’illustrer20.
14Ainsi, pour paraphraser le titre d’une revue accueillie début 1915 par le théâtre Antoine dirigé par Gémier, il y a « les Huns… et les autres21 ». La revue reprend et met en scène les stéréotypes et les discours qui construisent une monstruosité « boche » par exclusion axiologique, les Allemands incarnant à l’extrême le pôle négatif d’une série de dualismes : sauvagerie vs civilisation, lâcheté vs honneur, etc22. Mais l’exclusion emprunte d’autres chemins que la véhémence polémique ; elle joue également de tous les registres de la dégradation satirique, pour autant du moins que la censure le permet23.
15La lâcheté, un des traits définitoires, on vient de le voir, du « Boche », préside ainsi fréquemment à son incarnation scénique, qui s’avère presque toujours dégradante, dans un registre satirique très appuyé. La plupart des séquences où le soldat allemand fait l’objet d’une présence effective, généralement dans des revues jouées aux armées, sont des scènes de reddition où le « prisonnier boche » se retrouve dans une situation humiliante. Les mains levées, dans un baragouin reproduisant les clichés comiques de l’accent germanique, il implore systématiquement la clémence de son « Kamarad » aux cris de « Pas Kaput, Pas Kaput » ; souvent, il justifie sa désertion par sa faim. Ainsi, dans la revue du 81e régiment d’infanterie, créée au front en décembre 1915, le Boche se retrouve à genoux devant le Cuistot, qui l’accuse de venir « moucharder » et le traite de « cafard » ; il se relève et répond :
« Non, ponne Franzaise…, moi bas mouché…, pas gavard… Mais moi, bas manché. Blus te pitoche…, blus de gonviture…, blus rien gue tu pain KK. Alors, moi, zendi don rada…, moi tezerder bour fenir manché gez Français. »
16Et le cuistot de répliquer :
« Alors, on bouffe plus en Bochie ! Y a plus que du KK. C’est encore bien bon pour vous, tas d’cochons24. »
17De manière symptomatique, la dégradation passe ici par une satire de la nourriture, focalisée sur le pain de guerre spécial des Allemands, le KK (Kartoffelkriegsbrot), pain composé et bluté qui, par toute une série d’associations notamment phonétiques, se voit doter de connotations excrémentielles, et permet l’assimilation topique du Boche au cochon25. Les exemples abondent de ce genre de dialogues, directs ou rapportés, qui permettent par extension de qualifier l’ennemi par ses habitudes alimentaires, plus ou moins ramenées à la charcuterie – et donc au motif récurrent du porc, déjà présent au tournant du siècle dans la satire antisémite. Dans une revue du Moulin de la Chanson, précisément intitulée K… rabistouilles, c’est une « Fraulein » qui donne à une arpète horrifiée la recette de la « soupe à la saucisse » : bière brune, lait caillé, laitances de hareng, huile d’essieu de voiture, confit d’oie, saucisses et savon noir26. Chez Rip, un peu plus subtil, c’est une Cuisinière boche qui ouvre un panier laissé là par un garçon épicier, son prétendant, et, dans une parodie de l’air des bijoux de Marguerite du Faust de Gounod, en énumère l’abondant contenu (jambon, choucroute, cervelas), puis saisit « un chapelet de saucisses dont elle se pare comme d’un collier » :
« Grands dieux, que de merveilles !
Ah ! je ris !
Y a de quoi bouffer jusqu’à ce soir !
Ah ! je ris !
Si les gens d’chez nous pouvaient me voir !
Que d’richesses ! Tout ça pour moi !
Être une fille à gages ?
Non. Je suis fille d’un roi
Qu’on salue au passage27. »
18Cette association topique entre le Boche et le porc se résume finalement dans une des affiches publicitaires attribuées à l’agence d’information allemande Wolff, dans un monologue comique de la Revue tricolore du Moulin Rouge intitulé « l’Antiboche ». Le personnage éponyme – l’Antiboche – s’y livre à une opération de « débochisation » qui s’achève par la projection de prétendues dépêches ou publicités boches, lesquelles n’ont guère trouvé grâce, du reste, aux yeux de la censure. La publicité initialement prévue pour clore la scène – mais biffée par le censeur – s’intitule « l’apothéose de la Kulture allemande », et représente un porc en guise de « souvenir de Francfort » ainsi que des « jambons de Mayence28 ». Le carton publicitaire, qui finit « à la chaudière29 », dit bien l’opération de dégradation de l’image de l’ennemi à l’œuvre dans la satire alimentaire.
19La répétition de ces motifs dégradants, leur caractère topique et attendu, entretiennent par ailleurs une connivence avec le public, connivence propre au plaisir de la revue, qui réside largement dans la citation et la parodie30. Les spectacles multiplient les références aux clichés discursifs et visuels répandus dans l’espace social et médiatique, par le biais notamment de la caricature. Le motif peut-être le plus fréquent associé à la définition de l’Allemand est celui de la « Kultur », concept passé à l’état de stéréotype comique que la scène se plaît à actualiser sans cesse, très souvent sous forme de brèves allusions, mais également de façon développée. Kultur est ainsi un personnage de Made in Germany ! !…, revue patriotique donnée au théâtre municipal de Digne en 1915, où elle chante son désespoir sur le « Lucevan le stelle » de Tosca31. C’est également le sujet d’une conférence parodique donnée, dans L’École des civils de Rip, à l’usage des Neutres, via le « périscopotéléphotophone » – un ancêtre de la téléconférence –, par un certain professeur Knatche32 (fig. 2).
20Innombrables également sont les reprises des portraits satiriques des dirigeants ennemis, au premier chef Guillaume II, suivi de son dauphin le Kronprinz, et de l’empereur François-Joseph d’Autriche-Hongrie. Il s’agit fréquemment de portraits sous forme de couplets chantés, reprenant les traits caractéristiques de leurs caricatures de presse ; mais on trouve aussi des incarnations plus ou moins directes de ces figures – la censure veille – par le biais d’attributs caricaturaux très reconnaissables. Rip aime ainsi à les convoquer dans des pantomimes parodiques reprenant des personnages types comme le Grand Mamamouchi, Matamore ou Polichinelle, immédiatement identifiables par leur moustache en pointe ou leurs favoris blancs (fig. 3)33. Il donne aussi au comique Prince une scène ludique où l’acteur commence par refuser d’endosser le rôle de l’empereur d’Allemagne, puis consent à le jouer sans costume, jusqu’à ce que les injonctions du régisseur le forcent à s’exécuter et à mettre, à vue du public qu’il prend à témoin, « le casque, les moustaches34 », qu’il s’amuse à porter d’abord les pointes en bas.
Retravailler l’identité : les représentations traditionnelles au prisme du conflit
21La construction de l’ennemi, dans les revues de guerre, passe ainsi par la mise en spectacle, parfois dramatique, la plupart du temps caricaturale, de stéréotypes xénophobes dégradants exacerbés par le conflit. Mais, plus généralement, l’ensemble des représentations de l’étranger implique également un jeu sur les stéréotypes. Largement hérités, ceux-ci n’en sont pas moins bousculés et retravaillés par le contexte conflictuel et les bouleversements actantiels et axiologiques qu’il entraîne. La revue propose ainsi, dans son esthétique spécifique et codée, quelques reconfigurations identitaires ; mais elle donne aussi le spectacle de rencontres qui en font, de plus en plus, l’espace cosmopolite qu’elle était parfois avant-guerre, mais que les contacts de populations nés du conflit ont rendu plus ouvert.
22La caractérisation des nombreux étrangers qui figurent dans les revues de la Grande Guerre, notamment les revues parisiennes, ne brille pas par son originalité. Leur identification, selon les protocoles habituels de la revue, est au contraire parfaitement codée. Depuis le nom des personnages jusqu’à leur danse, en passant par leur apparence visuelle et leur environnement musical, les identités nationales, culturelles et anthropologiques sont surdéterminées du point de vue dramaturgique comme du point de vue spectaculaire. Le Belge s’appelle M. ou Mme Beulemans, l’Italien est un Pifferaro qui aime les macaronis, l’Américain est riche et affairiste, le Turc appelle immédiatement la référence à Allah35, et ainsi de suite. Les clichés ethniques se matérialisent dans les dialogues – plus souvent que dans les couplets – par ce qu’on pourrait appeler des ethnolectes figés, qui caricaturent l’accent, la prononciation, la syntaxe ou l’absence de syntaxe des personnages, en intégrant à leur parlure quelques vocables, expressions, ou toponymes indigènes eux-mêmes stéréotypés.
23Les exemples abondent. L’anglais est toujours présent à travers la figure de l’inévitable « Tommy » (le Poilu britannique), ou de l’Américain de service ; il fait l’objet de plusieurs variantes phonétiques ou syntaxiques (du type « Miss… Miss… d’où êtes-vous venante ainsi ?/Je suis venante de l’État de Maryland36 »). L’accent allemand est bien sûr très représenté, le belge n’est pas non plus oublié (« alleye, alleye37 »). Tous les Orientaux se voient pour leur part attribuer le même sabir : le tirailleur algérien, le Kabyle réquisitionné pour la voirie à Paris, partagent avec le Turc une caractérisation linguistique satirique identique, à l’exemple de cette phrase attribuée à Ali, balayeur kabyle : « Ti sais, moussi poilu, dans ton Paris y a bon des tites femmes qui l’aiment beaucoup Ali38. » Ces caractéristiques figées sont redoublées par d’autres éléments d’identification récurrents, dont il serait fastidieux de faire la liste, et qui font de ces personnages des types schématiques.
24Leur caractère codé fait du reste parfois l’objet de plaisanteries. Ainsi, dans une revue du théâtre Cadet-Rousselle, créée en décembre 1918, l’acteur chargé de jouer l’Américain de l’inévitable « scène américaine » que le directeur s’est cru obligé, comme tous ses confrères, d’insérer dans son spectacle, refuse-t-il de continuer sa scène ; natif de Bécon-les-Bruyère, il est vexé que la Commère se soit moquée de son accent. Rejoint par une Américaine, il se fera aider par le souffleur. Celui-ci enjoint aux deux acteurs de terminer leur scène, comme il se doit, par un couplet sur un air américain et sur une danse américaine. Comme l’actrice « ne sai[t] pas danser en américain39 », c’est le souffleur qui l’accompagne et se colle le couplet final, un numéro sur l’air de Dans mon pays – une adaptation française récente de la danse américaine I want to be in Dixie, chantée par Fragson et Mayol40 –, accompagné, de façon très parodique, du « déhanchement caractéristique des danses américaines » :
« D’puis qu’ les Sammies
Sont à Paris
Tout’s les r’vues d’ la périphérie
Se sont cru obligées de donner
Un » scène en américain
Personn » n’y comprend rien
Aussi vraiment
C’est pas foulant
D’avoir l’air d’parler englichmann41. »
25Parodique ou non, c’est donc par un empilement de références, en particulier musicales et chorégraphiques, que s’opère la mise en spectacle de l’étranger dans la revue. Le contexte de guerre entraîne de ce point de vue un certain nombre de réemplois ou de reconfigurations. L’évocation des Turcs, par exemple, est presque toujours liée à la figure chorégraphique de l’Almée, numéro de danse du ventre déjà bien implanté au café-concert et au music-hall42. L’entrée en guerre de la Turquie au côté de l’Allemagne, à travers le bellicisme d’Enver-Pacha, le Premier ministre du Sultan, est ainsi l’occasion de visions paradisiaques attribuées au personnage, qui voit défiler almées, fatmas et mouquères. Ainsi, dans la revue des Zouaves de 1916, un rêveur imagine qu’Enver-Pacha souhaite changer d’alliance pour emmener sa belle Fatmah – la danseuse orientale-type43 – faire la danse du ventre à Paris. La toile se lève sur un décor oriental, avec des musiciens arabes ; Enver-Pacha chante son rêve sur un pot-pourri de deux chansons coloniales algériennes (Arrouah Sidi et Trabaja la Moukère), avant d’entamer une danse arabe avec la belle Fatmah44. À l’Olympia, l’évocation de la Turquie alliée de l’Allemagne donne lieu à une version germanisée du harem, avec une Almée marchant au pas de l’oie et chantant, en duo avec un eunuque, « Allah, qu’est-c’que t’attends / Pour nous tirer de l’embêtement / Et des pattes des gros Allemands45 ».
26Les ennemis font ainsi les frais d’une saturation satirique ; les alliés, à l’inverse, se voient valorisés. Ainsi, à l’Olympia, les Serbes, jusque-là pris pour des guerriers d’opérette (viennoise, bien entendu), gagnent le nouveau statut de « brave petit peuple » et se voient qualifiés de « Belges des Balkans46 ». Les Anglais jouissent évidemment, pour leur part, d’une image privilégiée. L’allié d’outre-Manche, qui danse toujours la gigue, est systématiquement accompagné de l’air de It’s a long way to Tipperary – une sorte d’hymne de l’armée britannique, dont le timbre est omniprésent dans les revues. Il bénéficie d’une nouvelle valorisation héroïque, tempérant certains traits stéréotypés de l’Anglais. Témoins les couplets d’entrée de l’Officier anglais dans 1915, de Rip :
« Français ! soyez-en sûrs,
Vous pouvez compter sur
Les soldats de la vieille Angleterre
Ils arriv’ nt élégants,
Rasés d’frais et fringants,
C’est ainsi que nous partons en guerre.
Oui, tous nos efforts
Tendent au confort,
Un soldat, c’est tout d’même un homme
Et ce qu’ on nomme
La guerre en somme,
Pour nous c’est toujours du sport47 !… »
27L’élégance flegmatique du sportsman, ami du « confort », se croise avec la bravoure militaire et attire ainsi ce commentaire : « Ils sont épatants, ces Anglais48. »
28Une réévaluation du même ordre s’opère pour certaines figures indigènes des colonies, engagées dans la guerre aux côtés des Français. Si les stéréotypes racistes perdurent, un début de fraternisation apparaît parfois – comme c’est le cas, du reste, dans les représentations sociales de l’époque. Dans Made in Germany ! !…, un Tirailleur algérien reprend ainsi l’air de la fameuse chanson Bou-dou-Ba-da-bouh, un hommage aux soldats sénégalais récemment popularisé par Mayol49, en en transposant le refrain :
« Je m’appelle Bou-dou Ba-da-bou [sic],
Je suis né à Tizi-Ou-zou,
Tout près d’Azazga
Dans ce pays-là,
Y a ma chère Fatmah !
Quand mon régiment défilait,
Au son joyeux des flageolets
À Tizi-Ou-zou
On admirait surtout
Boudou Ba-da-bou50. »
29Toujours lié à sa Fatmah, le Bou-dou Ba-da-bou algérien – qui parle évidemment sabir dans les dialogues – va se voir plus loin associé à l’effort de guerre national :
« C’est la fille à la Fatmah
Qu’habite à la Casbah
Au fond de l’Algérie,
Et, lorsqu’elle m’a vu partir,
Elle m’a dit de revenir !
À présent qu’ces sales Boches-là
Me tiennent et ne me lâchent pas,
Dis-lui qu’c’est pour la France !
Il faudra qu’elle prenne patience.
Voilà ce que tu diras
À la fille à la Fatmah !
Allah ! »
30Le couplet patriotique, chanté sur l’air de La Fille à la Fatma51 (encore une chanson du répertoire colonial de Mayol), participe à la transformation du stéréotype indigène ; le tirailleur algérien, comme le poilu, se sacrifie à la cause nationale.
31Cette évolution des stéréotypes, qui fonctionne fréquemment par greffes, croisements, hybridation des systèmes textuels, spectaculaires, musicaux, débouche parfois sur un éloge de la rencontre. Dans la très acclamée52 Revue du Vaudeville de 1917, Compère et Commère évoquent le carrefour qu’est devenu Paris :
« La commère
Oui, Paris pendant la guerre
C’est l’carr’four des permissionnaires !
Ils y viennent fous de désir
Et Paris fournit à tout c’monde
Du plaisir, des petit’s femm’ s blondes
Et la manière de s’en servir !
Le compère
Tous ces costumes universels
Ça fait un très joli cocktail !
La commère
Les Parisiens sont des gens
Très étonnants,
Des Canadiens,
Des Australiens,
Des Italiens,
Des Brésiliens,
Des Sibériens,
Des Caucasiens !
Le compère
Des Portugais,
Des Japonais,
Des Marocains,
Des Djiboutins,
Des Bruxellois,
Des Tonkinois,
Et des Tommies,
Et des Yankees,
Sous leur feutre kaki.
La commère
[…]
Ah ! quell’salade, mes amis !
Ensemble
Sur les Boulevards de Paris53. »
32Ces boulevards peuplés de « p’tites femmes » blondes, accueillant les soldats du monde entier, renvoient, en filigrane, au music-hall et à la revue même, dont la scène se fait non seulement espace de confrontation, mais aussi espace de cohabitation. Symboliquement, la revue elle-même s’ouvre à l’étranger, en confiant parfois à l’allié – fût-il en réalité des Batignolles54– le rôle de compère ou de commère : l’officier anglais ou Tommy lui-même font de parfaits compères55 ; le compère peut être aussi « toute l’Amérique56 » ; à moins qu’une commère américaine ne fasse la paire avec un compère anglais57. On ne compte plus par ailleurs les scènes de séduction voire de mariage symbolique : Mme Beulemans épouse Tommy à l’Olympia, un Écossais danse avec Midinette au Moulin-Rouge58 ; Rip invente le « mariage par procuration » : pendant que son fiancé, mobilisé, a convolé au Havre avec une jeune Écossaise, Maud épouse à Paris Billy, le fiancé de ladite jeune femme59 (fig. 4). Au Moulin de la Chanson, Tommy et une môme célèbrent l’entente cordiale en se donnant des leçons de langue mutuelles, tandis qu’aux Ambassadeurs, après que Gavroche a chanté « la peau des Boches », une Quaker Girl célèbre Paris devant un Anglophile au discours pétri d’anglicismes60. Puis un conférencier et une conférencière donnent une conférence chantée et dansée qui les amène autour du monde, en Espagne, en Argentine, chez les noirs d’Amérique, en Bulgarie et chez les Grecs, danser le tango, la valse andalouse, la danse des plantations, la gigue, le ragtime pour finir par le quadrille61. Si la censure interdit ce dernier, comme le tango, la dardanelle ou la valse viennoise62 – nous sommes en 1915 et l’heure est à la moralisation –, les danses cosmopolites auront, vers la fin de la guerre, de plus en plus droit de cité. Commencée sur le mode de l’exclusion, la revue de guerre bien française63 s’ouvre de plus en plus au corps de l’autre.
Conclusion
33En phase avec les représentations sociales qu’elle met en scène dans leur dimension la plus consensuelle et la plus stéréotypée, la revue de la guerre 1914-1918 reflète les permanences et les évolutions de l’image de l’étranger en France pendant le premier conflit mondial. Souvent proche de la propagande, qu’elle relaie comme le font les autres spectacles et la plupart des organes de presse dans cette période de censure, elle témoigne d’une reconfiguration des axiologies, où le statut d’ennemi, d’allié, de neutre influe fondamentalement sur la perception des identités nationales. D’un point de vue spectaculaire, cette reconfiguration a une incidence importante sur les codes bien ancrés de la revue : les stéréotypes discursifs, actantiels, visuels, chorégraphiques et musicaux, toujours présents, se croisent, évoluent, s’infléchissent, au gré des exclusions et des rapprochements, mais également au gré des rencontres, des hybridations, et, peut-être, d’un début de métissage. Si elle demeure fondamentalement essentialiste et racialiste, et ancrée dans une idéologie de l’identité, l’image spectaculaire de l’étranger, dans la revue, entre également dans l’âge d’une histoire mondiale partagée, où les récits collectifs peuvent radicaliser les cloisonnements identitaires – au point de faire de l’Allemand un monstre –, mais également leur faire pièce et célébrer l’accueil et l’échange des cultures. Elle annonce ainsi le music-hall d’entre-deux-guerres, qui fera chanter à Joséphine Baker, en 1930, « j’ai deux amours, mon pays et Paris64 ».
Notes de bas de page
1 Rip [George-Gabriel Thenon, dit], L’École des civils, revue de guerre 1916, deuxième Paris, Paul Ollendorff, 1916, p. 4.
2 Ibid.
3 Ibid., p. 5-8.
4 Sur la revue, voir Dreyfus R., Petite histoire de la revue de fin d’année, Paris, et Fasquelle, 1909, et Piana R., « “Pièces à spectacle” et “pièces à femmes” : féeries, revues et “délassements comiques” », in Yon J.-C. (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, Paris, Armand Colin, 2010, p. 328-338 ; « La revue de fin d’année, “journal-vaudeville” », in Pillet É. et Thérenty M.-È. (dir.), Presse, chanson et culture orale au XIXe siècle. La parole vive au défide l’ère médiatique, Paris, Nouveau Monde éditions, 2012, p. 273-292 ; « L’imaginaire de la presse dans la revue de fin d’année », in Bara O. et Thérenty M.-È. (dir.), Médias 19 (en ligne), Presse et scène au XIXe siècle, http://www.medias19.org/index.php?id=3005.
5 Joseph M., « Le poilu de music-hall. L’image du poilu dans les music-halls parisiens la Grande Guerre », Guerres mondiales et conflits contemporains, no 197 : « Images civiles de la France en guerre », mars 2000, p. 24. La recension se fonde sur le nombre de manuscrits envoyés à la censure et conservés dans les Archives de la Préfecture de police.
6 Guillot de Saix, « Le théâtre aux armées », Le Théâtre pendant la guerre. Notices et documents, Paris, Publications de la Société d’histoire du théâtre, 1916, p. 54-56 ; l’article dénombre 36 revues au front, 12 dans les dépôts et 7 dans les camps de prisonniers.
7 Cette contribution repose sur un corpus représentatif d’une quarantaine de revues, des années 1915 et 1917 principalement.
8 Sur la censure des spectacles pendant le conflit, voir Krakovitch O., « Le répertoire parisien de la Grande Guerre sous l’œil de la censure », in Meyer-Plantureux C. (dir.), Le théâtre monte au front, Bruxelles, Complexe, 2008, p. 19-58.
9 Voir notamment Guillot de Saix, « Le théâtre au front. Les revues sous les obus », La Rampe, 31 août 1916, p. 10-11.
10 Bastia J. et Saint-Granier,La Revue du Perchoir, manuscrit dactylographié, 1917, de la Préfecture de police [APP], BA 855, « Scène de L’Arlésienne made in Germany », f. 2.
11 Valin R., Au 614e !… Court !…, revue en trois actes, jouée au 114e régiment d’lourde, Valence, s. d., 1916, p. 22-23.
12 Ibid., p. 23-24.
13 Dans 1915, revue de guerre en deux actes de Rip (Palais-Royal, Paris, Paul Ollendorff, [1915]), la brutalité des Allemands permet ainsi de convaincre un « plongeur » antimilitariste plutôt réticent à gagner le front ; un de ses anciens camarades militants, garçon de café qui retourne gaiement dans son régiment, lui fait saisir le bien fondé de l’union sacrée (acte I, sc. 9). Elle inspire aussi un poilu blessé et guéri, qui s’apprête à retourner au front plein d’énergie patriotique en chantant des couplets revanchards (acte II, sc. 4).
14 Mirande Y., Bastia J. et Saint-Granier, Une revue chez Réjane (théâtre 10 septembre 1917), manuscrit dactylographié, APP, BA 855, f. 80.
15 Ibid., f. 83-84.
16 Ibid., f. 85.
17 Ibid.
18 Vas-y… Tommy, manuscrit dactylographié, 1915, APP, BA 842, f.34.
19 Ibid., p. 34-35.
20 Voir par exemple Grand-Carteret J., Kaiser, Kronprinz & Cie, Paris, Chapelot, 1916, p. 10, 24.
21 Les Huns… et les autres, revue de Lucien Boyer et Dominique Bonnaud, créée au Antoine le 20 janvier au bénéfice des réfugiés des Ardennes et de l’œuvre du Prêt d’honneur aux artistes. Sur ce spectacle, voir Gignoux R., « Courrier des théâtres », Le Figaro, 21 janvier 1915.
22 Cette rhétorique se retrouve du reste dans tout le théâtre de la Grande Guerre. Voir Dongois A. et Meyer-Plantureux C., « Le Boche, le nouveau “sauvage” », in Meyer-Plantureux C. (dir.), Le théâtre monte au front, op. cit., p. 141-146.
23 La censure, à Paris, veille à limiter l’insulte à l’ennemi. Les revues ne se privent pas du reste d’ironiser sur cette restriction ; ainsi les chansonniers du prologue d’une revue de 1915 du Moulin de la Chanson, de retour d’une prétendue entrevue à la Préfecture de Police, remplacent toutes les allusions blessantes au Kronprinz, au Kaiser et au Boche par des « tralala », afin de conserver « les traditions de courtoisie internationale » de « la France toujours chevaleresque » (Elle est en or, manuscrit dactylographiée, APP, BA 842, f. 2-3).
24 Péaud G. et Rivet E., C’est beau… mais…, revue d’actualités en 3 actes et un prologue créée au front le 23 décembre 1915 à Beaumetz-les-Loges, Nantes, Imprimerie armoricaine, 1916, p. 24.
25 Voir Courmont J., L’Odeur de l’ennemi. L’imaginaire olfactif en 1914-1918, Paris, Armand Colin, 2010.
26 Deyrmon J., K… rabistouilles, Moulin de la Chanson, 1915, APP, BA 842, f. 37-38.
27 Rip [George-Gabriel Thenon, dit], L’École des civils, op. cit., p. 54.
28 « L’Antiboche », monologue comique de Quinel C., Moreau H. et Briollet P., Quinel C. et Moreau H., La Revue tricolore (Moulin Rouge, 28 janvier 1915), manuscrit, APP, BA 842, 4e tableau, non paginé.
29 Ibid.
30 Dreyfus R., Petite histoire de la revue de fin d’année, op. cit., préface, p. XIII-XXIII.
31 Made in Germany ! !…, revue patriotique d’actualité en un prologue et trois actes, municipal de Digne, 15 mai 1915, Dijon, impr. Chaspoul, s. d., p. xiv.
32 Rip [George-Gabriel Thenon, dit], L’École des civils, op. cit., p. 93-99.
33 1915 et L’École des civils comportent chacun un « ballet-pantomime », intitulé respectivement « Le palais du Grand Mamamouchi » et « Le coup manqué », qui travestit l’actualité internationale sur le mode de la turquerie ou de la commedia dell’arte. Les illustrations caricaturales des textes publiés permettent du reste l’identification immédiate des belligérants, au moyen de leurs attributs allégoriques habituels.
34 [Rip], « Scène » de 1915, APP, BA 842, feuillets intercalés entre f. 6 et f. 7. La scène, jouée à la création (voir Schneider L., « Les Premières », Le Gaulois, 6 octobre 1915), n’a pas été recueillie dans l’édition de 1915.
35 Ainsi, en 1915, dans La Revue de l’Olympia, Chut (Artistic Concert), Vas-y Tommy (Concert Le Peletier), Oh ! là, Allah ! ! ! (Moulin de la Chanson), APP, BA 842 ; voir aussi par exemple Rip, L’École des civils, « Scène du pacifiste américain » (op. cit., p. 165 sq.).
36 Eddy M. et Rumac M., « Scène américaine » nouvelle pour Et vlan ! (théâtre Rousselle, décembre 1918), APP, BA 837, f. 20.
37 Rodac et Marco J., Sous toute réserve !, revue en 2 actes et un prologue, « d’Hondt », [aux Armées, 29 juillet 1917], Lyon, impr. de A. Rey, 1917, p. 51-52.
38 May J. de, « Oui… mais… Sidi Kabyle Mieux », addition à la revue Y a pas de paix, 1917, APP, BA 855.
39 Eddy M. et Rumac M., « Scène américaine » nouvelle pour Et vlan !, manuscrit cité, f. 27.
40 Voir Mémoire de la chanson. 1100 chansons, du Moyen Âge à 1919, réunies par Pénet M., Paris, Omnibus, 1998, p. 1189-1190.
41 Eddy M. et Rumac M., manuscrit cité, f. 28.
42 Sur la danse du ventre, voir Décoret-Ahiha A., Les Danses exotiques en France, 1880-1940, Pantin, Centre national de la danse, 2004, p. 26-33.
43 Danseuse orientale très célèbre depuis l’Exposition universelle de 1889, la Belle Fatmah plus tard un nom générique pour cette catégorie d’artistes.
44 Premier régiment de marche de Zouaves, C’est à Schlitter partout ! ! !…, deuxième revue de « la Chéchia » en 1 acte et 3 tableaux, Aux armées, janvier 1916, p. 60-62.
45 La Revue de l’Olympia, mai 1915, APP, BA 842, f.
46 Ça marche !, revue de l’Olympia, 1915, APP, BA 842, f. 3 et 5.
47 Rip [George-Gabriel Thenon, dit], 1915, op. cit., p. 6.
48 Ibid.
49 Paroles Boyer L., musique Valsien A., Paris, Vve Charles Mayol éditeur & Édition Mayol, 1913.
50 Made in Germany!!…, op. cit., p. iv.
51 Paroles de Rodor J., musique de Scotto V.
52 Schneider L., « Les Premières », Le Gaulois, 29 juillet 1917.
53 Boyer L., Willemetz A. et Battaille-Henri, La Revue du Vaudeville, 1917, manuscrit dactylographié, APP, BA 855, f. 19-21.
54 C’est le cas du compère de 1915 (op. cit., p. 10) ; dans une revue du Moulin de la Chanson de 1915, le compère Tommy Atkins a pour sa part fait ses études… au Moulin-Rouge (Lhéry J., La Revue du Moulin, manuscrit dactylographié, APP, BA 842, f. 7).
55 C’est le cas dans les deux revues précédemment citées.
56 Boyer L., Willemetz A. et Battaille-Henri, La Revue du Vaudeville, manuscrit cité, 2e tableau.
57 Ainsi dans Chut (Artistic Concert, 1915, APP, BA 842).
58 La Revue de l’Olympia, mai 1915, manuscrit cité, prologue ; Quinel C. et Moreau H., La Revue tricolore, manuscrit cité, sc. 5.
59 Rip [George-Gabriel Thenon, dit], 1915, op. cit., p. 97-105.
60 La Revue du Moulin, 1915, manuscrit, APP, BA 842, f. 51-59 ; Revue des Ambassadeurs, manuscrit, APP, BA 842, f. 10-12, 85-99.
61 Ibid., f. 109-124.
62 Ces passages sont biffés dans le manuscrit de la Préfecture de police.
63 Voir par exemple les compliments adressés à La Revue de Marigny de Rip, en 1916, le chroniqueur de La Rampe, G. Schmitt : « Il faut noter cependant dans cette revue un grand effort vers l’art essentiellement français. Plus de girls, plus de danses à musiques exotiques, plus de décors baroques, mais des artistes français, des danses françaises, des décors français et surtout des costumes français » (« Concerts et music-halls », 25 mai 1916, p. 11).
64 Chanson de V. Scotto sur des paroles de G. Koger et H. Varna, créée dans la revue Paris qui remue (Casino de Paris).
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